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Sacrifice

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Lesacrifice (étymologiquement« fait de rendre sacré » ; dulatinsacrificium, desacer facere) désigne une offrande, en particulier de la nourriture, des objets voire des vies humaines ou animales, à une ou plusieursdivinités.

À l'origine, le terme de sacrifice s'emploie pour une grande variété d'actes. Habituellement, il est surtout utilisé pour les sacrifices sanglants. Dans le cas d'offrandes de nourriture ou de liquide, on parle desacrifice non sanglant oulibation, et, dans le cas d'une portion du sol, d'inauguration. Le terme est également passé dans lelangage courant pour désigner le fait de détruire ou laisser détruire stratégiquement une partie d'un ensemble en vue d'un objectif global jugé plus important : lesacrifice aux échecs, qui consiste à donner un pion, une pièce ou une qualité pour obtenir l'avantage, sacrifier une escouade afin de gagner notamment une bataille ou uneguerre, ou au travail, et aux études.

Sacrifice animal

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Dans de nombreuses sociétés, comme celles deGrèce, les animaux jouent un rôle d'intercesseur avec les divinités, par le biais du sacrifice.

Hindouisme

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Dans des textes duVeda tels que leYajur-Véda (TS 7.1-5, VSM 22–25) et leRig-Véda (RV 1.162-163), on trouve mention de l'ashvamedha, sacrifice ducheval ensanskrit[1].

Dans laManusmṛti :« Tuer dans le sacrifice n'est pas tuer. Les plantes, bêtes domestiques, les arbres, les quadrupèdes et les oiseaux qui meurent pour le sacrifice accèdent à une vie supérieure par la suite. […] Lahiṃsā [violence] telle qu'elle est enjointe par le Veda, strictement appliquée aux êtres mobiles et immobiles, n'est rien d'autre que l'ahiṃsā : c'est le Veda en effet qui fait connaître ledharma[2]. »

Présentation du taureau à sacrifier. L'exécutant (popa ouvictimarius), debout du côté gauche (pars sinistra) de la victime, torse nu, tient la "hache pontificale" (securis pontificalis ousacena[3]) avec laquelle il va abattre la victime d'un coup frappé sur la tête, qui doit s'effectuer sans douleurs et cris impies et de mauvais augure, et le couteau (secespita) destiné au dépeçage de l'animal mort dont les chairs seront distribuées et les viscères inspectés. Relief duthéâtre antique de Sabratha en Libye. Fin duIIe siècle.
L'empereurMarc Aurèle préside à un sacrifice. Le victimaire placé du côté gauche (sinistre) de la victime porte lasacena, composée d'une hache et d'un marteau, avec laquelle il doit abattre la victime immédiatement, sans douleurs ni cris impies, d'un coup porté sur l'occiput de l'animal. Leflamen reconnaisable à sonalbogalerus orné d'une pointe (apex), est debout à droite (pars dextra) de l'animal.
Sacrifice pour le triomphe de Tibère. Le victimaire frappe la victime à la tête avec la "sacena" ou hache pontificale, tandis qu'un aide agenouillé tient unesecespita avec laquelle, après l'abattage, il va ouvrir la victime pour en extraire les "exta" destinés à être examinés par les haruspices, puis la dépecer pour en distribuer les chairs.
La tradition de l'abattage rituel romain d'un coup sur la tête avec la hache pontificale, sans souffrances animales de mauvais augure, est restée en usage traditionnel dans les abattoirs en Europe occidentale. Un boucher abat un bœuf au moyen d'un instrument ressemblant à lasacena, gravure du XVIe siècle.
Denier de Jules César. Au revers, les instruments pontificaux dupontifex maximus : simpulum, aspersoir (aspergillum), hache pontificale (securis pontificalis[4] ousacēna[5] ouaciēris[6], avec laquelle la victime était abattue d'un coup porté à la tête), et bonnet (albogalerus) avec l'apex des flamines. Un vase sacré (praefericulum) surmonte lasacena.

Il existe deux formes de sacrifice dans l'hindouisme populaire : leyāta est la mise à mort par décapitation ; lekorata désigne aussi bien l’empalement de l'animal que son éventrement ou son égorgement[7].

Bouddhisme

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Avec lebouddhisme, conformément à la doctrine de l'Ahimsâ (non-violence, premier desCinq Préceptes bouddhiques), le sacrifice sanglant perd la valeur rituelle qu'il avait dans levédisme. Le sacrifice est condamné comme une « chose mauvaise », cause de démérites[8] et levégétarisme bouddhique est encouragé, sans être pour autant obligatoire.

Grèce et Rome antiques

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Articles détaillés :Religion grecque antique (culte),Iphigénie à Aulis,Iphigénie etBacchantes.

Grèce

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Dans lamythologie grecque, c'est pour ne pas avoir sacrifié tous les nouveau-nés de l'année de son troupeau aux dieuxApollon etPoséidon, qui pourtant lui avait bâti une enceinte inexpugnable, que le roi de la ville deTroie,Laomédon, et ses sujets connaîtront leur courroux[9]. Lasphagia est un sacrifice (par égorgement) d'un animal avant le début d'une bataille : la façon dont s'écoulait le sang présageait de l'issue de l’affrontement.

Lethéâtre grec antique témoigne de l'importance du sacrifice dans la vie de la cité. Selon l'avis deThéophraste, qui a traité des sacrifices dans diverses nations, il ne faut sacrifier que ce sur quoi les théologiens sont d'accord ; moins nous aurons soin de nous dégager de nos passions, plus nous dépendrons des mauvaises puissances, et plus il sera nécessaire de leur sacrifier pour les apaiser ; on sacrifie aux dieux avec l'intention de leur prouver le respect que l'on a envers eux, ou pour leur exprimer sa reconnaissance, ou enfin dans le but d'obtenir d'eux les biens dont on a besoin. L'eau est première dans lesliturgies sacrificielles, avant lescéréales ou autres graines à jeter sur l'animal sacrifié[10].

Les Samnites

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Tite-Live raconte le cas d'un sacrifice monstrueux fait par lesSamnites à l'époque de laguerre contre les Samnites vers298 av. J.-C.

Lors de cette guerre, les jeunes nobles Samnites amenés près desautels où l'on sacrifiait des animaux devaient se dévouer aux dieux infernaux au cas où ils n'iraient pas combattre et ceux qui refusaient de prêter ce serment étaient égorgés devant les autels et leurs cadavres mêlés à ceux des animaux sacrifiés[11].

Le sacrifice est monstrueux sur ce point que des victimes humaines et animales sont abattues côte à côte[12]. PourTite-Live,Romain attaché à l'antiquepietas, il s'agit là d'un crime abominable et barbare[13],nefandum sacrum[14] qui met leius et lefas du côté des Romains.

Rome

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ÀRome, les comptes-rendus desfrères Arvales constituent une des sourcesépigraphiques les plus précises en matière de sacrifices[15]. LeSuovetaurile, sacrifice majeur, offrait trois victimes mâles, unverrat (sus), unbélier (ovis) et untaureau (taurus).

Abattage rituel romain
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Dans l'abattage rituel romain[16], le prêtre officiant tenait l'animal du côté droit et l'exécutant ou victimaire (popa ouvictimarius) se tenant debout du côté gauche (pars sinistra[17]) abattait la victime en la frappant sur la tête[18] au moyen d'unmaillet (malleus) ou de lasacena ouhache pontificale (securis pontificalis)[19] appelée aussiaciēris[6]. L'animal, pour éviter l'impiété et les mauvaisprésages, devait être abattu d'un seul coup[20] sans gémissements et sans souffrances impies, sinon il était considéré comme de mauvais augure et sachair ne pouvait être consommée. Son corps préalablement inspecté et sa gorge devaient rester intacts. L'animal devait avancer tranquillement, sans résistance et sans violence vers l'autel. S'il émettait un cri de douleur (ululatum emisisset) après que le victimaire l'avait abattu, ou s'il tombait du mauvais côté sur le flanc gauche (latus sinistrum)[21] les Romains croyaient qu'il annonçait de mauvais présages et que la victime avait été immolée contrairement à la volonté des Dieux[22]. Après le sacrifice, le victimaire au moyen du couteau[23] rituel (secespita) ouvrait l'animal pour permettre l'inspection desviscères (exta) par lesharuspices, puis offrait et partageait les chairs aux dieux et aux hommes.

Dans la Bible

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Après le sacrifice de la fille deJephté par son père[24], la substitution d'un bélier àIsaac, lors du« sacrifice » d'Abraham, marque l'abandon des sacrifices humains par la civilisation naissante. Les sacrifices rituels d'animaux prescrits aupeuple d'Israël font l'objet de nombreux versets duLévitique.

Pour leschrétiens,Jésus-Christ s'est sacrifié lui-même pour sauver le genre humain, tel que cela est relaté dans plusieurs versets duNouveau Testament. La théorie mimétique de l'anthropologueRené Girard, dans son développement, en vient à distinguer le sacrifice primaire (une collectivité met à mort une victimaire émissaire) d'un sacrifice secondaire (inauguré par lesprophètes, achevé par Jésus dans une version considérée comme parfaite et imité par lesmartyrs), avec ceci d'intéressant que le secondaire révèle l'existence du primaire. En prédisant son proprelynchage émissaire et en acceptant d'être la victime des peuples de son temps (et d'un point de vue anthropologique de toute l'humanité), Jésus révèle le mécanisme émissaire en place depuis l'apparition d'homo sapiens voire des espèces humaines précédentes. LeDieu deschrétiens refuse les sacrifices alors que les dieuxpaïens multiplient lesmeurtres eux-mêmes et en réclament dès qu'ils se sentent offensés, ou plus exactement quand des membres de la communauté onttransgressé des interdits.

Quoique les modernes sachent bien que lesboucs émissaires sont innocents, cette innocence étant même intégrée dans la signification de cette locution, il s'agit d'une révélation pour les contemporains de Jésus : les« Grecs » (ou lespolythéistes) ne savent pas qu'ils produisent des sacrifices pour réguler la violenceprofane et pacifier les relations ; de leur point de vue, celui que nous autres modernes appelons « bouc émissaire » est coupable. Jésus renverse la façon de voir la scène du sacrifice et fait passer d'une victime active avec une foule passive à une victime passive avec une foule active. La célébration de l'Eucharistie, qui réitère la mort et larésurrection de Jésus, est dénommée dans le monde catholique « Sacrifice non sanglant ».

Jésus dans l'évangile selon Mathieu condamne le sacrifice des animaux[25].

  • « 9.13 : Allez, et apprenez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »
  • « Mais si vous saviez ce que signifient ces paroles : je veux miséricorde, et non pas sacrifice, vous n'auriez pas condamné ceux qui ne sont point coupables. »

Néanmoins, toujours dans l'évangile de Matthieu, Jésus autorise desdémons à prendre possession d'un troupeau deporcs pour épargner des hommes que ces démons possédaient alors[26].

  • « 8. 28 à 32 :

28 Lorsqu'il fut à l'autre bord, dans le pays des Gadaréniens, deux démoniaques, sortant des sépulcres, vinrent au-devant de lui. Ils étaient si furieux que personne n'osait passer par là.

29 Et voici, ils s'écrièrent : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Fils de Dieu? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps?

30 Il y avait loin d'eux un grand troupeau de pourceaux qui paissaient.

31 Les démons priaient Jésus, disant : Si tu nous chasses, envoie-nous dans ce troupeau de pourceaux.

32 Il leur dit : Allez! Ils sortirent, et entrèrent dans les pourceaux. Et voici, tout le troupeau se précipita des pentes escarpées dans la mer, et ils périrent dans les eaux. »

Cependant, même si ce passage ne parle pas d'un sacrifice au sens d'offrande à une divinité particulière, il peut s'en rapprocher par les méthodes et la finalité (la mort animale autorisée par un personnage se disant divin ou proche d'une divinité).

Islam

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L'aïd el-Kebir qui commémore le sacrifice (ouDhabiĥa) d'Ibrahim est la fête musulmane la plus importante. À la différence que chez lesmusulmans, il s'agit d'Ismael et non d'Isaac qui aurait été mené pour être sacrifié. Elle marque chaque année la fin duHajj (pèlerinage àLa Mecque), le dernier mois ducalendrier musulman. Chaque famille musulmane, dans la mesure de ses moyens, sacrifie unmouton, ou un autre animal, en l'égorgeant couché sur le flanc gauche et la tête tournée vers La Mecque.

Extrait duCoran, sourate II, 196 :

« Et accomplissez pour Dieu le pèlerinage et l'Umra. Si vous en êtes empêchés, alors faite un sacrifice qui vous soit facile. [...] Quand vous retrouverez ensuite la paix, quiconque a joui d'une vie normale après avoir fait l'Umra en attendant le pèlerinage, doit faire un sacrifice qui lui soit facile. S'il n'a pas les moyens, qu'il jeûne trois jours pendant le pèlerinage et sept jours une fois rentré chez lui, soit en tout dix jours. [...]. »

Vaudou

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LeVaudou encore appelé culte desOrisha chez lesYoruba, représente un objet dans le quel une divinité est incarnée. Donc le sacrifice dans ce culte des ancêtres enAfrique noire est effectué selon la demande de chaque divinité. Principalement nous avons 5 divinités dont celui qui gouvernent l'air, l'eau, la terre, le feu et la connaissance ( ana ). Tous les 5 principaux divinités sont nommées selon chaque langue locale.

Pour la grande race des Ewé le sacrifice est effectué par Togbui, Hũ Sĩ ou Hũ Ga qui représente le prêtre ou la prêtresse d'une divinité après avoir consulté le Fa qui est une base fondamentale dans l'adoration chez les Ewé encore appelé Hamu. On dédit soit même comme premier sacrifice à l'être suprême qui a en son sein l'énergie de l'homme et la femme. Puis vient la libation[27]. Après il y a le sacrifice de farine, sacrifice d'animaux, d'oiseaux, de céréales, tubercules, fruits etc... Les cérémonies sordides démontrent la véritable face de ceux qui n'ont pas le don d'exercer cette activité noble de prêtre ou de prêtresse et qui sont parfois convoqués devant une juridiction légales pour qu'ils répondent de leur actes[28]. Le sacrifice humain est une malédiction dans le culte des ancêtres ou du vaudou cependant en opposé il existe des esprits maléfiques qui réclament le sacrifice humain et la malédiction s'abbat sur ceux qui font ce pratique quelques soit leur protection vis à vis de la nature humaine.

Le sacrifice sert d'offrande pour appaiser les esprits en colère parfois contre les actes souillé envers les divinités ou les principes de la nature. Pour demander la faveur d'une divinité on lui offre un offrande qu'il désir afin de bénéficier sa bénédiction ou protection. Lors des fêtes traditionnelles l'offrande est primordiale pour réjouir et accueillir l'esprit des ancêtres avant le démarrage de toutes activités comme celui exécuté lors de la fête du vaudou au Bénin[29].

Sacrifice humain

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Article détaillé :Sacrifice humain.
LesCeltes pratiquaient le sacrifice humain parimmolation dans le feu ou noyade dans de grands récipients, comme l'illustre peut-être le panneau duchaudron de Gundestrup qui montre un dieu à taille humaine plongeant un guerrier la tête la première dans un chaudron[30].

L'origine dessacrifices humains est inconnue mais pourrait remonter au moins aupaléolithique supérieur[31]. Il semble cependant que les pratiques sacrificielles ont toujours été hiérarchisées et que le sacrifice humain était le dernier et le plus puissant recours en cas dedétresse extrême. Au sein des sacrifices humains, il existait également une gradation, le sang d'unesclave ennemi n'ayant pas la même valeur sacrificielle que celui d'unfils de roi. Lorsqu'une société se sent forte, elle peut bannir ces sacrifices humains dont elle ne ressent plus le besoin, mais cela ne l'empêche pas pour autant de renouer avec cette pratique lorsqu'elle se retrouve menacée.

Actuellement, plus aucune des principales religions ne pratique lesacrifice humain en tant querite. Cependant, certains comportements contemporains aboutissant à la mise à mort d'êtres humains, comme lapeine de mort, bien que non reliés à une pratique explicitement religieuse, sont parfois analysés comme des sacrifices humains sociétaux.

Meurtre rituel

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Les premières traces demeurtre rituel remonteraient aupaléolithique et seraient un vestige d'unculte descrânes. Les participants en extrayaient lamatière grise pour s'en nourrir au cours d'unbanquet rituel. En fait, on sait peu de choses sur lesreligions préhistoriques. Les rares témoignages sont difficiles à interpréter. Dans un premier temps, il est possible que ces crânes vidés de leur substance fussent ceux des défunts de la communauté, dont on absorbait l'âme. Mais certainescivilisations montrent des sujets jeunes présentant les mêmes blessures. L'anthropophagie rituelle fascine lesethnologues et lesanthropologues qui la rencontrent enOcéanie, enAfrique et dans le Nord de l'Amérique latine et enEurope. L'étude de l'une de ces civilisations a permis récemment de comprendre les causes d'uneencéphalopathie transmissible, lekuru, proche de lamaladie de Creutzfeldt-Jakob.

Sacrifice de l'ennemi

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Sacrifice aztèque,Codex Mendoza.

C'est une part debutin qui est ainsi offerte aux dieux, et une façon de s'approprier la force de l'ennemi. Presque toutes les civilisations primitives ou archaïques l'ont pratiqué. Les sacrifices humains sont attestés chez lesGaulois par les fouilles des puits sacrificiels.

SelonHernán Cortés (conquistador espagnol), lesAztèques offraient ainsi des milliers deprisonniers de guerre[32] dont lecœur était arraché pour nourrir lesoleil et lui donner la force de se lever chaque jour. Le corps des prisonniers était réparti et partagé entre tous les habitants.

Sacrifice des enfants

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Massacre des innocents par Giacomo Paracca, 1587.

En face du sacrifice de l'ennemi, d'autres civilisations ont préféré le sacrifice desenfants, êtres innocents par excellence. Nombre decosmogonies, telle celle deCronos présentent le récit d'un dieu dévorant ses enfants. Dans laPalestine ancienne, les cultescananéens virent perdurer le sacrifice des enfants jusqu'au premier millénaire avant l'ère chrétienne. Ce sacrifice est appelé MLK, royal, d'où laBible a tiré l'idée fausse du culte de Molok (Moloch). En fait, le sacrifice s'adressait àBaal,divinisation du pouvoir politique. On s'accorde donc à dire aujourd'hui que lemolek n'était pas une divinité mais le nom du rite sacrificiel. LesPhéniciens sacrifiaient ainsi des enfants au dieuBaal, lesCarthaginois àBa'al Hammon et/ou àTanit pour obtenir la faveur du dieu, ou à Tanit seule lors de rites defécondité.

AuMoyen Âge, spécialement pendant les épidémies depeste noire, lesJuifs étaient facilement accusés de sacrifier des enfants chrétiens, et souffraient souvent de ces accusations (voiraccusation de crime rituel contre les Juifs). Laligature d'Isaac dans lejudaïsme et l'Aïd al-Kebir dans l'islam commémorent l'abandon du sacrifice des enfants en leur substituant un bélier, animal de grand prix car reproducteur. On sacrifie donc une source de revenus monétaires dans une civilisation où le numéraire est rare. Au « sacrifice d'Isaac » parAbraham répond le sacrifice dela fille deJephté, en accomplissement d'unvœu plus général, et pour laquelle aucune substitution n'est réalisée. La littératuretalmudique reproche abondamment à Jephté l'accomplissement du vœu qu'il avait formulé[33]. La critique exprimée par lemidrach touche également le prêtrePinHas, qui aurait dû contribuer à l'annulation de ce vœu contraire à laloi juive[34].

Lamythologie grecque connaît deux traditions narratives dusacrifice d'Iphigénie.Racine nous transmet celle où aucune substitution n'est nécessaire. Dans un autre récit, unebiche survient au dernier moment et de sacrifiée, Iphigénie devient sacrificatrice en immolant la bête. Préposée au sacrifice des prisonniers étrangers, elle refusera de sacrifierOreste, son frère, déclarant qu'il suffisait de lepurifier. Son geste symbolise la fin du sacrifice humain dans laGrèce ancienne.

Typologie

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Dans le monde indo-européen

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SelonJean Haudry, il existe dans le monde indo-européen deux formes principales de sacrifice aux dieux célestes : la forme ancienne dans laquelle les dieux descendent sur l'aire sacrificielle, la forme récente dans laquelle l'offrande monte jusqu'à eux. L'Indevédique connaît les deux formes. La Grèce et Rome gardent des résidus de la pratique ancienne[35]. La forme ancienne était la forme normale du sacrifice dans le monde germanique. Ainsi selonJan de Vries, « la fête rituelle était un repas pris en commun avec les dieux »[36].

Les types de sacrifice dans l'Ancien Testament

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Divers types de sacrifices sont décrits dans laBible.

« Le prince se chargera des holocaustes, de l'oblation et de lalibation pendant les fêtes, lesnéoménies, lessabbats et toutes les assemblées de lamaison d'Israël. C'est lui qui pourvoira au sacrifice pour le péché, à l'oblation, à l'holocauste et aux sacrifices de communion pour l'expiation de la maison d'Israël. » (Ézéchiel,Ez 45,17, trad.Bible de Jérusalem) »

Ils sont réalisés de différentes manières. Par exemple, l'holocauste et le sacrifice d'oblation sont totalement consumés, alors que lors du sacrifice de communion, les parties non consumées sont partagées entre les offrants et que lors du sacrifice pour lepéché, les restes sont jetés à l'extérieur dusanctuaire[37].

Offrande

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Préparatifs d'un sacrifice, Rome,IIe siècle.

D'une façon la plus commune, le sacrifice est undon fait au(x) dieu(x) ou esprit(s), une offrande ; on parle alors de sacrifice « latreutique ». S'il est donné aux fins de rendre grâce pour un bienfait passé, il est dit « eucharistique ». Enfin, s'il est donné en vue d'obtenir d'autres bienfaits, il est dit « impétratoire ». Le destinataire peut être uneentité précise et déterminée, un groupe d'entités, voire une entité inconnue de celui qui fait le sacrifice (cas des abandons de choses à l'extérieur).

Un tel sacrifice-donation doit évidemment porter sur des objets adaptés au donataire :

  • un animal sans défaut (ainsiLévitique XVI, 20-28 définit lebouc émissaire)
  • ou inversement, un individu portant la marque divine, sous forme d'une couleur ou d'un défaut rare et spécifique).

Il peut être accepté ou refusé (par exemple : lefeu qui doit consommer l'objet ne prend pas). Des spécialistes sont chargés de déterminer ce qu'il en est et comment cela doit être interprété, notamment par rapport aux événements futurs.

Apothéose

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Suttee : épouse sur le bûcher près du cadavre de son mari

Plus rarement, le sacrifice est explicitement unedivinisation, uneapothéose, et donc un véritable « cadeau » non pas aux dieux mais à la chose ou personne sacrifiée. Les pratiques funéraires relèvent de la même logique, le défunt rejoignant le monde des « esprits », bien que cela soit maintenant assez implicite et que le lien avec la divinité soit moins vu. Les pratiques funéraires incluent parallèlement à ce sacrifice-apothéose des offrandes de choses propres au défunt (armement, bijoux, objets quotidiens…). La frontière entre les deux types de sacrifice peut d'ailleurs s'estomper dans ce cas : autant le sacrifice du cheval ou du bateau du défunt est clairement une donation, autant le sacrifice de laveuve (connu de nombreuses civilisations, et qui subsistait enInde au moins jusqu'auXIXe siècle :sati) est plus ambigu, et variable selon la place de lafemme dans la société (c'est-à-dire si les femmes sont ou non dotée d'une « âme », une capacité à passer dans le monde des esprits comme une personne à part entière).

Enfin, et plus communément, si l'apothéose consacre (littéralement) lesvertus du défunt, le sacrifice peut être suscité par les défauts (réels ou supposés) de la victime, ce qui la transforme en une sorte dedémon. L'ironie et l'ambiguïté de la chose est que les survivants en déduiront (ou conforteront) des règles sur les comportements adéquats, dont le démon incarne l'opposé, ce qui fait de lui à la fois une force négative et l'origine de l'ordre. Ainsi le démon devient-ildieu, par une sorte d'apothéose inverse. EnAmérique du Nord, lesNatchez pratiquaient des sacrifices humains à l'occasion des funérailles de leur Grand Soleil ou de leur Grande Reine[38].

Profanation

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Espace sacré

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Dans les sociétés anciennes, le trait de sillon s'accompagne d'unsacrifice le plus souvent humain. Ainsi s'interprète le meurtre deRémus parRomulus (source : école américaine).La disposition dutemple se conçoit donc comme un intérieur et un extérieur géographiques matérialisant la séparationcosmologique dueux (les impurs) contrenous (les purs, les intègres). Dans ce sens, tous les groupes fortement intégrés reposent sur des mécanismes dediscrimination.

« Ils ne peuvent exister sans ennemis ni victimes sacrificielles et dépendent donc de la répétition constante du mensonge sur l'ennemi s'ils veulent parvenir à un degré de stress autogène nécessaire à la stabilisation interne. […] Il n'est nul besoin de croire auxdieux ; il suffit de se rappeler la fête meurtrière constitutive pour savoir en quoi ils nous concernent. Le souvenir angoissé d'un crime caché est ce qui constitue la religiosité profonde des cultures anciennes ; dans cette ambiance religieuse, les peuples sont proches des mensonges et des spectres qui les fondent.Dieu est l'instance qui peut rappeler à ses adeptes le mystère occulté de lafaute. »

— Peter SloterdijkFinitude et ouverture - vers une éthique de l'espace -330e conférence de l'université de tous les savoirs donnée le 25 novembre 2000)

Bouc émissaire,sculpture enbronze de Chr. Jongen, 2012

Peter Sloterdijk[39] désigne alors une telle tribu comme « utérotechnique ». Est diteutero-technique une société refermée sur elle-même, que cet enfermement soit matériel, intellectuel ou spirituel. Le confort d'une telle société est dû à la relation dumême au même et maintenue par une classe deprêtres assumant la royauté. Peter Sloterdijk expose qu'un tel confort, quand il se perd, par l'introduction de nouvelles manières de produire ou plus généralement de nouvelles idées dégénère enconformisme. Il devient alors nécessaire d'expulser l'intrus, désigné par lesaugures, c'est-à-dire les prêtres. Le sacrifice apparaît, dans ce cadre, comme un effort pour expulser lemal de l'espace intérieur de lacommunauté. Elle produit un effet momentané d'extension de lasphère d'influence de celle-ci au moyen de l'établissement d'une distance symbolique, vécue comme un espaceimmunitaire, unedistance de sécurité entre et le groupe et celui ou ceux qui en sont exclus. Les exclus sont supposés l'avoircorrompu tandis que le mondeintérieur délimité par lesfossés etmuraillesmoraux est supposépur ouintègre.

L'expulsion dubouc ou son sacrifice produisent une élimination de la tension auto-stressanteendogène pendant la période précédant le sacrifice. Unepéricope duNouveau Testament décrit ce phénomène : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants » (Malédiction du sang, selonMatthieu[40]). Si, dans le contexte de la pensée de l'Ancien Testament, lesang appartient à Dieu comme siège du principe devie, dans ce type de sacrifice, le point d'application devient tout à faitimmanent. Il purifie les instigateurs du meurtre rituel. Il constate la permanence de ce phénomène dans des sociétés supposées « modernes » où lemeurtre, à défaut l'expulsion, ressoude une société quand elle ne parvient pas à résoudre ses proprescontradictions et se croit alors menacée par un « ennemi de l'intérieur » (exemple : l'immigration clandestine, stigmatisée comme une invasion, mais qui, parce que clandestine, ne peut être réellement dénombrée ; faute derecensement exact d'un point de vue scientifique, son importance est mesurée à l'aide d'un instrument de mesure non fiable : lefantasme de la perte d'identité)[réf. souhaitée].

Exauguration

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Le processus inverse (du monde divin au monde des hommes) est possible, soit « naturellement » (terme moderne, qui n'a évidemment pas de sens dans une cosmologie où le divin estomniprésent), soit à l'initiative des hommes ; dans ce cas, il convient de respecter des règles précises, sinon c'est uneprofanation (littéralement : un retour au mondeprofane). Ainsi, chez lesRomains, une chose donnée aux dieux peut, exceptionnellement, être rendue aux hommes par uneexauguration. On peut se référer à ce propos au discours deCicéron,Pro domo : lorsque Cicéron est exilé, Clodius rase sa maison afin d'en faire untemple àMinerve (dans ce cas, le sol est consacré). Cicéron conteste cependant la régularité de cette cérémonie et veut y remédier par une exauguration.

Martyre

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Sens dans le christianisme

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Jésus de Nazareth s'est sacrifié sur laCroix pour sauver le genre humain[41].

L'Eucharistiecatholique, laSainte-Cèneprotestante, célèbrent le sacrifice, la mort et larésurrection duChrist ; c'est uneaction de grâce ; il est donc aussi appeléSaint-Sacrifice et « sacrifice non sanglant » (voir supra). Lathéologie chrétienne, néanmoins, réprouve lesuicide, et tout acte de provocation conduisant autrui à nous tuer : si lemartyre est saint, rechercher le martyre est au contraire unpéché, voire une tentation démoniaque.

Sens dans l'Islam

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Si lesunnisme se méfie du martyre (qu'il distingue du sacrifice), lechiisme développe fréquemment une conceptionchristique du sacrifice[42].

Sens en politique

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Les 6 000 compagnons deSpartacus crucifiés en 71 avant Jésus-Christ, piteux restes de sa glorieuse armée d'esclaves et de fuyards, ne sont aux yeux du pouvoirromain que des esclaves révoltés ayant reçu leur juste châtiment. L'interprétation révolutionnaire les concernant n'interviendra qu'au début duXXe siècle quandRosa Luxemburg (1870-1919) etKarl Liebknecht (1871-1919) en feront les héros dupeuple et les martyrs de laliberté sacrifiés par unÉtat répressif, figure moderne duMoloch antique.

Notions connexes

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La tentative d'extermination (parmi d'autres groupes) des juifs durant laSeconde Guerre mondiale a été nommée « Holocauste ». Cette appellation induit que cegénocide peut être vu comme un sacrifice à larace qui serait l'entité divine dunazisme. C'est pourquoi le terme d'« holocauste » a été rejeté au profit du mot « Shoah » qui signifie« cataclysme ».

Certainssuicides présentés sous forme de protestation politique peuvent être assimilés à des sacrifices : par exemple,Jan Palach lors de la Révolte dePrague ; et desbonzes se brûlant durant laguerre du Viêt Nam. On[Qui ?] peut s'interroger sur lapeine de mort dans les sociétés modernes. Celle-ci, née de laloi du talion (une vie pour une vie), pourrait être vue comme un sacrifice auxmânes de la victime.

Analyse sociologique

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Don et contre-don

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Le sacrifice peut se comprendre comme unéchange entre les hommes qui le pratiquent et les puissances divines qui le reçoivent. Dans lessociétés primitives, non monétaires, tout commerce suppose un échange, dons contre dons, à proportion de la situation et de la qualité des personnes engagées dans l'échange. « Do ut des », je donne pour que tu donnes, selon la formulelatine bien connue. Le don n'est jamais gratuit mais s'effectue selon des codessociaux précis et réglés par latradition.

Il en va de même dans l'échange entre hommes et puissances divines. De même que leslangues anciennes n'ont pas de mot pour désigner la« religion » en soi, comme une activité et surtout uneidéologie, séparée du reste des activités humaines, le sacrifice, ou ce que nous nommons tel, est d'abord à comprendre dans le cadre plus large des règles de l'échange et du fonctionnement desrelations sociales. Lesdieux étant les plus puissants des êtres, la communication et l'échange avec eux sont régis par des règles certes spéciales mais qui doivent s'entendre dans un cadre plus large donc. Plus une personne est puissante et haut-placée, plus elle est censée répondre au don par uncontre-don encore plus prestigieux et de plus haute valeur. On[Qui ?] offre aux dieux le meilleur parce qu'on attend en retour des dons inestimables, lapluie, de bonnesrécoltes, la victoire, lapaix, laprospérité, lasanté.

En latin, « sacrifier » veut dire faire passer dans le monde dusacré un objetprofane, généralement par une forme de destruction (mais pas nécessairement, que l'on songe aux dédicaces, objets votifs etex-voto de toutes sortes). Cette définition peut être généralisée ;thysia, le sacrifice est un mot de la même racine quethyein (brûler) etthyo (encens,parfum). Il n'a un sens« technique » et religieux que secondairement. « Sacrifier », c'est faire monter une fumée d'agréable odeur vers les dieux, comme il est également dit dans laBible.

Le sacrifice étant un échange, il est un partage. Une des formes est donc le repas sacrificiel où la victime est« sacrifiée » puis consommée de concert entre Hommes et Dieux, chaque partie recevant sa part, différence qui marque la séparation en leCiel et laTerre mais aussi leur communion. Le sacrifice doit donc s'entendre comme une frontière, mais une frontière où l'on se rencontre et où l'on échange, aux dons des hommes devant répondre les dons des dieux. Dans laBible, enGrèce antique, àRome, tuer un animal pour laboucherie ou le sacrifier se fait de même manière ; l'acte de mise à mort est toujours sacrificiel. Après que la part des dieux a été prélevée et leur a été offerte, les hommes prennent leur part, soit pour la consommer sur place dans un grand banquet commun soit pour l'amener chez eux. Dans ces temps anciens, on mangeait rarement de la viande : on le faisait lors de fêtes qui étaient toujours« religieuses » et donc accompagnées de« sacrifices ».

Efficacité régulatrice et apaisante

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Le sacrifice apparaît comme un moyen assez efficace de supprimer une source potentielle de conflit qu'on ne sait pas résoudre.

Thèse girardienne

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Le Juif, « Le bouc émissaire de l'Europe », dessin d'Abel Pann,1915

SelonRené Girard[43], toute culture locale est une clique issue du meurtre fondateur dans un système d'envie et dejalousie. Le jeu de langage central d'une telle société est, à chaque fois, l'accusation collective et univoque et la condamnation d'une victime sacrificielle qui doit assumer tout lemal et la négation aussi monotone que conséquente de sa propreresponsabilité à l'égard des évolutions en cascade qui ont motivé l'éclosion de laviolence. N'appartient à uneculture dans ce sens du terme que celui qui participe réellement ou symboliquement au sacrifice dubouc émissaire. La victime devient alors le lien étroit de la culture qui le sacrifie.

« C'est en tant que communautés de narration et d'émotion — c'est-à-dire dans leculte — que les cultures, ces groupes de criminels enchantés par leur méfait, sont le plus elles-mêmes. C'est là où les émotions et le récit se recoupent que se constitue le sacré. […] L'objet sacrifié est ainsi placé au cœur de l'espace spirituel d'une société. […] La fusion des groupes fondée sur les émotions et les récits, les peurs et les mensonges, se trouve aussi consolidée politiquement. »

— Peter Sloterdijk,op. cit.

Ainsi, plutôt que de risquer un combat entre différentes personnes revendiquant une chose (héritiers, par exemple), il peut être (ou seulement sembler) moins nocif de dissoudre le litige en supprimant un de ses constituants. La communauté y perd, mais elle retrouve (provisoirement) une paix préférable à ses yeux, car permettant de construire d'autres choses au lieu de se battre sur les reliques. Encore faut-il ne pas se tromper.

Le choix de l'élément du conflit qui sera sacrifié est assez fondamental.

  • Ce peut être, bien évidemment, l'objet du conflit (le navire d'un grand marin, l'armement d'un chef de guerre ou l'épouse d'un noble, et la légitimité au commandement qui vont avec). Lesmythes nous montrent quelques exemples :Iphigénie en Aulide (sacrificepropitiatoire) ou la fille deJethro (sacrifice eucharistique) (voir supra).
  • Ce peut être aussi un des protagonistes du conflit, le moins soutenu évidemment (indépendamment des droits réels qu'il pourrait avoir sur la chose, selon les règles en usage dans la société), ou même tous les protagonistes.
  • Ce peut être enfin, et même plus souvent, une chose apparemment sans le moindre rapport « naturel » avec le litige, mais dont on constatea posteriori qu'elle a été efficace pour rassembler la communauté (ce qui « prouve » son appartenance aux catégories divines : elle a une capacité d'action « surnaturelle », et son sacrifice était donc nécessaire pour remettre le monde en ordre).
    • Le code de loi religieuse peut donner la liste des objets de substitution (Voir, par exemple,Lévitique III et IV)
    • Par exemple, deux tribuskanakes ennemies jurées se sont réconciliées sur le sacrifice d'unPoindi (fils cadet de chef, traditionnellement doté d'une puissancemagique comme cœur de la tribu).

Si le sacrifice fonctionne, on peut observer de sa bonne marche les règles à suivre et à ne pas suivre (notamment, pour les sacrifices humains : le comportement de la personne sacrifiée avant sa désignation, qui devra, le plus souvent, être préalablement déshumanisée pour justifier le meurtre), qui pourront être sédimentées sous forme de lois ou de caractéristiques divines,tabous, caractéristique du prochain sacrifice. En raison de ses supposées vertus apaisantes et régulatrices, le sacrifice reste une pratique très commune, même s'il est généralement associé au monde « primitif » (un passé révolu ou des peuplades « attardées »).

Limites et perte d'efficacité

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On imagine l'avantage comparatif des sociétés capables de réellement éviter ou gérer les conflits sans être obligé de détruire les objets ou d'éliminer des humains. D'où les évolutions vers des sacrifices de plus en plus doux, limitant la destruction. Ainsi lamythologie grecque garde-t-elle en mémoire le passage du sacrifice de la bête entière à seulement les parties les moins utiles (la peau et les os). Mais surtout, plus profondément, le sacrifice n'est peut-être pas aussi efficace qu'il en a l'air. Si le conflit vient d'ailleurs, de l'état d'esprit des participants, l'élimination de l'objet du conflit ou l'élimination d'un seul participant ne change rien. On peut essayer de se rabattre sur un innocent (relatif), mais ce sacrifice ne marche plus vraiment dans le monde où leChrist a posé sa marque : le respect des perdants, des victimes[réf. souhaitée].

Aussi, selonRené Girard, il y a maintenant toujours des empêcheurs de tourner en rond qui vont dénoncer le sacrifice comme inadapté au problème, et comme fausse solution à un vrai problème. L'unanimité n'est plus acquise, la règle dérivée du sacrifice est contestée, et le problème reste entier. On aura beau expulser à son tour « celui par qui le scandale arrive », un autre se lève derrière et tout recommence. Seule peut marcher une solutionjuste, impliquant selon cet auteur un renoncement au conflit par l'amour, non pas en refusant ou niant le conflit, mais en le résolvant réellement une fois le conflit constaté.

Références

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  1. (en) « Ashvamedha », surWikipedia, the free encyclopedia(consulté le).
  2. Lois de Manu, V 39-40 et 44, cité parAnand Nayak,Religions et violences, Saint-Paul,,(lire en ligne),p. 76-77.
  3. Sacena.
  4. Securis pontificalis.
  5. Sacena sive scena.
  6. a etbFestus, X, 1.
  7. OlivierHerrenschmidt, « Les formes sacrificielles dans l’hindouisme populaire »,Systèmes de pensée en Afrique noire, École pratique des hautes études. Sciences humaines,no 3,‎1er septembre 1978,p. 115-133(ISSN 0294-7080,lire en ligne)
  8. « fr.wikisource.org/wiki/Sermons… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  9. Hygin,Fables[détail des éditions][(la) lire en ligne], LXXXIX (89) « Laomédon ».
  10. Marcel Detienne,p. 174
  11. Jean-Yves Fournis. Le sacrifice humain dans la littérature latine, mythes, légendes, historicité, représentations. Linguistique. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2012. Français, p. 71-72. <NNT :2012PA030031>. <tel-00841691>.
  12. Tite Live,Ab Ube condita, X, 38.
  13. Jean-Yves Fournis,op. cit.
  14. Robert Jacob, « La question romaine du sacer. Ambivalence du sacré ou construction symbolique de la sortie du droit », dans :Revue historique, 2006/3 (no 639), p. : « Pour Tite-Live, notre seul témoin, le rite samnite, est barbare à tout point de vue : étranger à Rome et répulsif. Un sacrifice abominable,nefandum sacrum (10, 39, 16) ».
  15. John Scheid,Commentarii fratrum Arvalium qui supersunt, Rome, 1998, notamment p. 146 et 150 : il s'agit d'un compte-rendu de l'année 87. Il s'agit de l'accomplissement de vœux prononcés et acquittés au début de l'année pour le salut et la sauvegarde de l'empereur Domitien et de la famille impériale.
  16. Xavier Perrot, « Le geste, la parole et le partage. Abattage rituel et droit à Rome »,Revue semestrielle de droit animalier, Observatoire des mutations institutionnelles et juridiques, Université de Limoges, 2010, 2, p. 275-289Lire en ligne.
  17. D'où le sens français de l'adjectif "sinistre" ou du mot "un sinistre".
  18. Guillaume du Choul,Discours de la religion des anciens Romains, Lyon, 1567, p. 311 : « Les Victimaires et ministres qui estoyent instruits (.....) frappoyent la victime dessus la teste avecques des maillets, qui se treuvent de semblable façon par les frises antiques, qui sont à Rome ».Guillaume du Choul,Veterum Romanorum religio, castrametatio, disciplina militaris ut et balneae ex antiquis numismatibus et lapidibus demonstrata, Apud Janssonio-Waesbergios, Amstelaedami, 1685, p. 255 : « Victimarii ac ministri qui erant instructi, succincti, atque in ordine ad sacrificium faciendum, feriebant victimae caput malleis ».
  19. Guillaume du Choul,Veterum Romanorum religio, castrametatio, disciplina militaris ut et balneae ex antiquis numismatibus et lapidibus demonstrata, Volume 1, Apud Janssonio-Waesbergios, 1731, p. 230.
  20. La même exigence se retrouve dans l'Indouisme pour lejhatka (hindi झटका, punjabi ਝਟਕਾ), désignant le rituel de l'abattage sanglant, le motjhatka dérive dejhat qui signifie instantanément, immédiatement. Cette façon d'abattage devait se faire comme à Rome avec une hache (correspondant à lasacena ousecuris pontificalis), ou parfois avec une épée, pour que l'animal soit mis à mort d'un seul coup.
  21. Du Choul,op. cit.,ibidem : « sive in aliud latus recidisset quam oporteret, Romani credebant quod illud iis malum annunciaret augurium ».
  22. Guillaume du Choul,op. cit. pp. 246-24 « Ac si hostia forte, cum ad altare duceretur, violenter restitisset, et si vi eo attracta fuisset, aut in fugam se dedisset, vel ululatum emisisset, postquam a Victimario feriretur, sive in aliud latus recidisset quam oporteret, Romani credebant quod illud iis malum annunciaret augurium, et quod victima praeter voluntatem Deorum oblata esset ».
  23. Du Choul,op. cit., p. 263 : « cultrum, quo Victimarius dissecabat Victimam ».
  24. 40 Jg 11. 30- 40
  25. « Matthieu 12 : 7 Si vous saviez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n'auriez pas condamné des innocents. », sursaintebible.com(consulté le).
  26. « Matthieu 8 Louis Segond Bible », sursaintebible.com(consulté le)
  27. « Afrique - culture quel est le rôle de la libation », surwww.lesvolcansnews.net
  28. « Sacrifice d'animaux, racket et rites Vaudou en procès », surwww.midilibre.fr
  29. « les rituels clés de la fête du vaudou au Bénin », surwww.waafrica.travel
  30. Cette scène est souvent interprétée comme un sacrifice àTeutatès, mais parfois aussi comme un rite comparable au baptême ou comme un rite symbolique (représentation d'un mythe de renaissance). D'aprèsChristian-Joseph Guyonvarc'h,Le sacrifice dans la tradition celtique : les rites, la doctrine et les techniques, Éditions Armeline,,p. 239.
  31. Selon Vincenzo Formicola, de l'université de Pise, les sites funéraires deSungir en Russie, deDolní Věstonice enMoravie et de lagrotte Romito en Italie permettent de penser que le sacrifice humain était pratiqué auPaléolithique supérieur (cf.From the Sunghir Children to the Romito Dwarf,Current Anthropology, vol. 48, n°3, juin 2007.
  32. 3 à 4000 par an selon le conquistador Cortès, lireCharles C. Mann, Marina Boraso (trad.),1491. Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb, Albin Michel, 2007,(ISBN 9782226175922), p.144
  33. Bat IftaH
  34. Voir Vayikra Rabba paracha 37:4
  35. Jean Haudry,Sur les pas des Indos-Européens : Religion - Mythologie - Linguistique, Yoran Embanner, 2022, p.205
  36. Jan de Vries,L'univers mental des Germains, éd. du Porte-glaive, 1987, p. 230
  37. Mathon, « Sacrifices »,Encyclopédie Catholicisme,‎
  38. Angie Debo,Histoire des Indiens des États-Unis, Paris, Albin Michel, 1994, p. 81 ; Havard Gilles, Vidal Cécile,Histoire de l'Amérique française, Flammarion, 2003, pages 297-298
  39. "Finitude et ouverture : vers une éthique de l’espace. Sur les fondements de la solidarité dans la forme inclusive", Conférence à l'UTLS, le 25 novembre 2000
  40. Mt 27:25
  41. Silva, A. J. M (2013),Un ingrédient du discours, Discours et pratiques alimentaires en Méditerranée (vol. 1), Édilivre-Aparis, Saint Denis,(ISBN 9782332552082), pp. 30-32.
  42. Henry Corbin,Face de Dieu, face de l’homme
  43. René Girard,Quand les choses commenceront. Entretiens avec Michel Treguer, Paris,Arlea, 1996

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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Sources

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Études

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Liens externes

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