Unesérie B est à l'origine unlong métrage tourné avec un petit budget de production,distribué sans campagne publicitaire, et projeté en première partie d'undouble programme (deux films par séance au prix d'un seul) : ce type de films était très courant durant l'âge d'or d'Hollywood. Depuis le déclin puis l'abandon des séries B, à la fin desannées 1950, le terme est utilisé dans un sens plus large, désignant tous les films à faible budget, exception faite desessais et desfilms pornographiques.
Le terme desérie B ne désigne pas ungenre cinématographique à proprement parler : leswesterns sont fréquents à l'âge d'or des séries B, ainsi que les films descience-fiction et d'horreur à petits budgets, qui ont gagné en popularité vers la fin desannées 1950. À l'origine, les séries B sont souvent des séries, plus courtes qu'un film, d'une durée moyenne de 70 minutes, pour lesquelles les célébrités jouent à plusieurs reprises le même personnage. Les dernières séries B ont inspiré quelquessuites, mais les séries B sont moins courantes. De la même manière que les films, la durée moyenne des séries B a augmenté au fil du temps.
Retenant moins l'attention descritiques que les grosses productions, les séries B ont souvent été délaissées, bien qu'elles puissent faire l'objet parfois d'une grande ingéniosité artistique et de certaines prouesses scénaristiques. Aujourd'hui, le terme desérie B peut désigner de manière péjorative un film de genre sans ambition artistique, ou un film vif et énergique, délesté des contraintes imposées par une production de grande envergure. Le terme est également utilisé pour quelques films très coûteux, qui empruntent aux codes traditionnels des séries B.
Il n'est pas certain que le terme desérie B soit utilisé avant le début desannées 1930 ; en termes deproduction, cependant, un concept semblable est déjà établi. En1916,Universal est le premier studio hollywoodien à établir différents types de longs métrages en fonction du coût de production. La durée moyenne des films se situe alors entre cinquante-cinq minutes et une heure. En1919, sur la même idée, laParamount créé sa propre filiale au propos des petits budgets[2]. Indiquant l'importance accordée au budget, en1921, quand le coût moyen d'un film hollywoodien est autour de 60 000 $[3], Universal dépense approximativement 34 000 $ surQuebec (1951 film) et près de 1 000 000 $ surFolies de femmes, l'une des plus grosses productions de l'année.
En1929, avec l'arrivée massive ducinéma sonore dans les salles américaines, beaucoup d'exploitants commencent à laisser tomber le modèle de présentation dominant, celui qui impliquait une large variété de courts métrages avant le long métrage attendu. Un nouveau genre de programmation est établi et devient pratique courante : lesactualités filmées, lesserials ou lesdessins animés précédant la projection de deux films. Pour le diffuseur, lecoût de revient à la minute du deuxième film, qui est en fait vu avant le film principal, est inférieur à la durée équivalente des courts métrages. Les majors instaurent des règles qui favorisent les cinémas qui leur sont affiliés en empêchant les diffuseurs indépendants d'avoir accès aux grosses productions ; à défaut de qualité le deuxième film permet de favoriser la quantité[4],[7],[8]. La différence de style entre les deux films de la programmation permet un certain équilibre chez les spectateurs qui ont la possibilité de voir un spectacle intéressant sans que ça soit spécifié sur l'affiche. Les films à bas budget desannées 1920 ont pu ressortir commesérie B de l'âge d'or hollywoodien.
Au début, lesgrands studios ne s'adonnent pas à laréalisation de films de série B mais finissent par s'adapter à la demande. Les majors développent chacune une section propre à ces productions afin de pouvoir alimenter le marché en pleine extension de la série B.Jesse L. Lasky, cofondateur de laParamount avecAdolph Zukor, met au point une méthode pour que tous leurs films soient exploitables dans un maximum de salles : les propriétaires de cinéma qui désirentprojeter un film de la compagnie doivent s'engager à diffuser toutes les autres productions du label pendant une année entière[9]. Cette méthode est appelée le « Block booking » et tend à se généraliser. Les séries B louées à prix net (à l'inverse des séries A, pour lesquelles un pourcentage est prélevé en fonction dubox-office), leprofit en est garanti. Avec des films déjà sûrs d'être exploités avant leur finalisation, cette pratique libère les majors de l'inquiétude liée à l'éventuelle moyenne qualité de leurs productions. Les cinq studios dominant (MGM,Paramount,Fox,Warner Bros. etRKO (anciennementFBO)), ainsi que les compagnies propriétaires d'importantes chaînes de cinémas, sécurisent donc leurs bénéfices. LesPoverty Row, commeMascot Pictures ouSono Art–World Wide qui ont des budgets très bas, font essentiellement des séries B,serials ou autres courts métrages ; ils distribuent également leurs productions indépendamment et importent d'autres films. Sans position sur le marché, ils cèdent la plupart du temps la distribution régionale à des entreprises du « states rights », qui, eux-mêmes, proposent des lots de films aux diffuseurs (généralement au moins six films avec la même vedette)[10],[11]. Deux studios émergents,Universal et la florissanteColumbia, ont un mode de fonctionnement identique, quoiqu'amélioré, que les plus « importants »Poverty Row. Ils ont peu ou pas du tout de salles de cinémas, mais ont un réseau de distribution du niveau des majors[12].
Les meilleurs productions de l'Âge d'or (les séries A) sont présentées enavant-première à l'« élite » des grandes villes, où lesdouble programmes ne sont pas exploités. Comme le décrit l'historienEdward Jay Epstein,« lors des premières projections, les films ont obtenu de la bonne publicité grâce aux critiques, mais surtout par le bouche-à-oreille »[7],[13],[14]. Puis les salles de moindre importance projettent ces dernières, où ledouble feature prévaut. Dans les salles contrôlées par les grands studios, les films sont changés toutes les semaines. Dans les milliers de salles indépendantes, qui sont plus petites, la programmation est changée entre deux et trois fois par semaine. Pour faire face à la demande pour de nouvelles série B, lesPoverty Row se lancent avec frénésie dans la production de films à « micro-budget » qui n'excèdent pas les 60 minutes. Ces films, connus sous le nom dequickies, sont fabriqués dans un timing très serré (parfois bouclé en quatre jours)[15]. Comme le décrit Brian Taves,« beaucoup des plus pauvres cinémas, comme lesgrindhouses des grandes villes, projettent continuellement, sans planning de programmation, des films purement d'action. Parfois, ils vendent même des passeports pour voir six films d'un trait, projetés durant toute une nuit »[10]. Beaucoup de petites salles n'ont jamais eu l'occasion de projeter des films de série A, obtenant leurs films par droit américain, qui concerne presque exclusivement les productions des Poverty Row. Les séries B ne bénéficient pas de la même publicité que les séries A. Ces dernières ont leurs titres qui figurent sur les enseignes lumineuses et sont listées dans les journaux locaux, ce qui attire des millions d'Américains vers leurs cinémas de quartier[16]. Les séries B obtiennent leurs seules publicités par le biais desbandes-annonces qui précèdent la projection de ces séries A[16].
En1930, avec l'émergence duson, les coûts de production augmentent et atteignent, en moyenne, 375 000 $[3]. La majorité des films produits sont des séries B. Les leaders du marché font également desprogrammers, des films dont la qualité se situe entre celle des séries A et séries B) et selon le prestige du cinéma, ces films « intermédiaires » peuvent être soit en tête d'affiche, soit des films secondaires de double programmes[17]. Beaucoup de séries B des Poverty Row sont faites avec des budgets pouvant descendre jusqu'à 5 000 $[15], ce qui est insignifiant par rapport aux budgets alloués par les majors pour leurs séries A. Au milieu desannées 1930, le double programme est le mode d'exploitation le plus répandu. Les majors répliquent au Poverty Row en augmentant leur taux de production de séries B, comme laWarner qui, sous l'impulsion de Bryan Foy (appelé le « Gardien des séries B »)[18], voit ses fabrications de série B passer de 12 à 50 % du total des productions réalisées. Chez laFox, qui s'est également orientée vers la série B,Sol M. Wurtzel est responsable de la production de plus de vingt films par an à la fin des années 1930.
Un certain nombre des Poverty Row se renforcent. Au début de la décennie,Sono Art–World Wide s'associe à une autre compagnie pour donner naissance à laMonogram Pictures. En1935, Monogram fusionne avec laMascot Pictures et plusieurs petits studios pour devenir laRepublic Pictures. Mais peu de temps après, les dirigeants de la Monogram décident de se retirer pour reformer leur société. Dans lesannées 1950, la plupart des productions des sociétés Republic et Monogram sont de qualité équivalente à celle des majors. Peu inquiété, les Poverty Row, qui ont un penchant pour les noms grandiloquents comme « Empire » ou « Imperial », continuent de produire en série leurs films bon marché[19]. Joel Finler a analysé la durée moyenne desfilms sortis en1938, mettant en valeur la relative importance des productions de séries B.
Durée moyenne des séries B sorties en1938 par studios[20] :
La moitié des films produits par les huit principaux studios sont des séries B. Au cours de la décennie, avec près de 300 films faits annuellement, les sociétés de la Poverty Row ont fourni environ 75 % des films hollywoodiens, ce qui représente plus de 4 000 séries B[22].
Des séries en tous genres avec pour vedettes les mêmes personnages ou les mêmes acteurs sortent sans arrêt et ont un grand succès. Dans cet élan beaucoup de séries B de laFox ont pour vedettes lesFrères Ritz et la jeuneJane Withers en tant qu'interprètes principaux de comédie et plusieurs films avecCharlie Chan comme personnage principal sont fabriqués[26]. Comme pour lesserials, beaucoup de ces séries B sont à l'attention d'un jeune public ce qui entraîne dans certains cinémas des doubles programmes dont l'après-midi leur est consacré, tandis que la séance du soir cible un public plus mature. D'après un rapport sur l'industrie du cinéma, les spectateurs de l'après-midi sont largement composés de femmes au foyer et d'enfants qui souhaitent voir autant de choses que leur porte-monnaie permet. Ceux du soir, quant à eux, sont plus portés sur la qualité du programme[27].
En1940, le coût de production moyen d'unlong métrage américain est de 400 000 $, une augmentation négligeable comparée aux dix dernières années[3]. Un certain nombre de petites sociétés hollywoodiennes viennent pourtant de s'éteindre, incluant l'ambitieuseGrand National ; mais une nouvelle firme, laProducers Releasing Corporation, apparaît comme la troisième plus importante société de production derrière laRepublic et laMonogram. Par ailleurs, les doubles programmes sont toujours le modèle d'exploitation dominant : en1941, 50 % dessalles sont facturées exclusivement selon la politique en vigueur[28]. Au début desannées 1940, une loi pousse lesstudios à remplacer leblock booking par des lots qui se limitent généralement à cinq films. Lesmajors de cinéma ne peuvent plus proposer à la distribution des offres pour des films qui ne sont pas encore tournés[29]. Ces mesures sont l'un des facteurs cruciaux qui ont poussé progressivement les cinq plus grands studios d'Hollywood vers la production de séries A, rendant ainsi les petits studios producteurs de séries B plus importants. Lesfilms de genre à faible budget sont toujours la marque de fabrique desPoverty Row, ainsi les budgets alloués par laRepublic et laMonogram s'élèvent rarement au-dessus des 200 000 $. LesPoverty Row suivent les traces des huit majors américaines, avec leurs sociétés de distribution, et dominent désormais environ 95 % des recettes sur la location nationale (États-Unis etCanada)[7]. En1946, leproducteur indépendant,David O. Selznick, produit son filmDuel au soleil avec un budget élevé afin de bénéficier d'une large campagne publicitaire et d'une sortie nationale importante. Cette stratégie de distribution est un succès, malgré la mauvaise qualité du film[30]. À la fin desannées 1950, ce principe de distribution deviendra la méthode principale pour les séries B qui seront, cependant, en perte de notoriété.
En dehors de la différence de coût, la frontière entre les séries A et B est mince. Les séries B sont occasionnellement commercialisées de la même manière que les séries A et obtiennent le même succès, commeHitler's Children, unthriller produit par laRKO pour seulement 200 000 $, qui est l'un des films qui attire le plus de monde en1943. Le film engrange plus de 3 000 000 $[31],[32]. Dans lecinéma noir, les séries A rappellent visuellement ce qui se fait pour les films bon marché. Les programmers, qui sont exposés différemment selon le double programme, mènent à une confusion historique.Ronald Reagan, fréquemment identifié comme une vedette des séries B, joue également dans de mauvaises séries A dont la qualité est équivalente aux B. En1948, le double programme est un moyen de projection populaire, utilisé dans 25 % des salles et occasionnellement dans 36 % des autres salles[33]. Les studios de laPoverty Row commencent à élargir leur champ d'action : en1957, laMonogram crée une filiale, laAllied Artists, afin de développer et distribuer des films plus coûteux, proposés la plupart du temps par des producteurs indépendants. Pendant ce temps, laRepublic Pictures en fait de même[34]. En1947, laPRC est achetée par laEagle-Lion Films, une compagniebritannique impliquée sur lemarché américain.Bryan Foy, ancien responsable des séries B de laWarner Bros., est promu directeur de production[35],[36],[37].
Dans lesannées 1940, laRKO se détache des Big Five, ou Cinq Grands studios américains, pour se focaliser sur les séries B. La filiale de la RKO, dirigée parVal Lewton, se focalise sur lesfilms d'horreur commeLa Féline (1942),I Walked with a Zombie (1943), ouThe Body Snatcher (1945), réalisés par des réalisateurs tels queJacques Tourneur ouRobert Wise.Stranger on the Third Floor (1940), une série B de 64 minutes considérée comme le premier classique dufilm noir, toujours produit par laRKO, est pris pour modèle par d'autres studios qui fabriquent également un nombre considérable d'œuvres noires. Les films noirs qui semblent être des séries A et qui ont le plus de notoriété, sont en fait des séries B qui ont bénéficié de moyens proches des A. Les décennies suivantes, ces films bon marché sont désormais parmi ceux les plus prisés de l'Âge d'or hollywoodien[39].
Durant l'année1947, laRKO produit, en plus des diversprogrammers et séries A, deux séries B noires :Desperate etThe Devil Thumbs a Ride(en). Dix pures séries B noires sont produites par les trois plus grossesPoverty Row que sont laRepublic, laMonogram et laPRC/Eagle-Lion Films, et une par la « petite » Screen Guild. Quant à elles, les troismajors et laRKO, en produisent cinq. Avec ces quinze films noirs, une douzaine deprogrammers est produite par diverses sociétés nonhollywoodiennes[40]. Cependant, la plupart des productions à faible budget provenant des majors restent largement ignorées tant par les spectateurs que par lacritique. Parmi les productions de la RKO, on retrouve des séries decomédie,Lupe Vélez etLum and Abner(en), desthrillers avecle Saint etle Faucon, ainsi que deswesterns avecTim Holt et desTarzan avecJohnny Weissmuller.Jean Hersholt joue le Docteur Christian dans six films entre1939 et1941.The Courageous Dr. Christian(en) (1940) est une référence du genre : durant près d'une heure que dure le film, le médecin réussit à guérir une épidémie deméningite spinale, à démontrer la bienveillance des droits civiques, à démontrer l'entêtement des adolescents et à calmer les ardeurs amoureuses d'une vieille fille[41].
La première victime de l'évolution du marché est l'Eagle-Lion, qui sort ses derniers films en1951. En1953, la vieille sociétéMonogram disparait, la compagnie ayant adopté l'identité de sa plus grande filiale, Allied Artists. L'année suivante, cette dernière sort le dernier western hollywoodien de série B. La production d'autres westerns continue pendant quelques années, mais laRepublic Pictures, longtemps associée aux sagas, n'a plus tourné aucun film dès la fin de la décennie. Dans d'autres genres,Universal garde sa série de comédies,Ma and Pa Kettle, en1957, alors que l'Allied Artists reste fidèle auxBowery Boys jusqu'en1958[45]. LaRKO, affaiblie à la suite d'erreur de gestion, met fin à son industrie en1957[46]. Les séries A deviennent également plus longues — les dix premières séries A dubox-office, en1940, durent en moyenne 112,5 minutes ; la durée moyenne du top 10 est de 123,4 minutes[47]. Avec leur modeste moyen, les séries B suivent la même voie. La durée moyenne de 60 minutes pour un long métrage est déjà vieille ; 70 minutes est désormais fixé comme un strict minimum. Par ailleurs, bien que l'âge d'or des double programmes touche à sa fin, le termesérie B désigne encore un quelconque film de genre, produit avec un budget relativement faible, et mettant en vedette des acteurs méconnus ou inattendus, également appelés « B-Acteurs ». Cependant, le terme dénote également les films dont le synopsis est peu original, avec des personnages types, et dont l'action est simpliste. Parallèlement, le domaine de la série B devient de plus en plus fertile en tant que territoire d'expérimentation, à la fois sérieux et étrange.
Ida Lupino, surtout connue commecomédienne, est établie comme la seuleréalisatrice hollywoodienne de l'ère de la série B. À travers ses films tournés avec de petits budgets pour sa société, laThe Filmakers, Lupino a exploré des sujets tabous tels que leviol dansOutrage (1950), ou l'auto-explication dansThe Bigamist (1953). Sa plus célèbre réalisation,The Hitch-Hiker (1953), un film de laRKO, est souvent désigné comme le seul classique dufilm noir tourné par une femme[48]. Cette même année, la RKO sort un nouveau film à faible budget, qui a marqué les esprits lors de sa sortie :Même les assassins tremblent (Split Second) qui parle d'essais nucléaires, ce film est ainsi appelé premier « film noir atomique ». Le plus célèbre de ces films, une production indépendante, estEn quatrième vitesse (Kiss me Deadly) (1955), qui illustre typiquement l'ambiguïté entre les séries A et B : un« programmer capable d'occuper plus de la moitié des salles de quartiers à double facture, dont le budget était d'approximativement 400 000 $. Son distributeur,United Artists, a sorti 25 programmers dont le budget se situait entre 100 000 $ et 400 000 $ »[49]. De plus, la durée du film, de 106 minutes, correspond à la durée moyenne des séries A, mais son acteur principal,Ralph Meeker, n'était apparu qu'une seule fois dans un film produit par une major. Sa source est l'un des romans de Mike Hammer, tiré des Mickey Spillane, mais laréalisation de Robert Aldrich est consciemment esthétisée. Le résultat est un film de genre brutal qui évoque également l'anxiété contemporaine sur ce qui est souvent appelé « Bombe ».
La crainte d'une guerre nucléaire avec l'Union soviétique, avec moins de scrupules sur la retombée des propres tests radioactifsaméricains, a engendré beaucoup defilms de genre à l'époque.Science-fiction,horreur, et divers hybrides de ces deux genres, sont maintenant d'une importance économique majeure pour la fin du marché des films à bas budget. La plupart des films du bas du marché — comme plusieurs de ceux produits parWilliam Alland pour l'Universal (e.g.,L'Étrange Créature du lac noir (Creature from the Black Lagoon),1954), et parSam Katzman pour laColumbia (e.g.,It Came from Beneath the Sea,1955) — fournissent plus qu'une simple diversion. Mais ils sont d'un genre dont la nature fantastique peut aussi être utilisée comme couverture d'observations culturelles souvent complexes à mettre en scène.L'Invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers,1956), du réalisateurDon Siegel, distribué par l'Allied Artists, traite des pressions conformistes et de l'horreur de la banalité en hantant, une mode allégorique[51].The Amazing Colossal Man (1957), tourné parBert I. Gordon, est en grande partie un film sur les monstres qui dépeint les effets horribles de l'exposition aux radiations, et« un féroce conte sur la guerre froide qui tournoie laCorée, le secret oppressif de l'armée et sur la montée de l'Après-guerre américaine dans un monde fantastique »[52].
The Amazing Colossal Man a été produit par une nouvelle compagnie dont le nom est plus imposant que les budgets qu'elle attribue. L'American International Pictures (ouAIP), fondé en1956 parJames H. Nicholson(en) etSamuel Z. Arkoff pour réorganiser leurAmerican Releasing Corporation(en), qui devient vite le studio américain majeur qui se dévoue entièrement à la production de séries B. L'American International a aidé à conserver la sortie originale des double factures avec leur« lot de deux (films) » : ces films étaient à bas budget, mais à la place d'une grande vente, ils sont loués avec un pourcentage de base, comme les séries A.I Was a Teenage Werewolf (1957) est peut-être le film de l'AIP le plus connu de l'ère. Comme son titre le suggère, le studio compte sur des personnages propres au genre fantastique, et plus récemment à l'univers infantile. SiHot Rod Gang(en) (1958) a marché, pourquoi n'y aurait-il pas deshot rod d'horreur ? Résultat :Ghost of Dragstrip Hollow(en) (1959). L'AIP est crédité en ayant« mené le film... par une exploitation démographique, ciblé l'audience, et en ayant saturé les réservations ; tout ceci deviendra la procédure standard pour la sortie desblockbusters produits par les majors, à la fin des années 1970 ». En termes de contenu, les majors sont déjà présentes, avec des films « J.D. » commeUntamed Youth(en) (1957) de laWarner Bros., ouHigh School Confidential (1958) de laMGM (les deux ayant pour rôle principalMamie Van Doren).
À la fin desannées 1990,William Castle devient célèbre comme le grand innovateur d'astuces publicitaires des séries B. Les spectateurs aux projections deMacabre (1958), une production de 86 000 $ distribué par l'Allied Artists, sont invités à prendre unepolice assurance pour couvrir une potentielle mort de peur.The Tingler (1959) est le film qu'a accompagné la plus célèbre des astuces de William Castle : à l'apogée du film, des sonnettes attachées à plusieurs fauteuils dessalles produisent un bruit inattendu lors de laprojection, un cri perçant ou autre rire plus approprié. Avec ces films, Castle a« combiné la saturation des campagnes publicitaires deColumbia etUniversal, avec leur lot deSam Katzman etWilliam Alland, avec des coups publicitaires standardisés et centralisés et des astuces qui ont été la portée de projectionnistes locaux ».
Le boom des salles d'après-guerre, lesDrive-in, est vital pour l'expansion de l'industrie des séries B indépendantes. En, il y a 96 Drive-in auxÉtats-Unis ; une décennie plus tard, il y en a plus de 3 700. Des films sans prétentions, avec de simples et familiales histoires, et des effets spéciaux basiques sont idéalement projetés dans ces cinémas en plein air. Le phénomène des films de Drive-in est devenu l'un des symboles qui définit l'identité culturelle populaire américaine desannées 1950. Pendant ce temps, plusieurs stations detélévision locales programment des séries B pour les fins de soirée, popularisant ainsi la notion du film de minuit.
De plus en plus, les films de genre américains sont rejoints par d'autres films étrangers acquis à petits prix, et nécessairement, doublé pour le marché américain. En1956, le distributeurJoseph E. Levine finance le tournage d'un nouveau film, avec l'acteur américainRaymond Burr, qui est monté dans le film descience-fiction japonais,Godzilla. La société britanniqueHammer Film Productions produit les célèbresFrankenstein s'est échappé (The Curse of Frankenstein) (1957) etDracula, qui auront une influence majeure sur les films d'horreur. En1959, l'Embassy Pictures, de Joseph Levine, achète les droits internationaux d'Hercules, une série Aitalienne avec l'acteur américainSteve Reeves. Débutant avec seulement 125 000 $, Levine dépense ensuite plus de 1 500 000 $ pour la publicité, une somme sans précédent.The New York Times n'est pas d'accord, il déclare que le film a été dessiné« légèrement plus que quelques bâillements dans le marché du film … lancé dans tout le pays avec un barrage publicitaire assourdissant ». Levine compte sur lebox-office du premier week-end pour les recettes, réservant le film« dans autant de cinéma qu'il a pu pour la première semaine, le retirant ensuite avant que la critique le fasse pour lui ».Hercules est sorti dans 500 salles, et la stratégie est un succès : le film a gagné près de 4 700 000 $ seulement auxÉtats-Unis ; le résultat est encore plus réussi enEurope. Plusieurs décennies après, les deux films dominentHollywood, et se remarque une philosophie d'exploitation identique à celle de Levine.
Avec la fin de lacensure dans l'industrie, lesannées 1960 ont donné naissance à une expansion majeure dans la viabilité commerciale d'une variété de sous-genres des séries B, désormais connue sous le nom de « film d'exploitation ». La combinaison d'une intensive et astucieuse publicité avec un film au sujet vulgaire, et souvent pourvu d'images outrageuses, date de la décennie précédente — le terme définissait originellement une production de faible budget, tournée par les plus petitesPoverty Row, ou en dehors du système hollywoodien. Plusieurs dépeignent graphiquement les suites d'un pêché par un choix de vie prudent, comme l'« hygiène sexuelle ». Les spectateurs peuvent voir des prises explicites d'unaccouchement à une circoncision rituelle[53]. De tels films ne sont généralement pas réservés pour les listes des cinémas, mais présentés comme des évènements spéciaux par des promoteurs de spectacle (ils peuvent également apparaître comme « grindhouse », qui typiquement n'ont pas de listes régulières). Le plus célèbre de ces promoteurs,Kroger Babb(en), est un avant-gardiste de la commercialisation des films à petit budget, sensationnels, dont la fameuse campagne publicitaire de saturation, en inondant les spectateurs par des annonces dans tous les médias imaginables[54]. Durant l'ère des double programmes, personne n'aurait appelé ces films des séries B. Avec les majors qui abandonnent la production traditionnelle de série B et le style promotionnel d'exploitation qui devient la pratique standard quelques années plus tard, le terme defilm d'exploitation devient un moyen pour se référer à ces films de genre à bas budget. Lesannées 1960 voient des thèmes et images de style d'exploitation devenir de plus en plus important dans le royaume de la série B.
Desfilms d'exploitation, dans leur sens originel, continuent de sortir : en1961, sort par exempleDamaged Goods un film aux allures de conte moralisateur sur une jeune femme victime d'uneinfection sexuellement transmissible, qui se conclut par des gros plans sur les effets physiques de ces maladies[55]. Durant ce temps, le concept d'exploitation en marge se mêle avec lesfilms de nu — également appelés « nudies » — montrant descamps de nudistes ou desstripteases de célébrités, tellesBettie Page, qui fut souvent à l'affiche des films pornographiques de la décennie précédente. Dès1933,This Nude World est promu comme le« film le plus éducationnel jamais produit »[56]. Dans la fin desannées 1950, comme les plus vieilles salles de grindhouse se consacrent elles-mêmes spécifiquement aux productions pour « adultes », quelques cinéastes se sont mis à tourner desnudies avec la plus grande attention sur l'histoire. Le plus connu d'entre eux estRuss Meyer, qui a sorti son premiernudie narratif à succès,The Immoral Mr. Teas(en) en1959. Cinq ans plus tard, avec un budget de 100 000 $, Meyer sortLorna,« un film qui combine sexe et réalisme avec violence »[56]. Comme réalisateur talentueux, Meyer gagne sa renommée de par sessexploitations telles queFaster, Pussycat! Kill! Kill! (1965) ouVixen (1968). Ces films sont en grande partie relégués aux salles réservées aux adultes, tandis que les films destinés à un public adolescent de l'AIP commeBeach Blanket Bingo (1965) etHow to Stuff a Wild Bikini (1966), avecAnnette Funicello etFrankie Avalon, sont projetés dans lesDrive-in ou dans d'autres lieux honorables. Le filmThe Trip (1967 deRoger Corman, tourné pour l'AIP et écrit parJack Nicholson, ne montre jamais de poitrine entièrement nue, mais flirte pourtant, dans toutes ses images, avec la nudité.
Motorpsycho (1965) n'était pas difficile à commercialiser. Il avait la réputation érotique deRuss Meyer et tournait autour du thème de la moto et de la psychologie
L'un des films les plus influents de l'ère estPsychose de laParamount Pictures. Ses 8 500 000 $ de revenus alors que sa production n'avait demandé que 800 000 $ en a fait le film le plus rentable de l'année1960[57]. De plus, sa distribution composée de célébrité ainsi que le respect ducode Hays ont aidé à affaiblir la censure américaine. Et, d'après les notes deWilliam Paul, ce mouvement dans le genre dufilm d'horreur inspiré parAlfred Hitchcock fut réalisé« significativement, avec le budget le plus bas de sa carrière américaine et des célébrités fascinantes. [Son] impact initial le plus grand … est porté sur les films d'épouvantes (notamment ceux du réalisateurWilliam Castle), dont chacun essaye d'être plus effrayant quePsycho »[58]. Le premier film de Castle dans la même lignée quePsycho estHomicidal (1961), une première étape dans le développement du sous-genreslasher qui naît réellement à la fin desannées 1970.Blood Feast (1963), un film sur un homme démembré et sur la préparation culinaire réalisé pour 24 000 $ par le réalisateur de film nuHerschell Gordon Lewis, a établi un nouveau sous-genre, rapidement le plus fructueux, lecinéma gore. L'associé de Lewis,David F. Friedman, fait leur publicité en distribuant des sacs de vomissement aux amateurs de cinéma — le genre d'astuces de Castle était terminé — et s'arrange pour une injonction contre le film àSarasota (Floride) — le genre de problème des films d'exploitation s'y était longtemps heurté, mis à part que Friedman l'avait planifié[59]. Ce nouveau genre de film « écœurants » caractérise le nouveau sens émergeant d'« exploitation » — l'adoption progressive d'exploitation traditionnelle et des scènes nues dans des films d'horreur, dans d'autres genres classiques de la série B et dans l'industrie cinématographique des films à petits budgets. Les importations de films d'horreur et deGiallos de laHammer film deviennent de plus en plus fréquentes, des images mélangeantsexploitation et ultraviolence, alimentent cette tendance des séries B.
LeCode de Production est officiellement arrêté en1968, pour être remplacé par la première version dusystème de classification. Cette année, deux films d'horreur sortent, avec des conséquences majeures pour les séries B. L'un était une grosse production, tourné parRoman Polanski. Produit par le vétéran des séries B d'horreur,William Castle,Rosemary's baby« a choisi le genre haut de gamme pour la première fois depuis lesannées 1930 »[60]. C'est un succès critique, et le septième plus grand succès cinématographique de l'année. Le second est le désormais classiqueLa Nuit des morts-vivants deGeorge Romero, produit en quelques semaines àPittsburgh pour 114 000 $. Construit en se basant sur les précédentes séries B, commeL'Invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers) dans son exploration sous-textuelle des questions sociales et politiques, il est doublé comme un thriller et comme une allégorie incisive de laGuerre du Viêt Nam et des conflits raciaux. Sa plus grande influence, cependant, est tirée de son intelligente subversion des clichés du genre et du lien entre son style d'exploitation, son coût de production bon marché, sa production indépendante et sa grande rentabilité[61]. Avec la fin du Code et l'établissement duclassement X, les séries A des majors, commeMidnight Cowboy, peuvent enfin montrer des images « adultes », tandis que le marché des films pornographiques est en pleine expansion. Dans ce contexte de transformation commerciale, des personnes commeRuss Meyer gagnent une nouvelle légitimité. En1969, pour la première fois, un film de Meyer,Finders Keepers, Lovers Weepers!(en), est revu dans le journalThe New York Times[62]. Peu de temps après, Corman sort des sexploitations avec plusieurs scènes de nu commePrivate Duty Nurses(en) (1971) ouWomen in Cages (1971).
À la fin desannées 1960 et au début desannées 1970, une nouvelle génération de studios de films à petit budget apparait, tous les styles d'exploitation sont utilisés, de lascience-fiction auxteen movies. LaNew World Communications deRoger Corman ou encore laNew Line Cinema sortent en salle des films d'exploitations du courant dominant dans tous lesÉtats-Unis. Les productions des majors continuent à devenir de plus en plus longues — les dix plus gros films durent en moyenne 140,1 minutes[64]. Les séries B gardent, elles, leur allure : en1955, Corman est présent comme coproducteur sur cinq films, dont la durée moyenne est de 74,8 minutes. Il joue un rôle similaire sur cinq films sortis en1970 : deux pour l'AIP et pour sa New World : la durée moyenne est alors de 89,8 minutes[65]. Ces films ont dégagé un bénéfice timide. La première production de la New World,Angels Die Hard, a coûté 117 000 $ pour environ 2 000 000 $ au box-office[66].
Le plus grand studio producteur de films à petit budget est resté leader dans la croissance de l'exploitation. En1973, l'American International permet au jeune réalisateurBrian De Palma de tourner son film. En écrivant sa critique deSœurs de sang,Pauline Kael observe que sa« technique molle ne semble pas accrocher aux spectateurs qui veulent voir du sang gratuit … [Il] ne réussit pas à obtenir un entretien entre deux personnes pour faire un simple point descriptif sans son, comme le plus terne film de laRepublic, en1938 »[67]. Beaucoup d'exemples de prétenduesblaxploitations, représentant des histoires stéréotypées et tournant autour de la drogue, d'actes de violence ou de prostitution, sont produits par l'AIP. L'une des plus grandes célébrités de ce type d'exploitation estPam Grier, qui a commencé sa carrière en jouant dans un film deRuss Meyer,La Vallée des Plaisirs / Orgissimo (1970). Plusieurs films de la New World suivirent, commeThe Big Doll House (1971) ouThe Big Bird Cage (1972), réalisés parJack Hill. Il a également tourné ses deux plus grandes performances comme réalisateur pour l'AIP, deux blaxploitations :Coffy (1973) etFoxy Brown (1974). Pam Grier se distingue de toutes les autres actrices par son rôle dans le premier film exposant une scène de castration.
Lablaxploitation est le premier genre d'exploitation dans lequel les majors prennent part. En effet, laUnited Artists produitCotton Comes to Harlem (1970), réalisé parOssie Davis, qui est considéré comme le premier vrai film du genre. Mais le film qui a vraiment marqué le phénomène de la blaxploitation est entièrement indépendant :Sweet Sweetback's Baadasssss Song (1971) qui est également, peut-être, le plus outrageux exemple du genre : expérimental, pornographique et essentiellement un manifeste pour la révolution desnoirs américains.Melvin Van Peebles l'a écrit, coproduit, réalisé, y joue un rôle, l'a monté et en a composé la musique, qui a été complétée parBill Cosby[68]. Son distributeur est la petiteCinemation Industries(en), alors connue pour avoir sorti des versions doublées des « shockumentaries » de l'italienMondo cane ou du film pornographique suédois,Fanny Hill ; mais également pour ses propres productions, commeThe Man from O.R.G.Y.(en) (1970). Ces films sont projetés dans lesgrindhouses du jour — beaucoup d'entre eux ne sont jamais sortis dans des cinémas de pornographie. Les projections de six « quickies » pour un nickel étaient terminées, mais une continuité demeura.
La plupart des maisons de production de série B datant de l'« ère de l'exploitation » ont fait faillite ou ont été rachetées par de plus grandes compagnies. Malgré une bonne image du genre, la fabrication de ces films est condamnée au profit des plus grosses productions qui deviennent de plus en plus chères. La tendance est évidente depuis des films commeAirport (1970) et les films catastrophe tels queL'Aventure du Poséidon (1972),Tremblement de terre (1974) ouLa Tour infernale (1974). L'intrigue et les dialogues de ces films sont ce qui se fait de mieux en série B mais du point de vue de l'industrie cela devient trop « cliché ». C'est avec un film commeL'Exorciste, rempli d'effets spéciaux, qu'est démontré le potentiel des productions à gros budgets. Mais cette nouvelle direction prise par les majors est démontrée par le succès de trois films :Les Dents de la mer deSteven Spielberg (1975),Un nouvel espoir deGeorge Lucas, qui devient le plus gros succès de l'histoire du cinéma (1977) etSuperman deRichard Donner (1978). Ce dernier prouve qu'un studio peut financer un film adapté d'uncomics à hauteur de 55 millions de dollars et en obtenir un excellent retour sur investissement (Superman terminant en tête dubox-office en1979[71]). Ces succès entraînent également desremakes de l'Âge d'or du cinéma.
En quinze ans, de1961 à1976, le coût de production d'un film hollywoodien double, de 2 millions à 4 millions de dollars. Quatre ans plus tard, en 1980, le budget moyen atteint 8,5 millions de dollars. Même avec la stabilisation de l'inflation auxÉtats-Unis, les dépenses moyennes pour faire un film augmentent toujours[3],[72]. Avec la saturation des réservations dans plus de mille salles de cinéma, il est de plus en plus difficile pour les petites salles d'imposer leurs conditions pour distribuer les films de majors. Désormais lesdouble features sont de l'histoire ancienne et il est impossible d'en trouver ailleurs que dans des « revival house ». Le studioAllied Artists est l'un des premiers touchés par ce changement de régime économique et faitbanqueroute en[73]. À la fin desannées 1970, l'American International Pictures se met à produire des films relativement chers commeAmityville, la maison du diable ouMeteor (tous les deux sortis en1979). Après cela, le studio est racheté et dissous dans lesannées 1980[74].
En dépit des problèmes financiers, les obstacles à la distribution et le risque global, beaucoup de films de petits studios faits par des réalisateurs indépendants réussissent à se retrouver sur les écrans. Les films d'horreur sont les plus répandus dans la catégories des faibles budgets et plus particulièrement lesslashers. En1983,Roger Corman vend sa Société New World et fondeNew Horizons.L'année suivante, la société distribueSuburbia, un film avec toile de fond lemouvement punk écrit et réalisé parPenelope Spheeris. LeNew York Times le désigne comme un bon film de genre[75].
Larry Cohen, comme d'autres cinéastes, continue dans l'ancienne voie et ne suit pas les conventions nouvellement mises en place avec son filmÉpouvante sur New York. C'est le genre de film qui est indispensable au marché avec son image populaire et imaginative qui exploite son potentiel de film à bas budget[76]. En1981,New Line sortPolyester deJohn Waters avec, comme astuce pour attirer les spectateurs, l'Odorama. En octobre de la même année, un film d'horreur avec un budget inférieur à 400 000 $ débute àDétroit[77]. L'auteur-réalisateur-producteur deThe Book of the Dead,Sam Raimi, est sur le point de fêter son22e anniversaire tandis que la vedette du film,Bruce Campbell, a 23 ans. La New Line sent la bonne affaire et décide de le distribuer après avoir changé le titre enEvil Dead. Ce film est aujourd'hui culte.
L'une des sociétés de production de série B les plus populaires des années 1980 est une rescapé de la période de gloire de l'exploitation, laTroma Entertainment, fondée en1974. La particularité de Troma est de faire dans l'absurde commeClass of Nuke 'Em High etRedneck Zombies (1986) ouSurf Nazis Must Die (1987).The Toxic Avenger (1985) est le film le plus connu de Troma et en est devenu le symbole ainsi qu'uneicône des séries B des années 1980.Empire International Pictures(en), une autre société nouvellement créée, excelle dans la série B et arrive à faire diffuserGhoulies en 1985. Le marché de la location de vidéo privilégie la filière des producteurs de séries B, comme Empire, qui fait des bénéfices par ce biais[78]. Cela devient la norme pour ces films qui ont une vie très brève au cinéma. L'émergence de latélévision par câble et de sa diffusion 24h/24 permet aux films de série B de trouver leur place dans les foyers.
En1990, le coût moyen d'un film américain passe la barre des 25 millions de dollars[79]. Sur les neuf films qui dépassent les 100 millions de dollars au box-office cette année-là, deux auraient été considérés comme des séries B s'ils étaient sortis avant la fin desannées 1970 (Les Tortues Ninja etDick Tracy). Trois autres sont également plus proche de l'« esprit » série B que celui de série A (Total Recall,58 minutes pour vivre etMaman, j'ai raté l'avion)[80]. La popularité grandissante de la vidéo et de la diffusion de films à la télévision et sur le câble ou lesatellite compromettent la viabilité des petites salles de cinéma. Cela entraîne rapidement la disparition descinémas en plein air aux États-Unis.
L'opération de survie des films de série B est établie de différentes manières. Dans sa première décennie,New Line Cinema distribue presque exclusivement des films indépendants à bas budget ou des films de genre étranger. En1994, New Line est vendu àTurner Broadcasting System et devient, au côté deWarner Bros. Pictures, un studio de taille moyenne avec un large catalogue de films au sein duconglomératTime Warner. L'année suivante,Showtime lance leRoger Corman Presents, une série de treize films directement diffusée sur le câble produit parConcorde–New Horizons(en).
Pendant que les lieux de diffusion de Série B disparaissent, le cinéma indépendant éclos. Le réalisateurAbel Ferrara qui a bâti sa réputation avec de violentsfilms d'exploitation commeDriller Killer en1979 ouL'Ange de la vengeance en1981, se lance dans la réalisation de deux films produits par des sociétés indépendantes et à faible budget (The King of New York en1990 etBad Lieutenant en1992 qui a coûté 1,8 million de dollars)[81]. Le budget de 10 millions de dollars deCrash deDavid Cronenberg était à peine suffisant pour un film de Série B. Financé commeThe King of New York par un consortium de petites compagnies, la distribution fut assurée parFine Line Features.
Dans ce nouveau millénaire, le coût moyen de production d'un film américain dépasse désormais les 50 millions de dollars[79]. En2005, les dix plus gros succès américain incluent trois adaptations de contes fantastiques pour enfants, un dessin animé, l'adaptation d'une bande dessinée, un épisode d'une saga de science-fiction, un remake d'un film de science-fiction et le remake de King Kong[82]. C'est une petite année pourRoger Corman avec un seul film produit et qui n'est même pas distribué auxÉtats-Unis. Comme les films à faible coût sont remplacés par ceux à gros budget hollywoodiens, l'avenir de la série B est compromis.
D'autre part, la nouvelle tendance de l'industrie cinématographique annonce le retour d'une séparation entre séries A et B par les majors, sans les programmer pour faire le lien avec les deux. Le budget moyen d'un film hollywoodien approche actuellement les 60 millions de dollars et atteint les 100 millions quand le coût de commercialisation domestique est inclus[83]. Cependant, nous sommes déjà les témoins d'une polarisation des budgets en deux catégories : les grosses productions (entre 120 et 150 millions de dollars) et les « films de niche » (niche features) (entre 5 et 20 millions de dollars)[83]. En2006, laFox lance une nouvelle filiale,Fox Atomic(en), qui sont plutôt orientés vers le film d'horreur. Ces films sont délibérément à petits budgets. Fox Atomic limite ses budgets à 10 millions de dollars maximum par film et encourage les réalisateurs à utiliser le numérique et se passer d'acteurs vedettes[84]. Cette filiale représente l'équivalent des anciens studios producteurs de séries B des années 1950.
Les progrès technologiques facilitent la réalisation de films à petit budget. Il y a cependant eu des moyens de limiter les dépenses par rapport aux productions de standing supérieur, comme l'utilisation duSuper 8 ou duformat 16 mm. La banalisation descaméras numérique ainsi que lapostproduction réalisée sur ordinateur permettent aux réalisateurs de petits films de bénéficier d'une bonne image et de pouvoir travailler les effets plus facilement. Pour les producteurs indépendants, le montant de l'équipement numérique équivaut à 1/10 du budget du film, ce qui diminue de manière significative le budget pour la production même[83]. Cet investissement est payant avec une qualité numérique qui connaît une amélioration spectaculaire depuis 2 ou 3 ans[83].
Les réalisateurs indépendants de ce genre de films éprouvent toujours des difficultés à trouver des distributeurs, bien que les méthodes de distribution numérique offrent de nouvelles perspectives. C'est ainsi que des sites internet commeYouTube ont ouvert une nouvelle brèche permettant aux films à bas budget d'être exposés à la vue du public.
↑United Artists se concentre essentiellement à la distribution de prestigieux films indépendant, ce qui explique la durée moyenne de ses films plus élevée que les autres studios du « Little Three ».
↑Voir par exemple, David Kehr,Critic's Choice: New DVD's,New York Times, 22 août 2006 ; David Kehr,Critic's Choice: New DVD's, New York Times, 7 juin 2005 ; Robert Sklar,Film Noir Lite: When Actions Have No Consequences, New York Times,Week in Review, 2 juin 2002.
↑Pour une considération détaillée de la série B noire classique, voir Arthur Lyons,Death on the Cheap: The Lost B Movies of Film Noir (New York : Da Capo,2000).
↑(en) Voir Finler (1988), pages 276 et 277, pour les meilleurs films. Finler listeThe Country Girl en1955, quand il a récolté le plus de bénéfice, mais pourtant, la première projection du film date de.The Seven Year Itch le remplace dans son analyse (les deux films semblent avoir la même durée).
↑(en)Something Weird Traveling Roadshow Films, revue de la sortie DVD avec une analyse historique par Bill Gibron, publié le 24 juillet 2003, partie du site internetDVD Verdict, consulté le 17 novembre 2006.
↑(en) Cité dans Cagin et Dray (1984), page 53. Histoire générale : Cagin et Gray (1984), pages 61 à 66. Côté financier : par l'associé de production William L. Hayward, cité dans Biskind (1998), page 74.
↑(en) Voir Finler (1988), page 277, pour les plus gros films. Finler listeHeloo, Dolly! en 1970, lorsqu'il a réalisé le plus de bénéfice, mais sa sortie remonte à décembre 1969.The Owl and the Pussycat, plus court de 51 minutes, le remplace dans son analyse.
↑En1955 :Apache Woman,The Beast with a Million Eyes,Day the World Ended,The Fast and the Furious, etFive Guns West. En1970 :Angels Die Hard,Bloody Mama,The Dunwich Horror,Ivanna (aussi appeléScream of the Demon Lover lors de sa sortie aux États-Unis en1971), etThe Student Nurses. Pour la prise deIvanna : Di Franco (1979), page 164.
↑Cité dans Reynaud (2006). Voir également Reynaud pour les efforts de Loden à obtenir ses fonds. Pour le coût de production : Schckel (2005), page 432.(en) Voir également"ForWanda", essai de Bérénice Reynaud, 2002 (1995), du site internetSense of Cinema, consulté le 29 décembre 2006.