Dès son enfance, Höss se montre peu sociable, préférant les promenades solitaires et les animaux à la compagnie des hommes. Il se détourne de l'éducation catholique que tente de lui donner son père[2]. À seize ans, il s'engage dans l'armée impériale allemande et sert au cours de laPremière Guerre mondiale sur le front du Proche-Orient ; il est décoré de lacroix de fer. Après le conflit, il s'engage dans lescorps-francs ; il est condamné en1924 à dix ans de prison pour le meurtre d'un militantcommuniste.
Affilié auparti nazi dès1922, il entre dans laSS en et commence sa carrière au sein du système concentrationnaire nazi en novembre de la même année. Il est commandant descamps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, le plus vaste complexe du système concentrationnairenazi, du au, puis de nouveau entre le 8 mai et août 1944, période durant laquelle la déportation massive des Juifs hongrois, au nombre de plus de 320 000 hommes, femmes et enfants, a porté la machine de mort à son paroxysme.
Nazi convaincu, il fait preuve non seulement d'une totale obéissance aux ordres du plus haut gradé de la S.S.,Heinrich Himmler concernant l'extermination des Juifs, mais aussi d’initiative, afin d'augmenter les capacités exterminatrices d'Auschwitz, notamment en utilisant leZyklon B dans un ensemble dechambres à gaz.
Après la capitulation allemande en mai 1945, Höss réussit à se cacher pendant près d'un an, sous une fausse identité et est finalement dénoncé, par sa femme. Il est arrêté par les troupes britanniques le. Il témoigne lors duprocès de Nuremberg, puis il est livré aux autorités polonaises et est ainsi jugé par leTribunal suprême de Pologne du au. Condamné à mort, il est exécuté par pendaison le dans le camp d'Auschwitz même.
Sesmémoires, intitulésLe commandant d'Auschwitz parle, popularisés en France par lespseudo-mémoires de l'écrivainRobert Merle dans le romanLa mort est mon métier, constituent un document historique d'une importance reconnue pour la compréhension de laShoah, de l'univers concentrationnaire et de la mentalité des bourreaux.
Issu d'une famille profondément catholique[3], et assez aisée[4], Rudolf Franz Ferdinand Höss passe les six premières années de sa vie dans une région isolée voisine deBaden-Baden, à la limite de laForêt-Noire[5],[c]. À sept ans, Rudolf Höss, ses parents et ses trois sœurs[6],[d] déménagent dans les environs deMannheim, toujours en dehors de la ville[8]. Son père, Franz Xaver Höss, qui a servi dans l'armée du Reich enAfrique orientale allemande, avant de se lancer dans des activités commerciales[9], s'y montre beaucoup plus présent qu'à Baden-Baden : il élève Rudolf dans une discipline toute militaire et destine son fils à une carrière ecclésiastique[10] ; ce dernier perd la foi au cours de son adolescence. Dans son autobiographie, Höss caractérise ses années d'enfance par trois éléments : une profonde piété, l'habitude de ne pas extérioriser ses sentiments et une soumission totale aux ordres de tous les adultes[11]. De plus, Höss se définit comme un enfant très solitaire et« n'ayant jamais eu de réelle intimité avec ses parents, ni avec ses sœurs[12] ». Son enfance se déroule sans problèmes de santé, à part une rougeole qu'il a eue très tôt ; son parcours scolaire est limité et ses résultats, vagues[13].
Le père de Rudolf Höss meurt subitement en 1914, d'une crise cardiaque[13], peu après le déclenchement de laPremière Guerre mondiale ; alors que les blessés évacués du front affluent à Mannheim, Rudolf obtient de sa mère l'autorisation d'entrer à laCroix-Rouge comme secouriste[14]. En 1916, à l'insu de sa mère, il rejoint le régiment dans lequel avaient servi son père et son grand-père ; après une courte période de formation, il estenvoyé au front en Turquie, en Palestine puis en Irak[15]. À 17 ans, il devient l'un des plus jeunes sous-officiers de l'armée allemande[3] et est décoré de lacroix de fer de1re classe[15]. Sa mère meurt en 1917, à trente-neuf ans, alors qu'il est au front[13].
Le, Höss participe, notamment avecMartin Bormann[19], au meurtre deWalter Kadow[20], soupçonné d'être un communiste infiltré et accusé d'avoir livré aux troupes françaises d'occupation l'activiste nationalisteAlbert Leo Schlageter, dont il avait fait la connaissance dans les corps-francs[21]. Arrêté, Höss est condamné à dix ans de prison le. Il est libéré dès 1928[22], à la suite d'une amnistie concernant les prisonniers politiques[23]. À sa libération, Höss travaille dans des fermes et des propriétés duMecklembourg et duBrandebourg, comme régisseur[24] et rejoint laligue d'Artam[18], organisation dont est également membreHeinrich Himmler[e] ; c'est à cette époque qu'il rencontre sa future femme[18],Hedwig Hensel, qu'il épouse en 1929[26], trois mois après leur première rencontre[27]. En, il renonce à l'agriculture et rejoint laSS[18], selon lui à la demande de Himmler[28], qui l'aurait remarqué à la suite de son initiative de créer un peloton de cavaliers au sein de la SS[29].
Au mois de novembre, il arrive àDachau et commence sa carrière au sein dusystème concentrationnaire nazi[30]. C'est à Dachau que Höss apprend la« philosophie essentielle des SS », élaborée parTheodor Eicke et centrée sur la dureté à l'égard des détenus[31]. SelonLaurence Rees,« en apprenant à réprimer des émotions telles que la compassion et la pitié, Höss intégra un sentiment de fraternité qui était aussi très fort dans les SS[32]. » C'est également à cette occasion qu'il« apprit une autre leçon significative qui devait avoir des conséquences pourAuschwitz […] et observa que les détenus supportaient mieux leur emprisonnement parce que les SS leur permettaient de travailler[32]. »« Membre modèle de la SS », Höss est promuRapportführer, premier adjoint du commandant du camp puis il est nomméSturmführer (équivalent de lieutenant) et transféré àSachsenhausen[33], en tant que chef de la garde[34].
En, il est chargé par l'Inspection des camps de concentration de présider une commission chargée d'étudier la possibilité de créer uncamp de concentration àAuschwitz : cette commission émet un avis favorable qui est transmis àHeinrich Himmler[34].
Richard Glücks, qui a succédé àTheodor Eicke en tant qu'inspecteur des camps de concentration, nomme Höss commandant du nouveau camp d'Auschwitz[35], dont la création a été décidée le. Höss et une poignée de gardesSS y arrivent le[35], suivis, le[36], par les premiers internés,30 criminels allemands de droit commun transférés deSachsenhausen pour remplir la fonction deKapo[37]. Après un renforcement de la garde par120 SS provenant notamment des camps deBuchenwald,Dachau etFlossenburg[36],728 détenus politiques polonais arrivent au camp le[38]. Comme à Dachau et Sachsenhausen, Höss fait apposer sur le portail d'entrée du camp la deviseArbeit macht Frei (le travail rend libre)[29]. Dès le, Höss demande au responsable des constructions un rapport hebdomadaire sur l'état d'avancement des travaux visant à alimenter le camp en eau potable, à évacuer les eaux usées et à drainer les terres marécageuses[39].
Dès,Oswald Pohl ordonne à Höss d'augmenter la capacité du camp en ajoutant un étage aux bâtiments existants, afin de développer le travail forcé dans les carrières de sable et de gravier voisines[38]. En, Höss a une entrevue avecHeinrich Himmler au cours de laquelle les deux hommes évoquent les projets de développement du camp, dans le cadre d'expérimentations agricoles[40].« À la fin de 1940, Höss avait mis en place nombre des structures et principes élémentaires qui allaient régir le fonctionnement du camp dans les quatre années suivantes[41]. »« Pour empêcher les évasions, la politique de Höss était simple : répression brutale. » Si les évadés, le plus souvent des Polonais, ne sont pas repris, Höss fait interner leur famille ou fait sélectionner dix détenus du bloc dont provient l'évadé pour les laisser mourir de faim dans les caves du bloc 11, la prison du camp,« une mort lente et atroce[42]. ». PromuSturmbannführer (équivalent de commandant) le, Höss est rapidement débordé par les travaux d'agrandissement du camp principal (Stammlager) d'Auschwitz I ; il délègue donc à ses adjoints la construction du camp de Birkenau (Auschwitz II), initialement destiné à l'internement de prisonniers de guerre soviétiques[43].
Heinrich Himmler effectue sa première visite à Auschwitz le[44] ; lors de celle-ci, il donne l'ordre à Höss d'entamer des travaux permettant d'interner 30 000 détenus et de construire une usine de caoutchouc synthétique, pourIG Farben, sur le site deMonowitz-Buna, aussi connu sous le nom d'Auschwitz III[45].« Si docile qu'il fût envers Himmler, Höss avait une conscience […] aiguë de la difficulté de mettre en œuvre la nouvelle vision de son maître » : lors d'un trajet en voiture avec le Reichsführer S.S. et le général S.S.Erich von dem Bach-Zelewski, il se plaint, sans résultat, du manque de matériaux de construction et de personnel[46]. Après avoir tenté de pallier la pénurie de matériaux,« en écumant la campagne pour chaparder des barbelés », Höss sollicite lors d'une réunion avec des représentants d'IG Farben, le, le soutien de l'entreprise pour l'extension du camp[47]. Les délégués de l'entreprise chimique acceptent d'étudier la possibilité d'aider le camp et passent un accord avec Höss sur les montants à verser à laSS pour l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire et la fourniture de gravier[48].
Fin août oudébut[f], c'est en l'absence de Höss que son adjoint,Karl Fritzsch, mène les premiers essais degazage de prisonniers de guerre russes en utilisant duZyklon B dans le sous-sol dublock 11 ; à son retour, Höss assiste aux gazages suivants et se déclare« soulagé » par cette nouvelle méthode d'extermination[50]. Le sous-sol du bloc 11 se révélant peu adapté aux gazages, ceux-ci sont transférés de janvier à, dans la morgue ducrématoire d'Auschwitz I ; fin avril, il est décidé de les transférer à nouveau, cette fois vers Birkenau[51].
Fin mai, Höss choisit une petite maison fermière située à la lisière du bois de bouleaux de Birkenau (la « maisonnette rouge », ou bunker 1) comme nouveau lieu d'extermination : après quelques travaux, ce site permet de gazer trois cents à quatre cents personnes à la fois[52].« Au cours des six derniers mois de 1941 et des six premiers mois de 1942, jamais Höss n'innova autant : loin de se contenter de suivre les ordres, il prit des initiatives pour augmenter les capacités d'extermination à Auschwitz[53] ».
Début 1942, Höss est convoqué à Berlin oùHimmler l'informe qu'Auschwitz a été choisi comme centre d'extermination des Juifs en raison de sa situation ferroviaire favorable et de la construction prochaine d'un crématoire permettant d'incinérer 1 440 corps par jour : le meurtre de masse doit débuter le[54]. Les installations du bunker 1 ne permettant pas des tueries à grande échelle, Höss improvise une solution en installant dans une autre fermette (la « maisonnette blanche », ou bunker 2), quatre chambres à gaz, d'une capacité totale de500 personnes, opérationnelles fin[54]. Confronté à des circonstances particulières, combinant une extrême urgence et une grande liberté, Höss innove et met notamment en place la sélection des déportés voués à la mort immédiate, qui devient courante à partir de l'été 1942[55].
Himmler se rend à nouveau à Auschwitz le et assiste, silencieux, à l'extermination de Juifs déportés desPays-Bas[42]. Dans la soirée, il participe à un dîner organisé en son honneur ; selon Höss, Himmler« d'excellente humeur, parla de tous les sujets possibles évoqués au cours de la conversation [...] Il but quelques verres de vin rouge et fuma, chose qu'il ne faisait pas d'ordinaire. Tout le monde était sous le charme de sa bonne humeur et de sa brillante conversation[42]. » Quelques jours plus tard, Himmler donne l'ordre à Höss d'extraire tous les cadavres des fosses communes, de les brûler et de disperser leurs cendres, afin de rendre impossible toute estimation du nombre des victimes[42] ; il lui ordonne également de porter la capacité du camp à 200 000 personnes[56]. Satisfait du travail de Höss, il lui accorde une nouvelle promotion au grade d'Obersturmbannführer[56] (équivalent de lieutenant-colonel) .
En juillet et, le complexe d'Auschwitz est frappé par une grave épidémie detyphus, que Höss cherche à dissimuler à sa hiérarchie ; les fours crématoires ne suffisent pas pour incinérer les milliers de victimes de la maladie, qui sont enterrées dans des fosses communes dans leBirkenwald[57], ce qui contamine la nappe phréatique[58]. Höss ordonne que les corps soient déterrés et incinérés à ciel ouvert ; comme les SS d'Auschwitz n'ont pas d'expérience sur ce point, le, il se rend àŁódź avec deux de ses adjoints afin de visiter une « installation spéciale » (Sonderanlage) d'incinération à l'air libre, dirigée parPaul Blobel[58]. La technique utilisée par Blobel est adaptée à Auschwitz : sous la garde de 20 à 30 SS, 300 détenus juifs déterrent et brûlent 50 000 cadavres, entre le et fin[58].
Dans la nuit du 13 au, la chambre à gaz aménagée dans la morgue au sous-sol du crématoire II de Birkenau entre en fonctionnement : 1 492 Juifs considérés comme inaptes au travail et déportés dughetto deCracovie y sont gazés en une seule fois, au moyen de six kilos de Zyklon B[59].
De 1940 à 1943, Höss mène à Auschwitz, avec sa famille, une vie normale, dans une certaine aisance. À sa table, on sert des mets raffinés, des vins fins, des cigares et du café[60]. Il y dispose d'une maison de dix pièces, sans compter les salles de bain et les cuisines, et de deux domestiques, des internées en raison de leur appartenance auxTémoins de Jéhovah[61]. Passionné de chevaux, il dispose d'écuries privées, mieux aménagées que les baraques des détenus[62], où sont abrités de superbesdemi-sang provenant duSchleswig-Holstein[62]. Ses relations avec son épouse paraissent sans problème et il semble avoir été heureux en ménage au cours des quatre années passées à Auschwitz[27] ; tout au plus déclare-t-il àGustave Gilbert, qu'après avoir révélé à son épouse la nature exacte de ses activités, ils n'ont plus que rarement de « désirs charnels »[63]. Au grand chagrin de sa femme, bonne cuisinière et qui n'a jamais été membre duparti nazi, il ne prête que peu d'attention à la nourriture[64]. L'éducation des cinq enfants du couple repose essentiellement sur l'épouse de Höss[61]. Il n'y a, pour lui, pas de contradiction fondamentale entre sa fonction à Auschwitz et le bonheur familial. Il vit cette période en se sentant épuisé par le travail, frustré par des demi-succès, par l'épuisement, par l'incompétence du personnel et par les ennuis du service[65].
Administration centrale des camps de concentration et retour à Auschwitz : 1943-1945
Dans le courant du dernier trimestre1943, une enquête interne de laSS met au jour une corruption généralisée à Auschwitz, dans laquelle Höss semble impliqué ; il est également soupçonné d'avoir eu pour maîtresse une prisonnière politique d'origineautrichienne[66]. Malgré sa volonté de conserver ses fonctions et le soutien que lui apporteMartin Bormann, Höss est écarté de son poste sur ordre deHimmler[67] : ce renvoi est présenté comme une promotion et Höss est muté à Oranienburg, près de Berlin, dans les services centraux, au sein duSS.WHA[68],[g]. Peu avant son départ, Höss fait installer un bordel à Auschwitz, réservé à des détenus triés sur le volet, dont les Juifs sont exclus[70].
En, il rejoint les bureaux du SS.WHA àOranienburg, laissant sa famille à Auschwitz[67]. Dépendant directement deRichard Glücks, il devient chef du Bureau I (section politique)[71]. Ses fonctions consistent à faire l'inspection des camps de concentration, à l'exception de ceux situés en Russie et en Ukraine[72] ; dans ce cadre, Höss est chargé de« superviser totalement tous les camps de concentration, les administrations, les libérations et les punitions, les exterminations, toutes les transactions avec leRSHA, tous les dossiers des détenus : bref, tout ce qui se passait dans les camps de concentration »[73]. Fin 1943, Höss obtient six semaines de congé pour surmenage et épuisement, qu'il passe seul dans un chalet de montagne, sa femme étant au terme de sa grossesse de leur dernier enfant[74].
Juifs hongrois sur la rampe de sélection au printemps-été 1944.
Rappelé, le, à Auschwitz pour organiser l'extermination de Juifs déportés deHongrie[h], Höss reprend le commandement de tout le complexe concentrationnaire et entend remédier au manque d'efficacité et « de vraie dureté » d'Arthur Liebehenschel, qui lui avait succédé en[75]. Dès le lendemain de son retour au camp, il ordonne d'accélérer les préparatifs en vue de l'arrivée des Juifshongrois : la voie ferrée principale est prolongée de deux kilomètres pour arriver directement à la rampe de sélection, située à cent mètres descrématoires 2 et 3. Afin de pouvoir éliminer des centaines de milliers de corps, Höss donne l'ordre de réparer immédiatement le crématoire 5 et de creuser des fosses pour y brûler les cadavres. Il porte le rythme desgazages à un niveau jamais atteint : en huit semaines, 320 000 Juifs sont assassinés[76], avec des pointes de 10 000 tués par jour[77]. En plein massacre,Oswald Pohl effectue, le, une visite d'inspection à Auschwitz : lors de celle-ci, Höss lui demande l'autorisation deliquider les tsiganes,« c'est-à-dire d'en extraire les aptes au travail et de gazer le reste » : l'opération a lieu dans la soirée du[78]. Son action dans l'assassinat des Juifs hongrois vaut à Höss d'être décoré de lacroix du Mérite de guerre de1re et de2e classe ; il regagneBerlin le[79].
Fin1944, Höss est affecté àBergen-Belsen, où il tente, sans résultat, de mettre fin à une épidémie detyphus[80]. SelonJean-Claude Pressac, en, il essaie sans succès de régulariser les évacuations des camps d'Auschwitz et deGross-Rosen et d'en atténuer la mortelle brutalité ; il est ensuite chargé des évacuations des camps deSachsenhausen et deRavensbrück durant lesquelles il aurait demandé à laCroix-Rouge de ravitailler les détenus, tout en lui refusant l'accès aux camps[80],[i].
Lors de la capitulation de l'Allemagne, Höss se trouve àFlensburg, où sont également présentsRichard Glücks etHeinrich Himmler[27]. Arrêté par les troupes britanniques[j], Höss, revêtu d'un uniforme de laKriegsmarine, n'est pas identifié et on le relâche[83]. Après la libération du camp deBergen-Belsen et l'interrogatoire de survivants, les Britanniques prennent conscience de l'importance d'Auschwitz et du rôle de Höss : les services de renseignement militaire recherchent la famille de Höss, la localisent et la mettent sous surveillance[83]. Hedwig Höss est arrêtée le et menacée d'une déportation enSibérie avec ses enfants : elle révèle que son mari vit dans une ferme près de Flensburg[83] ; à la suite de cette information, Höss est capturé le[83],[k]. Sévèrement battu lors de son arrestation par des soldats dirigés parHanns Alexander, Höss est emmené àHeide où il fait à nouveau l'objet de mauvais traitements et est notamment empêché de dormir pendant trois jours ; si la confession de huit pages qu'il rédige le a pu être influencée par ces sévices, elle n'est pas démentie par Höss par la suite[84].
Durant leprocès de Nuremberg, Höss comparaît comme témoin lors de l'examen du chef d'accusation de crime contre l'humanité ; contrairement àOtto Ohlendorf etDieter Wisliceny, appelés à la barre par l'accusation[85], il est cité par la défense, en l'espèce à la demande de l'avocat d'Ernst Kaltenbrunner, qui entend démontrer que celui-ci n'a pas eu de rôle dans la « solution finale »[86]. Höss témoigne le[87] et confirme le contenu de sa déclaration sous serment du et de celle faite à Nuremberg le[88]. Il insiste sur le fait que ses ordres émanaient directement deHeinrich Himmler et qu'il s'agissait d'une « affaire d'État »[89] ; il estime le nombre des victimes assassinées àAuschwitz de 2 500 000 à 3 000 000 personnes[l]. Le témoignage de Höss atterre les principaux accusés :Hermann Göring etKarl Dönitz estiment qu'unPrussien ne se laisserait jamais aller à faire des choses pareilles ; pourHans Frank,« C'était là le moment honteux de tout le procès, qu'un homme dise, de sa propre bouche, qu'il avait exterminé 2 500 000 personnes de sang-froid. C'est là quelque chose dont on parlera dans mille ans »[63] ; quant àAlfred Rosenberg, il pense qu'on lui a joué « un mauvais tour » en le mettant dans une position très difficile pour défendre sa philosophie[63]. PourArthur Seyss-Inquart, le témoignage de Höss démontre que s'« il existe une limite au nombre de gens que l'on peut tuer par haine ou par goût du massacre, […] il n'y a pas de limite au nombre de gens que l'on peut tuer, de manière froide et systématique, au nom de l'impératif catégorique militaire[91] ». « L'inconvénient [du témoignage de Höss à Nuremberg], qui allait se révéler beaucoup plus tard fut une grande exagération du nombre des victimes, dont lesnégationnistes feraient un jour leurs choux gras : il prétendit qu'Auschwitz avait vu mourir deux millions et demi de déportés, ce dontRobert Faurisson et ses adeptes devaient profiter pour semer la confusion[92] ».
Remis aux autorités polonaises, Höss comparaît devant leTribunal suprême de Pologne du au[m]. Lors de son procès, il est« un accusé modèle, répondant brièvement et précisément aux questions qui lui sont posées, ne se défaussant pas sur ses supérieurs ou inférieurs hiérarchiques. Il reconnaît ses actes sans forfanterie à la différence deGöring à Nuremberg ; sans pleurnicher non plus commevon Ribbentrop ouFrank. Mais il n'en mesure jamais véritablement l'insondable horreur, comme si le sens moral ordinaire lui avait jamais fait défaut »[94]. Pour se défendre, il met sur le même pied l'extermination des Juifs à Auschwitz et les bombardements alliés des villes allemandes ; il tente de justifier ses actes par la nécessité d'obéir aux ordres[95]. Sur ce point,Laurence Rees souligne que Höss ne s'est pas contenté de suivre aveuglément les ordres mais qu'il a fait preuve d'une grande ingéniosité pour augmenter les capacités d'extermination à Auschwitz[53] ; il relève également que lorsque Rudolf Höss n'était pas d'accord avec Himmler, il ne manquait pas de le lui faire savoir :« Contrairement à ceux qui commirent des crimes sousStaline, Höss ne devait jamais agir par crainte d'un terrible châtiment s'il contestait un ordre. Il avait rejoint laSS parce qu'il adhérait profondément à la vision générale desnazis »[96].
Höss lors de son exécution.
Condamné à mort, il est exécuté parpendaison le[97],[n], près ducrématorium du camp d'Auschwitz I et de la maison qu'il a occupée avec sa famille durant toutes les années où il dirigeait le camp[o]. SelonLaurence Rees, son exécution est reportée d'un jour en raison de la présence d'une foule de plusieurs milliers de personnes, pour la plupart d'anciens détenus, qui fait craindre des incidents aux autorités polonaises ; l'exécution a lieu devant une poignée de témoins et Höss monte sur le gibet sans prononcer un mot[100].
En, le Tribunal suprême de Pologne juge quarante officiers et gardiens du camp : 23 d'entre eux sont condamnés à mort dontArthur Liebehenschel etHans Aumeier[101].
Le procès de Höss est notamment suivi, près de vingt ans plus tard, par le « procès d'Auschwitz », qui se tient àFrancfort de à : sur les 22 accusés, 17 sont condamnés, dont seulement 6 à la peine maximale, la prison à vie ; près de 85 % desSS qui servirent à Auschwitz et survécurent à la guerre n'ont jamais été condamnés[102].
Lors duprocès de Nuremberg, l'un despsychiatres américains,Leon Goldensohn, a de fréquents entretiens avec Höss dont il cherche à établir le profil psychologique. Lorsque Goldensohn pose à Höss une question directe sur son éventuel sentiment de culpabilité, il reçoit comme réponse :« maintenant il [Höss] se rend compte que ce n'était pas bien[103] », et« que jusqu'à la capitulation il avait cru avoir exécuté les ordres correctement [...] Mais que, après la capitulation, il en est arrivé à la conclusion que l'extermination des Juifs n'était pas telle que l'on lui avait dit et, qu'aujourd'hui, il se sent aussi coupable que tous les autres[104] ». Höss poursuit en ajoutant qu'« il y en a d'autres plus coupables que moi, en particulier ceux qui m'ont donné les ordres, qui n'étaient pas les bons[104] ». Quand le psychiatre cherche à savoir si Höss se voit comme un dur et un sadique, il répond qu'il est« devenu dur quand il a exécuté de tels ordres » et qu'il n'a jamais« fait preuve de tendresse, qu'il s'agisse d'abattre des gens ou de les tuer dans des chambres à gaz[105] ». Il ajoute qu'il n'a« jamais frappé aucun détenu et qu'il se débrouillait pour changer les gardes qui se montraient violents avec les prisonniers[106]. »
Un autre membre de l'équipe américaine, lepsychologueGustave Gilbert, s'est également entretenu avec Höss durant le procès. Lors de l'un des entretiens de Gilbert avec Höss, celui-ci se décrit comme un homme« qui s'est toujours senti mieux seul, qui n'a jamais eu de relations amicales ni étroites avec quelqu'un, même dans sa jeunesse, qui n'a jamais eu d'ami et qui n'a jamais éprouvé le besoin d'avoir des amis[12]. » LorsqueGilbert veut savoir combien de déportés ont été tués à Auschwitz et comment il a procédé à leur extermination, Höss lui expose la façon de les gazer,« d'une façon terre à terre, d'une voix calme et apathique[107]. » À la question sur l'ordre d'extermination donné parHimmler, Höss répond« que la pensée de refuser d'exécuter un ordre ne lui venait même pas[107] », et que« Himmler l'avait ordonné et en avait même expliqué la nécessité, et qu'il ne s'est jamais vraiment demandé en somme si c'était mal, que cela lui semblait simplement une nécessité[108] ». Gilbert en est finalement arrivé à la conclusion que Höss« donne l'impression générale d'un homme intellectuellement normal, mais avec une apathie deschizophrène, une insensibilité et un manque d'énergie que l'on ne pourrait guère trouver plus développés chez un francpsychopathe[108] ».
PourPrimo Levi, Höss est« un homme vide, un idiot tranquille et empressé qui s'efforce d'accomplir avec le plus de soin possible les initiatives bestiales qu'on lui confie, et qui semble trouver dans cette obéissance un total assouvissement de ses doutes et de ses inquiétudes[109] ».
Dans les dernières pages de son autobiographie, Höss réaffirme son attachement à la doctrine philosophique dunational-socialisme, « seule appropriée à la nature du peuple allemand » et à laSS, « capable de ramener graduellement le peuple allemand tout entier à une vie conforme à sa nature »[110]. Il termine son ouvrage en s'estimant incompris :« Que le grand public continue donc à me considérer comme une bête féroce, un sadique cruel, comme l'assassin de millions d'êtres humains : les masses ne sauraient se faire une autre idée de l'ancien commandant d'Auschwitz. Elles ne comprendront jamais que, moi aussi, j'avais un cœur...[111] »
« La lecture du livre de Höss provoque chaque fois en moi un fort malaise. [...] Dès que je lis ou recopie de telles phrases, je sens monter en moi quelque chose comme une nausée. Aucun des autres livres dont je parle ici ne me donne cette impression aussi fortement. À quoi est-elle due ? Sans doute à la conjonction de plusieurs facteurs : l'énormité du crime ; l'absence de véritables regrets de la part de l'auteur ; et tout ce par quoi il m'incite à m'identifier à lui et à partager sa manière de voir. […] En lisant, j'accepte de partager avec lui ce rôle de voyeur de la mort, et je m'en sens sali. »
Au cours de sa détention à la prison deCracovie et dans l'attente de son procès, Höss rédige uneautobiographie, publiée en1958 sous le titreLe commandant d'Auschwitz parle. Dans l'avertissement de l'édition française, le Comité international d'Auschwitz souligne que« conçu dans un but de justification personnelle, mais avec le souci d'atténuer la responsabilité de son auteur en colorant le mieux possible son comportement, celui de ses égaux et des grands chefsSS, ce document projette une lumière accablante sur la genèse et l'évolution de lasolution finale et dusystème concentrationnaire »[113]. PourPierre Vidal-Naquet,« Höss multiplie les détails autobiographiques, les petits faits vrais, les remarques personnelles, les commentaires politiques les plus variés (y compris une dénonciation descamps soviétiques), les accusations antisémites et anti-tsiganes. Il n'y a rien là qui sente le fabriqué et le dicté. [...] Le témoignage de Höss n'a évidemment d'intérêt que pour ce qu'il a vu. Il mérite naturellement aussi d'être critiqué »[114].
Dans sa préface à l'édition de1995, la sociologueGeneviève Decrop estime qu'il s'agit d'un document capital pour de multiples raisons : la personnalité de son auteur, qui est un de ceux dont on a pu dire lors duprocès de Nuremberg queHitler aurait été inoffensif sans des exécutants aussi doués ; la sincérité de la confession de Höss, qui n'est contestée que par lesnégationnistes, et dont la plupart des éléments, à part quelques inexactitudes notamment sur les chiffres, ont été confirmésa posteriori par les historiens ; la clarté du texte et son caractère factuel, qui dépassent le vocabulaire codé employé par les nazis, à une époque où l'on savait très peu de choses sur lasolution finale ; le caractère presque unique[p] du témoignage ; la position de Höss, qui dispose d'un point de vue suffisamment large[115]. PourAnnette Wieviorka, l'autobiographie de Höss« n'est pas seulement un témoignage d'une importance historique capitale pour comprendre quand, comment et pourquoi s'est effectué le choix d'Auschwitz comme lieu de la « Solution finale », et comment Höss la mit en œuvre à Birkenau, mais une plongée dans les profondeurs d'un homme[116] ». PourPrimo Levi, qui préface l'édition italienne de 1985, il s'agit d'« un des livres les plus instructifs qui aient jamais été publiés, car il décrit avec précision un itinéraire humain qui est, à sa façon, exemplaire[117]. »
Ce récit, comme les entretiens deFranz Stangl avecGitta Sereny, présente une caractéristique frappante :« même lorsque les personnages concernés sont manifestement démunis de critère d'humanité qui pourrait être appliqué aux actes qu'ils ont commis, ils n'en sont pas moins extrêmement soucieux d'apparaître, non comme de « mauvais hommes », mais comme des personnes dont la force morale ne fut pas entamée par les situations pourtant extrêmes dans lesquelles s'inscrivait leur action »[118],[q].
Hannah Arendt, pointant une erreur à propos d'Adolf Eichmann[r], estime qu'il s'agit d'un témoignage douteux[119]. SiLaurence Rees utilise fréquemment l'autobiographie de Höss comme source dans son ouvrage consacré àAuschwitz, il souligne également les difficultés soulevées par ce témoignage :« Non seulement il tend à se présenter en victime des exigences de Himmler et de l'incompétence de son équipe, mais les dates qu'il donne semblent aussi souvent peu fiables[120] ».Jean-Claude Pressac est nettement plus critique : pointant les nombreuses erreurs de date et les exagérations concernant les chiffres des morts, il estime que« Höss, malgré son rôle dans la solution finale, ne peut plus être considéré actuellement comme un témoin fiable sur les dates et les chiffres »[121].
Les déclarations de Höss des et, son témoignage lors duprocès de Nuremberg et devant le Tribunal suprême dePologne et son autobiographie contiennent des erreurs, imprécisions et contradictions qui ont suscité des controverses, essentiellement alimentées par les milieuxnégationnistes :« Ceux qui contestaient et contestent encore aujourd'hui son témoignage y ont un redoutable intérêt : ils ont fait de la négation dugénocide et deschambres à gaz leur cause personnelle, qu'ils s'acharnent à hisser au rang de cause historique. On peut comprendre que le témoignage du commandant d'Auschwitz est un gros rocher dans leur jardin[122] ».
PourJean-Claude Pressac, les aveux du sont globalement justes, mais truffés d'exagérations imposées et d'erreurs volontaires : Höss espère que celles-ci seront remarquées lors du procès, ce qui lui donnerait la possibilité de les rectifier et d'atténuer son rôle[123]. Le même auteur souligne que l'autobiographie est rédigée sans aucune documentation et que personne ne peut, à l'époque, contrôler son degré de véracité[123].
Aucun spécialiste de l'histoire de laShoah ne retient cette date ; siRaul Hilberg estime que l'entretien s'est bien déroulé au cours de l'été1941, vraisemblablement au cours du mois d'août[125], la majorité des auteurs sur le sujet estime qu'il a eu lieu plusieurs mois, voire près d'un an plus tard[126],[127]. Höss déclare que Himmler a notamment choisi Auschwitz parce que les centres d'extermination déjà existants en zone orientale (Belzec,Sobibor etTreblinka) ne sont pas en mesure de mener jusqu'au bout les actions d'extermination prévues : or ces centres de mise à mort ne commencent à fonctionner qu'au cours de l'été 1942[128]. La confusion de date est patente lors d'un des entretiens de Höss avec Leon Goldensohn : Höss décrit sa visite d'inspection àTreblinka, qu'il situe juste après son entretien avec Himmler et avant l'aménagement de chambres à gaz à Birkenau, dans d'anciennes fermes[129]. Cette chronologie est impossible, le centre de mise à mort de Treblinka ne commençant ses activités qu'en[130].
PourLaurence Rees, l'explication la plus probable est que Höss s'est laissé abuser par sa mémoire et que l'entretien qu'il mentionne a bien pu avoir lieu, mais au cours de l'été 1942 ; si Höss a bien rencontré Himmler enjuin 1941, ce n'est pas pour recevoir des ordres relatifs à la « Solution finale », mais pour évoquer les plans d'expansion d'Auschwitz, notamment en lien avec le projet d'IG Farben[131]. L'analyse la plus approfondie du témoignage de Höss confirme que celui-ci « télescope » les événements de 1941 et de 1942[132].
Lors de sa déposition auprocès de Nuremberg, Höss estime le nombre de personnes assassinées à Auschwitz à 2 500 000[133]. Signe de la confusion qui règne à l'époque sur le nombre des victimes,Leon Goldensohn demande à Höss si le chiffre ne doit pas être revu à la hausse, vers 3 000 000 ou 4 000 000 morts : Höss maintient son estimation, en précisant qu'il n'y avait pas d'archives ni de noms concernant les personnes gazées et que les chiffres ne sont que grossièrement estimés[134]. À l'époque, le chiffre avancé par Höss n'est pas perçu comme une exagération, bien au contraire : les estimations effectuées par les autorités soviétiques en, qui évaluent le nombre de morts à Auschwitz à 4 000 000, sont généralement admises et restent en quelque sorte des « données canoniques » jusqu'à la fin des années 1970[135] ; les attendus du jugement du Tribunal suprême de Pologne reprennent le chiffre de 4 312 000 victimes[136].
L'estimation actuellement retenue par la plupart des historiens est 1 100 000 morts[90],[137], dont 1 000 000 de victimes juives[138],[s].
SelonJean-Claude Pressac, le témoignage de Höss contient également une exagération en ce qui concerne le chiffre des cadavres incinérés à ciel ouvert, de finseptembre à fin, estimé par Höss à 100 000 et ramené par Pressac à la moitié de ce chiffre[140].
Il ne fait aucun doute que l'épouse de Höss n'a révélé la cachette de son mari au renseignement militaire britannique que sous la menace ; les mauvais traitements dont Höss fait l'objet lors de sa capture et de ses premiers jours de détention sont également établis. Lors de sa capture, il est si sévèrement battu que le médecin militaire présent lors de l'arrestation s'adresse au capitaine chargé de l'opération en s'écriant« Retenez-les si vous ne voulez pas rapporter un cadavre ! » ; pendant ses trois premiers jours de détention àHeide, il est privé de sommeil, des soldats munis de manches de hache ayant reçu pour consigne de le secouer au moindre signe de somnolence[141],[142]. Si Höss affirme qu'après son transfert au centre de détentionno 2 des criminels de guerre àMinden, il a subi un traitement encore plus brutal, sans donner de précision[143], cette assertion n'est confirmée par aucun autre témoignage[141]. Par la suite, lors de sa détention àNuremberg et àCracovie, Höss est bien traité, à sa grande surprise[144],[141].
Les sévices subis par Höss servent d'argument aunégationnisteRobert Faurisson pour discréditer les confessions écrites de Höss des et, ses témoignages àNuremberg et lors de son propre procès, et son autobiographie. Selon Faurisson, tous ces éléments auraient été obtenus sous la contrainte et la torture, ce qui remettrait en cause les aveux de Höss[145].
Laurence Rees n'exclut pas que les premiers aveux de Höss datés du aient pu être obtenus sous la contrainte, mais il souligne qu'ils ont été confirmés par la suite à plusieurs reprises, alors que Höss aurait pu les infirmer[141]. Les affirmations de Faurisson sont également réfutées, point par point, par l’universitaire américain John C. Zimmerman :« Or les négationnistes ne révèlent jamais que si nous le savons [le fait que Höss a été sévèrement maltraité], c’est parce que Höss lui-même l’a écrit dans ses mémoires. S’il y avait eu une tentative de ses gardiens polonais pour falsifier ces mémoires ou pour faire mentir Höss, cette information ne serait jamais parue »[146].
En 1952, paraîtLa mort est mon métier deRobert Merle. Ce roman est en bonne partie basé sur les entretiens de Rudolf Höss avec le psychologue américainGustave Gilbert lors duprocès de Nuremberg, dont le compte rendu semble à Robert Merle plus fiable que l'autobiographie de Höss :« Il y a une différence entre coucher sur le papier ses souvenirs en les arrangeant et être interrogé par un psychologue... » La première partie de l'ouvrage est une œuvre de fiction, une« re-création étoffée et imaginaire de la vie de Rudolf Hœss [Rudolf Lang dans le roman], d'après le résumé de Gilbert » ; quant à la seconde partie, qui concerneAuschwitz, Merle estime avoir fait véritablement œuvre d'historien[147]. L'ouvrage poursuit un objectif clairement défini dans la préface à l'édition de 1972 :
« Ce qui est affreux et nous donne de l'espèce humaine une opinion désolée, c'est que pour mener à bien ses desseins, une société de ce type trouve invariablement les instruments zélés de ses crimes. [...] Il y a eu sous le nazisme des centaines, des milliers de Rudolf Lang, moraux à l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs mérites portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'État. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux[147]. »
En 2006, dans son livreLes Bienveillantes,Jonathan Littell évoque à de nombreuses reprises la rencontre entre Rudolf Höss et le personnage principal de son roman, Maximilien Aue[148]. À ce propos, Littell admet qu'il ne possède pas assez de recul par rapport aux mémoires de Höss[149].
Jürg Amann a publié en 2011 une mise en forme des notes de Höss.
↑En l'absence d'une biographie de Höss de qualité scientifique, ses mémoires sont fréquemment utilisés comme références dans le présent article, uniquement pour des éléments factuels qui n'ont pas été contredits par des historiens. Une biographie a été rédigée par Jerzy Rawicz,The Every Day Kife ou a Mass Murderer, Dzien Powzedni Ludobojcy, Varsovie, 1973, mais cet ouvrage n'a pas pu être consulté dans le cadre de cet article.
↑Ni Höss, ni Peter Longerich, niPeter Padfield, auteurs de biographies deHeinrich Himmler ne mentionnent de rencontre entre les deux hommes à cette époque ; une telle rencontre est toutefois imaginée parRobert Merle dans son roman[25] et mentionnée par Heinz Höhne, sans référence précise,L'Ordre noir,p. 42.
↑Si Pressac situe ce premier gazage entre le et la fin du mois[49], l'historienne Danuta Czech le date du. L'historien allemandEberhard Jäckel note que le premier rapport clandestin polonais sur un gazage de Russes à Auschwitz date du et qu'un second rapport situe la date du gazage au 5 ou, Florent BrayardLa solution finale de la question juivep. 551, note 166.
↑Dans son autobiographie, Höss ne mentionne pas les accusations dont il a fait l'objet, mais présente son changement de fonction comme le résultat d'une proposition d'Oswald Pohl, qui lui aurait laissé le choix entre le commandement du camp deSachsenhausen ou un poste au SSWHA[69].
↑Cet épisode n'est pas mentionné dans son autobiographie.
↑Pressac est le seul auteur à mentionner ces épisodes, qui ne sont cités dans aucun des autres ouvrages repris en bibliographie, ni dans Daniel Blatman,Les Marches de la mort, Paris, Fayard, 2009.
↑Le récit de sa recherche et de son arrestation a été relaté par un descendant de l'un des officiers membres de la commission britannique d'investigation des crimes de guerre, Hanns Alexander[82].
↑Lors de ses entretiens avecLeon Goldensohn, Höss déclare que c'est son fils qui a dévoilé son adresse[72].
↑Les travaux les plus récents tablent sur 1,1 million dont 900 000 juifs)[90]
↑L'extrait du jugement du Tribunal suprême de Pologne mentionne la date du 7 avril[98]
↑Selon Annette Wieviorka, pendant des années, l'échafaud a été recouvert de fleurs par des mains inconnues, des touristes allemands selon les guides du musée[99]
↑Voir notammentAuschwitz vu par les SS, Oswiecim, 1974, ou le témoignage deFranz Stangl recueilli parGitta Sereny,Au fond des ténèbres, Paris, 1975
↑« Rudolf Höss lived with his wife Hedwig and, at first, four children (a fifth was born in 1943)... », Sybille Steinbacher,Auschwitz: A History, Harper Perennial, 2013, 176 p.(ISBN978-0060825829)[EPUB] emplacement 457 sur 2006.
↑Rudolf Höss,Le commandant d'Auschwitz parle, p. 1 à 8
↑Daniel Blatman,Les Marches de la mort, Paris, Fayard, 2009,p. 151.
↑VoirThomas Harding,Hanns and Rudolf: The True Story of the German Jew Who Tracked Down and Caught the Kommandant of Auschwitz, Simon & Schuster, 2013, 368 p.(ISBN978-1476711843) ainsi que Laurence Rees,Auschwitz: A New History, Public Affairs, 2005, 368 p.(ISBN978-1610390118)p. 288-289
↑Karin Orth,Rudolf Höss und die Endlösung der Judenfrage. Drei Argumente gegen Dateirung au den Sommer 1941, cité par Christopher R. Browning,Les Origines de la Solution finale, Paris, Les Belles Lettres, 2007,p. 538
↑Franciszek Piper,Estimating the Number of Deportees to and Victims of the Auschwitz-Birkenau Camp, inYad Vashem Studies, vol. XXI,p. 49-103, Jerusalem, 1991
Rudolf Höss,Le commandant d'Auschwitz parle, Paris,Juliard,, traduit de l'allemand par Constantin de Grunwald. Réédition parLa Découverte, 1995, et en 2005 avec des notes actualisées par Geneviève Decrop(ISBN978-2-7071-4499-7).
La version du 15 juin 2011 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.