Au cours duXIXe siècle, laSerbie passe du statut de territoire sous contrôle turc à celui de principauté sousprotectoratottoman, et devient enfin unÉtat souverain. Elle sait se moderniser grâce aux populations serbes d'Autriche-Hongrie qui apportent à l'État serbe des institutions politiques, économiques et industrielles modernes. Ainsi, même sous protectorat ottoman, la Serbie est plus en avance que le vieilEmpire ottoman qui pourtant était son « protecteur ».
Mais en Serbie, tous ne sont pas du même avis ; il existe ainsi des Serbes qui refusent l'idée d'une union des Slaves du sud dans un État, mais qui militent pour l'union des seuls Serbes dans un État. Les Serbes favorables à l'Autriche-Hongrie ont une armée spécialisée dans la lutte contre les Ottomans depuis trois siècles, ce qui déclenche un problème intérieur. En effet, l'Autriche-Hongrie a, à l'intérieur de ses frontières, une très importante population serbe, qu'elle a accueillie lors de leur fuite devant les armées turques ; lesmigrations serbes ont participé au sauvetage de l'empire autrichien.
Désormais, puisqu'il existe un État serbe, cette population Serbe désire vivre en son sein, et devient pour l'Autriche une menace plus importante que les Turcs. Non seulement les Serbes veulent quitter l'Empire, mais aussi lesCroates, lesMusulmans (nationalité), lesSlovènes, veulent tous vivre dans un État commun libre, et ne plus être soumis àVienne.
Le roiAlexandre Ier de Serbie qui lors de son arrivée sur le trône de Serbie a décidé de continuer la politique pro-Autrichienne de son pèreMilan Ier trouve en face de lui une résistance grandissante de la classe politique serbe, surtout du parti radial deNikola Pašić[2]. Il avait pratiquement placé la Serbie dans une situation de satellite vis-à-vis de la monarchie austro-hongroise. Sa volonté de faire taire les radicaux deNikola Pašić le pousse le à faire l'erreur d'abolir laconstitution libérale de 1888[2].
Il perd alors le soutien des généraux de l'armée. C'est Alexandre qui donnera à ses ennemis l'occasion de réunir autour d'eux toute la population serbe. En effet, un médecin russe a révélé au grand public que la reine Draga, que l'on pensait enceinte, simulait une grossesse, et qu'elle prévoyait de donner le trône de Serbie à son frère[2].
C'est alors qu'un officier né en1876, le capitaineDragutin Dimitrijević, que ses amis appellent Apis, sort de l'ombre. À la tête d'une conjuration de 120 officiers[3], il organise un coup d'État. Le jeune capitaine et ses hommes sont impitoyables avec les fidèles des Obrenovic qui sont tous égorgés. Quant au couple royal, il est abattu à coup de révolver, défenestré du palais et livré à la vindicte populaire[3].
Le jeune capitaine aurait alors pu devenir dictateur, mais habile diplomate, il livre le trône à la famille rivale desObrenović. LesKarađorđević (Karageorgévitch en français), reviennent sur le trône de Serbie par l'intermédiaire du francophone et russophilePierre Ier de Serbie.
Mais avec un taux d'électeurs sans commune mesure, en effet, 23 % de sa population a le droit de vote (tous les hommes de plus de 24 ans)[4],
La création d'une école publique, en1884, offre à la Serbie ses premiers bacheliers[4],
Laliberté de la presse, d'opinion et d'association, est instaurée en1909 : 79 journaux dont 13 quotidiens[5],
Enfin la mise en place desyndicats, dont la confédération générale des ouvriers en 1904, permet à la Serbie de mettre en place des lois sociales avancées[5].
Cette liberté en Serbie favorise un foisonnement culturel qui fait de Belgrade un phare de liberté pour tous les Serbes des Balkans, et pour lesCroates et lesSlovènes de l'empire d'Autriche-Hongrie. Certains milieux réactionnaires à Vienne attendent l'occasion d'écraser le piémont serbe avant qu'il ne contamine les esprits de tous les slaves du sud de l'Empire[5].
La Serbie reçoit le surnom de berceau de ladémocratie dans lesBalkans modernes[5].
Lors de la mise en place du régimeyougoslave en1921, laFrance poussePierre à instaurer un régime plus centralisateur et plus autoritaire afin de lutter contre le risque d'un essor des idées communistes dans le nouveau royaume. La constitution de 1903 reste la référence de tous les mouvements démocratiques dans laYougoslavie royaliste d'entre les deux guerres ainsi que dans la Yougoslavie communiste deTito[5].
Les organisateurs de l’attentat contre le prince François-Ferdinand étaient de jeunes nationalistes yougoslaves, desserbes de Bosnie et desMusulmans[5], qui effectuaient leurs études àBelgrade[6]. Membres de l’organisation révolutionnaireJeune Bosnie (Млада Босна /Mlada Bosna), proche du parti social-démocrate Serbe, ils contactèrent laMain Noire (Црна рука /Crna ruka), unesociété secrète soutenue discrètement par le gouvernement serbe[7] ; leur intention était d’obtenir des armes pour leur projet d’attentat. Le lieutenant-colonelDragutin Dimitrijević « Apis », chef des services secrets serbes et de laMain Noire aurait reçu l’ordre de faire annuler l’attentat[7]. Après lesguerres balkaniques de1912 et1913, le gouvernement deNikola Pašić voulait la paix, hésitant à s’unir avec leMonténégro du roiNicolas Ier, en raison de l’opposition que l’Autriche-Hongrie aurait alors manifestée. Des notes diplomatiques échangées entre laRussie et la Serbie témoignent de cette hésitation[8]
Les trois étudiants serbes,Gavrilo Princip,Trifko Grabež etNedeljko Čabrinović, passèrent à l’action le matin de la fête deVidovdan. Une première tentative, effectuée par Čabrinović, échoua ; la seconde, effectuée par Gavrilo Princip, eut pour résultat la mort de l’archiducFrançois-Ferdinand. Les diplomates autrichiens considérèrent l’attentat comme une provocation directe de la Serbie ; selon l’historienDušan T. Bataković, l’assassinat constituait pour Vienne« le prétexte longtemps attendu d’une guerre avec la Serbie »[7]. Dans l’Autriche-Hongrie de cette époque se développait une forte propagande contre les Serbes, notamment vis-à-vis des Slaves vivant dans l’Empire[réf. nécessaire]. Le, bien que l’implication du gouvernement serbe ne fut pas prouvée[réf. nécessaire], l’Autriche lança à la Serbie unultimatum en 10 points. Belgrade accepta l’ultimatum[9], à l’exception du sixième point, exigeant l’envoi d’enquêteurs autrichiens dans le pays[9],[7] ; sur ce point particulier, considérant que« ce serait une violation de la Constitution et de la loi sur la procédure criminelle », la Serbie proposait de s’en remettre à une juridiction pénale internationale ou à l’arbitrage des Grandes puissances[9]. Quelques jours plus tard, l’Autriche-Hongrie affirma qu’une attaque serbe avait eu lieu contre ses troupes près de la ville deKovin[réf. nécessaire]. Le, le ministre autrichien des Affaires étrangères,Leopold Berchtold, déclara la guerre à la Serbie[10]. Le1er août, l’Empire allemand déclara la guerre à la Russie, qui avait déjà mobilisé ses troupes, puis, le, à laFrance, alliée de la Russie. LaPremière Guerre mondiale avait commencé. Le royaume du Monténégro, invité à rester neutre, s’engagea aux côtés de la Serbie, le gouvernement deCetinje déclarant :« Le destin de la Serbie est aussi notre destin. »[7]
Pour la Serbie, les troupes autrichiennes étaient commandées par leSlovèneOskar Potiorek, qui se trouvait dans la voiture de l’archiduc François-Ferdinand au moment de son assassinat. La première attaque autrichienne eut lieu le, entre laSave et laDrina, dans la région deŠabac. Les forces autrichiennes comptaient trois armées, soit 220 000 soldats au total, bien entraînés, bien équipés[réf. nécessaire]. En face, l’armée serbe, manquant de munitions pour l’artillerie, était commandée par levoïvodeRadomir Putnik, un général expérimenté.
Le premier affrontement important entre les deux armées eut lieu du 16 au, au montCer, non loin de la frontière avec laBosnie-Herzégovine. Les Serbes étaient commandés par le généralStepa Stepanović. Cette victoire serbe contraignit les Austro-Hongrois à se replier de l’autre côté de la Drina ; ce fut la première victoire alliée de la Première Guerre mondiale[7]. Les pertes furent importantes dans les deux camps : les Autrichiens perdirent environ 25 000 hommes et 5 000 soldats furent faits prisonniers ; les Serbes, quant à eux, avaient perdu environ 16 000 soldats[7]. Malgré l’importance des pertes, cette victoire renforça le moral des troupes serbes.
Les Russes insistèrent ensuite pour que la Serbie attaque à son tour les Autrichiens. L’armée serbe passa alors enSyrmie, une région aujourd’hui située dans la province serbeVoïvodine et, à l’époque, appartenant à l’empire d’Autriche-Hongrie. Une armée serbe arriva le jusqu’àPale, en Bosnie-Herzégovine ;Sarajevo fut évacué. En revanche, après la défaite deGlasinac, l’armée serbe, à son tour, dut retraverser la Drina[7].
La deuxième offensive autrichienne commença le, avec des moyens plus importants que lors de la première attaque. Les Serbes, de leur côté, manquaient de munitions et, notamment, de pièces d’artillerie. Les Serbes durent se replier, abandonnantBelgrade et la vallée de laKolubara. Le généralPotiorek s’empara alors de la capitale serbe et des plans de découpage du pays furent préparés[7]. Dans cette période difficile, le généralŽivojin Mišić prit le commandement de laPremière Armée serbe ; le roiPierre Ier, malgré son âge, allait sur le front soutenir le moral des soldats.
Des munitions, promises par la France, finirent par arriver, transitant par laGrèce. Le, Mišić donna le signal de la contre-offensive. L’armée austro-hongroise dut reculer et Belgrade fut reprise le. Cette contre-offensive porte le nom de « bataille de la Kolubara », d’après la rivière de laKolubara, près de laquelle se déroula le combat le plus important de cette campagne militaire. Les Serbes firent prisonniers 333 officiers et plus de 42 000 soldats ; ils s’emparèrent également d’un important matériel militaire autrichien. Tout le territoire du royaume de Serbie fut libéré. En récompense de son succès dans cette bataille, Živojin Mišić fut élevé au rang devoïvode[7].
À partir du mois de, la Serbie connut une période d’accalmie. Le pays, qui avait réussi à repousser deux offensives autrichiennes, en retira un grand prestige auprès de ses alliés. En1915, enFrance, une« journée serbe » fut célébrée dans les écoles[7].
En1915, la conquête de la Serbie était d’un intérêt stratégique majeur pour lesempires centraux. En octobre1914, l’Empire ottoman avait attaqué laRussie et était devenu l’allié de l’Autriche-Hongrie et de l’Empire allemand. Allemands et Autrichiens souhaitaient établir une liaison terrestre avecIstanbul ; pour réaliser ce projet, ils devaient battre les Serbes. L’écrasement de la Serbie devenait d’autant plus urgent que les Turcs, notamment après labataille de Sarikamis (-) et lapremière offensive de Suez (-), étaient en difficulté. L’alliance avec laBulgarie était une des pièces maîtresse du projet : le, la Bulgarie signa un traité d’alliance avec les empires centraux qui promirent au tsarFerdinand Ier la Macédoine ainsi qu’une bonne partie de la Serbie.
L’armée serbe pendant sa retraite vers l’Albanie.
La stratégie d’invasion de la Serbie prit forme et la direction des opérations fut confiée àAugust von Mackensen, qui s’était déjà illustré sur le front russe. Le l’offensive fut lancée au nord, et les Austro-Allemands prirentBelgrade le 9. Ils progressent alors vers le sud tout en rencontrant une vive résistance de la part des Serbes. Le, les Bulgares passèrent à leur tour à l’offensive. L’aide promise par les alliés anglais et français de la Serbie, en provenance deSalonique, n’arrivait pas[7]. Comme l’armée serbe était attaquée de tous côtés et menacée d’encerclement et de destruction (ce qui était le plan de Mackensen), le généralRadomir Putnik donna l’ordre de se replier vers l’Albanie. Son plan était de gagnerDurazzo, sur l’Adriatique et, de là, de rejoindreCorfou ; l’armée serbe, réorganisée, devait ensuite se rendre à Salonique, où se trouvaient déjà les Anglais et les Français.
Commence alors un épisode de lacampagne de Serbie que la mémoire collective serbe nomme « le Golgotha albanais »[7]. De fait, la traversée de l’Albanie s’effectua dans des conditions particulièrement difficiles. Les montagnes étaient déjà enneigées et les soldats harassés et affamés devaient passer des cols à 2 500 mètres sous des températures extrêmes. Avec les soldats, marchaient également de nombreux réfugiés ; le roiPierre Ier suivait le convoi. Outre les conditions climatiques difficiles, les Serbes étaient régulièrement attaqués par les clans albanais[7]. En décembre, les troupes serbes finirent par atteindre les rives de l’Adriatique, alors occupées par l’Italie ; puis elles furent évacuées par bateau àCorfou, particulièrement aidées par les soldats français.
Tout d'abord, la Serbie retrouva ses frontières d'antan, qui avaient été réduites par la conquête bulgare, et ce à la suite de l'armistice de Thessalonique, le. De plus, le, dans un Monténégro alors occupé par les troupes serbes, une assemblée nouvellement formée, et qui venait de destituer le roi de Monténégro, vota le rattachement à la Serbie. Cela entra en vigueur officiellement le. Mais le royaume de Serbie gagna aussi quelques territoires frontaliers appartenant à la Bulgarie (Tsaribrod,Bosilegrad etStrumica) et cela grâce autraité de Neuilly, le, entre les alliés et la Bulgarie.
Les revendications territorialesbulgares et serbes sur laMacédoine, un territoire turc en proie à beaucoup d'agitation, provoquent lesguerres balkaniques de 1912 et 1913. En, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro déclarent conjointement la guerre à l'empire ottoman, et remportent la victoire. Le, l'empire demande l'armistice, mais les hostilités reprennent brièvement au printemps 1913. L'hégémonie turque en Macédoine s'achève avec ce conflit.
Mais la Bulgarie considère la Macédoine comme un territoire « bulgare » et réclame la plus grande partie du territoire macédonien. Une seconde guerre balkanique éclate alors, elle opposera la Bulgarie à une nouvelle coalition formée de la Serbie, de la Grèce, de laRoumanie et de l'Empire ottoman. Le, la Bulgarie, vaincue, doit déposer les armes et conserve uniquement une petite partie de la Macédoine, que se partagent laGrèce et la Serbie (Serbie du Vardar).
Pour Pierre Ier de Serbie et toute l'intelligentsia serbe, l'avenir des Slaves du Sud et donc des Serbes passe obligatoirement par la création d'un puissant État des Slaves du Sud.
La coalitionserbo-croate, créée en1905, a pour idée principale que les Croates, les Serbes et les Slovènes forment un seul peuple, et que l'avenir des Croates et des Slovènes n'est pas dans l'empire d'Autriche-Hongrie.
En 1881, laprincipauté de Serbie signe un accord delibre échange avec l'Autriche-Hongrie. L'Autriche ouvre à la Serbie son marché ; en échange, la Serbie s'engage à ne plus encourager les mouvements pan-serbe et pan-yougoslave à l'intérieur des frontières de l'empire Austro-hongrois[2]. Cette situation perdure jusqu'à lacrise bosniaque et à la déclaration de laguerre des cochons[11]. La Serbie exporte alors une partie de sa production vers les pays de l'alliance,France,Russie,Grèce et aussiSuisse. Le secteur primaire représente 47,9 % du PIB en1910[12], l'industrie est plus développée, mais elle souffre d'une organisation du chemin de fer plus tournée vers un développement militaire qu'économique[12]. La Serbie est constamment menacée dans son existence même par l'Autriche-Hongrie.
La Serbie compte 4 millions d'habitants en1914, principalement des paysans producteurs tournés vers l'exportation[12]. Une fois de plus, l'armée est le principal promoteur social. En 1914, la Serbie est une petitePrusse.