Si ce bandeau n'est plus pertinent, retirez-le. Cliquez ici pour en savoir plus.
Certaines informations figurant dans cet article ou cette section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans les sections « Bibliographie », « Sources » ou « Liens externes »().
En 1688 commence le règne du prince-électeur de Brandebourg et duc de PrusseFrédéric III : c'est lui qui obtient de l'Empereur un titre royal depuis longtemps convoité.
Par letraité de la Couronne (en allemand :Krontraktat), signé à Vienne le, l’EmpereurLéopoldIer accorde à Frédéric III, électeur duSaint-Empire romain germanique le droit de porter le titre de roi en Prusse : le, Frédéric III se fait sacrer et devient le roiFrédéricIer. Personne en effet ne peut être couronné roi à l'intérieur duSaint-Empire romain germanique, mais laPrusse ne relève pas de l'empire. Frédéric se couronne lui-même dans la chapelle du château deKönigsberg (actuelleKaliningrad). Désormais, toutes les possessions des Hohenzollern sont réunies au sein du royaume prussien.
En 1698, Frédéric avait demandé àAndreas Schlüter la transformation duchâteau de Berlin, en prévision de son élévation à la dignité royale, puis, en 1700, sur l'initiative deLeibniz, Berlin accueille la troisième Académie des sciences en Europe. Il fait également construire pour sa femmeSophie-Charlotte un somptueuxchâteau àCharlottenburg, ville alors située hors de Berlin. Enfin, en 1711,Antoine Pesne, d'origine française, devient peintre de la Cour. Mais toute cette politique d'apparat, due en partie aux appétits de prestige du nouveau roi, coûte cher : la cour dépense la moitié des revenus annuels.
En 1713,Frédéric-GuillaumeIer devient roi en Prusse. Il est resté comme leSoldatenkönig, le roi-sergent. C’est un roi qui aime les beuveries, les tabagies et les chansons militaires. Il s’entoure d’une garde de géants, célèbre dans toute l’Europe, pour laquelle il fait recruter de gré ou de force des géants partout sur le continent. Mais Frédéric-Guillaume se caractérise par un sens aigu du devoir envers l’État. Il consolide le royaume, renfloue les caisses par une économie austère, et fait de l’armée prussienne l’une des plus fortes du continent avec un contingent permanent de 76 000 hommes (à cette époque, laFrance en compte à peine le double et elle est beaucoup plus peuplée que la Prusse). Malgré son implication dans laguerre du Nord et l’acquisition deStettin et de laPoméranie occidentale, Frédéric-Guillaume s’occupe surtout de perfectionner son armée, notamment en organisant des recrutements et un nouveau découpage en cantons : depuis 1711, chaque régiment se voit attribuer un canton dans lequel il peut effectuer ses recrutements. Ce faisant, il lègue à son fils une puissante machine de guerre dont lui-même ne s'est pas servi.
Ainsi que l'écritPierre Gaxotte,« la Prusse était située hors d'Allemagne, hors de l'Empire, en pleine terre slave, enclavée dans les territoires polonais. C'est là seulement queFrédéric-Guillaume était roi. À Berlin, il était électeur de Brandebourg, ailleurs prince, comte, duc oumargrave. Le titre royal ne s'appliquait qu'à cette province lointaine, où se trouvait la capitale du sacre,Königsberg »[1].
Frédéric devient roi en1740 sous le nom deFrédéric II, Frédéric le Grand. C’est un jeune homme de vingt-huit ans, d’éducation et de culture française, admirantVoltaire. Son père l’a souvent traité de fillette et il semble mal préparé à monter sur le trône, mais il se révèle un redoutable stratège et un véritabledespote éclairé.
Grâce à l’armée de son père, il peut attaquer l’Autriche deMarie-Thérèse : en 1742, il conquiert laSilésie, région à majorité catholique très riche, qui augmente considérablement le territoire de la Prusse et sa population, ainsi que le comté deGlatz. C’est le déclenchement de laguerre de Succession d'Autriche, ou première guerre de Silésie qui trouve son origine dans laPragmatique Sanction :Charles VI d’Autriche (devenu empereur du Saint-Empire après la mort de son frère) n’ayant pas d’héritier mâle, réussit en 1713 à faire accepter des chancelleries européennes la « Sanction » qui permettait à sa fille Marie-Thérèse d’hériter de ses possessions en Europe centrale. À sa mort en 1740, Marie-Thérèse devint donc archiduchesse d’Autriche, mais plusieurs pays européens ne l’entendaient plus de cette oreille, Frédéric le premier. Après une guerre de huit ans, l’acquisition du duché de Silésie est confirmée à Frédéric II.
Mais, soucieuse de reconquérir la Silésie, Marie-Thérèse s’allie avec la tsarineÉlisabeth, tandis que de son côtéGeorge II, roi de Grande-Bretagne etélecteur de Hanovre, s’allie avec la Prusse. Sentant l'encerclement le menacer, Frédéric prend l’initiative et envahit laBohême et laSaxe en 1756. Laguerre de Sept Ans commence. La guerre oppose l'Autriche, laFrance, laSuède, laRussie et la Saxe d’une part à la Prusse, soutenue et en partie financée parGrande-Bretagne, avec quelques principautés d'Allemagne du Nord. Très vite, la situation devient dramatique : malgré plusieurs victoires tactiques, le Brandebourg est envahi, Berlin prise et rançonnée à deux reprises. C’est alors que, le jour de Noël 1761, la tsarine Élisabeth meurt et son neveu,Pierre III, est couronné tsar en. Admirateur de la Prusse et en premier lieu de Frédéric, Pierre conclut la paix avec le Hohenzollern et, peu après, la guerre se termine ; la Prusse est sauvée et letraité de Hubertsbourg en 1763 officialise définitivement le rattachement de la Silésie à la Prusse.
Cependant, le Royaume reste, vu son étendue d’Aix-la-Chapelle à Königsberg, morcelé en trois entités : à l’est, la Prusse ; au centre le Brandebourg et à l’ouest les possessions occidentales, incluses dans laKleinstaaterei, terme intraduisible décrivant la mosaïque de principautés de l’Allemagne à cette époque, et l’un des facteurs empêchant la réalisation de l’unité.
Durant son règne de despote éclairé, Frédéric, aussi surnommé affectueusement le« vieux Fritz »[2], confie àGeorg Wenzeslaus von Knobelsdorff la construction àPotsdam, au sud-ouest de Berlin, dupalais de Sanssouci, où il fait venirVoltaire et d’autres philosophes constituant une cour disparate et pittoresque. En 1744, il nomme le mathématicien malouinPierre Louis Maupertuis à la tête de l’Académie des sciences de Berlin, laquelle compte égalementLeonhard Euler. Voltaire en fit partie et, à sa mort, après que Louis XVI eut refusé à l'Académie française le droit de célébrer une messe pour le repos de son âme, Frédérico en fit solennellement célébrer une à l'église catholique de Berlin, à laquelle assistèrent tous les membres catholiques de son Académie.
La même année, Frédéric obtient le comté deFrise orientale, mais surtout, en 1772, d’un commun accord Russie, Autriche et Prusse separtagent la Pologne-Lituanie :Frédéric obtient laPrusse royale, saufThorn etDantzig. Désormais, la Prusse est réunie au Brandebourg. À la fin du règne de Frédéric, le territoire de la Prusse a presque doublé et le trésor royal a été multiplié par huit.
En1797,Frédéric-Guillaume III devient roi de Prusse. Il est confronté aux dernièresguerres révolutionnaires puis auxguerres napoléoniennes. Allié dans un premier temps à la France, il se retourne bientôt contre elle. En1806, pressée parson allié russe, la Prusse déclare la guerre à laFrance : l’armée prussienne, malgré sa réputation, est vite défaite, notamment àIéna etAuerstaedt.Napoléon entre à Berlin ; le roi se replie àKönigsberg. En1807, la Prusse doit signer letraité de Tilsit : elle perd tous ses territoires à l'ouest de l'Elbe et son armée est réduite à 47 000 hommes ; en outre, elle doit payer une lourde indemnité.
Devant l'occupation française, un profond sentiment national s’éveille alors dans toute l'Allemagne. La Prusse procède à desréformes intérieures (abolition du servage en1807, autonomie accordée aux villes en1808,affranchissement des Juifs en1812) et les Prussiens, sous les ministères dubaron vom Stein et ducomte von Hardenberg, conservent et entraînent en secret une puissante armée. Mais plus que le roi Frédéric-Guillaume, c’est surtout sa femmeLouise qui incarne la résistance face à Napoléon et aux Français.
Alliée forcée de Napoléon, la Prusse doit lui fournir un contingent au début de lacampagne de Russie (1812) mais son chef, legénéral Yorck, signe un armistice avec les Russes. La Prusse, à l'initiative du chancelierHardenberg, se retourne alors contre la France et, en accord avec l'armée russe et les principautés allemandes ralliées, fond sur les restes de laGrande Armée dans lacampagne d'hiver 1812-1813, met en échec la contre-offensive de Napoléon dans lacampagne d'Allemagne et contribue largement à lavictoire décisive de Leipzig en septembre 1813, obligeant les Français à se replier vers le Rhin. L'armée prussienne, menée par le généralBlücher, combat encore aux côtés des Russes et des Autrichiens dans lacampagne de France (1814). Elle appuie encore de manière décisive l'armée deWellington pendant lacampagne de Belgique de 1815 et participe à l'occupation du nord de la France après l'abdication de Napoléon.
Finalement, les vainqueurs de1815 remodèlent l’Europe aucongrès de Vienne. Mais les intérêts de la Prusse sont insuffisamment défendus par unHardenberg hésitant face àMetternich, et Frédéric-Guillaume doit céder à la Russie les territoires acquis lors dutroisième partage de la Pologne (1795) et une partie des territoires acquis lors du deuxième partage (1793). En échange, la Prusse obtient pratiquement toute laRhénanie et toute laWestphalie (formant laRhénanie prussienne) ainsi que toute la partie nord de l'ancien électorat de Saxe.
Ainsi, les énormesbassins houillers de laRuhr et de laSarre ajoutés à ceux de la Silésie placent la Prusse dans une position avantageuse dans larévolution industrielle et lui permettent de mettre en place leZollverein, uneunion douanière qui relèguera graduellement au second plan la faible structure politique de laConfédération germanique, partagée entre les influences prussienne et autrichienne.
En1840,Frédéric-Guillaume IV est couronné roi de Prusse. L’événement majeur de son règne est larévolution de mars, volet allemand duPrintemps des peuples de 1848. Les parlements sont dissous et les nouvelles assemblées proposent au roi la couronne impériale d’Allemagne. Ce dernier refuse car l’assemblée n’est pas légitime et la révolution est réprimée. À la fin de son règne, le roi est déclaré inapte à régner du fait de l’altération de ses facultés mentales ; c’est son frère Guillaume qui assure la régence jusqu’à la mort du roi.
En 1861, Guillaume de Hohenzollern est couronné roi sous le nom deGuillaumeIer. Un an plus tard il choisit le comteBismarck, un purjunker, comme chancelier. Par sa politique belliqueuse et pragmatique (Realpolitik), ce ministre réalise en l'espace d'une décennie l’unité allemande en évinçant militairement les Habsbourg de l'Allemagne du Nord. Laguerre des Duchés, une guerre commune avec l’Autriche contre leDanemark, donne en 1864 conjointement à la Prusse et à l’Autriche la gestion des duchés deSchleswig et deHolstein. Puis, prenant prétexte de la mauvaise gestion autrichienne enHesse, Bismarck déclare la guerre à l’Autriche en 1866. Ceux qui prévoyaient que laguerre austro-prussienne serait longue et se solderait par la victoire de l’Autriche voient leurs prévisions complètement bouleversées : en moins de trois semaines, par lesbatailles de Langensalza etSadowa, l’armée prussienne, bénéficiant d'un armement moderne (canonsKrupp et fusils chargés par la culasse et non plus la bouche), balaie l’armée autrichienne, hétéroclite, mal entraînée et mal commandée, et ses alliés germaniques. La Prusse annexe ainsi, outre les duchés de Schleswig et du Holstein, leHanovre,Francfort et laHesse-Cassel. Désormais, la Prusse est un territoire d’un seul tenant duRhin auNiémen. Il ne reste plus à Bismarck qu'à faire reconnaître l'unité allemande grâce à laguerre franco-prussienne de 1870. Habilement trompée par la « dépêche d'Ems », laFrance déclare la guerre à la Prusse, prenant la responsabilité des hostilités. Là aussi, l’armée prussienne, entraînant à sa suite lesarmées bavaroise,saxonne etwurtembergeoise, sous le commandement deVon Moltke, écrase l’armée française en deux semaines. Les Prussiensassiègent Paris et obtiennent par letraité de Francfort (1871) la cession de l’Alsace-Lorraine. Ils obligent la France à payer une indemnité de cinq milliards de francs-or.
En 1888,Frédéric III est couronné roi de Prusse et empereur d’Allemagne, mais il meurt d'un cancer trois mois plus tard, et son fils Guillaume lui succède sous le nom deGuillaume II.
En1890, il renvoie Bismarck et nomme des chanceliers plus malléables et plus effacés.
L'industrie allemande, qui est essentiellement prussienne (Ruhr, Brandebourg, Silésie), s'impose vers 1890 comme la deuxième au monde après le Royaume-Uni. Sur les marchés étrangers, les biens manufacturés allemands remportent un succès croissant, amenant les autorités britanniques à imposer l'étiquetageMade in Germany sur les biens importés de l'Empire allemand. Mais l'exode rural a bouleversé en quelques décennies la structure démographique du pays, désormais essentiellement urbain ; et malgré uneindustrie chimique de premier plan, la Prusse est dépendante desgrands empires coloniaux britanniques etfrançais pour alimenter son industrie en matières premières (pétrole, papier,caoutchouc, etc.) et pour le secteur agroalimentaire.
LaPremière Guerre mondiale, liée en partie à la recherche désespérée de nouveaux débouchés pour l'Empire allemand dans une économie mondiale dominée par les grands ensembles coloniaux, s'ouvre sur une série de succès, tant sur le front est qu'en Belgique. Mais après la défaite de labataille de la Marne et les difficultés des alliés autrichiens en Serbie, et ottomans en Grèce, l'économie du pays bascule rapidement dans la récession. Le manque de matières premières amène les industriels et les chercheurs à développer le recyclage des matériaux et à mettre au point diversersatz (comme leBuna), mais lafamine touche sérieusement la population urbaine à partir de 1917.
Le développement de l'État prussien est à ancrer dans le développement de la société européenne. Cela signifie que chaque évolution qui s'est produite en Prusse a toujours simultanément ou du moins avec un certain retard, intégré les courants extérieurs et les a adaptés aux besoins spécifiquement prussiens. Ainsi, un développement autonome propre n'a pas eu lieu, mais l'État et la société se sont transformés selon des points de vue isomorphes conformément aux directives des précurseurs sociaux desPays-Bas, de laFrance et de l'Angleterre.
Le royaume de Prusse et ses provinces (orange) dans l'Empire allemand.
Le début du développement des États européens modernes à l'époque moderne a d'abord conduit à lasécularisation du pouvoir public, avec l'éviction de l'Église catholique de tous les domaines de pouvoir séculier à l'époque de laRenaissance. Une fois ce processus terminé, les princes territoriaux laïcs ainsi renforcés ont entrepris de créer leur propre infrastructure, remodelant les structures administratives existantes de manière corporatiste. Ce processus a commencé auXVIIe siècle, défini de manière significative parle Leviathan, et fut achevé vers 1750 en Prusse. Jusqu'à cette époque, l'État prussien était un État fragile. Cette fragilité était également la norme pour tous les États de l'époque dans le monde entier. Déjà à cette époque, une forme distincte d'État de droit se développait en Prusse, qui était alors considérée comme exemplaire. L'État était principalement soutenu par sa fonction publique professionnalisée. L'État prussien présentait donc des caractéristiques d'un État de fonctionnaires typifié, avec unebureaucratie prononcée, incluant une gestion des dossiers réglementée, la primauté de l'écrit, l'intégrité et d'autres caractéristiques selon le modèle deMax Weber. Comme les fonctionnaires devaient insuffisamment légitimer leurs actions, l'État prussien était parfois considéré comme unÉtat autoritaire.
Par ailleurs, l'action de nouveaux courants intellectuels entraîna l'essor de nouveaux groupes d'influence bourgeois vers le centre du pouvoir et demandaient à avoir leur mot à dire. De là, après de longues luttes politiques internes entre les forces monarchiques et les réformateurs dans la période de1790 à1850, émergea l'État constitutionnel prussien.
Le caractère de l'État ne se transforma pas seulement politiquement pendant cette période, mais également institutionnellement par sa croissance constante en termes de tâches, de dépenses et de personnel. Au départ, l'État n'était guère plus qu'un instrument privé du souverain pour sécuriser sa position de pouvoir à l'intérieur et à l'extérieur. En Prusse, jusqu'à 90 % des ressources de l'État étaient parfois utilisées uniquement pour l'armée. Alors que plus de 100 000 membres effectuaient leur service en tant qu'employés quasi-publics dans l'armée, l'administration comptait moins de 1 000 personnes vers 1750. Ce déséquilibre a conduit à ce que l'État prussien soit parfois considéré, à l'époque et rétrospectivement, comme un État militaire ou une monarchie militaire.
Plus tard, les fonctions de cet État d'ordre se sont élargies à mesure que la société évoluait. De nouveaux standards et technologies ont entraîné de nouveaux domaines d'intervention qui ont été exploités par l'État sous la direction de l'administration.
L'idée d'un État social ou d'unÉtat-providence, tel qu'on le connaît aujourd'hui, n'a commencé à émerger que dans les dernières décennies autour de1900. Jusqu'alors, les idéesordolibérales prédominaient dans le domaine de l'État.
Partant d'un conglomérat territorial monarchique accumulé (monarchie composite), l'État unitaire s'est développé progressivement. Les États prussiens duXVIIIe siècle avaient tous formé leurs propres structures administratives internes héritées, qui étaient apparues depuis la fin duMoyen Âge et la formation des états, existant depuis lors. Les acteurs locaux et régionaux de ces structures, tels que les organisations de district, les comités de district ou les assemblées de district au sein de leurs propres paysages, ont perduré jusqu'au début des réformes prussiennes. Les villes immédiates, les biens de la noblesse terrienne avec tous les villages, domaines et habitants qu'ils contenaient, ainsi que les offices des domaines royaux, formaient ensemble le niveau d'administration local et supra-local sous l'État global émergent et ses propres institutions provinciales. La fragmentation fréquente de ces structures organiquement enracinées et les efforts de préservation traditionnels et continus de leurs membres en interaction avec les structures étatiques centrales paralysaient le processus politique. Les innovations et les changements se sont produits lentement et laborieusement. Vers1800, cela a conduit à des tentatives de changement fondamental graduel, initiées par la direction de l'État.
Les parties du territoire prussien ont été transformées entre 1815 et 1818 dans le cadre des réformes administratives à l'issue desguerres révolutionnaires etnapoléoniennes et les gains territoriaux lors ducongrès de Vienne en 1815, en une organisation moderne de provinces, de districts et de districts fonciers.
L'État prussien était structuré de manière similaire aux États modernes d'aujourd'hui, avec un niveau global, un niveau provincial (provinces) et un niveau communal avec des compétences locales et supra-locales aux tâches.
La monarchie prussienne était unemonarchie absolue de 1701 à 1848. Leroi de Prusse était lechef de l'État, qui détenait son droit au trône en tant que droit héréditaire de ladynastie des Hohenzollern dès sa naissance. La maison princière constituait le noyau de l'État, avant que, à l'ère bourgeoise, l'État institutionnel moderne ne déloge la monarchie du centre du pouvoir étatique à travers l'Europe. La déviation la plus remarquable de la monarchie par rapport à un État moderne était le rôle que la cour prussienne occupait dans la structure gouvernementale. Le cabinet du roi, situé en son sein, à partir duquel il gouvernait au moyen de conseils ministériels et de rapports écrits, jouissait en raison de son pouvoir d'une position spéciale, à mi-chemin entre le public et le privé, et était donc considéré comme prémoderne du point de vue dudroit public.
Le processus réel de déplacement de la monarchie des institutions étatiques commença en Prusse avec les tentatives infructueuses de résistance contre les excès de laRévolution française, qui débutèrent avec laDéclaration de Pillnitz et atteignirent un premier sommet négatif pour la monarchie lors de labataille de Iéna et d'Auerstaedt. La restauration du pouvoir absolu du roi après 1815 fut suivie par leVormärz et larévolution de 1848, qui imposaient désormais également des limites constitutionnelles au pouvoir royal.
De 1848 à 1918, l'État fut unemonarchie constitutionnelle. Formellement, le roi restait l'institution la plus élevée de l'État. Plus tard avec le gouvernement deBismarck, le contrôle étatique et politique était entre les mains du gouvernement ministériel et non plus du roi. AuXIXe siècle, l'importance du roi diminua au même rythme que la taille et l'étendue des tâches de l'État bureaucratique augmentaient. La fonction acquit une signification plus représentative dans sa mise en œuvre, ce qui équivalait à une perte de signification.
LePreußenlied,Borussia etHeil dir im Siegerkranz avaient été des hymnes populaires ou nationales en Prusse. Le drapeau prussien montrait un aigle noir sur fond blanc, qui était également visible sur les armoiries prussiennes. Dans une série d'insignes, lacroix de Fer était devenue un symbole identitaire lié à la Prusse.
La devise prussienne « Suum cuique » avait été la devise de l'ordre de l'Aigle noir fondé en 1701 parFrédéricIer. La devise mettait en évidence les efforts des rois prussiens pour exercer le droit et la justice. Sur les fermoirs des ceintures des soldats se trouvait le cri de guerre courant « Gott mit uns ».
Comme l'État prussien était une monarchie et non un État populaire, les idées politiques de peuple, de liberté ou de prospérité matérielle ne jouaient aucun rôle dans l'identité de l'État.
Les couleurs nationales de la Prusse, le noir et le blanc, avaient déjà été incluses dans les armoiries de lamaison des Hohenzollern. L'animal héraldique de la Prusse était l'aigle noir prussien. La devise héraldique depuis la Réforme était « Suum cuique », « À chacun le sien ». LePreußenlied avait été considéré pendant un temps comme l'hymne national officieux du royaume.
L'action gouvernementale écrite aboutissait à la mise en œuvre de programmes ou d'actions, se concrétisant finalement par la rédaction d'un document qui établissait clairement les règles ou les instructions à suivre. Leur publication et leur diffusion constituaient la base de la mise en œuvre réussie des mesures prises.
Les lois et décrets prussiens étaient publiés et rendus disponibles dans le Recueil des lois prussiennes (Preußische Gesetzessammlung), ce qui les rendait accessibles. Ils étaient numérotés de manière continue à partir de 1810. Alors que les circulaires de cabinet étaient considérés comme des dispositions administratives ayant force de loi, les décrets avaient un caractère généralement déterminant.
Les documents écrits avaient un caractère d'ordonnance, divisés en articles et sections contenant des dispositions individuelles avec parfois des explications et des descriptions. La longueur d'une loi variait en fonction du sujet, allant de quelques pages à plusieurs dizaines. La forme écrite du document commençait généralement, pour les lois dirigées vers l'extérieur de l'État, par une référence personnelle du roi (Nous [Nom du Roi], par la grâce de Dieu, Roi de Prusse, faisons savoir et déclarons par la présente...) (Wir Name des Königs,von Gottes Gnaden, König von Preußen thun kund und fügen hiermit zu wissen Inhalt). La clôture d'un document législatif comprenait la mention du nom du roi ainsi que le lieu et la date.
Le nombre de lois a augmenté jusqu'en 1870 en raison d'une augmentation générale des tâches de l'État. De plus en plus d'aspects de la société et des conditions de vie devaient être normalisés et réglementés. Ensuite, la structure des formes des ordres s'est transformée en une répartition plus stricte entre les documents ayant force de loi et les normes en dessous du niveau législatif, de sorte que le nombre de lois diminuait, mais pas la densité de réglementation en tant que telle.
De janvier 1800 à décembre 1809, 567 lois ont été promulguées.
De janvier 1810 à décembre 1819, 613 lois ont été promulguées.
De janvier 1820 à décembre 1829, 661 lois ont été promulguées.
De janvier 1830 à décembre 1839, 842 lois ont été promulguées.
De janvier 1840 à décembre 1849, 1 124 lois ont été promulguées.
De janvier 1850 à décembre 1859, 1 960 lois ont été promulguées.
De janvier 1860 à décembre 1869, 2 404 lois ont été promulguées.
De janvier 1870 à décembre 1879, 1 103 lois ont été promulguées.
De janvier 1880 à décembre 1889, 696 lois ont été promulguées.
De janvier 1890 à décembre 1899, 795 lois ont été promulguées.
Les conflits politiques autour de l'octroi d'une Constitution étaient liés à un processus d'évolution politique qui a pris de l'ampleur au milieu duXVIIIe siècle. Le style de gouvernance dudespote éclairé qu'incarnait le roiFrédéric II, établi à l'époque, de despotisme éclairé, portait en lui la revendication d'être seulement « le premier serviteur de l'État » en tant que monarque, se séparant ainsi d'abord de l'institution de l'État puis, dans une deuxième étape, se rabaisser lui-même par rapport à celle-ci, ce qui signifiait que le monarque ne pouvait plus exercer un pouvoir discrétionnaire absolu sur l'État. En 1740, il s'agissait encore d'un progrès social important, car jusqu'alors, l'expression monarchique « L'État, c'est moi » était considérée comme toujours admissible en Europe continentale. L'expression deLouis XIV signifiait l'élévation du roi au-dessus de l'État, le tout en un. En résultat de cette revendication politique réellement existante en Europe entre 1650 et 1750, l'État était une organisation légalement non autonome sans personnalité juridique, qui fonctionnait comme un coffre-fort privé, une sorte de propriété privée surdimensionnée du roi. Cette première transformation systémique accomplie en Prusse dans les années 1740 devait être consignée et rendue contraignante dans un code de lois général.
Conformément à la répartition des forces dans le système politique-administratif prussien, les forcesréactionnaires ont longtemps prévalu sur les factionsprogressistes. Bien que le corpus législatif ait été élaboré depuis les années 1780 et ait acquis un caractère de loi fondamentale, une fois que le Code civil général fut adopté, il était déjà obsolète. Il ne faisait que codifier les relations existantes, n'étant donc qu'une représentation dustatu quo des rapports de force dominants sans mettre en œuvre une nouvelle approche systémique. En raison de sa construction systémique obsolète, le corpus législatif s'est finalement révélé insuffisant pour constituer une véritable Constitution, seuls quelques aspects secondaires étant significatifs. Cela comprenait le fait que, en tant que corpus législatif suprême de l'État monarchique absolu, il conférait à celui-ci un ordre juridique complet applicable à toutes les provinces de manière égale. En revanche, aucune participation des citoyens au processus politique n'avait été envisagée. Dans l'historiographie, le corpus législatif qui perdurait encore longtemps fut considéré comme une condition préalable importante pour les tentatives de réforme ultérieures.
Le pouvoir monarchique a été considérablement mis sous pression et a tenté, en utilisant des tactiques de retardement, de manœuvrer, de temporiser et de faire des promesses vagues, d'éviter la pression principalement exercée par les réformateurs d'État, principalement bourgeois et idéalistes. Finalement, la royauté a réussi avec succès à échapper à la pression. À plusieurs reprises, une fois après 1815 et aussi en 1848, les monarques ont réussi à restaurer leur position politique dans le système politique et à rester au centre de l'État en tant qu'instance politique suprême.
Cela n'a pas non plus changé à nouveau l'octroi d'uneConstitution à la Prusse le 6 février 1850. Au moins, les termes et les objectifs du mouvement libéral et de larévolution de 1848 trouvèrent leur place dans le texte, notamment avec le catalogue de droits fondamentaux énoncé dans les articles 3 à 42. Avec l'égalité déclarée de tous les citoyens devant la loi (§ 4), les institutions juridiques de l'ordre social basé sur la naissance furent abolies. Ainsi, le principe fondamental de la société bourgeoise moderne était déclaré. Laliberté personnelle de confession religieuse, de science et depresse, l'inviolabilité du domicile et de lapropriété, ainsi que laliberté d'association etde réunion, étaient également établies. L'obligation scolaire générale et le service militaire universel formaient d'autres piliers de l'État.
Le monarque demeurait toutefois souverain de plein droit, tandis que le peuple et ses représentants tiraient leurs droits de la constitution. En conséquence, le monarque était inviolable et n'avait aucune responsabilité gouvernementale. Seule la puissance exécutive appartenait au roi. Il exerçait le commandement suprême sur l'armée, déclarait la guerre et la paix, et concluait des traités de droit international.
L'octroi de la constitution aligna le système politique de la Prusse sur les développements et normes internationaux, ou les a suivis. Cette évolution marqua la fin d'un régime de gouvernance « quasi-despotique » dépassé du point de vue constitutionnel et son remplacement par un État constitutionnel. La légitimation et la succession au pouvoir reposaient ainsi sur une base plus large qu'auparavant.
Cependant, le stade de développement atteint ne constituait que la première moitié du chemin vers une souveraineté populaire véritablement légitimée démocratiquement, telle qu'elle devait devenir réalité pour la première fois avec larépublique de Weimar.
Les revenus de l'État se composaient principalement, au début du royaume, des revenus domaniaux (privés du roi). Cela comprenait les revenus des domaines et biens domaniaux, les revenus desdroits de régale sur la monnaie, le courrier, les douanes, l'impôt du sel, ainsi que l'impôt de charge (une sorte d'impôt sur le revenu pour les fonctionnaires de l'État). Vers 1700, ces revenus s'élevaient à environ 1,9 à 2,0 millions de thalers. Sur cette somme, 700 000 thalers faisaient partie de la fortune privée du roi. Le reste servait à financer la cour et à payer les salaires et les traitements. Les disparités dans l'utilisation des fonds de l'État se sont particulièrement manifestées lors de l'année de la peste en 1711, lorsque seuls 100 000 thalers ont été dépensés pour la province durement touchée dePrusse-Orientale, où des milliers de personnes ont perdu la vie.
Depuis l'époque de l'électorat, une taxe indirecte sur la consommation de biens de consommation, appeléeaccise, était perçue aux entrées et sorties des villes. Cette taxe était collectée par les commissaires fiscaux et de guerre.
Grâce à des mesures de réforme constantes, les revenus des domaines augmentèrent de 1,8 million de thalers en 1713 à 3,3 millions de thalers en 1740. Les revenus des impôts fonciers ont également augmenté au cours de cette période. Cela comprenait la mise en place duGeneralhufenschoß sur la propriété foncière entre 1716 et 1720, qui incluait pour la première fois lanoblesse propriétaire foncière. L'introduction d'une taxe de remplacement pour les anciennes redevances féodales a entraîné des conflits acharnés avec la noblesse locale, mais a été imposée par le roi. Les paysans devaient verser des contributions (impôts fonciers) à l'État, représentant 40 % du produit net. Ensuite, les prétentions des propriétaires de domaines devaient être satisfaites sur les 60 % restants.
En 1740, les revenus de l'État étaient répartis comme suit :
domaines : 2,6 millions de thalers,
contributions : 2,4 millions de thalers,
accises : 1,4 million de thalers,
monopole postal : 0,5 million de thalers,
monopole du sel : 0,2 million de thalers
Six millions de thalers étaient utilisés pour l'entretien de l'armée. 0,65 million de thalers étaient versés au trésor public. La constitution d'un trésor public sous forme de pièces de monnaie et d'argenterie, stockées dans des coffres-forts auchâteau de Berlin, a conduit à des tendances déflationnistes économiquement préjudiciables, car ces ressources économiquement importantes étaient retirées de la circulation monétaire et n'étaient pas été investies dans de nouvelles activités. Le cycle économique fut perturbé par l'accumulation étatique. La cour reçut 740 000 thalers pour ses dépenses. La plupart des dépenses de la cour étaient consacrées aux salaires, aux commandes d'artisans et de manufactures. Les investissements réalisés entre 1713 et 1740 se sont élevés à :
Entre 1713 et 1740, les dépenses d'investissement se sont élevées à :
5 millions de thalers pour l'acquisition de domaines,
2,5 millions de thalers pour la construction de fortifications,
2 millions de thalers pour les travaux de construction civils,
6 millions de thalers pour le rétablissement enPrusse-Orientale,
12 millions de thalers pour le recrutement de soldats à l'étranger.
En 1785, un an avant la mort deFrédéric II, les recettes du budget de l'État s'élevaient à27 millions de thalers. Le budget de la cour prussienne était de 1,2 million de thalers cette année-là, tandis que l'armée prussienne disposait d'un budget de 12,5 millions de thalers. Le corps diplomatique disposait de 80 000 thalers, les pensions représentaient un budget de 130 000 thalers, et les autres dépenses s'élevaient à cinq millions de thalers. En 1797, sur un budget total de 20,5 millions de thalers, 14,6 millions de thalers étaient alloués à l'armée prussienne, 4,3 millions de thalers à la cour et à l'administration civile, et 1,5 million de thalers à l'amortissement de la dette et au service des intérêts.
En 1740, lors de l'accession au pouvoir de Frédéric II, le trésor public disposait de sept millions de thalers. En 1786, les réserves de l'État s'élevaient à 60 à70 millions de thalers. La Prusse était devenue politiquement indépendante grâce à son autonomie financière. En quelques années sous l'égide deFrédéric-Guillaume II, ces réserves furent complètement épuisées et des dettes d'État avaient été contractées, ramenant la Prusse sur la voie de l'endettement et de la dépendance aux subsides. Sous le règne du successeur,Frédéric-Guillaume III, les dettes avaient de nouveau été remboursées.
Les huit premiers agents de police chargés de la sécurité ont été embauchés en 1735.Berlin a reçu des districts de police en 1742, chacun dirigé par un commissaire. Au milieu du siècle, l'institution de sécurité non militaire à Berlin était composée de 18 commissaires, huit agents de police et 40 gardes de nuit. Le système de police berlinois a également été adopté par d'autres villes. Cependant, l'armée détenait toujours le pouvoir dominant partout. À Berlin, en 1848, il n'y avait que 204 policiers pour plus de 400 000 habitants.
Formellement, pour leSaint-Empire romain germanique, l'ordonnance monétaire impériale (Reichsmünzordnung) créée dans les édits monétaires de 1551, 1559 et 1566 était toujours en vigueur auXVIIe siècle. Cependant, ces normes n'étaient pas respectées, de sorte que l'électeur de Brandebourg, avec l'électeur de Saxe, édictaient leur propre devise. Depuis 1667, la convention monétaire de Zinna était en vigueur pour leBrandebourg-Prusse. Le dualisme prusso-autrichien conduisit à des bouleversements monétaires, divisant le territoire du Saint-Empire romain germanique en deuxzones monétaires. En 1750, Frédéric II a mené une réforme monétaire selon le plan de son directeur de la monnaie,Johann Philipp Graumann(de). La réforme monétaire de Graumann a introduit le système du thaler à 14 thalers en Prusse. De plus, la Prusse émit des thaleurs impériaux et des pièces d'or légèrement plus légères appeléesFrédéric d’or. Cette réforme a rendu la Prusse politiquement indépendante sur le plan monétaire. En 1821, dans le cadre d'une réforme monétaire, le thaler prussien fut divisé en 30 Silbergroschen, chacun valant 12 pfennigs.
Jusque-là, le thaler était divisé en 24 Groschen, chacun valant 12 pfennigs. En outre, il existait d'autres subdivisions dans les provinces orientales du pays. La monnaie prussienne fut unifiée en 1821, éliminant ainsi ces subdivisions. En 1857, le thaler prussien a été remplacé par leVereinstaler.
La Poste royale prussienne constituait le premier réseau de transport public jusqu'à l'établissement d'un dense réseau ferroviaire, reliant toutes les provinces et régions de Prusse, et exerçant ainsi une fonction d'intégration centrale pour la consolidation de l'État prussien.
En 1786, il y avait 760 bureaux de poste en Prusse, quatre bureaux de poste supérieurs àBerlin,Breslau,Königsberg etStolzenberg, 246 bureaux de poste et 510 bureaux de gardiens de poste, qui étaient des bureaux de poste non autonomes attribués au bureau de poste le plus proche. Le bureau de poste général, élevé au rang de département autonome en 1741, était le service principal. Le général des postes avait le rang de ministre d'État et était également responsable du département de l'Industrie, du Commerce et du sel du Directoire général. Plus tard, il fut intégré dans le nouveau ministère de l'Intérieur.
En 1850, la poste prussienne employait au total 14 356 employés dans 1 723 bureaux de poste. L'administration postale entretenait 6 534 voitures postales et 12 551 chevaux. Plus de 2,1 million de voyageurs furent transportés.
Après lecongrès de Vienne en 1815, l'État prussien fut divisé en dix provinces par un décret visant à améliorer l'organisation des autorités provinciales du 30 avril 1815, ces provinces étant, à l'exception de laPrusse-Orientale, de laPrusse-Occidentale et de laPosnanie, des entités administratives du royaume de Prusse dans le territoire de laConfédération germanique. DE 1829 à 1878, la Prusse-Orientale et la Prusse-Occidentale étaient unies dans la province de Prusse ayant pour capitale Königsberg.
Hohenzollern, capitaleSigmaringen (province à part entière, elle dépendait cependant de laRhénanie prussienne pour les questions militaires).
Les 14 provinces comprennent des districts (Bezirke) et celles-ci des arrondissements (Kreise). Chaque province a un parlement élu par celui des arrondissements. Le royaume de Prusse comprenait ainsi douze provinces. Cette division est restée en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur du traité de Versailles en 1920.
Autorités gouvernementales suprêmes et administration provinciale
Avec sa politique de puissance, la Prusse renforça sa position dans l'équilibre des puissances européennes. Elle était considérée comme unepuissance militaire émergente et était donc courtisée par lesgrandes puissances européennes jusqu'en 1740 en tant que puissance auxiliaire. Sans frontières naturelles, la Prusse n'avait pas de zone de sécurité, ce qui entraîna une tendance croissante à choisir ses moyens de politique étrangère avec moins de précaution et lui valut des reproches d'insouciance.
La politique étrangère de la Prusse était donc changeante et s'orientait toujours selon ses propres besoins, ce qui parfois se traduisait par une « politique de bascule ». Des alliances étaient conclues à court terme et dans le but d'atteindre des objectifs spécifiques, et la fidélité aux traités internationaux était « laxiste ». Cela engendrait de l'incertitude et de l'instabilité pour ses voisins.
La Prusse entretenait des relations directes et étroites avec l'Empire russe, avec lequel elle avait conclu divers traités d'alliance auxXVIIIe et XIXe siècles. À l'égard de laSuède, qui, en tant qu'hégémonie déclinante dans la lutte pour le contrôle de laBaltique, entretenait depuis longtemps des tendances agressives envers ses voisins du sud, la Prusse entretenait des relations confrontatives et souvent belliqueuses. Entre 1630 et 1763, elle mena au total cinq guerres contre la Suède. En revanche, leroyaume du Danemark était un partenaire d'alliance naturel pour la Prusse et une importante puissance de référence et d'orientation. Les relations avec lesPays-Bas étaient également positives, leur importance pour l'État prussien précoce et ses élites se manifestant surtout par une adaptation culturelle, une référence et une similitude. La Prusse entretenait des échanges mutuellement bénéfiques avec laGrande-Bretagne en tant quegrande puissance mondiale. En revanche, la Prusse fut en conflit à plusieurs reprises et de manière persistante avec la puissance continentale qu'était laFrance. De 1674 à 1807, six affrontements militaires eurent lieu avec la France. LaPologne, autrefois grande puissance, stagnait auXVIIIe siècle et fut victime de la politique de partage austro-prusso-russe.
La politique prussienne à l'égard du Saint-Empire romain germanique a conduit auXVIIIe siècle à un affaiblissement considérable de la cohésion impériale. D'une part, l'invasion des troupes prussiennes enSilésie à la fin de 1740 constituait une violation flagrante de l'ordre juridique impérial. En outre, la Prusse cherchait à renforcer son autonomie en tant que royaume par rapport à l'Empire. Cela la positionnait principalement contre lamonarchie Habsbourg, avec l'empereur à sa tête, le prince le plus puissant de l'Empire défendant sa préservation. Il en résulta le dualisme allemand qui dura jusqu'en 1866.
La pratique desambassades permanentes dans toute l'Europe a non seulement renforcé les liens entre les États, mais a également ouvert de nouvelles perspectives sociales. Les ambassades sont devenues des centres d'échanges culturels, où les arts, la littérature et les idées circulaient librement. Cela a contribué à une plus grande ouverture d'esprit et à un enrichissement culturel.
De plus, les diplomates et les envoyés ont joué un rôle important dans la diffusion des idéesdes Lumières à travers l'Europe. Leurs contacts avec les philosophes, les écrivains et les penseurs ont contribué à propager les idées de liberté, d'égalité et de tolérance.
En outre, l'établissement de relations diplomatiques permanentes a favorisé les échanges commerciaux et économiques entre les États, ce qui a stimulé la croissance économique et le développement des villes.
Au niveau local, les familles aristocratiques qui fournissaient souvent les diplomates et les envoyés ont également bénéficié de ces changements. Elles ont acquis une plus grande influence politique et sociale grâce à leurs liens avec les cercles diplomatiques et ont souvent joué un rôle clé dans les alliances et les négociations internationales.
L'ensemble des groupes et des individus sur le territoire du royaume de Prusse ne formait pas une société au sens d'une nation. Il existait des mondes régionaux, culturels et sociaux très différents. L'émergence d'une nation s'est réalisée de manière rudimentaire après 1815 dans les provinces prussiennes historiques, à l'exclusion des territoires nouvellement acquis sur enRhénanie et enWestphalie.
Sphères publiques (féodales) et bourgeoises représentatives
Au cours duXVIIIe siècle, les pouvoirs féodaux, l'Église, la principauté et la noblesse, auxquels la sphère publique représentative était attachée, se sont divisés en une sphère publique et une sphère privée. Depuis la fin duXVIIe siècle, la circulation des informations est devenue accessible au public en Europe centrale et a ainsi acquis un caractère public. Les médias imprimés ont joué le rôle d'ouvrir la voie à la classebourgeoise confinée vers la maturité. Parmi les périodiques importantsdes Lumières figurait leBerlinische Monatsschrift. Le style journalistique avait dans la majorité des articles un caractère discursif, semblable au dialogue. D'autres journaux de renom étaient laSchlesische Zeitung, lesSchlesische Provinzialblätter, laSpenersche Zeitung, et laVossische Zeitung (à partir de 1785 :Königlich Privilegirte Berlinische Zeitung von Staats- und gelehrten Sachen).
L'autonomie croissante de ces « citoyens de l'État » favorisa la formation deréseaux sociaux autonomes, qui n'étaient plus influencés par les réglementations monarchiques et étatiques. Les réseaux d'associations et de sociétés fonctionnaient comme des assemblées populaires avec droit de parole libre. Ils devaient offrir à la sphère publique privée la possibilité de réfléchir sur elle-même et sur les questions les plus importantes de l'époque. Cela favorisa l'émergence de cercles de lecture. Certains cercles se réunissaient de manière informelle. Les librairies étaient également d'importants lieux de rencontre pour cette nouvelle sphère publique. Outre les cercles de lecture, les loges et les sociétés patriotiques et d'utilité publique, il existait encore de nombreuses associations littéraires et philosophiques ainsi que des groupes d'érudits spécialisés dans les sciences naturelles, la médecine ou les langues. Parmi les acteurs de cettesociété civile naissante en Prusse vers le milieu duXVIIIe siècle, on comptait des écrivains, des poètes, des éditeurs, des membres de clubs, desociétés et deloges, ainsi que des lecteurs et des abonnés. Ces groupes intellectuels s'intéressaient aux grandes questions de l'époque, littéraires, scientifiques et politiques. D'importantes personnalités de l'époque en Prusse étaient par exempleKarl Wilhelm Ramler ou l'éditeurFriedrich Nicolai.
AuXVIIe siècle, la seigneurie foncière s'était imposée dans les régions à l'est de l'Elbe enBrandebourg-Prusse. Les paysans dépourvus de droits étaient liés au seigneur foncier en tant queserfs et lui devaient descorvées. Les pouvoirs essentiels étaient entre les mains des nobles propriétaires fonciers et terriens, lesjunkers. Quelques aristocrates aisés possédant de vastes domaines contrôlaient ainsi presque toute la politique provinciale. L'État prussien ne disposait que de faibles compétences de conception en dessous du niveau du district.
La seigneurie foncière dominée par les junkers dans les régions à l'est de l'Elbe est souvent décrite dans l'historiographie comme un « retard économique », un « arbitraire des junkers » et un esprit desujétion. Les châtiments corporels faisaient partie des moyens de discipline répandus des seigneurs fonciers. La population rurale simple restait loyale au roi et croyait à la légende du « Roi juste ». Cependant, l'État a interdit les mauvais traitements les plus graves, tout en soutenant également les propriétaires fonciers, car les corvées et l'attachement à la glèbe marquaient la société rurale. Contre les révoltes paysannes, qui ont eu lieu à plusieurs reprises enSilésie de 1765 à 1793, en 1811 et en 1848, l'État a déployé l'armée. Ce n'est qu'avec l'émancipation des paysans, le rachat, l'exode rural et l'établissement dusalariat que ces conditions ont lentement évolué.
Le système de domination prussien reposait sur la monarchie. Le roi assurait son pouvoir sur la noblesse terrienne et dans les villes grâce à ses garnisons et à la bureaucratie d'État. L'influence de la bourgeoisie urbaine se limitait à l'autonomie municipale. Dans le sillage des Lumières, une couche de bourgeois cultivés a émergé, développant de nouvelles idées et concepts de participation et revendiquant undroit de regard.
La classe féodale s'est ainsi retrouvée sur la défensive pour la première fois entre 1789 et 1815. La domination féodale s'est ensuite consolidée pendant la Restauration, pour être à nouveau remise en cause par la classe bourgeoise renforcée pendant la période pré-révolutionnaire.
Après l'échec de larévolution de 1848, la bourgeoisie politique s'est à nouveau retirée, se concentrant sur ses compétences économiques. Elle a laissé le pouvoir politique aux « anciennes élites ». Mais de nouveaux groupes d'intérêts sont apparus, possédant certes peu de pouvoir politique, mais des moyens de puissance importants à travers lecapital, laproduction et letravail, leur conférant une grande influence sur la politique étatique.
Ces nouvelles élites se sont regroupées dans des associations patronales libres, en dehors des chambres de commerce et d'industrie existantes. La couche noble établie, originaire principalement des provinces rurales du centre et de l'est, a continué à revendiquer la représentation du bien commun, dans un mélange de paternalisme et de charité.
Cependant, l'industrialisation a fait perdre à la noblesse son rôle économique dominant basé sur la propriété foncière et l'agriculture, au profit de la bourgeoisie, tout en préservant son rang social élevé. La bourgeoisie économique a d'abord manqué de conscience de classe autonome, cherchant plutôt à être intégrée à la classe noble (par le mariage, l'anoblissement). Les « nouveaux riches » ont ainsi copié le mode de vie de la noblesse, achetant et occupant ses domaines, formant une nouvelle couche seigneuriale féodalo-capitaliste en Prusse.
Cette hybridation entre structures féodales et logiques capitalistes a profondément marqué la trajectoire de la Prusse, freinant les transformations sociales et politiques qui auraient pu remettre en cause la domination de cette élite traditionnelle. La lente transition vers une société de classes plus moderne n'a pu se faire qu'au prix de luttes sociales et de réformes progressives.
La différenciation de la société civile en formation, de plus en plus indépendante de l'État, a pris de l'ampleur auXIXe siècle. À la fois laclasse bourgeoise et laclasse ouvrière ont développé davantage de sous-couches distinctes, qui se sont également hétérogénéisées et épanouies dans différentes directions sociales.
La bourgeoisie s'est divisée en plusieurs fractions, comme la bourgeoisie industrielle, la bourgeoisie commerçante et la bourgeoisie intellectuelle. Chacune de ces sous-groupes a développé ses propres intérêts et revendications politiques.
De même, la classe ouvrière s'est progressivement structurée en différents courants, allant des travailleurs qualifiés aux ouvriers non qualifiés, dessocialistes auxanarchistes. Ces diverses tendances au sein du mouvement ouvrier ont mené à l'émergence desyndicats, de partis politiques et d'associations diverses, reflétant la complexité croissante de la société civile.
Les partisans des efforts d'une unification allemande ont été surreprésentés parmi les volontaires de guerre en Prusse pendant lescampagnes d'Allemagne. Les gardes bourgeoises et les corps de volontaires étaient le résultat de la vague de patriotisme. Ces corps francs, dont les plus célèbres étaient lesLützowsche Freikorps, représentaient environ 12,5 % des forces armées prussiennes, soit 30 000 hommes. Il s'agissait de groupes volontaires et armés en dehors des structures monarchiques. Lepatriotisme émotionnel des volontaires, imprégné de visions potentiellement subversives, était pénétré par la notion d'un ordre politique idéal pour l'Allemagne et la Prusse. Ils ont prêté serment non pas au roi, mais seulement à la patrie allemande. Ils ont perçu la guerre contre la France comme une insurrection populaire.
Face au mécontentement politique juvénile après la fin desguerres napoléoniennes, qui signifiait la fin des espoirs nationaux, le mouvement duTurnerbewegung et les communautés étudiantes (Burschenschaften) se sont développés comme des centres quasi politiques, importants surtout pour la Prusse. Après la fête de la Wartburg, ces deux mouvements ont été interdits par crainte d'un regain dujacobinisme, portant un coup dur au mouvement national et libéral et retardant son épanouissement de20 ans. Le mouvement national allemand dirigé parBarthold Georg Niebuhr,Friedrich Ludwig Jahn,Karl Theodor Welcker etJoseph Görres comptait alors environ 40 000 adeptes.
Face au tournant conservateur en Prusse, de nombreux bourgeois se sont repliés dans la sphère privée. Un style de vie et d'habitat axé sur le confort et la contemplation, avec une forte influence duromantisme, s'est imposé dans les milieux bourgeois aisés. Le concept duBiedermeier illustre ce repli forcé dans la sphère domestique privée. Malgré la restauration de l'ordre monarchique, les idées libérales et nationales ont continué à être défendues, surtout dans la bourgeoisie et dans les universités.
Lemouvement ouvrier fut le plus grand mouvement d'émancipation démocratique en Prusse. Il faisait partie du processus européen d'émancipation sociale entre 1789 et 1918. Ce besoin découlait d'une part des conséquences sociales (laquestion sociale) de l'industrialisation, de l'explosion démographique et de l'exode rural, qui avaient créé une large couche de journaliers appauvris et sans propriété, ainsi que de travailleurs salariés sans droits (paupérisme).
D'autre part, la bourgeoisie en Prusse avait du mal à faire valoir ses intérêts face aux couches dirigeantes traditionnelles. Politiquement, la classe bourgeoise avait été durablement affaiblie après l'échec de la révolution de 1848 et avait accepté les structures imposées d'en haut, s'y intégrant désormais. Ce rôle de force de renouvellement et de réforme avait été alors repris par la classe ouvrière.
Les événements précurseurs de la fondation du mouvement ouvrier, organisé en associations ouvrières, enParti social-démocrate et en syndicats, furent larévolution de 1848. Sa phase de formation s'est déroulée dans les années 1860 et 1870. Mais c'est d'abord en avril 1848 àBerlin que se forma le Comité central des ouvriers, dirigé parStephan Born, qui convoqua le 23 août un Congrès général des ouvriers allemands à Berlin, où fut fondée laFraternité générale des ouvriers allemands.
Sous l'influence de laNeue Ära en Prusse, un nouveau mouvement national est apparu, entraînant dans son sillage la création de nouvelles associations ouvrières. Celles-ci aspiraient à l'autonomie par rapport à la tutelle bourgeoise-libérale et réclamaient depuis 1862 des associations ouvrières indépendantes. Cela a conduit à la formation de l'ADAV, dont le champ d'action couvrait les régions centrales de la Prusse. Dans l'ensemble, le mouvement ouvrier était organisé à l'échelle de l'Allemagne, comme l'a montré la fondation duSPD en 1869 àEisenach sous le nom deSDAP.
Lasocial-démocratie adoptait une position critique envers la politique deBismarck et est devenue un parti d'opposition rejetant le système, ce à quoi Bismarck a réagi par leslois antisocialistes de 1878 suivies par une vague de persécutions.
Dans le sillagedes Lumières et de l'action dupiétisme de Halle dans le royaume prussien, l'instruction obligatoire générale fut introduite dans les États prussiens par unédit royal en 1717. L'administration étatique de l'époque, peu développée, n'avait pas les moyens de contrôler la fréquentation scolaire. Il manquait également les finances nécessaires pour établir un système scolaire complet et professionnel. Les écoles de village qui en ont résulté, de niveau équivalent à de simples écoles de village, ont continué à être dirigées par dessacristains. L'édit deFrédéric-GuillaumeIer a eu peu d'effet dans la pratique, mais posa les bases du règlement général sur les écoles rurales queFrédéric II promulgua en 1763. Légalement, l'instruction obligatoire fut à nouveau confirmée et approfondie. Elle prévoyait une obligation scolaire de huit ans au lieu de six. L'enseignement devait avoir lieu régulièrement pendant trois heures le matin et l'après-midi, selon un programme d'études fixe et avec des enseignants dûment formés. Encore au début duXIXe siècle, seuls un peu moins de 60 % des enfants allaient régulièrement en classe. Cela ne changea qu'avec l'interdiction légale dutravail des enfants.
En 1804, il existait huit universités dans le royaume de Prusse.
En plus, il y avait l'Académie prussienne des arts et l'Académie royale des sciences de Prusse à Berlin, fondées vers 1700 à Berlin en tant que sociétés académiques savantes, qui ont acquis une grande renommée dans le milieu international des artistes et des scientifiques.
Dans le cadre des réformes prussiennes, le système éducatif fut également réformé, avecWilhelm von Humboldt chargé de cette tâche. Il présenta un programme de réforme libéral qui complètement bouleversa l'éducation en Prusse. L'État obtint un système éducatif public unifié et standardisé, intégrant les développements pédagogiques actuels (lapédagogie de Pestalozzi). Outre l'acquisition de compétences techniques et spécialisées, l'objectif était surtout de promouvoir l'autonomie intellectuelle des élèves. Un département central au niveau ministériel fut créé, chargé de l'élaboration des programmes d'études, des manuels et des aides à l'apprentissage. Des collèges d'enseignants furent fondés pour former un personnel approprié pour les écoles primaires. Un système standardisé d'examens et d'inspections étatiques fut mis en place.
En 1810, l'université Humboldt de Berlin fut fondée sous le nom de laFriedrich-Wilhelms Universität. Elle acquit rapidement une position dominante parmi les États allemands protestants.
L'expansion et la professionnalisation de la formation des enseignants fit des progrès rapides après 1815. Dans les années 1840, plus de 80 % des enfants âgés de six à quatorze ans fréquentaient une école primaire. Seuls laSaxe et laNouvelle-Angleterre atteignaient alors un taux similaire. Le taux d'analphabétisme était donc également très faible.
La culture prussienne comprend les domaines essentiels suivants : la culture étatique (bâtiments, monuments, célébrations), l'étatisation de la culture (soutien et supervision étatiques dans les écoles, les universités, les musées, les théâtres, etc.) et la société civile indépendante de l'État (scène artistique libre, vie urbaine, mouvement ouvrier), mais aussi au sens plus large les domaines de l'éducation, de la science et des Églises chrétiennes.
La culture en Prusse englobait les formes de vie intellectuelles et sociales, matérielles comme immatérielles. Le domaine culturel était subdivisé à plusieurs reprises. Le noyau était constitué du domaine de la haute culture, comprenant lesbeaux-arts (peinture, sculpture, architecture). S'y ajoutaient la musique, la littérature ainsi que les genres d'arts totaux que sont le théâtre et l'opéra. Les disciplines de l'éducation et de la science, la religion et la culture étatique (jours commémoratifs, monuments, rituels) complétaient la notion élargie de culture.
Après cette première floraison culturelle au début de la royauté prussienne sous FrédéricIer, un brusque déclin de cette vie culturelle se produisit sous son successeurFrédéric-GuillaumeIer, de 1713 à 1740. Le militaire pénétra dans la vie culturelle. La peinture de portrait en Prusse régressa fortement. La médiocrité des œuvres d'art du peintre de cour Dismar Degen marqua le style de tout le secteur artistique prussien de cette époque.
Avec l'avènement deFrédéric II, une culture plus élevée s'épanouit à nouveau dans l'État prussien. Frédéric II renforça la mission de l'État d'élever la culture du pays tout en servant ses propres besoins de représentation monarchique. Dans les années 1740, le premier opéra de Prusse, l'Opéra royal de la cour de Berlin (Königliche Hofoper), fut achevé, complété plus tard par une bibliothèque royale faisant partie duForum Fridericianum à Berlin. Les plans pour cette place avait été discutés dans la sphère publique prussienne naissante, à travers des publications dans les journaux berlinois et dans les salons. La place centrale de Prusse devint une place palatiale sans palais, la distinguant ainsi des autres places palatiales européens. Avec cet aménagement urbain exceptionnel, les concepteurs montraient que la représentation de l'État était découplée de celle de la dynastie prussienne.
Pendant le règne de Frédéric II, une variante régionale durococo, appeléerococo frédéricien, vit le jour. Les décorations sont généralement plus retenues, plus délicates et plus élégantes que le style de l'époque, s'inspirant des travaux du stucateur et sculpteurJohann August Nahl et de l'architecteGeorg Wenzeslaus von Knobelsdorff.
L'État prussien entretenait désormais une chapelle palatiale sur le plan financier d'une puissance de taille moyenne. Le développement des châteaux dans la région de Berlin s'intensifia. Des dizaines de nouveaux palais urbains orientés vers la représentation et le faste furent construits à Berlin. De nouveaux bâtiments de théâtre, comme brièvement la Comédie française (Französische Komödienhaus) ou le Théâtre royal de Potsdam, vit également le jour.
Avec les décennies de paix qui avait suivi 1763, une floraison culturelle commença en Prusse. Sous le soutien des rois suivants, elle se renforça de manière tendancielle après 1800 également. Berlin était devenue, aux côtés deWeimar, le centre intellectuel et culturel le plus important d'Allemagne.
Andreas Schlüter ouvrit la voie, les architectes de la cour Johann Friedrich Grael etPhilipp Gerlach marquèrent le style,Carl Gotthard Langhans etFriedrich Gilly l'achevèrent. Les influences de l'État prussien à travers la politique gouvernementale façonnèrent les expressions et la formation des formes culturelles. De même, le militarisme, la bureaucratie prussienne avec ses vertus proclamées et laphilosophie de Kant influencèrent l'expression du style prussien. Celui-ci reflétait également le caractère masculin de l'État prussien, compris comme la patrie.
Le terme de « classicisme prussien » s'applique à l'ensemble des phénomènes culturels en Prusse à l'époque du classicisme. L'émergence du classicisme prussien était étroitement liée dans le temps à l'expansion politique de l'État prussien. Celle-ci a généré les moyens mais aussi le besoin et la demande croissants d'une forme d'expression culturelle appropriée aux nouvelles possibilités et au statut élevé acquis.
Selon le programme influent de l'historien de l'artArthur Moeller « Le style prussien (1916) », le classicisme prussien était une prétention (des élites dirigeantes) de développer des formes d'expression artistique à partir de l'idée d'un « mode de vie noble et spartiate ». Il en est ainsi résulté, par exemple, les châteaux de campagne et les manoirs de la marche de Brandebourg, considérés dans le monde de l'art comme à la fois « de bon goût » mais aussi « austères » (ou « froidement nobles »).
D'un point de vue historique de l'architecture, l'ambition à la fois politique et culturelle duclassicisme prussien culmina dans l'imitation d'un nouvelordre dorique similaire au modèle antique. LesDoriens deGrèce du Nord étaient considérés, tout comme l'État prussien dans sa phase de civilisation précoce, comme culturellement inférieurs au reste du monde grec et s'appuyaient davantage sur des moyens politiques durs et guerriers, ce qui leur avait permis la conquête de laGrèce antique. Les parallèles historiques supposés entre les Doriens et l'ancien État prussien, résumés selon les modèles explicatifs contemporains (prussiens) comme « ayant formé une grande puissance avec peu de plus qu'un sol stérile, de la volonté et des talents d'organisation », ont conduit à des effets de reconnaissance réciproque des acteurs contemporains dans les domaines culturels prussiens. Le rôle de modèle ainsi symbolisé de l'art dorique a entraîné des références et des imitations artistiques intensives dans les œuvres d'art en Prusse.
Selon les estimations contemporaines, lerevenu national de la Prusse en 1804 s'élevait à248 millions de thalers. Parmi ceux-ci,41 millions de thalers provenaient dusecteur manufacturier (hors artisanat) et43 millions supplémentaires dans labrasserie et ladistillerie, toutes deux marquées par lescorporations.
Le revenu national de la Prusse quadrupla entre 1871 et 1914, soit une croissance bien supérieure à celle de la population de l'époque, ce qui entraîna une nette augmentation du revenu social net moyen par habitant. En 1913, seulsHambourg et laSaxe affichaient encore des revenus par habitant plus élevés que la Prusse au sein de l'Empire allemand.
Dans les années 1800, la structure économique de la Prusse présentait les caractéristiques typiques d'un État agraire. La culture des céréales, en particulier leblé, leseigle, l'orge et l'avoine, dominait. On cultivait également des légumineuses, dulin, de lagarance et dutabac. Une exploitation forestière intensive était également menée. La population rurale pratiquait également un élevage important. La production de 10,2 millions de moutons générait 1 000 tonnes delaine par an, utilisées dans l'industrie textile. Lecheptel total de 5,06 millions de bovins, 2,48 millions de porcs et de petit bétail servait notamment à la production de viande. 1,6 million de chevaux étaient entretenus pour l'économie et l'armée. Il y avait au total troisharas royaux àTrakehnen,Neustadt an der Dosse etTriesdorf.
La Société de pêche au hareng d'Emden (Emder Heringsfischerei-Gesellschaft), fondée en 1769, pratiquait lapêche au chalut et employait vers 1800 plus de 50 bateaux de pêche ainsi que deux chalutiers.
Les excédents de céréales étaient principalement exportés vers l'Europe occidentale. Au total, la Prusse produisait vers 1800 environ 4,8 millions de tonnes de céréales. L'Allemagne, qui compte environ neuf fois plus d'habitants, a produit 45,3 millions de tonnes de céréales en 2016 sur une superficie d'État similaire.
Les circonstances de l'introduction de la culture de la pomme de terre en Prusse furent érigées en légende historique et restent ancrées dans la mémoire collective des habitants d'aujourd'hui.
Parmi les ressources naturelles, la Prusse disposait de sel, extrait dans 14mines de sel en 1800. De l'alun était également exploité. Lecharbon de terre était principalement extrait enWestphalie (50 % de la production totale) dans 135 mines et enSilésie (33 % de la production totale) vers 1800.
Parmi les matériaux de construction, on exploitait le grès d'Ummendorf, le grès deBeberthal, le calcaire deRüdersdorf, le marbre dePrieborn, le marbre de Groß-Kunzendorf et d'autres encore.
Pendant les premières décennies de la monarchie, le commerce prussien était à un faible niveau de développement. Il n'y avait de commerce de gros d'importance suprarégionale que dans quelques grandes villes du royaume, principalementBerlin,Königsberg etMagdebourg. Le transit terrestre entre l'Ouest et l'Est était plus important que les échanges via les ports maritimes. Une marine marchande propre d'importance majeure n'existait pas encore.
La politique commerciale du royaume a commencé à mettre en place une politique de droits de douane protectionnistes et de privilèges (monopoles) pour promouvoir l'artisanat local.
Dès les années 1670 et 1680, leBrandebourg-Prusse avait tenté de participer aucommerce triangulaire d'esclaves dans l'Atlantique avec laCompagnie brandebourgeoise africaine, mais ne put pas résister à la pression concurrentielle européenne à long terme. Frédéric II essaya dans les années 1740 de conclure des traités commerciaux avec l'Espagne et la France pour promouvoir les exportations de lin silésien, mais sans succès. Dans cette situation, il fit fonder la Compagnie asiatique àEmden, qui entreprit le commerce avec la Chine. Quatre navires envoyés àCanton revinrent avec des cargaisons de soie, de thé et de porcelaine. Mais laguerre maritime déclenchée en 1755 a mis fin aux activités de cette société commerciale après quelques années, faute de protection par une flotte de guerre que la Prusse, puissance terrestre, ne pouvait se permettre.
Sous le règne du « Roi-Sergent », lePlusmachen, c'est-à-dire la recherche constante de gains économiques, était au cœur de la politique économique. Pendant son règne, la Prusse atteignit la stabilité et la prospérité économique. C'est seulement grâce à la base d'un budget étatique ordonné que l'ascension de la Prusse en tant que puissance économique allemande auXVIIIe siècle fut rendue possible, permettant l'expansion militaire de son filsFrédéric II dans les décennies suivantes.
ÀSpandau etPotsdam, une manufacture d'armes à feu fut créée à partir de 1722. Les ouvriers qualifiés nécessaires étaient recrutés principalement àLiège, un centre de la fabrication d'armes. Pour la relève, l'orphelinat militaire de Potsdam, fondé la même année, a notamment pris en charge. L'exploitant de la fabrique d'armes était la maison de commerceSplitgerber & Daum, dotée de privilèges royaux, qui louait d'autres manufactures de métallurgie et devint le plus grand producteur d'armes de Prusse. Les acheteurs des armes étaient principalement l'armée prussienne. Pour les besoins civils, la maison de commerce produisait des tôles de cuivre (couvertures de toits), des chaudrons de cuivre (brasseries, raffineries), des pièces en laiton (récipients, ferrures, charnières) et des produits en fer et en acier (forets, ciseaux, couteaux).
À partir de 1716, la commission royale des digues pour l'Oder a commencé son travail. L'assainissement des marais de laHavel et de Rhinluch (au nord-ouest deNauen) apporta de bons bénéfices sur des terres relativement fertiles. Des réfugiés religieux deFranconie et deSouabe se virent attribuer des sites de peuplement dans des régions peu peuplées de l'Uckermark, afin de les mettre en culture.
Pour contrôler l'activité artisanale, le roi promulgua en 1733 un règlement sur les métiers, plaçant tous les corps de métier sous la supervision de l'État, réduisant leurs droits, interdisant les liens avec les États voisins et contrôlant les déplacements des vagabonds.
L'économie prussienne, largement ruinée dans la seconde moitié duXVIIIe siècle en raison des guerres coûteuses (1740-1742,1744-1745,1756-1763) sous Frédéric II, gagna une région économiquement importante avec la conquête de laSilésie (industrie textile et ressources minérales). Des progrès furent également réalisés grâce à l'assèchement et à la mise en culture des marais de l'Oder, de laNetze et de laWarta, ainsi que par l'installation d'un grand nombre de paysans et d'artisans.
Le roi encouragea le développement des voies navigables, comme la liaison de Berlin avecStettin via lecanal de Finow, le canal de Bromberg, l'endiguement de la Netze et, à l'ouest, la canalisation de laRuhr. Mais le réseau routier restait dans un mauvais état en raison des coûts trop élevés. La construction de routes solides ne put commencer qu'après la mort de Frédéric le Grand.
Grâce à la constitution systématique de réserves de céréales, Frédéric II réussit à contrôler les prix des céréales même en temps de pénurie. Il encouragea également particulièrement l'industrie de la soie. De nombreux fabricants, ouvriers qualifiés et spécialistes étaient attirés en Prusse, et des travailleurs et assistants locaux furent formés, avec l'aide de dons, d'avances, de privilèges, de primes sur les métiers, de primes à l'exportation, d'allocations d'apprentissage, d'exonérations fiscales sur les matières premières et d'interdictions d'importation de produits étrangers. Cela permit de couvrir les besoins intérieurs en soie et de dégager des excédents pour l'exportation.
L'industrie ducoton, encore interdite sous le roi Frédéric-Guillaume (1713-1740) pour ne pas nuire à la production lainière locale, fut également encouragée. En 1742, la première fabrique de coton fut créée, et il y en avait déjà dix à Berlin en 1763. Comparé à l'industrie de la soie, ce secteur se passa presque de soutien étatique. En 1763, lamanufacture royale de porcelaine de Berlin (KPM) fut rachetée par l'État prussien.
Le roi fit également construire sur ses propres deniers plusieurs installations industrielles que les entrepreneurs privés n'avaient pas osé risquer :
Fabrique d'horloges à Berlin etFriedrichsthal (en 1781 pour 141 235 thalers)
Papeterie à Spechthausen (en 1781 pour 56 000 thalers)
Fabrique de laque de Berlin (56 000 thalers)
Teinturerie de fils àCaputh (en 1765 pour 30 000 thalers)
Avec les produits manufacturés et artisanaux fabriqués dans le pays, presque toute la demande intérieure pouvait être satisfaite et des exportations plus importantes pouvaient être réalisées, compensant fiscalement les importations de matières premières nécessaires. La balance commerciale, encore déficitaire de 500 000 thalers en 1740, excédentaire de3 millions de thalers en 1786, devint positive sous Frédéric le Grand.
Après la mort de Frédéric II, de 1786 à 1806, il y eut en Prusse des conflits entre les partisans dusystème mercantiliste dominant et les défenseurs des nouveaux courants libéraux. Sous Frédéric-Guillaume II, on se contenta de démanteler quelques-unes des barrières protectionnistes et des interdictions :
Suppression des monopoles (administration du tabac, monopole de la torréfaction du café, monopole de la raffinerie de sucre)
Abolition de droits de douane et d'accises (soie, coton, fils, peaux)
Suppression de la détestée « Régie » française (une autorité de l'administration financière occupée par des fonctionnaires français, très impopulaire auprès de la population)
Le bouleversement provoqué par l'occupation napoléonienne de 1807 faillit conduire la Prusse au bord de l'effondrement économique. Dans cette mesure, les lois de réforme de l'époque après 1806, en ce qui concerne leurs domaines et leurs conséquences économiques, étaient nécessaires pour maintenir l'État économiquement et financièrement à flot et pour rendre possible une future libération. La réforme économique prussienne après 1806 faisait partie des mesures de d'innovation les plus réussies des réformes prussiennes au début duXIXe siècle.
L'émancipation nominale des paysans était la condition préalable à l'essor économique des décennies suivantes en Prusse. Il en a été de même pour l'octroi de la pleineliberté d'entreprendre, car cela permettait la mobilité de grandes masses de population, le mouvement des habitants ruraux de Prusse vers les villes industrielles en pleine croissance du pays. L'administration publique prussienne, pour sa part, réussit, grâce à quelques mesures importantes, à remettre sur pied l'économie alors moribonde du pays. Avec la loi sur le commerce et les douanes du 26 mai 1818, la Prusse réalisa sa propre zone douanière unifiée sans droits de douane intérieurs.
Après la suppression de tous les obstacles commerciaux intérieurs en Prusse, leZollverein allemand fut fondé en 1834 à l'initiative de la Prusse. La Prusse, entre autres en raison de la fragmentation de son territoire, avait un intérêt personnel à supprimer les frontières douanières dans laConfédération germanique. Cette mesure stimula le commerce intérieur allemand et contribua de manière décisive à lacroissance économique des décennies suivantes.
Dans le sillage de l'industrialisation, un certain nombre de voies terrestres, navigables et de canaux furent construits, reliant l'ouest et l'est de l'Allemagne. Dans le Haut-Pays dePrusse-Occidentale et orientale, lecanal d'Elbing fut créé, reliant lamer Baltique etElbing au nord avec laMazurie au sud. Avec la création en 1865 de l'Administration royale prussienne des travaux sur l'Elbe, le fleuve fut divisé en six districts chargés de superviser les ponts, les canaux, les traversiers, les moulins, les installations portuaires et les digues. Des régions autrefois insignifiantes (laRuhr, laSarre et laHaute-Silésie) se développèrent en centres prospères de l'industrie minière et de la construction mécanique après 1815, grâce à l'exploitation des gisements decharbon et à la construction ultérieure deschemins de fer. Cela a accru le poids économique de la Prusse par rapport à l'Autriche au sein de la Confédération germanique.
La Prusse accusa longtemps un retard international dans la construction de chemins de fer et cela eut également des conséquences pour son économie. Ainsi, le blé américain, le charbon et la fonte anglais et belge, et d'autres produits étaient moins chers que les produits locaux. Cela s'expliquait par le fait qu'il existait déjà en Angleterre, en Belgique et aux États-Unis des réseaux ferroviaires efficaces pour le transport de marchandises en vrac. Les premiers grands chemins de fer privés furent donc construits en 1837 avec laCompagnie des chemins de fer rhénans (Rheinische Eisenbahn-Gesellschaft) (Cologne -Aix-la-Chapelle - frontière belge) et en 1843 avec la Compagnie des chemins de fer de Cologne à Minden (avec accès aux ports deBrême). L'État prussien lui-même intervint dans la construction ferroviaire en 1850 avec la Compagnie des chemins de fer royaux-westphaliens et leChemin de fer de Prusse orientale (Preußische Ostbahn), ainsi qu'en 1875 avec laligne nordique (Berliner Nordbahn). Par la suite, de plus en plus de chemins de fer privés furent soumis à la régie étatique par le biais de soutiens financiers, de rachats ou d'expropriations (après laguerre austro-prussienne de 1866).
Bien que l'importance politique de la Prusse ait diminué dans le nouvelEmpire allemand fondé en 1871, la Prusse restait toujours le pays le plus puissant économiquement au sein de l'Empire. LaRhénanie,Berlin ainsi que laSilésie, la province deSaxe et la région du Rhin-Main situés en Prusse étaient les principaux centres économiques de l'Empire. L'industrialisation en Prusse continua de progresser après 1871. Cela se traduisit par une augmentation de la part des actifs employés dans l'industrie, l'artisanat et les mines. Ainsi, cette part d'actifs dans le secteur secondaire et les mines passa de 30,4 % en 1871 à 42,8 % en 1907.
Cependant, ce processus se déroula de manière différente selon les régions : dans la province de Prusse-Orientale, la part du secteur secondaire et des mines ne passa que de 16,1 % en 1871 à 20,4 % en 1907, alors que dans la province rhénane, elle était passée de 41,3 % à 54,5 %. Néanmoins, le degré d'industrialisation de l'ensemble de la Prusse resta longtemps inférieur à la moyenne du Reich.
En 1913, 62 % du revenu national net de l'Empire allemand était généré en Prusse. Ce chiffre correspondait exactement à la part de la population prussienne dans la population totale du Reich.
Les différentes parties du territoire prussien étaient très diverses sur le plan géographique, social et structurel. Entre la ville deMemel à l'est et la ville prussienne la plus occidentale deGueldre, il y avait 1 080 km à vol d'oiseau. Entre Memel au nord etPless en Silésie au sud, la distance à vol d'oiseau était de 655 km. Les principaux États voisins à l'est étaient laPologne-Lituanie et, à partir de 1720, l'Empire russe. Jusqu'en 1815, la Prusse partageait une frontière terrestre avec laSuède, et à partir de 1866 avec leDanemark. Il y avait une connexion terrestre directe avec l'empire d'Autriche via laSilésie. À l'ouest, la Prusse avait une frontière directe avec lesPays-Bas, laBelgique, leLuxembourg et laFrance. Les provinces prussiennes occidentales étaient plutôt industrielles et urbaines, tandis que les provinces orientales étaient agricoles avec une population paysanne moins privilégiée. Dans la région orientale structurellement faible, les centres urbains étaient rares. Les régions économiques clés étaient la région deBerlin, la Silésie en tant que région industrielle et, depuis 1850, la région du Rhin et de laRuhr en forte croissance. Il y avait d'importantes réserves de matières premières dans la Ruhr et le bassin minier silésien.
Géographiquement, la majeure partie du territoire de l'État appartenait à laplaine d'Allemagne du Nord. Lamer Baltique constituait une importante et longue frontière maritime nord pour l'État prussien. La participation au commerce de la Baltique mais aussi au commerce est-ouest continental (via laVia Regia, lafoire de Leipzig, la foire de Francfort-sur-l'Oder) était d'un intérêt économique fondamental pour l'État prussien.
D'un côté, le territoire se composait de plusieurs blocs régionaux isolés les uns des autres et était marqué dans le temps par une forte dynamique de changement. De nombreux territoires ultérieurs de la Prusse changèrent de souveraineté à la suite de défaites de guerre de puissances étrangères ou du transfert de droits de succession, d'achats ou d'échanges diplomatiques contre d'autres territoires.
La superficie de l'État prussien augmenta fortement entre 1701 et 1939. De 1608, peu avant les premières acquisitions territoriales extérieures auBrandebourg des Hohenzollern, jusqu'à l'effondrement du royaume prussien près de200 ans plus tard, le système féodal s'étendit d'environ dix fois sa taille d'origine.
Depuis leXVIe siècle, les souverainsHohenzollern menaient une politique d'expansion dynastique importante. Au début, la dynastie s'intéressait de manière contemporaine aux mariages et à la reprise de droits de succession. La politique successorale réussit avec l'avènement duduché de Prusse, l'ancienduché de Magdebourg et quelques principautés du sud de l'Allemagne. À l'ouest, les Hohenzollern maintinrent des revendications sur quelques petits territoires. Dans le cadre du conflit de succession de Clèves, ils réussirent à s'imposer sur un plan de conflit européen. Les Hohenzollern maintinrent également pendant longtemps des revendications successorales sur laPoméranie, jusqu'à ce que laPoméranie antérieure leur soit accordée en 1648.
En 1715, laPoméranie suédoise jusqu'à laPeene fut ajoutée à l'État prussien. Par héritage, laFrise orientale revint aux Hohenzollern. En 1742, lesprincipautés de Silésie furent conquises et conservées comme province pour la Prusse. Avec les partages de la Pologne, il y a eu d'autres grands gains territoriaux, comme la province dePrusse-Occidentale en 1772. Après l'acquisition des domaines des Hohenzollern enFranconie en 1791, de vastes territoires du nord-ouest de l'Allemagne revinrent à la Prusse par la sécularisation et lerecès de la Diète d'Empire de 1803. Le caractère étatique de la Prusse avait ainsi été complètement transformé en quelques années. Les nouveaux territoires prussiens à l'ouest de l'Allemagne et dans l'ancien espace de peuplement polonais n'avaient aucune tradition prusso-allemande, avaient des structures spatiales tout à fait différentes ou autres et furent perdus à nouveau en vertu des dispositions de lapaix de Tilsit en 1807. Cependant, lors ducongrès de Vienne en 1815, la Prusse récupéra à peu près sa taille antérieure. Les provinces prussiennes jusqu'alors dispersées en Rhénanie étaient maintenant regroupées en un complexe territorial rhéno-westphalien global. C'était une idée britannique et non prussienne, les dirigeants de cette dernière ayant préféré conserver l'ensemble de la Saxe. Au lieu de cela, la Grande-Bretagne voulait que la Prusse assume le rôle de « gardien du Rhin » face à la France, en remplacement de l'Autriche. Cette nouvelle unité territoriale modifia considérablement l'État prussien après 1815. Les provinces centrales de Prusse, jusque-là dominantes, perdirent une partie de leur importance au profit des provinces rhénanes jusqu'en 1918. Après 1815, les efforts de politique étrangère du gouvernement prussien visaient secrètement à réunir les deux grandes régions géographiquement séparées par un espace de 40 km à l'ouest et dans « l'ancienne Prusse ». Les principautés intermédiaires comme le royaume de Hanovre devinrent ainsi de véritable variable territoriale à la disposition de la Prusse dans ses ambitions de politique étrangère. Comme seule une partie des acquisitions du troisième partage de la Pologne fut à nouveau attribuée à la Prusse, l'État prussien dans son ensemble prit à nouveau une position plus allemande.
En 1804, la population se composait des couches sociales suivantes :
328 000 personnes de rang noble, dans les provinces à prédominance polonaise de Nouvelle-Prusse-Orientale et de Prusse-Méridionale, la noblesse polonaise, laszlachta, représentait 34 000 personnes sur un total de 54 000.
2,7 millions de personnes étaient considérées comme appartenant à la bourgeoisie.
6,828 millions de personnes étaient des habitants ruraux, en partie des paysans non libres.
La densité urbaine diminuait d'ouest en est. La ville deBerlin a connu une croissance exceptionnellement forte de 1700 à 1918 et possédait à la fin de la monarchie la plus grande métropole urbaine. Avec Berlin, les villes deBrandebourg-sur-la-Havel (l'ancienne capitale),Potsdam (résidence royale) etFrancfort-sur-l'Oder (foire, université) formaient le noyau traditionnel de la monarchie prussienne. Les villes de la province rhénane appartenant à la Prusse n'acquirent une importance accrue qu'auXIXe siècle. Les villes de l'actuelleSaxe-Anhalt,Magdebourg,Halle,Quedlinbourg etHalberstadt, étaient stratégiquement importantes en raison de leur position centrale et donc longtemps disputées entre laSaxe et leBrandebourg. Les métropoles orientales deDantzig etKönigsberg formaient des centres dominants dans leurs provinces respectives.
La liste de 1804 des villes prussiennes les plus peuplées diffère considérablement de celle de 1910. LeXIXe siècle a été dans l'ensemble un siècle d'urbanisation et d'exode rural en Europe, de sorte qu'après la stagnation relative de l'époque pré-moderne, les villes virent leur population croître. Comme en même temps un important mouvement migratoire se produisit des provinces orientales de Prusse vers les provinces rhénanes en plein essor économique, les villes de laRhénanie et de laRuhr connurent une croissance plus rapide entre 1850 et 1910 que celles du centre et de l'est du territoire de l'État.
Les plus grandes villes de la vieille Prusse (hors Varsovie) :
Avec l'agrandissement du territoire prussien à partir de 1815 pour inclure de grandes parties de laRhénanie allemande, les montagnes moyennes duHunsrück, duWesterwald et de l'Eifel en faisaient également partie. Les montagnes moyennes deWestphalie, leRothaargebirge et leWeserbergland appartinrent également à la Prusse à partir de cette époque.
Le plus haut sommet prussien était leSchneekoppe avec 1 603 mètres d'altitude, suivi duReifträger avec 1 362 mètres, duBrocken avec 1 141 mètres et de l'Ochsenberg avec 1 033 mètres.
La qualité des sols variait considérablement selon les régions. Il y avait des sols très riches en nutriments et fertiles comme dans laBörde de Magdebourg, enPrusse-Méridionale ou dans l'ouest de la Silésie. Mais de vastes parties des provinces centrales ou même de Prusse-Orientale avaient des sols sablonneux pauvres en nutriments.
Avec la construction de nouvelles digues, le redressement des rivières et la construction de canaux, des milliers de kilomètres carrés de zones marécageuses furent asséchés de manière durable. Le développement des surfaces agricoles était une partie importante de la politique étatique. En 1804, 21,5 % de la superficie du pays était boisée, les plus grandes forêts étant la lande deJohannisburg et la lande de Rominten en Prusse-Orientale. La province de Westphalie était en comparaison plutôt pauvre en forêts.
Les sections côtières appartenant à la Prusse à différentes époques présentaient dans l'ensemble une forte articulation. Les baies remarquables étaient lalagune de Stettin, leFrisches Haff et leKurisches Haff avec saKurische Nehrung. Les îles prussiennes les plus importantes étaientUsedom etWollin, auxquelles s'est ajoutéeRügen après 1815, et les chaînes d'îles deBasse-Saxe et du Schleswig-Holstein après 1866.
Tandis que les provinces occidentales, Westphalie et Rhénanie, connaissent un climat de transition maritime, les régions orientales étaient marquées par un climat plus continental. Cela signifiait pour l'est des hivers tendanciellement plus froids et des étés plus chauds, et pour les régions occidentales des variations de température plus faibles tout au long de l'année avec une saison végétative un peu plus longue.
Durant l'existence du royaume, le réchauffement climatique mondial induit par l'industrialisation et d'origine humaine ne s'était pas encore fait sentir. Au début du royaume, le Petit Âge glaciaire était à son apogée, les hivers apportant partout en règle générale de longues périodes de gel rigoureux.
L'historiographie de la monarchie prussienne est extrêmement vaste et thématiquement diversifiée. Son orientation thématique est soumise aux courants de l'époque et à l'évolution des jugements de valeur. Les principaux axes de recherche sont : les interconnexions transnationales et les processus de transfert, la situation structurelle entre l'Est et l'Ouest, les acteurs de la formation interne de l'État, les acteurs régionaux, le système militaire, les conséquences de la politique économique de l'État, l'influence des groupes d'élites, le traitement des minorités, l'importance de la culture, de la science, de l'éducation et des Églises, la démocratisation et la formation de la nation.
Lenationalisme allemand de 1871 à 1945 a façonné l'image d'une missionpangermaniste de la Prusse, à laquelle lamaison des Hohenzollern se serait vouée dès le début. SelonWolfgang Neugebauer, le terme d'« historiographie nationaltéléologique » s'applique ici. De plus, une forte historiographie centrée sur les personnalités a prédominé, réduisant les événements de la période de 1640 à 1786 à l'action des monarques, selon le schéma récurrent :
Le Grand Électeur et le Roi-Sergent ont posé les fondements de l'État prussien.
Frédéric II a fait de la Prusse une grande puissance.
Ensuite, le gaspillage, l'immoralité et l'oisiveté sont revenus.
La défaite de 1806 a conduit à une croissance de nouvelles forces et à un renouveau.
Avec un esprit national éveillé et un effort de la plus haute importance, la Prusse s'est libérée elle-même et a libéré la patrie allemande des occupants français.
Après la fin duTroisième Reich, la Prusse a été accusée d'une proximité intellectuelle avec lefascisme en raison de sa fortemilitarisation et de sa mentalitéautoritaire, qui aurait fourni le terreau de la dictature nazie totalitaire (thèse de la continuité : de Frédéric II à Bismarck, jusqu'à Hitler).Gordon A. Craig est un auteur important de ce courant.
Depuis 1990, les nouveaux axes thématiques principaux sont la construction et la déconstruction des mythes historiques prussiens et de la culture de la mémoire, l'histoire militaire socio-historique, la reconstruction microhistorique des modes de vie, l'histoire du genre ainsi que les interconnexions internationales et les échanges transnationaux dans la politique prussienne.
Le rapatriement des archives les plus importantes des collections de l'ancienne RDA a apporté un élan supplémentaire à la recherche sur la Prusse. Les ouvrages de référence en historiographie sont le Manuel de l'histoire prussienne et l'Histoire prussienne moderne 1648-1947. LaCommission historique de Berlin, qui s'était consacrée depuis sa création en 1958 à l'histoire prussienne dans des monographies, des recueils d'articles, des éditions et des conférences internationales, a perdu son mandat de recherche par décision duSénat de Berlin en 1996, ce qui a entraîné la fermeture de l'institut, mais elle continue d'exister en tant qu'association savante. Les auteurs actuels les plus cités sur l'histoire prussienne sontWolfgang Neugebauer,Otto Büsch etChristopher Clark. Ils étaient ou sont membres de la Commission historique prussienne, qui est un carrefour central pour la recherche sur l'histoire prussienne. Les Archives d'État secrètes du patrimoine culturel prussien conservent les sources primaires les plus importantes, et la Fondation du patrimoine culturel prussien gère l'héritage culturel et matériel de la monarchie prussienne.
Généalogie des rois de Prusse et prétendants au trône de Prusse
↑Georg Hassel:Statistischer Umriss der sämtlichen europäischen Staaten in Hinsicht ihrer Größe, Bevölkerung, Kulturverhältnisse, Handlung, Finanz- und Militärverfassung und ihrer aussereuropäischen Besitzungen. 2 Teile. Vieweg, Braunschweig 1805, S. 28–52
↑Michel Hubert:Deutschland im Wandel: Geschichte der deutschen Bevölkerung seit 1815. Franz Steiner Verlag, Stuttgart 1998, S. 63
↑a etbHubert Kiesewetter:Industrielle Revolution in Deutschland: Regionen als Wachstumsmotoren. S. 135