Le roi des FrancsClovis avait scellé l'alliance desroyaumes francs avec l'Église catholique lors de sonbaptême. Cette alliance se perpétue dans le royaume de France par lesacre jusqu'en1824 des rois àReims, qui en fait des monarques dedroit divin. Les premiersCapétiens sont soucieux de couronner leur fils aîné de leur vivant, car leur autorité se limite en fait à l'Île-de-France. Ce n'est qu’à partir dePhilippe Auguste (1165-1223), plus exactement 1204, que leurs actes officiels utilisent la dénomination deRex Franciæ, « roi de France »[1] et qu'ils sont en mesure de faire réellement acte d'autorité dans l'ensemble du royaume. Le territoire de celui-ci est composé desfiefsféodaux dont leroi de laFrancie occidentale est lesuzerain depuis le partage en 843 de l'Empire carolingien.
L'intégration progressive desfiefs féodaux audomaine royal nécessite la mise en place d'uneadministration royale.Saint Louis accorde une importance primordiale à son rôle de justicier et leParlement, cour supérieure de justice, est mise en place. La longueguerre de Cent Ans est l'occasion d'instaurer sousCharles VII une armée et des impôts permanents.Richelieu, ministre deLouis XIII, etLouis XIV confortent l'autorité royale dans les provinces en mettant au pas les gouverneurs locaux issus de lanoblesse et en y déléguant des intendants commis du roi.
La propension de la royauté à exercer un pouvoir de plus en plus absolu a été contestée dans les périodes de troubles, guerres civiles et règnes de rois mineurs. La contestation prend un caractère plus prononcé à l'occasion de la diffusion de laphilosophie des Lumières et des valeurs que celle-ci véhicule : gouvernement de la raison, séparation des pouvoirs, libertés individuelles… LaRévolution française débouche sur l'instauration d'unemonarchie constitutionnelle. Cependant les différentes formules expérimentées échouent successivement en1792,1830 et1848, amenant la fin de la royauté en France.
LesFrancs sont un peuple installé aux confins de laGaule du Nord. Ils servent l'Empire romain d'Occident commemercenaires et seromanisent assez rapidement. Ils obtiennent le statut de peuple fédéré, mais ne parviennent pas à s'unir et éclatent en plusieurs petits royaumes[2]. Plusieurs rois probablement légendaires se succèdent, dontMérovée, fondateur de la dynastie desMérovingiens. Le premier roi dont l'existence est certaine estChildéricIer qui règne sur un petit royaume autour deTournai[3].
ClovisIer meurt en511 ; son royaume est partagé entre ses quatre fils. Chacun hérite d'une partie du royaume et prend le titre de« roi des Francs ». Néanmoins, ce partage ne fait pas disparaître l'idée d'un ensemble uni, leRegnum Francorum (royaume des Francs)[8]. Ce dernier est divisé en trois grandes régions : l'Austrasie, laBurgondie et laNeustrie, dont les frontières évoluent au gré des guerres et des héritages. Plusieurs rois parviennent à réunir l'ensemble, mais dès la mort du souverain il est divisé entre ses descendants[9]. Les Francs s'étendent à l'est aux dépens notamment duRoyaume alaman ou encore de laBavière[10].
En639, une crise éclate, permettant à l'aristocratie de renforcer sa puissance, en particulier, ceux qui occupent le poste demaire du palais récupèrent le pouvoir réel[11]. La famille qui occupe cette charge, lesPépinides, s'impose. L'un de ses membres,Charles Martel, se constitue une clientèle en distribuant des bénéfices à ses fidèles[12] et remporte plusieurs succès militaires dont labataille de Poitiers qui met un terme à l'expansion musulmane en Europe de l'Ouest[13].
En737, le dernier roi mérovingien meurt dans l'indifférence générale[14]. Après une période de vacance du pouvoir,Pépin le Bref, fils de Charles Martel, est élu roi des Francs en751 grâce au soutien de l'Église catholique qui souhaite un souverain fort. Il est aussi le premier roi des Francs à êtresacré, pour montrer que son pouvoirvient de Dieu. Il sacre aussi ses fils pour établir un caractère héréditaire[15]. En 755, il triomphe des Lombards et permet la fondation desÉtats pontificaux[16] et la décennie suivante il chasse lesmusulmans de Septimanie[17]. Il impose plusieurs réformes, religieuses comme ladîme, et politiques comme le monopole de la création monétaire pour la monarchie[18]. À sa mort, le royaume est partagé entre ses deux fils[19], puis le futurCharlemagne règne seul après la mort de son frère[20]. Ce dernier agrandit son royaume en annexant notamment la Bavière et mène une guerre sainte contre lesSaxons païens[21]. Il organise l'administration de ses territoires et installe sa capitale àAix-la-Chapelle[22].
Lors du Noël de l'an 800,Charlemagne est couronné empereur d'Occident par le pape. Charlemagne étant devenu le plus grand souverain chrétien d'Occident, le pape a besoin de son soutien au moment où l'Empire byzantin connaît une crise interne et n'existe plus aux yeux des chrétiens de l'ouest[22]. Pour affirmer son pouvoir centralisateur, il divise l'Empire, et donc le royaume, en plusieurs centaines de comtés où il nomme un fidèle avec les pouvoirs judiciaires, militaire et de percepteur[23].
Charlemagne meurt en 814 ; son filsLouis le Pieux lui succède à la tête de l'Empire. La question de sa succession pose problème puisque le titre impérial ne peut être divisé[24]. Laguerre civile entre les trois fils éclate en 830 et Louis le Pieux abdique avant d'être remis sur le trône par les évêques. Il n'est plus qu'un souverain fantôme jusqu'à sa mort en 840, moment où Lothaire lui succède. Le à labataille de Fontenoy-en-Puisaye,Charles etLouis battent leur frère Lothaire et l'obligent à diviser l'Empire en trois royaumes avec letraité de Verdun[25].
En843,CharlesII le Chauve hérite de laFrancie occidentale. En plus de laFrancie médiane,LothaireIer hérite du titre impérial, mais théoriquement, une fraternité doit être maintenue entre les royaumes[26]. La mort de Lothaire en855 met fin à cette idée et son domaine est partagé entre ses trois fils[27]. En869, Charles le Chauve s'empare du domaine deLothaireII[28], puis de la couronne impériale en875, mais il n'est pas reconnu par l'ensemble de lachrétienté[29]. En877, il rédige lecapitulaire de Quierzy qui réorganise le royaume en permettant aux comtes de transmettre héréditairement leurs charges[30]. Il meurt la même année : ses successeurs sont confrontés à des crises politiques et à des invasions extérieures[31].
Face auxenvahisseurs normands ethongrois, les grands seigneurs du royaume appellent l'empereurCharles III le Gros à l'aide. Mais celui-ci ne parvient pas à contenir la menace et ils élisent comme roiEudes, comte de Paris, de la dynastie desRobertiens[32]. La monarchie étant élective, les Carolingiens et les Robertiens se succèdent comme rois pendant plusieurs années. En936,LouisIV d'Outremer devient roi, son fils et son petit-fils lui succèdent laissant penser à une restauration carolingienne. Mais en987, les Grands du royaume élisent le RobertienHugues Capet, qui règne sur uneprincipauté autour de Paris[33].
Durant cette période, les principautés territoriales émergent. Le roi n'a plus le pouvoir réel et il ne gouverne plus que par l'intermédiaire des princes. Pour organiser la résistance contre les envahisseurs, Charles le Chauve a créé de grands commandements militaires qui regroupent plusieurs comtés confiés à un prince qui possède les pouvoirs administratifs et militaires. Au cours duXe siècle, le roi perd le contrôle sur ce système et les princes deviennent presque totalement indépendants et transmettent leur charge à leurs descendants[34].
Le,Hugues Capet est élu roi des Francs. Il règne sur les princes qui le reconnaissent comme leursuzerain, mais il ne possède aucun pouvoir sur les territoires hormis sur ledomaine royal[35]. AuXIe siècle, lesvassaux des princes territoriaux acquièrent aussi une indépendance de fait (sauf dans leduché de Normandie, lecomté de Flandre et lecomté de Barcelone) et c'est le châtelain qui possède le pouvoir judiciaire et économique réel[36]. Les rois profitent de cette désorganisation pour imposer une transmission héréditaire de la couronne mais prennent conscience que leur pouvoir ne dépasse pas les frontières du domaine royal. Le fils aîné est alors associé au pouvoir en étant sacré du vivant de son père[37]. En1066, le duc de NormandieGuillaumeconquiert la couronne d'Angleterre. Il est vassal du roi des Francs pour les terres continentales, mais indépendant dans sonroyaume d'Angleterre. S'ouvre alors une rivalité entre l'Empire anglo-normand et le roi[38].
Sous le règne deLouisVI, la vision du royaume commence à changer. Celui-ci mène plusieurs expéditions dans le domaine royal, pour soumettre les châtelains qui ne reconnaissent pas son pouvoir[39] et des expéditions en dehors, signe que les Capétiens commencent à imaginer le royaume comme une unité.LouisVII continue cette politique en épousantAliénor d'Aquitaine[40]. En dehors des rois, une famille s'impose, celle de lamaison Plantagenêt, qui règne sur un territoire immense dont une grande partie dépend du royaume des Francs. Les Plantagenêts sont alors plus puissants que le roi[41], surtout après le remariage d'Aliénor, en 1152, avec le jeune duc de Normandie, futurHenri II (roi d'Angleterre)[42].
LouisVIII ne règne que trois ans, mais parvient à conquérir des fiefs dans le midi[51].Saint Louis hérite d'une situation compliquée avec des provinces en révolte[52]. Après plusieurs grandes victoires, la situation est rétablie dans lesannées 1240. Ilpart en croisade de1248 à1254[53]. À son retour, il profite de son prestige pour devenir l'arbitre des conflits diplomatiques français et européens. À l'intérieur du royaume, cette politique permet de placer la royauté au-dessus des autres princes[54]. Il met aussi en place les bases d'une justice royale où le roi se place dans le rôle de juge et arbitre, notamment contre les abus de l'administration[54].
PhilippeIII le Hardi devient roi en1270, il réunit notamment lecomté de Toulouse au domaine royal[55]. Il règne désormais sur l'ensemble du royaume où il peut légiférer et appliquer la justice, mais il ne touche des revenus que de son domaine[56].PhilippeIV le Bel fait tout pour augmenter le trésor royal, en réorganisant l'administration[57] et en procédant à des dévaluations monétaires[58]. Il convoque aussi pour la première fois lesÉtats généraux pour lever de nouveaux impôts[59]. En1312, il dissout l'ordre du Temple auprès duquel il est endetté[60]. La même année, ilrattache Lyon au royaume. Son mariage avecJeanneIre de Navarre permet l'union des deux royaumes et le rattachement ducomté de Champagne au domaine royal[61].
L'Ancien Régime voit l'aboutissement du processus de reconquête par le roi de la puissance publique. Les institutions clés de l'Ancien Régime trouvent leurs racines depuis le règne deFrançoisIer[82].
Les difficultés de la Renaissance et la réconciliation d'Henri IV
Territoires contrôlés par les protestants lors des guerres de Religion (1562-1598) sur les frontières en 1685.
huguenots (calvinistes/réformés)
zone contestée
catholiques
luthériens (Alsace)
Lesguerres de religion, opposant catholiques et protestants, débutent en1562 avec lemassacre de Wassy. Les villes tombent dans les mains des deux protagonistes et le chef des catholiquesFrançois de Guise est assassiné[90]. Une trêve est signée avec une clause qui prévoit le mariage d'HenriIII de Navarre (futur HenriIV) avec lasœur du roi[91]. Il est célébré en1572 et, pour l'occasion, la noblesse protestante monte àParis. Quelques jours plus tard, un attentat provoque lemassacre de la Saint-Barthélemy, qui se propage dans de nombreuses villes du royaume[92]. Cet événement provoque une rupture des protestants avec la monarchie catholique. Ils commencent à s'émanciper dans leMidi en organisant un « État dans l'État »[93].
HenriIII devient roi en1574 et accorde l'édit de Beaulieu. Les catholiques trouvent les dispositions excessives et forment desligues qui mènent des opérations militaires[94]. En1588, une insurrection catholique éclate dans Paris et oblige le roi à se réfugier àChartres[95]. En réponse, il fait assassinerHenriIer de Guise, provoque une rupture avec la Ligue[96] et s'allie avec les protestants pour récupérer son trône. Son assassinat en1589 propulse le chef protestant sur le trône, mais les ligueurs refusent de le reconnaître. En1593, HenriIV se convertit au catholicisme et doit combattre jusqu'en1598 pour conquérir son royaume. Cette même année est signé l'édit de Nantes qui reconnaît la liberté de culte aux protestants[97]. Avec la réunion des deux couronnes, les rois portent désormais le titre deroi de France et de Navarre[98]
L'affirmation du pouvoir royal : vers l'absolutisme
Conquête territoriale du royaume de France de1552 à1788.
LouisXIII meurt en1643 : son fils n'a que cinq ans et sa mèreAnne d'Autriche assure la régence avec lecardinal de Mazarin[104]. En1648, les parlementaires, inquiets de la montée de l'autorité monarchique et des impôts, tentent un coup de force pour contrôler la monarchie. Une émeute éclate à Paris obligeant la cour à quitter la capitale[105]. Les princes rejoignent laFronde, mais leurs armées sont défaites et en1652,LouisXIV, déclaré majeur l'année précédente, peut faire son entrée dans Paris[106]. En1659, l'Espagne cède par letraité des Pyrénées lecomté de Roussillon et lecomté d'Artois qui sont rattachés au royaume[107].
En1661,LouisXIV déclare qu'il règne et gouverne seul et réforme la gestion administrative[108].Jean-Baptiste Colbert devient le principal collaborateur du roi, ensemble ils mènent une politique de soutien aux manufactures, de création de grandes compagnies de commerce, et de soutien aux arts[109]. Marqué par laFronde, le roi souhaite réduire au silence la noblesse. Pour la surveiller, il fait construire lechâteau de Versailles où il s'installe en1682. Il met en place unesociété de cour où les grands seigneurs doivent vivre une grande partie de l'année pour obtenir des faveurs royales[110]. En1682, lacolonisation de l'Amérique s'accélère avec la fondation de laLouisiane[111].
LouisXVI devient roi en1774. Rapidement, il rompt avec la politique de son prédécesseur. Il nommeTurgot ministre avec pour mission de réformer l'État. Ce dernier commence parlibéraliser la vente des grains, ce qui mène à laguerre des farines et rompt la confiance du peuple envers le roi qui, jusqu'ici, était vu comme le père nourricier[123]. Pour venger la perte de ses territoires américains, la France soutient lesrebelles dans laguerre d'indépendance des États-Unis, mais les frais engagés font replonger le royaume dans les difficultés financières[124].
Le siècle s'achève avec une évolution significative des mentalités. La théorie de la gravité universelle formulée parIsaac Newton en 1687 et promue en France notamment en 1734 par lesLettres philosophiques deVoltaire met à mal l'idée d'une quelconque transcendance divine dont découlerait une monarchie de droit divin en France. Par ailleurs, la publication en 1748 deDe l'esprit des lois deMontesquieu et à partir de 1751 de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers deDiderot etD'Alembert ouvrent la voie à une vision plus raisonnée et scientifique du monde, dans laquelle la prétendue omnipotence du pouvoir royal est remise en question. La diffusion des nouvelles idées est facilitée par les progrès de l'alphabétisation et le développement de la pratique de la lecture.
L'Assemblée nationale prend une série de mesures pour consolider l'unité nationale, dont l'égalité des droits, l'unification du droit au niveau national, ou encore la création desdépartements pour rationaliser le découpage administratif[128].
Se sentant en danger,LouisXVI quitte secrètement Paris pour rejoindre des royalistes à Montmédy, mais il est rattrapé et ramené dans la capitale. Dès lors, le lien entre le roi et la population est rompu[131]. Laconstitution est promulguée en septembre1791, mettant fin officiellement à lamonarchie de droit divin[132] pour la transformer en unemonarchie constitutionnelle.
En avril1792, l'Assemblée nationale déclare la guerre à l'Autriche, mais les défaites s’enchaînent et la France est sur le point d'être envahie[133]. Unmanifeste, envoyé par le chef des armées étrangères et menaçant les Parisiens, met le feu aux poudres. Le10 août 1792, la foule envahit la cour des Tuileries. Le roi doit alors s'abriter à l'Assemblée nationale, qui le suspend[134].
La royauté est rétablie le, après la défaite deNapoléon Bonaparte face aux armées européennes coalisées. Le sénat appelleLouisXVIII, frère de Louis XVI, quiaccède à la tête de l'État en octroyant unecharte. Cette charte constitutionnelle limite les contours de son pouvoir.
Louis XVIII souhaitant une politique de réconciliation entre l'ancienne et la nouvelle France, oubli et pardon sont les mots d'ordre de sa politique de 1814 à 1820, l'objectif étant de royaliser la Nation et de nationaliser la royauté.
En mars 1815, Napoléon revient d'exil et rétablit l'Empire pendant lesCent-Jours, tandis queLouisXVIII se réfugie àGand[136].
LouisXVIIIrevient ensuite sur le trône après la défaite de Napoléon àWaterloo et commence une politique libérale. Le Roi meurt sans enfant en septembre1824. Il a pour successeur son frèreCharlesX. Celui-ci, à l'inverse de son frère, est très pieux, Il souhaite favoriser l'Eglise, la noblesse, et s'appuie sur les députésultraroyalistes[137].
Devant la montée électorale des libéraux,plusieurs ordonnances sont prises en juillet 1830 pour limiter les libertés publiques, comme le rétablissement de la censure pour la presse ou la dissolution de la chambre, et provoquent des émeutes, connues sous le nom de « Trois Glorieuses » qui conduisent à l'abdication du Roi, le[138].
Le roi est le personnage central des institutions. Sa volonté fait loi, mais il a l'obligation de se faire conseiller au sein de lacour, puis duconseil. Pour effectuer ses prérogatives, le roi délègue son pouvoir sous forme d'officesvénaux, mais gère aussi de nombreux agents publics.
Depuis les tempscarolingiens, le roi, monarque dedroit divin, est un personnagesacré qui incarne lasouveraineté de l'État[144]. Il dispose de l'ensemble de ses attributions dès la mort de son prédécesseur, mais il n'est légitime aux yeux du peuple qu'après lacérémonie du sacre qui se déroule dans lacathédrale de Reims. Cette cérémonie montre l'intervention deDieu dans l'attribution de la couronne, qui se manifeste sous deux formes : le roi justicier, qui doit faire régner la paix et la justice divine, ainsi que le fait deguérir lesécrouelles en touchant les malades. Le roi échappe à la condition commune, il est un personnage public qui a l'obligation de se montrer et ne peut pas posséder de vie privée[145]. Au temps desMérovingiens, le roi tient surtout son pouvoir de la conquête, le prestige du chef et surtout de la fidélité personnelle qui l'unit à ses sujets[146].
Sous l'Ancien Régime, la personne du roi concentre les trois pouvoirs, au terme d'un processus commencé à partir duXIIe siècle. Auparavant, le roi ne peut légiférer en dehors de son domaine sans le consentement de ses vassaux[148] et ne peut rendre la justice au détriment des juridictions seigneuriales et ecclésiastiques[149]. Par la suite, il est admis que la volonté du roi fait force de loi, mais il doit s'entourer de conseillers l'aidant dans ses décisions[150]. En matière judiciaire, le roi ne pouvant plus exercer personnellement la justice, il délègue ses pouvoirs à des tribunaux[151].
Le roi possède plus précisément des droitsrégaliens comme lepouvoir législatif,judiciaire, défensif et monétaire. Il exprime sa volonté par desédits ou desordonnances qu'il signe de la formule« car tel est notre plaisir »[153]. Il peut aussi créer desoffices etanoblir lesroturiers. Le roi est le maître de la défense du royaume. Il a donc l'obligation de défendre ses vassaux et sujets, mais aussi de faire la guerre pour reconnaître des intérêts lésés par des puissances étrangères. Parmi ses autres obligations, il a celle de rendre la justice à ses sujets. Ces derniers peuvent évoquer tout litige devant la justice royale. Le roi a aussi le pouvoir de punir ou de fairegrâce à n'importe qui, s'il estime que cela sert les intérêts du royaume. À partir de la fin du Moyen Âge, le roi est le seul à avoir le pouvoir de battre monnaie, mais en contrepartie il est le garant de sa valeur[154].
Lareine partage les honneurs du trône, mais ne peut prétendre à l'exercice du pouvoir, sauf durant les périodes derégence. À partir duXVIIe siècle, la famille royale est divisée en trois ordres : d'un côté les descendants directs du roi, d'un autre les proches parents (frères et sœurs et leurs enfants) et enfin lesprinces du sang en ligne masculine. Ces derniers sont théoriquement tous les descendants mâles d'Hugues Capet, mais ils ne concernent dans la réalité que les descendants deSaint Louis[155]. Ils sont les seuls à pouvoir accéder à lacouronne de France et le souverain doit les consulter sur les grandes affaires de l'État[156]. Leur ordre de préséance est dicté par les règles de succession au trône.
La couronne n'est pas la propriété du roi. Il ne peut pas en disposer comme à sa guise, puisqu'il doit obéir auxlois fondamentales du royaume de France, dont la première est laloi salique[157]. C'est la coutume et la tradition qui dictent les lois pour la transmission de la couronne. La couronne se transmet de mâle en mâle enprimogéniture, excluant les femmes et leurs descendants[158], mais aussi lesbâtards (mêmelégitimés) et lesprotestants[159]. Les lois ne sont pas écrites mais sont édictées au fur et à mesure des circonstances pour répondre à un problème posé[160], comme un héritier au trône protestant. Tous les rois ont toujours été catholiques, donc d'après la coutume, le nouveau roi doit se convertir s'il veut pouvoir monter sur le trône.
Au temps desCarolingiens et aux débuts desCapétiens, la couronne estélective par acclamation des grands barons du royaume. Jusqu'àLouis VII, les Capétiens ont pour tradition de faire couronner de leur vivant leur fils aîné, appeléDauphin à partir de1349 : ils font ainsi progressivement de l'élection une formalité symbolique[160]. Le roi reste cependant le chef de la noblesse qu'il réunit autour de sa personne à la cour. En période de succession ouverte, de grands seigneurs se permettent de peser sur les évènements, tels les Guise de 1584 à 1594 lors de la succession d'Henri III ou leduc d'Épernon lors de l'assassinat d'Henri IV en 1610.
La cour prend un premier essor sousFrançoisIer et les Valois-Angoulême. Elle est alors itinérante entre les châteaux d’Île-de-France et du Val de Loire, quand elle n’entreprend pas un périple à travers le royaume, tel celui deCatherine de Médicis au début de sa régence.
Sous les Bourbons, la cour se sédentarise en Île-de-France. Alors qu’en Angleterre et en Espagne, le rôle de la cour décline à partir des années 1660, elle connaît en France un nouvel essor à l’initiative deLouis XIV, qui l’établit à Versailles où elle demeurera jusqu’en 1789. La politique de Louis XIV est présentéea priori comme une domestication de la noblesse dans la mesure où elle permet au roi de rabaisser les grands et de décider de l’ascension ou de la diminution des lignages. Elle traduit cependant l’établissement d’une relation directe du souverain avec sa noblesse qu’il fédère autour de lui, stabilisant dans la pratique la position des lignages les uns par rapport aux autres[161].
L’étiquette est alors un rite social qui extériorise un ordre social, dans la mesure où chacun y trouve moyen d’exprimer sa position hiérarchique au sein de l’élite.
Lors des débuts de la dynastiecapétienne, le gouvernement central s'organise autour de deux éléments, lamaison du Roi, qui regroupe lesgrands officiers et les serviteurs qui forment l'Hôtel du roi. De plus, le roi choisit parmi les ecclésiastiques, ses vassaux et des conseillers administratifs pour former la cour. AuXIIIe siècle, l'extension dudomaine royal oblige à recruter des spécialistes des tâches administratives au détriment des princes et barons. C'est à cette période qu'émerge leconseil du roi qui traite des affaires du gouvernement au plus haut niveau[162]. Sous l'Ancien Régime, le conseil du roi est l'élément central du gouvernement, le roi y prend ses décisions souveraines qui orientent toute la vie politique du royaume[163].
Le conseil est issu de lacour de France duMoyen Âge où les proches et vassaux du roi se réunissent pour donner conseil au souverain. La cour suit le roi dans ses déplacements et se réunit chaque fois que le roi a besoin de prendre son conseil. Elle rassemble les personnes que les circonstances placent auprès du roi, même si certains personnages du royaume y siègent de droit : les membres de la famille royale, ainsi que les hauts barons et ecclésiastiques. Toutes les décisions importantes concernant le royaume doivent être délibérées au conseil. À partir deLouisVII le Jeune, parallèlement au conseil large avec les grands du royaume, un conseil restreint se met en place avec des conseillers en qui le roi a confiance. La composition change auXIIIe siècle, les conseillers siègent non plus en fonction de leur rang, mais en fonction de leur compétence à effectuer un travail administratif que les barons ne savent ou ne peuvent pas faire. Petit à petit, le roi ne les convoque au conseil que pour traiter les affaires les concernant. C'est à cette époque que les tâches administratives se séparent en trois branches ; judiciaire avec leparlement, financière avec lachambre des comptes et politique avec le conseil du roi[164].
Le conseil se réunit selon les besoins du roi. Le souverain peut y appeler qui il veut selon l'ordre du jour et les circonstances politiques, mais lesgrands officiers etprinces du sang siègent naturellement au conseil. À leur côté, siègent des hommes que le roi choisit pour leurs compétences, qui à partir duXIVe siècle prennent le titre de conseillers du roi. Le conseil n'a qu'un rôle consultatif, puisque la décision finale dépend uniquement du roi, mais le conseil peut siéger en son absence pour délibérer des affaires courantes. C'est lors des conseils que le roi exerce sa justice retenue qui lui permet d'interrompre la justice ordinaire pour s'emparer d'une affaire[165]. En1497, legrand conseil se détache du reste du conseil et siège pour s'occuper des affaires judiciaires que le roi souhaite soustraire de la juridiction des parlements[166].
À partir d'HenriII, le conseil commence à se réglementer et se divise en plusieurs formations spécialisées[167]. Le conseil des affaires est un groupe restreint de conseillers intimes du roi qui gèrent les affaires importantes et secrètes de l'État. Le roi y appelle les personnes qu'il souhaite en fonction des circonstances politiques. Ce conseil secret n'a pas d'existence officielle et dépend seulement de la volonté royale. AvecLouisXIII, il s'organise, devient officiel et prend le nom deconseil d'en haut. C'est à ce moment qu'il devient l'organe suprême pour les décisions sur la politique étrangère, la guerre, l'intérieur et les plus importantes affaires financières[168]. Sa composition devient de plus en plus fixe et certains y siègent de droit comme le premier ministre, lechancelier, lesurintendant des finances ou encore le secrétaire d'État des affaires étrangères. Les autres membres sont nommés par le roi. À la même période, le conseil des dépêches s'en détache pour s'occuper des affaires intérieures. Le conseil pour les finances est institué en1563, il existe de façon intermittente en fonction des réorganisations des institutions financières[169]. En plus des affaires financières, il est le dernier ressort qui traite les affaires générales (il est supérieur hiérarchiquement au conseil d'en haut). Le conseil privé (ou conseil des parties) est le conseil qui siège comme cour suprême de justice pour les procès des particuliers[170].
SousLouisXIV, deux sortes de conseils se distinguent et demeurent jusqu'en1791 : les conseils de gouvernement et les conseils de justice et d'administration. Le conseil d'en haut est un conseil très restreint (de trois à sept membres), qui ne comprend que des personnes nommées par le roi et aucune de droit[171]. Si le conseil est compétent pour statuer sur tous les sujets politiques, ses compétences se restreignent petit à petit à la politique étrangère et militaire[172]. Le conseil des dépêches s'occupe des affaires intérieures du royaume, en lisant et en répondant aux dépêches venant des provinces, mais aussi en examinant les contentieux politiques. Les principaux membres du gouvernement y siègent. Le conseil royal des finances assiste le roi dans l'exercice de sa fonction d'ordonnateur et détermine la politique économique de l'État[173]. Le conseil royal de commerce a une existence épisodique et gère la politique commerciale et économique[174]. Lors de situations bien particulières, des conseils spécialisés sont créés pour traiter des dossiers liés à l'actualité, comme le Conseil de santé pour gérer lapeste de Marseille[175]. Le, ils sont fusionnés en un conseil unique qui prend le nom de conseil d'état[174].
Les conseils de justice et d'administration comprennent le conseil privé qui est toujours la cour suprême de justice, mais est réformé entre1673 et1738. Il comprend de nombreuses personnes (jusqu'à cinquante) et son action prend trois formes différentes : l'évocation, qui est une intervention dans un procès en cours d'une juridiction supérieure ou différente ; la cassation, qui permet de ne pas juger l'affaire, mais vérifier si la loi a été bien appliquée ; et lerèglement de juges qui est un arbitrage dans un conflit entre deux cours supérieures[176]. Le conseil d'État et des finances disparaît à la fin duXVIIe siècle, divisé en deux commissions : la grande et petite direction des finances qui ont comme mission de juger les contentieux en matière financière[177].
AuMoyen Âge, les grands officiers remplissent des tâches domestiques, ce qui leur donne un rôle très important dans le gouvernement du royaume. Les charges sont souvent héréditaires et donnent d'importants revenus. C'est à partir dePhilippeIer que chaque attribution se précise. Lesénéchal, qui existe depuis lesCarolingiens, est le premier des grands officiers. Il dirige lamaison du Roi, mais supervise aussi l'administration, les agents du roi, commande l'armée et rend la justice royale. Son pouvoir excessif fait que le roi préfère confier cette charge à des seigneurs fidèles et souvent loin du palais, avant de la supprimer en1191. Lebouteiller gère lacave du roi, mais aussi lesvignobles dudomaine royal et le commerce duvin en général. Par la suite, il s'occupe de différentes tâches financières comme la coprésidence de lachambre des comptes, voire des missions politiques. L'office est supprimé en1449. Lechambrier est responsable de la chambre du roi, mais aussi tout ce qui concerne l'entretien du palais, des effets du roi et dutrésor royal. Leconnétable, dont la charge est créée sous les Carolingiens, s'occupe des écuries royales avant de récupérer les attributions militaires du sénéchal. Avec laguerre de Cent Ans, il devient le chef militaire du royaume et toute la noblesse est placée sous son commandement. Lechancelier est le rédacteur et l'expéditeur des actes royaux depuis l'époque franque[178].
La hiérarchie des grands officiers est établie sousHenriIII[179]. Le connétable est le premier d'entre eux, mais sa position très avantageuse fait que la charge est souvent vacante, avant d'être supprimée en1627. Il s'occupe de l'administration et du financement de l'armée, mais est aussi considéré comme son chef militaire[180]. Il est ensuite remplacé par le chancelier comme premier des grands officiers (deuxième auparavant)[181], legrand maître qui s'occupe du service intérieur de la maison du roi, le grand chambellan qui administre la chambre du roi, l'amiral qui est le chef de lamarine royale[179]. Lesmaréchaux sont les chefs de l'armée sous l'autorité du connétable. Ils sont à la tête de lacompagnie des prévôts des maréchaux qui exerce la justice militaire et le maintien de l'ordre dans les campagnes. Ils tiennent letribunal du point d'honneur qui règle les conflits entregentilshommes pour éviter leduel[182]. Legrand écuyer est le chef de l'écurie royale. À partir duXVIIe siècle, la majorité des offices de grands officiers deviennent des charges de cour purement honorifiques. Seul le chancelier et les charges militaires restent des charges gouvernementales[179].
Le chancelier est un desgrands officiers du royaume. Il est le chef de la chancellerie qui a pour mission de rédiger les actes royaux généraux,législatifs ou spéciaux. Son rôle évolue avec la centralisation qui s'accentue à la fin du Moyen Âge et devient même la tête du gouvernement puisqu'il supplée le roi durant son absence, prend la parole en son nom lors d'occasions telles lors desÉtats généraux et préside le parlement[183]. Avec la hiérarchisation des grands officiers sousHenriIII, le chancelier est le deuxième en dignité, puis le premier après la suppression de la charge deconnétable en1627. Il a plusieurs attributions ; le contrôle et le scellage des actes royaux lors de cérémonie de l'audience du sceau. Il doit aussi vérifier si les décisions royales sont conformes à la justice et aux intérêts du royaume, dans le cas contraire il peut refuser le scellage ; il est le premier magistrat du royaume et le porte-parole du roi lors des cours souveraines ; il est le chef du Conseil qu'il préside lors de l'absence du souverain. Ses compétences politiques déclinent au gré des réformes. En1661, il est écarté du Conseil d'En Haut et perd le statut de ministre d'État ; il s'occupe de la vie intellectuelle du royaume : à partir de1566, il contrôle lalibrairie, ce qui lui permet théoriquement de contrôler et de censurer tous les livres qui paraissent[184].
AuXVIIIe siècle, se met en place un Conseil de chancellerie pour conseiller et faire appliquer les décisions du chancelier. Il est compétent sur le fonctionnement de la chancellerie, de l'administration de la justice et de la librairie. Il a le statut de tribunal administratif qui juge les contestations sur la réglementation sur les livres[185]. Lorsque le chancelier est en disgrâce ou empêché d'exercer ses fonctions, le roi lui retire les sceaux et les confie à ungarde des sceaux qui devient un grand officier de la couronne. À certains moments, le garde des sceaux est nommé alors que le chancelier est en fonction, les deux hommes se partagent alors les attributions du chancelier[186].
LaGrande et la Petite Chancellerie dépendent directement du chancelier. Les secrétaires du roi travaillent à la Grande Chancellerie, ils ont le monopole de la rédaction et de l'expédition des actes royaux. Une dizaine auXIIIe siècle, leur nombre va atteindre jusqu'à 350 en1694, bien au-dessus de ce qu'exige le fonctionnement de la chancellerie. La charge est transmissible et le moyen le plus simple d'acquérir la noblesse, ce qui fait que la plupart des secrétaires ne remplissaient pas leurs tâches. Parmi les autres officiers de la Grande chancellerie, on trouve le grand audiencier qui est l'ordonnateur de l'audience du sceau et compte les droits perçus sur le scellage des lettres, le contrôleur général qui hérite des attributions financières du grand audiencier, le garde des rôles des offices de France, qui tient à jour la liste des offices disponible, le chauffe-cire qui procède à l'opération de scellage. AuXVe siècle, les Petites Chancelleries sont créées en Province pour rapprocher les administrés du service des sceaux. Les lettres qu'elles délivrent ne s'appliquent que dans la juridiction où est établie la Petite Chancellerie. Les effectifs sont plus réduits que ceux de la Grande Chancellerie, mais les charges sont les mêmes[187].
La fonction de secrétaire d'État apparaît auXVIe siècle d'abord au sein de la chancellerie, avant de s'en détacher pour devenir pleinement autonome. Les secrétaires d'État ont pour origine les notaires du roi, chargés de mettre en forme les actes personnels du souverain. Leurs attributions évoluent dans le temps et certains récupèrent des tâches politiques et diplomatiques importantes. En1547, les quatre secrétaires sont répartis avec pour chacun des pays étrangers et provinces du royaume où il est chargé d'expédier les affaires de l'État, puis plus tard certains départements comme la guerre où la religion. Ils deviennent alors les exécuteurs de la volonté royale et les chefs de l'administration centrale de l'État. Ils deviennent si puissants que le souverain prend une série de mesures pour définir leurs pouvoirs qui vont varier jusqu'en1791[188].
Pour gouverner le royaume, le roi doit s'appuyer sur de nombreux agents qui possèdent différents statuts. Ils se répartissent en trois grandes catégories : lesofficiers, les commissaires et les fonctionnaires[189]. Les officiers ne sont pas qu'au service de l'administration royale, il existe des officiers seigneuriaux, municipaux ou encore provinciaux. Deux types d'offices se distinguent : les offices casuels qui reviennent au roi à la mort du titulaire (ou pour non-exercice de son office) et les offices domaniaux qui sontvénaux ethéréditaires. Le titulaire peut payer une personne pour exercer les tâches de l'office à sa place, ainsi qu'en faire commerce en le vendant à un tiers. La vénalité se met en place dès leXIIe siècle et devient officiel à la fin duXVe siècle. Les officiers sont un avantage pour la monarchie, car leurs ventes (même si théoriquement l'office est un don du roi) permet de remplir les caisses, mais aussi un désavantage puisque le roi ne peut pas choisir ses officiers au risque d'avoir une personne incompétente qui occupe un poste[190].
Les commissaires sont créés pour que le roi ait à sa disposition des agents révocables, dont les pouvoirs sont limités par les tâches que leur confère lalettre de commission que reçoit chacun d'entre eux[191]. Si le terme de fonctionnaire n'apparaît que dans les années 1770, il recouvre alors une catégorie d'agents plus anciens : les ingénieurs du roi, les commis (des employés en écritures qui travaillent dans les ministères, les intendances et laFerme générale) et les inspecteurs (qui ont pour mission de veiller au bon fonctionnement des institutions économiques de l'État). Les fonctionnaires sont révocables et rémunérés en fonction d'un grade, ainsi que par leur ancienneté. Ce mode de rémunération préfigure le statut de la fonction publique moderne[192].
Dans le royaume de France, le droit n’est pas unifié et, à la veille de la Révolution, pas moins de 18 juridictions, en général appeléesparlements, rendent le droit en dernier ressort. Certaines sont nées de la confirmation de juridictions préexistantes, tel l’Échiquier de Normandie à Rouen, d’autres sont créées pour rapprocher l’administration judiciaire des justiciables, tel leParlement de Toulouse.
Alors qu’en Angleterre les charges publiques reposent essentiellement sur le bénévolat, en Espagne et en France elles sont vénales. Les rois de France n’ont pas hésité à mettre en vente les fonctions de magistrats, contrairement aux Habsbourg d’Espagne qui ont eu la prudence de ne pas les vendre pour garder le contrôle de la justice rendue en leur nom. Dans le royaume de France, la vénalité puis l’hérédité des fonctions judiciaires assurent la formation d’un corps autonome prompt à s’exprimer voire à revendiquer.
Les Parlements enregistrent les lois et usent à cette occasion d'un droit de remontrance si celles-ci ne leur paraissent pas conformes auxlois fondamentales du royaume : les rois de France peuvent recourir à l’enregistrement forcé par un lit de justice. Maté parLouis XIV, leParlement de Paris casse les dispositions testamentaires du roi en échange du rétablissement de son droit de remontrance. SousLouis XV etlouis XVI, les parlements se font l’écho des valeurs de laPhilosophie des lumières, revendiquant un système politique dans lequel la tendance à l’absolutisme royal est contrebalancée par d’autres pouvoirs dont le pouvoir judiciaire qu’ils incarnent.
La fonction la plus importante du roi est de rendre la justice à ses sujets. Cette tâche lui vient dusacre lors duquel il est admis que la justice est alors déléguée parDieu aux monarques. Le roi ne peut pas exercer personnellement la justice ; il doit donc la déléguer à un personnel qualifié. La justice est considérée comme déléguée lorsqu'elle est exercée par des magistrats au nom du roi et retenue lorsque le roi et sonconseil interviennent directement dans une affaire. La justice royale déléguée comprend les juridictions de droit commun et les juridictions d'exception. Les premières forment une hiérarchie pyramidale comprenant quatre degrés. En bas, lesprévôtés,vicomtés etchâtellenies datent duXIe siècle, viennent ensuite lesbailliages et sénéchaussées qui apparaissent auXIIe siècle, puis lesprésidiaux créés en1552 et enfin lesparlements etconseils souverains. Le conseil du roi, cour suprême de justice est tout en haut de l'édifice. Les juridictions d'exception sont habilitées à juger certaines catégories d'affaires ou de personnes. Des tribunaux supérieurs peuvent intervenir dans une affaire en cours devant un tribunal inférieur et s'en saisir par une procédure d'évocation[193].
Laprévôté (appelée aussi : châtellenie, vicomté, viguerie, bailie ou jugerie selon les provinces) est la plus petite et la plus ancienne des juridictions royales locales. Elle reçoit principalement les affaires civiles et criminelles desroturiers en première instance. Jusqu'à la fin du Moyen Âge, son personnel est composé d'un juge et d'un greffier, puis s'accroît et se spécialise avec des lieutenants, conseillers et procureurs du roi[194]. Lebailliage et sénéchaussée est créé par lesducs de Normandie et repris par les rois de France à la fin duXIIe siècle avec pour mission principale de contrôler le travail desprévôts. Au fil des siècles, ils perdent leurs compétences administratives et militaires, pour ne garder que leurs pouvoirs judiciaires[195]. Ils jugent en appel les affaires des tribunaux royaux inférieurs, seigneuriaux et municipaux. En première instance, ils jugent les affaires concernant les nobles et le roi. Sous l'Ancien Régime, le bailli ne réside pas dans sa circonscription et laisse des magistrats exercer ses attributions[194].
Leprésidial est créé en1552 pour rapprocher la justice des justiciables. Il peut juger les délits et crimes des gens de guerre, ainsi que des affaires civiles en première ou dernière instance en fonction des sommes en jeu. L'institution décline au fil des années, victime de l'hostilité des parlements. La composition des tribunaux varie et neuf juges sont nécessaires pour rendre une sentence. Le présidial deParis, leChâtelet, occupe une place spéciale dans l'organisation judiciaire puisque son chef est le roi, représenté par le garde de la prévôté de Paris et que sa compétence s'étend à l'ensemble du royaume pour certaines affaires. C'est aussi un tribunal d'exception qui donne le droit à certaines communautés religieuses et à l'université de Paris de n'être jugées qu'au Châtelet[194].
Leparlement et lesconseils souverains sont créés entre leXIIIe siècle et leXVIIIe siècle par, selon les provinces, démembrement d'un ressort existant, transformation d'une cour seigneuriale ou simple création. Ils ont des attributions judiciaires de dernière instance, ils sont cour d'appel pour l'ensemble des juridictions inférieures de droit commun, ainsi que les juridictions seigneuriales, municipales, spécialisées et certaines affaires ecclésiastiques. Ils jugent aussi des affaires d'exception comme celle touchant la couronne. Leparlement de Paris a des compétences spécialisées comme celle de juger les princes etpairs de France. Un parlement est composé de plusieurs chambres permanentes et temporaires ; la Grand-Chambre, est la plus importante, le roi y tientlit de justice et les décisions les plus importantes y sont prises ; la chambre des requêtes a pour mission de recevoir les particuliers et de les envoyer devant la juridiction compétente, puis à l'époque moderne de juger en première instance ; la chambre des enquêtes instruit les affaires pour le compte de la Grand-Chambre. Un parlement est dirigé par le premier président, puis chaque chambre a son propre président. Le gros de l'effectif est composé des conseillers qui ont voix délibérative, des magistrats et auxiliaires de justice[196].
La justice retenue est exercée par le roi en personne. Elle devient très rare sous l'Ancien Régime et s'exerce de différentes manières. Le lit de justice est une séance solennelle du parlement en présence du roi. Le pouvoir de délégation des magistrats est alors suspendu et le parlement devient un simple organe de conseil. Le roi exerce aussi la justice à l'aide deslettres de cachet. Il s'agit de priver des personnes de liberté pour empêcher la justice ordinaire de tenir son rôle. Elles sont utilisées pour empêcher des procès qui nuiraient aux intérêts du royaume ou de la famille royale. Elles doivent être vérifiées par lelieutenant-général de police pour valider le bien-fondé et éviter les abus de pouvoir. Le roi dispose aussi dudroit de grâce qui lui permet d'annuler une peine[197].
À côté de la justice royale, il existe des dizaines de milliers de tribunaux seigneuriaux chacun avec des compétences diverses, mais aussi des tribunaux municipaux dont les compétences sont réduites à partir duXVIe siècle. À la fin du Moyen Âge, les juristes développent la théorie selon laquelle le roi étant le seigneur des seigneurs, ceux-ci rendraient alors la justice en son nom. L'État royal réduit au fil des siècles les compétences de la justice non royale en théorisant la notion de« cas royal » qui réserve au roi les affaires considérées comme importantes ou engageant sa souveraineté. De plus, elles sont limitées, puisqu'il est possible de faire appel d'une décision d'un tribunal non royal auprès d'un tribunal royal[193].
Avec la dislocation de l'État royal vers leXe siècle, les seigneurs récupèrent une partie du pouvoir judiciaire. Selon les régions, le seigneur exerce la basse (notamment la justice foncière) ou la haute justice (justice de sang qui permet notamment de prononcer lapeine de mort). Le fonctionnement des tribunaux seigneuriaux n'obéit à aucune règle, seulement à la volonté du seigneur. La majorité descoutumes reconnaissent que la cour doit être composée de quatre vassaux au minimum. Il faut attendre la fin du Moyen Âge pour que les cours seigneuriales se professionnalisent[198]. À partir duXIIe siècle, une lutte commence avec le pouvoir royal, pour contrôler et abaisser la puissance de cette justice, avec l'introduction de trois recours : l'appel, la prévention et les cas réservés au roi[199]. La justice seigneuriale fonctionne encore à la veille de laRévolution, mais les jugements importants doivent être confirmés par unparlement et elle règle surtout les conflits de proximité[200].
La justice ecclésiastique a pour mission de juger les affaires internes de l'Église et les fidèles en matière de foi et de morale. Un processus est entamé pour un contrôle royal des tribunaux d'Église, notamment avec la notion d'abus auXVe siècle qui permet de faire appel devant les tribunaux royaux si un juge d'Église dépasse les bornes de sa compétence[201]. Cet ordre judiciaire est aboli en août1790[202].
La juridiction principale est celle desévêques dans le cadre de leurdiocèse. Accaparés par leurs nombreuses tâches, ils délèguent dès leXIIe siècle leurs fonctions judiciaires à un juge appelé l'official qui est aidé par une administration. Des juridictions d'exception, appeléesInquisitions, sont mises en place entre leXIIe et leXIVe siècle pour juger leshérétiques selon une procédure spéciale[203]. À partir duXIIIe siècle, le pouvoir royal s'emploie à réduire les compétences de la justice d'Église dans de nombreux domaines qui relèvent aussi bien de la foi que du maintien de l'ordre. La royauté introduit les concepts des cas privilégiés et d'abus. LaPragmatique Sanction de Bourges, promulguée en1438, permet au roi de contrôler la justice ecclésiastique[204].
La justice municipale s'étend à l'ensemble des habitants d'une ville. Leur compétence varie d'une commune à l'autre et rares sont celles qui ont pleine justice, elles sont le plus souvent partagées avec le seigneur. Les institutions et le droit appliqué varient selon les régions et les chartes délivrées. La justice peut être rendue par un agent du seigneur, un tribunal de police composé des habitants, les maires ou encore les échevins[205]. La justice municipale décline à partir duXVIe siècle, sous l'effet des mesures législatives du pouvoir royal et des dispositions particulières appliquées aux villes rebelles. AuXVIIIe siècle, la majorité des villes ne conservent plus que les attributions de police, hormis certaines villes très fidèles à la couronne commeToulouse[200].
Le personnel judiciaire se fixe au cours duXVIe siècle. Il est divisé en deux catégories d'officiers : les magistrats et les auxiliaires de justice. Les magistrats du siège sont ceux qui jugent les affaires, ils sont divisés en trois catégories : les magistrats principaux qui dirigent le tribunal (appelés président dans lescours souveraines etprésidiaux et lieutenant dans les juridictions inférieures) ; les conseillers qui étudient et jugent les procès ; et les magistrats spécialisés qui occupent des fonctions particulières. Le parquet, dont les origines remontent auXIIIe siècle, est chargé de défendre les intérêts du roi et de la société pour assurer le bien commun. Il est composé du procureur du roi qui dirige le parquet dans la juridiction et des avocats du roi qui portent la parole du roi dans les procès. Les magistrats sont aidés dans leurs tâches par des auxiliaires de justice : les greffiers qui consignent par écrit les décisions du tribunal ; les huissiers et sergents qui assurent le déroulement de l'audience et signifient les sentences ; les procureurs qui rédigent et suivent la procédure ; les comptables qui encaissent les frais de justice et le produit des amendes[206].
Les ressources des rois de France se limitent pendant longtemps aux revenus du domaine royal : le financement de l’action politique du roi à l’échelle du royaume est donc pendant un premier temps difficile. AinsiPhilippe le Bel a recours à des solutions de fortune : sollicitations de l’Église, saisies de biens (des juifs, de l’ordre des templiers, ou encore des Lombards), manipulations du cours de la monnaie… C’est la guerre de Cent Ans qui donne l’occasion d’instaurer l’impôt permanent : lefouage deCharles V puis lataille deCharles VII.
Sous lesValois-Angoulême de 1515 à 1589, le développement de la vie de cour et les guerres amènent les finances publiques au bord de la faillite etSully ne rétablit la situation qu’au moyen de mesures draconiennes. Le budget royal et les impositions connaissent une nouvelle phase de développement à l'occasion de la reprise de la guerre contre l’Espagne de 1635 à 1698.Louis XIV recourt à des expédients pour financer ses guerres et sa cour : vente de titres de noblesse et d’offices, créations de nouveaux impôts (capitation,dixième)… Le cardinal deFleury rééquilibre à partir de 1726 les finances et a le mérite de stabiliser le cours de la monnaie jusqu’à laRévolution.
Les règnes personnels deLouis XV etLouis XVI, marqués notamment par trois guerres coûteuses et peu profitables avec laGrande-Bretagne, ont pour conséquence une nouvelle dérive des finances publiques et c’est pour résoudre cette crise que sont convoqués lesÉtats Généraux en mai 1789.
DepuisCharlemagne, lamonnaie de compte principale est lalivre, puis lesou et ledenier. Il s'agit d'une monnaie abstraite qui sert à compter. Les pièces de monnaie physiques ont toutes une valeur en monnaie de compte[207]. Au Moyen Âge, chaque seigneur (petit ou grand), évêque ou ville bat sa propre monnaie.PhilippeII Auguste tente d'imposer lalivre parisis qui a cours à Paris, puis s'empare des ateliers qui frappent lalivre tournois qui a cours dans le centre et l'ouest du royaume[208].Saint Louis impose la monnaie royale à l'intérieur dudomaine royal et en concurrence avec la monnaie des seigneurs en dehors du domaine. Au fil des ordonnances royales, les monnaies seigneuriales perdent de plus en plus d'influence et d'indépendance. C'est en1347 que la frappe de monnaie devient un monopole royal[209], mais le roi devient en contrepartie le garant de sa valeur[210]. Plusieurs pièces de monnaie différentes circulent jusqu'à la Révolution comme l'écu, lelouis, lefranc à cheval, leliard ou encore legros tournois[207]. Lors des différentes restaurations, la monnaie unique du royaume est lefranc français que les révolutionnaires ont imposé dès1795.
Sous lesCapétiens, les finances royales sont divisées en deux systèmes de gestion : l'ordinaire et l'extraordinaire. L'ordinaire s'occupe de la gestion dudomaine royal et de lamonnaie royale[208]. Les revenus du domaine sont divers, ils peuvent être fixes comme les péages ou irréguliers comme les taxes perçues sur les foires[211]. AvantPhilippeII Auguste, la perception des revenus est gérée par leprévôt. Par la suite, lesbaillis et sénéchaux ont la responsabilité de cette tâche, puis, après1320 les receveurs récupèrent le monopole des recettes. Letrésor royal est placé, depuis le règne deLouisVII le Jeune, sous la responsabilité de l'ordre du Temple. Philippe Auguste leur adjoint un bureau des comptes, où siègent six bourgeois parisiens et le clerc du roi. Ensemble, ils établissent un véritable budget pour la royauté.PhilippeIV le Bel retire la gestion du trésor aux chevaliers du Temple, pour la confier après1295 à des trésoriers royaux. Ils ont pour mission de réaliser un bilan prévisionnel des dépenses et recettes pour chaque receveur. Leur compétence grandit à partir duXIVe siècle, puisqu'ils sont chargés de l'administration des ressources du domaine et mènent des contrôles à travers le royaume. À partir de1379, l'un d'eux demeure continuellement àParis aidé par le changeur du Trésor[212]. Les quatre autres se voient assigner chacun une circonscription à partir du milieu duXVe siècle[213].
Les premières levées d'impôts sont confiées à des commissaires. Lesétats généraux de 1355 mettent en place une véritable administration gérée par neuf généraux superintendants (trois pour chaque ordre), qui eux-mêmes choisissent des représentants pour chaque circonscription avec comme mission de répartir lataille entre lesparoisses. Un receveur général et particulier assure les tâches comptables. L'administration passe très rapidement sous contrôle royal qui nomme les superintendants généraux réduits à quatre qui s'occupent chacun d'une circonscription. Les agents du trésor et les superintendants généraux se retrouvent dans un conseil commun des finances[215].
C'est sousFrançoisIer que l'administration financière héritée du Moyen Âge connaît d'importantes réformes. En1523, il crée une caisse centrale appeléetrésor de l'Épargne. Gérée par un comptable de haut rang, elle finance les dépenses de la cour et du gouvernement. Les pouvoirs des trésoriers et généraux des finances sont réduits et fusionnés quelque temps plus tard sous le titre detrésorier général. Le royaume est divisé en seizegénéralités chacune dirigées par un trésorier général. Les finances ordinaires et extraordinaires sont ensuite réunies sous la même administration, puis le nombre de trésoriers généraux est ensuite augmenté pour chaque généralité[216]. L'administration centrale des finances est désormais dirigée par le roi assisté de sonconseil, où émergent par la suite quelques spécialistes choisis par le roi, qui supervise et coordonne l'administration financière. Ainsi apparaissent les titres decontrôleur général des finances,intendants et surintendant des finances[217].
Les intendants des finances apparaissent en1552 pour gérer les fonds duvoyage d'Allemagne et rendre compte au conseil. Au départ au nombre de quatre, leur nombre varie selon les époques. Ils siègent en ministère qui remplace celui formé par les trésoriers de France et les généraux des finances[217]. Parmi eux, un des membres émerge et est à l'origine du titre desurintendant des finances, mais selon les réformes, sa fonction est intermittente avec le conseil des finances, avant d'être supprimée en1661[218]. C'est un titre prestigieux qui donne à son possesseur la possibilité d'exercer par délégation la fonction royale d'ordonnateur des dépenses de l'État[219].
En1661,LouisXIV remplace le surintendant des finances par unconseil royal des finances qu'il préside. En1665, le roi ne garde qu'un contrôleur général des finances et supprime les autres charges[220]. Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, le contrôleur général est le membre du gouvernement qui a le plus d'attributions, c'est aussi le poste qui change le plus souvent de titulaire[221]. Le titre n'est pas toujours constant, par moments il est remplacé par un conseil ou porte un nom différent comme directeur général des finances[222]. Il dirige l'administration financière qui comprend : la gestion du trésor royal, l'établissement du budget, la gestion des impôts, dudomaine royal et de la monnaie. Il a la tutelle de laFerme générale et contrôle l'ensemble des activités économiques[223]. Il est aidé par l'administration centrale des finances qui comprend plusieurs départements. Le premier commis des finances gère, avec le contrôleur général, le trésor royal. Les intendants des finances dirigent les départements comme un ministère avec une large autonomie[224]. Lesintendants du commerce sont les rapporteurs et les animateurs du bureau du commerce[225]. En1791, le contrôle général des finances est remplacé par leministère des contributions et revenus publics et par leministère de l'intérieur pour ses tâches non financières[226].
Le premier impôt direct qui se généralise est lefouage, qui a l'inconvénient de ne pas être précis dans ses prévisions. Lataille le remplace progressivement dans le royaume et devient monopole royal en1439 puisque les seigneurs ont interdiction de la lever[214]. Les nobles (qui versent l'impôt du sang) et les clercs en sont exempts, mais l'Église paie ladécime[227]. Parmi les impôts indirects, lagabelle du sel tient une place à part. Elle est gérée par les grenetiers, des agents royaux qui vendent le sel. La gabelle est différente selon les pays de« petite » et« grande » gabelle et exempt dans certains autres. Les marchandises sont taxées à l'exportation, car il est considéré que cela diminue la richesse du royaume[228].
Pour percevoir les impôts indirects sont créées les fermes. À l'origine, chaque impôt possède plusieurs fermes distinctes qui ont des pouvoirs comme la commercialisation ou la fiscalité et qui collaborent avec les agents royaux qui possèdent les pouvoirs de justice et de police. À partir d'HenriIII, l'État entame un processus pour centraliser les fermes avec lescinq Grosses fermes. Les fermiers doivent s'engager à verser une somme globale chaque année. En1726 est créée laFerme générale qui devient une administration qui ne relève pas juridiquement de l'État[226], mais qui comprend des dizaines de milliers de personnes qui ont un statut semblable aux fonctionnaires[226].
Les administrations financières commencent à s'étendre dans les provinces aux environs duXVe siècle. Elles sont issues d'institutions uniques situées au début àParis. Au sommet de la hiérarchie se trouvent plusieurs cours souveraines comme leschambres des comptes, qui ont comme mission de contrôler la comptabilité publique et la conservation dudomaine royal, lescours des aides, compétentes en matière de finances extraordinaires et lescours des monnaies (émissions des monnaies et conservation des poids-étalons). En dessous, lesbureaux des finances sont créés en1577 pour faire le lien avec les cours supérieures et l'administration fiscale locale[229]. En dessous, certains impôts possèdent leurs institutions propres et forment cet échelon local. Ils sont au nombre de trois : lesélections qui relèvent les impôts d'anciennes créations que sont lataille et lesaides, lesgreniers à sel qui perçoivent lagabelle et lestraites qui représentent les droits de douane à l'entrée et à la sortie du royaume où de certaines provinces à d'autres[230].
La politique étrangère du royaume de France est dans un premier temps orientée par les conflits successifs avec leroyaume d'Angleterre, à partir de la rupture intervenue en 1186 entrePhilippe Auguste etHenri II Plantagenêt, pour la prééminence à l'intérieur même des frontières du royaume de France. Par letraité de Picquigny en 1475, le roi d'Angleterre renonce en fait sinon en droit à ses fiefs français.
Parallèlement, les relations avec la papauté constituent un chapitre important des relations extérieures, tant dans le cadre descroisades de 1095 à 1396 avec l'ultime échec deNicopolis, que dans celui du partage des pouvoirs temporel et spirituel. À la suite de différends sur les délimitations de l'exemption fiscale et de l'immunité judiciaire dont bénéficient les clercs, l'expédition des émissaires dePhilippe le Bel àAnagni contre le papeBoniface VIII en 1303 précède l'installation jusqu'en 1376 despapes en Avignon, plus proche des rois de France.
Durant la période duMoyen Âgecentral etbas, le roi envoie des ambassadeurs auprès des cours étrangères, mais toujours pour une mission précise et il rentrait une fois celle-ci finie. C'est à partir duXVIe siècle, que des ambassadeurs permanents font leur apparition[231]. Le département des affaires étrangères est créé en1589 (supprimé de1624 à1626), il est responsable de la correspondance avec les chefs d'État et avec les agents diplomatiques accrédités par la France. Il a aussi comme compétence de s'occuper du commerce extérieur, en concurrence avec d'autres bureaux. Lesecrétaire d'État est membre duconseil d'en haut qui délibère principalement sur la politique étrangère. AuXVIIIe siècle, les compétences sont scindées entre le département politique, les services spécialisés et les agents rattachés à aucun service[232].
Les bureaux du département politique sont dirigés par un premier commis ayant sous ses ordres trois à six commis. Les attributions sont, selon les époques, divisées en secteurs géographiques ou simplement en deux bureaux, un du Nord et un du Midi. Les services spécialisés apparaissent au fur et à mesure, d'abord avec le dépôt des archives, puis le bureau des fonds chargé de gestion financière, mais aussi de tâches administratives comme la délivrance de passeport, le bureau des interprètes, le bureau topographique et un bureau géographique pour conserver les cartes. Le secrétaire d'État peut faire appel à des conseils ou des experts pour résoudre des problèmes de droit international comme le service d'unjurisconsulte pour le droit germanique. SousLouisXV, une diplomatie occulte est mise en place à côté de la diplomatie officielle[233].
L'ambassadeur représente la personne du roi. Lors de son départ de France, il reçoit des instructions qui définissent les lignes directrices de sa mission. Le roi n'envoie pas des ambassadeurs partout. Dans certains pays, il entretient des légations et des résidences, voire des envoyés occasionnels pour les souverains lointains. La hiérarchie est la suivante : ambassadeurs, ministre plénipotentiaire et les résidents. Tous sont secondés par des secrétaires qui peuvent s'occuper des affaires en cas d'indisponibilité de leur supérieur. Durant sa mission, l'ambassadeur entretient une correspondance avec le Secrétaire d'État pour l'informer de la situation politique, mais aussi pour conclure des traités[234].
La hiérarchie des postes et du personnel diplomatique se fixe à la fin du règne deLouisXIV.
Jusqu'auXIIe siècle, l'ost royal est composé dechevaliers dudomaine royal et desgrands officiers du palais. Elle ne devient une véritable armée qu'avec l'ajout des grands vassaux avec leurs propres troupes et des milices piétons fournies par les villes et les abbayes[235]. Le service vassalique décline au cours duXIIIe siècle, mais en contrepartie le service militaire royal s'élargit à tous les seigneurs du royaume[236]. Laguerre de Cent Ans permet une évolution de l'armée. Lesgrandes compagnies sont employées, elles fournissent contre finances, les services de dizaines de professionnels de la guerre. Lors de leur démobilisation, elles n'hésitent pas à piller la population et à mettre des provinces en coupe réglée. Leconnétable devient le chef des armées françaises, devant même les grands princes et officiers, mais aussi le responsable de la justice militaire. En1445, sont créées lescompagnies d'ordonnance, les premières armées permanentes du royaume. Sous la surveillance d'un capitaine, elles mènent des opérations militaires en cas de guerre et restent en garnison dans des villes pour assurer la sécurité quotidienne du royaume. Dans le même temps, une archerie, appeléefranc-archer, est formée, remplacée à terme par des artilleries à poudre[237].
L'armée est réformée en profondeur auXVIIe siècle. L'administration civile est développée pour gérer l'armée et la hiérarchie militaire est réorganisée pour favoriser l'avancement au mérite à la petite noblesse et à la bourgeoisie. Une ébauche deconscription est mise en place avec lamilice provinciale, une armée de réserve composée d'hommes tirés au sort. Le service d'ost est convoqué pour la dernière fois en1703[238]. Le secrétariat d'État à la Guerre est créé en1472. Ses attributions augmentent au fil des années jusqu'à posséder l'ensemble des attributions militaires au milieu duXVIIIe siècle, surtout après la disparition de la charge connétable en1627[239]. L'administration centrale du département de la guerre commence à se développer en1635. Au fil des guerres, elle s'organise et se structure en bureaux spécialisés[240]. En1791, le secrétariat d'État à la Guerre est remplacé par leministère de la guerre, sans continuité avec l'ancienne administration[241].
La flotte française est créée lorsque les extensions territoriales duXIIIe siècle offre des débouchés maritimes audomaine royal. La première marine est composée de petits bateaux de transport sans capacité de combat avec despirates comme capitaine. Pour les grandes campagnes enmer Méditerranée, le roi fait appel à des flottesgénoises ouvénitiennes, alors que dans l'océan Atlantique et dans laManche ils réquisitionnent des bateaux de pêche et de commerce. C'est sousPhilippeIV le Bel, qu'une véritable politique de marine militaire est mise en place, avec la création d'unarsenal à Rouen pour construire de manière industrielle des navires de guerre. Au milieu duXIVe siècle, l'amiral, dont la charge est créée en1270, se voit attribuer les mêmes pouvoirs sur la mer que leconnétable sur la terre. Son autorité s'exerce aussi bien sur les navires militaires, que les navires civils comme les pêcheurs ou les commerçants. Il est aidé dans sa tâche par des lieutenants qui le représentent dans chaque grand port du royaume. Au fil des annexions, des provinces maritimes sont créées (Provence,Bretagne etGuyenne) avec à leur tête des amiraux qui entrent en conflit avec l'amiral de France, dont le pouvoir se limite désormais aux provinces maritimes deNormandie et dePicardie[242].
C'est sousRichelieu qu'est créée une véritable administration pour la Marine royale, en unissant et centralisant les charges liées au pouvoir maritime, avec la création du titre degrand-maître de la navigation et sa nomination à ce poste en1626. L'année suivante, la charge d'amiral est supprimée, car dotée d'un trop grand pouvoir autonome. Jusqu'en1635, il achète ou fait disparaître les charges concurrentes, à cette date il possède la totalité du pouvoir maritime[243]. La charge de grand-maître de la navigation est supprimée et celle d'amiral rétablie en1669, mais elle devient essentiellement honorifique et souvent exercée par des enfants pour ne pas gêner le secrétaire d'État de la marine qui exerce la réalité du pouvoir maritime, malgré des tensions lorsque le titulaire de la charge d'amiral devient majeur. Le secrétariat d'État de la marine est à la tête des administrations militaires et commerciales et possède le pouvoir sur les flottes, les ports et arsenaux, les consulats, les colonies, ainsi que la tutelle des compagnies de commerce[244].
Les colonies françaises d'Amérique du Nord ne forment juridiquement qu'une seule entité, appeléeNouvelle-France. Celle-ci est divisée en cinqgouvernements :Québec,Trois-Rivières,Montréal,Louisiane etAcadie. L'administration est pratiquement organisée de la même manière que celle de la métropole. Ungouverneur général exerce l'autorité royale sur l'ensemble de la Nouvelle-France. En dessous, le pouvoir est partagé entre un gouverneur (qui possède les pouvoirs militaires) et unintendant ou un commissaire-ordonnateur (qui possède les pouvoirs de justice et de finance). En ville, ils sont représentés par un lieutenant, un major et un aide-major, alors que dans les campagnes leur autorité est relayée par des commandants et des gardes-magasins. La justice est rendue par unconseil souverain, mais les charges ne sont pas vénales contrairement à la métropole, augmentant la soumission des magistrats au pouvoir royal. AuCanada, chaque gouvernement possède un tribunal royal de première instance, laissant la basse justice aux tribunaux seigneuriaux qui finirent par disparaître auXVIIIe siècle[245].
Institutions sous la Restauration et la monarchie de Juillet
Lorsqu'il arrive sur le trône en1814,LouisXVIII dote la France d'uneCharte qui entérine une partie des acquis de laRévolution, notamment l'égalité des Français, mais réintroduit des concepts d'Ancien Régime. Néanmoins, elle ne pose pas de séparation entre les pouvoirs. Le roi dispose seul dupouvoir exécutif et d'une partie dupouvoir législatif (il est à l'initiative des lois et les promulgue). Deux chambres sont créées : lachambre des pairs dont la dignité est héréditaire et lachambre des députés élue ausuffrage censitaire. Elles votent les lois (mais les amendements doivent être consentis par le roi) et peuvent émettre des vœux et des pétitions. La charte précise que les ministres sont responsables, mais ne précise pas si c'est devant le roi ou les chambres[136]. Malgré le vote de lois restreignant les libertés[246] et des tentatives pour revenir à des pratiques d'absolutisme avecCharlesX, les institutions ne changent pas durant cette période[247].
Les institutions de lamonarchie de Juillet sont relativement semblables à celles du régime précédent. Avec toutefois quelques changements, le roi ne peut plus légiférer par ordonnances lorsque la sûreté de l'État est en cause et ne peut plus suspendre les lois. Les chambres ont désormais le pouvoir d'initiative des lois en même temps que le roi. La royauté devient une fonction héréditaire (et plus une dignité), le roi est considéré comme le chef de l'État qui tire son pouvoir de la Nation, représentée par les chambres. Les ministres doivent posséder la confiance des chambres et du roi pour se maintenir. L'hérédité de la chambre des pairs est abolie en1831[248].
Le royaume de France est l'ensemble des territoires qui reconnaissent la domination du roi de France, ou sous la période féodale, les territoires des seigneurs qui se reconnaissent vassaux du roi. Jusqu'à la Révolution, les frontières sont floues, le roi possède des enclaves extérieures et des souverains étrangers des enclaves intérieures[249]. À l'intérieur, les circonscriptions forment des enchevêtrements homogènes ou hétérogènes selon les natures[250]. La France est divisée en deux, d'une part les pays d'élections assez centralisés et avec des institutions relativement uniformisées et de l'autre les pays d'États et pays d'impositions disposant d'une large autonomie[251]. Les seules circonscriptions avec des limites claires sont celles formées à partir des paroisses, c'est-à-dire les diocèses, les élections et les généralités[252]. Les autres sont plus des listes de localités et de fiefs qu'un territoire linéaire cartographié[253].
Le domaine royal est l'ensemble desfiefs dont le roi est le seigneur direct. Il apparaît auXIe siècle avec le morcellement territorial du royaume et s'élargit jusqu'à la fin du Moyen Âge pour se confondre avec les limites du royaume[254]. Les accroissements territoriaux du domaine royal commencent à partir dePhilippeII Auguste[255] et se terminent avec l'achat de laCorse en1768[256] et sa conquête militaire l'année suivante. À partir duXIIIe siècle, le domaine est inaliénable. Avant ça, les rois n'hésitaient pas à donner des fiefs de la couronne à leur fils cadet pour qu'ils puissent toucher un revenu[257]. Par la suite, sont différenciés le domaine fixe qui appartient à la couronne et le domaine casuel qui est composé des fiefs que le roi acquiert de son vivant (par conquête, succession, héritage) et dont il peut disposer dans l'intérêt du royaume[258]. Il est aussi possible au roi de mettre engage le domaine[259] ou d'échanger des terres contre des biens de même valeur[260].
L'apanage consiste à donner unfief à l'un des fils cadets du roi, pour qu'il puisse tenir son rang. Cette pratique donne parfois naissance à de nouvelles principautés comme l'État bourguignon[257]. Il permet aussi d'associer lesprinces du sang à la défense du royaume. Avec le temps, la pratique se codifie et, à partir duXIVe siècle, les pouvoirs du prince dans son apanage deviennent de plus en plus réduits. Si le prince n'a pas d'héritier mâle, l'apanage revient à la couronne[261].
Une principauté territoriale est un État presque souverain, où le prince exerce les pouvoirs législatif, diplomatique, judiciaire et fiscal, mais qui reconnaît le roi comme son suzerain. Elles apparaissent auXe siècle, lorsque les comtes devenus indépendants, réunissent à leur domaine les comtés limitrophes et exercent l'autorité que possédait le roi auparavant[262]. Les principautés déclinent avec la montée en puissance du pouvoir central et sont progressivement intégrées audomaine royal. Elles déclinent fortement durant la période de l'Ancien Régime, mais plusieurs dizaines de principautés subsistent, le plus souvent de la taille d'une ville[263].
Elles sont nombreuses et ne se confondent ni avec les provinces, ni avec les limites desparlements, ni encore avec la géographie féodale[252]. Lesbailliages et sénéchaussées sont des circonscriptions anciennes avec des compétences différentes selon leur nature. À l'origine, il s'agit d'un représentant du roi qui a comme mission de rendre la justice, contrôler lesprévôts, gérer le domaine, protéger les églises royales ou encore surveiller et transmettre les ordres royaux aux vassaux. Avec le temps, la compétence du bailli se restreint au domaine judiciaire, mais des anciennes compétences subsistent comme la levée duban[253]. Lesgouvernements sont des circonscriptions contrôlées par un gouverneur qui représente la personne du roi[264]. Lagénéralité est une circonscription financière administrée par unbureau des finances et par unintendant dans lespays d'élections[264]. Elle est homogène et formée à partir desparoisses avec des contours linéaires[253]. L'intendance est une circonscription administrée par un intendant. Elle se confond avec la généralité dans les pays d'élections et avec la province dans lesPays d'états[264]. LaRévolution rationalise le découpage administratif en divisant le royaume en83 départements[128].
Le gouverneur représente la personne du roi sur le terrain. Il doit agir de la même manière que le roi ferait s'il était présent et il a l'obligation d'obéir aux ordres du monarque. Il est une sorte de vice-roi dans sa circonscription, qui est appelée gouvernement militaire. Sa compétence est néanmoins limitée en matière judiciaire et financière, où il ne doit pas usurper le pouvoir descours souveraines. Il peut par exemple, suivre les séances dans le fauteuil du roi ou encore faire part des ordres et intentions du souverain, mais ne peut pas intervenir dans le déroulement des jugements. En matière financière, il n'a pas le pouvoir de disposer des fonds publics, ni de lever des impôts. La charge de gouverneur n'est pas un office, le roi peut révoquer son titulaire selon son gré. Elle peut en outre être conférée à des femmes[265]. Les gouverneurs des colonies avaient des pouvoirs plus étendus que ceux de la métropole et avaient l'obligation de résider sur place[266].
La charge de gouverneur apparaît au cours duXVe siècle, à la suite de la réorganisation du royaume qui suit la fin de laguerre de Cent Ans[267]. Au siècle suivant, les gouverneurs exercent souvent de hautes fonctions à la cour et sont souvent absents de leur province. Pour les aider, ils sont adjoints d'un lieutenant général qui exerce les fonctions du titulaire en son absence, ainsi que d'un conseil d'État. Ce dernier est composé d'un état-major, pour l'assister dans ses attributions militaires, puis à partir d'HenriII, par des gens de robe longue pour traiter les matières judiciaires, administratives et financières. Le gouverneur emploie des collaborateurs comme un secrétaire, chargé de la liaison entre son patron et le roi[268].
Les intendants trouvent leurs origines dans les réformes administratives deHenriII pour renforcer le pouvoir royal. Il place alors des superintendants auprès desgouverneurs dans les provinces conquises ou annexées. L'institution évolue au fil des réformes.HenriIV envoie des intendants pour s'occuper des tâches financières indépendamment des gouverneurs et nomme des commissaires pour surveiller de l'application desédits dans les provinces, une pratique apparue sous les derniersValois. Les commissaires récupèrent le pouvoir de justice sous le règne deLouisXIII. L'épisode de lajournée des Dupes entraîne une multiplication des intendants dans les provinces pour maintenir l'ordre. Puis en1633, le ministrePierre Séguier se sert des intendants pour réformer l'administration fiscale. À partir des années 1680, l'intentant devient l'intermédiaire du gouvernement pour contrôler les villes. Au contraire des gouverneurs qui représentent le roi, les intendants représentent l'État indépendamment de la personne placée à sa tête[269].
Dans le domaine de la justice, les intendants peuvent entrer dans les cours supérieures, présider les tribunaux inférieurs et possèdent leur propre tribunal pour juger en dernier ressort les affaires renvoyées par leConseil. Ils reçoivent aussi les doléances de la population pour s'informer des abus de l'administration judiciaire. Ils exercent la tutelle des villes et des communautés, notamment en matière de gestion financière et d'urbanisme, mais gèrent aussi les forêts, les voies de communication et tout ce qui relève du bien commun. Leurs prérogatives fiscales varient en fonction des pays. Dans lespays d'élections, ils veillent à la perception de lataille, dans lespays d'états ils se contentent de communiquer la somme que le roi attend de la province, alors que dans lespays d'imposition ils gèrent entièrement l'administration. Ils ont sous leur autorité, le personnel des bureaux répartis en trois catégories : les secrétaires, les commis et lessubdélégués[270].
Au vu de l'étendue de la circonscription qu'ils gèrent et avec la multiplication de leurs tâches, les intendants prirent l'habitude de déléguer des missions à des subdélégués personnels. Le pouvoir central d'abord hostile à la pratique, l'officialise en l'érigeant enoffice en1704, tout en gardant le subdélégué sous la dépendance de l'intendant, qui doit présenter des candidats au roi. Son ressort géographique est fixé à l'élection dans les pays taillables et à l'évêché ou lebailliage et la sénéchaussée dans les pays d'États. Dans les pays d'imposition, une nouvelle circonscription, lasubdélégation, est créée autour des villes. Les subdélégués sont répartis en deux catégories : les subdélégués particuliers et les subdélégués généraux. Les premiers fournissent des informations à l'intendant, mais ne possèdent pas de pouvoirs décisionnels. Les seconds coordonnent l'action des bureaux, voire suppléent l'intendant en cas de vacance légitime[270].
Les provinces sont des territoires avec descoutumes, traditions et privilèges communs, ainsi que des organes politiques qui permettent de former une volonté commune. Chaque circonscription administrative est qualifiée de province, mais le sens le plus commun sont des communautés reposant sur la tradition des ancêtres. AuXVIIIe siècle, on recense une soixantaine de provinces, elles-mêmes subdivisées en pays naturels au nombre d'environ trois cents. Pour chaque province, le roi doit respecter les coutumes et chartes de droit. Les provinces ont des organes représentatifs comme lesparlements, lacour souveraine, lachambre des comptes, ou encore leconseil souverain, mais surtout lesÉtats provinciaux qui sont un contre-pouvoir au roi pour protéger les sujets[271].
La seigneurie connaît son apogée entre leXe et leXIIIe siècle. Il s'agit d'un territoire plus ou moins vaste organisé autour d'unchâteau, où le seigneur commande l'ensemble des hommes qui vivent sur les terres. Jusqu'à laRévolution, le royaume est morcelé de seigneuries, aussi bien les campagnes que les villes et elles restent la principale communauté territoriale d'encadrement des hommes et de possessions des terres. Le chef y exerce alors les pouvoirs politique, administratif, judiciaire et militaire. Les hommes vivent sous la protection militaire du seigneur. Ils payent cette protection sous diverses formes d'impôts en fonction de la catégorie sociale, dont leservage est la forme la plus servile[272]. Durant la période de l'Ancien Régime, la seigneurie devient une délégation de la puissance publique judiciaire ou le seigneur exerce le pouvoir de police sous contrôle royal. Elle se transforme aussi en une source de profits, voire de commerce[273].
Dans le royaume de France, uneville est d'abord unemuraille avec à l'intérieur des groupements d'habitations. Elle est aussi une zone privilégiée honorifique ou fiscale. Elles existent juridiquement sous trois formes différentes : lesvilles seigneuriales, lesvilles de bourgeoisie et lesvilles de communes. Les premières sont administrées directement par le seigneur avec ses officiers. C'est le cas deParis qui est administrée directement par le roi. Les villes de bourgeoisie sont administrées par lesbourgeois par l'intermédiaire d'un groupe de magistrats et d'officiers municipaux. Des villes commeBordeaux,Toulouse,Marseille ouLyon sont dirigées de cette façon. Les villes de communes sont administrées par l'ensemble des habitants liés entre eux par un serment autorisé par le roi. C'est le cas de villes commeBeauvais,Bayonne,Angoulême,La Rochelle ou encoreArras. Les statuts des villes sont abolis le[274].
Les villages du royaume de France sont des communautés d'habitants qui s'administrent eux-mêmes, sans avoir besoin de l'autorisation du roi pour être reconnu légalement contrairement aux villes. Les villageois s'organisent en assemblée qui a lieu plusieurs fois par an. Pour prendre des décisions, au moins dix habitants doivent être présents, mais pour décider d'un emprunt ou aliéner un bien commun la présence de tout le monde est nécessaire. L'organisation de l'assemblée dépend des provinces etcoutumes, mais très souvent le vote a lieu à haute voix et est présidé par un syndic élu pour un an par acclamation. Les communautés villageoises ont le pouvoir de police local (rédaction des règlements de la police rurale) et économique (comme l'entretien et la construction des biens communs). Elles s'occupent en grande partie de l'administration royale locale[275].
Laparoisse est la subdivision de base d'undiocèse de l'Église catholique. Le réseau paroissial de la France se forme auxXIIe siècle etXIIIe siècle lié à la forte augmentation démographique qui peuple les campagnes et les villes. La carte des paroisses n'évolue presque pas jusqu'à laRévolution qui les transforme en communes[276]. La paroisse est dirigée par une assemblée paroissiale, qui comprend souvent les mêmes personnes que celle des communautés villageoises et urbaines. Le chef de la paroisse est lecuré, parfois élu par les paroissiens, qui lui doivent le logis et ladîme. L'assemblée administre les biens et revenus de la paroisse à travers leconseil de fabrique. Pour cela, elle élit un ou plusieursmarguilliers pour la durée d'un an. L'assemblée paroissiale est souvent propriétaire des biens affectés aux pauvres et contrôle l'administration du bureau de charité chargé de la distribution[277].
Lesarmoiries duroyaume apparaissent vers1180. Elles sont dites« d'azur semé defleurs de lys d'or » : le bleu est la couleur de la dynastie desCapétiens et la fleur de lys symbolise la fonction royale[278] depuis que, selon la légende, elles auraient été envoyées du ciel àClovisIer[279]. Progressivement, le semé est remplacé par trois fleurs de lys qui symbolisent laTrinité et c'est sousCharlesV le Sage que la modification est entérinée[280]. Sous le royaume de France, les armoiries sont utilisées par l'ensemble des habitants, mais aussi par des corps ou des personnes morales comme marque de propriété[281]. En juin1790, les armoiries sont supprimées par les révolutionnaires dans tout le royaume[278].
Durant l'Ancien Régime, le royaume avait bien un drapeau, il estbleu muni d'une croix blanche et defleur de lys. Ledrapeau blanc est utilisé comme le symbole du pouvoir régalien militaire et maritime, souvent parsemé de fleur de lys ou des armoiries royales[282]. À partir de1790, ledrapeau bleu, blanc et rouge, devenus les couleurs de la République française, devient le drapeau officiel du royaume pour les bâtiments maritimes, puis pour les unités militaires[283]. Avec laRestauration, le drapeau blanc uni devient le symbole du royaume, non sans contestation puisque le blanc est devenu la couleur de la reddition. Lamonarchie de Juillet instaure définitivement le drapeau tricolore bleu, blanc et rouge comme drapeau du royaume[139].
Il n'y a pas de devise nationale pour le royaume, chaque roi a sa propre devise. Ce qui peut se rapprocher le plus d'une devise nationale est le cri de guerre des chevaliers français« Montjoie ! Saint Denis ! », mais il tombe en désuétude à l'époque moderne[284]. Durant les monarchies constitutionnelles, plusieurs devises sont écrites sur les documents officiels qui font référence soit au roi, à la loi, à la nation, à la liberté, ou encore à la justice[285]. Il n'y a pas d'hymne national, ni même royal. À partir duXVIIe siècle, deux chansons se détachent et deviennent nationalesVive HenriIV ! etCharmante Gabrielle. Elles sont remises à l'honneur lors de la Restauration, considérées comme des chants à la gloire de la dynastie royale, mais jamais elles ne deviennent officielles[286].
Premières armoiries du roi de France à partir des années 1180.
Benjamin Guérard,Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule, depuis l'âge romain jusqu'à la fin de la dynastie Carlovingienne, Paris, Imprimerie royale,, XVI-193 p.(lire en ligne)