Leroyaume hachémite d’Irak était le gouvernement de l’Irak jusqu’en1958, le pays connaissant une dynastie de souverainshachémites. Le royaume est d’abord proclamé le, durant la période dumandat britannique de Mésopotamie. Lemandat de la Société des Nations exercé par leRoyaume-Uni est juridiquement annulé en1922, mais la tutelle britannique reste partiellement en place dans les faits jusqu’en1932, date à laquelle l’Irak voit sa pleine indépendance reconnue de droit par son adhésion à laSociété des Nations (SDN). De nouveau sous tutelle britannique pendant laSeconde Guerre mondiale, le royaume recouvre ensuite sa souveraineté jusqu'au coup d’État de 1958 qui instaure larépublique d'Irak.
Impopulaires en Irak, les monarques étaient perçus comme des « gouverneurs d'unecolonie britannique » et, pour de nombreux Irakiens, acquis auxidées pan-arabes et influencés par les idées de l'ÉgyptienNasser,l'indépendance du pays ne remontait pas à 1921 ou 1932, mais à 1958, avec lecoup d'État qui contribua à abolir la monarchie en Irak et placer des Irakiens au pouvoir.[non neutre][réf. nécessaire] De même, la dynastie Hachémite était d'origine étrangère, et la population Irakienne ne fut pas consultée en 1921 et 1932, si elle souhaitait une monarchie, ou une république, le modèle monarchique étant imposé.
Enmars 1921, à laconférence du Caire, sur le conseil deLawrence,Churchill, le nouveausecrétaire d’État aux Colonies du Royaume-Uni, décide de confier l’autorité politique sur lemandat britannique de Mésopotamie àFayçal, qui vient d’être chassé deDamas par les Français[1]. Le pays doit accéder rapidement à l’indépendance, une fois les intérêts britanniques garantis. LeRoyaume-Uni procède à un allégement de sa présence militaire au profit d’une force armée locale étroitement contrôlée. Elle conserve essentiellement une force aérienne chargée du maintien de l’ordre par d’éventuel bombardements et du contrôle des voies aériennes vers l’Inde. Les bases militaires britanniques sont protégées par des forces auxiliaires locales composées de chrétiens assyriens. La candidature deFayçal est accueillie favorablement par les notableschiites du sud et à la suite d’un simulacre de consultation populaire, Fayçal est élu roi et couronné le[2].
Dès le début de son règne, Fayçal s’appuie sur les grands notables urbainssunnites et sur les anciens officiers irakiens de la révolte arabe, commeNouri Saïd etJafar al-Askari. Ces derniers ont l’ambition de créer un État fort, sur le modèle du régimejeune-turc. Les querelles de pouvoir sont très fortes et l’instabilité ministérielle est de mise. Les anciens officiers s’enrichissent et deviennent des notables et des grands propriétaires. Fayçal favorise la formation d’une armée moderne nationale.
Sous l’impulsion du théoricien du nationalisme arabeSati al-Husri, nommé directeur général de l’éducation (1921-1927), l’Irak se dote d’un réseau scolaire primaire et secondaire, en dépit des pressions britanniques destinées à réduire les crédits à l’éducation. Cet enseignement de masse concerne les enfants des classes moyennes, et dispense un programme voué à éveiller la conscience nationale arabe et à inculquer l’unité arabe. La présence britannique est fustigée, ainsi que toute forme d’impérialisme. Leschiites refusent d’envoyer leurs enfants dans les écoles de l’État.
Fayçal Ier (1885-1933), après avoir utilisé les services du Premier ministreNouri Saïd (1888-1958) pour vaincre les réticences britanniques à l'indépendance, le remplace le parNaji Shawkat(en). Mais ce dernier se trouve bientôt contesté à la fois par les grands féodaux et par les nationalistes du partiikha al watani; le courant nationaliste est encouragé par la nouvelle mannepétrolière dont bénéficie l'Irak, et dont l'exploitation reste soumise à l'Iraq Petroleum Company. Enmars 1933, le roi remplace Shawkat par l'un des chefs de file nationalistes,Rachid Ali al-Gillani ; ce dernier souhaite d'abord dénoncer le traité de 1930 avec le Royaume-Uni et fermer les bases militaires britanniques, avant d'être ramené par le roi à plus de modération. Le premier ministre, prisonnier de ses alliances, n'aborde pas la question des réformes sociales attendues par les milieux défavorisés et les minoritéschiites[3]. La question des minorités religieuses et ethniques demeure cruciale pour le nouvel État.
En juin1933, pendant une visite du roi àLondres, le Premier ministre réprime durement les demandes d'autonomie des chrétiensAssyriens au nord de l'Irak (massacre de Simelé). Bien que malade, Fayçal Ier rentre en Irak pour calmer la situation, avant de retourner se soigner enSuisse où il meurt le8 septembre[4]. Son fils aînéGhaziIer lui succède et garantit le maintien de« l'amitié et de l'alliance avec Londres ». Gillani, initialement reconduit dans ses fonctions, démissionne.Jamil al-Midfai, politicien expérimenté, lui succède. Le nouveau gouvernement réunit cependant des hommes n'ayant aucune idée en commun :Nouri Saïd (ministre des Affaires étrangères), pro-britannique, doit cohabiter avec d'autres ministres nationalistes. Le Premier ministre, incapable d'assurer la cohésion de son cabinet, finit par démissionner en1934. Le chef de la maison royale,Ali Jaoudat, lui succède et réduit l'influence des nationalistes par un redécoupage électoral ; il doit néanmoins affronter le mécontentement combiné des cheiks écartés du pouvoir et des nationalistes, et doit démissionner quelques mois plus tard. L'Irak souffre d'une grande instabilité gouvernementale. Le poids du Royaume-Uni demeure présent, notamment dans les affaires pétrolières, suscitant des sentiments anti-britanniques chez les nationalistes, qui leur reprochent en outre la politique suivie enPalestine mandataire, où l'implantationjuive progresse[5]. Cette période voit l'achèvement de l'oléoduc de Mossoul à Haïfa qui, de 1935 jusqu'à laguerre israélo-arabe de 1948-1949, permettra d'exporter le pétrole irakien par la Jordanie et la Palestine mandataire.
Le, le généralBakr Sidqi entre dansBagdad à la tête de ses troupes et réalise uncoup d'État contre le Premier ministreYassin al-Hachimi, dont il impose le remplacement parHikmat Suleyman. Les deux nouveaux hommes forts appartiennent tous deux à des minorités nationales : Suleyman estturcoman et SidqiKurde. Ne se souciant pas des idéespanarabistes du roi, ils concluent le unpacte avec laTurquie, l'Afghanistan et l'État impérial d'Iran. Le, un accord avec l'Iran avantage ce dernier pays sur les questions de frontière. Le mécontentement suscité par ces deux traités amène à un nouveau coup de force, mené cette fois par le roi et des officiers : Sidqi est renversé et tué le, et Suleyman destitué le 17[6].
Après un bref retour de Jamil al-Midfai, le pro-britannique Nouri Saïd revient au gouvernement et cohabite à nouveau avec ses adversaires nationalistes. L'Irak doit également gérer l'agitation auKoweït voisin, où l'agitation d'une minorité qui réclame son rattachement à l'Irak est réprimée par le gouvernement, aidé des Britanniques. Mais avant d'avoir pu prendre position, le roi Ghazi Ier est tué le dans un accident d'automobile. Son filsFayçal II, âgé de quatre ans, lui succède : Abdul Illah (Abdelilah ben Ali el-Hachemi), oncle du nouveau roi, assure la régence et ne manifeste pas d'intention de s'opposer à la politique pro-britannique de Nouri Saïd.
Avec le déclenchement de laSeconde Guerre mondiale, l'Irak suit sa politique d'alliance avec le Royaume-Uni et rompt ses relations avec l'Allemagne nazie. MaisNouri Said, soupçonné d'implication dans un scandale politique, doit démissionner le.Rachid Ali al-Gillani redevient premier ministre et, en désaccord avec le régent, oriente la politique du royaume vers la neutralité, puis vers un rapprochement avec l'Axe, qui se présente dans sa propagande comme le libérateur des peuples arabes[7]. Une crise politique majeure éclate à la fin 1940, le régent se retirant dans une base britannique d'Habbaniyah pour protester contre la politique du gouvernement. Rachid Ali al-Gillani se retire alors du gouvernement, pour mieux préparer son retour en force, avec le soutien du groupe d'officiers connu sous le nom deCarré d'or : le, le régent, qui avait regagné Bagdad, est déclarédémis de ses fonctions, et doit prendre la fuite. Le Chérif Charaf, parent du roi, est déclaré régent.
La réaction desAlliés est rapide : le2 mai, les hostilités sont déclenchées avec leRoyaume-Uni : malgré l'appui aérien de laLuftwaffe qui utilise les bases aériennesvichystes enSyrie, laguerre anglo-irakienne tourne rapidement à la déroute pour le régime irakien. Rachid Ali al-Gillani, renversé, doit prendre la fuite. Dans le même temps, entre le31 mai, date du cessez-le-feu, et le2 juin, date de l'entrée des troupes Alliées, des violences ont lieu contre la communautéjuive deBagdad : un massacre, désigné sous le nom deFarhoud, fait environ 180 morts entre le1er et le.Jamil al-Midfai revient au pouvoir, mais est vite évincé parNouri Saïd, qui organise la répression avec l'aide des Britanniques[8].Le régent Abdul Illah est restauré dans ses fonctions; les troupes britanniques occupent l'Irak jusqu'en1945.
En1944, le royaume d'Irak signe leprotocole d'Alexandrie. L'année suivante, l'Irak fonde laLigue arabe avec l'Égypte, leLiban, laSyrie, l'Arabie saoudite, leYémen et laTransjordanie. Le pays est dans la lignée de l'opposition aunationalisme arabe et poursuit son alignement avec le Royaume-Uni. Le mécontentement des nationalistes va grandissant et, le, des émeutes ont lieu à Bagdad pour réclamer l'abrogation du pacte anglo-irakien, dans le contexte qui a vu la révolution en Égypte et la prise de pouvoir deMohammad Mossadegh en Iran. La situation politique dans le royaume est particulièrement tendue au début desannées 1950, alors que le roi Fayçal II accède à la majorité. Moins de 15 % des inscrits participent aux élections législatives de1953. La signature dupacte de Bagdad, en1955, provoque le mécontentement de la population[9]. Nouri Saïd ignore les revendications du Front national de l'opposition constitué par divers mouvements, qui réclame notamment la proclamation des libertés constitutionnelles et la lutte contre l'influence étrangère. L'Irak demeure un pilier du pacte de Bagdad : à l'union de l'Egypte et de la Syrie au sein de laRépublique arabe unie, le pays réplique en février1958 par une union avec laJordanie au sein de lafédération arabe d'Irak et de Jordanie.
La monarchie, particulièrement impopulaire en Irak, était considérée comme une sorte de colonisation déguisée des Britanniques, d'autant plus que le souverain était d'origine étrangère, alors que les Irakiens plus ou moins nationalistes Pan-Arabes sont plutôt favorables à des dirigeants locaux[réf. nécessaire]. Plus grave : en 1921, quand le pays fut placé sous mandat britannique, la monarchie fut imposée comme futur modèle politique aux Irakiens, sans consulter le peuple, l'opinion publique, ainsi que les groupes ethniques et religieux. Un modèle républicain pour le pays ne fut même pas abordé. Ainsi, par exemple, la monarchie était sunnite, en un pays où les Chiites étaient peut-être majoritaires en 1932.Ainsi le coup de force du 14 juillet 1958 est vu comme la véritable date de l'indépendance du pays. Dans le même temps, le Koweït, pays voisin est considéré comme une création pure des Britanniques, de nombreux Irakiens voyant ce pays souverain comme une simple province de l'Irak, ce qui conduira au conflit de la guerre du Golfe de 1990-1991.[non neutre] En 1936, la France, qui avait sous tutelle la Syrie et le Liban, acceptera facilement un modèle républicain pour ces deux pays, alors que les Britanniques maintenaient la monarchie, pour la Jordanie, et l'Irak.
Les Britanniques vont attendre jusqu'en 1961 pour accorder enfin l'indépendance du Koweït, sans rattacher ce protectorat à l'Irak post-révolutionnaire. L' ONU suivra la même position que les Britanniques, en acceptant en son sein cet état nouveau venu.