Rose mystique (latin :rosa mystica, du grec μυστός « mystos », mystère), est un des nombreux vocables sous lesquels laVierge Marie est invoquée dans lesLitanies de Lorette, une prière populaire dans l'Église catholique. Ce vocable a son origine dans les écrits desPères de l'Église des premiers siècles duchristianisme.
Larose, blanche, rose ou rouge, par sa couleur symbolise le Mystère de l'Incarnation ;Rosa sine spina, Rose sans épines, expression employée parsaint Bernard puis par des poètes et des musiciens, commeFlos florum, fleur entre les fleurs, avait un sens théologique précis qui, après des siècles, aboutit audogme catholique de l'Immaculée Conception.Flos Florum, elle seule selon le dogme de l'Assomption est au Ciel avec son Corps mystique, ou glorieux, Fleur mystique parmi les fleurs duParadis.Flos Carmeli, Fleur duCarmel évoque les liens de la Vierge Marie avec laMystique : Rose de Saron, rose du Carmel, les fiançailles, les Noces de Dieu avec l'Église et la Vierge Marie.
Larose, lerosier et la couronne de roses sont dessymboles duparadis chez les premiers chrétiens. DansLes actes desainte Perpétue, « les martyrs sont reçus dans le verger céleste sous un rosier... se nourrissant à satiété de parfums inénarrables ». L'évêque dePoitiersVenance Fortunat écrit dans son poèmeLe Jardin de la reine Ultrogothe : « Ici l'éclatant printemps fait pousser un gazon verdoyant et répand les parfums des roses du paradis... ».
AuXIXe siècle, l'abbé Martigny cite le marbrier Sabinianus ornant la tombe du pape et martyr RomainAlexandreIer sur laVia Nomentana de roses avec au centre l'inscription :Ton âme repose dans le bien par excellence[1].
Marie est évoquée dans l'Église catholique commeRosemystique (du grecmystos mystérieux, caché) dans lesLitanies de Lorette depuis leXVIe siècle ; mais l'usage courant de ce nom de Fleur (Flos) ou de Rose (Rosa) pour la vénérer est en réalité bien plus ancien et remonte au moins auXIe siècle, si ce n'est bien avant, puisquesaint Bernard la qualifiait déjà ainsi. « Fleur des fleurs, Rose mystique, Rose de Saron, Rose sans épines, Rose de Jéricho, Jardin clos », sont autant de noms de la Très Sainte Vierge dans la liturgie catholique.
En1626, on l'appelle « Belle Rose », fleur dont l'odeur agréable ressuscite les morts[2]. En1701, on l'appelle « Rose Mystérieuse », rose toujours épanouie, rose cachée, rose naissante, rose odoriférante, ayant fleuri en Égypte et en Judée, des rites juif et chrétien, à la fin de l'Ancien et au début du Nouveau Testament, rose sacrée, rose délicieuse[3].
« Vous passez le miel en douceurVotre beauté, votre splendeur,Ne cèdent qu'aux beautés divines.De la Rose le coloris,Des Lis les feuilles argentines,
Devant vous perdent tout leur prix »
Leschrétiens reconnaissent l'Annonciation relatée dans l'Évangile desaint Luc comme le point de départ duSalut ; Marie y est décrite comme « pleine de grâce » et saluée ainsi par l'archangeGabriel. C'est-à-dire qu'en elle, explique saintLouis-Marie Grignion de Montfort, sont réunies toutes les grâces et vertus « odoriférantes » ensemble, sans exception. Comme la rose est la plus belle des fleurs ainsi Marie est la plus belle des femmes : « tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton ventre, Jésus, est béni ».
« Il est dit de Marie, dans les saintes Écritures, qu'elle fut lejardin fermé de Dieu (hortus conclusus). C'est dans ce jardin, ditsaint Bernard, que le Seigneur planta toutes les fleurs qui ornent l'Église, et entre autres, laviolette de l'humilité, lelis de la pureté, et la rose de lacharité. La rose est vermeille ; c'est pour cela que « Marie est appelée rose, à cause de l'ardente charité dont son cœur fut toujours enflammé envers Dieu et envers nous; car la couleur vermeille, ou de feu, indique l'amour ou la charité. »
— Migne,Encyclopédie Théologique
Dans l'Égliseorthodoxe, on peut entendre :« Chantons, fidèles, la Gloire de l'Univers, la Porte du Ciel, la Vierge Marie, Fleur de la race humaine et Génératrice de Dieu, Celle qui est le Ciel et le Temple de la Divinité, Celle qui a renversé les bornes du péché, Celle qui est l'affermissement de notre foi. Le Seigneur qui est né d'Elle combat pour nous. Sois plein d'audace, ô Peuple de Dieu, car Il a vaincu les ennemis, Lui est Tout-Puissant » (Dogmatique du premier ton, Octokos) L'Hymneacathiste dit :« Réjouis-toi Fleur de l'Être inaltérable de Dieu ».
Mais en même temps pour l'Église orthodoxe russe, Marie est comparable à d'autres femmes ou plutôt d'autres femmes lui sont comparables grâce aubaptême : il n'y a pas de dogme de l'Immaculée Conception ni privilège marial aussi fort. Aussi cette expressionrose sans épines est appliquée, dans la littérature russe, à des personnes « vertueuses », mais qui ne sont pas la Vierge Marie, comme dansl'ode à Félitsa deGavrila Derjavine (1782), par opposition au vice[4].
Uneicône russe célèbre, Notre-Dame Joie des Affligés, représente la Vierge Marie dans un jardin de fleurs, tenant une fleur (une rose ?) à la main et protégeant depuis cet Éden céleste les hommes sous son manteau. Une autre icône deSimon Ouchakov représente Marie sur une rose rouge, croissant comme un rosier au-dessus de la ville deMoscou (cf Illustration à droite).
LeMont Athos voulu par la Mère de Dieu (Théotokos) est appelé« le Jardin de la Vierge », et la rose en est un symbole en enluminure.
Une ancienne prière qui remonte auXIIIe siècle appelle Jésus son enfant « Fleur d'une Mère Vierge » ( Jhsu Flos matri virgini). « Jésus de douce mémoire », et « Jésus fleur d'une Mère Vierge » : ces deux qualificatifs que l'on trouve au début de deuxhymnes duXIIIe siècle se réunirent ensuite en un seul dans la prière du Rosaire couronne de roses et de fleurs : dans les textes anciens, la rose et la fleur sont d'abord l'Enfant Jésus. Peu à peu naît l'idée qu'on ne peut parvenir à Dieu le Fils qu'en priant sa Mère et c'est ainsi que la Fleur est devenue la Vierge Marie elle-même qui l'a conçu en son sein…
Fulbert, évêque deChartres, composa en1007 pour la fête de la Nativité de la Vierge (), cetIntroït :
« Stirps Jesse virgam produxit virgaque florem,et super hanc florem requiescit spiritus almus virgo, Dei genitrix, virga est, flos, filius ejus ».
« De la souche de Jessé a poussé une tige, et de la tige une fleur, et sur la fleur l’Esprit fécond s’est reposé. La Vierge Mère de Dieu en est la tige et son Fils la fleur ».
Puis ce fut Marie seule. Dans les « Litanies » de la Vierge on peut lire : « Vas spirituale, Vas honorabile, Vas insigne devotionis. Rosa mystica ». Des poètesfranciscains s'inspirant des écrits desPères de l'Église ont repris cette métaphore de la rose, commesaint Bonaventure ou ensuite paraphrasé et expliqué les litanies écrites par un pape franciscain,Martial de Bruges, et par la suite les poètes n'ont pas manqué de remarquer l'aspect poétique de ces litanies,rose mystique, tour d'ivoire, maison d'or. Ces poètes laïcs ont repris cette expression, principalement auXIXe siècle, par exemple,Rimbaud,Leconte de Lisle ouMilton.
Lerosier en tant qu'épineux évoque aussi lacouronne du Christ faite d'épines. Le Pater était symbolisé par la rose rouge et l'Ave par la rose blanche et les cinqroses rouges des cinqpater associées parfois auxCinq-Plaies du Christ[5]. Chez les chrétiens irlandais, la rose rouge était symbole du martyre du sang. Un auteur affirme que Marie est comparée à une rose vermeille dont la couleur est assortie au manteau rouge du Christ durant sa Passion : ÀColmar, un tableau de la Vierge au buisson de roses, où Marie est recouverte elle-même d'un grand manteau rouge, semble confirmer cette explication. AussiLeconte de Lisle célèbre Marie, Fleur du Ciel, dans le passage où Jésus rencontre sa mère, dans son long poème sur laPassion du Christ.
Dans laBible celle de la Sagesse et des sages, (Siracide ou Ecclésiaste« J’ai grandi comme le palmier d’Engaddi, comme les plants de roses de Jéricho » etSiracide 39« Écoutez-moi, fils saints, et croissez comme la rose qui pousse au bord d'un cours d'eau. Comme l'encens répandez une bonne odeur et fleurissez comme le lis ») fruit de la prière. Les roses étaient donc le symbole des vertus chrétiennes que Marie possédait toutes, les communiquant aux autres[6].Sophrone de Jérusalem en 600 auVIIe siècle (Sermon. de Assum apud H.) remarque que Marie est dite pleine de grâces. Cependant Marie était plus que le trésor de toutes les vertus et toutes les grâces, plus que la Sagesse éducatrice du genre humain, plus que la piété : Elle seule était née sans le péché originel donc comme une rose parmi les plants de roses de Jéricho, sans épines.
« En moi réside toute grâce de conduite et de vérité, toute espérance de vie et de vertu ; j’ai donné des fleurs comme le rosier planté au bord des eaux. »
Hymne : « Peuples, venez : sur ces mystères cueillez des roses ; tressez des couronnes à l'auguste Mère du bel amour » « Marie a été une rose blanche par sa virginité, vermeille par sa charité, blanche par sa chair, vermeille par l'esprit, blanche par la pratique de la vertu, vermeille par l'écrasement du vice, blanche en purifiant les passions, vermeille par l'esprit en mortifiant les appétits charnels, blanche par l'amour de Dieu, vermeille par sa compassion pour le prochain » (saint Bernard)
AuXIXe siècle, les apparitions de la« chapelle miraculeuse »,rue du Bac àParis, et deLourdes, popularisent le dogme de l'Immaculée Conception, laquelle au Moyen Âge, s'exprimait par le symbolisme de la « rose sans épines », en latinrosa sine spina.
Un appel de Marie, "Rosa Mystica", à pratiquer une Heure de Grâce pour le monde entier le 8 décembre de 12 à 13 heures vient des apparitions de Montichiari de la Vierge Marie à Pierina Gilli (1911-1991). Si l'authenticité de ces apparitions a été longtemps contestée,
Pierantonio Tremolada, évêque deBrescia depuis 2017 a fait de la basilique de Fontanelle di Montichiari un sanctuaire marial diocésain en faisant référence à la voyante. L'Heure Universelle de Grâce y sera célébrée tous les 8 décembre, à la suite de l'acte de consécration à la Vierge Marie, Rosa Mystica, Mère de l'Eglise fait le 7 décembre 2022[7].
« Par cet exercice, on obtiendra de nombreuses grâces spirituelles et corporelles. Notre-Seigneur, mon divin Fils Jésus accordera sa très grande miséricorde pour autant que les bons continueront à prier pour les pauvres pécheurs. Celui qui ne peut pas se rendre à l'église doit prier chez lui à l'heure de midi (jusqu’à 13h) et il recevra alors mes grâces ».
À ce moment la Mère de Dieu aurait montré à Pierina Gilli son Cœur et dit : « Vois ce Cœur qui aime tant les hommes, tandis que le plus grand nombre l'accable d'outrages ! Lorsque les bons et les méchants s'uniront dans une prière unanime, ils obtiendront de ce Cœur miséricorde et paix. Présentement les bons ont obtenu par moi la miséricorde du Seigneur . Celle-ci a arrêté un grand châtiment. Sous peu, on reconnaîtra la grandeur de cette Heure de grâce. J'ai déjà préparé une surabondance de grâces pour les enfants qui écoutent ma voix et qui prennent à cœur mes souhaits». La vision aurait pris fin par ces mots.
« Avant que l'Homme ne chute, la Rose était née, sans l'Épine » (saint Ambroise,Noble Numbers). Cette phrase résume toute la théologie catholique d'un Vierge conçue par Dieu avant toute la création pour être la Mère Immaculée du Verbe.
Saint Bonaventure l'appelle ainsi, « Rose pure, rose d'innocence, rose nouvelle et sans épine, rose épanouie et féconde, rose devenue pour nous un bienfait de Dieu, vous avez été établie Reine des cieux ; il n'est personne qui puisse jamais vous être comparé; vous êtes le salut du coupable, vous êtes le soutien de toutes nos entreprises »
O Maria
Rosa decens, rosa munda,
Rosa recens sine spina,
Rosa florens et decora,
Dives divina gratiaMarie née sans latache originelle, première rachetée entre toutes les créatures : L'épithèteRose mystique est une louange à la Vierge, maisRose sans épines a un sens théologique : cette épithète est à l'origine du dogme de l'Immaculée Conception : cela a le même sens. Marie àLourdes se présentant ainsi Que soy Immaculada conceptiou, Je suis l'Immaculée Conception, elle fait jaillir une source, elle sera donc la rose mystérieuse, plantée au bord d'un cours d'eau duSiracide dans laBible, rose sans épines, rosasine spina, c'est-à-dire née im-maculée, sans la tache originelle…
En effetsaint Basile nous apprend qu'avant le péché originel, la rose était sans épines, les épines ont été rajoutées « ensuite » pour rappeler que la douleur est proche du bien-être et sans doute pour la terre que désormais l'homme devra cultiver[8] !Saint Bernard auXIe siècle remarque queNazareth signifie "Fleur" en hébreu (c'est une des étymologies possibles de ce mot) : S'il faut prier Marie, c'est qu'elle restaure l'homme ou la femme déchus par lepéché originel : la couronne de roses remplace la couronne d'épines du Christ, qu'Adam etÈve avaient tressée : elle est « comblée de grâces » . Comment ne pas citer cesermon qui explique le sens de la rose sans épines ?
« L'arche d'alliance fut faite de bois de Sethim, etMarie fut tirée du peuple juif, peuple couvert d'épines, rude et aride, épineux par ses péchés de détraction, rude par ses superstitions, aride parce qu'il était dépourvu de l'onction de la grâce divine. Aussi il tressa une couronne d'épines pour son roi, et il brûla de rage contre lui, comme le feu qui pétille en consumant des ronces.Séthim, en effet, signifie épines. Dans un autre sens, Ève fut une épine, Marie une rose.Ève fut véritablement une épine, elle piqua son mari jusqu'à lui donner la mort, et elle plongea dans le cœur de tous ses enfants l'aiguillon du péché. D'où vient ce langage, de l'Apôtre : « Par un homme, le péché est entré en ce monde, et la mort, à la suite du péché : et elle a ainsi pénétré en tous (Rom. V, 12). »
Les saints Pères furent des bois bien que desséchés à la racine de l'arbre, ayant néanmoins une confiance très assurée dans l'arrivée du Sauveur; ils habitaient en ce monde, semblables à des voyageurs et à des étrangers, n'ayant rien et possédant tout. (II Cor. VI, 10) Ils châtiaient leurs corps avec ses vices et ses concupiscences, ils allaient pleurant et jetant leurs semences (Psal. CXXV, 6).
Aussi l’un d'eux s'exprime ainsi : « je me suis retourné dans mon chagrin, tandis que l'épine pénètre dans mon cœur (Psal. XXXI. 4). » Pour faire éclater sa gloire et pour renverser la sagesse humaine, Dieu a daigné naître d'une femme vierge, issue de la tige épineuse des Pères, prendre un corps afin de devenir semblable à l'homme, de guérir le contraire par son contraire, d'arracher l'épine vénéneuse et de déchirer avec puissance la cédule de condamnation du péché. Par ce sexe féminin l'humilité se montre avec éclat, la gloire et la majesté d'une vierge nous vient en aide et la grâce chasse le péché. Ève fut donc une épine et Marie une rose : Ève une épine en blessant, Marie une rose en adoucissant les sentiments de tous les hommes. Ève épine en donnant à tous la mort : Marie rose en rendant à tous le salut.
Du jus de l'écorce de l'épine on fait une sorte d'encre : de votre esprit charnel naît le flux de la concupiscence qui, péché actuel dans Adam et Ève, transmet dans leur postérité lepéché originel. C'est de lui que l'Apôtre s'écrie : « la lettre tue, l'esprit vivifie (II Cor. III, 6). » Comme s'il disait : « Par un homme la mort, et par un homme larésurrection : et de même que tous périssent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ (I Cor. XV, 22). » Marie fut une rose blanche par la virginité, rouge par la charité: blanche quant au corps, rouge quant à l'âme; blanche par la pratique de la vertu, rouge par son triomphe sur les vices ; blanche par la pureté de ses affections, rouge par la mortification de la chair, blanche par l'amour de Dieu, rouge par sa compatissante à l'égard du prochain » (Saint Bernard, sermon sur la Bienheureuse Vierge Marie[9])
Venustate vernans rosa, sine culpe spina… La beauté de la floraison de la rose, sans faute d'épine (l'épine représentant le péché),Gautier de Coinci,LesMiracles de Nostre Dame.
La rose domine en reine entre toutes les fleurs, par la richesse de sa couleur pourprée et le suave parfum de son odeur, et cependant elle fleurit au sommet d'un informe et rude buisson. Et, dans la rose, l'Église et les Pères voient l'image et la figure de la Vierge Marie, qui tient autant de la nature viciée dont elle sort, que la rose tient de la piquante épine qui lui donne naissance. Telle est l'idée de l'Église, quand elle intitule Marie rose mystique : tel est le sentiment des Pères, quand ils appellent la Vierge rose odorante, rose sans épines ; sentiment exprimé avec tant d'élégance, et une si vive clarté, par le poèteSédulius, écrivain distingué duIVe siècle, dans le2e livre de son chant pascal :
Ac velut e spinis mollis rosa surgit acutis
Nil quod lœdat habens, matremque obscurat honore,
Sic, Evœ de stirpe sacra veniente Maria,
Virginis antiquœ facinus nova virgo piaret« Comme une tendre rose s'élève, dit-il, au milieu des épines aiguës, n'ayant rien en elle-même qui blesse, et devient supérieure à sa mère; ainsi sainte Marie en naissant de la souche d'Ève a expié, Vierge nouvelle, le crime de la Vierge antique »[10].
SaintGrégoire le Thaumaturge deNéocésarée l'appelle « Fleur immaculée de la Vie » :« Ave gratia plena, fons lucis quae illuminat omnes in ipsa credens, spiritualis Oriens, flos vitae immaculatus »: Le péché originel s'attaquait à la vie, puisque l'homme et la femme en furent punis par la mort, mais dans laDormition, la Vierge serait élevée au Ciel sans avoir connu la mort, et elle est appelée fleur de la Vie comme source de Vie. On l'appelle aussi « Rose éclatante du Paradis » (sainteGertrude d'Helfta) car là où le serpent avait donné la mort et la terre de poussière, Marie rend la vie et redonne leparadis perdu par lafaute originelle.Il s'agit d'un privilège absolument unique d'une créature unique, appelée Nouvelle Eve.
La rose et le jardin furent toujours le symbole duParadis terrestre avant la Chute originelle et aussi des vertus.« parce que Dieu qui distribue ses dons par mesure aux saints lui en a donné la plénitude. Que tout ce qui est en elle estparadis et simplicité, grâce et vérité, miséricorde et justice, qu'elle est sans tache(immaculata), pure et sans défaut. Je l'appelle Jardin des délices de Dieu(Hortus deliciarum) dans lequel il a rangé toutes les vertus comme des fleurs qui sont dans unparterre. Que ce Jardin est fermé (Hortus conclusus) parce qu'il n'a pu être confondu par aucune des ruses et adresses du démon et qu'elle est unefontaine scellée du sceau de laTrinité d'où découle la Source de Vie et de la Lumière. » Or la rose est la reine des fleurs.
La fleur (rose, lis) était enfin le symbole mystique de l'Amour puisque Marie est aussi l'Épouse et la Fiancée par excellence (Cantique des Cantiques) : La rose évoque leCantique des Cantiques où le motlys et parfois traduit parrose : « Comme une rose parmi les épines est ma bien-aimée parmi les jeunes filles ! » Cette rose a cependant des épines car la fiancée du Cantique n'est pas la Vierge Marie. Marie est la Fiancée inépousée, « Plus bele que flor »[11]
La première image symbolique est celle de lafertilisation du désert de l'âme laquelle sans la prière se couvrirait deronces et d'épines, symboles despéchés. L'inventeur duchapelet serait saintAntoine Le Grand, solitaire dans le désert d'Égypte (Thébaïde) : or on trouve enIsaïe 35,1 :« Le désert et la terre aride se réjouiront ; la steppe sera dans l'allégresse, et fleurira comme lenarcisse. Il se couvrira defleurs et tressaillira, il poussera des cris de joie. La gloire duLiban lui sera donnée, avec la magnificence duCarmel et deSaron. Ils verront la gloire de Yahweh, la magnificence de notre Dieu! »
Ce nom de fleur (en hébreu est parfois traduit par « rose » au lieu de « narcisse » comme dans leCantique des Cantiques 2:1 (Rose de Saron) :« The wilderness and the solitary place shall be glad for them; and the desert shall rejoice, and blossom as the rose ». Il s'agit du motchabatstseleth חבצלת au sens indéterminé qu'on traduit par : fleur,pancratium, crocus, colchique, narcisse, et par extension lis, rose. La « rose de Saron » peut être également associée à la « Fleur du Carmel », autre appellation symbolique de la Vierge Marie, leCarmel étant la Montagne mystique par excellence, Mont qui jouxte la plaine de Sharon.
L'autre image est celle duParfum de roses, métaphore de la prière. La rose signifiait la bonne odeur de la prière, activité mystique, et de la piété dans le symbolisme floral. C'est sans leSiracide qu'est exprimée lavertu depiété comparée aux fleurs odoriférantes et aux arbres : « J’ai grandi comme lepalmier d’Engaddi, comme les plants de roses deJéricho… Écoutez-moi, fils saints, et croissez comme la rose qui pousse au bord d'un cours d'eau. Comme l'encens répandez une bonne odeur et fleurissez comme lelis ».
La rose elle entre dans la composition de nombreux parfums et son odeur s'élève vers le Ciel, dont peut-être celui deMarie-Madeleine lorsqu'elle oint Jésus d'un « nard précieux ». Dans un ouvrage duXIXe siècle on lit que « Cette céleste Rose a une propriété merveilleuse, c'est qu'elle est multiple et variée dans son odeur, comme l'était au goût de chaque Israélite la manne du désert :elle répand odeur ducinnamome et du baume, elle exhale les parfums de lamyrrhe, elle remplit les lieux où elle fleurit des vapeurs dustyrax, de l'onyx et de la goutte d'encens qui a coulé d'elle-même, et ses parfums sont un baume pur et sans mélange (Ecclésiatique, XXIV) »[12].
Cette fleur indéterminée, dont le nom est difficile à traduire, peut aussi ressembler à la fleur destyrax qui ressemble à un lis ou un narcisse. ÀMéounes-lès-Montrieux, enProvence, poussent dans la forêt aux alentours de lachartreuse de Montrieux, desaliboufiers, (styrax officinalis) : Les graines destyrax servaient auxchartreux à fabriquer deschapelets appelés "chapelets des chartreux". Ils récoltaient aussi la gomme aromatique (storax) dans desfioles, qu'ils donnaient à leurs amis. Cette gomme entrait dans la composition duparfum de l'onction dont Dieu donne àMoïse la composition et avait un sens éminemment symbolique, puisque le Messie est l'Oint de Dieu (Christos en grec).
« La jeuneplante était l'image de laprière. Cette plante s'élevait au milieu des autres et sa nature essentielle rayonnait sur toutes les autres plantes, comme la leur sur elle : lavertu de prière elle aussi doit s'élever au milieu des autres actions de manière qu'elles soient toutes unies à elle… Comme les feuilles de cette plante sont très blanches, de même la prière doit être pure de toute souillure et de noirceur mortelle provenant des passions… La coagulation du suc résineux de cette plante, qui ne peut revenir à l'état de liquide ou de dissolution, représente la constance et l'assiduité dans la prière… L'espèce defarine qui sort du tronc de cet arbre sous l'effet de la morsure du ver qui habite dedans, représente sortant de l'intérieur de l'âme et résultant d'une sorte deciselure de l'esprit, les paroles pieuses adressées à Dieu… Ces deux sortes derésine, lorsqu'on les met sur le feu, parfument toute l'atmosphère… »
— Du Styrax ou de la Prière , Le Jardin Symbolique, trad. M. Thomoson, Clarkianus IX, manuscritbyzantin duXIIIe siècle[13]
Le PèreHyacinthe-Marie Cormier, religieuxdominicain compare, lui, le Rosaire à l'arbre parfumé duLiban revenant au sens indéterminé de fleur odoriférante[14] :
Il développe lamétaphore ainsi :
« Semblable à l’arbre duLiban auquel on n’a point fait d’incision, j’ai rempli toute mon habitation d’un parfum délicieux. » C’est Marie dans son Rosaire qui nous parle ainsi. Mais pour comprendre l’application de cette figure, transportons-nous enOrient, sur la belle montagne du Liban si souvent citée, ou plutôt chantée par les Livres saints. Là vous trouvez certains arbres dont les branches, le feuillage et les fleurs ont la propriété de répandre une odeur délicieuse, non seulement dans leur voisinage immédiat, mais même à une certaine distance. Tout le jardin, toute l’atmosphère, l’arbre fût-il totalement caché, sont imprégnés de cette vapeur embaumée, dont les chastes parfums, en même temps qu’ils réjouissent l’odorat, sont des éléments de santé et de vie. LeRosaire est figuré par cet arbre à parfum ; et ses émanations étendent leur bienfaisante influence à toute l’habitation, c’est-à-dire à toute la vie. »
Ainsi auXIIIe siècle la rose devient pour l'Occident le symbole de la prière car elle exhale sonparfum tel le nard ou l'encens vers le ciel tandis qu'en orient, du moins dans ce texte, ce soit lestyrax quoiqu'au mont Athos la couronne de rose serve aussi de motif à l'enluminure des Évangiles. La rose de Saron ou la Fleur dumont Carmel devient par extension toute sorte d'arbre à fleurs odoriférantes, sur la montagne duLiban.
Un exemple tiré de lapharmacopée : L'Eupatorium Lallavei, que l'on désigne auMexique sous les noms de Rosa-Panal ouRosa-Maria, fournit naturellement par exsudation une résine qui est employée dans le pays comme céphalique. C'est une matière de couleur jaunâtre, claire dans certains points, plus foncée dans d'autres, à moitié transparente et répandant une odeur qu'on ne saurait mieux comparer qu'à celle de l'encens. Sa saveur est très légèrement amère et aromatique. Elle se brise facilement en fragments qui se ramollissent par la chaleur seule des doigts, et deviennent alors légèrement visqueux[15]. ÀMexico,Juan Diego Cuauhtlatoatzin cueille des roses sur un buisson en plein hiver, sur une colline désertique et desséchée à la demande deNotre-Dame de Guadalupe comme signe de la véracité des apparitions de la Vierge.
Dans la prière du rosaire : Le chapel était lacouronne de roses qui se plaçait sur la tête des statues de la Vierge dans le culte populaire. LesDominicaines deColmar[16] sont ainsi comparées à des roses épanouies dans un jardin. Dans lesCantigas de Santa Maria un chevalier tresse des guirlandes de roses, et chaque rose qui lui manque est remplacée par un Ave Maria. Pour Étienne de Bourbon ceRosarium est constitué de cinq roses des cinq plaies de Jésus. PourRichard de Saint-Laurent ce sont des roses deJéricho à 150 feuilles. La couleur rose était aussi symbole (couleur liturgique) de la joie (dimancheGaudete ouLaetare), donc des joies et allégresses (gaudes) de la Vierge et de l'incarnation.. « Par sa couleur, le symbole de la joie de l'Église, dont l'odeur figure les bonnes œuvres de la personne à honorer, alors que la rose elle-même, produite de la racine de Jessé, est mystiquement la fleur des champs et le lys de vallées dont parle l'Écriture, c'est-à-dire Jésus né de Marie. »
La rose était cultivée pour produire des couronnes de fleurs, et souvent utilisée (ainsi plus tard, l’un de ses substituts esthétiques, lapivoine) pour le culte liturgique, et associée à desmiracles, à dessaints, à des interventions de laVierge (Joret 1892: 284). Elle décore souvent les statues, chapelles et processions (Joret 1892: 115, 391-395). Le recueilRosarius est composé d'un ensemble de récits de Miracles de Notre-Dame en ancien français[17].
Le chapelet catholique serait comme son autre nom de« rosaire » l’évoque[18] un rituel dérivé de la bénédiction desroses de laliturgiedominicaine[19] lui-même dérivé (sans doute vers1250) d’unedévotion mariale faite sous forme depsautiers répétés comportant 150 (3 x 50)Ave Maria[20], l’usage de la rose étant déjà présent dans la symbolique chrétienne mystique et dans la symbolique païenne du Moyen Âge[21].
On fit donc rapidement un lien entre l'expression mystérieuseRose Mystique et le nom de la prière duRosaire, (lejardinet mystique, le buisson de roses) avec ses mystères, originellement Psautier de Notre-Dame, conforté par les récits où une rose sort de la bouche de ceux qui le prient avec piété. L'objet lui-même du rosaire était parfois fait de perles gravées de roses.
AuXVIIe siècle, le R. P. F. Raymond De La Dessou, prieur des PP. Dominicains deLille écritRose mystique et ses divines odeurs plaines des Amours de la Sainte Vierge[22] et le Père AntoninLa Rose mystique effeuillée ou Le Saint rosaire expliqué, réédité auXIXe siècle : « Aux quinze mystères correspondent quinze dizaines d'Ave Maria. Et réciter le Saint-Rosaire, c'est effeuiller cette Rose mystique en parcourant de cœur les mystères pendant que nos lèvres prononcent les Ave Maria »[23]. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort auXVIIIe siècle développe très longuement dans son langage lesymbolisme du rosaire et de la rose dansLe Secret admirable du très saint rosaire :
« Les feuilles vertes de cerosier mystique expriment les mystères joyeux de Jésus et de Marie; les épines, les douloureux; et les fleurs, les glorieux. Les roses en boutons sont l'enfance de Jésus et de Marie; les roses ouvertes représentent Jésus et Marie dans les souffrances, et les roses épanouies montrent Jésus et Marie dans leur gloire et leur triomphe. La rose réjouit par sa beauté : voilà Jésus et Marie dans les mystères joyeux; elle pique par ses épines : les voilà dans les mystères douloureux; et elle réjouit par la suavité de son odeur : Les voilà enfin dans les mystères glorieux. Ne méprisez donc pas ma plante heureuse et divine.... »
Lourdes, la rose orientale :
Lesicônes russes orthodoxes de la Vierge Marie : la Vierge porte une sorte d'étoile sur le front et l'épaule de son manteau laquelle agrandie, a la forme d'une rosace ressemblant assez à celle des cathédrales.
La rose mystique est aussi représentée directement, sous forme de fleur, de manière figurative, comme par exemple à l'église Art-DécoNotre-Dame Auxiliatrice de Nice, réalisée entre 1926 et 1933.
« C'est si bien l'imagination qui le plus souvent le domine dans. sa partie démonstrative et dogmatique que lorsqu'il traite, par exemple, du mystère de l'incarnation, saisi tout à coup d'enthousiasme à l'idée des beautés célestes de Marie, il fait un appel aux poètes, et les invite à la chanter, à la peindre assise sur un trône de candeur, brillante sur ce trône comme une rose mystique »
— Châteaubriand , Génie du Christianisme
En plusieurs siècles on trouve la louange « Rose sans épines »,rosa sine spina chez les poètes :
Pour le troubadourPierre de Clairac Marie estRoza ses espina Sobre totes flors olens.Elle est pour lui encore « l'églantier que Moïse trouva verdoyant au milieu des flammes ardentes[25]… »
On trouve cette louange dans les poésies, les mots et une séquence liturgique :« Maria, rosa sine spina », « Marie, rose sans épines ». On la trouve dans laséquence grégorienne du4e samedi decarême : « Reine de Vierges, Rose sans épines, vous êtes devenue la Mère de celui qui est Soleil et Rosée, Pain et Pasteur[26] », puis en Angleterre, dont la rose est le symbole, des motets, des chants de Noël, depuis leXIIIe siècle et ensuite dans des poésies religieuses, les polyphonies du lyrisme italien de la Renaissance.
figurent de nombreux chants d'amour courtois dont la Rose de mai est l'emblème :
est, ce m'est avis;
cele a qui m'ator
tant com coie, vis
n'avra de m'amor
Joie de delis
autre mes la flor
qu'est de paradis
Mere est au Signor
que si voz, amis
et nos a retor
veut avoir tout ditTous les commentateurs deDante s'accordent à penser que le poète fait allusion à Marie Rose Mystique, dans quelques vers du « Paradis » de laDivine Comédie :« Pourquoi mon visage t'enamoure-t-il ainsi, que tu ne te tournes pas vers le beau jardin qui sous les rayons du Christ s'emplit de fleurs? Là est la Rose dans laquelle le Verbe divin se fit chair, et là sont les lis dont le parfum indique le bon chemin». Là se trouve dans le Cœur d'or de la Rose éternelle (Chant XXX, v.42) celle qui accueille les âmes dans la félicité céleste.
Tribum, O canenda,
Colla iugo,
Petre clemens ;
Almifonismelos/
Rosa Sine culpe spina;
Douce playsence,
Tuba sacrae fidei,
In virtute,
Decens Carmen,
refrain :
Of a Rose is all any song
Listen, nobles and youngs
How Rose at ouset spring
Is all this world I know None
I so desire that fair Rose…
In Bethleem that flower never seen
A lovely blossom bright of sheen
The Rose is Mary, heaven's queen
ÀBethléem on voit une fleur que nul n'a jamais vue, cette rose est Marie, reine du Paradis, et de son ventre sort une fleur rose et un fruit (le motblossom évoque peut-être à la fois la fleur et le fruit, rose ou fleur rose de cerisier). Ici la couleur rose de la fleur symbolise surtout le Mystère de l'incarnation, et de lanativité la chair rose de l'Enfant Jésus, le Fils de Dieu.) C'est la reprise d'une séquence antérieure auIXe siècle : « Écoutez, hommes de Galilée, a fleuri une Vierge, elle a enfanté un Dieu et un Homme, afin que Dieu nous rende la Paix » (Vir Galilei, floruit virgo Deum et Hominem genuit Pacem Deus ut reddidit)
Un autre poème dit : " Lady choicest blossoming, Rosa sine spina,You bore us Jesus, heavenly King, Gratia Divina…"[27]
Les louanges classiques la vénèrent comme une « rose éclatante du Paradis » dans l'ave MariaSaint Jean Eudes :
Je vous salue, Marie, Lys blanc de la resplendissante et toujours immuable Trinité.
Je vous salue, Marie, Rose éclatante d'un charme céleste
Écrivains et poètes profanes s'emparent alors de l'expression mystérieuse « rosa mystica » qu'on retrouve sous la plume d'Émile Zola,Gide,Rimbaud,Leconte de Lisle…
Tomba pour embaumer les vallons d’Israël,
Que les vents étaient doux qui passaient dans les nues !
C'est un symbolisme éloigné, la Rose d'Or signifiant l'Église.
Il est possible que la rose d'or ait le même symbolisme de Rose mystique. Un poème duXVIIe siècle deMartial de Brive,capucin, en paraphrase desLitanies de la Vierge Marie, le montre assez :
Rosa Mystica, Orá.
Fleur dont jamais l'éclat ne passe,
Deux miracles, aymable Thresor
MystérieuseRose d'or
L' Honneur du Printemps de la Grâce:
Rose qui semez d'ornement,
Au parterre du Firmament
Où toutes les fleurs sont diurnes;
Sainte Rose souvenez-vous
Que la Rose aymant les espinés,
Vous oblige à avoir de l'amitié pour nous.
Panis et Pastoris,
Virginum regina,
Rosa sine spina,
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