Ses idées ont inspiré des tendances de lagauche communiste et donné naissance,a posteriori, au courant intellectuel connu sous le nom deluxemburgisme. L'héritage de Rosa Luxemburg a cependant été revendiqué, de manière contradictoire, par des mouvances politiques très diverses[4] (conseillisme,léninisme, etc.).
Elle est le cinquième enfant d'une famillejuive aisée vivant dans la partie orientale de l'actuelle Pologne, alors territoire de l'Empire russe. Ses parents sont le marchand de bois Eliasz Luksenburg et sa femme Line (née Löwenstein). En1873, Eliasz Luksenburg ayant fait de mauvaises affaires et espérant améliorer sa situation en ville, la famille emménage àVarsovie, ce que Rozalia Luksemburg, âgée de trois ans, vit péniblement[7]. Alors qu'elle est âgée de cinq ans, on lui diagnostique par erreur unetuberculose osseuse[8] ; il est probable qu'elle souffrait d'une forme deluxation. Sa famille lui fait plâtrer la jambe et elle garde le lit toute une année. Lorsqu'elle est déplâtrée, l'enfant a une jambe plus courte que l'autre : elle souffre ensuite, sa vie durant, d'une forteclaudication[7].
La jeune fille fréquente à Varsovie, à partir de 1880, le deuxième lycée de jeunes filles : elle y est admise malgré l'existence d'un quota maximal de juifs acceptés chaque année, en fonction d'un système de notation plus exigeant que pour les non-juifs. Elle prend alors pour la première fois conscience de son statut de juive et de la discrimination qui y est rattachée. En1881, unpogrom éclate à Varsovie[9] : la famille s'en sort indemne, mais Rozalia demeure profondément marquée par cette confrontation avec les conséquences de l'antisémitisme[10]. Elle grandit par ailleurs dans un milieu familial petit-bourgeois, qu'elle juge peu exaltant. En grandissant, Rozalia ne se sent proche d'aucun de ses parents, son père, homme d'affaires peu avisé, n'étant en rien un modèle pour elle. Elle se sent en outre étrangère à la communauté juive polonaise, qu'elle n'apprécie guère[11].
Le, elle quitte le lycée, obtenant la mention A (très bien) dans quatorze matières, l'appréciation d'ensemble étant« très bien ». Son bulletin scolaire indique le nomRosalie Luxenburg, retranscription russe de son patronyme polonais[12].
L'intérêt de la jeune fille pour la politique est difficile à dater : la lecture des œuvres d'Adam Mickiewicz semble lui avoir donné le goût de l'idéalisme et lui avoir insufflé le désir de changer le monde[13]. Dès sa sortie du lycée, elle intègre un groupe socialiste clandestin qui soutient le programme de l'organisation révolutionnaireProlétariat et ambitionne de fonder un parti ouvrier. En1889, le climat politique menaçant en Pologne l'incite à partir étudier enSuisse, où se retrouvent alors de nombreux étudiants polonais engagés et, plus largement, des révolutionnaires européens exilés[14].
Le, arrivée en Suisse, elle se fait enregistrer à la municipalité d'Oberstrass, dans les environs deZurich, en orthographiant son nomLuxemburg, retranscription plus« cosmopolite » qu'elle conserve par la suite. Elle loue une chambre chez un vieux militant socialiste allemand recommandé par des amis, Karl Lübeck, chez qui elle découvre la presse duSPD. Elle se lie à divers militants socialistes et rencontre, parmi les exilés politiques, le théoricienmarxiste russeGueorgui Plekhanov, qui l'intimide alors beaucoup. La jeune femme n'est pas encore sûre de l'étendue de sa vocation militante[15].
Leo Jogiches en 1890.Rosa Luxemburg dans les années 1895-1900.
À l'automne1890, Rosa Luxemburg fait la connaissance deLeo Jogiches, militant d'originelituanienne qui bénéficie déjà d'une forte réputation dans le milieu socialiste. Rosa Luxemburg et Leo Jogiches entament une liaison, et la jeune femme abandonne, sous l'influence de son amant, l'étude dessciences naturelles au profit de l'économie, de la philosophie et du droit. La rencontre de Leo Jogiches bouleverse la vie de Rosa Luxemburg, qui s'adonne désormais tout entière à la politique, sans délaisser pour autant ses études. En1892, elle entraîne Jogiches, qui se trouve alors isolé parmi les révolutionnaires russes, dans l'aventure de la création d'un parti politique polonais. Rosa Luxemburg s'écarte deKarl Marx sur la question de la souveraineté polonaise, à laquelle elle n'est pas favorable : pour elle, l'appartenance à unenation divise les ouvriers au lieu de les unir, et les ouvriers polonais et russes doivent au contraire unir leurs forces ; dans cette optique, leprolétariat polonais n'aurait rien à gagner dans son appartenance à un« État bourgeois » indépendant[16]. La révolution en Pologne lui parait devoir s'inscrire dans un but plus large, celui du renversement de l'absolutisme en Russie : la renaissance de la Pologne en tant que nation aurait donc pour conséquence de retarder la fin du tsarisme en Russie, en allant à l'encontre de l'unité du prolétariat de toutes les nations de l'Empire russe. Pour Rosa Luxemburg, ce n'est qu'une fois ce but prioritaire réalisé, et une république démocratique substituée au tsarisme, que pourrait se réaliser une libération nationale polonaise, qui apporterait ensuite aux Polonais le droit de s'administrer eux-mêmes[17].
En 1893, Rosa Luxemburg fonde, de concert avec Leo Jogiches etJulian Marchlewski, la Social-démocratie du royaume de Pologne[18] (SDKP, rebaptisée en 1900Social-démocratie du royaume de Pologne et de Lituanie — Socjaldemokracja Królestwa Polskiego i Litwy, soitSDKPiL — lors de l'alliance avec des socialisteslituaniens) qui se pose en parti rival duParti socialiste polonais (PPS), créé en 1892 et qui, au contraire, milite pour l'indépendance de la Pologne. La SDKP compte à ses débuts deux cents membres. Les subsides de la mère de Leo Jogiches aident à financer un journal,La Cause ouvrière, dont Rosa Luxemburg est rédactrice en chef, signant par ailleurs une grande partie des articles sous divers pseudonymes. En, Rosa Luxemburg fait sa première intervention en public au congrès de l'Internationale ouvrière, au cours duquel elle plaide pour la reconnaissance de la SDKP. Sa première tentative échoue, mais la SDKP est reconnue en1896 par l'Internationale[19].
Thèse inaugurale pour l'obtention du doctorat en sciences politiques de la Faculté des sciences politiques de l'Université de Zurich. Dans la collection duMusée juif de Suisse.
Le conflit entre PPS et SDKP s'envenime bientôt : Rosa Luxemburg attaque nettement le nationalisme du parti socialiste rival dans le journal parisien des exilésSprawa Robotnicza (« La cause ouvrière ») et soutient en sens inverse que la Pologne ne peut retrouver son indépendance que par une révolution dans l'Empire allemand, enAutriche-Hongrie et enRussie. Priorité doit à ses yeux être accordée à la lutte contre la monarchie et le capitalisme dans toute l'Europe ; ce n'est qu'après la victoire des révolutionnaires que le droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes pourra se réaliser. Cette conviction constitue par la suite une partie de sa querelle avecLénine qui regarde les mouvements de libération de la Pologne et des autres nationalités comme le premier pas vers le socialisme et souhaite les encourager. Rosa Luxemburg et Leo Jogiches vivent une vie militante très active, mais leur relation connaît des hauts et des bas : Jogiches, qui se consacre entièrement à ses activités révolutionnaires, est peu disponible pour une vie amoureuse stable tandis que Rosa Luxemburg aspire à une véritable relation de couple ; elle tend également à affirmer son indépendance face au caractère autoritaire de son compagnon. En1896, la SDKP est démantelée en Pologne par une vague d'arrestations etLa Cause ouvrière doit cesser de paraître. Elle a étudié à l'université de Zurich la philosophie, l'histoire, la politique, l'économie, la zoologie[20] et les mathématiques[21]. Elle s'est spécialisée dansStaatswissenschaft (les sciences politiques), les crises économiques et boursières et le Moyen Âge. Sa thèse de doctorat intitulée « Le développement industriel de la Pologne » (Die Industrielle Entwicklung Polens) est présentée officiellement au printemps 1897 à l'université de Zurich, qui lui décerne le titre dedocteur en droit. Sa thèse est publiée parDuncker et Humblot àLeipzig en 1898. Elle est l'une des premières femmes au monde à obtenir un doctorat en économie politique[22] et la première Polonaise à y parvenir[23]. Sa thèse est rapidement publiée en Allemagne. En septembre de cette même année, sa mère meurt ; Rosa Luxemburg vit difficilement le fait de n'avoir pas été à ses côtés. À la fin desannées 1890, le couple décide que Rosa Luxemburg ira s'installer enAllemagne, où Jogiches estime pouvoir trouver un auditoire politique plus conforme à ses aspirations en nouant, par l'entremise de sa compagne qui lui servira d'émissaire, des relations avec leParti social-démocrate d'Allemagne[24].
Activités au sein de la social-démocratie allemande
À partir de l'été1898, Rosa Luxemburg se trouve impliquée dans laquerelle réformiste qui éclate alors au sein de la social-démocratie allemande : le théoricienEduard Bernstein remet en effet en cause l'orientationmarxiste en préconisant l'abandon par la social-démocratie de sa ligne révolutionnaire et la transformation du SPD en un grand parti élargi auxclasses moyennes. En septembre, Rosa Luxemburg publie en sept livraisons une série d'articles,Réforme sociale ou Révolution ?, qui réfute les thèses de Bernstein ; ce texte érudit, qui est publié en livre en 1899, lui permet de gagner en notoriété et de devenir directrice honoraire du journalSächsiche Arbeiterzeitung, honneur qui n'avait jamais été dévolu à une femme. Quatre mois après son arrivée en Allemagne, Rosa Luxemburg connaît une notoriété croissante dans le milieu socialiste[29]. Avec notammentAlexandre Parvus etKarl Kautsky, elle mène au congrès de Hanovre de 1899 l'offensive contre Bernstein, dont les thèses sont condamnées. Rosa Luxemburg semble avoir souhaité l'exclusion de Bernstein, mais ce dernier demeure au sein du SPD[30].
Désormais cadre reconnue pour sa compétence au sein duParti social-démocrate d'Allemagne, Rosa Luxemburg travaille comme journaliste pour la presse socialiste, comme traductrice (elle parleyiddish, polonais, russe, allemand et français), et comme enseignante à l’école du SPD. Elle y donne des cours d’économie, d’histoire de l’économie, d’histoire du socialisme. Elle devient une amie deKarl Kautsky et de sa famille, et une confidente deClara Zetkin. Entre-temps, ses relations à distance avecLeo Jogiches, dont l'activité politique est dans une impasse, continuent de se dégrader : en1900, à la suite d'un ultimatum de Rosa Luxemburg, Leo Jogiches vient s'installer à Berlin, mais le couple continue de vivre séparé, Jogiches tenant à ce que leurs relations restent secrètes[31].
En juillet1904, à son retour du congrès de l'Internationale, elle est arrêtée et condamnée à trois mois de prison pour avoir critiqué l'empereurGuillaume II dans un discours public : elle effectue sa peine dans la prison de Berlin-Zwickau, dans un certain confort, et profite de son incarcération pour lire de nombreux ouvrages. À cette même époque, Rosa Luxemburg s'oppose vivement aux thèses deLénine : elle conteste l'idéeléniniste d'une« insurrection armée », considérant que c'est en élevant la conscience des ouvriers et non en les armant que l'on doit préparer une révolte populaire. Elle s'oppose notamment aux conceptions de Lénine en matière de centralisation de l'autorité et de hiérarchie[32],[33].
À la suite duDimanche rouge, le àSaint-Pétersbourg, larévolution éclate en Russie.Leo Jogiches quitte en février Berlin pourCracovie, où il fonde une nouvelle publication de la SDKPiL. Il se rend ensuite àVarsovie pour y négocier une alliance avec leBund, ce que Rosa Luxemburg, hostile à l'idéologie nationaliste des militants juifs, désapprouve vivement. Rosa Luxemburg rejoint temporairement Jogiches à Cracovie durant l'été, rejoint l'Allemagne, puis regagne à nouveauVarsovie en décembre, sous une fausse identité, pour y participer au mouvement insurrectionnel qui se déroule également dans la Pologne orientale. Arrêtée avecLeo Jogiches, elle frôle l'exécution. Un temps assignée à résidence, puis libérée sous caution en tant que citoyenne allemande, elle regagne Berlin en septembre1906 ; sa liaison avec Leo Jogiches prend fin à cette époque[34],[35]. Jogiches, demeuré en Pologne, est condamné en à huit ans de bagne enSibérie mais il s'évade avant d'être déporté et rejoint les milieux de l'émigration politique polonaise à Berlin. En, le tribunal de Weimar condamne Rosa Luxemburg à deux mois de prison pour avoir, lors du congrès du SPD en 1905, incité le prolétariat allemand à suivre l'exemple révolutionnaire russe. Elle effectue sa peine en juin et[36].
Au congrès du SPD àMannheim, en, Rosa Luxemburg contribue à constituer une gauche qui, en face d'une droite et d'un centre du parti désormais rapprochés, adopte une attitude révolutionnaire. Elle publie un pamphlet intituléGrève de masse, Parti et syndicat, dans lequel elle combine ses expériences russes et allemandes et montre l'exemple d'une grève permanente, liée au sort de la révolution : pour Rosa Luxemburg, le processus révolutionnaire est un mouvement continu, où leparti peut jouer un rôle, mais sans prétendre à la direction de laclasse ouvrière. Le parti doit se limiter à un rôle d'éclaircissement du prolétariat et, le jour de l'action venu, la distinction entre dirigeants et dirigés n'aura plus lieu d'être. Rosa Luxemburg dénonce également l'emprise, en Allemagne, de labureaucratiesyndicale, proche de l'aile droite du SPD et rongée par le« révisionnisme » (c'est-à-dire le réformisme). L'ouvrage de Rosa Luxemburg provoque un scandale au sein du SPD et dès1907, ses relations avec le dirigeant du partiAugust Bebel sont irrémédiablement compromises[37]. AvecMartov et Lénine, avec qui elle noue une alliance temporaire et de circonstance, elle amende et fait adopter par leCongrès international socialiste de Stuttgart en 1907, une résolution sur la guerre, stipulant qu'en cas de conflit, le devoir de la classe ouvrière est de se soulever et par là, d'empêcher la guerre et de hâter la fin du capitalisme[38].
Rosa Luxemburg, à droite, en compagnie deClara Zetkin en 1910.
À la même époque, définitivement séparée de Jogiches, Rosa Luxemburg vit une liaison avec Costia Zetkin, un des fils deClara Zetkin, de quinze ans son cadet : leur relation dure jusqu'en1912[39].
Helene Deutsch, disciple deSigmund Freud, qui la rencontre en 1910 au congrès de Copenhague, est impressionnée par sa personnalité et le charisme qu’elle dégage. Rosa Luxemburg devint pour elle un modèle de référence[40].
Jusqu'au déclenchement de laPremière Guerre mondiale, la renommée de Rosa Luxemburg ne cesse de croître dans les milieux politiques. Elle prend part à diverses polémiques au sein du SPD et de l'Internationale ouvrière : sa tendance à citer en exemple larévolution russe de 1905 indispose de nombreux dirigeants sociaux-démocrates allemands, qui craignent dans leur pays une situation comparable[41]. Rosa Luxemburg est par ailleurs très critique envers le comportement dessociaux-démocrates russes, désunis de manière permanente par la scission entrebolcheviks etmencheviks. Soutenue parKarl Kautsky, elle contribue à faire adopter par le Bureau socialiste international une résolution condamnant l'attitude deLénine[42]. En1910, une vive polémique l'oppose à Kautsky, jusque-là son ami personnel, au sujet du rôle du parti envers les ouvriers : Rosa Luxemburg continue de soutenir que les ouvriers doivent être poussés à prendre en main leur propre destin, la direction du parti leur cédant le pouvoir ; elle dénonce également les compromissions du SPD qui, en se refusant à revendiquer l'instauration de la république en Allemagne, devient un jouet des« partis bourgeois ». Kaustky sort nerveusement épuisé de la polémique qui l'oppose à Rosa Luxemburg[43] ; les relations de cette dernière avec les dirigeants sociaux-démocrates allemands sont très dégradées[44]. Au sein de la SDKPiL, elle participe à l'exclusion deKarl Radek, membre du comité de Varsovie qui s'opposait au comité central du parti polonais établi à Berlin[45].
Sur la question des nationalités, Rosa Luxemburg adopte un point de vue d'internationalisme intégral et s'oppose radicalement à toute forme denationalisme, considérant que« dans une société declasses, lanation, en tant qu'entité socio-politique, n'existe pas ». Pour elle, la question nationale est une question seconde, soit une question tactique et non une question de principe. Le seul droit à l'autodétermination que la social-démocratie doit soutenir est, pour elle, celui de la classe ouvrière : dans son optique, la révolution socialiste internationale mettra fin à la domination nationale, comme à l'exploitation, à l'inégalité des sexes et à l'oppression raciale[46],[47].
Opposition à la guerre et fondation de la Ligue spartakiste
Dans les années qui précèdent le déclenchement de laPremière Guerre mondiale, Rosa Luxemburg multiplie les activités et les participations à des débats publics, tandis que la fracture politique au sein duSPD, de plus en plus recentré, s'accentue. Elle a renoué des liens d'amitié avecLeo Jogiches, qui l'aide à relire les épreuves deL'Accumulation du capital, son œuvre théorique majeure. Dans cet ouvrage, publié en janvier1913 et formé à partir des cours d'économie politique qu'elle dispense auprès de militants socialistes, Rosa Luxemburg détaille son analyse ducapitalisme : pour elle, l'accumulation ne peut s'effectuer que grâce à l'expansion du capitalisme vers des marchés étrangers ou dans des régions moins développées des mêmes pays. Les marchés non capitalistes sont nécessaires au fonctionnement du capitalisme et, en dernière analyse, à sa survie, mais ils sont pourtant détruits en tant qu'entités indépendantes. En se privant de la demande qui lui permet de réaliser laplus-value, le système capitaliste s'effondre inévitablement du fait de cette contradiction. La publication deL'Accumulation du capital provoque une polémique tant à droite qu'à la gauche du SPD : sa théorie de l'écroulement inévitable du capitalisme fait l'objet de vives critiques.Franz Mehring,Wilhelm Pieck etJulian Marchlewski saluent au contraire en Rosa Luxemburg l'interprète la plus érudite deMarx depuisEngels[48].
Rosa Luxemburg, photographiée en 1911 (l'année de ses 40 ans)[49].
Rosa Luxemburg milite par ailleurs avec passion contre les risques de guerre en Europe. En septembre1913, elle prononce àFrancfort-sur-le-Main un discours enflammé dans lequel elle appelle lesouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre des ouvriers d'autres nationalités. Cela lui vaut de passer, le, en jugement pour« incitation publique à la désobéissance ». Rosa Luxemburg se défend avec passion et éloquence, ce qui lui vaut une célébrité nationale, au-delà des milieux socialistes. À la même époque, elle entretient durant plusieurs mois une liaison avec l'un de ses avocats, le socialistePaul Levi, qui reste ensuite un ami proche ; Levi consacre plus tard sa vie à la poursuite du travail politique de Rosa Luxemburg et à la diffusion de ses thèses. Rosa Luxemburg est condamnée à un an de prison. Alors qu'elle attend l'issue de son procès en appel, elle prononce en un nouveau discours dans lequel elle accuse les militaires allemands de maltraiter les soldats : elle est cette fois poursuivie pour insulte à l'armée. Des milliers de témoignages arrivant pour soutenir ses propos, le procès est enterré[50]. Durant les mois que durent les diverses procédures, Rosa Luxemburg continue de diffuser ses thèses et de militer ardemment contre la guerre[51].
Alors que le conflit éclate en Europe, l'Internationale ouvrière échoue totalement à définir une politique commune, et les sociaux-démocrates allemands, comme la plupart de leurs homologues européens, votent les crédits de guerre. Rosa Luxemburg, qui doit théoriquement commencer à accomplir en décembre sa peine de prison, forme avec plusieurs militants, dontKarl Liebknecht,Leo Jogiches,Franz Mehring,Julian Marchlewski,Paul Levi etClara Zetkin, le noyau de ce qui devient leGruppe Internationale, puis par la suite leSpartakusbund (laLigue Spartacus, ouLigue spartakiste) : leur appel contre le vote des crédits de guerre, lancé à plus de trois cents dirigeants socialistes, reste quasiment sans réponse. En décembre, Rosa Luxemburg est hospitalisée pour épuisement nerveux et physique : elle commence sa peine de prison en février1915[52].
En prison, Rosa Luxemburg maintient des liens épistolaires avec le monde extérieur. C'est là également qu'elle rédige la brochureLa Crise de la social-démocratie, publiée clandestinement en 1916 sous le pseudonyme deJunius. L'opposition radicale socialiste s'exprime au travers d'une« lettre politique » signéeSpartakus : avec le soutien logistique deLeo Jogiches qui prend la direction des opérations clandestines, la publication, intituléeLes Lettres de Spartakus, circule bientôt à plus de 30 000 exemplaires. Rosa Luxemburg est libérée en février1916 et reprend aussitôt ses activités publiques. Le, lors d'une manifestation spartakiste elle défile aux côtés deKarl Liebknecht qui, en uniforme de soldat, lance un slogan contre la guerre et le gouvernement :« À bas la guerre ! À bas le gouvernement ! »[53]. Immédiatement arrêté, il est privé de son immunité parlementaire, traduit devant un tribunal militaire, et condamné à quatre ans de prison, tandis que Rosa Luxemburg est aussitôt placée sous surveillance policière. Le, elle est arrêtée et placée en détention administrative. Rosa Luxemburg maintient à nouveau des contacts écrits avec le monde extérieur. Elle entretient par ailleurs une relation épistolaire aux accents romantiques avec un ami de Costia Zetkin, Hans Diefenbach. Ce dernier, envoyé au front comme médecin militaire, est tué en octobre1917, sa mort causant à Rosa Luxemburg un choc terrible[54].
Rosa Luxemburg, depuis sa prison, suit attentivement les évènements politiques et écrit une série de textes sur laRévolution russe à partir de, selon elle le « fait le plus considérable de la guerre mondiale », mais après larévolution d'Octobre, elle se montre critique envers divers aspects de la politique suivie par lesbolcheviks[56].
Elle dénonce « l'opportunisme » des dirigeants de la social-démocratie allemande (Eduard Bernstein,Karl Kautsky) et desmencheviks russes, ainsi que leur politique de soutien à l'impérialisme[57]. Dans ce contexte, elle salue le partibolchevik en tant que« force motrice »[58] « à qui revient le mérite historique d'avoir proclamé dès le début et suivi avec une logique de fer la tactique qui seule pouvait sauver la démocratie et pousser la révolution en avant. Tout le pouvoir aux masses ouvrières et paysannes, tout le pouvoir auxsoviets »[59]. La critique de la politique poursuivie par ce dernier apparaît d'autant plus nécessaire pour Rosa Luxemburg.
Elle dénonce entre autres le soutien des bolcheviks aux autodéterminations nationales, qui lui paraît affaiblir le prolétariat en renforçant le nationalisme, ainsi que la politique de redistribution des terres par les bolcheviks, qui pour elle menace d'aboutir à la constitution d'une couche de petits propriétaires fonciers ennemis potentiels de la révolution, hostiles au socialisme d'une part[60]. Dans l'optique de Rosa Luxemburg, le« dépècement de la Russie » par le droit à l'indépendance des nations de l'ex-Empire russe et le slogan du « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » constituent pour les bourgeoisies nationales« un instrument de leur politique contre-révolutionnaire »[61].
Elle critique enfin l'étouffement de la démocratie politique par les bolcheviks : si Rosa Luxemburg, commeClara Zetkin ouFranz Mehring, approuve la dissolution de l'Assemblée constituante, elle regrette qu'elle n'ait pas été suivie de nouvelles élections[62], écrivant :« La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d'un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement ». Si pour Rosa Luxemburg,« la dictature socialiste […] ne doit reculer devant aucun moyen de contrainte pour imposer certaines mesures dans l'intérêt de la collectivité », elle estime que le pouvoir léniniste est« une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d'une poignée de politiciens, c'est-à-dire une dictature au sens bourgeois ». Elle préconise au contraire« la démocratie la plus large et la plus illimitée », et rappelle que« c’est un fait absolument incontestable que, sans une liberté illimitée de la presse, sans une liberté absolue de réunion et d'association, la domination des larges masses populaires est inconcevable ».
Les causes de cette dérive sont, pour Rosa Luxemburg, à chercher tant dans la conception léniniste du parti[63] que dans les conditions très défavorables de la guerre mondiale et de l'isolement de la Russie sur le plan international[64], qui rend d'autant plus nécessaire le déclenchement de la révolution en Europe. AvecLeo Jogiches qui l'aide à se tenir au courant des évènements, Rosa Luxemburg estime que les révolutionnaires allemands doivent à tout prix éviter de devenir des satellites des bolcheviks[65]. Elle juge cependant que le« bolchévisme » est devenu« le symbole du socialisme révolutionnaire pratique, de tous les efforts de la classe ouvrière pour conquérir le pouvoir » et considère que la révolution russe sera condamnée si le prolétariat des autres pays ne lui vient pas en aide en conquérant le pouvoir[66].
« Activités ennemies - La révolution allemande continue - Rosa Luxemburg, le cerveau deSpartakus pendant la révolution », fiche duWar Department américain, 1917-1918.
Larévolution allemande de novembre1918 permet à Rosa Luxemburg de sortir de prison : une amnistie politique est prononcée le ; elle-même est libérée le 10 et regagne seule Berlin, alors que la ville est en pleine effervescence révolutionnaire. Les dirigeantsspartakistes se réunissent et fondent, après quelques difficultés pour trouver un imprimeur, un nouveau journal,Die Rote Fahne (LeDrapeau rouge). Rosa Luxemburg y appelle le prolétariat d'Allemagne à poursuivre la révolution et à s'organiser pour en prendre la direction ; elle surestime alors l'engagement révolutionnaire des ouvriers allemands et sous-estime l'attrait que peuvent exercer sur eux des valeurs« bourgeoises » comme la propriété, le nationalisme ou lareligion[67]. Elle mène une existence harassante et, du fait de la distance entre la rédaction du journal et son appartement, est fréquemment obligée de coucher dans des hôtels[68].
LaLigue spartakiste, menée notamment par Rosa Luxemburg etKarl Liebknecht, prône une radicalisation de la révolution et l'accès au pouvoir desconseils d'ouvriers et de soldats apparus fin 1918 dans toute l'Allemagne à l'occasion de la révolte populaire, pour former une« république des conseils ». Pour les spartakistes, la révolution doit désormais s'étendre à toute l'Europe avec le soutien de laRussie soviétique. Hostiles pour leur part à tout putschisme et à tout terrorisme de parti, Liebknecht et Rosa Luxemburg sont dépassés par l'utopisme des intellectuels et le radicalisme des ouvriers qui les suivent[69]. LeSPD, qui a formé le gouvernement dirigé parFriedrich Ebert, souhaite au contraire une transition politique modérée afin d'éviter à l'Allemagne une situation du type russe. La tension politique est extrême et, le, des troupes gouvernementales occupent la rédaction deDie Rote Fahne. Une manifestation spartakiste est dispersée à coups de mitrailleuse, faisant treize morts et trente blessés. Les spartakistes sont finalement désavoués par ceux-là mêmes qu'ils ambitionnent de mettre au pouvoir : le, le Congrès national desConseils d'ouvriers et de soldats, seul pouvoir légitime aux yeux des spartakistes, se réunit et décide à la majorité qu'il ne lui appartient pas de décider du sort de l'Allemagne, et que cette tâche devra être confiée à une assemblée constituante élue au suffrage universel. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ne sont pas autorisés à siéger au congrès, pas même avec voix consultative[70],[71],[69].
Le climat d'agitation révolutionnaire en Allemagne aboutit à la formation duParti communiste d'Allemagne (KPD)[note 2] : les spartakistes, ayant pris la décision de se séparer de l'USPD, forment le parti lors d'un congrès tenu du au. Rosa Luxemburg, qui aurait pour sa part préféré la dénomination de« socialiste » à celle de« communiste » pour établir plus facilement des liens avec les révolutionnaires occidentaux, est mise en minorité sur ce point[72]. Elle-même préfère continuer d'utiliser le seul nom deLigue spartakiste pour désigner le parti[73].Karl Radek, vieil adversaire de Rosa Luxemburg, est alors présent clandestinement sur le territoire allemand en tant qu'émissaire de la Russie soviétique : il assiste au congrès fondateur du KPD et débat à cette occasion avec Rosa Luxemburg de l'usage de la terreur. Alors que Radek, comme les autres bolcheviks, juge la terreur indispensable pour préserver la révolution, Rosa Luxemburg se montre sceptique[74] ; elle fait finalement adopter dans le programme du parti allemand un point qui s'oppose à toute pratique terroriste. Rosa Luxemburg etPaul Levi plaident pour la participation des communistes à l'élection de l'assemblée constituante, mais la majorité se prononce pour le boycott de ces élections[72]. Rosa Luxemburg tente en vain de convaincre le congrès du KPD du danger que représente le refus de participer au processus électoral[75].
Début, l'agitation politique dans les milieux ouvriers tourne à l'affrontement ouvert quand le préfet de policeEmil Eichhorn, membre de l'USPD, refuse de quitter son poste après le départ des indépendants du gouvernement et distribue des armes aux ouvriers radicaux.Karl Liebknecht, emporté par le mouvement, croit à la possibilité d'un soulèvement qui renverserait le gouvernement : une partie du KPD forme avec d'autres groupes, dans la nuit du 5 au 6, un comité révolutionnaire et décide de passer à l'insurrection. Rosa Luxemburg juge le mouvement totalement prématuré mais choisit de le soutenir par loyauté via ses articles dansDie Rote Fahne. Lesoulèvement, spontané mais sans plan, direction ni organisation, échoue totalement : le ministre SPDGustav Noske est chargé d'organiser la répression, qu'il confie auxFreikorps (groupe paramilitaire d'extrême droite composé d’anciens combattants). Les paramilitaires écrasent l'insurrection avec une grande brutalité, tuant les spartakistes qui se présentent porteurs d'un drapeau blanc. Bientôt, tout Berlin est occupé par l'armée. Rosa Luxemburg fait paraître le son dernier article, amèrement intituléL'Ordre règne à Berlin[76],[77].
Mémorial au bord duLandwehrkanal, à l'endroit où le corps de Rosa Luxemburg a été précipité dans l'eau.
Le lendemain de la parution du dernier article de Rosa Luxemburg, des paramilitaires[note 3],[77] se présentent à son domicile clandestin. Arrêtée, elle est conduite, en même temps queWilhelm Pieck, à l'hôtel Eden qui sert de quartier-général provisoire à la division de cavalerie et de fusiliers de la garde : interrogée par le capitaineWaldemar Pabst, elle refuse de répondre aux questions de ce dernier. Des militaires l'emmènent ensuite pour l'escorter en prison. Alors qu'elle est dirigée vers la sortie de l'hôtel, elle est frappée à la tête à coups de crosse de fusils ; les soldats la font ensuite monter dans une voiture pour la conduire en détention. Alors que le véhicule a à peine parcouru cent mètres, Rosa Luxemburg est tuée d'une balle dans la tête par l'un des militaires, probablement le lieutenant Vogel qui commandait l'escorte. Son cadavre est jeté dans leLandwehrkanal. Un communiqué mensonger affirme ensuite qu'elle a été tuée par une foule de citoyens en colère.Karl Liebknecht, arrêté lui aussi, est également tué en sortant de l'hôtel Eden par l'escorte qui était censée l'emmener en prison[76],[78],[79].
Funérailles de Rosa Luxemburg, le.
Symboliquement, un cercueil vide représentant Rosa Luxemburg est enterré le en même temps que celui de Liebknecht et de31 autres victimes de la répression.Leo Jogiches tente de découvrir la vérité sur la mort de Rosa Luxemburg : en mars, il est arrêté à son tour, puis tué, officiellement alors qu'il tentait de s'évader du quartier général de la police[80]. Un corps identifié comme celui de Rosa Luxemburg est finalement repêché le[81],[76],[82].
Les militaires responsables de la mort de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht sont traduits en justice pour maltraitances : le procureur Paul Jorns plaide cependant les circonstances atténuantes en raison de leurs excellents états de service. Le soldat Runge, qui avait frappé Rosa Luxemburg à la tête, est condamné à deux ans et deux semaines de prison pour« tentative de meurtre », et le lieutenant Vogel à deux ans et quatre mois pour s'être débarrassé du cadavre et avoir fait un rapport incorrect[83]. Vogel s'évade ensuite en bénéficiant de complicités et vit quelque temps à l'étranger en attendant une amnistie. Runge déclarera plus tard avoir accepté d'endosser tous les torts en échange d'une condamnation légère[84], il demandera par la suite au chancelierHitler une compensation pour sa condamnation et se verra accorder par lerégime nazi la somme de 6 000 marks. Durant les années qui suivent la mort de Rosa Luxemburg,Paul Levi, un temps chef du KPD avant d'être écarté par l'Internationale communiste, se bat pour empêcher que les assassinats de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ne soient amnistiés et pour dénoncer le truquage de l'enquête. En1928, il assure la défense d'un éditeur que le procureur Jorns poursuivait en diffamation pour avoir publié un article l'accusant d'avoir truqué l'enquête Luxemburg-Liebknecht. Levi parvient à prouver que Jorns a détruit des preuves des deux meurtres, et obtient qu'il soit jugé coupable d'avoir couvert les assassins. Jorns fait appel et il est par la suite dédommagé par le régime nazi pour ses ennuis judiciaires. Dans une interview accordée en1959, Waldemar Pabst déclare que la mort de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg était dûment planifiée. En1962, commentant officiellement les déclarations de Pabst, le gouvernementouest-allemand qualifie les assassinats de Liebknecht et Rosa Luxemburg d'« exécutions en accord avec la loi martiale »[85].
L'ouvrage théorique de Rosa LuxemburgIntroduction à l'économie politique est publié après sa mort par les soins dePaul Levi. Sa tombe se situe auMémorial des socialistes ducimetière central de Friedrichsfelde deBerlin, où un hommage lui est rendu chaque deuxième dimanche de janvier. En, Michael Tsokos, directeur de l'institut médico-légal de l'hôpital Charité de Berlin, annonce la découverte dans les sous-sol de l'institut, du corps d'une femme aux caractéristiques physiques fortement similaires à celles de Rosa Luxemburg. Il y aurait selon lui des doutes importants sur l'identité du corps reposant au cimetière de Berlin, devenu chaque année un lieu de recueillement pour des milliers de personnes[86].
Rosa Luxemburg n'a pas laissé de système idéologique élaboré, bien que des lignes directrices se dégagent de sa pensée[4]. Elle se sert des concepts développés parKarl Marx pour fonder sa propre analyse, et étudie les aspects nouveaux ducapitalisme de l'époque :colonialisme, impérialisme, accumulation des capitaux, etc.[87] Elle réfléchit aux moyens de créer une alternative à ce mode de développement économique et politique, et théorise notamment l'internationalisme. Dans ce cadre, elle développe une critique dunationalisme et des luttes de « libération nationale » :
« […] le fameux « droit de libre disposition des nations » n'est qu'une phraséologie creuse […] »
— La Révolution russe, 1918
En pratique, elle s'oppose, avec le SDKPiL, à l'indépendance de la Pologne et à la lutte nationale en général.
Elle considère que la révolution sera l'œuvre des masses et non le produit d'une « avant-garde éclairée » qui ne peut que se transformer en une dictature,« celle d'une poignée de politiciens, non celle du prolétariat ».
« Considérer qu'une organisation forte doit toujours précéder la lutte est une conception tout à fait mécaniste et non dialectique »
— Gesammelte Werke, IV, Berlin, p. 397
Rosa Luxemburg considère que le socialisme est lié à la démocratie : « Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l’affaiblissement du mouvement socialiste ; renoncer à la lutte pour le socialisme, c’est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même »[88].
Elle estime que le réformisme conduit à l’abandon de l’objectif socialiste :« Quiconque se prononce en faveur de la voie des réformes légales, au lieu et à l’encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus tranquille, plus sûre et plus lente, conduisant au même but, mais un but différent, à savoir, au lieu de l’instauration d’une société nouvelle, des modifications purement superficielles de l’ancienne société […] non pas lasuppression du salariat, mais le dosage en plus ou en moins de l’exploitation »[89].
Présentant ses conceptions du socialisme dans une brochure du SDKPiL en 1906, elle écrit :« La suppression du capitalisme et de la propriété privée ne pourra pas s’effectuer dans un seul pays. […] Le régime socialiste mettra fin à l’inégalité entre les hommes, à l’exploitation de l’homme par l’homme, à l’oppression d’un peuple par un autre ; il libèrera la femme de l’assujettissement à l’homme ; il ne tolèrera plus les persécutions religieuses, les délits d’opinion »[90].
L'un des points essentiels de la conception du socialisme par Rosa Luxemburg tient à la liberté de« penser différemment » : pour elle, l'engagement révolutionnaire est avant tout une question« morale », tenant à l'obligation de lutter pour un système social plus humain : elle considère par conséquent laRealpolitik, qu'elle soit exposée par Kautsky, Lénine, ou Marx lui-même, comme immorale et sans valeur ; la dimension éthique et l'idéalisme des ouvriers sont à ses yeux plus importants que les lois de l'histoire. DansGrève de masse, Parti et syndicat, elle se livre à une critique de l'autorité centrale duparti, à laquelle elle oppose lesgrèves de masse spontanées, qui expriment à ses yeux la capacité des travailleurs à prendre leur destin en main. Elle désapprouve également l'idée d'insurrection armée, qui revient à déclencher artificiellement la révolution. Enfin, elle s'oppose de manière fondamentale aunationalisme, facteur de division. Pour Rosa Luxemburg,« la révolution est avant tout un changement radical et profond dans les relations entreclasses sociales » : dans cette optique, lemarxisme, loin du« jargon » auquel le réduisent certainsdémagogues, est avant tout une« philosophie humaniste » destinée à rendre au peuple son intégrité. Alors qu'elle croit, au début duXXe siècle, que le nationalisme est sur son déclin, elle considère que le groupe social des prolétaires ne doit pas correspondre à unenation, ni être défini en termes de citoyenneté, de race ou d'hérédité, mais s'identifier auprolétariat international, uni par un mode de vie commun. Elle nie ainsi le lien entre le droit à l'autodétermination nationale et la liberté d'expression, considérant que la priorité du mouvement socialiste doit être d'obtenir l'autodétermination, non pas pour les nations, mais pour laclasse ouvrière. Opposée au nationalisme, la révolution socialiste internationale est également destinée, dans l'optique de Rosa Luxemburg, à mettre un terme à l'exploitation, à l'inégalité des sexes et à l'oppression raciale. Un régime socialiste dans lequel les individus seront liés par« l'harmonie et la solidarité » aboutira ainsi à la création d'une« nation » par consentement commun[91].
Le terme deluxemburgisme a été utilisé pour désigner un courant d'idées de lagauche communiste opposée à l'autoritarismeléniniste, et plus précisément la tendanceconseilliste. Au sein du mouvement communiste, Rosa Luxemburg fait l'objet de jugements contrastés : certains approuvent sa condamnation de la terreur bolchevique et tendent à faire du« luxemburgisme » un modèle qui respecterait la volonté des« masses » et concilierait socialisme et démocratie ; d'autres, tout en louant parfois sa mémoire et son courage, la critiquent au nom de l'orthodoxie léniniste, puisstalinienne, et regrettent ce qu'ils appellent ses« erreurs »[92]. Le terme« luxemburgisme » est surtout utilisé à des fins polémiques — qu'il s'agisse de le louer ou de le condamner — Rosa Luxemburg n'ayant pas elle-même présenté ses idées sous la forme d'un système cohérent[4].
En 1921, le régime bolchevique donne le nom deLuxemburg à la ville géorgienne de Katharienenfeld (aujourd'huiBolnissi). Dans les années qui suivent, cependant, l'Internationale communiste dénonce le« luxemburgisme » : ce terme est alors utilisé, dans le vocabulaire du Komintern, pour désigner de manière générale les communistes opposés à la « bolchevisation », c'est-à-dire au contrôle plus strict de leurs organisations par l'IC. Dans lesannées 1930, Rosa Luxemburg elle-même est dénoncée parStaline pour sa critique de la révolution bolchevique, ainsi que pour de prétendues parentés idéologiques entre le« luxemburgisme », letrotskisme et lemenchevisme. Elle est dès lors exclue des grandes figures du marxisme reconnues par l'Internationale communiste[4].
Rosa Luxemburg est par la suite réévaluée comme une figure majeure de l'histoire du socialisme, de la théorie marxiste et du mouvement communiste, mais ses idées et son image sont instrumentalisées par des camps politiques opposés. Sa mémoire est ainsi récupérée par les régimes dubloc de l'Est — sa tombe et celle de Karl Liebknecht deviennent enRépublique démocratique allemande le lieu d'une cérémonie d'hommage annuelle — sans que sa pensée politique y soit un objet d'études approfondies. Le régime est-allemand rend hommage à Rosa Luxemburg en tant que« martyre » de la révolution, jusqu'à lui vouer une forme de« culte » mais, paradoxalement, sans prendre en considération son apport politique ni le détail de ses idées. Durant laguerre froide, Rosa Luxemburg se trouve ainsi honorée par les mêmes dirigeants communistes qui avaient précédemment interdit ses écrits. Une place du quartier deBerlin-Mitte, alors situé dans lazone soviétique (puis àBerlin-Est), est baptisée en1947 en son honneurLuxemburgplatz, avant de prendre en1969 le nom deRosa-Luxemburg-Platz, qu'elle conserve après la chute dumur et laréunification allemande[93],[94].
En parallèle, et surtout à partir desannées 1960, l'héritage politique de Rosa Luxemburg continue d'être revendiqué par des communistes anti-staliniens ainsi que par une série de courants « gauchistes »,trotskistes oulibéraux. Les uns font de Rosa Luxemburg une« citoyenne du monde », voire une« libertaire », tandis que les autres voient en elle l'apôtre de laRépublique des conseils contre le centralisme des bolcheviks, alors même qu'elle n'a jamais théorisé la fonction et le pouvoir que pourraient prendre lesconseils ouvriers dans une société socialiste[4]. LapolitologueHannah Arendt, dans un article repris en chapitre dans son ouvrageVies politiques[95], salue les apports de cette figure dumarxisme — mais non marxiste orthodoxe, note-t-elle, et« si peu orthodoxe… qu'on pourrait douter qu'elle ait été marxiste tout court »[96] — à la critique de lathéorie politique léniniste et du systèmeparlementairelibéral, exprimant le souhait qu'une place soit faite à ces conceptions dans les programmes de science politique des pays occidentaux[97]. AuXXIe siècle, différents courants de pensée degauche, ouféministes, continuent de se référer, dans diverses mesures, à Rosa Luxemburg[93],[94].
Rosa Luxemburg, bien que provenant d'une famille juive, fut élevée dans les culturespolonaise etallemande. Elle se définissait toujours commePolonaise, sans attachement particulier à ses origines juives. Elle manifestait même une certaine hostilité envers la culture judaïque. SelonTadeusz Radwański(pl), membre duSDKPiL, Luxemburg ne considérait pas leyiddish comme une langue distincte, mais plutôt comme un simple « jargon »[98].
Elle entretenait une profonde admiration pour la cultureromantique polonaise, notamment pour les œuvres d’Adam Mickiewicz, qu’elle citait dans sa publication de 1895Niepodległa Polska i sprawa robotnicza (« Une Pologne indépendante et la cause ouvrière »). Luxemburg utilisait des extraits dePan Tadeusz pour démontrer que la réalisation de la question nationale ne pouvait être possible qu'à travers la lutte internationale des travailleurs pour lesocialisme. Ses lettres àLeo Jogiches comportent également de nombreuses références à Mickiewicz. Dans son articlePages du passé, Luxemburg considérait Mickiewicz comme le plus grand poète polonais, dont les œuvres auraient permis à la Pologne de s’intégrer aux nations les plus civilisées. Selon elle, l’œuvre de Mickiewicz reflétait la dernière phase de lanoblesse polonaise, à la veille de son déclin et de son remplacement par des relations de productioncapitalistes modernes. Ce processus avait transformé une noblesse appauvrie mais encore patriote en unebourgeoisie cynique et prête à collaborer avec l’occupant[98].
Dès les débuts dumouvement ouvrier polonais, l’indépendance de la Pologne fut une question très débattue. La première organisation à laquelle Luxemburg appartint, le parti « I Proletariat(pl) », prônait la solidarité internationale des travailleurs et rejetait l’indépendance comme objectif prioritaire[99]. Cette position influença Luxemburg tout au long de sa vie, notamment en raison de son interprétationmatérialiste dialectique de l’histoire[100].
En 1893, Luxemburg représenta laSocial-démocratie du royaume de Pologne lors du congrès de laDeuxième Internationale àZurich. Elle s’y opposa aux partisans de l’indépendance, futurs membres duPPS. Luxemburg affirmait que la priorité devait être donnée à la lutte contre lecapitalisme, reléguant la question nationale à l’arrière-plan jusqu’à l’émancipation universelle des prolétaires. Selon son biographePaul Frölich, son discours marqua une rupture, car lessocialistes avaient jusque-là suivi les thèses deMarx etEngels sur le rôle révolutionnaire des insurrections nationales polonaises[101].
Dans sa brochureW obronie narodowości (« En défense de la nationalité », 1900), Luxemburg défendit cependant le droit du peuple polonais à préserver son identité et sa langue, tout en dénonçant les élitescapitalistes allemandes comme responsables des politiques d’assimilation forcée[102].
Rosa Luxemburg estimait que la Pologne avait droit à sa langue, ses écoles et une culture libre. Selon elle, l'indépendance ne pourrait advenir que par une grande guerre, ce qui s’est effectivement produit. Elle considérait que le monde s’était habitué à l’absence de la Pologne sur la carte et que les nations européennes devaient tendre vers une fédération pacifique. Pour elle, les guerres constituaient la plus grande menace pour l’humanité.
Luxemburg associait son rejet de l’indépendance à ses recherches sur ledéveloppement économique en Pologne et les conditions de vie desouvriers polonais. Elle craignait qu’une indépendance prématurée ne mène à unerécession économique nuisible à la classe ouvrière. Toutefois, tant que lecapitalisme polonais restait embryonnaire et que l’Empire russe restait dominant, elle soutenait certains mouvements patriotiques polonais pour leur caractère progressiste[101]. Luxemburg redoutait toutefois que ces mouvements ne fomentent des querelles inutiles entre nations au détriment des luttes économiques[104].
Dans son article de 1895 sur « Le social-patriotisme en Pologne » (Socjalpatriotyzm w Polsce), Luxemburg affirmait[105] :
Les tâches du prolétariat polonais sont identiques à celles dessociaux-démocrates dans tous les autres pays : démocratiser les conditions politiques existantes. En intégrant la Russie et la Pologne dans un même mécanismecapitaliste, le prolétariat polonais et russe forme uneclasse ouvrière unifiée, dont l’objectif principal est de renverser letsarisme. […] La lutte pour la liberté politique en Russie permettrait aux ouvriers polonais non seulement de défendre leurs intérêts mais aussi de garantir l’autonomie nationale.
Elle préconisait uneautonomie locale pour la Pologne au sein de l’Empire russe, favorisant ladémocratisation par le biais d’un pouvoir local, avec des compétences enéducation,santé, législation et droits destravailleurs. Luxemburg voyait dans cette autonomie une opportunité pour les sociaux-démocrates de renforcer les droits populaires, tout en s’opposant aux tendances centralisatrices et autoritaires ducapitalisme impérialiste[101].
En dépit de sa nationalité polonaise et de ses liens étroits avec la culture polonaise, son opposition à l'indépendance de laDeuxième République polonaise et les critiques ultérieures desstaliniens ont fait de Rosa Luxemburg une figure historique controversée dans le discours politique de laTroisième République polonaise contemporaine[106],[107],[108].
À l'époque de laRépublique populaire de Pologne, une usine de fabrication de lampes électriques a été créée dans le quartierWola deVarsovie, à qui l'on a donné le nom de Rosa Luxemburg. L'usine a été privatisée en 1991, puis divisée en quatre sociétés différentes ; les bâtiments de l'usine ont été vendus en 1993 et sont tombés en désuétude en 1994[109]. Une rue de la ville deSzprotawa portait autrefois le nom de Luxemburg (ulica Róży Luksemburg), jusqu'à ce qu'elle soit rebaptiséeulica Różana (« rue des Roses ») en septembre 2018[110]. De nombreuses autres rues et localités en Pologne portaient ou portent encore le nom de Rosa Luxemburg, comme à Varsovie, Gliwice, Będzin, Szprotawa, Lublin, Polkowice, Łódź, etc[111],[112],[113],[114],[115]. Des efforts ont également été déployés pour installer des plaques commémoratives en sa mémoire, comme àPoznań et dans sa ville natale deZamość. En 2019, une visite guidée de 45 minutes sur les lieux associés à la vie de la révolutionnaire polonaise a été organisée à Varsovie. Une statue d'elle réalisée par Alfred Jesion a également été exposée à lacitadelle de Varsovie, dans le cadre de la Galerie de sculpture polonaise des années 1950[112].
Rosa Luxemburg a laissé unecorrespondance importante d’une qualité littéraire reconnue. Le satiristeKarl Kraus évoque notamment une lettre écrite àSophie Liebknecht, depuis la prison pour femmes deBreslau, en ces termes :« ce document d’humanité et de poésie unique en son genre »[116] devrait selon lui figurer dans les manuels scolaires de toute république, entreGoethe etClaudius[117].
En2006, la comédienneAnouk Grinberg lit des lettres de Rosa Luxemburg à ses amies (Luise Kautsky, Sophie Liebknecht, notamment) pendant ses détentions, dans un spectacle intituléRosa, la vie authéâtre de l'Atelier àParis. En 2009, ces lettres (dans la traduction d'Anouk Grinberg et de Laure Bernardi) sont publiées sous le même titre auxÉditions de l'Atelier.
Ce projet éditorial a été mené conjointement entre 2009 et 2023 par leséditions Agone et le collectif d'édition Smolny qui en avait la maîtrise d'œuvre, et par ce dernier seul depuis 2023.
Tome I :Introduction à l'économie politique (2009 et nouvelle édition 2021)
Avant-propos du collectif Smolny
Introduction générale deLouis Janover : « Rosa Luxemburg, L'histoire dans l'autre sens »
« Introduction à l'économie politique » (1907-1917)
Repères chronologiques 1857 - 1925
Bibliographie indicative
Tome II :À l'école du socialisme (2012)
Avant-propos du collectif Smolny
I. Éléments d’éducation politique : « Conférence sur l’économie politique » (1907) — « Discours sur la question de l’École du parti » (1908) — « École du syndicat et École du parti », (1911)
II. Lire Karl Marx : « De l’héritage de nos maîtres (1) » (1901) — « De l’héritage de nos maîtres (2) » (1901) — « De l’héritage de nos maîtres (3) » (1902) — « De l’œuvre posthume de Karl Marx » (1905)
III. Matériaux pour une histoire de l’économie politique (1907-1913) : « Histoire de l’économie politique » — « Sur l’esclavage » — « Notes sur la forme économique antique / esclavage » — « Économie politique pratique. Le livre II du Capital de Marx » — « Économie politique pratique. Le livre III du Capital de Marx » — « Le contenu de la théorie du fonds de salaire » — « Histoire des théories des crises »
Postface : « Comment faire passer l’économie politique : Rosa Luxemburg enseignante » par Michael Krätke
En 1926, l'architecteLudwig Mies van der Rohe érige un monument dédié à Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht à Berlin, dans le quartier de Friedrichfelde. Ce monument sera détruit par les nazis moins d'une décennie après sa construction.
1928 :Das Berliner Requiem (Le Requiem berlinois), « petitecantate » pour ténor, baryton, chœur d'hommes (ou trois voix d'hommes) et orchestre de cuivres deKurt Weill sur un texte deBertolt Brecht, notamment le2e et le3emouvement,Une jeune fille noyée etÉpitaphe.
1949 :Alfred Döblin fait de Rosa Luxemburg l'un des personnages centraux du quatrième volume de. Une révolution allemande : Karl & Rosa[118].
Rosa Luxemburg, « sainte laïque » de l'imaginaire communiste en URSS, figure indirectement dans le romanTchevengour d'Andreï Platonov, idéal fantasmé de l'un des personnages principaux.
En1970, en un long poème,Rosa Lux, créé sur la scène duthéâtre des Carmes,André Benedetto fait resurgir Rosa Luxembourg et ses luttes« en une espèce d'hommage qui tombe à cheval entre le centenaire de sa naissance et le cinquantenaire de son assassinat »[119],[note 4].
En 1972, à Bruxelles, au Théâtre Poème, Yves Bical met en scène la Rosa Lux de Benedetto, avec Robert Lemaire, Monique Dorsel, Catherine Simon et Carine Sombreuil.
Pierre Bourgeade a consacré, en1977, une pièce à Rosa Luxemburg :Étoiles rouges, en jumelant son destin tragique à celui deMarilyn Monroe.
En 2010,Claire Diterzi, auteure-compositrice-interprète, crée avecMarcial Di Fonzo Bo auThéâtre du Rond-Point un spectacle musical intituléRosa la Rouge, en présentant la vie de Rosa Luxemburg sous l'angle de sa vie affective et militante.
En 2014,Anne Blanchard, auteur pour la jeunesse, a publiéRosa Luxemburg. Non aux frontières, Actes Sud junior, un roman paru dans la collection « ceux qui ont dit non » sous la direction de Murielle Szac.
En 2014, l'artiste plasticien Nicolas Milhé, réactualise la figure de Rosa Luxemburg avec une sculpture contemporaine sur marbre blanc puis sur bronze.
De 1949 à 1974, le souvenir de Rosa Luxemburg est entretenu par les administrations postales des deuxAllemagne. À l'Est, dès1949, la poste de la zone d'occupation soviétique édite un timbreIn Memoriam du. Elle est associée à la figure deKarl Liebknecht, comme lors des émissions postérieures réalisées enRDA qui se chiffrent à cinq :
en 1959, dans une série de deux valeursin memoriam 15.1.1919, l'une d'elles la représente, l'autre timbre présentant Karl Liebknecht ;
en 1966, dans un bloc de deux timbres pour l'anniversaire de la conférence fondatrice du groupespartakiste de 1916 (Reichskonferenz der Spartakusgruppe), elle figure sur l'un en médaillon à côté de Liebknecht, l'autre timbre reproduisant le Manifeste de Spartacus ;
en 1967, dans une série de trois valeurs émise pour le cinquantenaire de la Révolution de en Russie (50.Jahrestag der Novemberrevolution), elle est de nouveau associée à Karl Liebknecht, les deux autres vignettes célébrantLénine et la création du journalDie Rote Fahne (Le Drapeau rouge) ;
en 1971, une série de deux timbres en paire émise à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance rappelle son souvenir ainsi que celui de …Karl Liebknecht.
Plaque 21 rue Feutrier (Paris).
LaRFA émet en, un timbre à son effigie, dans le cadre d'une série de quatre valeurs en hommage aux femmes célèbres (Bedeutende Frauen). Les trois autres timbres-poste concernent les féministesLuise Otto-Peters,Helene Lange etGertrud Bäumer.
↑Aucune certitude n'existe quant à la date de naissance de Rosa Luxemburg, car son acte de naissance a été « corrigé » par la suite en 25 décembre 1870, mais, d'après ses propres indications, elle était plus jeune. Depuis la biographie de John Peter Nettl, c'est le 5 mars 1871 qui est considéré le plus souvent comme sa date de naissance véritable. Sa tombe ne comporte d’ailleurs pas de date de naissance, l’inscription étant seulement « Rosa Luxemburg, assassinée le 15 janvier 1919 ».
↑Le nom complet du parti est alorsParti communiste d'Allemagne (Ligue spartakiste), en allemandKommunistische Partei Deutschlands (Spartakusbund).
↑Ces paramilitaires sont presque tous d'anciens officiers de lamarine impériale dirigés par le capitaine antibolchevikWaldemar Pabst. Le groupe est composé de :Hermann W. Souchon, enseigne de vaisseau, neveu de l'amiral Souchon gouverneur de Kiel ;Horst von Pflugk-Harrtung, lieutenant de vaisseau ; Heinz von Pflugk-Harrtung, capitaine ; Kurt Vogel, lieutenant en retraite ; Otto Runge, Bruno Schulze, Heinrich Stiege et Ulrich von Ritgen, enseignes de vaisseau ; etWilhelm Canaris, lieutenant de vaisseau.
↑Les trois vers sont tirés du texte d'André Benedetto,Rosa Lux, Honfleur, éditions P. J. Oswald, 1970, sérieThéâtre en France.
↑« Nous aimerions les voir à l’œuvre, ces Basques pleurnichards, les Axelrod, les Dan, les Grigoriants et compagnie qui, l'écume aux lèvres, vitupèrent contre les bolcheviks et colportent leurs misères à l'étranger, trouvant en cela — et comment donc ! — des âmes compatissantes, celles de héros tels que Ströbel, Bernstein et Kautsky, nous aimerions bien voir ces Allemands à la place des bolcheviks ! Toute leur subtile sagesse se bornerait à une alliance avec les Milioukov à l'intérieur, avec l'Entente à l'extérieur, sans oublier qu'à l'intérieur, ils renonceraient consciemment à accomplir la moindre réforme socialiste ou même à l'entamer, en vertu de cette célèbre prudence de châtré selon laquelle la Russie est un pays agraire où le capitalisme n'est pas encore à point. »,La tragédie russe, septembre 1918.
↑La révolution russe. Selon Rosa Luxemburg,« Tout ce qu'un parti peut apporter, en un moment historique, en fait de courage, d'énergie, de compréhension révolutionnaire et de conséquence, les Lénine, Trotsky et leurs camarades l'ont réalisé pleinement. L'honneur et la capacité d'action révolutionnaire, qui ont fait à tel point défaut à la social-démocratie, c'est chez eux qu'on les a trouvés. En ce sens, leur insurrection d'Octobre n'a pas sauvé seulement la révolution russe, mais aussi l'honneur du socialisme international ».
↑« La prise de possession des terres par les paysans, conformément au mot d'ordre bref et lapidaire de Lénine et de ses amis : « Allez et prenez la terre ! » conduisait au passage subit et chaotique de la grande propriété foncière non à la propriété sociale, mais une nouvelle propriété privée, et cela par l'émiettement de la grande propriété en une foule de petites et moyennes propriétés […] par cette mesure et la façon chaotique, purement arbitraire, dont elle fut appliquée, les différences sociales dans les campagnes n'ont pas été supprimées, mais aggravées au contraire […]. La réforme agraire de Lénine a créé pour le socialisme dans les campagnes une nouvelle et puissante couche d'ennemis, dont la résistance sera beaucoup plus dangereuse et plus opiniâtre que l'était celle de l'aristocratie foncière ».
↑« le caractère utopique, petit-bourgeois, de ce mot d'ordre nationaliste consiste précisément en ceci, que, dans la dure réalité de la société de classes, surtout dans une période d'antagonismes extrêmes, il se transforme en un moyen de domination de la classe bourgeoise ».
↑« La condition que suppose tacitement la théorie de la dictature selon Lénine et Trotsky, c'est que la transformation socialiste est une chose pour laquelle le parti de la révolution a en poche une recette toute prête, qu'il ne s'agit plus que d'appliquer avec énergie. ».
↑« Et c'est certainement ainsi que procéderaient les bolcheviks, s'ils ne subissaient pas l'effroyable pression de la guerre mondiale, de l'occupation allemande, de toutes les difficultés énormes qui s'y rattachent, qui doivent nécessairement défigurer toute politique socialiste animée des meilleures intentions et s'inspirant des plus beaux principes. ».
↑FrancisMoreault, « Hannah Arendt, lectrice de Rosa Luxemburg »,Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique,vol. 34,no 2,,p. 227-247(lire en ligne, consulté le).
↑a etbCzapliński W., Galos A., Korta W.,Historia Niemiec, Ossolineum, 2010,(ISBN978-83-04-05035-8).
↑Winczewski D., Prawdziwe oblicze Róży Luksemburg?, histmag.org, 2020
↑Friszke A.,Państwo czy rewolucja. Polscy komuniści a odbudowanie państwa polskiego 1892–1920, Krytyka Polityczna, 2020,(ISBN978-83-66586-19-2).
↑Kwestia polska na międzynarodowym kongresie w Londynie, [w:] Luksemburg R., Wybór pism, t. 1, Książka i Wiedza, 1959.
↑Luksemburg R., Socjalpatriotyzm w Polsce [online], Centrum Badań i Studiów Marksistowskich, 29 marca 2018
↑Tych, Feliks (2018). "Przedmowa" [Préface]. In Wielgosz, Przemysław (ed.).O rewolucji: 1905, 1917. Instytut Wydawniczy "Książka i Prasa". pp. 7–29.(ISBN978-8365304599).
↑Winkler, Anna (24 June 2019). "Róża Luksemburg. Pierwsza Polka z doktoratem z ekonomii". CiekawostkiHistoryczne.pl (in Polish).
↑Winczewski, Damian (18 April 2020). "Prawdziwe oblicze Róży Luksemburg?". histmag.org.
↑Kołakowski, Marek (23 October 2008). "Kalendarium historii polskiego przemysłu oświetleniowego". lighting.pl.
↑Alfred Döblin,Novembre 1918. Une révolution allemande : Karl & Rosa, traduit de l'allemand par Mayvonne Litaize et Yasmin Hoffmann, Agone, 2008,(ISBN978-2-7489-0079-8).
Gilbert Badia, « Présentation », dans Gilbert Badia,Rosa Luxemburg épistolière, Éditions de l'Atelier, Paris, 1995
Daniel Guérin,Rosa Luxemburg et la spontanéité révolutionnaire, Paris, Flammarion, 1971
Louis Janover,Le testament de Lénine et l'héritage de Rosa Luxemburg, Toulouse, Éditions Smolny, 2018
Antoine Chollet, Romain Felli et Marie-Claire Caloz-Tschopp (dir.),Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci actuels, Paris, Éditions Kimé, 2018(ISBN978-2-84174-890-7)
« Révolution et démocratie. Actualité de Rosa Luxemburg », numéro coordonné par Philippe Olivera et Eric Sevault, Marseille, Éditions Agone,Agone, n° 59, 2016(ISBN978-2-7489-0229-7)
Garreau Marius, « Rosa Luxemburg et la dénonciation de l’impérialisme du capitalisme »,Pour l'Eco, 2024
Louis Janover,Rosa Luxemburg, l'Histoire dans l'autre sens, dans Rosa Luxemburg,Introduction à l'économie politique,éditions Agone & Smolny, 2009, postface à la nouvelle édition 2021.
David Muhlmann,Réconcilier Marxisme et Démocratie, Le Seuil, 2010
John Peter Nettl,La Vie et l’œuvre de Rosa Luxemburg,Éditions Maspero, 1972, 2 tomes. Édition abrégée en un seul tome,éditions Spartacus, 2012, sous le titreRosa Luxemburg
Kornelia Kończal,“Ich war, ich bin, ich werde sein”? Rosa Luxemburg in den deutschen und den polnischen Erinnerungen (avec Maciej Górny),Germanica Wratislaviensia nº 137, 2013, p. 161–181.
Jean-Numa Ducange,Rosa Luxembourg. Une femme en révolutions, Calype, 2023, 110 pages.