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Ne pas confondre avec son frèreRené Pingeon, brièvement coureur cycliste professionnel en 1969.
| Nom de naissance | |
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| Naissance | |
| Décès | |
| Sépulture | Cimetière de Beaupont(d) |
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2 grands tours 1 classement annexe de grand tour 6 étapes dans les grands tours Tour de France (4 étapes) Tour d'Espagne (2 étapes) |
Roger Pingeon, né le àHauteville-Lompnes (Ain) dans la région duBugey et mort le(à 76 ans) àBeaupont (Ain), est un coureurcyclistefrançais.
À la suite d'une carrière enindépendant qui le vit remporter laPolymultipliée lyonnaise (épreuve pourtant ouverte aux professionnels) en1964, il entame tardivement une carrière professionnelle en1965 qu'il achève en1974. Comptant plus d'une trentaine de victoires professionnelles, il a en particulier remporté deux Grands Tours, leTour de France 1967 et leTour d'Espagne 1969. Il s'est également classé second duTour de France 1969, battu parEddy Merckx.
Après sa carrière cycliste, il a longtemps été consultant sportif à laTélévision suisse romande de1979 à1998, en général associé au journalisteBertrand Duboux. Son frèreRené, également coureur professionnel en 1969, fut son équipier lors de sonTour d'Espagne victorieux.
Roger Pingeon est originaire d'Hauteville et plus exactement duhameau des Lésines[1], situé à 2,5 kilomètres du bourg, où ses parents avaient alors une ferme. Il a quatre frères, dont trois frères aînés respectivement nés en 1930, 1932, 1933 et René son frère cadet (né en 1943)[2]. Plutôt bon élève à l'école communale d'Hauteville[3], il intègre lecollège de Belley[3],[Note 2] où ses résultats ne lui permettent pas d'obtenir le Brevet[3]. À la suite de cet échec, il revient (vers 1955) à Hauteville, où il intègre un cours d'agriculture[3], dans lequel il reste deux ans et qui ne le passionne guère. Il décide alors de se former au métier deplombier-zingueur[Note 3]. Pour ce faire, il doit à nouveau être pensionnaire à partir de 1957, dans un établissement scolaire deBourg-en-Bresse[4],[Note 4] (quartier des Vennes). Rentrant chez lui régulièrement, c'est durant cette période qu'il découvre lecyclisme : il y a un club cycliste à Hauteville, dans lequel sont affiliés un voisin des Lésines, Maurice Grigis[5] et un ami de celui-ci Jean Flochon[5]. C'est avec eux, que Roger Pingeon fait ses premières sorties à bicyclette et qu'il s'initie à la course cycliste. Dès 1957, Roger Pingeon décide donc de se lancer dans la pratique régulière du cyclisme ; dans le but d'ensuite demander une licence à lafédération, il passe une visite médicale à Bourg-en-Bresse (en vue de l'obtention du certificat nécessaire) durant laquelle est détectée unearythmie cardiaque[6]. Son certificat médical n'est donc pas délivré[6]. Roger Pingeon fait une autre tentative auprès d'un médecin d'Hauteville, qui lui délivre le certificat[7]. Ce souvenir fera dire à Roger Pingeon :« S'il n'avait pas signé, je n'aurais jamais fait de vélo. Mes débuts ont tenu à un fil[7]... »
Roger Pingeon intègre donc le club local dans lequel le coureur phare estJoseph Carrara[8] (qui passera professionnel trois ans plus tard). De 1957 à 1959, affilié au club local, il gagne plusieurs courses lui permettant de passer de la4e catégorie à la1re catégorie[9]. En 1959, quelque temps avant de partir auservice militaire, il est recruté par l'équipegrenobloiseLibéria, alors conduite parHenry Anglade[9]. Il n'aura pas réellement l'occasion de courir sous ses nouvelles couleurs car il est, peu de temps après, appelé pour effectuer son service qui débute par sept mois aucamp de La Valbonne[10] (où il devient instructeur en transmissions) avant de partir quatorze mois enAlgérie[11] où il ne participe pas aux combats[11].
Il revient fin 1962 d'Algérie[12]. Il rencontre Dany[Note 5] peu de temps après, qu'il épouse en février 1963[12]. Ils deviennent parents de Nicole (née fin 1963) et d'Alain (né début 1965)[12]. Roger Pingeon et sa famille s'établissent alors àTenay où Roger travaille pour le compte de son frère Pierre, comme plombier-zingueur[12].
Le retour à la compétition de Roger Pingeon en 1963 n'est guère concluant[12] ; surtout, la possibilité d'intégrer une équipe telle que Libéria a disparu[12]. Il court donc dans une modeste équipe de Bourg-en-Bresse[12] jusqu'à ce qu'il ait la possibilité d'intégrer l'ASEBLyon[Note 6] (sans doute grâce àJean Dumont[12], également originaire duBugey), club avec lequel il adopte le statut d'indépendant[12]. Pour se donner toutes les chances de réussir et pour réellement évaluer si un avenir professionnel est envisageable, il négocie avec son frère et patron, un arrêt de la plomberie pendant trois mois (entre mars et mai 1964) pour se consacrer uniquement au cyclisme[13]. La tentative est une réussite : Roger Pingeon remporte une quinzaine de victoires pendant le délai défini[13]. Il fait également la rencontre dePaul Gutty qui devient pour lui, une sorte de partenaire de course :
« Paul et moi, on gagnait bien notre vie et comme je récupérais plutôt bien dans l'enchaînement de toutes ces courses, l'ambition a commencé à naître[13]. »
Il envoie donc une candidature spontanée àGaston Plaud, alors patron de l'équipe cycliste Peugeot qui décline cette proposition et justifie ce refus ainsi : l'année1964 étant olympique, toutes les places disponibles ont été obtenues par des coureurs de l'équipe de France de retour deTokyo[14]. Roger Pingeon continue donc sa carrière d'indépendant et, en septembre 1964, il s'inscrit aux deux courses de laPolymultipliée lyonnaise : celle du samedi (ouverte aux amateurs) et celle du dimanche (ouverte aux indépendants et aux professionnels)[14]. Il finit deuxième de la course amateur (derrière Paul Gutty) et remporte la course du dimanche, battant au passage plusieurs coureurs professionnels[14]. Roger Pingeon envoie alors à nouveau une demande à Gaston Plaud[15] qui cette fois accepte de l'engager ; mais pour un salaire bien en deçà de ce qu'il pouvait avoir en indépendant. Malgré tout, Roger Pingeon devient professionnel au sein de l'équipe Peugeot[15] et se remémore la signature de son premier contrat professionnel ainsi :
« Il m'a offert le SMIG. On ne pouvait pas imaginer une offre plus minable. [...] Mais j'étais coincé par l'âge. J'allais sur mes 25 ans, si je voulais passer pro un jour, il était plus que temps de franchir le pas[15]. »
La saison 1965 constitue donc la première saison professionnelle de Roger Pingeon au sein de l'équipe Peugeot conduite parTom Simpson. Il sympathise avecChristian Raymond qui devient son compagnon de chambrée[16]. Après avoir obtenu la5e place duCritérium du Dauphiné libéré[17], il participe auGrand Prix du Midi libre qui lui apporte une certaine déconvenue[18] ; en effet, deuxième de la3e étape derrièreRoger Milliot[19] et devantRaymond Mastrotto, après une échappée de 195 kilomètres[20], Roger Pingeon endosse le maillot de leader du général[20], qu'il porte donc au cours de la4e et dernière étape.Miroir Sprint[21] relate ainsi l'issue de cette3e étape :« Roger Pingeon, l'un des plus brillants éléments de la nouvelle vague du cyclisme français, est devenu à Montpellier leader du Midi Libre, reléguant son prédécesseurJanssen à 2' 36"[20]. »
Fort de cet avantage, Roger Pingeon espère sa première victoire professionnelle ; mais les choses ne se déroulent pas ainsi lors de la4e étape : il voit une bonne partie de son équipe (dont Simpson son leader) rouler contre lui. Il finit tout de même à une honorable7e place au général. Cette opposition inattendue semble trouver son origine dans une volonté de l'organisateur[Note 7] d'offrir au Midi Libre un vainqueur prestigieux et surtout pas un « néo-pro ». C'est en tout cas ce que rapporte Jean Périllat[21] :« La réussite de Roger Pingeon portait ombrage à ses aînés. Sa victoire n'était même pas souhaitée par l'organisateur qui rêvait d'un héros plus affirmé. »[22],[23]
En 1965, Roger Pingeon découvre également leTour de France durant lequel il glane quelques places d'honneur (2e de la8e étape àBordeaux, derrièreJo de Roo[24] et3e de la18e étape courue encontre-la-montre et se terminant aumont Revard[25]), il subit une chute dans l'Aubisque au cours de la9e étape (sans trop de conséquences physiques mais qui lui cause un important retard sur les gagnants du jour)[26] et s'adjuge finalement la12e place au général. En fin de saison, Pingeon se classe5e duGrand Prix des Nations puis2e de laCoppa Agostoni[17].
En 1966,Eddy Merckx intègre l'équipe Peugeot, devenant ainsi le leader principal de Roger Pingeon. Il est d'ailleurs présent en mars, au départ deParis-Nice auquel Pingeon participe également. Dans l'étape 2b courue entreMontceau-les-Mines etMâcon, il se classe3e[27] ce qui lui permet d'endosser le maillot de leader qu'il conserve jusqu'au soir de la4e étape (le 11 mars) quand il abandonne cette place de1er au classement général à un de ses coéquipiers de chez Peugeot,Désiré Letort[28]. Le 13 mars au matin, Roger Pingeon informe ses coéquipiers de ses plans pour la journée[29] et les met en application en s'échappant dès le début de l'étape 6a (Bastia - Bastia)[29]. Malheureusement pour lui, il subit deux crevaisons au cours de cette demi-étape (sans pouvoir être rapidement assisté la seconde fois) ce qui cause chez lui une immense déception[29]. Le 13 mars à midi, il annonce son abandon de la course et surtout son retrait immédiat du cyclisme professionnel[30],[5]. Roger Bastide commente ainsi dansMiroir Sprint ce soudain arrêt de sa carrière :« Roger Pingeon n'a-t-il pas éprouvé un sentiment de frustration ? [...] Quand il a crevé, bien plus tard, l'affaire était réglée. Ce n'est pas cette crevaison qui peut avoir provoqué sa décision de raccrocher. [...] Et il faut bien faire le rapprochement avec la façon fort suspecte, qu'il n'avait pu oublier, dont Pingeon perdit le Grand Prix du Midi Libre l'an dernier[30]. » Dans leMiroir des Sports de mars 1966,Pierre Chany relate l'entretien qu'il eût avec Roger Pingeon ce 13 mars 1966 (et auquelJacques Anquetil — préparant son vélo à proximité — participa)[30] :« C'est décidé, plus jamais je ne monterai sur une bicyclette ! Le cyclisme depuis l'an passé ne me rend pas ce que je lui donne. Au fond, je ne suis peut-être pas fait pour ce métier ! » Des réponses et des encouragements à continuer émanent alors de quelques coureurs présents à proximité (dontRoger Rivière qui évoque ses difficultés à revenir à la suite de son accident auTour de France 1960), auxquels Roger Pingeon répond :
—« Non c'est fini, je vais reprendre mon ancien métier. » – Roger Pingeon
—« Quel métier ? » –Pierre Chany
—« Plombier-zingueur ! » – Roger Pingeon
—« Alors cet homme est fou. » –Jacques Anquetil
Roger Pingeon continue pourtant la compétition professionnelle (malgré ses déclarations) et il obtient même la deuxième place auCritérium national (couru fin mars et dont il gagne la seconde étape[31]). Cependant, au mois de juin, une seconde vague de découragement semble le submerger lors duCritérium du Dauphiné libéré[32]. En effet, il éprouve quelques difficultés à tenir le rythme et est contraint à l'abandon au cours de l'ascension ducol du Chat[32]. Semblant regretter d'être revenu sur sa décision, il annonce à nouveau son retrait du cyclisme professionnel[32],[5]. Ce second renoncement s'apparente au premier par sa conclusion : en effet, Roger Pingeon est bien présent au départ duTour de France 1966[33]. Son bon résultat obtenu l'année précédente n'est d'ailleurs pas oublié comme en témoigneFrançois Terbeen dansMiroir du cyclisme[33], qui rappelle également sa seconde place obtenue auCritérium national durant l'année (derrièreRaymond Poulidor). Selon lui,« Roger Pingeon a été la principale révélation du Tour de France 1965. [...] Il se doit de confirmer. Déjà il l'a fait en prenant la2e place derrière Raymond Poulidor dans le Critérium national. »
Roger Pingeon améliore son résultat duTour de France 1965 en se classant8e, à 8 minutes 22 secondes du vainqueurLucien Aimar[34]. En fin d'année, Pingeon est4e duGrand Prix des Nations[17]. À l'issue de la saison, ses résultats lui permettent d'obtenir la5e place duPrestige Pernod[Note 8].
| Image externe | |
| Minute de silence en hommage à Tom Simpson, au départ de la14e étape. De gauche à droite :Gimondi,Goddet,Lévitan, Roger Pingeon (maillot jaune),Barry Hoban (futur vainqueur de l'étape) en pleurs. | |
Troisième deGênes-Nice à la fin du mois de février[17], Roger Pingeon chute assez lourdement lors deParis-Nice[35] ce qui l'oblige à garder le repos pendant plus d'un mois. Il fait un retour tardif à la compétition auTour d'Italie sur lequel il aide autant que possibleJacques Anquetil (pourtant leader d'une autre équipe)[36]. Il abandonne leGiro au cours de la20e étape[37] après avoir été classé dans les dix premiers au classement général[38]. AuGrand Prix du Midi libre, il termine2e à 4 secondes deMichel Grain ; auxBoucles de la Seine[35], il se classe4e. Il n'est donc pas victorieux dans cette première partie de saison mais sa chute de Paris-Nice lui a permis de se reposer ; cet incident lui fait d'ailleurs dire :« Au départ du Tour, je possédais des réserves terribles[36]. »
LeTour de France 1967 (comme lesuivant) voit un retour à un fonctionnement par équipe nationale : Roger Pingeon se retrouve donc sélectionné par le directeur technique nationalMarcel Bidot. Il est l'un des trois leaders de l'équipe, aux côtés deLucien Aimar, vainqueur de l'édition précédente, et deRaymond Poulidor qui semble à la fois avoir la préférence du DTN ainsi que celle du public français[39]. Il n'y a pas de leader incontestable donc mais un petit désavantage pour Pingeon qui ne compte aucun « équipier » issu de Peugeot dans ce groupe, contrairement à Aimar qui peut compter sur quatre transfuges de chezBic (Lemeteyer,Novak,Riotte etStablinski) et à Poulidor qui compte deux équipiers de chezMercier-BP-Hutchinson (Foucher etGenet)[39]. Auteur d'une longue échappée solitaire de 57 kilomètres[40] dans l'étapeRoubaix-Jambes qui emprunte des secteurs pavés duParis-Roubaix, il parvient à remporter le premier secteur de cette5e étape. Il prend au passage plus de six minutes sur la plupart des favoris[40],[Note 9] et il décroche son premiermaillot jaune[40]. Il parvient à le conserver jusqu'àParis, le laissant juste àRaymond Riotte, durant la8e étape. À l'issue de celle-ci (Strasbourg -Ballon d'Alsace) gagnée par Aimar, Pingeon reprend le maillot jaune, Riotte est en vert et surtout Poulidor est hors-jeu pour la victoire finale : une chute lui a fait perdre 8 minutes sur Aimar[41]. Loyal, Poulidor s'engage le soir-même àBelfort, à dorénavant soutenir Pingeon dans sa quête pour la victoire finale[41].
C'est au cours de la13e étape (Marseille -Carpentras) queTom Simpson, coéquipier de Roger Pingeon chez Peugeot, trouve la mort. Au cours de la journée de repos du lendemain est décidé, après suggestion de Jean Stablinski, de laisser la victoire dans la14e étape, à un coureur anglais[42]. Le jour d'après, la course est effectivement neutralisée etBarry Hoban gagne àSète. Roger Pingeon se classe3e de la dernière étape (Versailles -Paris) encontre-la-montre, derrière Poulidor et Gimondi. Il a ainsi le plaisir de revêtir l'ultime maillot jaune remis parMarceau Crespin,Félix Lévitan (alors directeur du Tour) etAdriano Rodoni (alors président de l'UCI) qui consacre sa victoire finale[43].
À la suite de la convocation de Marcel Bidot, il participe en septembre, auchampionnat du monde sur route, épreuve sur laquelle il se classe36e[17]. Pingeon gagne ensuite une étape deParis-Luxembourg, termine7e deParis-Tours[44], et obtient avecRaymond Poulidor la5e place duTrophée Baracchi[17]. À la fin de la saison, il est2e au classement duPrestige Pernod et4e du Super Prestige[17].


La saison commence avec l'obtention en mars de la3e place auCritérium national couru sur lecircuit automobile des Essarts[45]. Cependant, trois semaines avant leTour d'Italie, Roger Pingeon se plaint d'une vive douleur au dos[46] qui l'empêche d'envisager sérieusement de courir quelque course que ce soit. Néanmoins,Gaston Plaud insiste pour qu'il soit tout de même présent au prologue duGiro : Roger Pingeon s'exécute et le soir même du prologue, après une piètre performance due à la douleur ressentie, il quitte le Tour d'Italie[47]. Il est reconduit en équipe de France (France A), en vue duTour de France, fonctionnant à nouveau par équipe nationale. Avant le Tour, il déclare vouloir« renvoyer l'ascenseur à Poulidor qui m'a aidé en 67 »[48],[Note 10]. Poulidor ne parvient pas à gagner le Tour 1968 (abandon à la16e étape) mais Pingeon parvient tout de même à remporter deux étapes à la suite d'échappées solitaires (àAlbi, après 193 kilomètres d'échappée puis àGrenoble). Ces échappées lui permettent également de franchir en tête quelques sommets comme lecol du Granier, lecol du Cucheron ou encore lecol de Porte. À l'arrivée il s’octroie la5e place du général ainsi que leclassement de la combativité. Quelques semaines plus tard, Pingeon termine second duchampionnat de France sur route àAubenas, devancé au sprint parLucien Aimar, à l'issue d'une longue échappée commune.
À la fin de la saison, il se classe3e au classement duPrestige Pernod.

Neuvième deParis-Nice en mars, Roger Pingeon gagne en avril laFlèche enghiennoise[17] puis participe auTour d'Espagne. Grâce à une échappée en montagne lors de la12e étape, Pingeon fait coup double en gagnant l'étape et en obtenant le maillot de leader qu'il conserve jusqu'à la fin de cetteVuelta ; ceci malgré l'hécatombe qui s'abat alors sur son équipe (au rang de laquelle, se trouvait son frèreRené) : en effet seulWilly Monty termine ce Tour d'Espagne à ses côtés[49]. Pingeon remporte également le deuxième secteur de la14e étape, un contre-la-montre de 4 kilomètres. De l'avis des observateurs, il « survole » cetteVuelta, ne rencontrant presque aucune rivalité hormis celle deLuis Ocaña[49], qui finit second au classement général (après avoir gagné trois étapes et porté le maillot or pendant une étape). S'il semble avoir été au sommet de sa forme au cours de ce Tour d'Espagne, son état de fatigue immédiatement après et la perspective duTour de France qui approche, le conduisent à solliciter auprès deGaston Plaud, une dispense de courir leCritérium du Dauphiné libéré[Note 11] auquel il est pourtant inscrit. Cette dispense lui est refusée et Roger Pingeon court finalement cette épreuve sur laquelle il termine troisième au général. Dans le Tour de France, il est l'adversaire le plus sérieux d'Eddy Merckx, remportant la9e étapeThonon-les-Bains -Chamonix (passant en tête aucol des Montets) et terminant à la2e place du général, très loin du vainqueur[50] Eddy Merckx, dont il fut le principal rival. Ce dernier, participe alors à son premier Tour : il met fin quasiment à tout suspens dès la6e étape (Mulhouse -Ballon d'Alsace) qu'il remporte, avec plus de cinq minutes d'avance sur tous ses concurrents[51] (y compris Roger Pingeon). Sur ce tour, Roger Pingeon obtient également la seconde place duGrand Prix de la montagne. Ses résultats de la saison lui permettent de prendre à l'issue de celle-ci, la3e place du classement duPrestige Pernod et la6e du Super Prestige[17].

Toujours chezPeugeot-BP, l'année 1970 de Roger Pingeon commence par une3e place sur leGrand Prix de Saint-Raphaël[17] puis il décroche la11e place auTour des Flandres, à la suite d'une échappée (reprise avant l'arrivée) effectuée en compagnie d'Eddy Merckx[52]. Au départ duCritérium du Dauphiné libéré, il apprend qu'il est positif au cafilon[53], après un contrôle effectué sur lesQuatre Jours de Dunkerque couru quelques semaines avant. Malgré des difficultés respiratoires au cours de l'épreuve, il parvient tout de même à décrocher la seconde place au classement général de ce Dauphiné 1970[54]. Ennuyé par des problèmes de tendinite au genou droit, il est contraint à l'abandon dès la7eb étape duTour de France[55]. En 1971, un nouveau contrôle positif sur leTour des Flandres[56] provoque la suspension de Roger Pingeon durant quatre mois (jusqu'à mi-août) ce qui le prive duTour de France. Il est à nouveau suspendu par laFédération française de cyclisme, fin août, pour cause de procédure engagée à son encontre[57]. En effet, Roger Pingeon a attaqué en justice la FFC, pour entrave à la législation du travail[57] ; il reçoit alors le soutien de plusieurs personnalités politiques[57] et obtient gain de cause ce qui lui permet de faire son retour à la compétition dès septembre 1971[57]. Il parvient notamment à accrocher la troisième place duTrophée Baracchi en compagnie deBernard Thévenet, la troisième de laCoppa Agostoni et la cinquième duGrand Prix des Nations[17]. Ces places d'honneur ne masquent toutefois pas son absence de succès, au cours de cette saison presque blanche. Durant l'hiver 1971, Roger Pingeon qui habite alors dans l'Isère déménage dans leNord àSaint-Saulve[58].
En 1972, Pingeon est septième deParis-Nice en mars avant de gagner avec Peugeot le contre-la-montre par équipes duTour de Romandie qu'il finit en cinquième position[17]. Il parvient également à obtenir la seconde place duTour de Suisse[59]. Il signe également un succès en s'adjugeant la1re étape duCritérium du Dauphiné libéré. Sa fin de saison est tronquée puisqu'il arrête sa carrière en juillet (après son abandon dans leTour de France 1972[60]) pour finalement la reprendre dès janvier1973[60] à la suite d'une proposition deJean de Gribaldy[60].


Jean de Gribaldy est alors directeur sportif et il cherche à recruter Roger Pingeon pour une petite équipeAllemande nomméeRokado qu'il équipe en vélos à son nom[61], en 1973. Les premières sorties de Pingeon ne sont pas concluantes[62]. En avril, il participe auTour d'Espagne qu'il abandonne rapidement[62] dès la5e étape[63], à cause d'une blessure (fêlure du bassin) consécutive à une chute. Il ne court pas leTour de France et ne participe finalement sous les couleurs de Rokado, qu'à quelques critériums de fin de saison[64].
La saison suivante Pingeon signe chez l'équipe françaiseJobo-Lejeune[65]. Dans cette équipe aux moyens modestes, il signe tout de même trois victoires au cours de la saison, dont leGrand Prix de Plumelec[66]. À noter également, une3e place auTrophée des grimpeurs, une5e auCritérium du Dauphiné libéré et surtout une11e place au général duTour de France[66].
Roger Pingeon a reconnu avoir parfois utilisé desamphétamines[67] même si son utilisation, alors généralisée dans le peloton, semble avoir été marginale le concernant. Introduites dans les années 1930, les amphétamines sont utilisées massivement par les coureurs à partir des années 1950[68]. La conscience des effets négatifs et des dangers de ce produit grandit dans les années 1960 à la suite de plusieurs incidents, parfois mortels. Les premières lois antidopage sont votées en 1965, les premières sanctions interviennent en 1966[69], soit au moment où Roger Pingeon commence sa carrière professionnelle. La mort deTom Simpson, coéquipier de Pingeon, en 1967 constitue un « électrochoc »[70] et les contrôles antidopage deviennent systématiques aux arrivées de chaque étape du Tour en 1968[71]. Il lui arrivait également de prendre du cafilon[Note 12] pour les« belles épreuves »[67]. C'est cette substance qui est détectée lors de son contrôle positif sur lesQuatre Jours de Dunkerque1970[53] ;Cyrille Guimard etJosé Catieau sont également déclarés positifs au même produit et sur la même épreuve[53]. Pour ce contrôle positif, Roger Pingeon écope d'un an[56] de suspension avec sursis[72],[73]. En 1971 (durant la période de sursis), il est à nouveau contrôlé positif sur leTour des Flandres[56], ce qui implique une suspension de quatre mois ferme à effet immédiat, qui le prive duTour de France 1971[74],[73].
Face à cette suspension ferme, Roger Pingeon décide d'attaquer la fédération française en justice pour entrave à l’exercice de sa profession[57]. Surtout, la fédération, en le suspendant à nouveau (à la suite de son dépôt de plainte) lui dénie le droit de contester sa décision[57]. « L'affaire Pingeon » fait grand bruit dans les médias français et certains politiques s'en emparent[57] en la rapprochant d'une autre affaire de suspension, celle de son amiPaul Gutty[Note 13],[57]. Ainsi,Francis Vals soumet une question écrite à lacommission européenne sur les cas Pingeon et Gutty[57] ; de son côté, le député de laNièvre,François Mitterrand déclare que« l'application par une fédération sportive française d'une disposition internationale aboutit en fait à priver des coureurs cyclistes professionnels d'exercer leur profession[75]. » Il demande alors auministre de la Justice de« bien vouloir l'informer de la nature juridique des obligations contractées par le coureur Roger Pingeon et les effets qu'il convient d'en tirer au regard de nos lois »[75]. Finalement, c'est leConseil d'État qui annule l'extension par laFFC et au territoire français, de la décision de lafédération belge de suspendre Pingeon pour quatre mois[76]. Cette décision semble avoir, de fait, « levé » la suspension de septembre 1971, sans objet.

La plupart des commentaires de ses pairs évoquent un fort caractère, une indéniable intelligence de course et de manière plus générale, une dissonance par rapport au comportement habituel d'un coureur du peloton professionnel ; ainsiRaphaël Géminiani a déclaré« si Pingeon n'avait pas cette tête de cochon, il aurait sûrement eu une carrière beaucoup plus brillante »[77] ;Jean Dumont, plus nuancé, déclare qu'« il était considéré comme un gars aux dons exceptionnels mais au caractère bien trempé »[77]. Ces commentaires sont complétés par ceux deChristian Raymond :« ce garçon est un caractériel mais tout le monde l'aimait, même si tous le prenaient pour un fou[78] ».Jean-Marie Leblanc conclut en précisant que« Roger n'était pas marginal, pas solitaire mais un peu original[79] ».Henry Anglade, de son côté, évoque la victoire dans le Tour 1967 :« L'équipe de France ? C'était une équipe où il y avait toujours trente-six leaders. Donc le vrai leader, c'est celui qui a le plus de personnalité pour faire la différence. Pingeon avait en face de lui Raymond Poulidor et il a "bouffé" Raymond[80] ! »
Outre ses renoncements annoncés (puis abandonnés) de la compétition professionnelle (en 1966), un autre évènement a participé à lui donner l'image d'un garçon au« caractère bien trempé » : au cours de la14e étape duTour de France 1969, Roger Pingeon, excédé par l'attitude jugée individualiste deRaymond Delisle, le gifle en pleine course et devant tout le peloton[81]. En effet, le comportement désinvolte de son équipier Delisle lui faisait craindre la perte de sa seconde place au classement général[81]. Delisle choisit alors d'apporter une réponse sportive à l'incident[82]: deux jours plus tard, il remporte la16e étape (Castelnaudary -Luchon) le jour du14 juillet, avec le maillot tricolore dechampion de France sur les épaules.

À la suite de sa dernière saison pour Jobo-Lejeune en 1974, Roger Pingeon arrête le cyclisme et change radicalement d'univers professionnel[83]. Il commence par tenir un bar àMaubeuge dans leNord, en compagnie de sa seconde épouse Anne-Marie[84], activité qu'il conserve jusqu'en 1976[83]. En 1977, il abandonne le café de Maubeuge pour ouvrir un commerce de fleurs àValenciennes[85]. Parallèlement, il s'intéresse de près autrot, apprend lui-même à « driver » et possède même une petite écurie[86]. Son déménagement en 1981, versMontpellier, pour y tenir à nouveau un commerce de fleurs, l'oblige à vendre ses chevaux[85]. À partir de 1990, et alors que Roger Pingeon habite dans le Sud (àFrontignan[84]) avec Marthe sa troisième épouse, il est recruté par l'office départemental des sports de l'Hérault (ODSH) pour s'occuper des questions de cyclisme[84]. C'est durant cette période qu'est créée la coursecyclotouriste « La Roger Pingeon », longue d'environ 150 kilomètres et qui part chaque année deGignac[84]. Elle sera par la suite rebaptisée « L'Héraultaise Cyclosportive Roger Pingeon »[87].Depuis lesannées 2000, Roger Pingeon habite le villagebressan deBeaupont, dans l'Ain[84].
En1975, il est contacté parDaniel Pautrat, alorscommentateur du Tour de France pourTF1[83]. Il lui propose d'être consultant sur leTour de France 1975, proposition que Roger Pingeon accepte[83]. Cette première expérience de consultant paraît pour Roger Pingeon (et avec un certain recul), assez contrastée :« C'était extrêmement contraignant. On passait des heures sur places après les arrivées. [...] Daniel Pautrat était absolument charmant mais il ne me laissait que rarement la parole. Et devant le micro, j'avais une trouille bleue de bafouiller ou de me tromper[83]. » Il ne donne pas suite à cette première tentative avec TF1 et en France. Mais en1979, il devient consultant sportif à laTélévision suisse romande, où il commente leTour de France au côté du journalisteBertrand Duboux[88]. Cette expérience dure jusqu'en1998.
Il décède chez lui àBeaupont le d'unecrise cardiaque[89],[90],[91]. Ses obsèques se déroulent le 22 mars 2017 en l'église Saint-Antoine de Beaupont[92]. Il est inhumé dans le cimetière de Beaupont.
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