Stevenson est considéré comme un auteur deromans d'aventures ou de récitsfantastiques pour adolescents, mais son œuvre a plus généralement été saluée avec enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs pour sa profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses effets, qui exploite tous les ressorts du récit comme la multiplication des narrateurs et des points de vue[3], afin de créer unclimax[3], point culminant du récit, et pratique en même temps une écriture très visuelle, propice aux scènes particulièrement frappantes[3].
Robert Lewis Balfour Stevenson naît au 8, Howard Place àÉdimbourg où se sont installés ses parents,Thomas Stevenson et Margaret Balfour, après leur mariage deux ans plus tôt, le.Sa mère Maggie est la fille cadette du révérend Lewis Balfour, une famille desBorders.Son père Thomas est un ferventcalviniste appartenant à la célèbre lignée d'ingénieurs qu'est la famille Stevenson :son grand-pèreRobert, son père Thomas, ses onclesAlan etDavid, tous sont concepteurs de phares et ont apporté leur contribution à la sécurisation du littoral maritime écossais[4].
Le afin de respecter la tradition écossaise[5], il estbaptisé « Robert Lewis » par son propre grand-père, le révérend Lewis Balfour.
Robert Louis Stevenson à l'âge de 7 ans.
Assez rapidement, Maggie Stevenson se montre incapable de s'occuper pleinement de son fils. En plus de son inexpérience de jeunesse — elle n'a alors que 21 ans — elle souffre de problèmes pulmonaires vraisemblablement hérités de son père, auxquels s'ajoutent des troubles nerveux. Il apparaît nécessaire d'engager une nourrice pour l'enfant.Trois se succèdent, mais c'est la dernière, entrée au service des Stevenson en, qui marque Stevenson toute sa vie : Alison Cunningham, affectueusement surnommée « Cummy ». Le, le petit « Smout », ainsi que ses parents le surnomment[6], tombe très malade, victime d'un refroidissement et d'une fortefièvre. Attribuant cela à la trop grande proximité de laWater of Leith[7], Thomas et Maggie déménagent en pour s'installer au 1,Inverleith Terrace, dans une maison jugée plus saine pour l'enfant. Hélas, la demeure se révèle encore plus humide que la précédente et après une courte amélioration, Louis fait une rechute bien plus grave : le, le médecin diagnostique une attaque decroup. Dès lors, les neuf années qui suivent sont un calvaire pour l'enfant :rhumes,bronchites,pneumonies, fièvres et infections pulmonaires se succèdent à chaque hiver en plus des maladies infantiles classiques. Ce n'est qu'en qu'un médecin établit un rapprochement entre l'humidité de la maison et la santé de l'enfant. Les Stevenson déménagent dès le mois de mai au 17, Heriot Row[8]. Cette nouvelle demeure, plus saine et plus confortable que la précédente[9], est également plus en adéquation avec la nouvelle position sociale de Thomas, devenu entre-temps, en1854, ingénieur attitré au Northern Lights Board. Mais il est déjà trop tard : la santé de Louis est définitivement ruinée.
Du fait de ses fréquentes maladies et de sa santé fragile, Louis est très peu sorti de chez lui, le« vilain climat » d'Édimbourg[10] risquant de lui être fatal. Sa vie s'organise donc dans la maison d'Heriot Row dont Thomas est fréquemment absent, appelé par sa fonction au Northern Lights à des tournées d'inspection. Maggie, elle aussi souvent malade, se déresponsabilise peu à peu de l'enfant, la brave Cummy étant là pour l'assumer. Face à des parents trop souvent absents, rien d'étonnant alors à ce que cette dernière, dotée de surcroît d'une forte personnalité, devienne pour Louis « sa seconde mère, sa première femme, l'ange de sa vie d'enfant »[11]. C'est elle qui garde le chevet du petit Smout dont les maladies occasionnent des nuits pénibles et fiévreuses remplies de cauchemars et d'insomnies, terreurs nocturnes évoquées dans son poèmeNorth-West Passage[12] ainsi que dans son texteUn chapitre sur les rêves[13]. Et c'est encore elle qui le distrait pendant les longues journées où il reste cloué au lit, en lui faisant la lecture : laBible,le Voyage du pèlerin deBunyan, la biographie du pasteurMcCheyne, les écritscovenantaires comme ceux deWodrow ouPeden ; ou encore en lui racontant l'histoire de l'Écosse et particulièrement celle des persécutions subies par lesCovenantaires durant leKilling Time, ainsi que des contes populaires de fantômes et de revenants[14]. Ils sont aussi très friands des récits d'aventures paraissant dans la revueCassel's Family.
Cette double influence qui fut la sienne, il la résume d'ailleurs très bien :« Un petit Écossais entend beaucoup parler de naufrages, de récifs meurtriers, de déferlantes sans pitié et de grands phares, ainsi que de montagnes couvertes de bruyère, de clans sauvages et de covenantaires pourchassés[15]. »
Le, vient s'installer à Inverleith son jeune cousinBob auquel sa famille souhaite épargner le triste spectacle des crises de démence de son pèreAlan. De trois ans plus âgé que Louis, il devient le compagnon de jeu de Louis : ensemble, ils s'amusent à s'inventer des histoires ou bien à peindre des figurines duthéâtre de Skelt, dont les titres évocateurs enflamment l'imagination du jeune Louis[16].
Autres conséquences de sa santé défaillante, les périodes de cure ou de convalescence chez son grand-père, aupresbytère deColinton (Colinton Manse)[17]. C'est là qu'est son« Âge d'Or »[18]. Situé à quelques kilomètres d'Édimbourg, Louis y retrouve ses nombreux cousins et cousines et tout n'est que jeux et amusements sous la bienveillance de Jane Whyte Balfour — la fameuse « Auntie » dont il est fait mention dansA Child's Garden of Verses —, fille aînée de Lewis Balfour. À la mort de ce dernier le, un nouveau révérend vient le remplacer et c'en est fini de Colinton. « Auntie » quitte le presbytère pour s'installer àSpring Grove près deLondres.
Ses premières tentatives de scolarisation sont vite interrompues pour raisons de santé : en1856, crises de toux et fièvres découragent ses parents pour le reste de l'année, puis en1857, après deux semaines de classe, une fièvre gastrique suivie d'une bronchite l'immobilisent tout l'hiver. Il entre en dans la petite classe de l'Edinburgh Academy[19], mais il se montre plutôt solitaire : sa faible constitution l'empêchant de prendre part aux jeux, il peine à s'intégrer aux autres enfants. Au printemps1862, c'est Thomas qui est pris de quintes de toux et Louis est encore une fois sorti de l'école afin d'accompagner ses parents dans le sud de l'Angleterre, avant de passer un mois àHombourg en juillet. Puis les vacances sont prolongées jusqu'en automne en prenant une location àNorth Berwick, ce qui constitue le premier vrai contact avec la mer pour Louis dans ce qui était encore un petitvillage de pêcheurs sur leFirth of Forth, près deDunbar. Lorsqu'arrive la rentrée scolaire, Maggie tombe presque aussitôt malade nécessitant une cure plus radicale. Le, la famille, accompagnée de Cummy, part pour un long périple : ils traversent d'abord laFrance et s'installent à partir du àMenton. Au terme de deux mois de cure, durant lesquels Louis a étudié avec un précepteur français, l'état de santé de Maggie s'est considérablement amélioré. Ils repartent donc tous le pour visiter l'Italie durant plus d'un mois, avant de prendre le chemin du retour le via l'Autriche et l'Allemagne. Le, après 5 mois de voyage et de dépaysement, Louis regagne enfin Heriot Row et voit s'approcher sans grand enthousiasme la perspective de la rentrée à l'Academy[20]. Devant la détresse de son fils, Thomas décide de lui changer les idées et lui propose de l'accompagner durant l'été dans sa tournée d'inspection des phares sur la côte deFife. Louis accepte avec joie ce« premier voyage en qualité d'homme, sans jupons pour [l']assister »[21]. À leur retour, ils découvrent Maggie à nouveau souffrante et un nouveau séjour dans leMidi de la France semble s'imposer pour elle. Pour ne pas perturber à nouveau la scolarité de Louis, ses parents décident de l'envoyer en pension à Burlington Lodge Academy près de chez « Auntie » à Spring Grove. Outre un premier contact plutôt négatif avec la société anglaise[22], c'est là qu'il écrit ses premiers récits d'aventures pour le magazine de l'école préfigurant déjà son œuvre à venir. Mais il vit assez mal cet éloignement et réclame à son père de pouvoir revenir[réf. nécessaire]. Thomas cède : il rejoint son fils le et tous deux vont retrouver Maggie et Cummy à Menton. Thomas repart pour Édimbourg fin après avoir promis à son fils de ne pas le renvoyer à Spring Grove. Ils quittent Menton en pour passer les vacances sur les rives de laTweed près dePeebles. Quand il ne passe pas ses journées à s'amuser avec ses cousins, Louis s'investit sérieusement dans plusieurs projets d'écriture[23].
En, Thomas l'inscrit dans une école pour « enfants à problèmes ». Son intégration parmi les autres élèves se passe mieux, mais il ne montre pas un grand intérêt pour les études[réf. nécessaire]. Le but qu'il s'est fixé est déjà tout autre, et il y consacre le plus clair de son temps : apprendre à écrire. Il travaille notamment sur une pièce de théâtre inspirée de la vie deDeacon Brodie, homme d'affaires respecté le jour, criminel et voleur la nuit[24]. S'étant découvert avec un autre élève de l'école les mêmes influences et la même passion de la littérature, ils se lisent à tour de rôle leurs compositions et collaborent à la publication d'un magazine. Sa rencontre avec l'une de ses idoles, l'auteur du célèbreThe Coral Island,Robert Michael Ballantyne[25], renforce sa passion pour l'écriture. En, nouvelle interruption de scolarité pour suivre Maggie en cure àTorquay jusqu'en octobre. Au cours de la nouvelle année scolaire, Louis se lance, seul cette fois-ci, dans un autre projet de revue, dont trois numéros paraissent au début de l'année1866. La revue ne survit pas au nouveau séjour à Torquay, d'avril à mai, que nécessite la santé de sa mère. Durant l'été qui suivit, Stevenson entreprend d'écrire un roman avec en toile de fond le soulèvement covenantaire de1666 dans lesPentland Hills : l'Insurrection des Pentland. Mais son père, à la lecture de ses premiers brouillons, qualifie le travail de raté et l'encourage à abandonner la voie de la fiction au profit d'un simple récit historique. Louis, pour faire plaisir à son père, passe tout l'automne à la réécriture dePentland Rising[26]. En récompense, Thomas fait imprimer l'œuvre de son fils à cent exemplaires chez un libraire d'Édimbourg et rachète la totalité du tirage[27].
Prédestiné à perpétuer la dynastie des Stevenson, il entre à l'âge de 17 ans, en octobre1867, à l'université d'Édimbourg pour y préparer un diplôme d'ingénieur.
D'après un dessin par Fanny Osbourne, 1876 ou 77Plaque commémorative à Grez.
Malgré des travaux prometteurs (des dessins de phares commentés élogieusement), il s'applique peu aux études, aspirant déjà à devenir écrivain[28]. Il mène alors une vie dissolue, scandalisant famille et professeurs, notamment par sa relation avec une prostituée d'Édimbourg[29]. C'est à cette époque qu'il transforme la graphie « Lewis » de son nom en « Louis » à la française, la prononciation demeurant la même. Il adopte ainsi le nom de Robert Louis Stevenson et utilise désormais le sigle « R. L. S. » pour se désigner. Il abandonne ses études d'ingénieur en, sa mauvaise santé s'accordant décidément mal avec le métier de constructeur de phares. Il se réoriente alors vers ledroit — reçu à l'examen dubarreau le, il n'exerça pourtant jamais la profession d'avocat — pensant ainsi disposer de plus de loisirs afin de se consacrer à sa vocation secrète : l'écriture. En, il fréquente le club « L.J.R. » (Liberty, Justice, Reverence) fondé avec son cousinBob, une société d'étudiants en rébellion prônant l'athéisme et le rejet de l'éducation parentale[30]. Cela est fort peu au goût de son père. Le scandale familial atteint son paroxysme début, quand il lui annonce qu'il a perdu la foi[31].
Après un premier voyage en France en avec son ami Sir Walter Grindlay[32], tous deux voyagent l'année suivante en canoë sur les rivières du Nord d'Anvers àPontoise. Il n'en publiera le récit que deux ans plus tard, en, dans le livreVoyage en canoë sur les rivières du Nord (An Inland Voyage), tiré à seulement 750 exemplaires[33].
En, séjour àBarbizon puis àGrez où il rencontreFanny Osbourne, née Van de Grift. Cette Américaine de dix ans son aînée est une artiste-peintre qui vit séparée de son mari Samuel Osbourne et élève seule ses deux enfants Isobel etLloyd. Entre eux deux, le coup de foudre est immédiat. Ils se retrouvent durant l'été de nouveau à Grez, puis à Paris en octobre. Ils veulent se marier mais Fanny n'est pas divorcée de son mari. En, elle repart en Californie, pour obtenir ce divorce. De son côté, Stevenson voudrait bien la suivre mais ses finances ne le lui permettent pas. De surcroît, son père menace de lui couper les vivres s'il persiste dans cette idée de mariage. Cette année-là, il publie son deuxième récit de voyage,Edinburgh: Picturesque Notes en feuilletons dansThe Portfolio illustré par deseaux-fortes[34].
Carte du voyage de Stevenson, avec un âne dans les Cévennes
En, malgré l'opposition de sa famille, il part rejoindre Fanny Osbourne en Californie. Partant deGlasgow le, il atteintNew York le 18 et retrouve Fanny àMonterey, après un voyage en chemin de fer.
Il lui est cependant impossible de vivre immédiatement sa passion car elle est encore mariée[35]. En attendant qu'elle divorce, ce qui ne se produit qu'en[35], Stevenson doit vivre très chichement[35], rédigeant quelques articles pour leMonterey Californian, une gazette locale. Il prend le train pourSan Francisco[35] cherche du travail dans les journaux et sur le port, sans en trouver de durable, décrit le hurlement de la foule toute la journée devant laBourse de San Francisco[35], effondrée depuis le krach duComstock Lode, scènes dont s'inspireJules Verne en1879 aussi, pour son romanLes Cinq Cents Millions de la Bégum.
Le[35], un article du grand quotidien local,The San Francisco Call[35], révèle que deux navires différents ont lancé une expédition pour retrouver untrésor pirate sur l'Île Cocos. Parmi eux, lagoéletteVanderbilt est revenue bredouille[35]. Le mois suivant, Stevenson rédigeLe Pavillon sur la lande, nouvelle à peine ébauchée en, publiée l'été suivant dans un magazine londonien. Ce récit d'un vagabond par choix qui parcourt l’Angleterre avec sa roulotte, puis est témoin d’événements mystérieux autour du pavillon qu’il partagea dans sa jeunesse, sera perçu comme un rite de « transgression de la morale », menant à « une sorte d’enthousiasme romanesque », de « l’homme qui peut enfin agir »[36].
En mars1880, Stevenson manque de mourir d'une pneumonie: il ne doit son salut qu'à l'attention de Fanny, qui se dévoue six semaines à son chevet. À peine rétabli, il l'épouse le àSan Francisco et ils partent en lune de miel, accompagnés du fils de Fanny, Lloyd. Cette lune de miel, qu'ils passent àCalistoga en Californie dans une mine d'argent désaffectée, est relatée dansLes Squatters de Silverado publié en1883. Dès le, tous deux sont de retour en Écosse[35], mais dès l'été, exceptionnellement pluvieux, son médecin lui interdit de sortir, sa santé se dégradant[35]. Lors de l'un des derniers jours d'[35], il trace une carte d'une île au trésor, à la demande de son beau-fils de 12 ans[37],Lloyd, puis débute la rédaction dugrand roman d'aventure éponyme, pour laquelle s'enthousiasme son père Thomas Stevenson[37], avant de perdre toute inspiration après les quinze premiers chapitres[35].
Entre 1880 et 1887, Stevenson voyage beaucoup enÉcosse, enAngleterre, séjourne àDavos, cherchant un climat bénéfique à sa santé et où il bénéficie des soins du docteurKarl Rüedi. C'est à Davos, où il arrive le[35], qu'il retrouve l'inspiration, écrivant les quinze derniers chapitres deL'Île au trésor en seulement deux semaines.
En, l'éditeur, satisfait, lui envoie 30 livres. Cette œuvre, la première à connaître un vrai succès, ne sera traduite en français qu'en. Dans une lettre de, il demande à son ami Sydney Colvin de lui envoyer une copie du livre écrit parDaniel Defoe en 1720,La vie, les aventures et les pirateries du capitaine Singleton[38], lui-même inspiré par des textes[39] imprimés à Londres au début duXVIIIe siècle[40] et qui inspirerontSwallows and Amazons, roman d'aventure de son futur biographe Arthur Ransome.
Il passe deux ans en et àHyères[41] dans un chalet appeléSolitude, propriété d'Alexis Godillot[42]. Il écrit alors : « Ce coin, notre jardin et notre vue sont subcélestes. Je chante tous les jours avec Bunian le grand barde. Je réside près du Paradis ». Plus tard, il écrit « Heureux, je le fus une fois et ce fut à Hyères ». Il y reçoit les soins du docteurLéon Émile Vidal pour traiter sonemphysème pulmonaire[43].
En1887, après le décès de son père, il part auxÉtats-Unis, où il est accueilli par la presse new-yorkaise comme une vedette, à la suite du succès deL'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886). A cette occasion, il rencontre à plusieurs reprises Mark Twain, qui l'observe et en livre une description physique comme s'il s'agissait d'un héros romanesque:
"Il était parcimonieusement garni de chair, ses vêtements paraissaient s'affaisser dans des creux, comme s'il n'y avait rien dedans que l'armature d'une statue de sculpteur. Son long visage, ses cheveux plats, son teint sombre ainsi que son air rêveur et mélancolique paraissaient s'harmoniser à ces détails avec justesse; l'ensemble semblait tout particulièrement fait pour rassembler votre attention fragmentée et l'orienter vers la caractéristique la plus frappante et la plus personnelle des Stevenson, ses yeux splendides. Ils brûlaient comme de riches braises sous l'auvent de ses sourcils, et faisaient de lui un bel homme."[44]
Il passe ensuite l'hiver dans les montsAdirondacks pour soigner son emphysème pulmonaire[45], et décide au printemps d'effectuer une croisière enOcéanie où il visite lesîles Marquises, lesîles Gilbert et lesSamoa.
Stevenson à 29 ans (1880).
1879 ou 1882.
À Davos en 1882.
Stevenson en 1885.
Stevenson en 1886.
Photo par W. Notman de New York. 28-30 sept. 1887.
Photo par W. Notman de New York. 28-30 sept. 1887.
En1889, il passe auxSamoa à l'occasion d'une série de reportages dans les mers du Sud[46] et se lie avecHarry Jay Moors (1854-1926), un employé des planteurs de sucre de Hawaï, qui a recruté pour eux des employés dans plusieurs îles du Pacifique et fera plus tard fortune aux Samoa.
Début1890, sa santé se détériorant, Stevenson s'installe définitivement àVailima, en investissant tout son patrimoine, 4 000 dollars[47], dans une parcelle de jungle de 1,6 kilomètre carré[47], à quatre kilomètres au sud deApia, la capitale desSamoa. Dans une lettre du, contredisant tout ce qu'il avait auparavant écrit sur les Samoa, il justifie cette décision par le fait que le climat tropical serait bénéfique à ses problèmes respiratoires. Les îles Samoa ont, pourtant, un climat humide qui est peu adapté à sa santé fragile[37] et dont la nocivité est dénoncée en 1895 par un rapport du consul britannique affirmant qu'avec « un tel climat, aucun Européen ne peut travailler au grand air tout en restant en bonne santé »[48]. Stevenson y vit avec ses proches dans une surprenante opulence[37].
Sans négliger sa carrière littéraire, il s'investit beaucoup auprès des Samoans : lors d'une guerre civile en1893, il prend même leur défense contre l'impérialisme allemand. Pleins de gratitude, les indigènes bâtissent en son honneur une route menant à sa plantation. Il devient même un chef de tribu, appelé respectueusementTusitala (« le conteur d'histoires ») par ses membres.
Stevenson meurt le, d'une crise d'apoplexie (ou accident vasculaire cérébral) à l'âge de 44 ans. Il est enterré selon son désir face à la mer au sommet dumont Vaea surplombant Vailima. Lors de ses obsèques, quatre cents Samoans se relaient pour porter son cercueil au sommet dumont Vaea[49]. Sa tombe porte enépitaphe les premiers vers de son poèmeRequiem composé àHyères en 1884 :
« Under the wide and starry sky, Dig the grave and let me lie, Glad did I live and gladly die, And I laid me down with a will[50]. »
Le roi Kalakaua et la famille Stevenson. De droite à gauche : la mère de Stevenson, Kalakaua, Stevenson et sa femme Fanny, son beau-fils Lloyd.
Stevenson avec le roi Kalakaua
Robert Louis Stevenson avec la famille et des amis à Vailima sur Upolu, Samoa, en 1892
Photo par Henry Walter Barnett. Sydney, 1893
Photo par Henry Walter Barnett. Sydney, 1893
Photo par Henry Walter Barnett. Sydney, 1893
Louis dans son étude à Vailima en compagnie de Belle
À rebours de ses contemporainsnaturalistes, Stevenson est à mi-chemin entre naturalisme et impressionnisme. Il privilégie les lois et les exigences de la fiction mais aussi celles du réel. D'une part, c'est en œuvrant en vue de l'efficacité du récit que celui-ci pourra prétendre à fournir une représentation lisible du réel ; d'autre part, Stevenson donne à lire les représentations et les discours de ses contemporains : en témoigne parfois la délégation du récit à des personnages narrateurs et une approche quasi journalistique du décor romanesque. Souvent, ces discours sont ceux de la mauvaise foi, du mensonge et de l'hypocrisie de ses contemporains de l'époque victorienne ; à l'inverse, le choix d'un narrateur atypique est l'occasion de présenter un point de vue réaliste et généreux. Dans les deux cas, la narration exerce une fonction critique de cette époque victorienne.
Sesnouvelles etromans d'aventure, romance et horreur manifestent une profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses effets. Stevenson est également un très lucide théoricien du récit et de sa propre pratique, et quelques-uns de ses articles critiques, notammentUne humble remontrance, constituent d'authentiques essais de poétique du récit. Stevenson exploite tous les ressorts du récit : il multiplie les narrateurs et les points de vue en insérant dans son récit mémoires ou lettres de personnages (L'Île au trésor,Le Maître de Ballantrae,L'Étrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde), ce qui a pour effet de donner des versions différentes de la même histoire et de laisser ouverte l'appréciation des personnages et des événements comme la signification même du récit. Ainsi,L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde s'achève significativement sur la confession de Jekyll, sans que les narrateurs précédents reprennent la parole, soit pour tirer le sens de cette aventure et des questions éthiques qu'elle pose, soit pour accréditer ou réfuter la version des événements que donne Jekyll : au lecteur de décider. Stevenson recourt souvent à des narrateurs à la compréhension limitée ou à des points de vue lacunaires (le notaire et le chirurgien dansL'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde), qui assurent un suspense maximal et favorisent une incompréhension initiale propice au fantastique, et mettent en scène dans le même temps les limites étriquées de la compréhension scientiste des phénomènes (ainsi de phénomènes fantastiques) ou l'hypocrisie et la mauvaise foi toute victorienne de son temps (ainsi des rapports fortement teintés d'homosexualité entre les personnages deL'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde). Ce jeu narratif trouve son apogée avec les narrateurs indignes de confiance, qui par leurs silences délibérés et leurs mensonges laissent des parts d'ombre et d'ambiguïté dans le récit et requièrent un lecteur actif, susceptible de lire entre les lignes (Le Maître de Ballantrae). Stevenson démontre également sa virtuosité formelle dansLes Nouvelles Mille et Une Nuits : ce recueil de nouvelles propose une seule histoire, mais éclatée en une série de récits, chacun donnant une étape de l'histoire à laquelle est associé un personnage principal ; tout le jeu et la prouesse reposent sur le grand écart que ménage Stevenson entre le récit autonome de chaque nouvelle et la trame générale de l'histoire commune à chacune d'entre elles : chaque nouvelle semble proposer un récit entièrement différent et finit par rejoindre et à faire progresser de façon centrale l'intrigue principale.
L'art du récit de Stevenson se double d'une écriture extrêmement visuelle, propice aux scènes particulièrement frappantes, au très riche pouvoir de suggestion et fortement symboliques : le duel entre les deux frères dansLe Maître de Ballantrae, le piétinement de la fillette, le meurtre d'un notable à coups de canne ou la métamorphose dansL'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Selon un paradoxe qui n'est qu'apparent, cette visibilité de l'écriture stevensonienne passe par une très grande économie de moyens, et le procédé repose davantage sur la suggestion à partir d'un très petit nombre de détails que sur une description exhaustive qui serait moins efficace : là aussi, Stevenson confie au lecteur un rôle actif. Stevenson a lui-même théorisé cette pratique dans sesEssais sur l'art de la fiction, où il dévoile notamment comment une carte, objet visuel non narratif, a fourni la matrice del'Île au trésor. Cette maîtrise peut passer inaperçue dans la mesure où son objectif n'est pas de se faire remarquer pour elle-même ni même d'innover pour innover, mais de servir l'efficacité, la puissance et la signification du récit. De ce fait, Stevenson souffre — surtout en France où la notion d'avant-garde a largement déterminé le jugement esthétique — d'une réputation d'auteur de romans d'aventure ou de récits fantastiques pour adolescents. Il ne faut pas s'y tromper : il a été salué avec enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs,Henry James qui le considérait comme le plus grand romancier de son temps,Marcel Schwob etAlfred Jarry qui l'ont traduit,Marcel Proust,André Gide,Antonin Artaud (auteur d'un scénario adaptant LeMaître de Ballantrae),Vladimir Nabokov qui fit cours surL'Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde,Jorge Luis Borges (dont la préface deL'Invention de Morel, d'Adolfo Bioy Casares, reprend exactement les thèses de l'articleUne Humble remontrance),Italo Calvino,Georges Perec et plus récemmentJean Echenoz.
Enfin, à la fin de sa vie, Stevenson fut l'un des premiers à décrire avec précision les paysages et les mœurs des contrées du Pacifique, qu'il évoque en observateur fasciné. Les nombreuses contributions, littéraires et sociologiques, qu'il offrit à leur cause lui valurent l'estime des peuples du Pacifique. En pleine période du colonialisme triomphant, il a défendu la cause des autonomistes contre les puissances coloniales, surtout une fois installé à Samoa. Il a été honoré de la reconnaissance des habitants desKiribati où son débarquement, un, a été repris comme point de départ de l'indépendance, quatre-vingt-dix ans après. Aux Samoas, sur sa tombe, une épitaphe émouvante le rappelle au souvenir des siens. La popularité de ses récits n'a jamais baissé, et nombreuses sont les adaptations qui en ont été faites, aussi bien sous forme de livres (songeons aux éditions pour jeunes lecteurs illustrées par Pierre Joubert ou par René Follet) qu'au cinéma.
L'Île au trésor1(Treasure Island, 1883), son premier grand succès, une histoire de pirates et de trésor caché qui a été adaptée au cinéma plusieurs fois. Le livre est dédié à son beau-fils Lloyd Osbourne, qui lui inspira l'idée de l'île, de ses mystères et de son trésor.
Le Creux de la vague ouLe Reflux (The Ebb-Tide, A Trio and a Quartette, publié après sa mort, 1894)[51]
Hermiston, le juge pendeur (Weir of Hermiston, 1896), inachevé et posthume, également paru en France sous le titre :Le creux des sorcières.
Saint-Yves : Aventures d'un prisonnier français en Angleterre (St. Ives: Being The Adventures of a French Prisoner in England, 1897), inachevé et posthume, également paru en France sous le titre :L'Évadé d'Édimbourg[53].
La Malle en cuir ou la société idéale (The Hair Trunk or The Ideal Commonwealth, 1877), inachevé et posthume[54]
1: Ce roman a été terminé par son fils car il était décédé.
Traduit en français sous le titreGuillaume au moulin par Edmée Montandon, Éditions des Portes de France, Porrentruy, Suisse, Coll. de l'Oiselier, 1947, 88 p.
Le Voleur de cadavres (The Body Snatcher, 1883) traduit pour la première fois sous le titreLe Déterreur de cadavres en 1938, un conte d'horreur basé sur un fait divers réel
Le Trésor de Franchard (The Treasure of Franchard, 1883)
Markheim (Markheim, 1885)
Le Dynamiteur (More New Arabian Nights: The Dynamitter, 1885), la suite desNouvelles mille et une nuits coécrite avec sa femmeFanny Van de Grift
Emblèmes moraux (1882), recueil de poèmes illustré de gravures de l'auteur, publié àDavos. Traduction française et préface de Jean-Pierre Vallotton, L'Atelier du Grand Tétras, 2020.
Le Jardin poétique d'un enfant (A Child's Garden of Verses, 1885), recueil destiné à l'origine aux enfants mais très populaire aussi auprès de leurs parents. Il contient les fameux « My Shadow » et « The Lamplighter ». Traduction française (et préface) deJean-Pierre Vallotton:Jardin de poèmes pour un enfant, édition bilingue, Hachette, Le Livre de Poche Jeunesse, collection Fleurs d'encre, 1992 et 1995.
Underwoods (1887)
Ballads (1890)
Songs of Travel /Chants du voyage, éd. bilingue, Les Belles Lettres, 1999. (Parution posthume en 1896 ; il s'agit d'un recueil de poèmes sur ses voyages).
Voyage en canoë sur les rivières du Nord (An Inland Voyage, 1878), voyages à travers laFrance et laBelgique. Édité par 10/18 en français à l'occasion du centenaire en 1978:La France que j'aime (chapitre principal avec deux autres chapitres: « Voyage avec une palette et des pinceaux » sur la forêt de Fontainebleau et ses peintres et « Voyage à travers les livres » sur quelques auteurs français). Édité en français par la Nouvelle Société des Éditions Encre, Paris, en 1985 sous le titreCanaux et Rivières, d'Anvers à Compiègne.
Voyage avec un âne dans les Cévennes (Travels with a Donkey in the Cévennes, 1879), un des premiers livres présentant la randonnée et le camping comme des activités de loisirs (il s'agit du premier essai décrivant dessacs de couchage)
Journal de route en Cévennes (à partir deMaterials of Travels with a Donkey, 187?), le journal de Stevenson sur son périple dans les cévennes, non publié en anglais.
L'Émigrant amateur (The Amateur Emigrant, 1895), il s'agit ici de la première étape de son périple vers l'Amérique, la traversée deGlasgow à New York enbateau à vapeur et la traversée des États-Unis.
Dans les mers du Sud (In the South Seas, 1891), une collection d'articles de Stevenson et d'essais sur ses voyages dans lePacifique. Deux traductions françaises en 1920 : aux Éditions de la Sirène (Théo Varlet) et Éditions de la NRF (Marie-Louise des Garets).
A Footnote to History: Eight Years of Trouble in Samoa (1892), traduit en français sous le titre deLes Pleurs de Laupepa: En marge de l'histoire, huit années de troubles aux Samoa, Voyageurs Payot, 1995.
↑"La véritable et étonnante histoire de «L’Ile au trésor»" par Lisbeth Koutchoumoff Arman, dans le quotidien suisseLe Temps 26 mai 2017[1]
↑ab etc"A Robert Louis Stevenson Companion. A Guide to the Novels, Essays and Short Stories", par J R Hammond chez l'éditeur :Palgrave Macmillan UK en 1984[2]
↑« […] Édimbourg paie fort cher sa situation remarquable par un bien vilain climat : le pire qui soit sous nos cieux. », « Édimbourg de ma jeunesse » (Edinburgh : Picturesque Notes) inÀ travers l'Écosse
↑« L'étranger de l'intérieur » (The Foreigner at Home),À travers l'Écosse, p. 148-149
↑C'est à cette période qu'il écrivitLa cave pestiférée (The Plague Cellar)
↑Projet qu'il mène à bien en collaboration avecWilliam E. Henley en1880 (date à vérifier)
↑Dans le cadre d'un projet de roman,Ballantyne venait prendre des renseignements sur lesphares auprès de l'oncle de Stevenson,David. Il en résultaThe Lighthouse publié en.
↑Ce qui fait deThe Pentland Rising, à proprement parler, le premier livre écrit par Stevenson et donc lui confère une valeur inestimable auprès des collectionneurs.
↑L'incident et la crise familiale qui s'ensuit sont retranscrits dans sa lettre àCharles Baxter datée du 2 février 1873 inRobert Louis Stevenson,The Letters of Robert Louis Stevenson, « Chapter I: Student Days at Edinburgh, Travels and Excursions, 1868-1873 »
↑Site officiel Robert Louis Stevenson,robert-louis-stevenson.org, "An inland voyage, 1878"[4]
↑abc etd"Romans maritimes : « L'Île au trésor », un livre en or", par Philippe Chevilley, dansLes Échos du 24/07 2016[5]
↑"Arthur Ransome's Long-lost Study of Robert Louis Stevenson" par Arthur Ransome, chez l'Éditeur :Boydell Press en 2011[6]
↑récits deWilliam Dampier et Voyages and travels" de J. Albert de Mandelslo
↑"Représentations d'Afrique dans le Capitaine Singleton de Daniel Defoe : une fiction cartographique ?" parErzsi Kukorelly, dans la revueDix-Huitième Siècle en 2012[7]
↑Sous le vaste ciel étoilé / Creuse la tombe et laisse moi en paix; / Heureux ai-je vécu et heureux je suis mort / Et me suis couché ici de mon plein gré
↑ab etcen collaboration avec son beau-fils Lloyd Osbourne
↑R. L. Stevenson, Les naufragés de Soledad, éditions de l'Herne, 1998
↑L'Évadé d'Édimbourg : titre sous lequel ce roman est publié en France de 1954 à 1980. Cf. BnF[9]
↑Éditions Gallimard, 2011, édition établie, présentée et prolongée parMichel Le Bris
↑essai philosophique qui fait l'éloge de l'oisiveté contre l'acharnement au travail
recueil de divers textes de Stevenson lui-même, rassemblés autour du thème de l'Écosse, dans lesquels se mêlent descriptions de promenades et souvenirs de jeunesse.
recueil des textes majeursL'Émigrant amateur,À travers les grandes plaines etLes Squatters de Silverado, accompagnés de divers textes et correspondances durant son séjour en Californie.
Claire Harman,Robert Louis Stevenson, HarperColins, 2005 (s'appuyant notamment sur les huit recueils des lettres de Stevenson annotées par Ernest Mehew)
André Crémillieux,Pourquoi R.-L. Stevenson a-t-il choisiLe Monastier en 1878 ? : in Cahiers de la Haute-Loire 2004, Le Puy-en-Velay,Cahiers de la Haute-Loire,
Adrien Le Bihan, «Édifices miroir du secret chez Stevenson», dansSigila, n°28, «Architectures secrètes», automne-hiver 2011.