Les informations de cette section proviennent de : France Culture, mai 2024[1] et Bardet, 2000[2].
Robert Bober naît àBerlin en1931 de parentsjuifs d'originepolonaise. Sa mère vient dePrzemyśl, son père deRadom. La famille, fuyant lenazisme, se réfugie en France en 1933 et s'installe àBelleville. En 1937, son père ouvre une boutique decordonnerie au n° 30 de larue de la Butte-aux-Cailles. Un de ses clients, lecommissaire de police du quartier, le prévient en juillet 1942 de l'imminence de larafle du Vel'd'Hiv. La famille se cache et Robert est mis sous un faux nom en pension àClamart avec sa sœur. Son copain Henri Beck, le fils des épiciers du n° 7, est déporté à 11 ans. Bober l'évoque plus tard dansBerg et Beck.
À 15 ans, Robert Bober est apprentitailleur, puis obtient le diplôme d'une école decoupe. En 1951, il devient éducateur au manoir d'Andrésy, qui accueille des enfants dedéportés. Il y apprend lapoterie, et vend ses productions.Naturalisé à l'âge de 24 ans, il réussit à se faire réformer de l'armée pour ne pas être envoyé enAlgérie.
Le premier documentaire personnel de Robert Bober,Cholem Aleichem, un écrivain de langueYiddish, est diffusé en 1967. C'est à l'occasion d'une projection de sonRéfugié provenant d'Allemagne, apatride d'origine polonaise qu'il rencontreGeorges Perec. Leurs préoccupations, la mémoire, l’exil, lajudéité, étaient proches, ils décident de faire un film en commun :Récits d'Ellis Island, qui sort en 1980. Robert Bober tourne en 1982En remontant larue Vilin sur les lieux de l'enfance de Perec, récemment décédé.
C'est ce même Perec qui avait conseillé à Robert Bober de se lancer dans l'écriture. À 62 ans, il publie en 1993Quoi de neuf sur la guerre ? qui reçoit lePrix du Livre Inter. Ce premier ouvrage est suivi de plusieurs autres.
Robert Bober est veuf depuis le décès de son épouse, Hélène, en 2021.
Robert Bober entre à la télévision porté par l'envie de faire des documentaires : à l'époque il n'y en avait pas au cinéma[4]. Une de ses caractéristiques est de mêler photos et documents aux images animées.
La génération d'après, dédié à un orphelin de quatre ou cinq ans qui refuse les consolations de la camaraderie et de l'oubli, filme les réponses de cinq femmes aux questions : Comment devient-on adulte quand on a été privé d'enfance ? Comment élève-t-on ses enfants quand on n'a pas grandi entre un père et une mère ?[5]
DansLa cloche et ses clochards, illustré par des photos deDoisneau, Bober s'intéresse aux raisons qui ont conduit ces hommes et ces femmes à vivre dans la rue. Leclochard par vocation n'existe plus. La " cloche " est à présent un sous-prolétariat d'êtres désaxés par l'alcoolisme, la misère ou laguerre d'Indochine[6].
PourRéfugié provenant d'Allemagne, apatride d'origine polonaise, Bober retourne àRadom, d'où son père est originaire, à la rencontre de lui-même, de son identité, de ses origines. Il ne reste pas de trace dujudaïsme enPologne, mais il en garde la trace en lui, sans que« sa recherche ne se réduise à un désir d'introspection, plus ou moins narcissique[7]. »
Récits d'Ellis Island mène Bober etPerec sur l'île où sont passés quelques millions d'émigrants auxÉtats-Unis. La première partie, intituléeTraces, restitue à l’aide de textes, de documents, de photographies, ainsi qu’à travers une visite guidée du musée d’Ellis Island, ce que fut la vie quotidienne dans ce lieu de transit. La seconde partie, intituléeMémoires, est composée de onze entretiens avec d’anciens émigrants en provenance d’Europe, tous filmés dans leurliving room, en éclairage naturel, sans que les bruits de fond, ni les répétitions ou les silences, soient coupés[8]. Pour Perec, « Ellis Island nous apparut alors comme le lieu même où venaient s'inscrire les thèmes et les mythes autour desquels s’articulait la recherche de notre identité[9]. »
DansVienne avant la nuit, Bober part sur les traces de son arrière-grand-père.Ferblantier, celui-ci fuit en 1903 laPologne pour lesÉtats-Unis mais se fait refouler àEllis Island : pendant le voyage car il avait contracté letrachome, une maladie très contagieuse. Il retourne en Europe, s'installe àVienne, où il meurt en 1929.« Bober s’identifie pleinement et intimement à cette culture juive qu’il exhume. Sa voix off fait résonner un texte à la tonalité intime et mélancolique, établissant de nombreuses passerelles entre mémoire et histoire, comme autant de strates dans la « recollection » du temps[10]. »
À propos de son travail de romancier, Robert Bober déclare ne pas penser comme un écrivain mais comme « un cinéaste qui écrit des livres[11] ». Pour lui, « il est plus important d'être juste que d'être vrai », car la fiction recèle une puissance d'évocation supérieure à la mise à plat documentaire[12] .
Quoi de neuf sur la guerre ?, qui se déroule en 1946, met en scène les différents corps de métiers d'un atelier de confection pour dames. C'est« un vibrant et singulier hommage à tous les humbles qui ont échappé à laShoah et tentent de réapprendre à vivre et à rire en retrouvant ce que l'existence peut offrir de simple et de beau[13]. »
DansBerg et Beck, Robert Bober évoque son ami d'enfance Henri Beck, déporté à l'âge de 11 ans, puis ses années au manoir d'Andrésy, en compagnie d'orphelins juifs qui tentent d'« d'apprivoiser leur propre tragédie[14]. ».
Les personnages deLaissées-pour-compte sont trois vestes douées de pensée, baptisées d'après les noms de chansons en vogue et qui, d'abord suspendues au plafond de l'atelier de confection, finissent par vivre des existences séparées[15].
Roman enflash-back,On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux met en scène un certain Bernard Appelbaum, qui rencontre son ancien moniteur de colonie de vacances, devenu assistant deFrançois Truffaut. Se superposent des événements familiaux, des mythes historiques, des faits littéraires ou cinématographiques, et la coïncidence des destins d'hommes et de femmes qui ne se connaissaient pas[16].
Le livreVienne avant la nuit reprend, en l'allongeant, le commentaire en voix-off du film éponyme.
Par instants, la vie n’est pas sûre se présente comme une lettre adressée àPierre Dumayet, avec qui Robert Bober a tourné une cinquantaine de documentaires. Il y évoqueRobert Doisneau,André Schwarz-Bart, connu à l'atelier de confection, le singe Jojo qui écoute Dumayet lire à haute voix des passages dePierrot mon ami, les émissions deLectures pour tous où pour la première fois on voyait des visages d'écrivains engros plan etReLectures pour tous, où Dumayet regarde sur un écran[17]Marguerite Duras dans l’émission de 1991 regardant sur une TV son interview dans l’émission de 1966[3].
Il y a quand même dans la rue des gens qui passent poursuit la conversation avec Dumayet. Comme dans le livre précédent, photos, dessins, montages, affiches, évoquent les êtres qui ont marqué Bober et les écrivains qui l’ont nourri. Il imagine son enterrement aucimetière de Bagneux et rend hommage à son épouse Hélène[18].
Les mots immortels de Robert Bober,France Inter, décembre 2020 (54 min).Écouter en ligne
Il est plus important de réparer le passé que de créer,France Inter, janvier 2021 (109 min).Écouter en ligne.
Les mémoires à l’œuvre de…Robert Bober, Mémoire en jeu, 2022.Quatre entretiens :Enfances (30 min),Rencontres et amitiés (38 min),Écritures littéraires et cinématographiques (35 min),Enquête (20 min).Écouter en ligne.
Dans la bibliothèque de Robert Bober,France Culture, décembre 2023 (62 min).Écouter en ligne
Ellis Island, le lieu de passage,France Culture, mars 2024, (60 min).Écouter en ligne
Robert Bober, le monde et le puzzle, France Culture, mai 2024[46]
↑Marie-Françoise Lévy,Voyage à Radom d'un réfugié venant d'Allemagne,Le Monde, 20 septembre 1976
↑Daphné Schnitzer,Le rêve américain revisité par Georges Perec et Robert Bober, inDe Perec etc., derechef. Textes, lettres, règles et sens, Éditions Joseph K., 2005,p. 378, 383 et 385.
↑« Relation passagère avec des Gitans »,Le Monde,(lire en ligne)
↑SéverineBourdieu, « Retour à Ellis Island avec Robert Bober »,Mémoires en jeu / Memories at stake,(lire en ligne)
↑CécileTourneur, « Les dispositifs de fiction cinématographique au sein du documentaire Récits d’Ellis Island, de Georges Perec et Robert Bober (1980) »,Conserveries mémorielles. Revue transdisciplinaire,no #6,(ISSN1718-5556,lire en ligne)
↑Christian Delage, Vincent Guigueno, « Ce qui est donné à voir, ce que nous pouvons montrer : Georges Perec, Robert Bober et la rue Vilin »,Études photographiques,no 3,(lire en ligne)
↑Robert Bober et alii, « La télévision d'auteur. Le documentaire de création »,MédiaMorphoses,no 15,(lire en ligne)
↑Les vidéos sont accessibles surINA/Médiapro à des tarifs prohibitifs