L'ouverture forcée du Japon, entamée par laconvention de Kanagawa en et consacrée par letraité d'Amitié et de Commerce de, ébranle l'autorité dushogunat Tokugawa. La signature de ce traité avec lesÉtats-Unis, malgré l'opposition de l'empereurKōmei, rend les Tokugawa impopulaires et conduit au ralliement de jeunessamouraïs autour du sloganSonnō jōi, que l'on peut traduire par « Révérez l’Empereur, expulsez les barbares ». Le shogunat comme lesdaimyos importent massivement des armes et des technologies d'Occident, et proposent des réformes pour s'opposer à la menace de l'étranger[2].
Ii Naosuke, de fait à la tête du shogunat en tant quetairō (grand ancien), tente d'étouffer ce mouvement par une sévère répression connue sous le nom depurge d'Ansei. Il est assassiné en devant lechâteau d'Edo, par une bande de guerriers hostiles à l'influence étrangère au Japon. Cet assassinat, connu sous le nom d'incident de Sakuradamon, porte un coup sévère au prestige du shogunat[3].
Parmi les soutiens les plus actifs à l'empereur Kōmei se trouventSaigo Takamori, guerrier du fief deSatsuma (sur l'île deKyūshū), etKido Takayoshi, guerrier du fiefde Chōshū (à l'ouest de l'île deHonshū), à la suite dubombardement de Kagoshima () et deShimonoseki (). Ces provinces, les plus éloignées d'Edo, n'avaient jamais complètement accepté la souveraineté des Tokugawa.
Ce sont d'abord les samouraïs du domaine de Chōshū qui prennent le contrôle de la cour impériale à Kyoto. Mais en, les partisans d'une direction assurée conjointement par la cour et le shogunat (kōbu gattai), issus principalement des domaines de Satsuma et Aizu, les expulsent. En, les forces de Chōshū tentent de mener uncoup d'État à Kyoto, mais elles sont vaincues par les forces de Satsuma et Aizu[3].
Le shogunat monte des expéditions punitives contre Chōshū en puis en, mais cette dernière est repoussée, ce qui affaiblit une nouvelle fois son autorité. En, les deux daimyos de Satsuma et Chōshū sont réunis en secret parSakamoto Ryōma dans l'alliance Satchō, afin de s'opposer aubakufu et de restaurer le pouvoir de l'empereur[4].
En, alors qu'il n'a que20 ans, le shogunTokugawa Iemochi tombe malade et meurt, peut-être empoisonné.Tokugawa Yoshinobu lui succède. Le, l'empereur Kōmei meurt. Le, l'empereurMeiji (appelé Mutsuhito de son vivant, et alors âgé de quinze ans) monte sur le trône.
En, des daimyos favorables à l'empereur proposent à Tokugawa Yoshinobu de démissionner et de se soumettre à l'autorité de l'empereur. Leshogunat Tokugawa s'achève le, lorsque le quinzièmeshogun,Tokugawa Yoshinobu, décide de« mettre ses prérogatives à la disposition de l'empereur » ; il démissionne de son poste dix jours plus tard[4]. Cet événement marque la « restauration » (Taisei Hokan) du régime impérial, mais Yoshinobu conserve encore un pouvoir considérable.
Les forces hostiles au shogunat sèment le trouble à Edo, par l'intermédiaire de groupes derōnin, puis arrivent à Kyoto où elles font pression sur la cour impériale pour que le shogunat soit réellement démantelé. À la suite d'une conférence des daimyos, celle-ci publie une proclamation officielle dans les derniers jours de, mais l'appareil d'État des Tokugawa reste encore largement intact. Les forces de Satsuma et Chōshū ainsi que leurs alliés s'emparent alors du palais impérial, et annoncent leur propre restauration le, ce qui marque le début de l'ère Meiji[4].
Tokugawa Yoshinobu accepte d'abord la restauration, puis la défie le. Le, laguerre de Boshin débute avec labataille de Toba-Fushimi, au sud de Kyoto, où l'armée dirigée par les forces de Chōshū et Satsuma remporte la victoire contre l'armée de l'ex-shogun et devient l'armée impériale. Tokugawa se replie à Osaka, puis à Edo[4].
Edo est encerclée en, puis se rend, et les dernières troupes d'Edo loyales aux Tokugawa sont vaincues lors de labataille d'Ueno, le. Une partie des forces du shogunat se réfugie àHokkaido, où ils instaurent l'éphémèrerépublique d'Ezo. Elles sont battues en lors de labataille de Hakodate. La défaite des armées de l'ex-shogun, dirigées parEnomoto Takeaki etHijikata Toshizō, marque la fin du shogunat Tokugawa et de toute résistance à l'empereur[5].
En, l'empereur s'installe à Edo, qui est alors renomméeTokyo, c'est-à-dire « capitale de l'Est »[5].
La restauration de Meiji a accéléré l'industrialisation du Japon avec le slogan « pays riche, armée forte »(富国強兵,Fukoku kyōhei?), ce qui a conduit à son émergence en tant que puissance militaire en.
L'oligarchie de Meiji, qui constitue le gouvernement sous l'autorité de l'empereur, introduit des mesures visant à consolider son pouvoir face aux vestiges du gouvernement de l'époque d'Edo : le shogunat, lesdaimyo et lessamouraïs.
Pendant un temps cependant, lebouddhisme fut prohibé[1].
En, toutes les terres des Tokugawa (représentant le quart des terres cultivables du Japon) sont saisies et placées sous contrôle impérial, les plaçant ainsi sous l'autorité du nouveau gouvernement Meiji. En, les daimyo des fiefs deTosa,Hizen,Satsuma etChoshu, qui avaient été les opposants les plus déterminés au shogunat, acceptent de« remettre leurs domaines à l'empereur ». D'autres daimyo l'acceptent également, ce qui conduit, sans doute concrètement pour la première fois, à un gouvernement central exerçant le pouvoir sur l'ensemble du territoire(天下,tenka?).
Enfin, en, les daimyos, passés et présents, sont appelés à comparaître devant l'empereur, où il est déclaré quetous les domaines doivent être rendus à l'empereur. Les quelque300 domaines (han) sont alors transformés en préfectures, chacune sous le contrôle d'un gouverneur nommé par l'État[6]. En, plusieurs préfectures sont regroupées en plusieurs étapes, afin de réduire leur nombre à 75. On promet aux daimyos 1/10 du revenu de leurs anciens fiefs en tant que revenus privés. Plus tard, leurs dettes et les paiements des allocations des samouraïs sont pris en charge par l'État.
Dans tout le Japon, la classe des samouraïs représentait 1,9 million de personnes, soit plus de dix fois la taille relative de l'aristocratie française au moment de laRévolution. En outre, les samouraïs du Japon n'étaient pas seulement les seigneurs, mais aussi leurs suivants de plus haut rang - des personnes qui exerçaient une vraie profession. Avec l'allocation versée à chaque samouraï, leur entretien représentait un énorme fardeau financier, qui a vraisemblablement poussé les oligarques à l'action. Quelles que soient leurs intentions véritables, les oligarques ont engagé un processus lent et délibéré d'abolition de la classe des samouraïs. Tout d'abord, en, il est annoncé que les allocations aux samouraïs seraient progressivement imposées. Plus tard, en, les samouraïs obtiennent la possibilité de convertir leurs allocations en obligations du gouvernement. Enfin, en, cette commutation est rendue obligatoire.
Pour réformer l'armée, le gouvernement institue laconscription nationale en, qui stipule que tous les hommes arrivés à20 ans doivent servir dans les forces armées pendant trois ans[6]. Une des principales différences entre la classe des samouraïs et les paysans était le droit de porter les armes ; cet ancien privilège est soudainement étendu à tous les hommes de la nation. En outre, les samouraïs ne sont plus autorisés à circuler en ville en portant une épée ou une arme, qui attesterait de leur ancien statut.
Sans surprise, ces réformes ont conduit à une série d'émeutes de samouraïs. Une des principales émeutes, conduite parSaigo Takamori, est devenue larébellion de Satsuma, qui a abouti à une guerre civile[6]. Cette rébellion a été cependant rapidement matée par la nouvellearmée impériale japonaise[6], formée et équipée à l'occidentale, même si son noyau était constitué par les forces de police de Tokyo, qui étaient en grande partie composées d'anciens samouraïs. Le rapide retour à l'ordre constituait un signal clair aux samouraïs dissidents que leur époque était révolue. Quelques soulèvements ultérieurs se sont produits, et la distinction des samouraïs est devenue purement symbolique avec leur intégration progressive dans la nouvelle société civile. L'idéal martial des samouraïs s'est perpétué sous une forme romancée, et a souvent été utilisé comme outil de propagande lors des guerres de l'empire du Japon au début duXXe siècle.
Toutefois, il est également vrai que la majorité des samouraïs étaient satisfaits malgré l'abolition de leur statut. Beaucoup ont trouvé un emploi dans la bureaucratie gouvernementale, qui ressemblait à une nouvelle classe d'élite. Les samouraïs, mieux instruits que la majorité de la population, sont devenus des enseignants, des fabricants d'armes à feu, des fonctionnaires, ou des officiers militaires. Lorsque le titre officiel de samouraï a été aboli, l'esprit élitiste qui caractérisait la classe des samouraïs leur a survécu.
L'oligarchie a également lancé une série deréformes agraires. En particulier, elle a légitimé le système de location des terres instauré pendant la période Tokugawa. En effet, malgré les efforts du shogunat pour geler les quatre classes de la société en place, sous leur règne, les villageois avaient commencé à louer des terres à d'autres agriculteurs, et s'étaient ainsi enrichis. Ceci avait fortement perturbé le système de classes bien définies décrété par le shogunat, et a contribué à leur chute.
La mainmise du clan Satsuma-Chôshû sur le gouvernement provoque une opposition de la part d'autres clans.Itagaki Taisuke, de Tosa, prône la création d'une assemblée nationale permettant aux citoyens de participer à l'exercice du pouvoir. Née d'un petit groupe de samouraïs mécontents, cette campagne s'élargit avec de riches agriculteurs puis des citoyens ordinaires pour devenir leMouvement pour la liberté et les droits du peuple[6].
Ce mouvement réclame ensuite une Constitution, d'ailleurs nécessaire pour que le Japon soit reconnu internationalement comme un État moderne et obtienne la révision des traités inéquitables. Après plusieurs années d'étude et de débats, laConstitution de l'empire du Japon est promulguée le[7].
(en)Totman, Conrad, « From Reformism to Transformism, bakufu Policy 1853 – 1868 », in T. Najita & V. J. Koshmann,Conflict in Modern Japanese History, New Jersay: Princeton University Press, 1988, p. 62-80.