Movatterモバイル変換


[0]ホーム

URL:


Aller au contenu
Wikipédial'encyclopédie libre
Rechercher

Restauration (histoire de l'Espagne)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuisRestauration bourbonienne en Espagne)
Page d’aide sur l’homonymie

Ne doit pas être confondu avecRestauration absolutiste en Espagne.

Page d’aide sur l’homonymie

Pour les articles homonymes, voirRestauration des Bourbons.

Royaume d'Espagne
(es) Reino de España

1874–1931
(56 ans, 3 mois et 16 jours)

Drapeau
Drapeau du royaume d'Espagne
Blason
Armoiries du royaume d'Espagne
Deviseenlatin : Plus ultra (« Plus loin »)
Hymneenespagnol : Marcha Real (« Marche royale »), instrumental
Description de cette image, également commentée ci-après
L'Espagne et sescolonies (en vert) sous la Restauration avant laguerre hispano-américaine.
Informations générales
StatutMonarchie constitutionnelleunitaire
Dictature militaire(-)
Texte fondamentalConstitution de 1876
CapitaleMadrid
Langue(s)Castillan
ReligionCatholicisme
MonnaiePeseta

Démographie
Population 
• 187716 622 175 hab.
• 188717 549 608 hab.
• 190018 616 630 hab.
• 191019 990 669 hab.
• 192021 388 551 hab.
GentiléEspagnols

Superficie
Superficie 
• 18981 220 886 km2
Histoire et événements
Pronunciamiento de Sagonte.
Adoption de laconstitution.
Pacte du Pardo : accord signé entre leParti libéral-conservateur et leParti libéral qui organisa la vie politique espagnole jusqu'aucoup d'État de Primo de Rivera.
-Régence de Marie-Christine d'Autriche.
-Guerre d'indépendance cubaine.
Assassinat d'Antonio Cánovas del Castillo.
 - 
1898
Guerre hispano-américaine.
Traité de Paris : l'Espagne perd ses dernières colonies enAmérique latine. Laguerre hispano-américaine prend fin.
Mariage royal où le roiAlphonseXIII est victime d'une tentative d'assassinat. L'auteurMateo Morral est assassiné dans des circonstances obscures.
 - 
1909
Guerre de Melilla.
 - Semaine tragique.
 - Grève générale dans le royaume déclenchée par les syndicats et lesanarchistes.
-Guerre du Rif.
Bataille d'Anoual : l'armée royale est balayée par les troupes d'Abdelkrim el-Khattabi malgré une supériorité numérique écrasante.
Coup d'État de Primo de Rivera.
-Dictature de Primo de Rivera.
-Dictature de Dámaso Berenguer.
Accord de Saint-Sébastien : lesrépublicains font un pacte d'alliance pour aller vers une République.
Soulèvement de Jaca : la garnison de Jaca tente de renverser la monarchie, conformément à l'accord de Saint-Sébastien.
 - Desélections municipales sont organisées pour refermer la parenthèse dictatoriale. Néanmoins, les républicains arrivent en tête dans les grandes villes. Les résultats s'avèrent un désaveu pour la monarchie. Le roi préfère quitter le pays, sans abdiquer. LaRépublique est proclamée (es).
Roi d'Espagne
-AlphonseXII
-AlphonseXIII
Régence
-Marie-Christine d'Autriche
Président du Conseil des ministres
(1er)-Antonio Cánovas del Castillo
(Der) 1931Juan Bautista Aznar-Cabañas
Cortes
Chambre hauteSénat
Chambre basseCongrès des députés

Entités précédentes :

Entités suivantes :

modifier -modifier le code -voir Wikidata(aide)

Dans l'historiographie espagnole, laRestauration bourbonienne ou plus simplement laRestauration (enespagnol :Restauración borbónica,Restauración) est la période de l’Histoire de l'Espagne qui suit lepronunciamiento du généralArsenio Martínez Campos le — qui marque la fin de laPremière République espagnole et rétablit ladynastie des Bourbons en la personne d'Alphonse XII, fils d'Isabelle II — et prend fin avec la proclamation de laSeconde République, le.

Le système de la Restauration, politiquement fondé sur laConstitution de 1876, se caractérise par une stabilité institutionnelle et la construction d’un modèle d'Étatlibéral alimenté par larévolution industrielle. Il est basé sur quatre piliers mis en place par l’homme politiqueAntonio Cánovas del Castillo : le Roi, le Parlement, la Constitution et le «turno » (« turno pacífico » ou « turnismo »). Leturno instaure unbipartisme basé sur l’alternance entre deux grands partis, dits « dynastiques » : leParti libéral-conservateur — ou simplement « Parti conservateur » — de Cánovas lui-même et leParti libéral fusionniste — « Parti libéral » — dePráxedes Mateo Sagasta. Il s’agit d’un systèmeoligarchique etcentraliste, qui se maintient grâce aucaciquisme et des élections largement contrôlées par le pouvoir. Lors durègne d’Alphonse XIII (1902-1931), des difficultés apparaissent, liées au développement des mouvements sociaux — syndicalisme ouvrier et crise agraire — qui secouent le pays et des revendicationsnationalistes enCatalogne, ainsi qu'à la fragmentation des partis dynastiques. Le régime entre dans une phase de décadence progressive marquée par lacrise de 1917 et le retour de l’Armée dans la vie politique, et s’effondre après ladictature de Primo de Rivera (1923-1930), qui met fin au régime constitutionnel et débouche sur la courte et instableSeconde République.

La période de la Restauration est également marquée par l’engagement de l'Espagne dans des conflits armés : laguerre hispano-américaine contre lesÉtats-Unis d'Amérique, au cours de laquelle elle perdCuba,Porto Rico et lesPhilippines en1898, et, en Afrique du Nord, l’instauration d’unprotectorat espagnol au Maroc en 1912, qui débouche sur laGuerre du Rif de 1921 à 1927.

Historiographie

[modifier |modifier le code]

Évolutions

[modifier |modifier le code]

Sous l’influence du discoursrégénérationniste et de laLégende noire, la période de la Restauration a souvent décrite de façon manichéenne comme — elle seule — fondamentalement caractérisée par l’oligarchie et lecaciquisme, au cours de laquelle la représentation populaire et les débats parlementaires de fond étaient inexistants. Cette représentation simpliste est largement dominante dans l’historiographie et dans la représentation populaire[1],[2].

Néanmoins, depuis le milieu des années 1980, de nouvelles études, influencées notamment par l’approchesociologique, ont apporté un regard neuf et plus nuancé sur cette période, montrant que derrière l’apparence formelle des partis et les résultats électoraux truqués, la vie politique de la période était bien plus riche qu’on l'avait soupçonné jusqu’alors : les débats politiques existaient bel et bien, et les élections ne se déroulaient pas de façon aussi simpliste et sans friction[1],[3]. On explora le fonctionnement politique de la Restauration en termes deréseau social dynamique et interactif, plutôt que comme la pure expression d’un système de pouvoir envisagé comme une abstraction autonome, indépendante de ses agents[4],[2].

Les discours sur la corruption et la dégénéréscence de l’Espagne, basés sur des clichés datant de l'époqueromantique et influencés par une perspectivetéléologique, ont contribué à une distorsion de la représentation de l’histoire espagnole, et notamment de la Restauration, en Espagne comme à l’étranger. Les travaux historiques plus récents tendent à montrer que dans l’époque contemporaine, l'histoire de l'Espagne peut être vue comme un cas particulier de l’histoire européenne, qui n’est pas si éloigné de ses voisins[1].

En ce qui concerne par exemple la crise de la Restauration et le régime autoritaire qui lui a fait suite, souvent présentée comme la conséquence de la décadence du régime, de nouvelles interprétations tendent plutôt à montrer qu’on a affaire à un mouvementréactionnaire s'opposant à la démocratisation qu’était en train de connaître la société, de même nature que d’autres qu’on observevers la même période en Europe. Dans les mots deRaymond Carr :« Ce n’était pas la première, ni la dernière fois, qu’un général assurait achever un corps malade, quand, en réalité, il étranglait un nouveau-né » ; ou dans ceux deShlomo Ben-Ami« ce qui induisit le roi Alphonse XIII à flirter avec une 'solution' extraparlementaire fut la résurrection du parlementarisme plutôt que sa dégénération »[1].

De même, l'oligarchie et le caciquisme sont loin d’être le lot de la seule Restauration dans l’histoire espagnole contemporaine, et ces qualificatifs sont tout aussi bien applicables à des périodes antérieures comme le règne d’Isabelle II[5],[6].

Périodisation

[modifier |modifier le code]

Plusieurs divisions peuvent être choisies pour découper chronologiquement la période de la Restauration[7].

Une première division simple consiste à prendre pour points de repères les différents règnes de monarques, étant donné l'approximative coïncidence des grandes étapes du régime avec les successions de ces derniers : la Restauration commence par le règne d'Alphonse XII (1875-1885), suivi de larégence de Marie-Christine d'Autriche (1885-1902) après la mort prématurée de ce dernier en novembre 1885, au cours de laquelle le rôle dechef d’État est assumé par la reineconsortMarie-Christine, et s’achève avec le règne personnel d'Alphonse XIII (1902-1931), depuis le jour de sa majorité jusqu’à son départ du pays à la suite d’élections municipales, qui constituent un désaveu pour lamonarchie et à l'issue desquelles laSeconde République est immédiatement proclamée.

De nombreux auteurs font coïncider la fin de la Restauration avec celle du régime constitutionnel du règne d’Alphonse XIII, soit septembre 1923, où se produit lecoup d’État de Primo de Rivera, et excluent donc ladictature de ce dernier etcelle du général Berenguer qui lui succède, à l’issue desquelles laConstitution de 1876 n’est pas pleinement restaurée.

Un autre découpage fréquent consiste à prendre comme point de séparation laGuerre hispano-américaine — le « désastre de 1898 » —, souvent considérée comme un point d’inflexion marquant le début de la décadence du régime, ses premières années se caractérisant par leur stabilité institutionnelle, avec une intervention limitée des monarques et de l’Armée, en comparaison avec les suivantes.

Cet épisode à la forte portée symbolique est assez rapidement de suivi de l’accession au trône d’Alphonse XIII — « le roi politique » ou « le roi soldat » —, qui interviendra activement dans la vie politique du pays, à la différente de son père et de la régente. Ce nouveau règne se caractérise par l’émergence progressive de deux problèmes importants pour le régime — la question militaire et la question catalane —, avec une période de crise ouverte autour de 1917, qui est également parfois prise comme point de démarcation.

Panorama du système politique de la Restauration

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Système politique de la Restauration (Espagne).

Un parlementarisme artificiel

[modifier |modifier le code]
Article connexe :Élections pendant la Restauration bourbonienne en Espagne.

La principale nouveauté de la vie politique de la Restauration réside dans l'instauration d'unealternance convenue entre le roi et les deux partis dynastiques, connue sous le nom deturno[8]. Cánovas prétendait explicitement implanter en Espagne un systèmebipartiste directement inspiré du modèlebritannique, basé à l’époque sur l’alternance entreParti libéral etParti conservateur[9],[10].

Le gouvernement est toujours formé avant les élections et non sur la base préalable de celles-ci[11]. Au cours de la Restauration, tous les gouvernements sans exception disposeront d’une majorité auParlement[12],[13]. Ceci est rendu possible par l’absence d’un véritablecorps électoral indépendant du système de partis[14].

Pour assurer la majorité auCongrès des députés, les élections sont manipulées, notamment grâce aux réseauxclientélaires descaciques.

Un procédé courant est l'encasillado, qui consiste pour le ministère de l'Intérieur à n'inclure dans les listes électorales que des personnes favorables au gouvernement. Comme dans la plupart des autres pays européens, les zones rurales, peu peuplées et où les élections sont plus aisément manipulables, sont sur-représentées dans lacarte électorale, qui tarde à prendre en compte l’urbanisation de la population[15]. Tout ceci permet au gouvernement de « fabriquer » des élections sur mesure : les résultats sont convenus — et souvent même publiés dans la presse — à l'avance[16].

Grâce auturno, l’Armée est tenue éloignée du pouvoir civil :« Le système de partis était […] un substitut des anciens mécanismes de la rébellion militaire. […] les généraux devinrent des représentants d’un groupe d’intérêts auquel on devait apporter satisfaction, les dignitaires [prohombres] — et pas les arbitres — de la vie politique »[17].

Les opposants au régime — n’acceptant pas la monarchie ou la Constitution — sont systématiquement exclus de ce système et privés de toute éventualité d’obtenir un succès électoral au niveau national, et l'opinion publique échoue à faire valoir un quelconque poids politique[18],[19].

Ce système étriqué, gangrené par lacorruption politique et dont l'alternance politique est purement fictive — ce qui lui vaut le surnom péjoratif deturnismo —, s'avèrera incapable de faire émerger une authentique monarchie parlementaire démocratique[20], et se trouvera menacé par l'émergence des forces d’opposition — républicains et nationalismes périphériques —. Les majorités parlementaires du parti au gouvernement seront de plus en plus réduites. Auxélections générales de 1919, legouvernement du conservateurAntonio Maura n’obtient qu’un député d'avance sur l'opposition, ce qu’il considère comme une défaite morale et mène à sa démission le mois suivant le scrutin[13]. Finalement, totalement discrédité aux yeux de l'opinion, le régime débouchera sur unedictature autoritaire en 1923, à l'issue de laquelle il échouera à être rétabli.

Organisation territoriale

[modifier |modifier le code]

En opposition avec lerégime républicain qui le précède, la Restauration instaure un modèle d'État centraliste héritier de l'organisation mise en place lors de la dernière étape durègne de Ferdinand VII[21].

La Constitution institue trois niveaux de gestion territoriale : l’État central, laprovince et les municipalités. La province« est l'unité administrative de fonctionnement de l'État ». Elle est dirigée par legouverneur civil, représentant de l'État — à la manière dupréfet français, mais avec une fonction nettement plus politique — nommé directement par le gouvernement. De même, les conseils municipaux sont contrôlés par le pouvoir, qui nomme librement les maires. Il s'agit donc d'un modèle extrêmement centralisé :« tout ou presque doit partir du« centre » et y remonter. L'État ne délègue […] aucun pouvoir si ce n'est à des échelons hiérarchiquement subordonnés et placés sous son contrôle étroit »[22].

La seule mesure décentralisatrice notable prise au cours des presque60 ans de la Restauration sera l'instauration de laMancommunauté de Catalogne en 1913[23].

La Constitution de 1876

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Constitution espagnole de 1876.

En 1876, le nouveau régime se normalise en se dotant de sa propreConstitution[24]. Lepouvoir législatif est dévolu àdeux chambres : leCongrès des députés, dont les membres sont initialement élus ausuffrage censitaire, et leSénat, nommé pour partie par leroi et pour le reste par un vote indirect censitaire. Le monarque,chef d'État, joue un rôle clef et indépendant dans le système[25],[26] ; il nomme et révoque les chefs du gouvernement[27], et doit ratifier tous les décrets pour leur promulgation, notamment ladissolution du Parlement. La Monarchiebicamérale ainsi instituée se rapproche du systèmebritannique ou de celui de laTroisième République française[28].

La Constitution désigne le roi comme Chef suprême de l’Armée. Il s’agit ainsi de tenter d’éloigner l’institution militaire des tentations prétoriennes qui ont agité les périodes précédentes où se sont succédé lespronunciamientos[28]. Toutefois, ce choix présente un danger probablement ignoré de Cánovas : en transformant le roi en représentant des intérêts de l’institution militaire et garant de son prestige au sein de l’État, il ouvre la porte à la tentation des militaires de s’immiscer dans les décisions politiques en faisant appel à lui[17], ce qui se produira lors de lacrise du système amorcée en 1917.

La Constitution est un texte bref, caractérisé par sa flexibilité, afin de faciliter l’évolution ultérieure du système en laissant la porte ouverte à des modifications légales substantielles sur certains points difficiles[29]. Ainsi en est-il de la question du système électoral, évacuée du texte constitutionnel — l'article 28 indique simplement que« les députés seront élus et pourront être élus indéfiniment, par la méthode que la loi déterminera » — : dans un premier tempscensitaire, c'est par une loi d'un gouvernement libéral que sera instauré lesuffrage universel masculin en 1890[28],[30].

La durée du mandat des députés est fixée à5 ans. Cependant, aucune législature de la Restauration n’ira à son terme[31].

Une nouveauté de la Constitution est l’introduction de représentants parlementaires descolonies — Cuba etPorto Rico —[32].

En opposition avec le conservatisme rigide des anciensmodérés partisans d’Isabelle II, la Constitution reconnaît laliberté religieuse dans son article XI, bien qu'instituant lecatholicisme comme religion d’État[33].

Conservateurs et libéraux

[modifier |modifier le code]

Les deux partis sont « artificiels », au sens où il ne s’agit pas de « partis de masses », mais de créations « d’en haut », émanations d’une classe dirigeante préexistante[34] et organisée en « groupes de clientèles dépendants des leaders des sous-groupes dans lesquels étaient divisés chaque parti »[18], souvent des notables de province. Il ne s’agit donc pas de véritables partis d’opinion, mais plutôt de groupes d’influences, dont la base électorale est relativement stable et dont l’orientation politique est davantage régie par la position au sein des réseaux d’influences et par des intérêts locaux que par de véritables crédos politiques[35],[36].

Toutefois, contrairement à ce qui a souvent été affirmé par les historiens, les débats d’idées ne sont pas totalement absents de l’opposition entre les deux partis. Conservateurs et libéraux représentent deux tendances différentes, parfois antagonistes, correspondant schématiquement à la séparation usuelle des sensibilités politiques entredroite etgauche respectivement, bien qu’en accord sur la formule générale du régime politique, respectueux des principes dulibéralisme économique[36],[37].

Les conservateurs incarnent une représentation traditionaliste de la société, basée sur l’unité religieuse et la foi catholique. En quelques années, le Parti conservateur parvient à intégrer un large spectre d’anciens opposants au libéralisme — absolutistes,catholiques intégristes et même certainscarlistes —[38].

Héritiers idéologiques des anciensprogressistes[39], les libéraux introduisent certaines mesures clairement rejetées des conservateurs comme laliberté d’association ou lesuffrage universel masculin. Tous les libéraux ne sont néanmoins pasanticléricaux, et certains pourront défendre des mesuresprotectionnistes comme les conservateurs dans certaines circonstances[37].

L’oligarchie de la Restauration, en tant que système libéral promouvant une relative liberté politique, ne repose pas uniquement sur l'aristocratie : la classe politique du régime inclut également un grand nombre de personnalités issues declasses moyennes voire modestes — c’est le cas de Cánovas lui-même — variées et aux intérêts parfois contradictoires, mais souvent soucieuses de participer à l’évolution de la société[19].

La nouveauté du système réside dans l’idée d’une alternance pacifiée et constructive, acceptatrice des divergences. Ainsi, lors d’un changement du parti à la tête du gouvernement, le nouveau-ne cherche pas à annuler les mesures prises par le précédent[40],[41].

Avec la disparition de leurs leaders historiques, Sagasta et Cánovas, au tournant duXXe siècle, et l’absence de figures charismatiques susceptibles de les remplacer, les partis dynastiques se révèlent de plus en plus menacés par lesuffrage universel et les autres forces politiques[35],[42].

Le caciquisme

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :caciquisme.

Durant la Restauration, le terme de « cacique » désigne une personnalité influente dans une zone déterminée. La fonction du cacique est officieuse, mais il jouit d’un immense pouvoir :« Rien ne se fait sans son accord, encore moins contre lui. En cas de conflit avec le représentant du pouvoir central — legouverneur civil —, c'est le cacique qui a le dernier mot […] »[43]. Il tient la population locale sous sa coupe et peut facilement décider du sort d’une élection, d’autant que les votes ne se font pasà bulletin secret — l’Espagne n’étant pas une exception en la matière —[44].

Les caciques sont organisés sous la forme d’un vaste réseau informelhiérarchisé. L’influence du cacique — sa « clientèle » — repose sur sa faculté à disposer de certaines ressources — économiques, administratives, fiscales et même médicales — dont il use, sur la base d’arrangements pour ceux qui le servent, et de pressions, menaces ou chantages pour les autres : le cacique peut créer ou supprimer des emplois, fermer ou ouvrir un commerce, manipuler la Justice et l’administration locales, obtient les exemptions desobligations militaires, détourne certaines taxes au bénéfice de politiciens locaux[45], permetdiscrètement des achats de biens de première nécessité sans l'acquittement desconsumos[46], il organise lepucherazo — le« bourrage » d’urnes, voire le remplacement pur et simple de ces dernières[47] —, fait « voter les morts », prête de l'argent — « le sien […] ou celui de l’État; il n’est jamais pressé de se faire rembourser : sa générosité lui vaut la reconnaissances des humbles qui ne feront rien sans le consulter et qui, bien entendu, voteront selon ses instructions »[48] —, etc.

Le cacique constitue un intermédiaire, le chaînon manquant entre l’État et ses administrés qui en sont éloignés — tant physiquement que symboliquement —[48].

Le caciquisme est rendu possible par la centralisation du système de la Restauration, dans lequel les administrations locales — municipale et provinciale — sont totalement manipulées par le pouvoir central[45], et par la politisation du corps judiciaire[49]. Pour assurer le fonctionnement de ce système,« toute confrontation électorale était généralement précédée par un changement massif des maires et juges locaux »[50].

C’est surtout dans les zones rurales que le caciquisme a un protagonisme important ; il le maintiendra jusqu’aux tout derniers temps du régime. Si le système caciquiste est dénoncé par les partisans de la réforme du système et est largement réprouvé dans l'opinion publique et les grandes villes, ces critiques ont peu de poids dans la plus grande partie du pays et sont« tolérées par les pauvres locaux : dans une petite ville peu nombreuses étaient les familles qui n’avaient pas un membre à l’intérieur du système »[51].

Les partis dynastiques, qui doivent leur maintien au pouvoir à cette fraude institutionnalisée, renoncent à réformer en profondeur le système municipal — en dépit de 20 projets de réforme du gouvernement local présentés entre 1882 et 1923[52] —. La critique des abus des réseaux d’influence est limitée aux groupes politiques exclus duturno : dans un premier temps conservateurs deSilvela, républicains etsocialistes[51], puis lesrégionalistes catalans[53].

Le rôle de l'Armée

[modifier |modifier le code]

Une des obsessions de Cánovas était de mettre fin à l’Armée depronunciamientos qui avait caractérisé lerègne d’Isabelle II et duSexenio Democrático[54].

Comme conséquence desguerres carlistes, l’institution militaire se caractérise, au début de la Restauration, par un corps d'officiers hypertrophié, qui constitue une menace pour la stabilité du régime[55].

Les militaires sont utilisés pour tenter de maintenir l’ordre, dans les colonies comme dans la péninsule[56],[57]. Avec le temps, l’armée finira par se considérer comme le gardien de l’identité nationale contre le désordre social et les protestations contre le régime[58].

Le politologue et historien britanniqueSamuel Finer dresse le tableau suivant de l'armée espagnole de la Restauration« il ne s’agit pas d’une force opérationnelle mais d’une machine bureaucratique, elle ne recherche pas l’expansion ou la puissance extérieure mais l’unité et l’ordre. Son idéal […] est celui d’une Espagne hors du temps, centralisée, castillane et catholique ; mais il pourrait être aussi défini partiellement à partir de ce qu'elle hait : le syndicalisme, le socialisme le séparatisme catalan et basque et même… l’intelligence[59]. Par ailleurs, moyen traditionnel de mobilité sociale dans une société rigidement stratifiée, elle attire les hommes médiocres qui cherchent à faire carrière ; quand ils n’y réussissent pas, ils ont recours à des moyens exceptionnels. Traditionnellement aussi, l’armée — au moins depuis la Restauration — est la force de police de l’oligarchie dominante. Ainsi la neutralité militaire mélange brutalement le nationalisme (la Hispanidad), la haine de classe et le carriérisme individuel »[60].

Après la perte des colonies, leprotectorat espagnol au Maroc« allait servir de débouché professionnel pour une partie de l'armée engourdie qui ressentait la nostalgie des guerres passées et se berçait des pronunciamientos successifs, avec ses généraux plus ou moins désœuvrés »[56].

De plus, le budget militaire grève les finances de l’État et les tentatives de réduire le corps des officiers ne pourront pas être pleinement menées à bien. Leur échec et les crises qu’elles génèrent sont visibles notamment la crise finale du régime, dans l’épisode desJuntes de défense — à partir de 1917 — suivi de la période dedictature de Primo de Rivera (1923-1930).

1875-1885 : Règne d’Alphonse XII

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Règne d'Alphonse XII.

Contexte antérieur : la période trouble duSexenio Democrático

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Sexenio Democrático,Première République espagnole etRévolution cantonale.

La Restauration fait suite à la période duSexenio Democrático (« Les six ans démocratiques »). Au cours de celle-ci, plusieurs tentatives d’instauration d’un système démocratique sont menées — élection du nouveau roiAmédée de Savoie,Première République — mais échouent. La situation est aggravée par l'émergence de conflits importants :troisième guerre carliste,Révolution cantonale etguerre des Dix Ans dans lacoloniecubaine[61].

Cette situation génère un grand climat d’insécurité et une aspiration à l’ordre émerge au sein de l’opinion, dont la mentalité revient à des valeurs plusconservatrices[62],[63]. Les capitalistes — notamment ceux qui font du commerce dans les colonies — et la classe industrielle souhaitent sortir d’une instabilité défavorable aux affaires. L’Église catholique s’est toujours montrée opposées aux tentatives révolutionnaires. L’Armée, qui avait été l’instrument de la plupart des initiatives politiques, et certains milieux progressistes pensent qu’il n’est pas raisonnable de poursuivre les expérimentations[64],[65].

Mise en place du régime de la Restauration

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Manifeste de Sandhurst,Pronunciamiento de Martínez Campos etConstitution espagnole de 1876.

En août 1873, l’ancien membre de l’Union libérale et ministre d’Isabelle IIAntonio Cánovas del Castillo est chargé par l’ancienne reine — qui a formellement abdiqué en 1870 — de travailler à un projet de restauration des Bourbons via l’intronisation de son fils Alphonse, dans un régime qui garantirait la stabilité institutionnelle — la fin des ingérences de l’Armée dans la vie politique du pays —, le respect de lapropriété privée et la sécurité publique, tout en mettant fin aux pratiques critiquées de l’ancienne monarque et duParti modéré[66],[67]. La Restauration est conçue par Cánovas non comme un système démocratique — aucun pays ne l’est alors véritablement —, mais un projet réaliste et pragmatique, qui cherche à privilégier la gouvernabilité du pays en intégrant les forces libérales dans leur diversité[68],[69],[70].

Il trouve du soutien dans différents groupes sociaux :aristocratie,milieux d’affaires et hauts chefs militaires[71]. La proposition rencontre l’adhésion des libéraux de Sagasta alors au pouvoir, qui deviendront une pièce centrale du nouveau système bipartiste duturno[72]. L’intronisation du nouveau roi est activement soutenue par différents groupes de la bourgeoisie avec des intérêts contradictoires, comme celle s'occupant du commerce dans les colonies, notamment une partie de la haute bourgeoisie valencienne — regroupée autour de laLiga de Proprietarios, qui s'était opposée par le passé à la politique coloniale — ou labourgeoisie catalane, à qui Cánovas promet notamment un rétablissement de l'ordre social en freinant lemouvement ouvrier et l’adoption d’une politique plusprotectionniste — favorable notamment au secteur textile —, mais également certains secteurs militaires mécontents de la situation perturbée à Cuba[67],[73]. Cánovas sait qu’il devra compter sur une bonne partie de l’Armée pour garantir la stabilité du nouveau régime, mais il est dans un premier temps réticent à l’idée de recourir à une intervention militaire comme méthode d’instauration de ce dernier, alors qu'il affiche explicitement dans ses objectifs celui de mettre un terme à ce genre de pratiques, propices à l'instabilité institutionnelle. Il devra néanmoins s’y résoudre par pragmatisme politique[74],[75].

À la veille de la Restauration, la République suscite un mécontentement généralisé et de nombreux groupes se montrent enclins à défendre l’instauration d’un nouveau régime : militaires, hommes d’affaires, carlistes et républicains insatisfaits, entre autres[76].

Le programme politique du futur roi est présenté dans lemanifeste de Sandhurst — nommé en référence à l’Académiebritannique où le prince Alphonse parfait alors son instruction militaire — qu’il proclame le[77]. Élaboré essentiellement par Cánovas, assisté de plusieurs collaborateurs dont Isabelle II elle-même, il vise à convaincre les principaux cercles politiques du pays de soutenir l'intronisation du futur monarque en affirmant la volonté d’instaurer un processus d’alternance pacifiée au pouvoir dans un esprit consensuel. Concrètement, il s’agit de créer une opinion favorable aupronunciamiento dont la préparation est en cours et qui aura lieu à la fin du mois[78].

Le 29 décembre, à proximité deSagonte, dans laprovince de Valence, le généralMartínez Campos, un militaire jouissant d’un grand prestige car il a mis fin à laRévolution cantonale quelques mois auparavant, lance unpronunciamiento qui triomphe facilement et permet la Restauration des Bourbons en la personne du prince Alphonse[65],[77],[72].

La reconnaissance du nouveau monarque par le papePie IX lui confère de la légitimité auprès des classes traditionalistes, sans toutefois convaincre lescarlistes dans un premier temps[79]. Son arrivée est accueillie avec une relative indifférence dans l'opinion[79],[72]. Sur le plan international, l’instauration du nouveau régime est reçue positivement en Europe, où la grande instabilité de l'Espagne au cours des années précédentes est redoutée comme source potentielle de désordre par contamination[80].

Fin de la troisième guerre carliste (1875-1876)

[modifier |modifier le code]
Carte des principaux conflits rencontrés par laPremière république en 1873-1874 ; les foyers de rébellion carliste sont indiqués en rouge.
Article détaillé :Carlisme (Espagne).

À l’été 1874 — à la suite de la grande victoire carliste dans labataille d’Abárzuza enNavarre —, la troisième et dernièreguerre carliste,guerre civile lancée par les partisans deCharles de Bourbon, est à son apogée[81]. La Restauration des Bourbons en fin d’année, qui incarne aux yeux de l’opinion la possibilité d’un retour à l’ordre, affaiblit les appuis au carlisme[82].

Au début de la Restauration, le conflit se maintient sur trois fronts, aux caractéristiques bien distinctes :La Manche et l’Aragon au centre, laCatalogne et lePays valencien à l'est, et lePays-Basque et laNavarre au nord — où le mouvement carliste domine presque l’intégralité du territoire à l'exception des capitales de province —[83],[84].

En février 1875 et en dépit du grand déséquilibre des forces en présence qui leur est défavorable, les carlistes remportent leur dernière victoire à labataille de Lácar (es), au cours de laquelle Alphonse XII est presque capturé[85],[86].

En 1875, le ralliement à Alphonse XII du prestigieux général carlisteRamón Cabrera, vétéran de la première guerre, constitue un coup dur pour les rebelles[79],[87]. En juillet de la même année, les noyaux carlistes au centre du pays sont tout d'abord maîtrisés par Cánovas[79],[83]. Le mois suivant, les générauxJovellar etMartínez Campos mettent fin à la rébellion carliste enCatalogne[85],[83],[88].

À la fin de l’année, le régime forme une armée de quelque 155 000 hommes — contre seulement 35 000 environ pour les carlistes —, et les victoires décisives s'accumulent rapidement dans le camp du monarque libéral[85],[89]. Les principales positions carlistes restantes, dans lePays basque et laNavarre, tombent dans les mois qui suivent[90]. La prise deMontejurra etEstella le 16 février 1876 marque la fin du conflit[85],[79]. Le prétendant carliste fuit en France11 jours plus tard[91].

Le 21 juin 1876, lesfors duPays basque sont abolis[92]. Leur restauration sera l’une des principales revendications du mouvementnationaliste basque qui apparaît à la fin du siècle[93].

Au cours de la Restauration, le carlisme connaît plusieurs réorganisations d’importance mais devient un mouvement marginal — il perd dans un premier temps tous ses organes de presse traditionnels — et cesse de représenter une alternative de régime crédible, en dépit de quelques soulèvements ponctuels — commecelui deBadalone en 1900 —[94],[95].

1875-1881 : Gouvernements conservateurs

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Gouvernement Cánovas (1),Gouvernement Jovellar,Gouvernement Cánovas (2),Gouvernement Martínez Campos etGouvernement Cánovas (3).

Les conservateurs restent à la tête du gouvernement au cours de la première période de la Restauration, entre 1875 et 1880. L'exécutif reste présidé par Cánovas, à l'exception de deux intervalles de quelques mois — gouvernementJovellar entre septembre et décembre 1875 puisMartínez Campos entre mars et décembre 1879 —, et la ligne politique reste sensiblement la même au cours de ces première années du régime[96]. La première cession de pouvoir de Cánovas correspond à la tenue des premièresélections générales du régime, convoquées en janvier 1876 pour former un parlement qui approuve la nouvelle Constitution. Ces élections se font au suffrage universel masculin, selon le régime de laConstitution de 1869 alors toujours en vigueur, et Cánovas choisit de ne pas assumer la présidence du gouvernement au cours de cette période, ce mode de scrutin suscitant des oppositions dans les rangs conservateurs[97]. En 1878 d’ailleurs, la nouvelleloi électorale établit que les élections au Congrès se feront désormais au suffrage censitaire[98] — ce sera le cas jusqu’à la restauration du suffrage universel masculin par les libéraux en 1890 —.

Sur le plan intérieur, cette période est marquée par la mise en place du régime, la promulgation de la nouvelle Constitution en juin 1876 et la fondation duParti libéral conservateur — le « Parti conservateur » dynastique —. Jusqu’en mai 1880 et la formation duParti libéral fusionniste, le système ne dispose pas dans ce premier temps d’une autre formation politique susceptible d'alterner au pouvoir[99].

Cánovas doit faire face aux secteurs les plus conservateurs de son parti et auxcatholiques intégristes, qui demandent la restauration de laConstitution de 1845, l’interdiction des cultes non catholiques, voire le retour de la reineIsabelle II[100], ainsi qu’aux secteurs libéraux menés par Sagasta, qui pour leur part rejettent dans un premier temps la nouvelle Constitution et souhaitent le maintien de celle de 1869[101].

En 1876, un décret ministériel deManuel Orovio Echagüe (es) — auquel Cánovas lui-même se montre opposé — annule laliberté académique et provoque l’expulsion du système éducatif de bon nombre d’universitaires réputés, accusés de donner des enseignements non conformes à la foi catholique[102].

En 1877, les libéraux se retirent duParlement pour protester contre un nombre de sénateurs nommés à vie issus de leur parti qu’ils jugent insuffisant[103].

Lesélections générales d'avril-mai 1879, les premières tenues sous l'égide de la nouvelle Constitution, donnent une large majorité aux conservateurs.

La loi sur l'imprimerie du 7 janvier 1879 instaure, entre d'autres mesures restrictives, le contrôle préalable de tout contenu publié par les autorités. Au cours des premières années de la Restauration, la presse devra faire face à une importantecensure, ainsi que de nombreuses amendes et mesures de suspension[98].

1881-1884 : Gouvernements libéraux

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Gouvernement Sagasta (3) etGouvernement Herrera.
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète.Votre aide est la bienvenue !Comment faire ?

En 1883, le nouveau papeLéon XIII publie uneencyclique dans laquelle il affirme que l’Église ne doit pas intervenir directement à travers un parti politique ni exclure ceux militant dans des partis libéraux[104].

La régence de Marie-Christine d'Autriche (1885-1902)

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Régence de Marie-Christine d'Autriche.

La régence deMarie-Christine d'Autriche (1885-1902) est une période de changements importants. Le système de la Restauration se stabilise, des politiques libérales sont mises en place. Le pays doit faire face à laguerre d'indépendance cubaine, puis à laguerre hispano-américaine, qui entraînent la perte des dernières colonies en 1898. Sur le plan intérieur, la société espagnole est marquée par l’émergence demouvements régionalistes ainsi que le renforcement d’unmouvement ouvriersocialiste etanarchiste[105].

Le pacte du Pardo

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Pacte du Pardo.
Tableau représentant leserment d'allégeance de Marie-Christine d'Autriche sur laConstitution de 1876 dans son acte de proclamation comme régente en décembre 1885. Marie-Christine, enceinte, est accompagnée de ses deux filles,María de las Mercedes de Bourbon etMarie-Thérèse de Bourbon. En face d’elle se trouve le président du gouvernement,Antonio Cánovas del Castillo.

Le roiAlphonse XII meurt le 25 novembre 1885 de latuberculose, et larégence incombe à son épouse Marie-Christine d'Autriche, une femme jeune — âgée de 27 ans —, étrangère depuis peu en Espagne et réputée peu intelligente[106],[107]. Le couple royal n’ayant que deux filles, et la reine étant enceinte de trois mois au moment de la mort de son époux, une période d’incertitude s’ouvre sur le futur du régime de la Restauration[107], instauré depuis seulement10 ans, un vide de pouvoir créant le risque d’une intervention descarlistes ou des républicains, hostiles à celui-ci[108].

En septembre 1886, quatre mois après la naissance du futurAlphonse XIII, a lieu un soulèvement républicain mené par le généralManuel Villacampa del Castillo et organisé depuis l’exil parManuel Ruiz Zorrilla ; il s'agit de la dernière tentative de putsch militaire du républicanisme espagnol, qui est profondément divisé à la suite de son échec[109],[110].

Les leaders des partis duturno — Antonio Cánovas del Castillo pour leParti conservateur etPráxedes Mateo Sagasta pour leParti libéral — se réunissent alors pour convenir d’une alternance au pouvoir en faveur des seconds, avec le médiation du général Martínez Campos. Cet accord, connu sous le nom depacte du Pardo, ouvre la possibilité pour les libéraux de développer le programme négocié par les différentes factions du parti, avec labienveillance des conservateurs, à ce moment majoritaires auParlement. Connu sous le nom deley de garantías (« loi des garanties »), ce programme consiste fondamentalement dans l’introduction des libertés et droits reconnus au cours duSexenio Democrático, ainsi que l’acceptation définitive de la Constitution de 1876 par le camp libéral, notamment la souveraineté partagée entre le roi et lesCortes sur laquelle celle-ci est basée. L’accord du Pardo marque un jalon important dans l’établissement de la Restauration, qui est consolidé par l’union de tous les monarchistes autour du régime, plaçant l’intérêt général de celui-ci au-dessus des intérêts particuliers[107]. Toutefois, la faction du Parti conservateur menée parFrancisco Romero Robledo n’accepte pas la cession du pouvoir à Sagasta et quitte le parti pour fonder leParti libéral-réformiste — auquel se joint laGauche dynastique deJosé López Domínguez[111] —, une tentative de créer un espace politique intermédiaire entre les deux partis duturno[112],[113].

Le « Parlement long » de Sagasta (1885-1890)

[modifier |modifier le code]
Práxedes Mateo Sagasta, leader duParti libéral fusionniste.

En avril 1886, cinq mois après avoir formé un gouvernement et un mois avant la naissance du futur Alphonse XIII, les libéraux convoquent desélections générales pour se doter d’une majorité solide auParlement et pouvoir pleinement mettre en œuvre leur programme — bien que certaines réformes aient déjà été menées grâce à l’accord avec les conservateurs —. En raison de sa durée — près de cinq ans —, cette période est connue comme le « gouvernement long » (Gobierno Largo) de Sagasta ou le « Parlement long » (« Parlamento Largo ») ; il s’agit de la plus longue législature de la Restauration, seul cas où celle-ci parvient presque à son terme, malgré plusieurs crises que l’exécutif doit surmonter parfois avec difficulté[111]. Au cours de celle-ci est mené un ensemble de réformes fondamentales pour définir le profil de la Restauration, et elle est parfois considérée comme sa phase la plus féconde[113].

La première grande réforme du « gouvernement long » de Sagasta est l’approbation en juin 1887 de laLey de Asociaciones (« Loi sur les associations ») qui régule laliberté d’association et inclut laliberté syndicale, permettant aux organisations ouvrières d’agir dans la légalité et débouchant sur un développement notable dumouvement ouvrier en Espagne. Dans le cadre de la nouvelle loi, laFédération des travailleurs de la région espagnoleanarcho-syndicaliste, fondée en 1881, se développe comme successeur de laFédération régionale espagnole duSexenio Democrático, l’Union générale des travailleurs (UGT) est fondée en 1888 et, la même année, leParti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) — né dans la clandestinité neuf ans auparavant — peut célébrer son premiercongrès[114].

La seconde grande réforme est la diteLey del jurado (« Loi du jury »), une vieille revendication du libéralisme progressiste qui avait toujours rencontré l'opposition des secteurs conservateurs, approuvée en avril 1888. Lesjurys sont introduits pour les délits les plus importants pour le maintien de l’ordre social ou qui affectent les droits individuels, comme laliberté de la presse. Selon la loi, le jury est chargé d’établir les faits et la qualification juridique de ceux-ci est attribuée aux juges[115].

La troisième grande réforme est l’introduction dusuffrage universel masculin par une loi approuvée le 30 juin 1890. Elle satisfait ainsi une vieille demande de la gauche libérale et démocrate et constitue un changement important dans le profil politique du régime, le suffrage se trouvant étendu à tous les hommes âgés d’au moins25 ans, indépendamment de leur revenu — auparavant le suffrage étaitcensitaire —. S'il entraine une augmentation considérable du nombre d’électeurs[116], le changement n’implique toutefois pas une démocratisation du système : lafraude électorale est maintenue, mais dorénavant l’influence desréseaux de caciques s'étend à l'ensemble de la population. Les gouvernements continuent d’être constitués avant les élections et la pratique de l’encasillado permet au gouvernement de « fabriquer » des élections sur mesure et de s’assurer une solide majorité auxCortes. Il s’agit donc d’une réforme purement formelle, qui n’implique pas une démocratisation du régime et en pratique ne change rien. De plus, en l’absence de réforme de la Constitution, le principe de lasouveraineté nationale reste sans reconnaissance légale et seulement un tiers des sièges duSénat est élu. Laliberté de culte, une autre caractéristique d’un système démocratique, n’est pas non plus reconnue légalement[12].

D’autre part, aucune mesure n’est prise pour assurer la transparence du suffrage, comme la mise à jour deslistes électorales par un organisme indépendant, la demande d’une preuve d’identité aux votants ou une limitation du contrôle exercé sur tout le processus électif par le ministre de l'Intérieur — surnommé le « grand électeur » —. Ce n’est que dans quelques noyaux urbains que l’opposition au régime pourra contrer cet état de fait, avec un impact marginal au niveau national[117].

Une autre réforme réside dans l'approbation en mai 1889 duCode civil qui, avec leCode pénal de 1870 et leCode du commerce de 1885, configure définitivement l’« édifice juridique du nouvel ordre bourgeois » en appliquant au domaine privé ce que la Constitution de 1876 avait représenté pour le domaine public. Ce Code civil inclut également ledroit civil foral (es) et respecte ledroit canonique catholique relativement aumariage[118].

1890-1895 : Stabilisation du régime

[modifier |modifier le code]

Entre 1890 et 1895, le système canoviste atteint sa période de plénitude, caractérisé par la normalisation duturno entre libéraux et conservateurs. Le régime devra ensuite faire face à plusieurs problèmes inattendus : l’émergence du mouvement ouvrier et des difficultés qu’elle suscite, la cristallisation des régionalismes et les troubles dans les colonies, qui marqueront la crise de la fin du siècle[119].

1890-1892 : Gouvernement conservateur de Cánovas

[modifier |modifier le code]
Antonio Cánovas del Castillo, leader duParti Conservateur, l'« architecte » du système de la Restauration.

Quelques semaines seulement après avoir approuvé la réforme sur le suffrage, point culminant de son programme de réformes, Sagasta cède le pas à Cánovas, qui forme un gouvernement en juillet 1890. Le nouvel exécutif ne modifie pas les mesures prises par les libéraux, et le régime se trouve ainsi consolidé, dans un « équilibre entre la conservation et le progrès »[41]. C’est donc le gouvernement conservateur de Cánovas qui organise les premières élections au suffrage universel masculin, célébrées en février 1891. La fraude électorale institutionnalisée fonctionne à nouveau pleinement, si bien que les conservateurs obtiennent une large majorité au Congrès des députés — 253 sièges, contre 74 pour les libéraux et 31 pour les républicains —[120].

Le gouvernement intègre les deux tendances conservatrices, incarnées parFrancisco Romero Robledo — après l’échec de son expérience du Parti libéral-réformiste — etFrancisco Silvela. Le premier incarne « la domination des pratiques clientélaires, de la manipulation électorale et le triomphe du pragmatisme le plus cru », en opposition avec le « réformisme conservateur » du second. Cánovas favorise le « pragmatisme » de Romero Robledo, si bien que Silvela quitte le gouvernement en novembre 1891 — il ne pourra mettre en application son programme de réforme qu’après la mort de Cánovas et le « désastre de 1898 » —[120].

La mesure la plus importante prise par le gouvernement est la réforme des tarifs douaniers qui sera connue sous le nom d’« Arancel Cánovas », qui met un terme à la législation établie parLaureano Figuerola en 1869, favorable aulibre-échange, marquant un fort tournantprotectionniste pour l’économie espagnole, plus tard complétées par laLoi des relations commerciales avec les Antilles (es). Ce faisant, le gouvernement satisfait les demandes de certains secteurs économiques — comme l’industrie textile catalane — tout en rejoignant la tendance internationale[121].

C’est au cours du gouvernement de Cánovas qu’est fondée l’Unió Catalanista (« Union catalaniste »), première organisation pleinement politique dunationalisme catalan, qui approuve en 1892 son document fondateur, lesBases de Manresa. La même année est publiéBizkaya por su independencia, libre deSabino Arana qui marque la naissance dunationalisme basque[121].

1893-1895 : retour des libéraux au pouvoir et apparition du terrorisme anarchiste

[modifier |modifier le code]

En décembre 1892, une affaire decorruption à lamunicipalité de Madrid provoque une crise du gouvernement de Cánovas, que la régente résout en nommant de nouveau Sagasta pour former un nouvel exécutif. Selon les usages duturno, ce dernier obtient le décret de dissolution duParlement et la convocation denouvelles élections au mois de mars de l’année suivante, qui le dotent d’une écrasante majorité — 281 députés pour les libéraux, contre 61 pour les conservateurs, divisés entre canovistes (44 sièges) et partisans de Silvela (17 sièges), 7 carlistes, 14républicainspossibilistes (es) et 33 républicains unionistes (menés par Nicolás Salmerón) —[122].

Une du quotidien parisienLe Petit Journal sur l’attentat du Liceu, provoqué par une bombe lancée par un anarchiste le 7 novembre 1893, qui cause 22 muerts et35 blessés.

Les figures les plus importantes du nouveau gouvernement sontGermán Gamazo, leader de l’aile droite du Parti libéral, et son gendreAntonio Maura. Le premier occupe le portefeuille du Budget, mais ne parvient pas à établir unebalance des paiements équilibrée à cause du coût occasionné par la brèveguerre de Margallo (es) qui a lieu dans les environs deMelilla entre octobre 1893 et avril 1894. Le second, à la tête du ministère des Outre-mer, lance une réforme du régime colonial et municipal desPhilippines pour les doter d’une plus grande autonomie administrative, qui suscite l’opposition dunationalisme espagnol et de l’Église. ÀCuba, une réforme similaire échoue. Elle rencontre l’opposition de deux groupes politiques locaux, leParti de l’union constitutionnelle (es), espagnoliste, qui la juge excessive, et leParti libéral autonomiste cubain, qui la juge insuffisante. Lors de débats auParlement, le projet de réforme coloniale pour Cuba est rejeté, qualifié d’« antipatriotique », et Maura subit des qualificatifs injurieux comme « flibustier », « ivrogne » et « énergumène ». Maura et Gamazo démissionnent, provoquant une crise grave au sein du gouvernement Sagasta[123].

Particulièrement dans la ville deBarcelone, le gouvernement doit faire face à l’apparition duterrorisme anarchiste (en), justifie son action par la « propagande par le fait », comme une réponse à la « violence de la société et de l’État bourgeois ». Le premier attentat important a lieu le 24 septembre 1893, au cours duquel une personne trouve la mort et plusieurs sont blessées, dont le généralMartínez Campos,capitaine général deCatalogne, légèrement. L'auteur de l'attentat, le militant anarchistePaulino Pallás (es), âgé de 31 ans et fusillé deux semaines plus tard, présente son acte comme des représailles auxincidents (es) survenus un an et demi auparavant, dans la nuit du 8 janvier 1892 àJerez de la Frontera, au cours desquels 500 paysans tentent de prendre la ville pour libérer des camarades emprisonnés, et qui donnent suite à une répression indiscriminée des autorités envers les organisations ouvrières de la ville — quatre ouvriers agricoles sont condamnés à mort par unconseil de guerre et 16 autres sont condamnés à laréclusion à perpétuité ; tous dénoncent avoir ététorturés pour obtenir des aveux —. Le 7 novembre suivant, unebombe explose au théâtre du Liceu de Barcelone, tuant 22 personnes et blessant 35 autres.[réf. nécessaire]

1895-1902 : Crise de fin de siècle

[modifier |modifier le code]
Dessin reproduisant l’attentat à la bombe de la procession de laFête-Dieu en 1896 à Barcelone ; réprimé lors duprocès de Montjuïc (es), elle lève une vague de protestations nationales et internationales.

Commencée en février 1895, laguerre d'indépendance cubaine provoque une crise de la Restauration à la fin duXIXe siècle, avec pour première conséquence la chute du gouvernement libéral de Sagasta, auquel succède un nouvel exécutif présidé par Cánovas. Sur le plan intérieur, le terrorisme anarchiste joue également un certain rôle, avec notamment l’attentat à la bombe de la procession de la Fête-Dieu (es) survenu à Barcelone le 7 juin 1896, qui provoque la mort de6 personnes et42 blessés. La répression policière déclenchée à sa suite est brutale et indiscriminée. Lors duprocès de Montjuïc (es), 400 « suspects » sont emprisonnés auchâteau de Montjuïc et sont victimes detortures — ongles arrachés, pieds écrasés par desinstruments de torture, électrocutions par casque, mégots de cigares écrasés sur la peau, , etc. —. À l’issue de plusieursconseils de guerre,28 personnes sont condamnées à mort et 59 autres à la réclusion à perpétuité[124].

Le procès de Montjuïc a une grande répercussion, sur le plan international, étant donné les doutes concernant les preuves sur lesquelles sont basées les condamnations — essentiellement des aveux obtenus sous la torture —, comme à l’intérieur du pays, où la presse lance une campagne contre le gouvernement et les bourreaux. Le jeune journalisteAlejandro Lerroux, directeur du quotidien madrilène républicainEl País[125], y contribue de façon remarquable, en publiant pendant des mois les récits des torturés dans une chronique intitulée« las infamias de Montjuïc » (« Les infamies de Montjuïc ») et en menant une tournée d’information dansLa Manche et l’Andalousie. C’est dans ce contexte de protestations exaltées que se produit l’assassinat de Cánovas, le 8 août 1897, aux mains de l’anarchiste italienMichele Angiolillo, qui entraîne le retour au pouvoir de Sagasta[126].

1895-1898 : La guerre de Cuba

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Guerre d'indépendance cubaine.
Dessin satirique de la presse desÉtats-Unis représentant le rôle du généralWeyler dans laguerre d'indépendance cubaine, intituléThe blind leading the blind (« L’Aveugle conduisant l'aveugle »).

Le dernier dimanche de février 1895 éclate une nouvelle insurrection indépendantiste à Cuba, menée par leParti révolutionnaire cubain (en) fondé parJosé Martí àNew York en 1892, et qui met fin à la trêve duPacte de Zanjón — signé le 10 février 1878 —. Le gouvernement espagnol réagit en envoyant sur l'île un important contingent militaire — environ 220 000 soldats en trois ans —. En janvier 1896, le généralWeyler prend le relai du généralMartínez Campos — qui n’est pas parvenu à éteindre l’insurrection — à la tête du commandement, décidé à mener la guerre« jusqu’au dernier homme et la dernière peseta »[127]. Weyler prétend déconnecter les indépendantistes de leurs soutiens populaires en organisant la concentration de la population rurale dans des villes sous le contrôle des forces coloniales et en ordonnant la destruction des récoltes et l’abattage du bétail, susceptibles de servir d’approvisionnement aux rebelles. Ces mesures donnent de bons résultats sur le plan militaire mais avec un coût humain colossal : en raison des mauvaises conditions sanitaires et alimentaires, la population déportée est victime de maladies et un grand nombre de personnes meurent. De plus, de nombreux paysans se joignent alors aux insurgés[128].

Au même moment, un autre mouvement insurrectionnel indépendantiste surgit dans l'archipel desPhilippines, mené par leKatipunan, une organisation nationaliste fondée en 1892. Des méthodes similaires à celles employées par Weyler à Cuba sont mises en œuvre par le généralPolavieja, qui parvient à maîtriser la rébellion en 1897. Le principal intellectuel nationaliste philippin,José Rizal, est exécuté le 30 décembre 1896[129].

Après l’assassinat de Cánovas en août 1897, le nouveau gouvernement Sagasta, formé en octobre de la même année, prend parmi ses premières mesures la destitution de Weyler et son remplacement par le généralBlanco y Erenas. Dans une ultime tentative de retirer ses appuis à l'insurrection, une autonomie politique est concédée à Cuba — ainsi qu’àPorto Rico, qui ne connaît pas d’insurrections similaires —, mais de façon trop tardive, si bien que la guerre se poursuit[130].

Guerre hispano-américaine : le « désastre de 98 »

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Guerre hispano-américaine.
Caricature satirique de la presse américaine sur letraité de Paris de 1898, signé après la défaite espagnole dans laguerre hispano-américaine et qui met fin à l’empire colonial espagnol.

S’ajoutant aux motivations géopolitiques et stratégiques, l’intérêt desÉtats-Unis d’Amérique pour Cuba — et Porto Rico — grandit en raison de l’interdépendance de leurs économies respectives — investissements de capitaux américains et importance des exportations desucre, 80 % de la production cubaine se trouvant destinée aux États-Unis — et de l’inclination de l’opinion publique américaine en faveur de la cause indépendantiste cubaine, après la mise en lumière dans lapresse à sensation de la répression brutale menée par Weyler et le déclenchement d’une campagne anti-espagnole demandant l'intervention de l’armée des États-Unis pour soutenir les insurgés. En conséquence, les autorités américaines apportent une aide décisive à laguérilla cubaine. Après sonélection en novembre 1896, le présidentrépublicainWilliam McKinley s'oppose à la solution de l'autonomie acceptée par son prédécesseur, ledémocrateGrover Cleveland, et défend clairement l’indépendance ou l’annexion de l’île — l’ambassadeur américain à Madrid fait une offre d’achat de l’île au gouvernement espagnol qui la rejette —[131].

En février 1898, le cuirassé américainMaine fait naufrage dans le port deLa Havane. Deux mois plus tard, leCongrès des États-Unis approuve une résolution exigeant l’indépendance de Cuba et autorise le président McKinley à déclarer la guerre à l’Espagne, ce qu’il fait le 25 avril suivant[132].

Laguerre hispano-américaine est brève et se joue en mer. Le1er mai 1898, l'escadre espagnole des Philippines est coulée par une flotte américaine dans labataille de la baie de Manille et les troupes du vainqueur occupent la capitaleManille trois mois et demi plus tard. Le 3 juillet de la même année, la flotte espagnole de Cuba contrôlée par l’amiralCervera connaît le même sort lors de labataille de Santiago, à l’issue de laquelle les troupes américaines débarquent dans la deuxième ville de l’île quelques jours plus tard. L’île voisine dePorto Rico connaît le même sort peu après[133].

La régenteMarie-Christine avec son fils, le futurAlfonso XIII, âgé de11 ans (tableau deLuis Álvarez Catalá (es) de 1898).

Immédiatement, le gouvernement de Sagasta demande la médiation de laFrance pour entamer des négociations de paix qui débouchent sur la signature dutraité de Paris le 10 décembre 1898, par lequel l'Espagne reconnaît l’indépendance de Cuba et cède aux États-Unis Porto Rico, les Philippines et l'île deGuam dans l’archipel des Mariannes. L’année suivante, l’Espagne vend à l’Allemagne contre25 millions de dollars les derniers restes de son empire colonial dans lePacifique : lesîles Carolines, le reste des Mariannes et les îlesPalaos.« Qualifiée d’absurde et d’inutile dans une grande partie de l'historiographie, la guerre contre les États-Unis fut soutenue par une logique interne, avec l’idée qu’il n’était pas possible de maintenir le système monarchique qu’à partir d’une défaite militaire plus que prévisible », soutenue par les conservateurs comme les libéraux. Comme le déclare le chef de la délégation espagnole dans les négociations de paix à Paris, le libéralEugenio Montero Ríos :« tout a été perdu, sauf la Monarchie »[134].

Après la défaite, l’exaltationnationaliste espagnole cède le pas à un sentiment de frustration et de pessimisme généralisé dans la société, sans toutefois se traduire par un changement politique[135]. Les républicains — à l’exception dePi y Margall, résolument anticolonialiste — comme lescarlistes avaient appuyé la guerre et s’étaient manifestés aussi nationalistes, militaristes et colonialistes que les partis dynastiques. Seuls les socialistes et anarchistes étaient demeurés fidèles à leurs idéesinternationalistes,anticoloniales etantimilitaristes. De sorte que le régime de la Restauration survit à cette crise sans changements de fond[136].

1898-1902 : Gouvernements « régénérationnistes »

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Régénérationnisme etGénération de 98.
Carte des possessions espagnoles dans leGolfe de Guinée en 1897, avant letraité de Paris de 1900, qui instaure laGuinée espagnole daría lugar a laGuinea Española, jusqu’à son indépendance en 1968 en tant queGuinée équatoriale.
Joaquín Costa, principale figure durégénérationnisme.

Le tournant duXXe siècle est marqué par lerégénérationnisme, un courant idéologique qui défend la nécessité de « régénérer » la société espagnole pour éviter un nouveau désastre comme celui survenu en 1898. Ce courant participe de la dénommée « littérature du désastre », commencée dès 1890 parLucas Mallada avec la publication deLos males de la Patria (« Les Maux de la Patrie »), qui engage une réflexion sur les causes de la situation de « prostration » dans laquelle se trouve la « Nation espagnole », illustrée par la perte des colonies de l’Espagne tandis que les principaux États européens se trouvent en phase de consolidation de leurs propres empires coloniaux, et sur les moyens de la surmonter. Parmi les nombreuses œuvres publiées figurentEl problema nacional (« Le Problème National », 1899) deRicardo Macías Picavea,Del desastre nacional y sus causas (« Du désastre national et ses causes », 1900) deDamián Isern et¿El pueblo español ha muerto? (« Le Peuple espagnol est-il mort ? », 1903) d’Enrique Diego-Madrazo (es). Les écrivains de ce qui sera plus tard appelégénération de 98 participent également à cette réflexion sur le « problème de l’Espagne (es) » :Ángel Ganivet,Azorín,Miguel de Unamuno,Pío Baroja,Antonio Machado,Ramiro de Maeztuetc.[137],[138].

L’auteur le plus influent de la littérature régénérationniste estJoaquín Costa, qui publie en 1901Oligarquía y caciquismo (« Oligarchie et Caciquisme »), dans lequel il désigne lesystème politique de la Restauration comme le principal responsable du retard de l'Espagne. Pour « régénérer » l’ « organisme malade » qu’est selon lui l’Espagne de 1900, il défend la nécessité d’un « chirurgien de fer » ()« cirujano de hierro » qui mette fin aux pratiques du système oligarchique et mène un programme notamment basé sur l’éducation et le partage du pouvoir[137].

Francisco Silvela (en 1903), successeur d’Antonio Cánovas del Castillo à la tête duParti conservateur.

En mars 1899, le nouveau leader conservateur,Francisco Silvela, prend la tête du gouvernement, pour le soulagement de Sagasta, qui était à la tête de l’État au cours du désastre de 1898[139]. Silvela se fait l'écho des demandes régénérationnistes de la société et du système politique — il qualifie lui-même l’Espagne de pays « sans pouls » — en menant une série de réformes. Secondé par son ministre de la Guerre, le généralPolavieja, il défend « une formule de régénération conservatrice qui essayait de sauvegarder les valeurs de la patrie dans un moment de crise nationale »[140].

La réforme la plus importante est celle du budget public menée par le ministreRaimundo Fernández Villaverde, qui vise à faire face à la difficile situation financière de l’État à la suite de l’augmentation des dépenses provoquée par la guerre, accompagnée de la baisse de la valeur de la monnaie nationale et d’une importante inflation, à l'origine d’une hausse du mécontentement populaire[141].

La seule opposition significative à laquelle gouvernement conservateur de Silvela doit faire face est le mouvement detancament de caixes (en) (littéralement « fermetures des caisses »), mouvement de protestation mené enCatalogne entre avril et juillet 1900 par les commerçants et industriels regroupés dans la Liga Nacional de Productores (« Ligue nationale des producteurs ») — organisation créée par Joaquín Costa lui-même —, qui exige des changements politiques et économiques mais échoue après que les bourgeoisies basque et catalane décident finalement de soutenir le gouvernement[142].

Les désaccords internes — fondamentalement en conséquence de l’opposition de Polavieja à la réduction des dépenses publiques imposée par Fernández Villaverde, incompatible avec sa demande de financement pour moderniser l’armée — finissent par provoquer la chute du gouvernement Silvela en octobre 1900. Le gouvernement présidé par le généralAzcárraga Palmero qui lui succède ne dure que cinq mois. En mars 1901, le libéral Sagasta prend la tête d’un nouvel exécutif, qui sera le dernier de la régence de Marie-Christine et le premier du règne effectif d’Alphonse XIII[143].

1902-1914 : Première période du règne d’Alphonse XIII

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Règne d'Alphonse XIII.

La première période du règne d'Alphonse XIII est marquée par les suites directes du désastre de 1898, qui ébranle sérieusement le système de la Restauration et se trouve amplifié par l’émergence des deux principales problématiques qui mèneront à l'usure et la crise finale du régime : le retour de l’Armée dans la vie politique et l’irruption de la question catalane[144],.

Le nouveau roi ne se limite pas à exercer un rôle symbolique, il intervient activement dans la vie politique, particulièrement sur la question militaire, ce qui constitue l’un des facteurs expliquant que le régime se montre incapable de se transformer en une authentiquemonarchie parlementaire. Face à l’instabilité et la fragmentation au sein des partis duturno, le choix du président du gouvernement par le monarque constitue désormais une participation décisive dans la vie interne de ceux-ci[145].

Cette période se caractérise par d’importants changements dans la société espagnole avec la consolidation d'unmouvement ouvrier autonome[146].

Au cours de cette période, la place de l’Espagne en Europe s’atténue et se rapproche de celles d’États de second rang comme l’Italie[146].

1902-1907 : premières années

[modifier |modifier le code]
Le futur roi Alfonso XIII avec sa mère, la régenteMarie-Christine d'Autriche, en 1901.

Le règne d’Alphonse XIII commence le 17 mai 1902, jour de ses seize ans, où il prête serment sur laConstitution de 1876[145]. Dès le lendemain, le jeune roi envoie un message au papeLéon XIII dans lequel il affirme l'importance de la foicatholique en Espagne[147]. Le nouveau roi ne fait pas l’unanimité dans l’opinion. Le jour de la cérémonie, le journal progressisteEl País déplore son cléricalisme et regrette le manque de patriotisme manifesté dans la célébration. Des critiques sont également émises dans les rangs desnationalismes périphériques,catalan etbasque[148].

Au moment de l'accession au trône, laCatalogne vit une période de tensions : la capitaleBarcelone est soumise à l’état de guerre à la suite d’une grève générale révolutionnaire qui, pour la première fois de son histoire, a paralysé la ville une semaine en février 1902, donnant lieu à des incidents violents[149], la situation étant finalement contrôlée grâce à une intervention de l’Armée[150]. Le gouvernement est présidé par le vieux leaderlibéralPráxedes Mateo Sagasta, qui reste au pouvoir jusqu’en décembre de la même année et meurt un mois après avoir abandonné la présidence, âgé de77 ans[151].

Conseil des ministres du gouvernementSagasta (1902).

C’est un autre vétéran de la politique espagnole,Francisco Silvela, âgé de60 ans et leader duParti conservateur depuis l’assassinat de son leader historiqueCánovas en 1887, qui lui succède à la tête du gouvernement. Le premier ministre obtient du roi l’habituel décret de dissolution duParlement et convoque lesélections générales d'avril 1903 pour se doter d’une majorité parlementaire confortable. Silvela promet des électionssincères, si bien que, bien que sans courir le risque de mettre le gouvernement en minorité, la coalition des partis républicains fait un triomphe dans plusieurs capitales, dont les trois plus grandes villes du pays — Madrid, Barcelone et Valence —[152],[153] ; ce succès relatif est très mal accueilli par le roi et son entourage, qui en rejettent la responsabilité sur le gouvernement, et notamment sur son ministre de l’Intérieur,Antonio Maura[154], exacerbant les tensions au sein du Parti conservateur.

Silvela, usé, ne supporte pas la pression et présente simultanément sa démission de la tête du gouvernement et du parti. Il s’agit de la première des crises dites « orientales » — comprendre ici « despotiques », expression forgée par le journalisteÁngel Urzaiz à cette occasion —, étant donné que c’est le roi et son entourage direct qui résolvent toutes les crises, le monarque nommant et écartant librement les ministres en vertu de la Constitution[155],[156]. La presse de l’époque rejette la responsabilité de la crise, qualifiée de « capricieuse et dispensable » « rappelant les jours d’Isabelle II » sur le monarque[157],[158].

Raimundo Fernández Villaverde, leader de l’une des factions duPartido conservateur après le départ deSilvela.

La disparition des leaders historiques des partis dynastiques attise les luttes intestines pour en prendre le contrôle. Dans le parti conservateur, la faction menée parRaimundo Fernández Villaverde, successeur de Silvela à la présidence du gouvernement, s’oppose à celle d’Antonio Maura, qui le remplace en décembre 1903. Au sein du Parti libéral, la division est plus grande encore, avec jusqu’à 5 aspirants pour succéder à Sagasta :Eugenio Montero Ríos,José López Domínguez,Francisco Romero Robledo,Segismundo Moret etJosé Canalejas. Le processus duturno se maintient dès lors avec deux partis très affaiblis[152]. Le Parti conservateur gouverne entre 1903 et 1905, puis le Parti libéral entre 1905 et 1907, mais dans une grande instabilité[159].

La mort de Sagasta et le départ de Silvela révèlent au grand jour les faiblesses des deux partis dynastiques, qui fonctionnent en réalité comme des réunions de petits groupes d'intérêts plutôt qu'agglutinant un véritable électorat. Au début du règne d’Alphonse XIII, le régime de la Restauration est confronté à deux problèmes fondamentaux et contradictoires, qu’il s'avèrera incapable de résoudre : d’une part, maintenir la cohésion de ses élites fondatrices avec l’apparition de leurs nouveaux leaders, et d’autre part réformer le système en s'attaquant au caciquisme, à la fraude électorale et en limitant l’interventionnisme du roi, afin de lui conférer force et légitimité dans l’opinion. Une tâche compliquée car contraire aux intérêts des partis« dynastiques »[151].

La première brèche dans le système duturno est ouverte en Catalogne, où la mobilisation citoyenne parvient à mettre fin au réseau caciquiste, en commençant par Barcelone, avec des résultats électoraux qui traduisent les changements d’opinions des votants et le remplacement des partis dynastiques par deux forces extérieures au système : lescatalanistes et les républicains deLerroux[160]. Un phénomène similaire se produit àValence, conduit par l’écrivainVicente Blasco Ibáñez — également journaliste comme Lerroux —. Les deux mouvements associés — respectivement dénomméslerrouxisme etblasquisme — démontrent qu’il est possible, au moins dans les capitales de province, de mobiliser le vote et d’obtenir des sièges parlementaires dans le vieux système basé sur l’oligarchie et le caciquisme[161],[153].

Portrait d’Alphonse XIII portant l’uniforme dehussard, parJoaquín Sorolla (1907).

Lorsque le jeune roi accède au trône les souvenirs dudésastre de 1898 sont encore vifs et les thèsesrégénéragionnistes sont défendues par les partis dynastiques comme dans les rangs de l’opposition républicaine. Dans ce contexte, certaines figures politiques comme le député libéralJosé Canalejas réclament un rôle plus actif de la couronne dans les prises de décision politique, qui l’éloignerait de la stricte fonction de pouvoir modérateur que lui attribue la Constitution de 1876[162]. Une semaine seulement après sa prestation de serment, la principale organisation régénérationniste, l’Union nationale deJoaquín Costa, expose au monarque les réformes qu’il pense devoir être adoptées[163] et Alphonse XIII se montre à l’écoute des demandes de régénération[164]. Selon lecomte de Romanones, à la tête du Ministère de l’Instruction publique et des Beaux arts — récemment créé — du gouvernement libéral de Sagasta, le jeune roi se montre soucieux d’exercer ses pouvoirs dès la première réunion du Conseil des ministres, particulièrement en matière militaire, comme la Constitution lui en reconnait le droit[165],[166]. L’intérêt du jeune Alphonse XIII pour la question militaire est visible dès les premiers temps du règne[167]. Le leader conservateur Antonio Maura, président du gouvernement entre novembre 1903 et décembre 1904 lui recommande lui-même d’accorder une attention particulière à ces sujets[168].

Différentes divergences entre le roi et les gouvernements se produisent[169] mais les frictions les plus importantes sont liées aux questions militaires. En mars 1903, le ministre du Budget du gouvernement conservateur de Silvela,Fernández Villaverde, présente sa démission à cause de — ou, selon les interprétations, en prenant prétexte de — l’opposition du roi à la réduction des effectifs militaires[170]. Il intervient également dans certaines décisions militaires secondaires[171].

Les critiques des interventions de la Couronne dans la vie politique et militaire s'accentuent à partir de la crise qui met fin au gouvernement Silvela vers le milieu de l’année 1903[172], dans la presse et de la part de l'opposition républicaine au Parlement[173]. Lorsque Maura accède à la présidence du gouvernement en décembre 1903, les républicain soupçonnent qu’une nouvelle crise « orientale » s’est produite, à cause de son caractère despotique[155] et d’une prétendue intervention de la reine mère, l’ancienne régenteMarie-Christine[174].

Le premier exemple important d'interventionnisme de la part d'Alphonse XIII a lieu en décembre 1903, lorsqu’il refuse de ratifier la nomination du chef d’État-major de l’Armée[175], ce qui entraine la démission du président du gouvernement, le conservateur Antonio Maura. Le roi mène alors des consultations afin de former un nouveau gouvernement toujours présidé par Maura[176], mais celui-ci refuse et réitère son opposition à l'interventionnisme du roi dans les questions militaires. Deux gouvernements éphémères se succèdent et moins de6 mois plus tard, le roi donne le pouvoir aux libéraux suivant le conseil de Maura lui-même[177].

Cet épisode met en évidence les deux grands écueils auxquels se trouve dès lors confrontée toute tentative de transition vers une véritable monarchie parlementaire : le poids des militaires, qui découvrent qu’ils ont ainsi la capacité d’exercer une pression sur le roi pour résoudre leurs affrontements avec le gouvernement civil, et l’attitude interventionniste du roi, qui, sortant de son rôle strictement constitutionnel, peut choisir de renvoyer un chef de gouvernement à l’encontre de la volonté des deux partis duturno[178].

À partir de 1900, l’opposition entresécularisme etconfesionnalisme comme modèles de société s’exprime ouvertement et avec une vigueur inédite auParlement, dans la presse et dans la rue, traduisant le conflit entre le processus sécularisateur en cours dans la société espagnole, et l’activisme de l’Église catholique qui prétend le freiner. La confrontation entrecléricalisme etanticléricalisme atteint les partis duturno : les libéraux, taxés d’« anticléricaux », prétendant limiter la croissance des ordres religieux en les soumettant à la Loi sur les associations de 1887, les conservateurs soutenant l’Église, radicalement opposée à cette prétention[179].

José Canalejas, libéralanticlérical, en 1901.

La question religieuse est également clivante au sein des partis dynastiques. Ainsi, le gouvernement Sagasta est divisé sur la manière de limiter les activités des ordres religieux, particulièrement en matière éducative. Un groupe de ministres, menés parSegismundo Moret, plaide pour négocier avec le pape une loi pour réguler leurs activités, tandis qu’un autre secteur, dirigé parJosé Canalejas, qui a auparavant proclamé la nécessité de mener une « bataille contre le cléricalisme », s’y oppose au nom de l’indépendance de l’État vis-à-vis duSaint-Siège. C’est finalement la première posture qui s'impose, provoquant le départ du gouvernement de Canalejas ; ce dernier donne alors — agissements exceptionnels pour une figure notable duturno — une série de meetings auPays valencien en faveur d’une monarchie démocratique qui freine laréaction, qu’il identifie comme les républicains à la très antilibérale Église catholique[180],[181]. Parmi les conservateurs, le plusclérical est Antonio Maura[182],[178].

Au cours de son premier gouvernement (décembre 1903-décembre 1904), il doit faire face à un conflit sérieux dans la ville deValence, bastion des partisans républicainsblasquistes[183],[184]. Les blasquistes sont connus pour leurs attaques anticléricales parfois violentes. Pour s’opposer aux blasquistes, en 1901 est fondée la Ligue catholique valencienne[185],[186].

Vignette publiée dans la revue satirique¡Cu-Cut! qui provoque la colère des militaires en novembre 1905.

L’année suivante le gouvernement doit faire face à la grave crise provoquée par lesincidents du¡Cu-Cut!, qui marque l’irruption des questions militaire et catalane au premier plan de la vie politique du pays : le 25 novembre àBarcelone, un groupe d’officiers lance un assaut sur la rédaction de l’hebdomadaire satirique catalaniste¡Cu-Cut! ainsi que celle du quotidienLa Veu de Catalunya, en réaction à la publication par le premier d’une vignette ironisant sur les défaites de l’Armée espagnole. Le gouvernement libéral d’Eugenio Montero Ríos tente d’imposer son autorité aux militaires et choisit de ne pas céder à la pression des capitaines généraux qui montrent leur appui aux militaires insurgés. Finalement, le roi ne soutiendra pas le gouvernement, obligeant Montero Ríos à présenter sa démission[187].

Un nouveau gouvernement libéral est formé sous la présidence deSegismundo Moret, qui reçoit du roi la mission d’empêcher que les attaques« à l’Armée et aux symboles de la Patrie » se reproduisent[188]. Il cède devant les demandes du roi et fait en sorte de satisfaire les militaires[189] et fait rapidement approuver auParlement une « Loi pour la Répression des Délits contre la Patrie et l’Armée » (Ley para la Represión de los Delitos contra la Patria y el Ejército) connue comme la « Loi des Juridictions » (Ley de Jurisdicciones), par laquelle c'est dorénavant lajuridiction militaire qui obtient les compétences pour juger de tels délits[187].

Cet épisode aura des conséquences au long terme : en créant un précédent de soumission du pouvoir civil devant l’insubordination militaire, il alimente la création d’un pouvoir militaire autonome, enclin à excercer de nouvelles pressions et chantages, et marque un jalon important dans lamilitarisation de l’ordre public[187],[190]. Le rôle du roi se trouve également renforcé et s'affirme comme« un intermédiaire entre le pouvoir civil et le militaire », bénéficiant de son autonomie et de son prestige propres, qui s’avère indispensable pour permettre le retour au calme dans de telles situations de tension[191].

En réponse à l’impunité accordée aux responsables des évènements du!Cu-Cut! et à laLey de Jurisdicciones, la grande coalitionSolidaritat Catalana (« Solidarité catalane ») est formée en mai 1906 en Catalogne[192],[193].Elle rencontre un succès spectaculaire dans différentes manifestations qu’elle convoque puis triomphe auxélections générales de 1907 en remportant 41 des44 députés catalans[194].

Cette victoire marque un nouveau point de non-retour, en Catalogne comme dans l’Espagne tout entière :« les gouvernements de Madrid, et la couronne elle-même, devront assumer le fait que laquestion catalane était devenue l’un des problèmes les plus préoccupants de la vie politique espagnole »[195].

1907-1909 : « gouvernement long » d’Antonio Maura

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Gouvernement Antonio Maura (2).
Attentat anarchiste contre le roiAlphonse XIII etVictoire-Eugénie de Battenberg le jour de leur mariage, le 31 mai 1906.

L'approbation de laLey de Jurisdicciones ouvre une crise au sein du Parti libéral qui se solde avec la démission de Moret en juillet 1906. Trois autres gouvernements libéraux lui succèdent, mais les dissensions entre les factions du parti perdurent, si bien que le roi fait appel en janvier 1907 à Antonio Maura, leader du Parti conservateur, pour former un nouvel exécutif[196],[197].

Selon les usages de la Restauration, avec le retour des conservateurs au pouvoir, Maura obtient du roi le décret de dissolution du Parlement et la convocation de nouvelles élections pour bénéficier d’une large majorité parlementaire. Le ministre de l’Intérieur (Gobernación)Juan de la Cierva y Peñafiel s’emploie à satisfaire les diverses factions conservatrices, aux dépens du parti libéral en se livrant aux manipulations électorales usuelles[198]. Lasincérité du scrutin se trouve ainsi encore entachée, la fraude électorale renforcée, et le pacte entre élites conservatrice et libérales rompu, entrainant la protestation des derniers[196].

Antonio Maura.

Entre 1907 et 1909, Maura entreprend de mener une « révolution d'en haut (es) » (revolución desde arriba) du régime de la Restauration, dont le but principal est d’obtenir un soutien populaire de la Monarchie d’Alphonse XIII et de mettre fin ausystème caciquil. Maura est convaincu qu’une telle ouverture, si elle était contrôlée habilement par les dirigeants, pourrait être bénéfique pour la Couronne et les intérêts conservateurs[199]. Toutefois, il commence sa période à la tête de façon peu congruente en recourant massivement au réseau de caciques pour obtenir aux élections une large majorité auParlement. La première tâche qui lui est confiée est l’approbation d’une nouvelleloi électorale[200],[201]. Levote obligatoire est introduit afin d’encourager laparticipation[202]. L’article 29 établit que, dans les districts électoraux avec une candidature unique, le candidat sera proclamé automatiquement et sans nécessité de procéder au vote. Avec ces mesures, on prétend mettre fin à la fraude électorale[203], mais c’est en réalité l’inverse qui se produit, cette disposition renforçant et encourageant la pratique de l’encasillado[204].

Les électionssincères supposément permises par la nouvelle loi électorale n’auront pas lieu[205]. La mise en application de l’article 29 débouche en effet sur une aggravation de la fraude électorale[206],[207].

En définitive, la réforme électorale a des effets opposés à ceux initialement escomptés, en rendant plus difficile la compétition électorale et en empêchant l’ouverture du système à de nouvelles forces politiques[208].

Bâtiment de l’Instituto Nacional de Previsión (es) àValence, connue sous le nom populaire decasa del Xavo (es), de l'architecteEnrique Viedma Vidal.

Le projet phare de Maura est une réforme de l’administration locale qui prévoit de conférer auxmunicipalités etdéputations provinciales, jusqu’alors très mal dotées[209], une réelle autonomie par rapport au gouvernement ainsi que certaines compétences importantes[208].

Maura s’occupe également laquestion sociale en lançant une série d’initiatives législatives relatives à des sujets divers comme lerepos dominical, letravail des femmes etdes enfants, l’émigration, lesgrèves, l’arbitrage des négociations avec les travailleurs dans le secteur industriel, etc.[210]

Le ministre de l'IntérieurJuan de la Cierva.

Une politique d'ordre public autoritaire est mise en œuvre par le ministre de l’IntérieurJuan de la Cierva y Peñafiel. Son projet phare est la loi de répression du terrorisme qui autorise le gouvernement à fermer des revues et centres anarchistes, et à chasser leurs responsables sans mandat judiciaire[211]. La loi est attaquée par les républicains et lessocialistes, qui la considèrent comme une menace aux libertés. Les libéraux se joignent également à l’opposition à la loi, donnant naissance au « bloc de gauche » promu par les trois principaux quotidiens libéraux madrilènes[212],[213] qui débouche le 28 mai 1908 sur la célébration d’un grand meeting politique« contre Maura et son œuvre » authéâtre de la Princesse (es). En septembre, à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de larévolution démocratique de 1868 est scellée une allianceantimauriste entre libéraux et républicains[213].

Le gouvernement s’engage dans laseconde guerre de Melilla, auMaroc, qui culmine, à la suite de l’embarquement de troupes à Barcelone, avec les évènements de laSemaine tragique, l’un des moments les plus critiques de l’histoire de la Restauration[214].

Lundi 26 juillet 1909 éclate unegrève générale à Barcelone, qui s’étend rapidement aux autres villes de Catalogne. Le même jour les protestations dégénèrent en violences de rue protagonisées par des anarchistes et des républicains duParti radical deLerroux et la grève tourne à l’émeuteanticléricale. Larépublique est proclamée àSabadell, près deBarcelone. L’extension de la rébellion au reste de l’Espagne avorte grâce à l’habileté de la Cierva, qui la présente comme un mouvement « séparatiste »[215].

Cette explosion de violence anticléricale est le point culminant d’années de discours révolutionnaires qui ont diffusé dans l’esprit populaire l’idée que tous les maux du pays résident dans l’influence de l’Église, tenue pour une institution « hypocrite et sinistre »[216]. En une semaine de troubles, on déplore104 morts parmi les civils — plusieurs centaines de blessés —, 8 au sein des forces de l’ordre et des militaires, et l’incendie de plusieurs dizaines d’édifice religieux. Il s’ensuit une répression très sévère[217],[218]. La figure la plus connue parmi les détenus est le pédagogue et activiste anarchisteFrancisco Ferrer, condamné par un conseil de guerre qui ne parvient pas à établir sa responsabilité dans les èvènements et dont l’exécution le 13 octobre suscite des vagues d’indignation dans toute l’Europe[219],[218].

Manifestation àParis le 17 octobre 1909 contre l’exécution deFrancisco Ferrer Guardia.

Les évènements qui seront plus tard connus sous le nom de « Semaine tragique » et la dure répression qui leur fait suite n’ont pas de conséquence politique immédiate. Toutefois, la campagne internationale de protestation contre l’exécution de Ferrer[220] aura de significatives répercussions, en mettant le point de mire de la presse internationale sur les affaires internes de l’Espagne pendant plusieurs mois, transmettant « l’image d’un pays retardé et barbare, dominé par l’Inquisition et par une Monarchie rétrograde »[221].

Bien que rencontrant peu d’échos directs en Espagne[222], la protestation internationale est mise à profit par le Parti libéral allié au républicains pour mener une campagne contre le gouvernement et Maura. Le 20 septembre, lePSOE, qui abandonne pour la première fois sa posture de rejet des partis bourgeois, rejoint ce « bloc de gauche » antimauriste, qui débouche sur l’élection dePablo Iglesias, secrétaire général du parti, comme député pour Madrid auxélections générales de 1910 — première accession au Parlement d’un socialiste au Parlement espagnol —[213].

Le libéralSegismundo Moret en 1909.

Le 18 octobre 1909, seulement cinq jours après l’exécution de Ferrer, un débat a lieu auCongrès des députés au cours duquel se produit une altercation entre Maura et Moret. Ce dernier demande la démission du gouvernement et fait appel au roi en affirmant que « quelqu’un » doit faire comprendre aux conservateurs qu’ils doivent quitter le pouvoir. Deux jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Juan de la Cierva attaque violemment Moret.El Diario Universal, quotidien appartenant au libéralRomanones, affirme que le gouvernement ne peut pas durer « un seul jour de plus ». Le 22 octobre, Maura est destitué[223].

Cette alternance au gouvernement constitue un fait rare dans l’histoire de la Restauration. Le parti duturno dans l’opposition, dans ce cas le Parti libéral, provoque la chute de l’autre parti au pouvoir, en menant ue campagne dans la rue et en cherchant l’appui des formations « antidynastiques » — républicains et socialiste —. En réponse, Maura présente le pacte sur lequel était basé le régime politique de la Restauration comme anéanti[224]. La crise de la Semaine tragique rompt ainsi la solidarité qui unissait les protagonistes duturno sous l’égide de laConstitution de 1876[222].

1909-1913 : gouvernement libéral et réformes de Canalejas

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Gouvernement José Canalejas,Ley del candado,Guerre du Rif etProtectorat espagnol au Maroc.
José Canalejas.

Le gouvernement libéral deSegismundo Moret, succédant au long gouvernement de Maura, en contraste ne dure que quelques mois. Son rapprochement avec les républicains ouvre une crise au sein duParti libéral, mise à profit par le roi pour intervenir et nommer en février 1910José Canalejas nouveau chef du gouvernement[225],[226].

Le programme politique de Canalejas, qualifié de « régénération démocratique », repose sur l’idée d’une nationalisation complète de la monarchie, suivant les modèlesbritannique etitalien[227]. Paradoxalement, Canalejas concède au roi une place fondamentale dans ce projet, ne se limitant pas à un rôle symbolique mais réclamant sa pleine implication dans les réformes et l’accompagnement de son premier ministre[228].

Canalejas promeut uninterventionnisme économique de l’État, qu’il considère comme le principal agent pour la modernisation du pays[228]. Ses propositions abordent les problèmes saillants du moment, notammentquestion religieuse. L’objectif de Canalejas est de parvenir à une séparation à l’amiable entre l’Église et l’État, par le biais de négociations aussi discrètes que possible. Toutefois, leSaint-Siège[229] ne se montre pas disposé à abandonner la positition privilégiée tenue par l’Église catholique en Espagne[230].

Afin de renforcer la position de l’État, Canalejas se propose de réduire le poids des ordres religieux par le biais d’une loi qui les traite comme de simples associations, à l’exception de ceux reconnus dans leConcordat de 1851. Pendant que la loi est en débat au Parlement, en décembre 1910 est adoptée une disposition transitoire et temporaire connu sous le nom deLey del candado (« Loi du cadenas »), selon laquelle aucun nouvel ordre religieux ne pourrait être établi en Espagne au cours des deux années suivantes. La loi reste néanmoins pratiquement sans effet, à la suite de l’approbation d’un amendement selon lequel la restriction sera levée si la nouvelle loi sur les associations n’est pas aprouvée dans les deux ans. En dépit de tout, Canalejas, pieux catholique, sera considéré comme l’ennemi de la religion[231],[232].

Baile de máscaras (« bal masqué ») dans la revueGedeón (es) (février 1912) :Romanones,Lerroux,Gasset,Rodrigáñez,Barroso,Canalejas,Maura,Montero Ríos,Moret,Melquíades Álvarez yWeyler.

Alphonse XIII tente de freiner les mesures anticléricales du gouvernement et insiste pour rétablir les relations diplomatiques avec le Vatican[233],[234]. Le 28 juin, il se présente sans prévenir à labasilique royale Saint-François-le-Grand de Madrid où est célébré l’acte de clôture ducongrès eucharistique, causant un scandale dans les médias libéraux[235]. Agissant ainsi, le roi jette le discrédit sur la politique religieuse de Canalejas, suscitant les critiques de la presse libérale[236].

le gouvernement Canalejas rencontre davantage de succès dans les réformes entreprises pour aborder laquestion sociale.

Canalejas est convaincu de la nécessité de passer par des négociations entre patrons et ouvriers pour résoudre les conflits sociaux, et prend quelques mesures allant dans ce sens[237], bien qu’il échoue à faire approuver son projet phare sur ce terrain, la loi sur lesconventions collectives, qui suscite une opposition féroce[238],[239].

Congrès fondateur de laCNT en 1910.

La période de gouvernement de Canalejas est marquée par une grande augmentation des grèves, sous l’impulsion du renforcement et de l’expanson des organisations ouvrières, particulièrement l’UGT socialiste et laCNT anarchosyndicaliste — fondée en 1910 —. En réponse à cette crise, le gouvernement alterne arbitrage et répression[240], en faisant preuve de fermeté dans le maintien de l’ordre public[241].

« Du cirque politique », caricature publiée dans la revueGedeón en avril 1912 ; on y voir les libérauxLuque y Coca,García Prieto,Arias Miranda,Barroso,Alba etCanalejas.

Canalejas s’occupe également de deux des plus anciennes revendications des classes populaires, sources de fréquents protestations et échauffourées : l’abolition des impôts indirects connus sous le nom deconsumos[242], taxant les produits basiques et que Canalejas considère comme « une spoliation du prolétariat », et les inégalités face auservice militaire. Pour obtenir l’approbation de la loi supprimant lesconsumos et les remplaçant par un impôt progressif sur les rentes urbaines, assumé par les classes aisées, Canalejas doit lutter contre certains députés de son propre parti[243].

En ce qui concerne la seconde revendication populaire, en 1912 est adoptée laLey de Reclutamiento y Reemplazo del Ejército (es) qui instaure unservice militaire obligatoire, toutefois limité aux temps de guerre. Cette loi est supposée mettre fin à la pratique dite deredención en metálico (« rédemption en [argent] liquide »), qui permettait aux familles aisées de dispenser leurs enfants mâles du service militaire en payant une certaine quantité d’argent ; pour les temps de paix toutefois, on opte pour une solution intermédiaire car il apparaît impossible de se dispenser entièrement des paiements des familles pour le financement de l’Armée. C’est ainsi qu’apparaît la figure dusoldado de cuota (es), recrues effectuant un service plus bref s’ils s’acquittent d’une certaine somme[244],[245],[246].

Portrait d’Enric Prat de la Riba présidente de laDéputation provinciale de Barcelone.

Contrairement aux postures qu’il avait manifestées au début de sa carrière politique, Canalejas se montre ouvert à l’idée dedécentralisation et d’autonomie régionale lors de son arrivée à la présidence du gouvernement[244]. Il est ainsi disposé à satisfaire certaines demandes de laLliga Regionalistacatalaniste via la création d’une nouvelle instance régionale qui intègrerait les quatre députations provinciales de Catalogne sous le nom deMancommunauté de Catalogne et qui serait dirigée par l’un des représentants de la hautebourgeoisie catalane, leaders de la Lliga et président de laDéputation de Barcelone,Enric Prat de la Riba[247] La loi de création de laMancomunidad est approuvée au Congrès le 5 juin 1912[248], la Mancommunauté se constituant en mars 1914[247],[249].

Canalejas rencontre du succès au Maroc[250], ce qui permet d’ouvrir les négociations avec les Français concernant l’établissement duprotectorat espagnol au Maroc[251]. À partir de ce moment le roi se montre intéressé et intervient dans les questions politiques liées[252].

L’anarchisteManuel Pardiñas, qui assassine Canalejas le 12 de noviembre 1912.

Début novembre 1912, un accord définitif sur le Maroc est conclu avec la France, mais Canalejas ne peut participer à la signature du traité prévue à la fin du mois, étant assassiné le 12 du même mois par un anarchiste à laPuerta del Sol de Madrid[253].

Sa disparition aura d’importantes répercussions dans la vie politique du pays, car il laisse le Parti libéral, l’une des pièces fondamentales du système de la Restauration, sans leadership ; ce dernier, divisé en de multiples factions, s’avèrera incapable de rebâtir une unité, contribuant à la crise prochaine du régime politique[254].

1913-1915 : retour des conservateurs au pouvoir

[modifier |modifier le code]

Après l’assassinat de Canalejas, le libéralManuel García Prieto devient chef du gouvernement parintérim[255]. Quelques jours plus tard, le roi nomme un autre libéral,Romanones — alors président du Congrès — au poste. Cette décision divise le Parti libéral, surtout après la mort du vieux dirigeantSegismundo Moret : Romanones interprète en effet sa nomination comme une reconnaissance de son leadership sur le parti, ce que contesteManuel García Prieto, qui fonde l’aile libérale-démocratique de la formation en réaction[256]. Le vote des partisans de García Prieto allié à celui des conservateurs entrainera la chute du gouvernement Romanones en octobre 1913 à la suite d’unemotion de confiance au Sénat[257].

Eduardo Dato, leader d’une faction des conservateurs.

Le roi nomme alors le conservateurEduardo Dato président du gouvernement, mais son parti se trouve également divisé, son leaderAntonio Maura ayant rompu l’accord duturno[258],[253]. le1er janvier 1913, Maura annonce sa démission comme chef du Parti conservateur et considère indispensable la formation d’un autre parti authentique pour alterner au pouvoir avec les libéraux[259],[260].

Les critiques de Maura se radicalisent à l’ouverture duParlement en mai 1913[261],[262]. Une partie des conservateurs rassemblés autour d’Eduardo Dato questionne la posture de Maura, ce qui finit par causer une fracture du parti entre mauristes etidóneos « authentiques » (défendant le maintien duturno)[263],[264]. Dato parvient à se maintenir au pouvoir pendant deux ans, mais au prix d’un Parlement fermé pendant près de17 mois[265],[266].

À partir de 1913, le système parlementaire entre dans une phase de crise reflétant celle produite au sein des partis dynastiques mêmes, les possibilités d’alternance se trouvant de plus en plus difficiles[267],[268]. Cette encourage l’interventionnisme du roi, dont le rôle s’accroit, particulièrement aux yeux de l’Armée, qui le voit comme un intermédiaire privilégié de leurs revendications[269] avec l’assentiment de Dato[270],[271].

Le 14 février 1913, sur initiative du président du gouvernementRomanones le roi reçoit trois vétérans intellectuels républicains[272], fait extraordinaire qui aura une grande répercussion[273] et constitue un geste d’ouverture sans précédent vers ceux qui étaient alors restés exclus du jeu politique du régime, deux semaines seulement après l’opposition au système duturno manifestée par Maura[274],[275].

Melquíades Álvarez, leader duParti réformiste.

Lancé en avril 1912, leParti réformiste[276] postule en tant que parti de gauche du système, après le rejet duturno par Maura[277],[278],[279].[275],[280],[277][281]. Il rencontre l’opposition duParti socialiste[282].

1914-1923 : Crise de la Restauration

[modifier |modifier le code]
Portrait d’Alphonse XIII portant l’habit de l’Ordre de Calatrava (1917).

Autour de 1914, le régime de la Restauration entre dans une grave crise à cause de la fragmentation interne des partis et débouche sur une grande instabilité politique[283].

Bien que l’Espagne reste neutre au cours de laPremière guerre mondiale, le conflit ne reste pas sans conséquence, sur le plan économique notamment. À partir de 1917, la crise explose, marquée par les conflits sociaux, le retour de l’Armée dans le jeu politique et l’importance croissante ducatalanisme. Le système perdure dès lors « non par sa force propre, mais en exploitant les conflits entre les postulants à sa régénération », dont l’échec permet la longue décadence du système[284].

Une évolution fondamentale s’est produite au sein des forces armées. Si au cours des décennies précédant la Restauration les militaires sont intervenus activement dans la vie politique et les grands changements politiques, ils l'ont fait en tant que partie prenante du débat dans le pays, toujours en faveur de tel ou tel parti ou groupe politique. Au début du régime, la majorité des chefs militaires étaient des libéraux démocrates. Au cours de la Restauration néanmoins, les classes ouvrières développent un fort sentimentantimilitariste, alimenté par la militarisation de l’ordre public. L’Armée se trouve dans un premier temps exclue du débat public et donne l’image d’une institution anachronique. Sa mentalité devient corporatiste — bien qu’elle se considère simultanément comme garante de la nation, en opposition avec la classe et le système politique corrompus — et conservatrice[285].

La dégradation du climat intérieur s’accentue jusqu’en 1923, où uncoup d'État débouche sur ladictature de Primo de Rivera et la suspension du régime constitutionnel qui ne sera jamais pleinement rétabli[286].

L’Espagne pendant la Première guerre mondiale

[modifier |modifier le code]

Les conséquences de laPremière guerre mondiale sont fondamentales pour comprendre la crise définitive du système parlementaire de la Restauration, déjà très affaibli et impopulaire au début du conflit[287],[288] :« Le manque d’aliments, la dislocation économique, la misère sociale, la précarité et l’inflation stimulèrent le réveil politique et le militantisme idéologique des masses. Dans ces conditions, la modalité clientélaire et caciquiste de la politique espagnole se décomposa. Après la guerre il ne fut plus possible de restaurer le vieil ordre »[289].

Lorsqu’éclate la Grande Guerre en aout 1914, le gouvernement conservateur d’Eduardo Dato choisit de maintenir l’Espagne neutre[290],[289],[266],[291],[292],[293],[294]. La guerre entraine toutefois la division de la classe politique entre, d’une part, les conservateurs appuyés par les officiers militaires favorables à l’autoritarisme incarné par l’Allemagne et d’autre part la gauche et les intellectuels qui s’affirment en défenseurs lacivilisation contre labarbarie, et incarnent ladécadence selon les premiers[295].

La neutralité permet une certaine prospérité économique[296] et l’accélération du processus de modernisation économique et sociale timidement entrepris au début du siècle. Cependant, l’inflation explose avec le conflit, les salaires ne suivent pas et certains produits de première nécessité viennent à manquer, entrainant desémeutes dans les villes et une augmentation de la conflictualité laborale[297], et des réclamations des hausses de salaires[298]. Une fois la guerre terminée toutefois, la situation économique se dégrade rapidement avec un taux de chômage qui explose[299].

Santiago Alba, ministre du Budget du gouvernement ducomte de Romanones, échoue dans sa tentative de créer un impôt extraordinaire sur les bénéfices liés à la guerre.

En décembre 1915 lelibéralRomanones succède au conservateur Dato à la tête du gouvernement. Il obtient une large majorité auxélections parlementaires d’avril suivant grâce à un accord avec Dato dans la répartition des sièges, parvenant à satisfaire l’ensemble des factions toujours plus nombreuses existant au sein des deux partis dynastiques[300]. Le gouvernement de Romanones doit faire face à des conflits sociaux de plus en plus exacerbés, avec des grève massives qui dégénèrent parfois en émeutes[301]. L’UGT et la CNT concluent un accord pour mener des actions communes[302]. Après une grève réussie le 18 décembre 1916, ils décident en mars suivant d’en préparer une autre, cette fois indéfinie et avec une claire visée révolutionnaire, prétendant transformer en profondeur les structures politique et économique du pays[303].

En avril 1917, un mois après larévolution de Février qui provoque la chute dutsarisme enRussie, le gouvernement libéral de Romanones tombe car il perd l’appui du roi et d’une partie de son parti, plutôt favorables laTriple Alliance, à la suite de son rapprochement desforces alliées[304],[305].Manuel García Prieto, un autre libéral, considéré plus proche des empires centraux, lui succède à la tête de l’exécutif, mais son gouvernement ne dure que trois mois à cause d’une grave crise provoquée par le lobby militaire[306],[307].

Crise de 1917

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Juntes de défense etGrève générale de 1917 en Espagne.

En 1917, à la faveur de la crise sociale et économique, le problème militaire — demeuré latent jusqu’alors — revient au premier plan de la vie politique. Depuis les débuts de la Restauration, l’Armée des lanceurs depronunciamientos politiquement engagés pour la nation derrière leurs généraux s’est peu à peu transformée en une Institution immobiliste, « sédentaire et bureaucratique » dans laquelle les officiers sur-représentés sont avant tout préoccupés de leurs intérêts propres et représentent un surcoût pour l’État qui s’avère incapable de mener des réformes d’envergure en la matière[308].

En 1917, le régime constitutionnel de la Restauration connait la pire crise depuis ses origines, qui trouve son déclencheur dans le mouvement desJuntes de défense formées en 1916[309]. Il s’agit d’organisations corporatives de militaires en poste dans laPéninsule réclamant des augmentations de salaire — l’inflation affectant également les officiers — et protestant contre les rapides promotions obtenues pour mérites de guerre de ceux participant à laguerre en Afrique du Nord[310].

Manuel García Prieto, président du gouvernement qui s’oppose à la légalisation des Juntes de défense mais se voit contraint à démissionner par manque d’appui du roiAlphonse XIII.

En avril 1917, le généralAguilera Egea, ministre de la Guerre du nouveau gouvernement García Prieto, ordonne leur dissolution. La tension s’accroit tout au long du mois de mai, jusqu’à la remise, le1er juin suivant, d’un document de la Junte de défense de Barcelone qui menace d’entrer en désobéissance si leurs revendications sont refusées[309].

Le roi se prononce en faveur des Juntes, discréditant ainsi son ministre, et oblige le gouvernement à démissionner, le conservateurDato succédant au libéral García Prieto[311],[312]. Dato suspend les garanties constitutionnelles, censure la presse, accepte les conditions de Juntes de défense et ferme leParlement quelques jours plus tard[313],[314],[315].

Cet épisode illustre une évolution du régime, le rôle des partis dans l’initiative politique s’atténuant au profit du pouvoir royal et des garnisons militaires. Il marque unpoint de non-retour : jusqu’aucoup d'État de Primo de Rivera en 1923, on dénombre 14 crises de gouvernement, les élections générales sont convoquées à 4 reprises, trois présidents du Conseil des ministres chutent sous la pression directe des militaires, et les espoirs d’unerégénération du système de l’intérieur s'évanouissent[204]. Pour contrer les troubles sociaux, le roi recourt à la militarisation de l’ordre public, laissé aux mains d’une Armée devenue corporatiste[316].

Fin mai 1917, les républicains menés parAlejandro Lerroux organisent un grand meeting pro-alliés auxarènes de Madrid, où se joignent lesréformistes[317] et qui demande une réforme de laConstitution de 1876 pour qu'elle devienne pleinementdémocratique[315]. Peu après le PSOE s’associe à ces demandes, renouvelant ainsi l’alliance républicano-socialiste survenue après la crise de laSemaine tragique de 1909 ; on s’accorde sur la date du 14 juin pour la formation d’un gouvernement provisoire qui convoquerait des élections à l'assemblée constituante[318],[319].

Dans ce contexte de crise politique, le leader catalanisteFrancesc Cambó prend l’initiative, en réunissant à lamairie de Barcelone tous les parlementaires catalans qui réaffirment la volonté de constituer laCatalogne enrégion autonome, et exigent la réouverture duParlement avec une fonction constituante. En cas de refus du gouvernement, ils menacent d’appeler l’ensemble des députés et sénateurs espagnols pour célébrer une assemblée le 19 juillet à Barcelone[319]. Le gouvernement, appuyé par la presse conservatrice, tente de discréditer le mouvement en le présentant comme « séparatiste » et « révolutionnaire »[320]. L'assemblée se réunit mais est dissoute par ordre dugouverneur civil de Barcelone[321],[322][323].

Le 19 juillet, le jour même où se réunit l’Assemblée des parlementaires à Barcelone, les cheminots deValence lancent un grève. Deux jours plus tard, le capitaine général de Valence déclare l’état d’exception et la Compagnie de chemins de fer du Nord de l’Espagne refuse de réintégrer les travailleurs renvoyés. La Fédération nationale des cheminots menace de convoquer une grève générale dans toute l'Espagne si l’entreprise ne fait pas marche arrière, et met finalement sa menace à exécution. À ce moment, l’UGT et le PSOE décident d’apporter leur soutien aux cheminots et de lier le mouvement social entamé avec la grève générale en gestation depuis le mois de mars[324],[325] et publient le 12 août 1917 un manifeste dans lequel ils réclament la constitution d’un gouvernement provisoire qui prépare la célébration d’élections à assemblée constituante[326].

Andrés Saborit Colomer, membre du Comité de grève, arrêté et condamné à la prison à perpétuité, il est gracié après avoir été élu député pour lePSOE auxélections générales de 1918.

La grève est finalement un échec et ne rencontre pas le soutien espéré. Décevant les attentes des socialistes et de certains révolutionnaires, qui escomptent un appui des soldats comme dans lessoviets de laRévolution de Février, les Juntes de défense se rangent du côté de l’ordre et l’Armée participe pleinement à la répression du mouvement, suivant les ordres reçus[327],[305],[328].

Le bilan final de la répression de la grève fait état de71 morts,200 blessés et plus de 2 000 détenus[329],[330]. Lors des deux suivants, les détenus sont soumis à plusieurs conseils de guerre. Celui du comité de grève se tient le 28 septembre et les 4 socialistes sont condamnés à la prison à perpétuité qui seront élus députés l’année suivante pour le PSOE auxélections générales[331].

À la suite de l’échec des mouvements révolutionnaires de 1917, les catalanistes, les réformistes et même les radicaux font marche arrière et consentent dès lors à collaborer avec la couronne, l’union des républicains et socialistes comme celle des mouvements ouvriers disparaissent, et le régime bénéficie d’une accalmie qui va se prolonger pendant6 ans environ[332].

Sortie de crise

[modifier |modifier le code]
Caricature d’Eduardo Dato publiée dansLa Campana de Gràcia de Barcelone après la crise de l’été 1917, intituléeLa Mort politique de M Dato.

Après la grève d’août, les Juntes de défense font pression sur le gouvernement et obtiennent sa démission en octobre, confirmant le glissement prétorien de la politique espagnole[333].

Le 30 août, l’Assemblée de parlementaires réunie à l’Athénée de Madrid et présidée par Cambó fait pression pour que les institutions cessent de recourir auturno[334]. Le même jour, Cambó s’entretient avec le roi et lui propose la formation d’un gouvernement ouvert afin de garantir la tenue d’élections exemptes de fraude. Après avoir reçu l’accord du roi, il rejoint les parlementaires et tous conviennent de désigner deux ministres du futur exécutif[335]. Le1er novembre 1917, pour la première fois dans l’histoire de la Restauration, est formé ungouvernement de concentration rassemblant des membres issus du Parti conservateur, du Parti libéral et de la Lliga, préside parGarcía Prieto. Certaines factions des partis dynastiques sont néanmoins exclues[336],[337]. Le gouvernement convoque desélections générales pour février 1918, présentées comme exemptes de corruption mais qui confirment en réalité la corruption du régime, qui persiste à manipuler les élections au bénéfice des partis dynastiques[338],[339].

LeCongrès des députés résultant de ces élections rassemble 95 conservateurs, 70 libéraux partisans de García Prieto, 54 libéraux issus d’autres factions, 20 de la Lliga, 7 duPNV[340] et 6 socialistes[341],[342]. Aucun groupe ne disposant d’une claire majorité, cette assemblée se révèle ingouvernable[343]. Cambó considère ces résultats comme « désastre » et une démonstration qu’il n’est pas possible d’établir une monarchie parlementaire véritablement démocratique avec les partis dynastiques[344].

Le gouvernement dit « de concentration » ne dure que quelques mois. De la Cierva mène sa propre politique, en soutien des revendications des Juntes de défense, provoquant la désaffection des autres factions libérales envers García Prieto. Lorsque ce dernier présente sa démission, les juntes l'obligent à rester au pouvoir. C’est finalement la grève des fonctionnaires, qui forment leurs propres groupes de pression en imitation des juntes militaires, qui met un terme au gouvernement. Le roi charge alors lecomte de Romanones de réunir les chefs des différentes factions libérales et conservatrices pour trouver une issue[345].

Cette réunion se tient dans la soirée du 20 mars 1918 aupalais d’Orient en présence du roi et de Cambó. Alphonse XIII menace d’abdiquer si sa demande de former un nouveau gouvernement de concentration présidé par le conservateurAntonio Maura est refusée[346],[347].

Antonio Maura, président du « gouvernement national » de 1918.

C’est ainsi qu’est formé le dénommé « gouvernement national » qui rassemble tous les chefs des factions dynastiques[348], ainsi que le leader catalaniste Cambó. L’une des premières mesures prise par le nouveau gouvernement est de concéder uneamnistie aux leaders socialistes emprisonnés, qui peuvent ainsi occuper leurs sièges auParlement[349],[350]. Une réforme du statut des fonctionnaires est également approuvée pour soustraire certains postes l’arbitraire du pouvoir politique. Cependant, le gouvernement échoue à l’heure d’approuver le budget de l’État à cause de luttes intestines et Maura présente sa démission au roi en novembre 1918[351],[352].

Après l’échec des deux tentatives de gouvernements de concentration, on en revient auturno, qui se rapproche désormais davantage d’une alternance entre factions des deux partis fragmentés ; au cours des deux ans et demi suivants, sept gouvernements différents vont se succéder et aucune stabilité n’est atteinte, révélant l’incapacité du système à se transformer[353],[354].

À partir de 1918, les élections se rapprochent quelque peu de la situation politique réelle et s’avèrent moins facilement contrôlables par le pouvoir mais demeurent loin d’une situation démocratique normale. Depuis 1914, les budgets de l’État sont tous prorogés, aucune majorité n’ayant pu les approuver. Plus aucun grand parti de gouvernement ne semble exister et une crise politique majeure semble inéluctable, faisant craindre une intervention de l'Armée, face à une situation qui semble intenable[355].

La question régionale

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Mancommunauté de Catalogne.

Le 10 novembre 1918, un gouvernement libéral présidé par García Prieto succède au gouvernement national de Maura. Il doit faire face à une crise des denrées de subsistance due à la montée des prix[356], alors que la tension augmente dans la rue. Néanmoins, c’est finalement la pression de la Lliga, qui réclame un statut d’autonomie pour la Catalogne, qui provoque la chute du gouvernement, un mois seulement après sa constitution. Le roi charge alors Romanones de former un nouveau gouvernement, avec comme tâche primordiale celle de conduire de façon plus apaisée le processus d’autonomisation régionale[357],[358].

Après l’échec de sa participation au gouvernement d’union de Maura, la Lliga Regionalista menée par Cambó lance une campagne pour défendre une « autonomie intégrale » pour la Catalogne, qui bouleverse la scène politique espagnole[359][360]. Cambó considère que « l’heure de la Catalogne est arrivée »[361]. Le 28 novembre, le président de laMancommunauté de CatalogneJosep Puig i Cadafalch et les parlementaires catalans font parvenir au président du gouvernement García Prieto un projet de bases pour unstatut d’autonomie catalan comptant avec le soutien de 98 % de la population de la région représentée par ses conseils municipaux. Le gouvernement est divisé face à ce projet ce qui provoque sa démission à peine un mois après avoir sa formation. Le roi nomme alors Romanones chef du gouvernement afin de parvenir à un compromis[362]. L’éventualité de la concession d’un statut d’autonomie à la Catalogne provoque la réaction des secteursnationalistes espagnols qui déploient une campagneanticatalaniste[363],[364].

Lecomte de Romanones, entouré de son gouvernement.

Le 2 décembre 1918, lendemain de la formation du gouvernement Romanones, les députations provinciales de Castille, réunies à Burgos, répondent aux prétentions catalanes avec un « Message de Castille » adressé au Parlement espagnol dans lequel ils défendent l’unité nationale espagnole et s’opposent à toute concession d’une autonomie politique à une région, qui à leur sens entamerait la souveraineté espagnole, ainsi qu’à la coofficialité du catalan[365],[366]. Ce n’est qu’au Pays basque et enGalice — et dans une bien moindre mesure auPays valencien, àMajorque et enAndalousie — qu’on remarque des manifestations de soutien aux nationalistes catalans[367].

Le 6 décembre, les présidents de députations provinciales font parvenir au président du gouvernement et au roi un manifeste opposé à l’autonomie de la Catalogne. Ce dernier, qui avait encouragé Cambó à présenter un projet de statut d’autonomie quelques jours auparavant, se montre alors solidaire des « gestes patriotiques des provinces castillanes ». Le 9 décembre, veille du jour prévu pour le débat autour du projet de statut d’autonomie au Congrès, environ cent mille personnes descendent dans les rues de Madrid en défense de l’« unité de l’Espagne » et contre le projet d’autonomie catalane[368]. Lors du débat parlementaire qui se tient au cours des deux jours suivants, les libéraux[369] et les conservateurs s’y opposent également[370]. Cambó décide alors de prendre congé du roi, l’informe du retrait de la grande majorité des parlementaires catalans de leurs assemblées respectives en signe de protestation contre le rejet du statut d’autonomie[371], un geste qui fut très mal reçu par les partis dynastiques[372]. Revenu à Barcelone, Cambó lance lors d’un meeting un message clair signifiant que l’autonomie doit dès lors être la priorité des Catalans, et que le régime politique en vigueur en Espagne n’a plus qu’un caractère incidentiel. Il déclare son refus de participer à tout gouvernement sans obtenir au préalable les pleines garanties concernant la mise en place de l’autonomie[373],[374].

Romanones convoque une commission extraparlementaire, dirigée par Maura, pour rédiger un projet de statut très réduit[375], inacceptable pour les députés catalans, revenus au Congrès des députés fin janvier 1919. Cambó demande alors la célébration d’un plébiscite en Catalogne sur la mise en place d’un statut d’autonomie, mais les députés des partis dynastiques font durer les débats et la proposition n’est jamais discutée. Le gouvernement et le roi retirent leur appui à toute velléité autonomiste à cause de pressions exercées par les militaires de la garnison de Barcelone et de violents affrontements survenus entre les membres d’une formation espagnoliste[376] et les indépendantistes de l’ancien lieutenant-colonelFrancesc Macià. Les graves troubles sociaux faisant suite de laGrève de laCanadiense commencée en février 1919 à Barcelone enterre définitivemet le projet et la question de l’autonomie passe au second plan des préoccupations des classes dirigeantes catalanes[377]. Profitant de la crise, le gouvernement ferme le Parlement le 27 février[378]. L’échec de la Lliga favorise l’apparition de plusieurs autres groupes catalanistes plus radicaux comme la Federació Democràtica Nacionalista de Macià, qui deviendraEstat Català[379].

AuPays basque et enNavarre, la campagne pour l’autonomie catalane de 1918-1919 remporte un large soutien auprès dunationalisme basque, dont les aspirations rejoignent les siennes et qui devient un allié de choix. Le nationalisme basque vit alors son plus grand essor depuis le début de la Restauration et devient populaire dans toutes les classes de la population[380]. En 1918, il triomphe dans les élections où il devient hégémonique enBiscaye et remplace les partis dynastiques jusqu’alors dominants en faisant lui aussi de l’autonomie sa principale revendication. Fort de ce succès, les trois députations provinciales basques demandent la récupération desfors traditionnels, ou une large autonomie basée sur ces derniers, demande qui est refusée lors de sa présentation auParlement le 8 novembre[381],[382].

À partir de 1920, la Communion nationaliste basque — CNV, nom sous lequel concourt lePNV — connait un recul sur le plan électoral après l’union deux partis dynastiques dans un front antinationaliste en janvier 1919[383], qui remporte lesélections générales de 1920 et celles de 1923. La représentation parlementaire de la CNV se trouve réduite à un seul député, redevable à son alliance avec lescarlistes. De plus, les nationalistes perdent la majorité à la députation provinciale de Biscaye en 1919 et la mairie de Bilbao en 1920. Cet échec provoque une scission d’un groupe important de militants radicaux menés parElías Gallastegui. Ces derniers se montrent opposés à la voie de l’autonomie, défendent l’indépendance et un retour à la doctrine pure deSabino Arana et fondent dans ce but un nouveau PNV[384],[385],[386].

Conflits sociaux et impact de la révolution d’Octobre

[modifier |modifier le code]
Gardes rouges devant l’Institut Smolny dePétrograd, centre de larévolution d’Octobre de 1917 en Russie, qui a d’énormes répercussions sur le mouvement ouvrier dans le monde.

À la « question régionale » s’ajoute l’explosion d’une grave crise sociale en Catalogne et dans les campagnesandalouses :« Une authentique "guerre sociale", avec des attentats anarchistes et des tueurs à gages à la solde des patrons, fut déclarée en Catalogne et trois ans de mobilisations des travailleurs agricoles à qui étaient parvenus les échos de la révolution russe en Russie »[358].

Les milieux conservateurs« ont craint — ou ont feint de craindre — que l’Espagne était menacée par une révolution sociale, et les échos des événements de Russie renforcent cette conviction au point que certains ont parlé d’une période bolchevique pour caractériser les années qui vont de 1917 à 1923 »[387].

En Espagne, le triomphe de larévolution d’Octobre en Russie a d’importantes répercussions sur le mouvement ouvrier. Paradoxalement, au début ce sont lesanarchistes qui se montrent les plus enthousiastes face au mouvementbolchévique, tandis que les socialistes demeurent plus indifférents. La fondation de laTroisième Internationale en 1919 ouvre un débat sur leur possible intégration dans les rangs de la CNT, du PSOE et de l’UGT. La CNT adhère dans un premier temps puis l’abandonne à la suite de la visite en Russie soviétique faite par en 1920 d’une délégation menée parÁngel Pestaña, car ses principes sont opposés à ceux de l’anarchosyndicalisme. La même année, la visite de deux délégués socialistesDaniel Anguiano etFernando de los Ríos aboutit à une scission au sein du PSOE, les partisans du bolchévisme fondant en 1921 leParti communiste d'Espagne, petite formation sous les ordres directs de Moscou, qui n’aura qu’un impact politique très limité mais jouera un rôle significatif dans laguerre civile (1936 – 1939)[388],[389].

Toutefois, bien que les deux grandes organisations ouvrières espagnoles n’intègrent pas l'Internationale communiste, la révolution d’Octobre joue pendant des années le rôle d’un « mythe mobilisateur » au sein du mouvement ouvrier, influençant considérablement ses dirigeants et fascinant les masses populaires que ceux-ci prétendent encadrer[388].

Au cours du premier conflit mondial, le mouvement ouvrier, tant anarchiste que socialiste, connait un essor considérable et les syndicats deviennent de véritables organisations de masses. En 1919, la CNT célèbre son deuxième congrès, au cours duquel elle revendique plus de 500 000 membres — contre seulement 26 000 lors de son premier congrès tenu en 1911 — ; on estime qu’à Barcelone environ un ouvrier sur deux est membre de l’organisation. En mai 1920, l’UGT déclare compter plus de 200 000 adhérents, parmi lesquels plus de 30 % des ouvriers madrilènes[390],[387].

En Andalousie[391], les grèves révoltes des ouvriers agricoles pour motifs économiques, durement réprimées par les patrons et les autorités, débouchent sur une situation très critique pour l’agriculture. Avec les affiliations massives aux syndicats CNT et UGT au cours de la guerre de 1914-1918, la forme des revendications évolue en une dénonciation d’un système de propriété terrienne anachronique et injuste, et l’exigence de changements profonds. Entre 1918 et 1918, les mobilisations s’intensifient à tel point que l’on parle parfois de« trienio bolchevique », les « trois années bolchéviques »[392]. La situation dans la région est encore aggravée par la grève qui paralyse en 1920 lebassin minier de Riotinto-Nerva, dans laprovince de Huelva, l’une des plus importantes de l’après-guerre[393]. L’agitation paysanne andalouse décroit en 1920, cédant à la répression, et disparait pratiquement en 1922[394].

EnCatalogne, le conflit social démarre en février 1919 avec lagrève de laCanadiense — nom sous lequel est alors connue l’entrepriseBarcelona Traction, Light and Power, fournissant l’électricité à la ville de Barcelone — ; la ville se retrouve alors sans électricité, sanseau et sanstramway. Le gouvernement de Romanones choisit la voie des négociations et les accompagne de l’approbation de lajournée de 8 heures[395] et l’introduction d’un système deretraite obligatoire pour les ouvriers, financé par les cotisations des entreprises et géré par l’État[396],[397],[398]. Néanmoins, le gouvernement cède aux pressions du patronat, qui exige une grande fermeté pour réprimer le mouvement et trouve des alliés précieux dans les figures du capitaine général de CatalogneJaime Milans del Bosch et du roi Alphonse XIII. Les grévistes sont massivement emprisonnés et l'armée participe au retour de l’ordre dans les entreprises[399]. La CNT décide de mettre en œuvre sa menace de déclarer une grève générale. En appui à l'autorité militaire, les patrons répondent par unlock-out, condamnant les ouvriers à l'indigence. Le gouvernement prétend destituer Milans del Bosch après qu’il a déclaré l’état de guerre, mais rencontre l'opposition du roi, en conséquence de quoi Romanones présente sa démission. Il est remplacé par le conservateurAntonio Maura, qui appuie la politique de Milans del Bosch : la CNT est dissoute et ses dirigeants incarcérés, et la milice dusomatén participe au maintien de l'ordre public à Barcelone[400].

Les deux camps du conflit ouvrier en Catalogne en viennent à faire usage de la violence et il dégénère en une vague depistolérisme, véritable « guerre sociale »,« reflet de la méfiance des syndicats et du patronat envers les institutions de l’État ». À la violence patronale, justifiée en partie par le gouvernement de Maura, les ouvriers répondent par des attentats terroristes perpétrés par des groupes anarchistes et Barcelone devient la scène d'affrontements armés. Le patronat forme une bande bien organisée constituée de nombreux délinquants et syndicalistes corrompus, qui réalise les premiers assassinats de militants et dirigeants de la CNT[401]. Dans les rangs anarchistes sont formés les dénommésgroupes d’action, dont les membres oscillent « entre tueurs à gage et révolutionnaires anarchistes, responsables d’un nombre croissant d’attentats contre des entrepreneurs, des contremaitres, des policiers […] et des ouvriers dissidents » et dontBuenaventura Durruti, jeune agitateur clandestin, est une figure emblématique[402].

Réouverture du Parlement en 1919, où l’on voit le couple royal accueilli à l’entrée dupalais du Sénat par le chef du gouvernementAntonio Maura (tableau d’Asterio Mañanós Martínez).

À la suite de sa nomination, Maura obtient du roi la dissolution du Congrès, mais lesélections de juin 1919 ne donnent pas de majorité absolue à ses partisans[403],[404]. Maura abandonne la présidence du et est remplacé par un autre conservateur,Joaquín Sánchez de Toca, qui tente de renouer les négociations pour résoudre la crise en Catalogne et parvient à mettre fin aulock-out, mais les tensions demeurent[405].

En décembre 1919, le gouvernement de Sánchez de Toca tombe, remplacé par un autre présidé parManuel Allendesalazar Muñoz. Celui-ci abandonne la voie de la négociation et nomme des hommes durs à la tête du gouvernement civil de Barcelone et de la police, alors que la bande du patronat sème la terreur dans les milieux ouvriers. La question du terrorisme du patronat est portée au Parlement[406], ce qui mène le gouvernement à relever de ses fonctions Milans del Bosch, qui avait reçu l'appui inconditionnel des patrons catalans[407],[408]. Le gouvernement Allendesalazar de chuter à son tour dès le mois de mai 1920, remplacé par un autre dirigé par un autre conservateur,Eduardo Dato[409]. Denouvelles élections sont convoquées en décembre 1920, soit seulement un an et demi après les précédentes[410].

Dato tente d’abandonner dans un premier la politique répressive. Il organise de plus une visite du roi à Barcelone et étudie la possibilité d'étendre les compétences de laMancommunauté de Catalogne. Néanmoins, ces mesures ne mettent pas un terme à la violence et la répression gouvernementale reprend[411],[412]. Dato nomme alors le généralSeveriano Martínez Anido à la tête du gouvernement civil de Barcelone, mettant un terme à la tentative d’atteindre la paix sociale par la négociation. La répression sanglante des autorités[413] affecte durement la CNT tout stimulant d’autre part l'activisme et la violence dans ses rangs.

En 1919, des militantscarlistes fondent lesSindicatos Libres[414], qui connaissent une croissance rapide[415], deviennent concurrents de la CNT et constituent un autre obstacle à la mobilisation anarchiste, les patrons préférant embaucher leurs affiliés[416]. La tension avec la CNT est exacerbée : les attentats, fusillades et actes violence de rue s’enchainent entre 1920 et 1922[417],[418],[419].

Partie arrière de la voiture dans laquelle se trouve le président du gouvernementEduardo Dato lors de son assassinat le 8 mars 1921 (les impacts de balles sont bien visibles).

Le 8 mars 1921, le premier ministre Eduardo Dato est assassiné par balle par trois anarchistes[420]. L’assassinat de Dato accroit la répression sur la CNT et les actions armées des membres desSindicatos Libres[421],[422].

Selon l’historienEduardo González Calleja, le nombre d’attentats s’élève à 87 en 1919, 292 en 1920, 311 en 1921, 61 en 1922 et 117 en 1923 ; le nombre de victimes mortelles est de 201 syndicalistes et anarchistes — en incluant leurs avocats —, 123 patrons, gérants et contremaitres, 83 agents des autorités et116 membres des syndicatslibres[423].

1921-1923 : le « désastre d’Anoual » et ses conséquences

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Bataille d'Anoual.

Après l’assassinat d’Eduardo Dato en mars 1921 un nouveau gouvernement conservateur est formé, présidé parManuel Allendesalazar[424]. Il doit faire face à une polémique provoquée par un discours prononcé par Alphonse XIII le 23 mai 1921 devant les grands propriétaires de la province et les autoritéscordouannes, dans lequel il se montre très critique envers les parlementaires, se dit frustré « de ne pouvoir faire chose que signer des projets qui iront au Parlement » et demande aux provinces de le soutenir afin que ceux-ci défendent enfin des « projets profitables » pour l’Espagne[425]. Le problème est évoqué au Congrès des députés4 jours plus tard, mais le débat est interrompu par le président de la chambre lors d’une altercation survenue entre deux députés socialistes — Julián Besteiro etIndalecio Prieto — et De la Cierva. Dans une intervention publique ultérieure très applaudie, le conservateurAntonio Maura défend ardemment le roi, suivi par la presse conservatrice[426].

Quelques semaines plus tard toutefois, le gouvernement Allendesalazar doit affronter une situation plus grave à la suite de la crise provoquée par la débâcle espagnole dans labataille d’Anoual[424].

Juillet 1921 : le « désastre d’Anoual »

[modifier |modifier le code]
Manuel Fernández Silvestre, général des troupes espagnoles dans labataille d’Anoual.

Après la parenthèse de la Grande Guerre, les gouvernements tentent de renforcer la domination espagnole sur leProtectorat du Maroc. Cette tâche est confiée au généralBerenguer, nomméhaut commissaire espagnol au Maroc en 1919. Le généralManuel Fernández Silvestre, nommé commandant général deMelilla en 1920 est chargé de la progression dans la zone orientale. Il lance l’avancée depuis Melilla vers l’ouest sans rencontrer de résistance, et atteintAnoual en janvier 1921. Berenguer et Fernández Silvestre décident d’interrompre l’avancée. Les troupes de Melilla se trouvent ainsi dispersées sur un territoire étendu, faisant face à des problèmes d’approvisionnement de vivres et d’équipements, et exposées à d’éventuelles attaques, Anoual étant le poste le plus avancé[427],[428].

Fernández Silvestre tente de reprendre la progression de ses troupes en mai 1921, mais doit faire face à la résistance des tribusrifaines dirigées parAbdelkrim el-Khattabi et il accumule des pertes de centaines d’hommes. Le général s’entretient avec Berenguer et demande des renforts, que ce dernier lui refuse. Le ministre de la GuerreLuis de Marichalar y Monreal, se rappelant laSemaine tragique de 1909, où les mobilisations de réservistes avaient entrainé de graves émeutes à Barcelone, n’accède pas non plus à sa demande. Malgré tout, le général ne renonce pas à son avancée et ordonne de reconquérir la zone d’Anoual le 19 juillet. Il arrive depuis Melilla deux jours plus tard à la tête d’une armée de 4 500 hommes mais doit ordonner un retrait de ses troupes d’Anoual face à l’offensive menée par les Rifains. Le haut commissaire promet d’envoyer des renforts, qui n’arrivent pas à temps[429].

Cadavres jonchant le sol trouvés plusieurs mois après la bataille d’Anoual.

Les troupes espagnoles sont mises en déroute et tentent de se réfugier à Melilla. En quelques jours, tout le territoire laborieusement conquis depuis des années est perdu et près de 10 000 soldats perdent la vie[430],[428].

La défaite de la bataille d’Anoual — le « désastre d’Anoual » dans l’historiographie espagnole — provoque une commotion dans l’opinion publique. AuParlement et dans la presse, on réclame d'en établir les responsabilités. Le roi Alphonse XIII lui-même est mis en cause[431],[432]. Parmi ceux qui portent les accusations les plus dures contre le monarque, on compte notamment l'intellectuelMiguel de Unamuno et le député socialisteIndalecio Prieto[433].

Conséquences politiques

[modifier |modifier le code]
Article détaillé :Gouvernement Manuel García Prieto (5).

Pour faire face aux graves conséquences politique de la débâcle militaire d’Anoual, le roi fait appel au vieux leader conservateur Antonio Maura, qui forme un gouvernement — le cinquième et dernier qu’il dirigera — ; constitué le 3 août 1921, il s’agit d’un nouveau « gouvernement de concentration » — comme celui de 1918 —, qui regroupe encore conservateurs, libéraux et le catalaniste Cambó.

L’une de ses premières mesures est d’ouvrir une enquête sur les responsabilités militaires de la défaite d’Anoual[434], et de mettre en marche une opération militaire pour récupérer le territoire perdu au Maroc[435]. Le gouvernement s’occupe également des Juntes de défense : en janvier 1922, le ministre de la Guerre Juan de la Cierva les transforme en simples « commissions informatives » intégrées à son ministère, malgré les réticences du ropi[436],[437]. Le gouvernement Maura, acculé par la question des responsabilités du désastre, ne dure que8 mois et est remplacé en mars 1922 par un gouvernement, encore conservateur, présidé parJosé Sánchez Guerra[435].

José Sánchez Guerra vers 1920.

Le gouvernement de Sánchez Guerra tente de faire face aux prétentions interventionnistes des militaires et de soumettre les Juntes de défense, devenues « commissions informatives », au pouvoir civil, en comptant pour cela sur la collaboration du roi. En juin 1922, dans une réunion avec les militaires de la garnison de Barcelone, Alphonse XIII se montre très critique envers les Juntes, il déplore leur tendance à l’indiscipline et leur immixtion en politique[438], et passe alors du statut d’allié à celui d’adversaire au sein de celles-ci ; en échange il reçoit des marques de soutien de la part des militaires dits « africanistes », c’est-à-dire affectés au Protectorat du Maroc.

Au Parlement, le gouvernement manifeste son soutien aux paroles du monarque. À la suite de la demande de dissolution des Juntes formulée par le député indépendantAugusto Barcia, le premier ministre répond qu’il avait toujours réprouvé les Juntes et assure que le gouvernement agirait si elles agissaient en marge de la loi. Les députés réformistes, républicains et socialistes critiquent l’intervention du roi, considérant qu’elle sort de ses prérogatives constitutionnelles, rappellent le soutien qu’il avait donné au Juntes par le passé et reprochent au gouvernement de se réfugier derrière le roi pour exprimer son avis sur la question[439]. Finalement, le Parlement adopte en novembre 1922 une loi qui prononce la dissolution des Juntes et établit les normes strictes que les militaires doivent suivre pour obtenir des mérites de guerre, satisfaisant ainsi l'une des principales revendications de celles-ci. Il obtient de cette manière un rétablissement de l’unité entre officiersafricanistes etjunteros de l’Armée espagnole[440].

Un rapport, accablant, sur les circonstances de la défaite d’Anoual est présenté : il dénonce la fraude, la corruption, l’improvisation dans les opérations militaires et les mauvaises dotations qui avaient régné dans l’administration du protectorat. Sur la base de ce rapport, le Conseil suprême de Guerre et Marine ordonne des procédures à l’encontre de plusieurs dizaines d’officiers, dont le haut commissaire, le général Berenguer[441].

Le gouvernement accepte que le Congrès des députés aborde la question des responsabilités. Au cours du débat, des libéraux, des républicains et des socialistes exigent également des responsabilités politiques. L’intervention le socialisteIndalecio Prieto accuse l’ancien ministre de la Guerre Luis de Marichalar y Monreal et, surtout, le roi d’être les principaux responsable du désastre[442], causant un grand scandale dans l’hémicycle, propos pour lesquels il est traduit en justice[433][443]. Dans une autre de ses interventions, Prieto reproche aux anciens gouvernements d’être incapables de maintenir le roi à l’intérieur de ses devoirs constitutionnels »[444].

Le débat sur les responsabilités met en évidence une division au sein même des conservateurs[445]. À ce moment, le roi envisage de nommerFrancesc Cambó[446], président du gouvernement à condition qu’il abandonne le catalanisme, offre que ce dernier rejette indigné le 30 novembre 1922[447].

Lorsque surgit une crise gouvernementale en décembre 1922, le roi offre la présidence du gouvernement à Manuel García Prieto ; ce dernier forme un nouveau « gouvernement de concentration libéral », qui sera ledernier gouvernement constitutionnel d’Alphonse XIII[448].

Le nouveau gouvernement annonce son intention d’avancer dans l'établissement des responsabilités du désastre d’Anoual ; en juillet 1923, le Sénat autorise une procédure contre le général Berenguer, qui jouit alors d’une immunité parlementaire en tant que membre de la chambre. Il tente également de réaffirmer la supériorité du pouvoir civil sur le militaire dans les deux questions qui restaient à régler, la Catalogne et le Maroc. Il envisage également un très ambitieux projet de réforme du régime politique qui suppose la mise en place d’une authentiqueMonarchie parlementaire, bien que les élections convoquées au débat de 1923 soient de nouveau entachées des habituelles manipulations pour assurer la majorité politique. Les partis non dynastiques obtiennent néanmoins quelques avancées[449].

Aucun de ces projets ne peut finalement être mené à terme car le 13 septembre 1923 le généralMiguel Primo de Rivera, capitaine général de Catalogne, dirige uncoup d’État qui met fin au régime libéral de la Restauration, instaure unedictature et ne rencontre pas l’opposition du roi[450].

La dictature et la chute du régime

[modifier |modifier le code]
Articles détaillés :Coup d'État de Primo de Rivera,Dictature de Primo de Rivera,Chute de la dictature de Primo de Rivera,Dictature de Dámaso Berenguer etÉlections municipales espagnoles de 1931.

Pouvant compter sur l'appui de l'Armée et de la bourgeoisie, la dictature de Primo de Rivera est contestée par les syndicats ouvriers et les républicains, dont les protestations sont immédiatement étouffées par lacensure et la répression. Primo de Rivera crée leDirectoire militaire, composé de neuf généraux et d'unamiral, avec l'objectif annoncé de « mettre l'Espagne en ordre » (poner España en orden), selon ses dires, avec officiellement la perspective de la rendre ensuite aux mains des civils. La constitution est suspendue, les conseils municipaux dissous, les partis politiques interdits et on rétablit lessomatén, sorte demilices urbaines.

La campagne militaire au Maroc est un succès pour l'Armée dans laGuerre du Rif, avec leDébarquement à Alhucemas et la reddition d'Abd el-Krim en1926. Le syndicalisme de laCNT et le nouveauParti communiste espagnol sont réprimés ; la dictature tolère lePSOE et l'UGT, réticents, pour maintenir le contact avec certains leaders ouvriers. La bourgeoisie catalane donne initialement son appui à la dictature. La législation sociale limite les possibilités de travail des femmes, entrreprend la construction de logements ouvriers et institue un nouveau modèle deformation professionnelle. Une politique d'investissements publics importants est mise en place dans les infrastructures de communications (routes et chemins de fer), mais aussi dans les domaines de l'irrigation et de l'énergie hydraulique.

Ces premiers succès confèrent une certaine popularité au nouveau pouvoir. L'Union patriotique (parti unique) est créée, dans le but de regrouper toutes les sensibilités politiques derrière le régime, ainsi que l'Organisation corporative nationale,syndicat vertical qui suit le modèle fasciste italien. Le Directoire militaire est remplacé par leDirectoire civil en 1925.

Les premiers appuis s'éloigent toutefois rapidement. La bourgeoisie catalane voit ses désirs de décentralisation réduits à néant par une politique encore plus centraliste et qui favorise finalement lesoligopoles. Lesconditions de travail empirent et la répression subie par les ouvriers éloigne l'UGT et le PSOE du projet du dictateur. L'économie du pays se révèle incapable d'assumer lacrise mondiale de 1929.Miguel Primo de Rivera démissionne et s'exile en janvier1930.

La monarchie, complice de la dictature, est alors remise en question par toute l'opposition qui se rassemble en août1930 dans l'accord de Saint-Sébastien. Les gouvernements deDámaso Berenguer, dont le régime est qualifié dedictablanda (« dictamolle », jeu de mots sur l'espagnoldictadura [« dictature »], etdura [« dure »]) et deJuan Bautista Aznar-Cabañas ne feront rien d'autre que prolonger son agonie. Après lesélections municipales de 1931, les grandes villes tombent dans le camp républicain, laSeconde République est proclamée et le roi quitte le pays, mettant ainsi fin à la restauration bourbonienne.

Économie

[modifier |modifier le code]

La Restauration fut une période de stabilisation socio-économique, de consolidation de ce qui avait été obtenu au cours durègne d’Isabelle II et d’obtention de nouvelles avancées[451].

L’offre de sol agricole, fruit desdésamortissements, augmenta les surfaces cultivées, la production agraire et la consommation. Jusqu’en 1882, les conditions économiques agraires furent très favorables pour la production céréalière dans les zones intérieures. Laguerre de Crimée et les conflits qui lui succédèrent dans l’est de l’Europe favorisèrent les exportations, à tel point que l’on parle de la naissance d’une bourgeoisie farinière dans les deuxCastilles, dont la devise était :« eau, soleil, et guerre à Sébastopol »[451].

Toutefois, à partir de cette date commencèrent les importations de céréales, favorisées par lechemin de fer, et un climat très favorable augmenta la production. En conséquence, les prix baissèrent et les campagnes intérieures entrèrent une nouvelle fois en crise, entamant un nouveau cycle d’exode paysan vers les grands centres urbains industriels[451].

Dans ces derniers, la vieilleindustrie textile avait peu à peu cédé le pas à lamétallurgie et à lasidérurgie, à la faveur de la fin de l'arrivée decoton à cause de laguerre de sécession nord-américaine (1861-1865). Étant donné que le fer requérait du charbon comme source d’énergie, les espaces disposant des deux ressources (par exemple dès 1826 àOjén, dans laprovince de Malaga) commencèrent le processus d’industrialisation lourde. Toutefois, l’épuisement des mines entraîna le déplacement de cette activité vers d’autres zones, comme lesAsturies (en 1864) et lePays basque (en 1876), établissant dans le dernier cas un fructueux échange de fer contre du charbon avecCardiff[451].

À la fin duXIXe siècle, 70 % de la production nationale de fer était localisée au Pays basque, et l’Espagne devint le principal fournisseur de fer au reste de l’Europe. La production connut un bond spectaculaire, passant de 43 000 tonnes de lingots defer et 37 000 defer forgé et d’acier en 1868 à 310 000 et 199 000 tonnes respectivement produites en 1900[451].

L’obtention de fer fut importante pour l’expansion ferroviaire. Les bénéfices dudésamortissement de Madoz et une série de lois favorisant les financements, comme laLey General de Ferrocarriles (« loi générale sur les chemins de fer ») de 1855, ce qui attira du capital étranger, français pour les voies du nord et anglais au sud, y contribuèrent. La première ligne ferroviaire péninsulaire fut celle deBarcelone-Mataró en 1848, qui fut suivie par celle deMadrid-Aranjuez en 1851. En10 ans (1856-1866), on construisit 460 km annuels, atteignant 5 000 km. Lors d’une deuxième étape de23 ans (1873-1896) on arriva à 12 000 km. LeXXe siècle commença avec 15 000 km de lignes, dont certaines étaient internationales : Madrid-Lisbonne (1881) et Lisbonne-Madrid-Paris (1887)[451].

  • Carte de la production céréalière (1882-1890).
    Carte de la production céréalière (1882-1890).
  • Carte de la production métallurgique et sidérurgique (1800-1899).
    Carte de la production métallurgique et sidérurgique (1800-1899).
  • Carte de l’implantation du réseau ferroviaire (1848-1900).
    Carte de l’implantation du réseau ferroviaire (1848-1900).

Héraldique

[modifier |modifier le code]
  • Version du blason d'Espagne avec les Colonnes d'Hercule.
    Version du blason d'Espagne avec lesColonnes d'Hercule.
  • Version du blason d'Espagne avec branches de laurier.
    Version du blason d'Espagne avec branches de laurier.
  • Version du blason d'Espagne avec la Toison d'or.
    Version du blason d'Espagne avec laToison d'or.
  • Version du blason d'Espagne avec la Toison d'or et le manteau.
    Version du blason d'Espagne avec la Toison d'or et lemanteau.

Notes et références

[modifier |modifier le code]
  1. abc etd(es)Mercedes Cabrera (dir.),Con luz y taquígrafos: El Parlamento en la Restauración (1913-1923), Madrid, Tarus,, « Prólogo a la última edición »
  2. a etbRadcliff 2018,p. 6-12.
  3. Octavio Ruiz Manjón (es), prologue àDardé 2007.
  4. Pedro Carasa (es) dans la préface àVarela Ortega 2001, loc 99-106
  5. « […] la existencia del caciquismo no comenzó en tiempos regeneracionistas, pero fue entonces cuando se acuñó com uno de los varios "males de la patria" que aquejaban a la España intersecular […]. […] este binomio [oligarquía y caciquismo] de Costa, convertido en título de libros y manuales de historia, sigue siendo, más de un siglo después, el más utilizado para caracterizar la etapa restauracionista. […] El hecho […] de poner el acento de olarquía y caciquismo exclusivamente en la época de la Restauración (1875-1923) ha dado pie en la historiografía española a una compartimentación en periodos que dificulta ver líneas de continuidad en lo esencial y entorpece notablement la comprensión de las largas trayectorias. » (Romero Salvador 2021,p. 9, 21-22)
  6. « […] contraponemos términos que no son excluyentes. Lo que se contrapone amilitarismo no sonoligarquía ycaciquismo, sinocivilismo […]. Un régimen militarista puede ser también oligárquico y caciquil. De hecho, el régimen isabelino [lo] fue […] caciquil por práctica, dado que casi la totalidad de las veintidós elecciones celebradas las ganó el partido que las convocaba. »Romero Salvador 2021,p. 24-25.
  7. Pérez 1996,p. 608.
  8. Carr et 2001 34.
  9. Fernández López 2003,p. 72
  10. Hermet 1992,p. 47.
  11. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 384.
  12. a etbSuárez Cortina 2006,p. 130-131.
  13. a etbDardé 2015,p. 31.
  14. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 384
  15. Radcliff 2018,p. 137.
  16. Carr 2001,p. 32-33.« […] la confrontación electoral — si es que se la puede llamar así — tenía lugar por medio de negociaciones realizadascon anterioridad a las elecciones, negociaciones que continuarían siendo la parte fundamental de la política electoral hasta 1923. Los resultados eran entonces a menudo publicados en la prensa antes del día de la votación. »
  17. a etbCarr 2003,p. 344.
  18. a etbCarr 2001,p. 31.
  19. a etbElizalde Pérez-Grueso 2011,p. 384-385.
  20. Carr 2001,p. 32-33.
  21. Guereña 2001,p. 14.
  22. Guereña 2001,p. 14-15.
  23. Guereña 2001,p. 15.
  24. Moreno Luzón 2009,p. 45.
  25. Carr 2001,p. 29.« Este sistema convertía al rey en la pieza fundamental del mecanismo constitucional »
  26. « La constitución de 1876 reforzó hasta el límite la posición de la corona como institución de una tradición social e histórica que se situaba por encima de cualquier otro poder, incluido el de la nación representada en Cortes, de que la monarquía "no depende, ni puede depender". » (Moreno Luzón 2009,p. 53).
  27. Carr 2001,p. 29.
  28. ab etcPérez 1996,p. 610.
  29. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 395.
  30. « como el artículo 28 remitía el método de elección de diputados a la legislación correspondiente, Sagasta pudo instaurar de nuevo el sufragio universal en 1890 » (Cabrera et Martorell 2017)
  31. Dardé 1996,p. 78
  32. Radcliff 2018,p. 143.
  33. Carr 2001,p. 28.
  34. Moreno Luzón 2009,p. 54.
  35. a etbAlía Miranda 2018,p. 39.
  36. a etbElizalde Pérez-Grueso 2011,p. 382.
  37. a etbCarr 2001,p. 30
  38. Radcliff 2018,p. 140.
  39. Carr 2003,p. 345.
  40. « La Restauración supuso un nuevo punto de partida en la trayectoria del régimen liberal en España. Algo importante cambió efectivamente tras la proclamación como rey de Alfonso XII en diciembre de 1874. "La aceptación del adversario", la consideración de los oponentes como individuos que ejercen una tarea necesaria y que pueden alcanzar el poder a través de cauces pacíficos, establecidos de acuerdo con todos (o una gran mayoría), fue uno de los aspectos básicos de aquel cambio. Hasta entonces, y desde 1840, los dos grupos […] que se disputaban el gobierno […] se veían a sí mismos como los únicos representantes legítimos de la nación. » (Dardé 2007).
  41. a etbSuárez Cortina 2006,p. 132-133.
  42. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 397.
  43. Pérez 1996,p. 613
  44. Radcliff 2018,p. 146
  45. a etbCarr 2003,p. 357.
  46. Impôt indirect sur laconsommation (Carr 2003,p. 357).
  47. Martorell Linares et Juliá 2019,p. 128.
  48. a etbPérez 1996,p. 613.
  49. « Si España hubiera poseído el cuerpo judicial independiente de Inglaterra o el sensato código de derecho administrative de Francia, el caciquismo no habría florecido. » (Carr 2003,p. 359).
  50. Carr 2001,p. 32.
  51. a etbCarr 2003,p. 358.
  52. Carr 2003,p. 361.
  53. Carr 2003,p. 362.
  54. « La idea de Cánovas era hacer sitio para posibilitar la convivencia legal y pacífica de los partidos y satisfacer así a los políticos profesionales. Su obsesión : eliminar el pronunciamiento como mecanismo de cambio político. » (Varela Ortega 2001,p. 33).
  55. « Ocurría que las guerras carlistas habían dejado «tal plétora de oficiales sin empleo que hacía imposible un sistema normal de ascensos». Esos oficiales, desocupados pero «deseosos de obtener un empleo, estaban prestos a apoyar cualquier movimiento revolucionario que les ofreciera la oportunidad de mejorar su fortuna». » (Varela Ortega 2001).
  56. a etbMartínez Vasseur 2002, loc 1810.
  57. « Lutte coloniale, lutte contre l’ennemi intérieur, voilà les deux missions qui allaient être confiées à l’armée par le régime le moins militaire de tout leXIXe siècle espagnol » (Martínez Vasseur 2002, loc 1807)
  58. Martínez Vasseur 2002, loc 1771.
  59. Allusion au cri¡Muera la inteligencia (« Que meure l’intelligence ! ») poussé par certains militaires lors d’un discours deMiguel de Unamuno en 1936, voir à ce sujet l’articleViva la muerte (slogan).
  60. Finer 1976,p. 53, cité dansMartínez Vasseur 2002, loc 1761-1771
  61. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 373
  62. « la experiencia del Sexenio obró entre las élites como un anticuerpo para una apertura del sistema más convencida » (Rivera Blanco 2022,p. 217).
  63. Cabrera et Martorell 2017, loc 274.
  64. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 373, 377.
  65. a etbFernández López 2003,p. 69.
  66. Pérez 1999,p. 608-609.
  67. a etbMestre i Campi 2004,p. 915
  68. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 387-388.
  69. Rivera Blanco 2022,p. 216.
  70. Cabrera et Martorell 2017, loc 283.
  71. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 374
  72. ab etcBeyrie et Bennassar 1992,p. 703.
  73. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 375-376
  74. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 377
  75. Cepeda Gómez 2003,p. 88.
  76. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 378
  77. a etbCepeda Gómez 2003,p. 89.
  78. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 374, 377-378.
  79. abcd etePérez 1996,p. 609
  80. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 411.
  81. Clemente 2011,p. 128-129.
  82. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 135.
  83. ab etcElizalde Pérez-Grueso 2011,p. 397
  84. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 130.
  85. abc etdClemente 2011,p. 132
  86. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 123.
  87. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 136-137.
  88. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 137.
  89. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 398
  90. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 138.
  91. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 139.
  92. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 399
  93. Carr 2003,p. 535-536
  94. Mestre i Campi 2004,p. 195.
  95. Sagarra Renedo et de Andrés Martín 2014,p. 143-175.
  96. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 391
  97. Elizalde Pérez-Grueso et Buldain Jaca 2011,p. 394
  98. a etbElizalde Pérez-Grueso et Buldain Jaca 2011,p. 396
  99. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 391-392, 402.
  100. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 392, 399.
  101. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 402-403.
  102. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 396-397.
  103. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 403.
  104. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 400-401.
  105. Suárez Cortina 2006,p. 122.
  106. (es)José Andrés Gallego (es),Historia General de España y América : Revolución y Restauración: (1868-1931),t. XVI-2, Rialp,, 632 p.(ISBN 9788432121142,lire en ligne),p. 314-315
  107. ab etcDardé 1996,p. 76.
  108. Suárez Cortina 2006,p. 121-122.
  109. Suárez Cortina 2006,p. 123.
  110. Elizalde Pérez-Grueso 2011,p. 405.
  111. a etbDardé 1996,p. 78.
  112. Lario 1999,p. 202-211.
  113. a etbSuárez Cortina 2006,p. 122-123.
  114. Suárez Cortina 2006,p. 123-124.
  115. Suárez Cortina 2006,p. 130.
  116. Romero Salvador 2021,p. 34.
  117. Suárez Cortina 2006,p. 131-132.
  118. Suárez Cortina 2006,p. 128-130.
  119. Suárez Cortina 2006,p. 132.
  120. a etbSuárez Cortina 2006,p. 133.
  121. a etbSuárez Cortina 2006,p. 133-134.
  122. Suárez Cortina 2006,p. 134.
  123. Suárez Cortina 2006,p. 134-136.
  124. Suárez Cortina 2006,p. 152.
  125. Ne pas confondre avec le quotidien actuelEl País, fondé en 1976.
  126. Suárez Cortina 2006,p. 151-152.
  127. Suárez Cortina 2006,p. 141.
  128. Dardé 1996,p. 114.
  129. Suárez Cortina 2006,p. 145.
  130. Suárez Cortina 2006,p. 142.
  131. Suárez Cortina 2006,p. 142-143.
  132. Suárez Cortina 2006,p. 144-145.
  133. Suárez Cortina 2006,p. 145-146.
  134. Suárez Cortina 2006,p. 145-147.
  135. « El aviso que supuso la pérdida de los últimos reductos coloniales y la crisis moral que se abrió en 1898 solo sirvieron para instalar una visión pesimista de la realidad española, muy persistente en el tiempo, pero no para encarar y sacar adelante reformas en profundidad » (Rivera Blanco 2022,p. 218).
  136. Suárez Cortina 2006,p. 148-154.
  137. a etbSuárez Cortina 2006,p. 156.
  138. Dardé 1996,p. 124-125.
  139. Dardé 1996,p. 124.
  140. Suárez Cortina 2006,p. 154.
  141. Suárez Cortina 2006,p. 155.
  142. Suárez Cortina 2006,p. 156-157.
  143. Suárez Cortina 2006,p. 155, 158-159.
  144. Núñez Florencio 1990,p. 357.
  145. a etbSuárez Cortina 2006,p. 161.
  146. a etbMoreno Luzón 2009,p. 313.
  147. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 114-115.
  148. de Riquer 2013,p. 39-40.
  149. plusieurs dizaines de morts et environ 500 emprisonnements
  150. Moreno Luzón 2009,p. 336-337.
  151. a etbJuliá 1999,p. 25.
  152. a etbSuárez Cortina 2006,p. 164.
  153. a etb(ca)AlfonsCucó,Sobre la ideologia blasquista : Un assaig d'aproximació, Valence,3i4,, 111 p.(ISBN 84-7502-001-1),p. 69
  154. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 122.
  155. a etbLario 1999,p. 97, 480.
  156. Juliá 1999,p. 26-27.
  157. certains historiens, se basant sur la documentation diplomatique, soutiennent au contraire que ni le roi ni la reine mère ne sont responsables de la chute de Silvela — en réalité ils le supplient de rester en poste —, mais que sa démission est due à des pressions internes au parti conservateur
  158. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 124-125.
  159. on dénombre au total 5 crises gouvernementales, 4 présidents et 66 ministres pour les conservateurs (Juliá 1999,p. 28), et 5 gouvernements différents au cours des18 mois où les libéraux sont au pouvoir (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 164)
  160. Moreno Luzón 2009,p. 354.
  161. Moreno Luzón 2009,p. 324-325.
  162. Suárez Cortina 2006,p. 162.
  163. Moreno Luzón 2009,p. 310.
  164. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 112-113.
  165. selon Romanones, il se comporte« comme s’il n’avait rien fait d'autre dans sa vie que de présider des ministres »
  166. Moreno Luzón 2009,p. 309.
  167. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 115.
  168. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 131.
  169. par exemple lorsqu'Alphonse XIII pose des difficultés lors de l’octroi de l’ordre civil d'Alphonse XII à l’écrivainBenito Pérez Galdós, républicain notoire, ou lorsqu’il accepte sans consulter le gouvernement l’invitation du roi d’Angleterre de visiter ce pays, qu’il devra finalement rejeter (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 118; 132)
  170. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 121.
  171. par exemple en modifiant un décret sur la réorganisation de l’Armée postée auxBaléares (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 131)
  172. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 124.
  173. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 125.
  174. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 126.
  175. le généralLoño, alors que le généralPolavieja a la préférence du monarque
  176. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 130.
  177. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 127-128.
  178. a etbJuliá 1999,p. 27.
  179. Suárez Cortina 2006,p. 164-166.
  180. Lors d’un discours àAlicante, il déclare :« L’Espagne est divisée en deux camps : réaction et liberté »
  181. Moreno Luzón 2009,p. 314-316.
  182. il obtient l’approbation de la convention signée par le papePie V et le roi Alphonse XIII, qui reconnait une pleine personnalité juridique aux ordres et congrégations religieuses
  183. conflit provoqué par son intention de nommerBernardino Nozaledaarchevêque de Valence, un clerc que la gauche taxe d’antipatriotisme et d’ultramontanisme, car il était resté à la tête de l’archidiocèse de Manille deux ans après laperte desPhilippines
  184. Suárez Cortina 2006,p. 166.
  185. qui se déclare engagée dans une« grande lutte entre la négation et l’affirmation, entre la vérité et l’erreur, entre la révolution et l’ordre, entre l’anarchie et les principes traditionnels et les fondements éternels de la société »
  186. Moreno Luzón 2009,p. 326-327.
  187. ab etcJuliá 1999,p. 29.
  188. de Riquer 2013,p. 49.
  189. en nommant comme ministre de la Guerre le généralAgustín Luque, l’un des capitaines qui a le plus applaudi l’assaut sur le¡Cu-Cut
  190. de Riquer 2013,p. 49-50.
  191. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 166-167.
  192. sous la présidence de l'ancien républicainNicolás Salmerón, incluant les républicains non lerrouxistes, les catalanistes — laLliga Regionalista, laUnió Catalanista et leCentre Nacionalista Republicà, un groupe issu d’une scission de la Lliga quelques mois auparavant — et même lescarlistes catalans
  193. Moreno Luzón 2009,p. 362-363.
  194. Juliá 1999,p. 31.
  195. de Riquer 2013,p. 52.
  196. a etbJuliá 1999,p. 29-30.
  197. La question du déclencheur exact de la chute de Moret est débattue, conséquence de l’attentat contre le roiAlphonse XIII etVictoire-Eugénie de Battenberg le jour de leur mariage, le 31 mai 1906, par l’anarchisteMateo Morral, dont tous deux sortent indemnes (Suárez Cortina 2006,p. 169), ou de la prétention d’obtenir une seconde dissolution duParlement en faveur des libéraux afin de se doter d’une majorité confortable pour mener une série de réformes très progressistes et considérées comme « funestes » par le camp clérical, incluant la reconnaissance dumariage civil et lasécularisation descimetières (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 169-171)
  198. qui obtient dans l’encasillado un nombre de députés inférieur à celui incombant habituellement au parti duturno dans l’opposition
  199. Moreno Luzón 2009,p. 370-371.
  200. laloi électorale espagnole de 1907
  201. Moreno Luzón 2009,p. 371.
  202. López 1998,p. 186-187.
  203. Suárez Cortina 2006,p. 171.
  204. a etbAlía Miranda 2018,p. 40.
  205. Juliá 1999,p. 32.
  206. lors desélections générales de 1910 et des suivantes, plus de cent postes au Parlement — près du tiers — sont désignés d’office par ce procédé
  207. Suárez Cortina 2006,p. 171-172.
  208. a etbSuárez Cortina 2006,p. 172.
  209. Moreno Luzón 2009,p. 374.
  210. Juliá 1999,p. 31-32.
  211. Moreno Luzón 2009,p. 378.
  212. El Liberal (es),El Imparcial (es) etHeraldo de Madrid
  213. ab etcJuliá 1999,p. 34.
  214. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 181-182.
  215. Suárez Cortina 2006,p. 175-176.
  216. Moreno Luzón 2009,p. 366.
  217. 1 700 personnes sont incarcérées et diversescondamnation à mort sont prononcées, dont 5 sont exécutées, ainsi que 59 condamnations à perpétuité et 175 à l’exil
  218. a etbSuárez Cortina 2006,p. 176.
  219. Juliá 1999,p. 33.
  220. , malgré les demandes de commutation de la peine — que Maura n’envisage à aucun moment —
  221. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 186.
  222. a etbMoreno Luzón 2009,p. 368.
  223. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 187-189.
  224. Juliá 1999,p. 34-35.
  225. Moreno Luzón 2009,p. 382.
  226. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 198-200.
  227. Suárez Cortina 2006,p. 167.
  228. a etbMoreno Luzón 2009,p. 384.
  229. alors obsédé par la condamnation dumodernisme
  230. Tusell 1997,p. 281.
  231. alors que l’époque est marquée par larévolution portugaise de 1910 qui met à bas la Monarchie et proclame laPremière République
  232. Suárez Cortina 2006,p. 180-181.
  233. de la Cueva Merino 2003,p. 295-296.
  234. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 209.
  235. de la Cueva Merino 2003,p. 296-297.
  236. de la Cueva Merino 2003,p. 297.
  237. en facilitant le rôle médiateur de l’Institut des réformes sociales (es) créé en 1903 sous le gouvernement conservateur de Silvela et en promulguant plusieurs mesures destinées à améliorer les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière(Suárez Cortina 2006,p. 181)
  238. Moreno Luzón 2009,p. 398.
  239. Tusell 1997,p. 279.
  240. Moreno Luzón 2009,p. 393-399.
  241. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 211-212.
  242. instaurés en 1845 et suspendus au cours de larévolution de 1868
  243. Tusell 1997,p. 279-280.
  244. a etbTusell 1997,p. 280.
  245. La loi établit également l’exemption de service des fils uniques issus de familles pauvres
  246. Moreno Luzón 2009,p. 386-387.
  247. a etbSuárez Cortina 2006,p. 181.
  248. Pour obtenir le soutien d’une majorité de députés libéraux, Canalejas prononce ce qui sera retenu comme l’un de ses meilleurs discours parlementaires ; malgré tout,19 députés de son parti, parmi lesquelsSegismundo Moret, votent contre le projet (Tusell 1997,p. 280)
  249. Tusell 1997,p. 279.
  250. en parvenant à assurer en mai 1911 le contrôle de la zone d’influence espagnole avec la prise d’Assilah, deLarache et deKsar El Kébir, en réponse à la prise deFès par les Français
  251. avec le Royaume-Uni dans le rôle d’intermédiaire
  252. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 225-238.
  253. a etbSuárez Cortina 2006,p. 182.
  254. Tusell 1997,p. 282.
  255. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 214.
  256. Suárez Cortina 2006,p. 183-184.
  257. Juliá 1999,p. 39.
  258. Maura considère qu’après l’assassinat de Canalejas, le roi aurait dû nommer sans tarder un conservateur à la tête de l’exécutif
  259. Moreno Luzón 2009,p. 413.
  260. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 262-264.
  261. il attaque les libéraux et qualifie leur arrivée au pouvoir d’« assaut »
  262. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 266.
  263. Lemaurisme s’était constitué comme un nouveau mouvement politique catholique etnationaliste, différencié des partis duturno, mais paradoxalement pas sous la direction de Maura lui-même, plaçant ce dernier dans une position « extrêmement ambigüe »
  264. Suárez Cortina 2006,p. 182-183.
  265. la fermeture du Parlement sera utilisé fréquemment comme un moyen d’assurer la stabilité gouvernementale par les exécutifs suivants
  266. a etbJuliá 1999,p. 40.
  267. Suárez Cortina 2006,p. 182; 184.
  268. Juliá 1999,p. 38-39.
  269. un fait légalisé par le gouvernement Dato via l’approbabation au début de 1914 d’un décret par lequel les officiers peuvent s'adresser directement au roi sans être tenus de passer par le ministre de la Guerre et le gouvernement
  270. qui soutient que la « grande popularité » du roi parmi les officiers est « un élément de force » pour le système
  271. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 268; 272-273.
  272. Gumersindo de Azcárate, membre de la direction du parti et président de l’Institut des réformes sociales (es),Manuel Bartolomé Cossío, directeur duMusée pédagogique national (es) etSantiago Ramón y Cajal, président de laJunta de Ampliación de Estudios (es) et impulseur de laRésidence d'étudiants de Madrid
  273. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 256-257.
  274. concrètement, le nouveauParti réformiste ; en sortant du Palais royal, Azcárate déclare que la Monarchie a cessé d’être un obstacle au « plein développement d’une politique libérale vigoureuse », bien qu’il ne renonce pas à ses idéaux républicains
  275. a etbJuliá 2003,p. 309-310.
  276. qui rassemble des républicains attachés à lalaïcité et opposés aucaciquisme, ayant abandonné la conjonction républicano-socialiste et qui se montrent dorénavant disposés à accepter la Monarchie commeforme de gouvernementaccidentelle à condition qu’elle mène une transition vers un système démocratique ; le projet réformiste reçoit dès sa fondation l’appui d’une jeune génération d’intellectuels parmi lesquelsJosé Ortega y Gasset,Manuel Azaña,Gabriel Gancedo,Fernando de los Ríos, lemarquis de Palomares del Duero,Leopoldo Palacios,Manuel García Morente,Constancio Bernaldo de Quirós etAgustín Viñuales
  277. a etbMoreno Luzón 2009,p. 418.
  278. Juliá 2003,p. 311.
  279. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 259.
  280. Suárez Cortina 2006,p. 184.
  281. Juliá 2003,p. 311-312.
  282. Juliá 2003,p. 312-313.
  283. (es) Miguel Ángel Martorell Linares, « La crisis parlamentaria de 1913-1917. La quiebra del sistema de relaciones parlamentarias de la Restauración »,Revista de Estudios Políticos,no 96,‎,p. 137-161(lire en ligne, consulté le)
  284. Carr 2003,p. 481.
  285. Fernández López 2003,p. 70.
  286. (es)Carlos Dardé, « España 1917, ¿tres revoluciones o solo una? »,Revista de Libros,‎(lire en ligne, consulté le).
  287. Barrio 2004,p. 14.
  288. l’hispaniste britanniqueRaymond Carr note ainsi que dès« 1913, Maura avait cessé d’être le dirigeant d’un parti et était devenu le chef d’un mouvement, le maurisme » qui« attira la jeunesse conservatrice, spécialement les étudiants et se consacra à dénigrer le "traître" Dato et ses complices comme des "oligarques" qui sacrifient le principe conservateur au pouvoir »,« dégénéra en un "maurisme de rue" » et« fut le premier signe d’un phénomène inquiétant : l’apparition de mouvements juvéniles assez violents » (Carr 2001)
  289. a etbSuárez Cortina 2006,p. 185.
  290. selon son avis, celui du roi et celui majoritaire au sein de la classe dirigeante, le pays manque à la fois de moyens et de raisons de participer au conflit, un choix qui suscite peu d’oppositions ; Dato redoute de plus la ruine que représenterait une entrée en guerre et craint d’alimenter davantage les risques deguerre civile dans un contexte où le pays se trouve embourbé dans laGuerre du Rif auMaroc, source de grande impopularité pour le régime
  291. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 284, 287-288.
  292. Moreno Luzón 2009,p. 422-423.
  293. Suárez Cortina 2006,p. 185-186.
  294. Moreno Luzón 2009,p. 426.
  295. Carr 2001,p. 188.
  296. Carr 2001,p. 118.
  297. menée par les deux grands syndicats, laCNT et l’UGT
  298. Suárez Cortina 2006,p. 188-192.
  299. Carr 2001,p. 119.
  300. Juliá 1999,p. 40-41.
  301. Juliá 1999,p. 51-52.
  302. Suárez Cortina 2006,p. 192.
  303. Juliá 1999,p. 52-53.
  304. Moreno Luzón 2009,p. 431-432.
  305. a etbTusell et García Queipo de Llano 2002,p. 297-298.
  306. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 298.
  307. Juliá 1999,p. 41-42.
  308. « En el orden structural, el ejército estaba muy lejos de ser un elemento sano. Se trataba en mucho mayor medida de una monstruosidad sedentaria y burocrática que de una máquina de guerra […]. El cuerpo de oficiales estaba hinchado artificialmente — en 1915 había un oficial por cada cinco soldados; el 60 por ciento del presupuesto del ejército iba destinado a pagar a los oficiales —. […] Para este ejército de clase media, sedentario y burocrático, lo único importante eran la perspectiva de paga y el estatus ocupado por la oficialidad en la sociedad. […]
    Todos los intentos de reforma encaminados a reducir el abultado número de oficiales con el fin de crear un ejército más pequeño, mejor equipado y mejor pagado chocaron con los intereses de los oficiales en servicio.
     »
    (Carr 2001,p. 120-121).
  309. a etbMoreno Luzón 2009,p. 444.
  310. Suárez Cortina 2006,p. 193.
  311. Suárez Cortina 2006,p. 195.
  312. Moreno Luzón 2009,p. 446-447, 444.
  313. reproduisant ce faisant une situation similaire à celle qui avait fait suite auxincidents du¡Cu-Cut! en 1905-1906 et l'approbation de laLey de Jurisdicciones
  314. Juliá 1999,p. 42.
  315. a etbBarrio 2004,p. 15.
  316. Juliá 1999,p. 42-43.
  317. Juliá 1999,p. 53-54.
  318. Juliá 1999,p. 55.
  319. a etbSuárez Cortina 2006,p. 197.
  320. Moreno Luzón 2009,p. 448.
  321. tous les participants sont arrêtés mais remis en liberté très rapidement
  322. Moreno Luzón 2009,p. 449.
  323. ils conviennent également de convoquer une nouvelle réunion le 16 aout, mais celle-ci n’aura finalement pas lieu à cause d’une grève générale lancée par les socialistes (Suárez Cortina 2006)
  324. Suárez Cortina 2006,p. 200.
  325. Juliá 1999,p. 56.
  326. Suárez Cortina 2006,p. 199-200.
  327. Moreno Luzón 2009,p. 450.
  328. Juliá 1999,p. 56-57.
  329. parmi lesquels les membres du comité de grève (Julián Besteiro etAndrés Saborit pour el PSOE,Francisco Largo Caballero etDaniel Anguiano pour l’UGT)
  330. Suárez Cortina 2006,p. 200-201.
  331. Suárez Cortina (2006), p. 201.
  332. Moreno Luzón 2009,p. 451-452.
  333. Barrio 2004,p. 16-17.
  334. Moreno Luzón 2009,p. 453.
  335. de Riquer 2013,p. 89-91.
  336. les partisans de Dato côté conservateur, ce dernier continuant à défendre la validité duturno, et les suiveurs de Santiago Alba côté libéral, qui refuse de participer à cause de la présence de l’aile droite conservatrice menée parde la Cierva
  337. Barrio 2004,p. 19.
  338. Juliá 1999,p. 58.
  339. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 312.
  340. qui y obtient une représentation pour la première fois
  341. contre un seul député lors du scrutin antérieur
  342. Barrio 2004,p. 20-21.
  343. Moreno Luzón 2009,p. 454.
  344. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 313.
  345. Barrio 2004,p. 21.
  346. de Riquer 2013,p. 101.
  347. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 314.
  348. Romanones, Alba, García Prieto pour les libéraux ; Dato, de la Cierva et Maura pour les conservateurs
  349. le règlement du Congrès est également réformé, avec l’instauration d’un délai maximal de prise de parole (aussi dit « guillotine ») pour agiliser les débats
  350. Moreno Luzón 2009,p. 455.
  351. Juliá 1999,p. 58-59.
  352. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 320.
  353. selon l’historien Santos Juliá,« Rarement on aura vu une classe politique aussi convaincue de la nécessité de réformes drastiques dans les lois et dans les pratiques politiques et aussi incapable de les mener à bien […]. Les politiques de la Restauration avaient diagnostiqué mille fois que le caciquisme était le mal, mais ils ne savaient pas comment gouverner en se passant de leurs caciquats »
  354. Juliá 1999,p. 59-60.
  355. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 344.
  356. les réformes que le ministre du budgetSantiago Alba prétend introduire rencontrent de nouveau la résistance des secteurs industriels qui avait bénéficié de la neutralité de l’Espagne dans la Grande Guerre
  357. Barrio 2004,p. 23-24.
  358. a etbJuliá 1999,p. 60.
  359. Moreno Luzón 2009,p. 471.
  360. selon le témoignage de Cambó, il prend cette initiative après y avoir été encouragé par le roi lui-même, à la suite d’un entretien tenu le 15 novembre 1918, afin, selon ce dernier, de « distraire les masses [de Catalogne] de toute intention révolutionnaire » et renforcer leur adhésion à la Monarchie (de Riquer 2013,p. 113). En effet, seule la Lliga semble alors en mesure de dissuader les masses de Catalogne de plonger dans un processus révolutionnaire qui semble imminent, à l’imitation de ceux deRussie et d’Allemagne (Moreno Luzón 2009,p. 472)
  361. de Riquer 2013,p. 114.
  362. Barrio 2004,p. 45-46.
  363. faite de lieux communs et de stéréotypes sur la région et ses habitants, similaires aux clichésantisémites utilisés en Allemagne au même moment ; ils parviennent à mobiliser des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs grandes villes du pays, notamment Madrid
  364. Moreno Luzón 2009,p. 472.
  365. ils lancent également un appel auboycott des industries catalane
  366. de Riquer 2013,p. 115.
  367. José Luis de la Granja (es),Justo Beramendi (es) etPere Anguera,La España de los nacionalismos y las autonomías, Madrid, Síntesis,, 58 p.(ISBN 84-7738-918-7)
  368. de Riquer 2013,p. 116.
  369. le chef du gouvernement et porte-parole des libéraux accuse Cambó de vouloir être à la fois leSimón Bolívar de la Catalogne et leOtto von Bismarck de l’Espagne
  370. l’intervention de Maura au Congrès est très applaudie par les députés des deux partis dynastiques, y compris le président du gouvernement Romanones
  371. dans son courrier au roi, il écrit :« en écrivant ces lignes je passe le moment le plus amer de ma vie »
  372. de Riquer 2013,p. 121.
  373. de Riquer 2013,p. 123.
  374. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 362.
  375. il élimine même certaines compétences déjà exercée par la Mancommunauté
  376. la Liga Patriótica Española
  377. Moreno Luzón 2009,p. 473.
  378. de Riquer 2013,p. 125-126.
  379. Barrio 2004,p. 46.
  380. Balcells 2010,p. 470.
  381. Balcells 2010,p. 39, 46-47.
  382. Balcells 2010,p. 470-471.
  383. Balcells 2010,p. 39.
  384. Moreno Luzón 2009,p. 474.
  385. en août 1923, ils formeront avecAcció Catalana et des groupesgaliciens l’alliance nationaliste radicaleGaleusca
  386. Barrio 2004,p. 47.
  387. a etbPérez 1996,p. 676
  388. a etbMoreno Luzón 2009,p. 457-458.
  389. Pérez 1996,p. 678-679.
  390. Barrio 2004,p. 35.
  391. particulièrement dans laprovince de Cordoue
  392. Barrio 2004,p. 41-42.
  393. Carr 2003,p. 497.
  394. Barrio 2004,p. 42.
  395. revendication historique du mouvement ouvrier que l’Espagne devient l’un des premiers pays européens à instaurer
  396. Moreno Luzón 2009,p. 466.
  397. (es) Pau Rodríguez, « Un siglo de la huelga de La Canadiense o cómo se consiguió tu jornada laboral de 8 horas »,ElDiario.es,‎(lire en ligne, consulté le)
  398. (es) « Centenario de la Huelga de La Canadiense: Lección histórica sobre cómo conquistar derechos luchando »,Todo por Hacer (mensuel anarchiste),‎(lire en ligne, consulté le)
  399. Barrio 2004,p. 43-44.
  400. Barrio 2004,p. 44-45.
  401. Barrio 2004,p. 48-49.
  402. Moreno Luzón 2009,p. 462.
  403. les autres factions conservatrices refusant de le reconnaitre comme chef du parti en dépit des pressions du monarque pour qu’ils le fassent « en défense de la monarchie et de l’ordre »
  404. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 349.
  405. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 368.
  406. par le député républicainFrancisco Layret
  407. cette occasion représente avant tout une promotion pour lui, car il devient alors chef de laMaison militaire du roi, poste qu’il occupe jusqu’en 1924
  408. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 369-370.
  409. Barrio 2004,p. 50-51.
  410. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 350-351.
  411. notamment après l’assassinat à Valence deFrancisco Maestre,comte de Salvatierra, anciengouverneur civil de Barcelone aux temps du gouvernement de Sánchez de Toca
  412. (es) Luis Fernández Gimeno, « 100 años del asesinato del Conde de Salvatierra »,Cadena SER (antenne valencienne),‎(lire en ligne, consulté le).
  413. voir l’article « Loi des fuites »
  414. syndicats dits « libres », par opposition aux syndicatsuniques
  415. en 1922 ils affirment avoir 122 000 adhérents
  416. ouvriers catholiques, apolitiques ou désabusés de l’anarchisme
  417. Moreno Luzón 2009,p. 463.
  418. Le 30 novembre 1920, l'assassinat de Francisco Layret, député républicain et avocat des membres de la CNT, aux mains de membres de ces syndicats, alors qu’il se rend à la mairie deMahon pour gérer les remises en liberté de membres de la CNT déportés à Majorque a un grand retentissement en défaveur du gouvernement
  419. Barrio 2004,p. 52-53.
  420. Un de ses meurtriers, Pedro Matheu, déclare« Je n’ai pas tiré contre Dato, que je ne connaissais même pas, mais contre le président qui a autorisé la plus cruelle et sanguinaire des lois : laley de fugas »
  421. Barrio 2004,p. 53
  422. en 1923 d’autres meurtres importants ont lieu : le 10 mars, celui deSalvador Seguí, dirigeant de la CNT qui s’était montré défenseur de la voie syndicale et n'avait pas appuyé la violence, ainsi que l’archevêqueJuan Soldevila le 4 juin (Moreno Luzón 2009,p. 464)
  423. Moreno Luzón 2009,p. 463-464.
  424. a etbBarrio 2004,p. 54.
  425. « El rey no puede hacer más sino firmar proyectos que vayan al Parlamento. Pero es muy duro, señores, que no pueda prosperar lo que interesa a todos por maquinaciones y mezquindades políticas y ocurren casos tristes de esta naturaleza. Presenta un proyecto mi Gobierno, lo combaten y se hace una crisis y como consecuencia cae el Gobierno. Se forma uno nuevo y tampoco puede sacar nada adelante porque los mismos que cayeron se convierten entonces en oposición de su propio proyecto. Porque ¡cómo habían de ayudar a aquellos mismos que le habían matado!
    Algunos dirán que me estoy saliendo de mis deberes constitucionales pero llevo diecinueve años de Rey constitucional y me he jugado la vida muchas veces para que me vengan ahora a coger en una falta constitucional. Yo creo que las provincias deben comenzar un movimiento de apoyo a vuestro Rey y a los proyectos beneficiosos y entonces el Parlamento se acordará de que es mandatario del pueblo, pues no otra cosa significa el voto que le dais en las urnas. Entonces la firma del Rey será una ejecutoria y una garantía de que harán proyectos beneficiosos para España.
     »
    (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 380-381)
  426. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 381-383.
  427. Barrio 2004,p. 54-57.
  428. a etbGarcía Queipo de Llano 1997,p. 80-81
  429. Barrio 2004,p. 58-59.
  430. y compris le général Silvestre lui-même, dans des circonstances non établies ; son cadavre n’a jamais été retrouvé
  431. il est accusé d’avoir encouragé Fernández Silvestre dans son entreprise aventureuse, bien qu’aucun élément concret ne corrobore cette hypothèse
  432. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 395.
  433. a etbTusell et García Queipo de Llano 2002,p. 405-406.
  434. Carr 2003,p. 503
  435. a etbBarrio 2004,p. 59.
  436. il doit se montrer très insistant pour obtenir la signature du décret par le monarque, Cierva allant jusqu'à menacer de démissionner
  437. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 375-376.
  438. « Actualmente asusta notar en nuestro ejército agrupaciones que, aunque las motivó un deseo tal vez nobilísimo, están francamente fuera de lo que aconseja la obediencia más elemental y la disciplina fundamental. El oficial no puede meterse en política. » (Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 377-378)
  439. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 378-379.
  440. Boyd 2003,p. 234.
  441. Barrio 2004,p. 61-62.
  442. Il conclut l'une de ses interventions au Congrès en présentant le roi comme responsable de la mort de 8 000 hommes (« Aquellos campos de dominio son hoy campos de muerte: ocho mil cadáveres parece que se agrupan en torno de las gradas del trono en demanda de justicia. »,
  443. Barrio 2004,p. 62
  444. Moreno Luzón 2009,p. 490.
  445. Tusell et García Queipo de Llano 2002,p. 354.
  446. « l'un des rares hommes politiques dont le prestige n’avait pas été terni », « homme fort de la droite qui […] avait l'appui d'un mouvement politique réellement moderne » et l’un des rares en qui il a encore confiance, car Maura est alors âgé et diminué
  447. de Riquer 2013,p. 143-145
  448. Barrio 2004,p. 62-63.
  449. surtout le PSOE, qui triomphe à Madrid où il remporte7 sièges
  450. Barrio 2004,p. 63-70.
  451. abcde etf(es) Voirliste des participants (Disponible sous licenceCC BY 4.0), « Edad Contemporánea »,Atlas Nacional de España,‎ 30 janvier 2023, 11:27 utc(lire en ligne, consulté le).

Annexes

[modifier |modifier le code]

Articles connexes

[modifier |modifier le code]
Unecatégorie est consacrée à ce sujet :Restauration (Espagne).

Bibliographie

[modifier |modifier le code]

Liens externes

[modifier |modifier le code]

Restauration (histoire de l'Espagne)
Précédé parSuivi par
Première République
1873-1874
Restauration bourbonienne
1874-1931
Seconde République
1931-1939


v ·m
Restauration bourbonienne
(1875-1931)
Seconde République
(1931-1977)
Franquisme
(1938-1977)
Royaume d'Espagne
(depuis 1977)
v ·m
Préhistoire etAntiquité
Civilisation islamique en al-Andalus
Espagnes médiévales
Monarchie etEmpire
Histoire contemporaine
Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Restauration_(histoire_de_l%27Espagne)&oldid=229859778 ».
Catégories :
Catégories cachées :

[8]ページ先頭

©2009-2025 Movatter.jp