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Rerum novarum (littéralement : « des choses nouvelles », et, selon la traduction duVatican, « des innovations »[1]) est uneencyclique publiée le par lepapeLéon XIII. Elle commence ainsi :Rerum novarum semel excitata cupidine (« la soif d'innovations une fois suscitée »). Elle constitue le texte inaugural de ladoctrine sociale de l'Église catholique.
S'inspirant des réflexions (notamment les travaux de l'union de Fribourg) et de l'action des « chrétiens sociaux », l'encyclique, écrite face à la montée de laquestion sociale, condamne la pauvreté qui pèse sur la majeure partie de la classe ouvrière tout autant que les mouvements politiques d'inspiration socialiste et marxiste. Elle dénonce également les excès ducapitalisme et encourage de ce fait lesyndicalisme chrétien et lecatholicisme social.
La période de parution de l'encyclique est marquée par l'émergence et le développement, principalement en Europe, de l'industrialisation. Cette industrialisation voit apparaître une nouvelle classe, celle desouvriers. Les ouvriers deviennent une réalité sociale, mais aussi une source de contestation : les bouleversements politiques de l'année1848, laCommune de Paris (1871), les manifestations violentes (par exemple, àFourmies), lesémeutes de Chicago en 1886...
Pendant cette période, la question sociale fait l'objet de réflexions de chrétiens et d'hommes d'Église[2].Wilhelm von Ketteler en Allemagne, lecardinal Manning en Grande-Bretagne, et lecardinal de Bonald en France, développent une pensée chrétienne sociale. Ils contribuent à encourager les mouvements d'action des chrétiens laïcs, favorisant l'émergence des« catholiques sociaux »[2].
Ketteler exprime une conception plus doctrinale dans son œuvre,La Question ouvrière et le christianisme (1864). Il y met en cause la structure dulibéralisme et propose l'intervention forte de la législation, ainsi que l'autonomie des ouvriers. Il influenceKarl von Vogelsang en Autriche, développant ainsi les idéescorporatistes[2].
Gaspard Mermillod, évêque de Genève, joue un rôle essentiel. Avec son amiRené de La Tour du Pin, il fonde l'Union catholique d'études sociales et économiques, appelée aussiunion de Fribourg, où se retrouvent quelques-uns des plus grands noms ducatholicisme social de l'époque (le SuisseGaspard Decurtins, les FrançaisArmand de Melun,Albert de Mun,Louis Milcent etHenri Lorin, les Autrichiens Karl von Vogelsang etGustave Blome(de)…). L'union de Fribourg développe ainsi une pensée dans de nombreux domaines comme le syndicalisme, le régime corporatiste, l'organisation industrielle, la question agraire, le salaire, les assurances ouvrières, la réglementation internationale de la production industrielle[2]. Ces travaux sur la « question sociale » constitueront la base de l'encyclique deLéon XIIIRerum novarum[3].
L'engagement d'hommes d'Église dans le domaine social joue un rôle important dans l'émergence de l'encyclique. Ainsi, le cardinal Gibbons défend auprès de Léon XIII la cause deschevaliers du travail[4]. En 1889, le cardinal Manning défend lagrève des dockers et participe aux négociations qui aboutissent à l'accord du. Cette intervention est suivie de près par Léon XIII[2]. L'empereurGuillaume II d'Allemagne demande le soutien du pape afin de convoquer uneconférence internationale sur le travail àBerlin en1890[5]. Dans sa réponse, Léon XIII préfigure les thèses sociales deRerum Novarum.
Dans l'introduction,Léon XIII fait le constat de la modification des rapports entrepatrons etouvriers et constate l'anxiété qui règne dans les rapports sociaux. Cette situation pousse l'Église catholique à intervenir afin de rechercher une« solution conforme à la vérité et à l'équité »[7]. Le pape condamne alors« une situation d'infortune et de misère imméritée » des classes inférieures, ainsi que la concentration dans les mains de quelques-uns de l'industrie et du commerce, qui« impose un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires »[8].
II. Question préalable : la proposition socialiste de supprimer la propriété privée. Ses conséquences funestes
Léon XIII condamne lesocialisme, entendu comme théorie qui vise à l'abolition de la propriété privée. Il remarque dans un premier temps que le « socialisme » contribue au développement de la haine contre ceux qui possèdent en proposant, comme solution à la misère, l'abolition de la propriété privée. Or cette abolition a trois conséquences selon l'encyclique : elle fait du tort à l'ouvrier, vide les droits légitimes despropriétaires et bouleverse le rôle de l'État[9].
Léon XIII fait alors une démonstration qui le conduit à dire que la propriété donne un droit de disposer du fruit de sontravail, l'abolir conduit donc à empêcher l'amélioration de lasituation des ouvriers dans la mesure où ils ne peuvent pas disposer du fruit de leur travail[10]. Léon XIII montre ensuite qu'il existe undroit naturel de l'homme à posséder, ce qui le différencie de l'animal. Or le travail et la propriété sont indissociables : le travail rendant la terre plus fertile, il découle de ce fait le droit naturel à la propriété[11]. Ce droit est renforcé par les besoins de la famille : afin d'affronter les difficultés, nous avons besoin de constituer un patrimoine, ce qui est rendu impossible par l'abolition de la propriété[12].
Léon XIII définit alors le rôle despouvoirs publics. Ceux-ci doivent respecter le sanctuaire qu'est la famille et ne pas se substituer à l'autorité des parents. Le socialisme est donc condamnable dans la mesure où« les socialistes vont contre la justice naturelle et brisent les liens de la famille »[13]. Néanmoins, le pape affirme que, dans les cas de graves difficultés,« il est juste que le pouvoir public vienne à son secours, car chaque famille est un membre de la société. De même, s'il existe quelque part un foyer qui soit le théâtre de graves violations des droits mutuels, il faut que le pouvoir public y rétablisse ledroit de chacun »[13].
III. Le droit de l'Église d'aborder le sujet, et son assurance de le faire de manière efficace
Léon XIII justifie le droit de l'Église d'intervenir dans le domaine social. Cette intervention entend mettre fin au conflit ou à l'adoucir, tant par l'enseignement qu'en essayant d'améliorer« le sort des classes pauvres afin de rechercher la meilleure solution possible ».
Il appelle aussi à accepter les différences et les inégalités inhérentes à la nature humaine. Ces différences constituent la richesse de la société, vouloir les abolir serait donc vain. Enfin, rappelant le texte de laGenèse[14], il affirme que le travail reste lié à la souffrance et à la douleur[15], et condamne lesutopies qui nient cette dure réalité.
S'opposant à la théorie de lalutte des classes, le pape affirme la complémentarité du capital et du travail, chacun ayant besoin de l'autre. Il énonce alors les devoirs de l'ouvrier, qui sont de réaliser correctement son travail, ses revendications devant être exemptes de violences[16].
Les patrons, quant à eux, doivent respecter en l'ouvrier« ladignité de l'homme ». Valorisant le travail du corps comme noble, le pape s'insurge contre ceux qui ne l'estiment qu'« en proportion de la vigueur des bras ». Le patron a le devoir de se soucier des intérêts spirituels de l'ouvrier. Il est ainsi défendu, selon le pape, de donner un travail supérieur aux forces des personnes, ou en désaccord avec l'âge ou le sexe. Les patrons ont aussi le devoir de donner un juste salaire, affirmant même que« ce serait un crime à crier vengeance au ciel que de frustrer quelqu'un du prix de ses labeurs »[17].
Rappelant l'enseignement de l'Église sur la vie éternelle le pape affirme que la richesse ne doit être considérée que pour l'usage qu'on en fait. La recherche de la vie éternelle, et duparadis, étant prioritaire pour le chrétien, elle passe par la vertu et la souffrance à l'image duChrist. Le pape rappelle alors aux riches qu'« ils devront rendre à Dieu, leur juge, un compte très rigoureux de l'usage qu'ils ont fait de leur fortune »[18].
IV. Le rôle de l'État
Par les lois qui servent l’intérêt général, l’État doit se consacrer à la protection du bien-être et des droits des travailleurs qui ne disposent pas des moyens de production ; il doit protéger toutes les classes de citoyens en empêchant les changements contraires à l’intérêt commun et à la justice distributive[19]. L’État devrait également promouvoir et obtenir les droits de la famille[20] ainsi que assurer le repos hebdomadaire[21]. Ensuite, si nécessaire, l’État doit intervenir pour protéger la sécurité des personnes et le bien-être général. Les individus et les familles devraient être autorisés à jouir de la liberté d’agir[22]. Dans ses efforts pour protéger les droits personnels, la principale préoccupation de l’État est pour ceux qui sont faibles et pauvres parce qu’ils n’ont pas les moyens d’autoprotection. L’État devrait soutenir le droit de chaque individu et lui permettre d’avoir la propriété privée[23]. En outre, le rôle de l’État est de faire respecter les droits des personnes à la liberté d’association et de religion[24].
V. Les corporations
Léon XIII pense que pour protéger leurs intérêts et leurs droits, les ouvriers ont besoin de syndicats[25]. Il les exhorte donc à s’unir dans les corporations appropriées aux divers métiers[26].
VI. Exhortation finale
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La même année de la publication deRerum novarum, laLigue démocratique belge est créée dans la lignée de l'encyclique. Cet événement est reçu différemment dans les milieux politiques : les milieux catholiques sociaux l'exaltent, tandis que les milieux conservateurs, eux, attendent le pape suivant. Les libéraux ne voient pas l'importance du document car il n'apporte aucune solution concrète. Selon eux, cette encyclique, qui analyse la situation réelle et cherche à donner des pistes concrètes, reste parfois moralisatrice et comporte des imprécisions sur des questions concrètes. On y retrouve une idéologie anti-socialiste très classique à l'époque[réf. souhaitée].
Rerum novarum, outre son influence dans différents pays lors de sa publication, est surtout le coup d'envoi de l'enseignement doctrinal connu sous l'appellation dedoctrine sociale de l'Église catholique. Elle marque le début de l'intérêt porté par les papes aux questions sociales, ce qui a fortement influencé les pays de tradition catholique dans leur législation, en exhortant les hommes politiques à une intervention plus forte de l'État dans les domaines sociaux : législation protégeant le travail (repos dominical), création des allocations familiales, émergence des associations de travailleurs (comme les syndicats chrétiens en France). À titre d'exemple, en 1895, année où la C.G.T. a été créée à Limoges, lors d'un congrès de tertiaires de Saint-François dans la même ville, à la demande deLéon Harmel,Henri Savatier présentait un rapport intituléLes légitimes revendications des travailleurs dans le cadre des orientations de l'Église à la suite de Rerum novarum[29]. De cette manière, on peut dire que l'encyclique a été à l'origine de la constitution de ladémocratie chrétienne.
↑« Savez-vous quel est le véritable enseignement religieux, celui devant lequel il faut se prosterner, celui qu'il ne faut pas troubler ? C'est la sœur de charité au chevet du mourant. C'est le frère de la Merci rachetant l'esclave. C'est Vincent de Paul ramassant l'enfant trouvé. C'est l'évêque de Marseille au milieu des pestiférés. C'est l'archevêque de Paris abordant avec un sourire ce formidable faubourg Saint-Antoine, levant son crucifix au-dessus de la guerre civile, et s'inquiétant peu de recevoir la mort pourvu qu'il apporte la paix. Voilà le véritable enseignement religieux, l'enseignement religieux réel, profond, efficace et populaire, celui qui, heureusement pour la religion et l'humanité, fait encore plus de chrétiens que vous n'en défaites ! »,15 janvier 1850.
Centre de recherche et d'action sociales (éditeur),Le discours social de l'Église catholique, De Léon XIII à Benoit XVI, les grands textes de l'enseignement social de l'Église catholique (documents pontificaux), Bayard,(BNF42083268)
Reinhard Marx,Gerechtigkeit und Teilhabe für alle. 125 Jahre Rerum novarum und die Katholische Soziallehre (Katholische Sozialwissenschaftliche Zentralstelle [Hrsg.]: Kirche und Gesellschaft Grüne Reihe Nr. 432). J. P. Bachem, Köln, 2016(ISBN978-3-7616-3134-8)