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LaRenaissance française est unmouvement artistique etculturel situé enFrance entre le milieu duXVe siècle et le début duXVIIe siècle. Étape de l'époque moderne, laRenaissance apparaît enFrance après le début du mouvement enItalie et sa propagation dans d'autres pays européens.
Comme enItalie, ses traits caractéristiques sont la soif de vivre, laconfiance en l'Homme, l'appétit dusavoir, l'esprit delibre examen. Ce mouvement remet en cause lesmentalités duMoyen Âge et recherche de nouvelles formes devie et decivilisation. En effet, les possibilités de diffusion de l'information par l'imprimerie, et la découverte d'unnouveau monde au-delà de l'Atlantique, modifient profondément lavision du monde des hommes de cette époque[1].
La Renaissance française est le temps des peintres, des sculpteurs qui sont employés par les rois dont les plus emblématiques de la période sontFrançoisIer etHenri II. C'est l'époque deLéonard de Vinci qui finit sa vie auClos Lucé, mais aussi de la création de l'École de Fontainebleau et de l'arrivée desMédicis à Paris auXVIe siècle.
La Renaissance enFrance se décompose en quatre parties. Le premier acte est lestyle Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre lestyle gothique et laRenaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans leVal de Loire, où la pleine acceptation de laRenaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme enItalie, trois phases se démarquent alors jusqu'au début duXVIIe siècle, une Première puis une Seconde Renaissance française s'achevant avec leManiérisme[2].


La fin de laguerre de Cent Ans (1337-1453) marque l'installation du pouvoir royal dans leval de Loire, et le début de la construction des premierschâteaux résidentiels.Charles VII etLouis XI ordonnent ou favorisent l'installation des premierschâteaux de la Loire, ainsi dès1453 le corps de logis principal duchâteau de Montsoreau est construit parJean II de Chambes[3]. L'italianisme existe depuis longtemps enFrance avecPlutarque dans lalittérature,Jean Fouquet enpeinture ouLaurana àMarseille enarchitecture[4], mais ce sont surtout lesguerres d'Italie deCharlesVIII et deLouisXII qui mettent laFrance en rapport avec larenaissance des arts se déroulant alors enItalie. Si l'art gothique ne meurt pas immédiatement, à l'arrivée des premiers artistes italiens àAmboise, en1495, il n'en donne pas moins des signes de décadence[2]. Malgré quelques beaux succès, dans la première moitié duXVIe siècle, le processus transitoire duStyle Louis XII[2],[5] impose peu à peu les formes de laPremière Renaissance[6]. À partir des années1515, les formesgothiques se diluent alors progressivement dans le decorum italien[7].
Malgré ces survivances, le coup fatal est donné en1526, avec la création parFrançoisIer, de l'École de Fontainebleau : Cette nouvelle vague d'artistes italiens, plus nombreux qu'auparavant, eurent une grande influence sur l'art français, en créant une véritable rupture de par les innovations de ces artistes, aussi bien dans la décoration intérieure que dans l'application plus savante des ordres antiques en architecture. Lesarchitectes, qui à l'époque dustyle Louis XII et de laPremière Renaissance étaient desmaîtres-maçons traditionalistes et plein de verve, sont à partir des années 1530 des savants et des lettrés.
L'année1530 correspond ainsi à un véritable tournant stylistique, généralement considéré comme la fin dustyle Louis XII[2],[5], qui avait renouvelé dès 1495 la structuremédiévale grâce aux apports italiens[4], et comme une acceptation définitive de laRenaissance enFrance, apparue progressivement vers1515[2],[5].
Si l'amorce de ce mouvement est bien marquée, la fin de la période est en revanche sujet de discorde : l'édit de Nantes de1598, qui marque la fin desguerres de religion, est souvent considéré comme la fin de la Renaissance, mais certains historiens arrêtent la période dès le début de lapremière guerre de religion, avec lemassacre de Wassy en1562 ; d'autres arrêtent la période avec l'assassinat d'Henri IV en1610.
D'une manière générale l'Europe se pacifie considérablement après labataille de Nancy en 1477, qui éradique la possibilité d'émergence d'un état puissant entre royaume de France etSaint-Empire romain germanique. Cette période de paix est favorable à la création artistique : c'est à ce moment qu'apparait une première Renaissance Lorraine (palais ducal de Nancy) dont l'âge d'or sera le règne du ducCharles III de Lorraine avec la création de l'université de Pont-à-Mousson ainsi que l'édification de la ville-neuve deNancy, œuvre urbanistique originale puisqu'elle établit une nouvelle ville juste à côté de la ville médiévale. La Renaissance dans leduché de Lorraine prendra fin avec laguerre de Trente Ans (1618)[8].

En France, la Renaissance a ceci de spécifique que, après le règne centralisateur deLouis XI, le pouvoir du roi s'accentue sur ses vassaux. On passe progressivement d'un régime desuzeraineté à un régime desouveraineté[9].
En fait, l'évolution des techniques de guerre a une influence indirecte sur ce changement. La défense deschâteaux forts devient progressivement inefficace du fait de l'invention de nouvelles armes de guerre à plus longue portée (bombarde), de sorte qu'il faut imaginer de nouveaux systèmes défensifs.
L'inefficacité de l'armée française pendant certains épisodes de laguerre de Cent Ans (bataille d'Azincourt,1415, notamment) est révélatrice de ce changement[2].
Lesseigneursféodaux dont les « privilèges » dans la sociétémédiévale sont compensés par leurresponsabilité sur la population environnante en cas d'agression de la communauté locale, n'ont plus le même rôle. Ils prennent des responsabilités militaires au niveau « national » et non plus local (en langage moderne), conservant néanmoins leursprivilèges[9].
La hiérarchie dessuzerainetés s'en trouve bouleversée. Il faut donc redéfinir les responsabilités réciproques du monarque, devenu le garant de lasécurité du pays unifié. Le principal théoricien de la définition du principe de souveraineté estJean Bodin[9].
FrançoisIer est ainsi l'un des premiers monarques français, au sens propre du terme (dans le systèmeféodal, les rois sontsuzerains de leurs vassaux, qui prêtaient serment d'allégeance). On ne voit apparaître l'absolutisme, à proprement parler, qu'avecHenri IV, dont les responsabilités sont accrues à la suite de l'édit de Nantes (1598), et surtout avecLouis XIII (sous l'influence très forte deRichelieu), et avecLouis XIV, appuyé sur ce point parBossuet[1].
La Renaissance enFrance se décompose en quatre parties. Le premier acte est leStyle Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre lestyle gothique et laRenaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans leVal de Loire, où la pleine acceptation de laRenaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme enItalie, trois phases se démarquent alors jusqu'au début duXVIIe siècle, une Première puis une Seconde Renaissance française s'achevant avec leManiérisme[2].
À chaque étape de son développement, l'art de la Renaissance française est resté un art original, né d'une rencontre entre les modèles italiens, des artistesflamands et les particularités françaises. Les modèles ont pourtant beaucoup changé entre 1495 et 1610 puisque les Français ont admiré successivement l'art de la fin duQuattrocento, celui de laHaute Renaissance puis duManiérisme[2]. De ces rencontres successives est issue une production artistique foisonnante, désordonnée, parfois difficile à saisir. Lorsqu'on en fait le bilan, deux faits essentiels apparaissent : l'art françaismoderne a pris forme à travers les grandes œuvres du milieu duXVIe siècle tandis qu'autour duchâteau royal de Fontainebleau, « véritable nouvelle Rome », est né sous la volonté du roiFrançoisIer un centre artistique majeur, qui fut le seul en Europe à pouvoir rivaliser avec les grands centres italiens et que l'on appellera l'École de Fontainebleau.
La situation nouvelle ainsi créée commande l'avenir : Elle annonce l'affirmation d'un style « national » au milieu duXVIIe siècle et le futur rôle joué parVersailles.
Le style Louis XII (1495 à 1525/1530)[2],[5], est un style de transition, un passage très court entre deux époques éblouissantes, lapériode gothique et laRenaissance. Il qualifie une époque où l'art décoratif partant de l'arc brisé et du naturalisme gothique s'achemine vers le plein cintre et les formes souples et arrondies mêlées de motifs antiques stylisés typiques de laPremière Renaissance : il y a encore beaucoup degothique auchâteau de Blois, il n'y en a plus autombeau de Louis XII à Saint-Denis[5].
Dès 1495, une colonie d'artistes italiens s'installe àAmboise et travaille en collaboration avec des maîtres maçons français. Cette date est généralement considérée comme étant le point de départ de ce nouveau mouvement artistique. D'une façon générale, la structure reste française, seul le décor change et devient italien[4]. Il serait regrettable pourtant de déterminer ce nouveau style au seul apport italien : des relations existent entre la production architecturale française et celle duplatéresque espagnol[10] et l'influence du Nord, surtout d'Anvers est notable aussi bien dans lesarts décoratifs que dans l'art de la peinture et duvitrail[11].
Les limites duStyle Louis XII sont assez variables, en particulier lorsqu'il s'agit de laprovince en dehors duVal de Loire. Outre les dix-sept années du règne deLouis XII (1498-1515), cette période comprend la fin du règne deCharles VIII et le commencement de celui deFrançois Ier, faisant débuter le mouvement artistique en 1495 pour le faire s'achever vers 1525/1530[5] : l'année 1530, correspondant à un véritable tournant stylistique faisant suite à la création parFrançoisIer de l'École de Fontainebleau, est généralement considérée comme la pleine acceptation du style Renaissance[4],[5].
Dans les travaux décoratifs de la fin de la période deCharles VIII, on observe une tendance bien marquée à se séparer de l'arc brisé pour se rapprocher duplein cintre. L'influence des réalisations deBramante àMilan pourLudovic Sforza est perceptible dans la partie inférieure de l'aile Charles VIII auchâteau d'Amboise[4] : si la partie supérieure du bâtiment estgothique, la façade dupromenoir des gardes présente telleune loggia, une série d'arcades en plein cintre qui marque des travées rythmées de pilastres lisses. En général, les formes ornementales n'ont déjà plus la gracilité particulière de l'Art gothique, le rythme des façades s'organise de façon plus régulière avec la superposition des ouvertures en travées et la coquille, élément important de la décoration Renaissance, fait déjà son apparition.
Cette évolution est particulièrement perceptible auchâteau de Meillant dont les travaux d'embellissement voulus parCharles II d'Amboise débutent dès 1481 : si la structure est restée pleinementmédiévale, la superposition des fenêtres en travées reliées entre-elles par un cordon à pinacles, annonce le quadrillage des façades sous laPremière Renaissance. De même, on remarque l'entablement àoves classique surmonté d'unebalustradegothique et le traitement enTempietto de la partie haute de l'escalier hélicoïdal avec sasérie d'arcatures enplein cintre munies de coquilles[12].
Si à la fin du règne deCharles VIII, l'apport d'ornements italiens vient enrichir le répertoire flamboyant, il y a désormais sousLouis XII toute une école française qui s'ouvre à l'Italie avec de nouvelles propositions, établissant ainsi les principes d'un style de transition[5].

En sculpture l'apport systématique d'éléments italiens voire la réinterprétation « gothique » de réalisations de larenaissance italienne est manifeste auSaint sépulcre de Solesmes où la structure gothique reprend la forme d'un arc de triomphe romain flanqué depilastres àcandélabres lombards. Les feuillages gothiques désormais plus déchiquetés et alanguis comme à l'hôtel de Cluny deParis, se mêlent à destondi avec portraits d'empereurs romains auchâteau de Gaillon[4].
En architecture, l'utilisation de la « brique et pierre », pourtant présente sur les édifices dès leXIVe siècle, tend à se généraliser (château d'Ainay-le-Vieil,Aile LouisXII du château de Blois, l'hôtel d’Alluye de Blois). Les hauts toits à la française avec tourelles d'angles et les façades àescalier hélicoïdal font perdurer la tradition mais la superposition systématique des baies, le décrochement des lucarnes et l'apparition de loggias influencées de lavilla Poggio Reale et duCastel Nuovo deNaples sont le manifeste d'un nouvelart décoratif où la structure reste pourtant profondémentgothique. La propagation du vocabulaire ornemental venu dePavie et deMilan a dès lors un rôle majeur tout en étant ressentie comme l'arrivée d'une certaine modernité[13].
Dans cet art en pleine mutation, les jardins deviennent plus importants que l'architecture : l'arrivée àAmboise d'artistes italiens dontPacello da Mercogliano fut à l'origine sousCharles VIII de la création des tout premiers jardins de la Renaissance française grâce à de nouvellescréations paysagistes, l'installation d'uneménagerie et des travaux d'acclimatation agronomique conduits à partir de 1496 aux « Jardins du Roy » alors situés au sein dudomaine royal de Château-Gaillard[14]. En 1499,Louis XII confia la réalisation des jardins duchâteau de Blois à la même équipe qui fut engagée par la suite parGeorges d'Amboise pour réaliser des parterres sur différents niveaux sous sonchâteau de Gaillon[15].
En conclusion, lestyle Louis XII montre que l'on veut désormais autant étonner les Français que les Italiens : C'est à partir de la fantaisie avec laquelle sont incorporées lesnouveautés italiennes dans les structures encore toutesmédiévales françaises que naîtra vers 1515/1520 laPremière Renaissance[13].

Tout comme la période précédente, la manifestation la plus évidente de la Première Renaissance enFrance s'exprime par l'édification de châteaux résidentiels non seulement dans leVal de Loire et l'Île-de-France mais également dans certainesprovinces plus au sud comme leBerry, Le Poitou (château de Bonnivet…), leQuercy etle Périgord (châteauxd'Assier et deMontal) qui, après s'être remises des séquelles de laguerre de Cent Ans, voient leurs grandes familles s'endetter sur plusieurs générations afin de moderniser les structuresmédiévales préexistantes[7].
Pour autant c'est bien enTouraine que sont édifiés les plus grands châteaux de la Première Renaissance française.
Si à partir de la fin duXVe siècle, le processus transitoire dustyle Louis XII, impose peu à peu les formes de laPremière Renaissance[6], à partir des années1515/1520, l'arrivée d'une nouvelle vague d'artistes italiens, plus nombreux qu'auparavant, exerce une grande influence sur l'art français, en créant une véritable rupture : les formesgothiques finissent par se diluer progressivement dans le décorum italien[5]. Cette évolution est particulièrement sensible au portail de l'église Saint-Maurille de Vouziers, où une ornementation classicisante vient masquer la structure encoregothique[7].
Contrairement à la période précédente, le principal protagoniste n'est plus l'entourage du roi mais bienFrançoisIer lui-même qui, se comportant enmonarque humaniste, devient l'un des acteurs primordiaux de cette évolution stylistique[1]. En s'imposant dans les arts, il se veut alors mécène et guide de son peuple et de la chrétienté, sans pour autant renier son rôle militaire[1].
C'est ainsi qu'il fait appel à des artistes italiens pour la construction de ses châteaux[2]. Cesartisans lettrés ont alors une grande aura sur lesmaîtres maçons français : l'architecte présumé deChambord,Domenico Bernabei da Cortona aurait ainsi été surnommé « Boccador », bouche d'or en italien, pris ici dans le sens de « paroles d'or ».
Pour autant, durant toute la Première Renaissance française, le plan des édifices reste traditionnel et les éléments d'architecture demeurent librement inspirés de l'art nouveau venu deLombardie. Jamais peut-être l'architecture française ne fit autant preuve de plus d'élégance, de légèreté et de fantaisie que durant cette période artistique. Il se dégage une saveur toute particulière des édifices duVal de Loire où lesmaîtres-maçons françaistraditionalistes et pleins de verve, n'acceptent que bien à regret la nouvellearchitecture en faisant toujours concorder la structure avec la forme et allier aux silhouettes hardies et pittoresques duMoyen Âge, la décoration de laRenaissance italienne[2].
C'est ainsi que dans la lignée dustyle Louis XII, on conserve durant toute la période les traditions nationales telles que les hautestoitures : lechâteau de Saint-Germain-en-Laye étant le seul à être couvert deterrasses. Si les progrès de l'artillerie avaient rendu inutile tout appareil défensif tels que lestours, lesmâchicoulis, lecrénelage ou encore lescourtines des châteaux, on les conserve encore par tradition[5]. Pour autant, tous ces éléments de défense se voient vidés de leur substance pour être transformés en autant d'éléments décoratifs. C'est ainsi que dans bon nombre d'édifices, comme auchâteau de Chenonceau,de La Rochefoucauld, deVillandry ou comme ce fut le cas àAzay-le-Rideau (remanié auXIXe siècle), la permanence dudonjon ne se justifie que par le symbole seigneurial qu'il représente ; sa fonction militaire étant désormais supplantée par celle du prestige et de l'apparat[4].

Dans cette mouvance, les échauguettes des châteaux duMoyen Âge deviennent àAzay-le-Rideau, de gracieuses tourelles d'angles en encorbellement tandis que les créneaux du chemin de ronde se développent en petites fenêtres, transformant cet espace en une agréable galerie de circulation[2]. Caractéristique apparue avec lestyle Louis XII, les fenêtres des façades ont leurchambranle qui se raccorde d'étage en étage, formant une sorte detravée terminée enlucarne ouvragée. Ce quadrillage, que l'on retrouve àBlois ou àChambord, donne une sensation de régularité, souvent « fictive », aux élévations, tout en soulignant les horizontales et les verticales, alors que la multiplication des cheminées et des clochetons semblant former une couronne à l'édifice est un dernier reflet de la féérie médiévale[12].
Si l'architecture s'ouvre désormais largement sur l'extérieur, la richesse décorative reste réservée pour la cour, notamment pour le motif central de l'escalier. Obsession généralement étrangère à laRenaissance italienne[4], l'escalier est considéré alors comme l'élément français autour duquel gravite le château tout entier : la tour polygonale en hors d'œuvre, conservée dans l'aileFrançoisIer duchâteau de Blois, est remplacée peu à peu par un escalier rampe sur rampe[4], qui bien plus qu'une innovation italienne, semble bien appartenir au répertoire de l'Ouest de laFrance depuis leXVe siècle[4].

Si la façade des loges duchâteau de Blois apporte une certaine modernité, par ses ouvertures en enfilade sur l'extérieur, inspirées de lacour du Belvédère du Vatican, l'utilisation du modèle romain deBramante se voit modifié et soumis à la structure médiévale préexistante[4]. Inachevée, cette façade n'a pu recevoir un décor italianisant comparable à l'aile FrançoisIer sur cour. Elle n'en reste pas moins représentative des différentes recherches opérées au cours de la Première Renaissance : par la substitution des profils pleins et nets aux arêtes aigües de lamoulurationgothique, elle marque un progrès dans l'imitation des modèlesantiques[5].
Cette interprétation des réalisations deBramante, même si elle ne respecte en rien lesordres antiques, se retrouve dans la superposition desarcades encadrées depilastres qui ornent les cours intérieures duchâteau de La Rochefoucauld puis deChambord[4].
Première réalisationex nihilo, lechâteau de Chambord est un rendez-vous de chasses et de fêtes de la cour, conçue comme un lieu théâtral peu habité[1]. La présence deLéonard de Vinci et deBoccador amène une réflexion sur le château à la française au contact de laRenaissance italienne. Alors que les tours duMoyen Âge n'avaient d'autres jours que les fentes desarchères, une superposition de fenêtres àpilastres vient ici largement éclairer l'édifice tandis que le couronnement crénelé disparaît pour la première fois[2]. Le décor exubérant s'attache alors surtout aux toitures hérissées de souches de cheminées, delucarnes ou detourelles, toutes garnies delosanges ou de disques d'ardoise, de tabernacles et deculs-de-lampe traités dans le goût de l'Italie du Nord, tout en évoquant les incrustations de marbre noir de lachartreuse de Pavie oùFrançoisIer fut prisonnier[16]. Si le développement d'appartements symétriques à destination résidentielle est une nouveauté, l'organisation du plan reste cependant traditionnelle, rappelant ainsi lechâteau de Vincennes, avec undonjon central entouré d'uneenceinte où se trouvent la cour et lescommuns[4]. Le projet initial de 1519 se voit pourtant modifié dès 1526 afin de transférer l'appartement du roi dans une aile latérale, ledonjon centré étant rendu incompatible avec le nouveaurituel de cour nécessitant un appartement royal en enfilade. Comme à laVilla médicéenne de Poggio a Caiano, chaque niveau a désormais ses appartements répartis autour d'un axe central incarné par l'escalier à double révolution (image) pensé en collaboration avecLéonard de Vinci. Les travaux ralentissent pourtant : après ladéfaite de Pavie,FrançoisIer se voit contraint de regagnerParis.
À son retour de captivité, en1527, si le mécénat de l'entourage royal reste important, le roi n'en reste pas moins le principal protagoniste des évolutions stylistiques de son pays, par les modifications qu'il apporte à toute une série de châteaux autour de la capitale (Villers-cotterêt,La Muette). Alors qu'enÎle-de-France de nouvelles innovations se font jour, leVal de Loire devient le conservatoire de la Première Renaissance.
Lechâteau de Madrid, aujourd'hui détruit, reflète cette évolution. Le Palacio de los Vargas de laCasa del Campo, demeure d'un grand financier espagnol située en face de ce qui fut la prison deFrançoisIer àMadrid, inspira la réalisation de ce palais sans douves dont le plan ramassé s'oppose à la tradition française. Réalisés comme une nouvelle résidence de fêtes, les appartements symétriques s'organisaient autour d'une salle de bal centrale, tandis que deux étages de loggias faisant le tour du bâtiment, présentaient un décor inédit de terre cuite émaillée réalisée parDella Robbia. L'élévation du château était marquée par lespavillons hors d'œuvre, remplaçant ici les tours encore toutes médiévales deChambord, dont le rythme nouveau était obtenu par la séparation des combles. L'utilisation du plan géométrique et la présence des loggias, annonçant laVilla Farnèse, sont un lointain reflet duPoggio Reale deNaples et de laVilla médicéenne de Poggio a Caiano[4].

C'est alors qu'un événement d'une importance capitale se produit auchâteau de Fontainebleau, devenu entre 1530 et 1540 résidence principale du souverain. Bien que l'on note un grand contraste entre la qualité moyenne de l'architecture et la splendeur du décor intérieur, les réalisations dirigées parGilles le Breton marquent une évolution profonde marquant la fin de la période. Tandis que ledonjon duXIIe siècle est préservé, la cour ovale correspondant à l'ancienchâteau médiéval se voit ornée par leRosso et parSerlio d'unportique ouvrant sur un escalier à double volée. Lepavillon de la porte dorée, édifié pour l'occasion, reprend les dispositions observées dès 1509 auchâteau de Gaillon[5]. Mais contrairement à ce qu'on observait dans leVal de Loire, on privilégie désormais une architecture austère à base demoellons et de pierres enduites. Si la superposition despilastres des façades ne respecte en rien lesordres antiques, l'étagement desloggias, la scansion des niveaux par desfrontons triangulaires et le découpage des toitures en pavillons rectangulaires provoquent un grand effet classicisant, transformant cette architecture en une entrée triomphale, à l'exemple duCastel Nuovo deNaples[4].
Mais avant même que les bâtiments du nouveau château soient achevés,FrançoisIer fait venir d'Italie un groupe important d'artistes pour embellir le palais[2]. Il crée ainsi de ses vœux, une sorte de « nouvelleRome », que l'on appellera l'École de Fontainebleau, avec un cercle intellectuel et artistique influent. Jusqu'à sa mort, en1540,Rosso y joue le premier rôle auquel succéderaLe Primatice : le décor de la galerieFrançoisIer, vaste ensemble voué à la glorification de lamonarchie française en est la plus belle expression[9]. Dans les années qui suivent, le rachat de la toute procheabbaye des trinitaires permet de s'extraire du cœurmédiéval du château et de créer une œuvre moderneex nihilo autour d'une imposantecour d'honneur[5]. Inspirée de laVilla médicéenne de Poggio a Caiano, la liaison à l'ancien château se fait par une nouvelle aile àportiques, permettant la réalisation de laGalerieFrançoisIer, superposée à de luxueux appartements de bain. Quant au corps central àpavillons carrés de la nouvelle aile du palais, il s'inspire duchâteau de Bury, tout en marquant, par son plan rectiligne et seslucarnes àfrontons triangulaires épurés, l'évolution classicisante qui va marquer la Seconde Renaissance.

Le style nouveau de la Première renaissance ne tarde pas à se répandre dans toute laFrance. Des villes commeLyon,Dijon,Besançon,Toulouse ouNancy ainsi queBar-le-Duc[17] sont particulièrement riches de maisons et d'hôtels particuliers de la Première renaissance[18] : parmi les demeures les plus célèbres on peut citer l’Hôtel Chabouillé dit deFrançoisIer à Moret-sur-Loing, lelogis Pincé (1525-1535) àAngers, l'hôtel de Bullioud (1536) et l'hôtel de Gadagne (encore destyle Louis XII) àLyon, lamaison des Têtes (1527) à Metz, l'Hôtel d'Haussonville (1527-1543) deNancy, l'Hôtel de ville de Beaugency[18], ou encore l'hôtel de Bernuy (1530-1536) àToulouse, dont la cour a été partiellement reproduite à laCité de l'architecture et du patrimoine afin d'illustrer le style de la Première Renaissance en France.
Dernier des grands châteaux qui furent bâtis sur les bords de Loire auXVIe siècle, lechâteau de Villandry, apporte une touche finale aux recherches de la Première Renaissance[5] tout en annonçant les réalisations d'Ancy-le-Franc et d'Écouen. Dès son arrivée en1532,Jean le Breton, ministre des finances deFrançoisIer, exploite àVillandry son exceptionnelle expérience de l’architecture acquise sur de nombreux chantiers, dont celui duchâteau de Chambord qu’il a surveillé et dirigé pendant de longues années pour le compte de laCouronne. Tout en rasant l’ancienneforteresse féodale, on conserve ledonjon, témoin symbolique du traité du 4 juillet1189, appelé «Paix de Colombiers », du nom deVillandry auMoyen Âge, au cours duquel le roi d'AngleterreHenri II Plantagenêt vint devant leroi de FrancePhilippe Auguste reconnaître sa défaite. Achevé vers1536, ce nouvel édifice présente une disposition moderne par la régularité de son plan quadrangulaire et sa cour intérieure s'ouvrant sur les perspectives de la vallée où coulent leCher et laLoire. Pourtant tout proches et presque contemporains d’Azay-le-Rideau, les « fantaisies » italianisantes et les souvenirsmédiévaux tels que lestourelles, lesclochetons ou autresmâchicoulis décoratifs, disparaissent ici entièrement au profit d’un style plus simple, purement français, dont le classicisme et la forme des toitures préfigurent les réalisations d'Ancy-le-Franc et duchâteau d'Écouen[4]. Si l’originalité deVillandry se situe dans une conception architecturale d’avant-garde annonçant la Seconde Renaissance, l’utilisation qui a été faite du site pour y construire, en pleine harmonie avec la nature et la pierre, des jardins d’une remarquable beauté, en fait l'une des expressions les plus abouties de la Première Renaissance française.

La Seconde Renaissance, autrefois dit « style Henri II », marque à partir de1540 la maturation du style apparu au début du siècle ainsi que sa naturalisation tandis que leVal de Loire se retrouve relégué en conservatoire des formes de la Première Renaissance. Cette nouvelle période se développe alors principalement durant les règnes deHenri II,François II puisCharles IX, pour ne s'achever que vers 1559-1564, au moment même où commencent lesguerres de Religion, qui seront marquées par lemassacre de la Saint-Barthélemy et lacontre-réforme catholique[4].
Alors que la Première Renaissance est peu à peu acceptée en province, toute une série d'innovations se font sentir, enÎle-de-France.
À partir de1540, leClassicisme progresse, à la suite de la venue enFrance deSerlio (1475-1555) : Bien que son œuvre architecturale reste limitée, son influence est considérable par la publication de sonTraité d'Architecture (1537-1551)[9]. Grâce à ses œuvres gravées, il est un des premiers à initier les autres artistes à la beauté des monuments de l'antiquité, contribuant ainsi à faire évoluer plans et décors vers plus de sobriété et de régularité[9]. Pour autant, l'architecture française continue de garder des traits propres qui séduisentSerlio : leslucarnes « sont de grand ornements pour les édifices comme une couronne » et les grandscombles couverts d'ardoise bleutées sont « des choses très plaisantes et nobles »[18].

Lesarchitectes qui à l'époque dustyle Louis XII et de laPremière Renaissance, étaient desmaîtres-maçons traditionalistes et plein de verve, deviennent dès lors, des savants et des lettrés dont certains effectuent leur voyage d'études enItalie.
Marquant un véritable tournant stylistique, cette nouvelle génération d'artistes opère une synthèse originale entre les leçons de l'antiquité, celle de laRenaissance italienne et les traditions nationales. Parmi les plus célèbres,Philibert Delorme est auteur de l'Hôtel Bullioud àLyon, deschâteaux de Saint-Maur-des-Fossés et d'Anet ainsi que de lachapelle de Villers-Cotterêts ;Pierre Lescot édifie l'aileRenaissance duPalais du Louvre et l'Hôtel deJacques de Ligneris (musée Carnavalet) ;Jean Bullant construit les châteauxd'Écouen etde Fère-en-Tardenois ainsi que lePetit Château de Chantilly[9].

Ces architectes collaborent désormais étroitement avec les sculpteurs et définissent une architecture et un décor savants, préférant la beauté des lignes à la richesse de l'ornementation :Cellini sculpte pour laPorte dorée, lerelief en bronze de laNymphe de Fontainebleau ; son œuvre typiquement « maniériste », fait grande impression enFrance et influence probablementJean Goujon, réalisateur de lafontaine des Innocents et de la décoration de la façade duLouvre ; L'influencemaniériste imprègne également l'œuvre dePierre Bontemps, chargé du Tombeau deFrançoisIer àSaint-Denis ainsi que du monument du cœur deFrançoisIer[9].
EnBourgogne, lechâteau d'Ancy-le-Franc (1538-1546) est l'une des premières réalisations à répondre à cet idéal nouveau. Œuvre de l'architecteSerlio, ce château construit pourAntoine III de Clermont, de 1538 à 1546, marque une évolution vers leclassicisme enFrance. Avec cet édifice commence alors sur le solfrançais ce que l'on appelle : « l'architecture modulaire ». Seuls ici les légersfrontons à enroulement des fenêtres du premier étage, rappellent la Première Renaissance. Pour le reste, rien ne vient distraire l'ordonnance uniforme des baies enarcades ou en fenêtres, séparées par unetravée depilastres jumelés, renfermant uneniche et montés sur un hautstylobate. Cette alternance d'une baie principale et d'une baie secondaire (ici feinte puisque représentée par une niche) encadré depilastres représente un des premiers exemples enFrance de la « travée ryhmique » traitée avec une telle franchise et une telle rigueur. Ce nouveau style inspirera un peu plus tard l'architecte duchâteau de Bournazel lors de l'édification du portique est.
Cette exigence de clarté se poursuit auchâteau d'Écouen (1532-1567), enÎle-de-France. Il suffit de comparer cet édifice avec un château de la Première Renaissance, tel qu'Azay-le-Rideau pour constater les différences profondes entre les architectures des deux époques. Tout l'appareil défensif machicoulis ou le chemin de ronde d'Azay-le -Rideau disparaissent purement et simplement au château d'Écouen. Les tours d'angle deChambord deviennent comme àAncy-le-Franc etVillandry, de simples pavillons carrés. Il en va de même pour l'ornementation. Il suffit de comparer leslucarnes d'Écouen, avec celles duVal de Loire, pour se rendre compte du chemin parcouru. À l'étagement depinacles, deniches à coquilles et de petitsarcs-boutants de la Première Renaissance, succède une composition de lignes épurées très sobrement ornées, où lescannelures antiquisantes remplacent dans les pilastres, les rinceaux et arabesques de l'époque deFrançoisIer : Un style sévère succède alors aux grâces légères de la Première Renaissance. Reprenant une disposition déjà observée à Villandry, le château présente une disposition moderne par la régularité de son plan quadrangulaire où lespavillons s'articulent harmonieusement. Pour aérer l'espace intérieur, une aile basse ferme la cour. L'entrée se fait alors par un avant corps surmontée d'une loggia où la statue équestre d'Anne de Montmorency reprend les compositions observées aux châteaux deGaillon et d'Anet. L'édifice tout entier s'isole grâce à unfossé bastionné rappelant la charge militaire du propriétaire. Le fond de la cour n'est plus constitué d'uncorps de logis mais d'une simplegalerie d'apparat reliant deux ailes d'appartements, dont ceux du Roi et de la Reine donnent sur laplaine de France. Au niveau inférieur, des bains collectifs se développent comme àFontainebleau, connectés à des aires de loisirs (jardin,jeu de paume). La façade de l'aile Nord, reprise parJean Bullant, présente une superposition nouvelle d'ordres réguliers, surmontée par unecorniche classique inspirée de l'antiquité. Pour autant, les recherches réalisées sur la façade sud afin de s'adapter aux proportions des statues des esclaves deMichel-Ange, offertes parHenri II, lui donne l'opportunité d'utiliser pour la première fois enFrance l'ordre colossal : lescolonnes occupant désormais les deux niveaux jusqu'à la base de la toiture, sont inspirées duPanthéon deRome et se voient surmontées d'unentablement classique, créant l'illusion d'un monument antique. Même si l'influence des réalisations deMichel-Ange auCapitole et àSaint-Pierre de Rome sont manifestes, les références à laRenaissance italienne s'effacent peu à peu devant les exemples dumonde romain.

L'aile Lescot duLouvre, entreprise à partir de 1546, est le chef-d'œuvre de la Deuxième Renaissance. Cette œuvre dePierre Lescot, architecte antiquisant, fut décorée parJean Goujon[19]. L'escalier prévu initialement au centre ducorps de logis se voit déplacé à la demande d'Henri II dans l'optique de créer une grande salle où prennent places descariatides grecques, moulées à la demande deJean Goujon, sur l'Erechthéion de l'Acropole d'Athénes. À la manière d'un manifeste du style français, prôné parLescot, la façade présente une superposition d'ordres classiques nouveaux sans pour autant atteindre la régularité italienne : à mesure que l'on monte, les proportions se font de plus en plus fines, et l'idée de couronner les deux ordonnances superposées d'un large bandeau décoré, aboutit à acclimater enFrance, l'étage d'attique si prisé enItalie, tout en utilisant pour la première fois descombles brisés « à la française », afin de donner l'illusion d'uncomble droit. Malgré leur peu de saillie, les avant-corps, dernier souvenir des toursmédiévales, suffisent à « animer » la façade. Les admirables sculptures deJean Goujon contribuent à faire de cet édifice une œuvre unique. Au rez-de-Chaussée, les arcatures en plein cintre encadrées de pilastres provoquent l'accentuation des verticales et des horizontales tandis que le jeu de double supports encadrant une niche ornée d'une médaille, représente une disposition qui deviendra typique dans l'architecture française.


Autre réalisation majeure de cette période, lechâteau d'Anet, est réalisé parPhilibert Delorme, aux frais duRoi, pourDiane de Poitiers, maîtresse d'Henri II. Détruit à laRévolution, il ne subsiste aujourd'hui sans alternations que lachapelle et les troisordres superposés conservés à l'École des Beaux-Arts de Paris. Devenu typique de la Seconde Renaissance, le plan quadrangulaire présente un logis situé face à l'entrée. Des fossés bastionnés, comme àÉcouen possèdent des canons pour la fête et l'apparat. L'entrée de forme pyramidale, est une réminiscence italienne représentant un arc de triomphe réinterprété par Delorme. Quatre colonnesioniques supportent unarc tombant sur unearchitrave tandis que les colonnes des passages latéraux sont inspirées duPalais Farnèse deSangallo le jeune. Sous le découpage desbalustrades, un jeu de polychromie de matériaux, encadre lanymphe réalisée parCellini pour la porte Dorée deFontainebleau. Au sommet, un groupe d'automates, disparu, marquait les heures. PartoutPhilibert Delorme exprime son goût pour les inventions bizarres inspirées descapriccio deMichel-Ange[18] : sous cette influence, apparaît une utilisation inédite de volumes arrondis tandis que de nombreux détails tels que les frontons à enroulements ou lespilastres en gaine, révèlent une connaissance approfondies des œuvresMichel-Angelesques. C'est ainsi que les cheminées, dites « en sarcophage », se développant de part et d'autre de l'édifice, semblent comme un lointain souvenir destombeaux des Médicis àFlorence. Situé au fond de la cour, le corps du logis central, par sa superposition d'ordres donne un aspect ascensionnel tout en reprenant la même superposition d'ordres canoniques, observée sur l'aile nord d'Écouen : on y retrouve d'ailleurs le même type de statues à l'antique placées dans desniches encadrées par un double support. Aux ordres classiques, Delorme préfère créer un ordre inhabituel : Lacolonne baguée présentée par l'architecte comme la solution d'un problème technique permettant de masquer les joints des colonnes appareillées. Cette invention exprime aussi la nouvelle maturité de l'architecture française avec la réflexion sur la création d'un « ordre français »[18], idée abandonnée à la mort d'Henri II, mais reprise parJules Hardouin-Mansart lors de la construction de lagalerie des Glaces duchâteau de Versailles.
Lachapelle duchâteau d'Anet reste la réalisation la plus novatrice. C'est la première fois enFrance, que l'on utilise le plan centré. Si le découpage de niches entourées depilastres est influencé des réalisations contemporaines deBramante et deMichel-Ange, la frise qui la surmonte est inspirée deSangallo. Les sculptures sont peut-être deJean Goujon. L'édifice sert d'écrin aux émaux deFrançoisIer et auxapôtres deScibec de Carpi. La voûte de lacoupole développe un décor comportant une imbrication de cercles se reflétant, d'une façon octogonale, sur le pavement du sol. Ce motif, inspiré par les éléments fréquemment rencontrés dans lesmosaïques romaines montre la volonté de surpasser le modèle italien en se référant directement aux réalisations antiques, afin de créer une architecture originale à la française.

Parallèlement à ces grands chantiers royaux, les grandes demeures citadines participe à la naturalisation de ce nouveau style : Sous l'impulsion de la Seconde Renaissance, tout le somptueux décor de rinceaux et de médaillons démesurés et plein de verve ornant la galerie de l’hôtel Chabouillé deMoret-sur-Loing, disparaissent face au système desproportions modulaires, strictement appliqué à l'entablement de la « maison de Jean d'Alibert » àOrléans, où descartouches à découpures inspirés de l'École de Fontainebleau surmontent les fenêtres[18]. Répondant à une exigence de clarté recherchée au cours de cette période, leshôtels particuliers se développent alors entre cour et jardin comme àParis, notamment à l'hôtelJacques de Ligneris (musée Carnavalet).
Le nouveau style ne tarde pas à se répandre dans toute laFrance : dans leVal de Loire, auchâteau de la Bastie d'Urfé (ouBâtie d’Urfé), enBourgogne, aucasino duGrand Jardin de Joinville (avant 1546), enAveyron, auchâteau de Bournazel (1545-1550) ou encore enNormandie à l'hôtel d'Escoville deCaen (1537).Au Mans et àRodez, l'influence duVitruvien,Guillaume Philandrier, est probable. ÀToulouse l'architecteNicolas Bachelier se met au service de tout un milieuhumaniste, parmi ses réalisations les plus célèbres on peut citer le château deSaint-Jory (1545) mais surtout le bel exemple des trois ordres superposés de l'hôtel d'Assézat (1555-1556)[18]. Certains bâtiments publics comme lepalais du parlement du Dauphiné (1539) àDijon ou lepalais Granvelle et l'hôtel de ville àBesançon participent également de la Seconde Renaissance.
Si l'architecture religieuse reste fidèle aux structures et auxvoûtes gothiques (cathédrale du Havre,Saint-Eustache deParis), beaucoup d'églises modernisent leur façade principale ou latérale par unfrontispice « à l'antique » (Rodez,Gisors,Saint-Aignan de Chartres), et traitent leurjubé comme unarc de triomphe (Sainte-Chapelle de Paris,Saint-Pierre de Maillezais).

Formant un ultime écho de laRenaissance et de l'Humanisme enFrance, cette dernière phase s'écarte dès les années 1559/1564, duclassicisme ambiant par sa fantaisie créative, qui peut justifier pour ce style l'appellation de « maniériste ». Au moment même où commencent lesguerres de Religion, marquées par lemassacre de la Saint-Barthélemy, le pessimisme et le scepticisme envahissent les hommes et les artistes de pure formationhumaniste. Les penseurs antiques de référence deviennentles stoïciens de préférence àPlaton. Si l'humanisme survit, saphilosophie profonde évolue, tout en étant reprise et repensée par lacontre-réforme catholique[9].

De la clarté des formes et du classicisme de la Seconde Renaissance, succède une architecturemaniériste. Émergeant à nouveau avec une force renouvelée, le jeu sur les volumes et les recherches sur l'ombre et la lumière, déjà toutebaroque, se mêle aux frontons fragmentés, pilastres, grotesques, volutes ou autres mascarons, issus de la culture de laRenaissance. Fenêtres etlucarnes viennent souvent empiéter sur l'entablement : On parle alors de « lucarnes passantes ». C'est ainsi qu'à l'hôtel Lamoignon àParis (vers 1584), scandé d'un grandordre colossal comme lepalais Valmarana dePalladio, l'entablement est rompu par leslucarnes qui descendent jusqu'à l'architrave. Lesarchitectes ont une prédilection marquée pour les colonnes adossées,cannelées, ornées, dont les plus spectaculaires sont des colonnes dites « françaises » à fût bagué inventées parPhilibert Delorme et apparues lors de la période précédente. Cette invention s'inscrit dans un goût général pour l'ornement, se manifestant également au niveau vestimentaire dans les bijoux et les dentelles. C'est par là même, une expression de la nouvelle maturité dans l'architecture française. Delorme s'en justifie :« S'il a été permis aux anciens architectes en diverses nations et pays d'inventer de nouvelles colonnes (…) qui empêchera que nous français, n'en inventions quelques-unes et les appelions françaises »[18].
Malgré une baisse important dumécénat royal, lié à la situation politique du pays,Catherine de Médicis et les élites sociales continuent de faire travailler les artistes :Philibert Delorme est chargé à partir de 1564 d'achever lechâteau de Saint-Maur et de bâtir lepalais des Tuileries, constructions qui seront poursuivies plus tard parJean Bullant, architecte qui couronnera également d'unegalerie le pont duchâteau de Chenonceau (1576-1577). Afin de relier le nouveaupalais des Tuileries au vieuxLouvre,Jacques II Androuet du Cerceau commence, vers 1594, la construction de lagalerie du bord de l'eau, achevée plus tard parLouis Métezeau tout en réalisant parallèlement pourDiane de France, l'hôtel Lamoignon[9].

Parmi les réalisations majeures de cette époque,le palais des Tuileries commencées parPhilibert Delorme, devaient se développer sur trois cours avec despavillons sousdômes et la création de jardins. Sur la partie donnant sur le parc, lePavillon central encadré de deux ailes longitudinales uniformes ont une élévation comportant seulement un rez-de-chaussée surmonté d'un étage àcombles. Lepavillon central offre unetravée rythmique cantonnée decolonnes très décorées, abritant unescalier à vis hélicoïdal autour d'un grand vide cerné decolonnes (achevé seulement sousHenri IV). C'est l'œuvre la plusmaniériste deDelorme en rapport avec les dernières productions des milieuxflorentins et deMichel-Ange. MaisDelorme meurt en 1570.Bullant qui lui succède, ne parvient à en achever qu'une partie. Cette œuvre témoigne d'une réflexion sur l'architecture à la française.
L'aile dite de la Belle Cheminée (1565-1570) qui a été construite sous l'ordre de Catherine de Médicis[20], auchâteau de Fontainebleau est représentative de l'aboutissement de la Renaissance française, tout en étant déjà teintée par lemaniérisme italien. Conçue de manière grandiose parle Primatice, vers 1565-1570, elle a la particularité d'avoir deux escaliers à rampes divergentes qui magnifiaient l'entrée de l'appartement deCharles IX. LePrimatice a peut-être trouvé l'idée des deux escaliers à rampe droite dans les grandes réalisations deBramante auVatican ou deMichel-Ange auCapitole en inversant la direction des rampes. La façade est ornée de grands bronzes à sujetmythologique, exécutés entre 1541 et 1543 par lePrimatice, envoyé àRome à la demande deFrançoisIer, afin de réaliser des copies en plâtre obtenues sur les sculptures en marbre qui y étaient conservées. Cette façade est entièrement traitée en pierre de taille de Saint-Leu, ce qui lui confère un aspect plus homogène. Un atelier de fonderie installé au château de Fontainebleau, cour du Cheval blanc, permit de mener à bien le travail de fonte, sous la direction de l'architecte italienVignole.
À la même époque, à la suite d'un « échange » réalisé avecDiane de Poitiers,Catherine de Médicis, nouvelle maîtresse duchâteau de Chenonceau, fait édifier sur le « pont de Diane » deuxgaleries superposées formant un espace de réception unique au monde, et donnant ainsi son aspect actuel au château. Les travaux commencent en 1576 et s’achèvent en 1581. La galerie est vraisemblablement l’œuvre deJean Bullant qui remplacePhilibert Delorme dans la faveur royale. Cette nouvelle construction forment deux espaces superposés de 60 m de long sur 5,85 m de large, illuminés par 18 fenêtres. Le rez-de-chaussée se compose d’une succession de tourelles en demi-lune, inspirées desexédres desthermes de l'antiquité, venant écraser la pointe des avant-becs de la plate-forme. Ces tourelles s’achèvent en balcon à l'étage noble du premier dont les parois sont plus ornées qu’au rez-de-chaussée. Typique de cette architecturemaniériste, les façades possèdent de hautes fenêtres coiffées de largesfrontons courbes, réunies par destables horizontales aux cadres moulurés.Catherine voulu également revêtir d’un habit plusclassique ce château encore bien tropgothique à son goût[9]. C’est dans ce but que la travée centrale, à l’entrée du château, fut agrémentée de deux bustes et que quatre nouvelles fenêtres furent percées sur les travées latérales ; afin d’accueillir les quatrecariatides sculptées inspirées des réalisations deJules Romain (aujourd’hui conservées dans le jardin).

Initié vers1570 par le roiCharles IX (1560-1574), le château deCharleval constitue l'un des plus ambitieux projets de toute laRenaissance. Quatre fois plus grand queChambord, son stylemaniériste devait approcher lebaroque, alors en gestation enItalie. La mort du roi en1574 mit un terme au chantier dont lesfondations sortaient à peine de terre. Les vestiges disparurent rapidement.
À l'exemple des grands projets royaux, lemaniérisme ne tarde pas à être repris dans les hôtels particuliers de toute laFrance : on peut citer l'hôtel de Clary deToulouse (1610) l'hôtel de Lillebonne (1580) àNancy ainsi que l'hôtel de Vogüé (1614) et lamaison Maillard (1561) deDijon[9].
Parallèlement à ces réalisations, un style pittoresque et rustique, inspiré dupalais du Te deJules Romain, s'accompagne enFrance d’une utilisation délibérément arythmique de détailsclassiques où reste plaquée une ornementation variée dans un esprit purement décoratif. Parmi les exemples les plus représentatifs de cette tendance, lesHaies cynégétiques duchâteau de Raray se développent en une série de deuxarcades, exprimant le goût du seigneur de Lancy pour la chasse, l'antiquité et l'Italie. À l'époque de leur construction, ces deux longuesbalustrades monumentales sont disposées de façon diagonale, de part et d'autre de lacour d'honneur, afin de créer une véritable « mise en abîme » ducorps de logis central, annonçant déjà les dispositions architecturales que reprendrontLemercier etLe Vau au siècle suivant. Tout en créant une ouverture sur les jardins, cette organisation régulière des volumes et des arcades permettent de mettre en valeur, par la simplicité de leurs décors, les scènes de chasses au cerf et au sanglier qui les surmontent. Afin de créer toute une série detravées rythmiques sanspilastres, chacune des dix-neuf ouvertures est alors encadrée par des niches, au style épuré, abritant les bustes de personnagesantiques[21]. Cette disposition originale faisant ainsi alternerbaies ouvertes ettravées aveugles permet dès lors un véritable jeu de pleins et de vides complété par l'instabilité de laclef de voûte des arcs qui semble glisser vers le bas comme si elle allait chuter. L'ensemble de ces détails donnent alors une impression de décor de théâtre ouvert sur les jardins, dont l'architecture mouvante et épurée se voit contrastée par la frénésie de la scène qui la surmonte.
Marquant une dernière évolution artistique dans cette renaissance tardive,Pierre Lescot met au point auchâteau de Vallery (1562), ce que l'on peut appeler le « style rustique français » : construit à partir de1548 pour le maréchal deSaint-André, l'édifice se démarque par un système detrumeaux de briques et dechaînes de pierresharpées, venant marquer les angles des corps de bâtiment et encadrer les travées des fenêtres, recoupées par un ou deux bandeaux de pierre. Ce système se fonde sur une manière de bâtir traditionnelle fréquente durant leStyle Louis XII comme auchâteau de Blois, mais elle se trouve régularisée et ennoblie par l'adoption du « bossage romain » tel qu'on peut le voir aux angles dupalais Farnèse. Le coût modique mais aussi le charme polychrome de cette« architecture aux trois crayons » (André Chastel) explique sans doute son succès dès le règne d'Henri III et se développera amplement au début duXVIIe siècle, dans ce qu'on appellera lestyle LouisXIII ; de cette nouvelle expression architecturale, on peut citer lechâteau de Wideville (1580-1584) dans lesYvelines, lepalais abbatial de Saint-Germain-des-Prés ou encore lechâteau de Rosny sur Seine (1595-1606)[9].
L'École deFontainebleau est le nom donné à deux périodes de l'histoire de l'artfrançais, qui dominèrent la création artistique française auxXVIe et XVIIe siècles, et qui figurent parmi les exemples les plus aboutis de l'art renaissant enFrance. Ce courant artistique est né sous l’impulsion des artistes italiens convoqués par FrançoisIer pour décorer à partir de 1530 sa résidence de Fontainebleau. Ecole dont l'essor se poursuivra jusque sous le règne de Henri IV[22].
Centré autour des peintres travaillant principalement à la décoration duchâteau de Fontainebleau[23], cette école se caractérise par une interprétation française mesurée dumaniérisme[24].
L’appellation donnée à ce mouvement artistique ne date pourtant que duXIXe siècle, employée la première fois en1818 par l’historien Adam Bartsch (1757-1821), dans ses travaux sur la gravure (1803-1821), afin de désigner les estampes réalisées par un groupe d’artistes dans les années1540, sous l’influence de deux maîtres italiens œuvrant auchâteau de Fontainebleau : leRosso etPrimatice[24].
Par extension, ce terme s’est appliqué à toutes les formes d’art qui se sont épanouies àFontainebleau, et un peu plus tard, dans le même esprit, àParis[24].

En1526 alors qu'il rentre à peine de captivité,FrançoisIer fait venir d'Italie un groupe important d'artistes italiens pour embellir sonPalais de Fontainebleau[2]. Il crée ainsi de ses vœux, une sorte de « nouvelleRome », que l'on appellera l'École de Fontainebleau, avec un cercle intellectuel et artistique influent.
À partir de1530, sous l'influence des italiensRosso etPrimatice, sont lancées les grandes formules d'un style décoratif qui va s'imposer à toute l'Europe. Leur grande innovation dans la décoration intérieure est l'alliance, pour la première fois enFrance, d'ornements ou de figures destuc avec desfresques et deslambris boisés.
Parmi les sujets de prédilection, on retrouve les tableauxmythologiques ouallégoriques, inspirés de l'Antiquité, où les nus sont traités avec élégance[19]. Grâceau Rosso, laPremière École de Fontainebleau développe les capacités décoratives ducartouche en l'associant aux enroulements et aux souples découpages ducuir. Cette formule inédite va connaître un succès universel.

Dans laGalerieFrançoisIer, cette introduction nouvelle dustuc permet d'enrichir lesfresques ou lesmédaillons, de bordures enhaut-relief. Ce système d'encadrement, créé à l'instigation duRosso, s'anime ici de figures, deputti, de guirlandes de fruits, debucranes, desatyres ou demascarons, au milieu de l'ondulation descuirs et des trouées desniches. Cesstucs tantôt blancs, tantôt peints et dorés, encadrent des figuresallégoriques, tout en créant des jeux d'ombres et de lumière[9].


Œuvre d'un Italien, mais impensable en dehors du contexte français, laGalerieFrançoisIer se révèle alors comme un vaste ensemble destiné à la glorification de lamonarchie française. Immédiatement admirée par les étrangers, et en premier lieu par les Italiens, elle fait brusquement deFontainebleau un centre artistique majeur, telle une« nouvelleRome », réalisant par là même la grande ambition du roi qui s'y fait représenter en« vainqueur de l'Ignorance ».
Ce type nouveau degalerie impose enFrance un monde imaginaire inédit : la cour, habituée jusqu'ici aux décors destapisseries à sujets religieux ou héroïques, découvre l'univers de laFable et sesnudités provocantes. Une telle œuvre dut faire sensation et précipiter l'évolution des esprits.
Alors que survient la mort,du Rosso en1540,Primatice, prend la direction des travaux deFontainebleau, assisté en cela parNicolò dell'Abbate.
L'achèvement du décor de la chambre de laduchesse d'Étampes, lui donne l'opportunité de réaliser un vaste ensemble décoratif, dont les cycles allégoriques mettent en premier plan la figure humaine. Pour autant, celle-ci se voit traitée comme un élément décoratif parmi tant d'autres, devant, au même titre que les guirlandes ou les cartouches, se plier à la formulation d'ensemble et aux exigences de la composition. Son échelle et son canon suivent ainsi les impératifs de l'effet d'ensemble. D'une manière générale, c'est leManiérisme italien, introduit et renouvelé parle Rosso etPrimatice qui commande l'aspect fluide et allongé des figures, en particulier lorsqu'il s'agit du nu féminin qui se voit animé alors par la« ligne serpentine »[2].
Au-dessus des lambris de cette chambre, se développent des scènes érotiques inspirées de la vie d'Alexandre le Grand. Cette série de fresques, réalisées entre1541 et1544, tire aussi bien son inspiration des réalisations deRaphaël que de la luxure deFrançoisIer : roi libertin aux nombreuses maîtresses (il en aurait eu 27 à la fois), il aurait affirmé àBrantôme : « Une cour sans dames, est comme un jardin sans fleurs »[25]. Restés un temps inachevés, ces décors sont complétés à partir de1570 parNicolò dell'Abbate, afin de parachever les travaux de l'aile de la Belle-Cheminée. Parmi ces œuvres, nous sont parvenus duPrimatice :Alexandre domptant Bucéphale,Le Mariage d'Alexandre et Roxane et Alexandre épargnantTimoclée, complétées par celles deNiccolo dell'Abate dont :Alexandre fait serrer dans un coffret les œuvres d'Homère etThalestris monte dans le lit d'Alexandre[26].
Un peu plus tardive, laSalle de Bal, prend un parti différent,Primatice étant alors supplanté parPhilibert Delorme. Les fenêtres ici vitrées permettent le développement defresques au-dessus d'unhaut lambris demenuiserie. Unplafond à caissons élaboré par Scibec de Carpi complète l'ensemble. Au fond se détache une gigantesque cheminée encadrée de deux satyres en bronze, dont l'éclectisme jouant avec les formes, la lumière et les matériaux, dénote unstyle maniériste italien. Dans lesembrasures des fenêtres, apparaissent des décors peints descènes mythologiques inspirées de l'Histoire de la guerre de Troie et réalisées parNicolò dell'Abbate, qui travaille parallèlement pourAnne de Montmorency (Enlèvement de Proserpine, ou Histoire d'Euridyce).
Ces réalisations bellifontaines influencèrent alors grandement les artistes français, telsJean Goujon,Antoine Caron ou encoreNoël Jallier. Parfois d'ailleurs, on associe à l'École de Fontainebleau, d'autres artistes invités parFrançoisIer, tels queBenvenuto Cellini ouGirolamo della Robbia. Un certain nombre de ces personnalités, influencées par l'art italien, se mettent alors à participer à la décoration intérieure duchâteau d'Écouen en cours d'édification. De manière générale, si l'esprit des éléments décoratifs reste fidèle aux réalisations deFontainebleau, les compositions de ce nouveau chantier voient une évolution dans le traitement des stucs, remplacés progressivement par destrompe-l'œil[2].
Reprenant les parties pris de laSalle de bal deFontainebleau, les pièces duchâteau d'Ancy-le-Franc sont ornées dehauts lambris surmontés defresques attribuées en grande partie àPrimatice ou à d'autres peintres deFontainebleau. Leur style particulier témoigne ici encore de l'influence exercée par les demeures royales sur l'ensemble des productions artistiques du moment.
Vers le milieu duXVIe siècle, alors que le marché de l'estampe est en pleine explosion, les peintures réalisées par cetteécole sont copiées eneaux-fortes, apparemment à l'occasion d'un bref programme organisé en incluant les peintres eux-mêmes[27]. L’art du vitrail en est touché, le meuble copie les motifs les plus célèbres. Les sculpteurs, même les plus grands, n’y sont pas insensibles. C'est ainsi que les patrons exécutés par les artistes deFontainebleau pour les tapissiers, les orfèvres et les émailleurs contribuèrent naturellement à l’étroite interdépendance des arts à cette époque.
Loin de disparaître à la mort de ses deux derniers créateurs, l'École de Fontainebleau, survit, parfois d’une façon très archaïque jusqu’à la fin du siècle. Son emprise sur l’art français est étonnante : On le note jusqu'en Province dans les fresques duchâteau d'Oiron puis deTanlay. C'est ainsi qu'en mêlant les influencesbellifontaines etromaines, la galerie duchâteau d'Oiron (1547-1549) réalisée parNoël Jallier sur le thème de l'Enéide et de l'Iliade, fait la synthèse entre laFrance et l'Italie. On retrouve d'ailleurs les cavaliers italiens ainsi qu'une grande fougue dans l'action des personnages, inspirée duRosso, tandis qu'un poétiquesfumato envahit les paysages romains.
Enfin, auchâteau de Tanlay, les fresques de lavoûte encoupole de l'étage supérieur de laTour de la Ligue, représentent avec la même ligne serpentine, des personnages de lacour de France, travestis sous les traits dedieux de l'Olympe[28].
Malgré la diversité des partis décoratifs, le grand nombre des techniques utilisées et le caractère cosmopolite d'un milieu qui réunit aussi bien des artistes italiens, français ou flamands, les productions de l'École de Fontainebleau présentent une grande unité de style, marqué par une conception commune de la figure et de l'ornement. Le monde qui naît de cet accord n'ayant aucun équivalent enItalie, il faut admettre qu'un climat propre à la cour deFrance, fastueux, sensuel, élégant, a orienté dans une direction nouvelle le génie deRosso et dePrimatice.

À partir du règne d'Henri IV se développe un style maniériste tardif parfois qualifié de« Seconde École de Fontainebleau ». En écho à la première, elle désigne principalement les peintres qui furent actifs sur les chantiers royaux comme Toussaint Dubreuil (formé à Fontainebleau), Martin Fréminet et Ambroise Dubois dit Bosschaert (1567-1619) peintre français originaire d’Anvers[22]. Au cours du règne d'Henri IV (1594-1610) et de la régence deMarie de Médicis (1610-1617), le champ d'activité de cette seconde école a, lui aussi, largement débordé le cadre du seulchâteau de Fontainebleau ; sa part était grande dans la décoration duLouvre et deSaint-Germain-en-Laye, sans oublier les travaux effectués pour la manufacture royale des Tapisseries[27]. Cette nouvelle équipe se démarque pourtant de la précédente, par son nombre important d'artistes d'origine flamande et d'une façon plus générale, par une influence nordique plus prononcée, pouvant s'expliquer par les circonstances politiques de l'époque[24].
Faisant suite à une longue période de troubles liés auxguerres de religion, le renouveau des arts se manifeste de manière particulièrement éclatante dès le règne d’Henri IV, en touchant tous les domaines : peinture, sculpture, architecture, art du livre mais également art des jardins et arts de cour, dont les ballets et les entrées triomphales[24].
Renouant avec l’époque deFrançoisIer, le roi s’emploie à faire de nouveau rayonner les arts français par unmécénat important. Afin d'attirer à nouveau les artistes ayant fuiParis, il s'emploie dès les années1590, à les faire contribuer à la renommée duroyaume en les impliquant dans des programmes ambitieux (Galerie de Diane, Galerie des Cerfs, Pavillon des Poëles,Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye…).Henri IV, premier roi de la dynastie desBourbons mais aussi héritier du trône desValois, n’a de cesse de rappeler la légitimité de ce pouvoir durement acquis.Fontainebleau fait ainsi partie de ces chantiers inachevés sous les Valois que le roi tient à terminer tout en aidant parallèlement la capitale à reconquérir sa primauté dans le domaine artistique.

C’est dans ce contexte de prospérité retrouvée, que se développe laseconde École de Fontainebleau. La continuité avec la première équipe est d'autant plus sensible que la seconde s'inscrit également dans le courant international dumaniérisme, d'où la dénomination commune. Mais à l'inspirationparmesane qui dominait avec lePrimatice font place des influences plus mêlées. Les Italiens n'y jouent d'ailleurs plus le premier rôle car se sont bien les Français qui occupent désormais les postes de direction. Si l'on se tourne encore volontiers vers lePrimatice, leRosso ouNicolò dell'Abbate, dont on apprécient la couleur et les tendances « modernes » de leurs paysages et de leurs scènes de genre, l'inspiration générale a changé : L'apport Flamand, devenu essentiel, amène une interprétation plus personnelle de la peinture, qui associe aux formulesmaniéristes des éléments d'un réalisme souvent proche de la caricature :Toussaint Dubreuil,Ambroise Dubois ouMartin Fréminet sont aujourd'hui considérés comme les principaux maîtres de ce mouvement[24].
Durant tout le règne d'Henri IV, ces artistes n'ont de cesse de vouloir renouveler le style décoratif français, profitant des opportunités offertes par la reprise des chantiers royaux. Pour mener à bien leur recherche, la nouvelle équipe n'hésite pas à puiser non seulement aux sources de l'art deFontainebleau, que chez lesFlamands italianisants contemporains, amenant ainsi plusieurs distorsions dans leurs emprunts. C'est ainsi que le flamandAmbroise Dubois et le françaisToussaint Dubreuil (prématurément disparu en 1602) synthétisent leurs apports par des compositions aux distorsions fantaisistes et aux nus érotiques, par un style brillant et éclectique. Pour autant la flamme semble bien éteinte et les confusions d’espace et d’échelle dans la plupart des compositions masquent la pauvreté de l’imagination et du style.
À la différence de laPremière école de Fontainebleau, aucun artiste français de la seconde génération, n'atteint la valeur et le charisme duRosso ou duPrimatice. Malgré sa volonté d'indépendance et de renouveau, cette école reste trop souvent attirée par les éléments voyants et fantastiques des modèles italiens, caractérisés par des perspectives extrêmes et une palette outrée et acidulée ; trop d’œuvres sombrent alors dans une formule confuse et un érotisme évident, signes d’une compréhension superficielle de l’art de laRenaissance tardive[26].
Si la Seconde école de Fontainebleau réunit des artistes français tels queJacob Bunel,Guillaume Dumée,Gabriel Honnet ou le déjà baroqueMartin Fréminet, pour réaliser les décors des résidences royales, seulAntoine Caron impressionne par son art de cour extrêmement sophistiqué. Ses tableaux ressemblent étrangement à de gigantesques ballets, inspirés sans doute des divertissements préférés de la cour deCatherine de Médicis, son principal mécène[26].

Désormais moins focalisées sur les sujetsmythologiques ouallégoriques, inspirés de l'Antiquité, la Seconde école de Fontainebleau se tourne plus volontiers vers les thèmes romanesques et littéraires issus des chansonsdu Tasse et del'Arioste : Les sujets tirés de laJérusalem délivrée ou dela Franciade connaissent alors un succès retentissant. Pour autant, les thèmes religieux restent toujours aussi prisés, car souvent liés à des commandes prestigieuses, parfaitement illustrées dans le décor déjàbaroque de lachapelle de la Trinité réalisée parFréminet, comme une nouvelle « Sixtine française » duXVIIe siècle[24].
Par la somptuosité de ses décors, lechâteau de Fontainebleau, redevient pour un temps un centre artistique majeur ajoutant au rayonnement de la nouvelle dynastie, les échanges entre l'art proprement parisien et l'artbellifontain semblant alors s'intensifier[23].
Pour autant, les liens qui unissent la France d’Henri IV et deMarie de Médicis aux grands centres artistiques européens, permet à cette nouvelle équipebellifontaine de se placer dans un cadre plus large, en connexion avecFlorence,Anvers ou encoreNancy, dont le centre artistique brillant est dominé parJacques Bellange (mort en 1616) mais dont le style s'alourdit inexorablement sous l'influence deJean de Hoey et de Jérôme Franck[24].
Si de nombreuses œuvres d'artistes de la Seconde école de Fontainebleau ont malheureusement disparu, la conservation auchâteau d’Ancy-le-Franc, d’un vaste ensemble de décors, se rattachant à la fois à la première et à la seconde école de Fontainebleau, en fait aujourd'hui l'un des témoins majeurs de la production picturale française de laRenaissance[29].
En conclusion, le célèbre tableau représentantGabrielle d'Estrées et une de ses sœurs, résume parfaitement les caractéristiques de la peinture française de la cour royale de l'époque, mêlant sensualité, fraîcheur des couleurs et influence de la peinture italienne de la Renaissance. En se distinguant des maîtres de la première école, par une couleur plus chaude et plus contrastée, l'art de ces peintres encore pétri des modèles du premiermaniérisme italien, a joué un rôle indéniable de transition avec l'art parisien du début duXVIIe siècle, en exprimant autant les tendances nouvelles duClassicisme que celles duBaroque[23].
Malgré tout, l'éclat des œuvres de laPremière école est tel que des maîtres commePrimatice etNicolò dell'Abbate, continuent d'exercer une influence déterminante durant toute la période : ils resteront d'ailleurs une référence majeure auXVIIe siècle pour desclassiques commeLaurent de La Hyre,Jacques Blanchard,Lubin Baugin et même lesfrères Le Nain.
Les jardins de la Renaissance française sont un style de jardin inspiré à l'origine par lesjardins de la Renaissance italienne, qui a évolué par la suite pour donner naissance au style plus grandiose et plus formel dujardin à la française sous le règne deLouis XIV, à partir du milieu duXVIIe siècle[14].
En 1495, le roiCharles VIII et ses nobles rapportèrent le style Renaissance en France à la suite de leurcampagne guerrière en Italie[14]. Les jardins de la Renaissance française connurent leur apogée dans les jardins duchâteau royal de Fontainebleau et des châteaux deBlois etChenonceau.

Lesjardins de la Renaissance française sont caractérisés par desplates-bandes ouparterres symétriques et géométriques, des plantes en pots, des allées de sable et gravier, des terrasses, des escaliers et des rampes, des eaux courantes sous forme decanaux, decascades et defontaines monumentales, et par l'usage extensif degrottes artificielles, delabyrinthes et des statues depersonnages mythologiques[30]. Ils devinrent une extension des châteaux qu'ils entouraient, et furent conçus pour illustrer les idéaux de mesure et de proportion de laRenaissance et pour rappeler les vertus de laRome antique[30].
Lesjardins de la Renaissance passent de l’enclos utilitaire, tout chargé desymbolique chrétienne, à de larges perspectives utilisant levocabulaire païen et dont le but principal est la seule délectation, le plaisir. Les considérations esthétiques et personnelles deviennent alors primordiales[31]. L’espace du jardin subit de moins en moins l’influence des préceptes religieux (nonobstant les visions d’Érasme, dePalissy). Les références iconologiques ne sont plus qu’exclusivement classiques : elle appartiennent à la mythologie par l’emploi de sa symbolique, des thèmes illustrés, de la statuaire… Les jardins ont aussi une dimension politique (les grands jardins sont dessinés à la gloire du maître des lieux), et l’évolution de l’art de vivre en fait le cadre de fêtes et de fastueux banquets. Leur histoire est aussi le reflet de celle, parallèle, de labotanique (introductions de nouvelles espèces, approche de plus en plus scientifique) et de l’évolution des théories et pratiques culturales[31].
AuXIIIe siècle, l'architecte paysagiste italien,Pietro de' Crescenzi publia un traité, intituléOpus Ruralium Commodium, qui présentait un plan formel pour les jardins, ornés de sculpturestopiaires, d'arbres et arbustes taillés en formes architecturales, suivant une tradition commencée par les Romains. Le roiCharles V de France le fit traduire en français en 1373, et le nouveau style italien commença à apparaître en France[14].
Un autre écrivain de grande influence futLeon Battista Alberti (1404–1472), qui écrivit en 1450 un livret,De re aedificatoria, pourLaurent de Médicis. Il appliquait les principes géométrique deVitruve pour dessiner les façades de bâtiments et les jardins. Il suggéra que les habitations devaient avoir une vue sur les jardins, et que les jardins devaient avoir des « portiques pour donner de l'ombre, des berceaux où les plantes grimpantes pousseraient sur des colonnes de marbre, et qu'il devait y avoir des vases et même des statues amusantes, pourvu qu'elles ne soient pas obscènes »[32].
Dans son dessin des jardins duBelvédère à Rome, l'architecteBramante (1444–1544) introduisit l'idée deperspective, utilisant un axe longitudinal perpendiculaire au palais, le long duquel il disposait des parterres et des fontaines[33]. Cela devint une caractéristique centrale des jardins de la Renaissance.
Un roman populaire du moineFrancesco Colonna, publié à Venise en 1499, intituléLe Songe de Poliphile, voyageallégorique de Poliphile dans des contrées imaginaires à la recherche de son amour, Polia, eut une énorme influence sur les jardins de l'époque. Des idées, comme celle d'une « île-jardin » dans un lac, telle celle dujardin de Boboli à Florence, de statues de géants sortant de terre dans le parc de la villa de Pratolino, et le thème dulabyrinthe, firent toutes reprises des voyages imaginaires de Poliphile[33]. Tous ces éléments devaient apparaître dans les jardins de la Renaissance française.

En 1499,Louis XII confia la réalisation des jardins duchâteau de Blois à la même équipe qui fut engagée par la suite parGeorges d'Amboise pour réaliser des parterres sur différents niveaux à sonchâteau de Gaillon : le jardin y était planté departerres de fleurs et d'arbres fruitiers[34].
LorsqueLouis XII décède en 1515,FrançoisIer fait réaliser des jardins dans le nouveau style sur troisterrasses à des niveaux différents entourées par les vieux murs de sonchâteau de Blois[33].
Après lui son filsHenri II lance des travaux d’embellissement du jardin[35]. Lejardin du Roi se trouve orné de berceaux de verdure qui font échos à ceux dujardin de la Reine. Vers 1554, on y trouve aussi des allées en croix avec quatre cabinets à l’intersection des quatre allées. Unétang artificiel est également construit au lieu-dit desBornaz vers1556[35].

À sa suite,François II entreprend de faciliter la liaison entre les jardins deBlois et la forêt toute proche, il crée des allées, les marques de petits pavillons de charpente, les soulignent par la plantation d’ormes et la création defossés[35].
Les jardins de Blois marquent dans l’histoire du jardin français un pas important. En effet, avecBlois les jardins s’agrandissent etterrasse haute fait son apparition dans le jardin français. La composition française reste cependant très morcelée, en comparaison de son cousin italien dans lequel l’unité règne déjà[35]. Pour autant l’effort fait à Blois dans l’introduction des éléments décoratifs transalpins est clairement visible, par l’importation de largesparterres, defontaines ornées et italianisées et surtout par la tentative de créer un jeu d’eau jaillissante dans les jardins[33].
Blois ne marquent cependant pas un tournant dans l’art des jardins de laPpremière Renaissance, il constitue un jalon, un laboratoire de recherche comme il y en eut de nombreux autres enVal de Loire, à Bury,Azay-le-Rideau ouChenonceau.
Outre les parterres de fleurs, les jardins produisaient une grande variété delégumes et defruits, y compris desorangers etcitronniers dans des bacs, qui étaient rentrés en hiver[15]. Le bâtiment qui les abritait, qui existe toujours, fut la premièreorangerie de France[35].
Les jardins duchâteau de Blois disparaissent progressivement au cours duXVIIe siècle, faute d’entretien et laissent place auXIXe siècle à l’Avenue de l’Embarcadère, aujourd'huiAvenue du docteur Jean laigret, afin de faciliter les travaux de lagare ferroviaire (1847). Les derniers vestiges du jardin sont détruits en1890 lors de la création de la placeVictor-Hugo[33].

Lechâteau de Chenonceau avait deux jardins distincts, le premier créé en1551 pourDiane de Poitiers, favorite du roi Henri II, avec un grand parterre et un jet d'eau, et le second, plus petit, créé pourCatherine de Médicis en1560 sur une terrasse construite au-dessus du Cher, divisé en compartiments, avec un bassin au centre[15].
En guise d'introduction, uneGrande allée d'honneur mène au château sur près d'un km. De chaque côté de cette allée : la ferme duXVIe siècle à droite, leLabyrinthe et lesCariatides à gauche.
On compte deux jardins principaux : celui deDiane de Poitiers et celui deCatherine de Médicis, situés de part et d'autre de laTour des Marques, vestige desfortifications précédant l'édification du château actuel.

En1565 les jardins de la rive gauche duCher sont « nouvellement construits », comme le décrit Sonia Lesot dans son ouvrage[36] :
« La fontaine du rocher de Chenonceau construite par Bernard (Palissy) pour Catherine (de Médicis); elle était déjà existante du temps de Diane de Poitiers, et avait servi à alimenter les bassins de son parterre […] (dans) le parc de Francueil, sur la rive gauche du Cher […] fut aménagé un jardin bas en bordure du fleuve, composé de deux vastes carrés séparés d'une allée tracée dans le prolongement de la galerie, accentuant l'axe Nord-Sud déjà si fort. Le coteau était percé de grottes. »
Le jardin deDiane de Poitiers, dont l'entrée est commandée par la maison du Régisseur : la chancellerie, construite auXVIe siècle ; au pied de laquelle se trouve un embarcadère, agrémenté d'une vigne, accès indispensable à toute promenade sur leCher.
En son centre se trouve un jet d'eau, décrit parJacques Androuet du Cerceau dans son livre,Les plus excellents bastiments de France (1576). D'une conception surprenante pour l'époque, le jet d'eau jaillit d'un gros caillou taillé en conséquence et retombe « en gerbe » vers un réceptacle pentagonal de pierre blanche[15]. Ce jardin est protégé des crues duCher par desterrasses surélevées depuis lesquelles on a de beaupoints de vue sur lesparterres de fleurs et le château.
Le jardin deCatherine de Médicis est plus intime, avec un bassin central, et fait face au côté Ouest du château.
La décoration florale des jardins, renouvelée au printemps et en été, nécessite la mise en place de 130 000 plants de fleurs cultivés sur le domaine[36].

Les jardins duchâteau de Fontainebleau, situés dans une forêt qui a été la réserve de chasse des roiscapétiens, ont été créés parFrançoisIer à partir de 1528. Les jardins comprennent des fontaines, desparterres, un forêt depins apportés deProvence et la premièregrotte artificielle deFrance en1541.Catherine de Médicis commanda des copies en bronze des statues qui ornaient leBelvédère à Rome. Une statue d'Hercule au repos deMichel-Ange orne le jardin du lac. En1594,Henri IV ajouta une petite île dans le lac, reliée à la cour desfontaines par un pont[37].
Le parc deFontainebleau s'étend sur115 hectares. Celui qui s'élevait sousFrançoisIer nous est connu grâce aux dessins deJacques Ier Androuet du Cerceau, et à ses planches gravées dans son ouvrageLes plus excellents bastiments deFrance.

Le jardin de Diane, au Nord du château, fut élevé parCatherine de Médicis sur un espace déjà aménagé parFrançoisIer et portait à l'époque le nom deJardin de la Reine. Tracé enparterres réguliers, le jardin fut réaménagé sousHenri IV et cloisonné au nord par uneorangerie mais il est à nouveau remanié sousLouis XIV avant d'être transformé enjardin anglais auXIXe siècle, sousNapoléonIer puisLouis-Philippe, où l'orangerie est détruite. Ce jardin doit son nom à laFontaine deDiane élaborée parFrancini en1603 et surmontée de laDiane à la biche réalisée par le bronzierBarthélemy Prieur.
La Grotte du jardin des Pins située au rez-de-chaussée du pavillon sud-ouest de laCour du Cheval Blanc et caractéristique du goût pour lesnymphées auXVIe siècle, présente desarcades àbossages rustiques soutenues par desatlantes se présentant sous la forme desatyres monstrueux ouvrant sur un intérieur orné de fresques (animaux en reliefs, cailloux, coquillages, etc.). Son architecture due àSerlio ou àPrimatice (les avis sont divergents) dénote une influence certaine des réalisations contemporaines deJules Romain[38], fut très vraisemblablement réalisée en1545[39], tandis que le décor intérieur ne fut terminé que sousHenri II. Grâce à deux dessins préparatoires conservés aumusée du Louvre, on sait quePrimatice est le concepteur des compartiments peints àfresques. LaGrotte des Pins a fait l'objet d'importantes restaurations, en 1984-1986 puis en 2007, qui ont permis de rétablir la composition initiale du décor de lavoûte et de replacer le sol à son niveau ancien.
Située au milieu du jardin, au creux d'unbosquet[40], lafontaine Bliaud ou Blaut, appelée Belle-Eau dès leXVIe siècle et qui donna son nom au château, s'écoule dans unpetit bassin carré à pans coupés.
Le « Parterre », ou « Grand Jardin », ou encore « jardin du Roi » a été créé sousFrançoisIer, et retracé sousHenri IV puis redessiné parAndré Le Nôtre. Les bassins duTibre et deRomulus puisent leur nom dans un groupe sculptural qui les orna successivement auxXVIe – XVIIe siècles. Fondu pendant laRévolution, leTibre, moulé à nouveau d'après l'original conservé aumusée du Louvre, a aujourd'hui retrouvé sa place. Le bassin central fut orné en1817 d'une vasque succédant à unefontaine en forme de rocher dite le « pot bouillant » qui existait à cet emplacement auXVIIe siècle. Clos de murs entre1528 et1533,Serlio avait imaginé pour ce jardin un pavillon d'agrément. Aménagé entre1660 et1664, il comportait des rinceaux formant les chiffres du roiLouis XIV et de la reine-mèreAnne d'Autriche, qui disparurent auXVIIIe siècle. Lesterrasses furent plantées de tilleuls sousNapoléonIer.
Le bassin des cascades a été édifié en1661-1662 à l'extrémité duParterre, mais depuis leXVIIIe siècle, ne présente plus qu'un bassin aux niches ornées de marbre. Le bassin est orné en son centre depuis1866 d'unAigle défendant sa proie en bronze, par Cain (fonte parVittoz)[41].
Le parc de près de80 hectares a été créé sousHenri IV, qui y fait creuser le Grand canal de 1,2 km de long entre1606 et1609, et y fait planter plusieursessences d'arbres, notamment dessapins, desormes et desarbres fruitiers. PrécédemmentFrançoisIer avait vers 1530 établi la « treille du roi », longue elle aussi de 1,2 km, où était cultivé sur la face sud du mur lechasselas doré de Fontainebleau[42]. Lecanal, précédant de près de 60 ans celui desjardins de Versailles, devient vite un lieu d'attraction. On pouvait s'y promener en bateau etLouis XIII y fit naviguer unegalère. Il est alimenté par plusieursaqueducs établis auXVIe siècle.

Les jardins duchâteau de Saint-Germain-en-Laye marquent le début de la transition vers un nouveau style, qui sera appelé par la suite « jardin à la française ». Ces jardins ont été tracés en 1595 par le jardinier royalClaude Mollet, pour le roi Henri IV[15].
Les dessins faits parAlessandro Francini en1614 montrent qu'à cette date les escaliers en hémicycles partant de la première terrasse réalisée devant le château en1563 et entourant laFontaine deMercure sont réalisés, probablement dès1594, ainsi que les escaliers menant à la troisièmeterrasse.
En1599,Henri IV a décidé de changer le plan du jardin et décide de construire sur la troisième terrasse une galerie dorique contre le mur de soutènement s'ouvrant sur le jardin et contenant des grottes aménagées sous la deuxième terrasse. Thomas Platter indique dans son récit de voyage qu'en novembre 1599,Tommaso Francini avait terminé laFontaine du Dragon, au centre de la galerie, et leGrotte deNeptune ou duTriomphe marin, sous la rampe sud, il était en train de construire laGrotte des Orgues (ou de la Demoiselle) sous la rampe nord. Des grottes sont aménagées sous la troisièmeterrasse : laGrotte dePersée, laGrotte d'Orphée et laGrotte des Flambeaux. L'histoire de la réalisation de cette partie du jardin est mieux comprise à partir des archives retrouvées à Florence[15].

Les travaux se poursuivant avec l'aménagement des grottes avec leursautomates mus par des jets d'eau, dus auxfrères Thomas et Alexandre Francini. Lesparterres du jardin à la française, qui s'étalent jusqu'à laSeine sur cinqterrasses, ont été conçus par le paysagisteÉtienne Dupérac et le jardinierClaude Mollet. Celui-ci écrit dans son livreThéâtre des plans et jardinages qui a reçu l'ordre du roi de planter le jardin duchâteau neuf en1595[43].
Charles Normand indique avoir trouvé dans lesarchives nationales un contrat d'échange avec le seigneur de Bréhant daté du1er septembre 1605 permettant au roi d'acquérir les terres et seigneuries duPec et duVézinay. Par lettres patentes du 17 février 1623, le roi accorde àTommaso Francini, sieur des Grands-Maisons (commune deVillepreux),« la charge d'intendant des eaux et fontaines des maisons, chasteaux et jardins deParis,Saint-Germain-en-Laye,Fontainebleau et autres généralement quelconques, pour en jouir aux honneurs et pouvoirs y mentionnez, et aux gages de douze cens livres par an, pour y faire avec dix-huit cens livres dont il jouissait la somme de trois mil livres ». En 1625,Tommaso Francini est cité dans un acte comme ingénieur en artifice d'eaux reçoit« pour l'entretenement des grottes dud.chasteau de Sainct-Germain, la somme de douze cens livres ». En 1636, il reçoit 900 livres pour les grottes duchâteau de Saint-Germain.
André Du Chesne décrit le jardin avec ses grottes en1630 dansLes Antiquitez et recherches des villes, chasteaux et places plus remarquables de toute laFrance[44].
À partir de1649, les jardins ne sont plus entretenus à cause des guerres de laFronde.
Vers1660, la terrasse supérieure s'effondre en détériorant l'escalier en hémicycle et les grottes de la galerie dorique. Un nouvel escalier à rampes droites est construit en 1662 et les grottes sont restaurées mais pas les mécanismes hydrauliques.
Lorsque laRévolution arrive, lechâteau Neuf de Saint-Germain-en-Laye est saisi commebien national. Il est alors vendu à l'ancien régisseur ducomte d'Artois qui le démolit afin de lotir le terrain et de vendre les matériaux. Il n'en reste aujourd'hui que lePavillon Henri IV, lePavillon du jardiner, une terrasse et ses deux rampes au bout de laRueThiers qui surplombe l'Avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny et quelques vestiges dans les caves du quartier (au 3 rue des Arcades, par exemple).

Les jardins duchâteau de Villandry, dans le département d'Indre-et-Loire, sont la reconstitution à partir de textes anciens d'unjardin de la Renaissance typique duXVIe siècle.
Ces jardins sont divisés en quatreterrasses : une terrasse supérieure comportant lejardin du soleil (création 2008), une avec lejardin d'eau entouré d'un cloître de tilleuls, puis une terrasse accueillant lejardin d'ornement oujardin de broderies debuis taillés et d'ifs entopiaire et enfin une terrasse inférieure avec lepotager décoratif, lui aussi formant un dessin de broderie.
Le jardin d'ornement situé au-dessus du potager prolonge les salons du château. Monter jusqu'au belvédère permet d'avoir une vue magnifique sur l'ensemble. Il est constitué desjardins d'amour divisés en 4 ensembles :
Le jardin d'eau à l'extrémité sud de l'ensemble est de création classique autour d'une large pièce d'eau représentant un miroir Louis XV et entouré d'un cloître végétal de tilleuls.
L'ensemble comprend aussi un labyrinthe planté de charmilles, dont le but est de s'élever spirituellement jusqu'à la plateforme centrale, unjardin des simples, c'est-à-dire des plantes aromatiques et médicinales, traditionnel au Moyen Âge,la Forêt avec des terrasses fleuries autour d'une serre et d'un beau pavillon duXVIIIe siècle,le Pavillon de l'Audience, enfinle jardin du soleil, le dernier-né, avec 3 espaces de verdure, la chambre des nuages aux tons bleus et blancs, la chambre du soleil où dominent les jaune-orangé et la chambre des enfants avec ses pommiers.
Les fontaines et tonnelles du jardin ont été restaurées à partir de 1994[45]. Les jardins forment un ensemble limité au nord par la route de Tours, au sud par le chemin rural de la Bergerie, à l'ouest par le mur de clôture longeant lelabyrinthe végétal.
Ils ont obtenu le label deJardin remarquable[46]


Voir :Peintres français duXVIe siècle
Lapeinture française est, en France davantage qu'enItalie, portée par le mouvement d'édification des châteaux lancé par les princes. Ainsi leConnétable de FranceAnne de Montmorency, lorsqu'il fit bâtir sa plus grande demeure, lechâteau d'Écouen, engagea un grand nombre d'artistes, célèbres ou inconnus, pour créer des décorations intérieures Certains d'entre eux vinrent depuis l'Italie et furent rendus célèbres par leurs créations àÉcouen. Ainsi, toutes les cheminées du château sont peintes dans un style très italien, les murs comportent de larges frises et les sols sont enfaïences colorées.
De nombreux peintres italiens puis flamands sont engagés à la cour deFrançoisIer et de ses successeurs et participent à la décoration des demeures royales et des châteaux de la noblesse. Ces artistes créent une école de peinture inspirée dumaniérisme italien tempéré appeléeécole de Fontainebleau, rappelant le rôle décisif de ce chantier des roisFrançoisIer,Henri II etHenri IV dans l'implantation et la diffusion du styleRenaissance enFrance. Ses représentants les plus célèbres sontRosso Fiorentino,Le Primatice etNicolò dell'Abbate sousFrançoisIer, puis, sousHenri IV,Ambroise Dubois etToussaint Dubreuil.
EnFrance, l'art du portrait peint était déjà connu et répandu depuis le milieu duXVe siècle, notamment grâce àJean Fouquet puisJean Perréal, mais il prend véritablement de l'ampleur au cours de la Renaissance, auXVIe siècle, grâce àPierre etDaniel Dumonstier. Les portraitistes attitrés du roiJean Clouet et son filsFrançois, au style d'une grande précision et d'une grande finesse (dessins préparatoires réalisés avant l'exécution des portraits peints), perpétue le style duRosso. Ils influencent des portraitistes plus tardifs tels queCorneille de Lyon etFrançois Quesnel alors qu'Antoine Caron, ancien collaborateur duPrimatice, évoque aussi bien les fêtes de la Cour desValois que les violences desguerres civiles dites « de religion », marquées par lemassacre de la Saint-Barthélemy[9].
Giovanni Battista di Iacopo (1495-1540) fut surnomméRosso Fiorentino, « le rouquin florentin », en raison de sa couleur de cheveux et de sa ville d’origine. Formé àFlorence dans l’atelier d’Andrea del Sarto, et très influencé par l’art deMichel- Ange, il exerça une activité àFlorence, puis àRome de 1524 à 1527, avant de revenir enToscane. En 1530, alors qu'il se trouve àVenise, invité par le dramaturge italienPierre l'Arétin, il a la chance d’être présenté àFrançoisIer qui, charmé, ne tarde pas à l'appeler enFrance[48]. Son arrivée àParis, en octobre 1530 va marquer un véritable tournant dans l'art français, par la pleine acceptation de laRenaissance dans tous les domaines artistiques. Il est avecle Primatice le créateur de l'école de Fontainebleau[49].
En pleineRenaissance française, le roiValois est un admirateur de l'art italien. Lacour de France va alors donner les moyens auRosso de développer réellement tous ses talents d’artiste de cour : peintre, dessinateur, concepteur de décors fixes et éphémères, et d’objets d’art[48]… Sa Majesté est conquise par cet artiste cultivé et musicien. Elle le comble alors de largesses et lui confie la décoration duchâteau de Fontainebleau. C'est ainsi quele Rosso réunit autour de lui une équipe d’artistes italiens pour l’aider à la réalisation de décors.
Pendant près d'une décennie,Le Rosso tout en créant des œuvres indépendantes dirige la décoration deFontainebleau. Plusieurs des ensembles et des œuvres qu’il a conçus ont disparu. On peut citer lepavillon de Pomone, lepavillon des Poesles, lagalerie basse. Mais c'est surtout la grandegalerie FrançoisIer reliant l'ancien et le nouveauchâteau de Fontainebleau, réalisée principalement entre 1533 et 1537, qui demeure son chef-d’œuvre fait d'un décor orné de peintures, de frises, defresques et de modèles deCuirs découpés et destucs[48] Un motif récurrent de la galerie est l'emblème animal du roi, lasalamandre.Le Rosso est récompensé par sa nomination de premier peintre du roi et de chanoine de laSainte-Chapelle. L'artiste participe alors à la création d'une vaisselle somptuaire et crée pour le roi unbaton cantoral (sceptre) avec hampe fleurdelysée, surmontée d'un édicule à colonne portant en son centre une statuette de laVierge. De la dernière période de sa vie, mis à part les dessins préparatoires à l'attention des graveurs Antonio Fantuzzi,Boyvin ou l'inconnu maître L.D, il ne reste que de rares peintures à caractère religieux qui nous soit conservée de sa période française, à l'exemple duChrist mort unePietà visible aumusée du Louvre[50].
La fin de l'artiste est obscure. L'artiste avare aurait accusé son ami fidèle, Francisco di Pellegrino d'avoir volé ses économies. Ce dernier soumis à la torture sauve son innocence.Le Rosso, désespéré d'avoir perdu son ami, se serait supprimé par empoisonnement à la fin de l'année 1540. La biographie rédigée parGiorgio Vasari qui s'appesantit sur cette fin tragique est aujourd'hui mise en doute.
Le Primatice, son adjointbellifontain depuis 1532 et de plus en plus son rival autoritaire et affiché, supprime après 1540 sous prétexte d'agrandissement ou de sa prédilection pour la sculpture en piédestal nombre d'œuvres décoratives du maître roux.
C’est l’Arétin, écrivain célèbre et influent, qui avait recommandéle Rosso àFrançoisIer. ÀParis, où on l’appelait lemaître Roux, l’ascension sociale de l’artisteflorentin, à la fois peintre sculpteur et architecte, fut extrêmement rapide. Le roi lui assurait un salaire très élevé et, en 1532, le fit chanoine de la Sainte-Chapelle. À ce titre s’ajouta, cinq ans plus tard, le canonicat à Notre-Dame. Mais Rosso souffrait chroniquement d'une humeur instable; elle lui fut fatale le 14 novembre 1540, quand il mit fin à ses jours[48].
Par son influence,le Rosso est le fondateur de la premièreécole de Fontainebleau qui lance la Renaissance française dans l'art de la peinture[51]. Ce décorateur érudit, attiré par le bizarre et le spectaculaire, tout en racontant une histoire à plusieurs niveaux de lecture ou d'émotion, bouscule les genres établis et demeure une source d'évolution durable de l'art d'ornementation des cours princières du Nord de l'Europe.

Francesco Primaticcio dit Primatice commence son apprentissage àBologne, sa ville natale, et c'est auprès d'un élève deRaphaël, Bagnacavallo, qu'il reçoit sa première formation, puis àMantoue, près d'un disciple deRaphaël,Jules Romain, qui réalise pour Frédéric Gonzague l'un des édifices majeurs de l'époque, lepalais du Té. Dans un décor qui envahit les murs et les voûtes, toutes les ressources du maniérisme sont mises en œuvre pour célébrer l'Amour en évoquant les amours des dieux ou pour suggérer la terreur par la représentation d'affrontements titanesques.
Le Primatice acquiert près de lui l'aptitude aux transpositions fabuleuses et le sens d'un art décoratif complet où les ornements destuc prennent une importance nouvelle. Il devient expert en ce domaine, mais c'est enFrance, auchâteau de Fontainebleau, qu'il pourra donner sa mesure.
Il y arrive en 1532, appelé parFrançoisIer qui veut faire de sa demeure favorite un centre d'art vivant et prestigieux. Jusqu'à sa mort, Primatice consacrera l'essentiel de son activité à cette ambitieuse entreprise. Dans un premier temps, il collabore avec un autre maître italien, leRosso fiorentino, qui assure la direction des travaux et impose son style : une version exacerbée dumaniérisme florentin.
L'œuvre duRosso àFontainebleau, comme celle duPrimatice, a été en grande partie détruite ou défigurée. Pourtant, la restauration de laGalerie FrançoisIer, auXXe permet d'apprécier la cohérence d'un style ornemental où le caprice de l'invention, l'acuité des formes et des rythmes s'expriment également dans les zones peintes et dans les stucs, aux reliefs accentués, aux profils élégants, aux motifs étonnamment diversifiés[52].
Le Primatice remplacele Rosso en 1540, à la mort de ce dernier, à la tête des entreprises royales. Il règne en maître sur la pléiade d'artistes et d'ouvriers travaillant aux décors intérieurs du château, aux constructions nouvelles, à l'aménagement des jardins. Il surveille les ateliers de tapisserie et ceux des fondeurs qui exécutent en bronze les statues[53].
Les deux missions enItalie que lui avait confiées le roi sont pour lui l'occasion de reprendre contact avec l'art de la péninsule et d'en connaître les plus récentes formulations, qu'il adapte avec aisance à sa manière personnelle. En1541,Hippolyte d'Este lui commande la réalisation defresques pour les murs de sa chapelle à l'Abbaye de Chaalis[54],[55]. ÀFontainebleau, dans lagalerie d'Ulysse (aujourd'hui détruite), le poème d'Homère y était illustré en cinquante-huit panneaux répartis entre les fenêtres, et le plafond comportait quatre-vingt-treize sujetsmythologiques sur un fond degrotesques[52].
En même temps qu'il réalise lagalerie d'Ulysse,le Primatice donne les projets des compositions exaltant l’Amour, l’Harmonie et la Concorde, destinées à lasalle de bal, exécutées parNicolò dell'Abbate[52]. L'ordonnance de la pièce est dePhilibert Delorme qui, sous le règne deHenri II, assume la direction des Bâtiments du roi.
L'avènement deFrançois II (1559) rend auPrimatice toutes ses prérogatives: il s'y ajoute le monument du cœur de Henri II, le tombeau du roi, l'ensemble des sculptures destinées à larotonde des Valois (aujourd'hui détruite) queCatherine de Médicis fait élever àSaint-Denis sur les plansdu Primatice.
Le génie multiforme du Primatice a réalisé le rêve deFrançoisIer en donnant à l'école de Fontainebleau, non l'éclat éphémère d'un chantier royal temporairement privilégié, mais le rayonnement d'un mouvement novateur qui a marqué enFrance de façon décisive l'évolution de la peinture et des arts décoratifs.
Primatice redevient grand maitre des œuvres du roi après la mort deHenri II. À Dampierre, à l'origine manoir devenu princier auXVIe siècle, il fera construire dans le pavillon d'angle qui jouxte la tour un véritable sauna, exemple typique de ce goût à l'époque pour un retour à un mode de vie à l'antique.
Nicolò dell'Abbate était un artiste né àModène, près deBologne, et qui devint très célèbre enFrance, jouant un rôle fondamental dans lapremière école de Fontainebleau. Cette école fut créée par des artistes italiens actifs dans lechâteau de Fontainebleau, où ils ont élaboré un style qui a réverbéré son influence dans l'art français et de l'Europe du Nord également.
Toute la familledell'Abbate, de père en fils, fut vouée aux arts. On cite avec honneur parmi les peintres modénois, son père Jean, son frère Pierre-Paul, son fils Jules-Camille, son petit-filsHercule, et son arrière-petit-fils Pierre-Paul. Formé àModène, il fit son apprentissage dans l'atelier d'Alberto Fontana et fut un des élèves d'Antonio Begarelli.
En 1540 il entre au service des seigneurs deScandiano, à 27 km deModène. Entre 1540 et 1543, il décora également la Rocca des princes Meli Lupi àSoragna au nord-ouest deParme. Il travailla ensuite àBologne entre 1548 et 1552, au service d'une clientèle fortunée d'ecclésiastiques et de banquiers[56].
ÀBologne, son style subit l'influence duCorrège et duParmesan. Ses nombreux portraits évoquent ceux dePontormo.
En 1552, Niccolò dell' Abate est invité enFrance au service d'Henri II[57] (on l'appelle alors souvent Nicolas Labbé). Auchâteau de Fontainebleau, il collabore à la décoration de l'édifice royal, sous la supervision duPrimatice (1504-1570), un autre artiste fondamental de l'École de Fontainebleau, ainsi que le peintre florentinRosso (1494-1540). Deux ans plus tard, il donne le dessin du projet de décor en l'honneur du ConnétableAnne de Montmorency.
ÀParis, il exécute desfresques aux plafond de l'Hôtel de Guise (maintenant disparues), d'après les dessins duPrimatice. L'artiste reçoit alors beaucoup de commandes de caractère privé, telles que de petits tableaux portables de sujetsmythologiques insérés dans des paysages. Une bonne partie de sa production artistique est ainsi consacrée au genre des apparats décoratifs éphémères, réalisés à l'occasion de moments importants qui marquaient la vie de la cour royale. Le principal exemple reste le cycle de décorations réalisées pour l'entrée triomphale àParis deCharles IX et de sa femmeÉlisabeth d'Autriche en 1571, l'année de la mort deNicolò dell'Abbate enFrance.
L'héritage du peintreémilien est constitué surtout par ses paysages qui forment le décor de scènesmythologiques, motifs qui inspireront les artistes français commeClaude Lorrain (1600 – 1682) etNicolas Poussin (1594-1665).

Jean Clouet le jeune (né en1480 àBruxelles, mort en1541 àParis) est unpeintreportraitiste originaire desPays-Bas bourguignons duXVIe siècle. Ses débuts sont mal connus.
Peintre officiel deFrançoisIer,Jean Clouet figure parmi lesvalets de chambre du roi à partir de 1516, sous les ordres de ses confrèresJean Perréal etJean Bourdichon. D'origineflamande, il apporta un nouveau style à la peinture de portraits d'apparat en pratiquant, outre laminiature traditionnelle (commentaires de la Guerre gallique), le tableau de chevalet exécuté d'après un dessin au crayon, selon le goût des peintres du Nord.
Il est devenu populaire très tôt au point qu'on lui a attribué presque tous les portraits français du début duXVIe siècle. Des deux seuls tableaux de lui attestés par des textes, l'un n'est connu que par une gravure (Oronce Finé), l'autre par une réplique conservée au musée deVersailles (Guillaume Budé).
Mais la célébrité deJean Clouet vient du groupe de130 dessins dumusée Condé à Chantilly. Les portraits de la famille royale sont généralement attribués au peintre en titre, et par conséquent les tableaux eux-mêmes, comme le célèbre portrait deFrançoisIer aumusée du Louvre (vers 1527), dont l'attribution àJean Clouet remonte à une tradition ancienne et sûre.
La réputation deJean Clouet n'est sans doute pas usurpée et fut reconnue de tout temps quoiqu'on ait vite confondu son œuvre et celle de son filsFrançois.Jean Clouet a réellement introduit dans l'art du portrait français une finesse nouvelle et fondé en fait une école de portraitistes officiels qui, parRobert Nanteuil etHyacinthe Rigaud, devait assurer la suprématie française dans ce domaine pendant plus de deux siècles.

Corneille de Lyon ouCorneille de la Haye (né entre 1500 et 1510 àLa Haye et mort en 1575 àLyon) est unpeintreroyal deportraitfranco-hollandais duXVIe siècle.
Quoiqu'il soit connu à son époque sous le nom de Corneille de la Haye, on ne sait rien de sa jeunesse hollandaise et il arrive à Lyon au plus tard en1533. Réalisant dès1536 les portraits de plusieurs membres de la famille royale, il obtient le titre de peintre royal en 1541. Malgré cette fonction, il reste dans lacité rhodanienne tout au long de sa vie. En épousant la fille d'un imprimeur de renom, il s'insère dans la notabilité de la ville, et acquiert une solide position sociale, vivant dans le quartier des imprimeurs, près deNotre-Dame-de-Confort.
Il vit de son métier de peintre, et semble coopérer avec d'autres artistes du quartier (peintres ou graveurs). Son atelier conserve une galerie des copies des tableaux des personnages les plus célèbres dont il a fait le portrait. Cela permet aux clients d'en acquérir une nouvelle copie, ou les incite à se faire faire le portrait par un peintre renommé. Ses affaires semblent prospères jusqu'auxguerres de religion, durant lesquelles, malgré son attachement à lareligion réformée, il ne semble pas victime d'agression ou de spoliation. Il se convertit sous la contrainte à lareligion catholique en 1569.
L'art de Corneille du petit portrait sans décor est novateur pour l'époque. Il acquiert un grand prestige au point que les tableaux de ce style finissent par être désigné comme des « Corneilles ». Travaillant à l'huile sur du bois, il concentre son travail sur le visage et le buste. Corneille est très précis dans la composition des pilosités, cheveux, barbes, qu'il trace quelquefois presque poil à poil. Ses modèles portent rarement de lourds habits décorés, son style reste très sobre. Le fond de ses tableaux est toujours uni, sans décor et il semble travailler sans dessin préparatoire.
Après laRenaissance, la renommée de Corneille s'efface, sa descendance ne prenant pas le relais pour la réalisation de petits portraits. Il est redécouvert auXVIIe siècle parFrançois Roger de Gaignières. Tombant ensuite encore dans l'oubli, son nom ressurgit auXIXe siècle, à partir de citations dans les textes de l'époque. L'extrême difficulté pour trouver des œuvres de références entraînent de sérieux problèmes d'attribution et de reconstitution de son corpus artistique. Plusieurs méprises et confusions sont faites par leshistoriens de l'art et les amateurs. La première œuvre attribuable sans ambiguïté est découverte en 1962. Plusieurs travaux reprennent les conclusions antérieures et la première synthèse sur l'artiste est réalisée par Anne Dubois de Groër en 1996.
Noël Bellemare est un peintre et enlumineur français d'origine flamande, actif entre 1512 et 1546, àAnvers puis à Paris. On lui attribue des cartons de vitraux ainsi que desminiatures. Une partie de ses enluminures ont été regroupées sous le nom de convention deMaître des Épîtres Getty, sans doute à la tête d'un atelier désigné par ailleurs sous le nom d'Atelier des années 1520.
Noël Bellemare est le fils d'un Anversois et d'une Parisienne. Sa présence est attestée à Anvers en 1512, mais on retrouve sa trace dès 1515 à Paris où il termine et achève sa carrière. Il est installé dans la ville en tant que peintre et enlumineur sur lepont Notre-Dame, aux côtés d'autres artistes et libraires[58].
Les archives documentent plusieurs commandes officielles àParis : il peint le plafond de l'hôtel-Dieu en 1515, il décore l'entrée dupont Notre-Dame en 1531 pour l'entrée d'Éléonore d'Autriche en 1531, un décor dupalais du Louvre en collaboration avecMatteo del Nassaro pour la venue deCharles Quint en 1540. Il réalise aussi des dorures auchâteau de Fontainebleau[58]. Il est mentionné en 1536 comme peintre-enlumineur juré[59].
Les premières œuvres du peintre sont influencées par lemaniérisme anversois ainsi que par la gravure d'Albrecht Dürer. Par la suite, s'y substitue une influence des peintures deRaphaël ainsi que deGiulio Romano. Cette influence lui vient sans doute de la fréquentation de l'École de Fontainebleau qu'il côtoie en participant aux décors du château[60].
Une seule œuvre est réellement attestée par les sources de la main de Noël Bellemare : il s'agit du carton d'un vitrail de laPentecôte de l'égliseSaint-Germain-l'Auxerrois deParis. Par analogie et comparaison stylistique, un ensemble d'enluminures et de cartons de vitraux lui sont attribués par l'historien de l'artGuy-Michel Leproux.
Le corpus desenluminures qui lui sont attribuées a longtemps été désigné sous le nom de convention deMaître des Épîtres Getty. Ces œuvres ont aussi été regroupées un temps par l'historienne de l'art américaineMyra Orth dans un ensemble plus large de 25 manuscrits et sous le nom d'Atelier des années 1520[61]. Noël Bellemare pourrait en avoir été le chef. Parmi elles, les miniatures attribuées au Maître des Heures Doheny pourraient correspondre à une période plus ancienne du même peintre.
Enfin, certaines des miniatures du Maître des Épîtres Getty sont postérieures à sa mort : il semble que ce même atelier a perduré quelque temps après sa disparition[58].
Grégoire Guérard est un peintre originaire desPays-Bas, établi àTournus et actif enBourgogne entre 1512 et 1530, dans la région d’Autun, deChalon-sur-Saône et deBourg-en-Bresse.
C'est un artiste formé dans lesPays-Bas septentrionaux et dont la manière semble redevable d’un séjour enItalie dans les années 1515 et 1518
Selon les sources, il a fourni un triptyque pour l’église des Carmes deChalon, un autre pour l’église de Saint-Laurent-lès-Chalon, travaillé auchâteau de Brancion et à celui deBalleure pour Claude de Saint-Julien de Balleure, dont le fils Pierre loue les « beaux tableaux, de singuliers et exquis ouvrage, faicts de la divinement docte main de l’excellent peintre Guererd Gregoire Hollandois compatriote et parent d’Érasme de Rotterdam ».
On a récemment attribué à Grégoire Guérard une douzaine de panneaux datés entre 1512 et 1530, conservés, à quelques exceptions près, enBourgogne du Sud,Bresse ouFranche-Comté. L’élément majeur de cet ensemble est le Triptyque de l’Eucharistie àAutun (1515), et aumusée de Dijon, L’Arrestation du Christ et La Présentation au Temple deDijon (1521) en font partie.
Originaire deHaarlem, Bartholomeus Pons est documenté précisément en 1518 dans l’atelier de Grégoire Guérard àTournus. On peut aujourd’hui l’identifier auMaître de Dinteville (auteur du retable de la Légende de sainte Eugénie àVarzy).
Godefroy le Batave est un peintre/enlumineur originaire desPays-Bas septentrionaux actif en France. On le connaît seulement par son activité à la cour deFrançoisIer.
Son nom vient d'une inscription latine l'identifiant comme pictoris batavi dans le3e volume de son travail le mieux connu, lesCommentaires de la Guerre française (1520,musée Condé,Chantilly). Il s'y est également signé Godefroy, signature que l'on retrouve dans lesTriomphes de Petrarque (vers 1524,Bibliothèque de l'Arsenal,Paris). LesCommentaires de la Guerre française (1520,musée Condé,Chantilly), leDominus illuminatio mea (1516,musée Condé,Chantilly) et laVie de Magdalena (1517,musée Condé,Chantilly) ont été illuminés sous la surveillance directe de leur auteur Franciscain, François Du Moulin ou Demoulins (fl 1502-24), en vue de leur présentation au Roi et à sa mèreLouise de Savoie, Comtesse d'Angoulême (1476-1531).
Les manuscrits vernaculaires, minuscules et personnalisés fournissent un aperçu de l'art de cour et du goût français dans les premières années de la Renaissance.

Jean Cousin l'Ancien (Soucy, près deSens, vers1490 ou1500 -Paris, après1560), est appelé également le Père, ou le Vieux pour le distinguer de son fils également appeléJean Cousin. Cet artiste est non seulement peintre, dessinateur et décorateur mais il est également graveur. Jean Cousin l'Ancien représente avecJean Clouet, le principal peintre français duXVIe siècle. Surnommé le « Michel-Ange français »[62], son tableauEva prima Pandora conservé auLouvre reste son œuvre la plus célèbre.
Sa vie est assez peu connue, et de nombreuses œuvres ne lui sont qu'attribuées, parfois exécutées plus probablement par son fils Jean Cousin le Jeune avec qui il est souvent confondu. Un autre sculpteur, non apparenté, porte également le même nom.
C'est dans sa ville natale deSens, en 1526, que Jean Cousin le Père commence sa carrière en tant quegéomètre, y poursuivant son activité jusqu'en 1540. Après avoir réalisé descartons pour lesvitraux de lacathédrale de Sens et unretable pour l'abbaye de Vauluisant en 1530, Jean Cousin le Père s'installe vers 1540 àParis où il exécute des œuvres importantes[63].

En 1541, on lui commande les cartons pour lestapisseries de laVie de sainte Geneviève et en 1543, il réalise pour lecardinal de Givry les huitcartons de l'Histoire de saint Mammès. Cestapisseries, qui devaient décorer le chœur de lacathédrale de Langres, ont été exécutées par des lissiers parisiens. C'est alors qu'en 1549, il collabore à l'entrée triomphale du roiHenri II àParis[63].
Il travaille également pour des verriers, et exécute les cartons des vitraux de lachapelle de l'hôpital des Orfèvres, unCalvaire pour l'église des Jacobins de Paris, divers vitraux pour l'église Saint-Gervais (Le Jugement de Salomon,Le martyre de Saint Laurent,La samaritaine conversant avec le Christ, etLa guérison du paralytique), l'église de Moret, celles de Saint-Patrice et deSaint-Godard àRouen[64] ainsi que pour lechâteau de Vincennes (L'Approche du Jugement dernier,D'après l'Apocalypse,L'Annonciation de la Sainte Vierge) où il exécute également les portraits en pied deFrançoisIer etHenri II. On attribue également à Jean Cousin des vitraux engrisaille exécutés pour lechâteau d'Anet (dontAbraham rendant à Agar son fils Ismaël,Les Israélites vainqueurs des Amalécites sous la conduite de Moïse etJésus-Christ prêchant dans le désert).
On ne possède qu'un petit nombre de tableaux de Jean Cousin l'Ancien : l'Eva Prima Pandora, aujourd'hui conservé auLouvre, etLa Charité. Ces œuvres attestent, comme les tapisseries de l'Histoire desaint Mammès, l'influence duRosso, mais Jean Cousin l'Ancien sut interpréter dans un style très personnel l'art de l'école de Fontainebleau[63].
Quelques dessinsPénélope,Martyre d'un saint etJeux d'enfants, sont attribués aujourd'hui à Jean Cousin le Père dont on possède également deux gravures signées : l'Annonciation et laMise au tombeau .

Théoricien, l'artiste a publié deux traités illustrés de gravures sur bois, leLivre de perspective daté de 1560 ainsi que leLivre de pourtraicture achevé par son fils en 1571[63]. Réimprimé en 1589, aucun exemplaire n'a été retrouvé à ce jour. Il est en revanche probable que ce dernier ouvrage soit celui publié juste après la mort de Cousin le Jeune à Paris en 1595 parDavid Leclerc, avec des planches gravées deJean Le Clerc. Ce traité qui constitue d'ailleurs un chef-d’œuvre d’illustration anatomique, fut réimprimé à plusieurs reprises auXVIIe siècle.
Jean Cousin le Jeune (1522-1594) dit aussi le Fils fut longtemps confondu avec son père dont il fut l'élève[65]. Jean Cousin le Jeune étudia d'abord à l'université deParis au moins jusqu'en 1542[66], puis collabora aux travaux de son père. À la mort de celui-ci, il prit sa suite[63].
Sa production semble avoir été importante. En 1563, il collabore aux préparatifs de l'entrée triomphale deCharles IX. Vers 1565, la contribution de Cousin le Père et de Cousin le Fils au monument funéraire dePhilippe Chabot, amiral deFrance, est controversée ; on attribue au fils le cadre ornemental du monument et les quatre génies ailés traités dans un stylemaniériste très brillant[63].
Le seul tableau qu'on attribue a Jean Cousin fils est leJugement dernier daté de 1585 et conservé aumusée du Louvre. Cette œuvre reflète à la fois l'influence dumaniérismeflorentin et celle de l'art flamand. Un certain nombre de dessins, les illustrations duLivre de Fortune (1568), desMétamorphoses d'Ovide (1570) et desFables d'Ésope (1582) révèlent un artiste habile influencé par son père, lemilieu bellifontain et l'art despays nordiques[63].

Antoine Caron, né en1521 àBeauvais et mort en1599 àParis, est un maître verrier, illustrateur et peintre françaismaniériste de l’école de Fontainebleau.
À la charnière entre les deuxécoles de Fontainebleau,Antoine Caron est une des personnalités majeures dumaniérisme français. L’un des rares peintres français de son époque à posséder une personnalité artistique prononcée[67]. Son œuvre reflète l’ambiance raffinée, bien que très instable de la cour de lamaison de Valois, pendant lesguerres de Religion de 1560 à 1598.
QuittantBeauvais où il peignait depuis l’adolescence des tableaux religieux perdus depuis, Antoine Caron travaille à l’atelier des vitraux deLeprince, puis fait sa formation dans les ateliers duPrimatice et deNicolò dell'Abbate à l’École de Fontainebleau de 1540 à 1550. En 1561, il est nommé peintre de la cour deHenri II etCatherine de Médicis et deviendra plus tard le peintre attitré de celle-ci.
Sa fonction de peintre de la cour incluaient la responsabilité de l’organisation des représentations officielles. Il a, en tant que tel, participé à l’organisation de la cérémonie et de l’entrée royale à Paris pour le sacre deCharles IX et le mariage d’Henri IV avecMarguerite de Valois. Certaines de ses illustrations des festivités à la cour deCharles IX demeurent et constituent vraisemblablement des sources possibles pour la représentation de la cour dans les tapisseries Valois.
Le peu d’œuvres survivantes de Caron comprennent des sujets historiques et allégoriques, des cérémonies de cour et scènes astrologiques. C'est un lettré, et ses scènes savantes et sophistiquées reflètent la brillante culture qui s'est développé à Paris sous le règne des derniersValois[68].
Ses massacres sont réalisées au milieu des années 1560, comme son seul tableau signé et daté,Les Massacres duTriumvirat (1566), conservé au Louvre. Il évoque les massacres perpétrés pendant les guerres civiles romaines, en 43 avant J-C par lestriumvirsAntoine,Octave etLépide. Il s'agirait d'une allusion aux massacres dont lesprotestants furent victimes, pendant laguerre de religion, principalement à partir de 1561, lorsque trois défenseurs ducatholicisme,Anne de Montmorency,Jacques d'Albon de Saint-André etFrançois de Guise se constituèrent en triumvirat pour s'opposer à la politique d'apaisement de Catherine de Médicis[68]
La composante essentielle de son style est la reprise de la figure très allongée des artistes italiens, même dans les portraits commePortrait de femme (1577), une gestuelle éloquente, beaucoup de mouvement et de dynamisme. Il donne un aspect très étrange à ses compositions. Ainsi que la vivacité de ses coloris qui participent à ce caractère souventfantastique donné à ses œuvres.
L'autre aspect emblématique de son œuvre est l’incorporation d’architectures fantaisistes, qui se mêlent parfois à des ruines romaines[69]. Comme son maitreNicolò dell'Abbate, il a souvent placé des figures humaines presque insignifiantes au milieu de scènes immenses.
Stylistiquement, son adhésion aumaniérisme du Nord se réfère à la typologie de ses personnages. La critique moderne l’appelle « le grand-père dumaniérisme »[68].
Le peu de documentation de la peinture française de cette époque fait que beaucoup d’œuvres qui lui sont attribuées le sont également à d’autres artistes tels queHenri Lerambert. La relative notoriété d'Antoine Caron contribue à l’association de son nom à des œuvres comparables aux plus connues des siennes[70]. Dans certains cas, ces toiles, par exemple, laSoumission de Milan à FrançoisIer en 1515 (v. 1570)[71] sont désormais attribuées « à l’atelier d’Antoine Caron ».
Pour la sculpture,FrançoisIer s'est notamment procuré les services deBenvenuto Cellini dont l'art a influencé toute la statuaire française duXVIe siècle. Ses autres principaux représentants ont étéJean Goujon etGermain Pilon.
La2e partie duXVIe siècle voit le styleManiériste tempéré dominer, malgré une forte tendance au réalisme : on remarque leTombeau d'Henri II et de Catherine de médicis ainsi que le tombeau duCardinal René de Birague deGermain Pilon, dont l'intensité dramatique rappelle parfoisMichel-Ange et annonce lestyle Baroque[9].
Dynastie de sculpteurs, originaires de la région de San Martino a Mensola[72], près deFlorence, les trois frères Giusto di Betti émigrent dès1504 enFrance, à la suite de l'intervention deLouis XII enItalie. Ils finissent par être naturalisés en1513, sous le nom francisé de « Juste » avant de devenir sculpteurs du roi.
Ils ont été avecFrancesco Laurana les représentants les plus brillants et les plus actifs de la sculpture de laRenaissance italienne enFrance.
Antonio di Giusto di Betti ou Antoine Juste (1479-1er septembre 1519), travaille dès1507 au tombeau deThomas James, évêque deDol-de-Bretagne, réalisation achevée en collaboration avec son frère Jean Juste[73]. Très vite, il se voit appelé par lecardinal Georges d'Amboise sur le chantier de sonchâteau de Gaillon (détruit en grande partie à la révolution) ; Tout en réalisant pour la chapelle[74] une série dedouze apôtres enterre cuite[75],[76], il exécute un buste ducardinal ainsi qu'unbas-relief représentant labataille de Gênes pour la galerie du palais ; En collaboration avec l'atelier deMichel Colombe, il poursuit le chantier avant-gardiste de la chapelle haute[77] devenue véritable manifeste d'un nouveau styleRenaissance en sculpture. Antoine Juste s'installe alors àTours, où il fait venir desmarbres de Carrare pour le tombeau deLouis XII (1516)[78]. On lui doit sans doute lesbas-reliefs de ce monument. La collaboration deGuido Mazzoni, est probable car cet artiste arrivé enFrance dès1494 et était déjà actif sur le tombeau deCharles VIII.
Andrea di Giusto di Betti, André Juste (né vers 1483), le second des frères, collabore sans doute avec ses frères pour l'établissement du tombeau de Louis XII, de labasilique Saint-Denis, bien qu'il ne soit pas certain aujourd'hui qu'il ait quitté l'Italie[72].

Giovanni di Giusto di Betti ou Jean JusteIer (1485-1549) est le dernier des frères. Dès son arrivée enFrance, il s'installe àTours et passe plusieurs années dans l'atelier deMichel Colombe. Il collabore ainsi à laMise au tombeau de l'abbaye de Solesmes. Découvrant à cette occasion, le travail deClaus Sluter et le réalismeflamand. Jean JusteIer devient alors l'un des acteurs principaux d'un nouveau style en sculpture, mélangeant le réalisme flamand et la douceur française appeléstyle Louis XII. Après avoir achevé seul le tombeau deThomas James, il se rend à labasilique Saint-Denis pour y installer le mausolée deLouis XII. C'est là qu'il aurait exécuté lesgisants du roi et de la reine, surmontés de leursorants, grâce aux indications deJean Perréal, déjà actif au tombeau du duc de BretagneFrançois II et aux tombeaux dumonastère de Brou :« Ces statues couchées, les plus dramatiques, représentent les cadavres saisis dans les affres de la mort, pris par les derniers spasmes, le ventre recousu par l’embaumement, les bouches entr’ouvertes par le dernier râle, la peau collée au squelette, les seins affaissés, la tête renversée pour la reine »[79]. Les statues desvertus cardinales sont plutôt attribuées aujourd'hui à son neveu Juste de Juste, qu'il élève d'ailleurs comme son fils[80]. Jean Juste exécute par la suite le tombeau deJean IV de Rieulx,maréchal de Bretagne, àAncenis, puis le tombeau deThomas Bohier, fondateur duchâteau de Chenonceau, dans l'église Saint-Saturnin de Tours, et enfin le tombeau deLouis de Crevent, abbé de laTrinité de Vendôme. De 1532 à 1539, il réalise pour lachapelle duchâteau d'Oiron, le tombeau deArtus Gouffier, réalisé à la demande de sa veuve Hélène de Hangest, ainsi que celui de sa belle-mère, dame deMontmorency[81],[82].
Jean Juste II (1510-1577), fils de Jean JusteIer, exécute en1558, pour l'église d'Oiron, le tombeau deClaude Gouffier,grand écuyer de France, et de sa première femme,Jacqueline de La Trémoille (détruit en 1793) dont il ne reste malheureusement aujourd'hui que la statue deClaude Gouffier ; ses réalisations postérieures à1558, étant d'ailleurs en grande partie détruites. Par la suite, Jean II Juste aurait réalisé le tombeau deGuillaume Gouffier, amiral deBonnivet, tué àPavie en 1525, puis une fontaine en marbre blanc, pour les jardins duchâteau d'Oiron, en grande partie disparue, n'en restant qu'une vasque[83]. C'est en collaboration avec le peintre François Valence, qu'il participe à la réalisation de troisarcs de triomphe et coordonne les appareils de fête créés àTours à l'occasion de l'entrée du jeune roiFrançois II et de son épouseMarie Stuart (1560). Ce succès lui permet de passer un marché le 24 avril 1561 concernant la création une fontaine, place de la Foire-le-Roi achevée en 1562 et aujourd'hui disparue[84].

Né àLyon,Philibert Delorme meurt àParis en 1570. Issu d'une famille demaîtres-maçons, il est formé par son père, notamment sur les travaux de construction des remparts de laLyon[85]. De 1533 à 1536, le futur architecte séjourne àRome où il acquiert un solide savoir technique et une bonne connaissance archéologique. L'artiste côtoie ainsi le milieu érudit de la ville et se lie d'amitié avec le cardinalJean du Bellay (ambassadeur deFrance àRome)[85].
Dès son retour, commencent alors près de trente ans d'une vie professionnelle intense. En 1536, revenu àLyon, un ami ducardinal du Bellay, le marchand Antoine Bullioud, lui confie la tâche de réunir troiscorps de bâtiment indépendants entourant une petite cour,rue Juiverie. Le jeune architecte y réalise une galerie à troisbaies enanse de panier voûtées d'arêtes reposant sur deuxtrompes. On attribue également quelques autres réalisations lyonnaises mineures, mais il ne reste pas longtemps dans sa ville natale[85].
C'est alors que son ami le cardinal lui confie entre 1541 et 1544 la conception de sonchâteau de Saint-Maur-des-Fossés. Manifeste de la Renaissance française, il s'agit d'un quadrilatère inspiré desvillas italiennes.

Sa nomination en tant qu'« architecte du roi » parHenri II, en 1548, lui permet de garder, onze ans durant, la mainmise absolue sur l'architecture royale, lepalais du Louvre excepté confié àPierre Lescot[85].
Philibert Delorme assure ainsi la construction et l'entretien des châteaux, des édifices utilitaires, des fortifications de laBretagne, l'ordonnance des fêtes et des entrées ainsi que l'administration et le contrôle financier des travaux. La surintendance exercée par l'artiste est un événement considérable dans l'histoire de l'architecture française.

L'architecte intervient également sur les chantiers duchâteau d'Anet réalisé pourDiane de Poitiers et du château royal deSaint-Léger-en-Yvelines. C'est pour son plus grand tourment qu'il doit ponctuellement intervenir àFontainebleau en collaboration avecLe Primatice,Nicolò dell'Abbate et Scibec de Carpi[86]. Il réalise également quelques travaux auchâteau de Madrid, aubois de Boulogne, àVincennes, àParis, àVillers-Cotterêts, àCoucy-le-Château, àChenonceaux, àLimours et àBoncourt…
Ses prétentions et sa vanité lui attirent pourtant de lourdes inimitiés, dont celles dePierre de Ronsard ouBernard Palissy. Au cours de sa carrière,Philibert Delorme ne cessera d'accumuler des bénéfices (entre 1547 et 1558, il reçoit cinqabbayes et n'en a jamais détenu moins de trois en même temps jusqu'à sa mort), n'hésitant pas à solliciter constamment du roi l'attribution de charges et d'offices, pour compenser peut-être le manque à gagner de chantiers difficiles dont il se plaint régulièrement.
Alors qu'il est accusé de malversations, la mort du roiHenri II, en juillet 1559, amène sa disgrâce, laissant le champ libre aux ennemis de l'architecte. C'est ainsi qu'il se voit destitué de ses fonctions au profit duPrimatice. La clientèle princière lui restera pourtant fidèle dans l'adversité dontDiane de Poitiers qui lui commande l'exécution de travaux pour sonchâteau de Beynes. Le reste de son existence est consacré à la rédaction de traités théoriques dont la rédaction d'une somme de l’architecture. Il a publie notamment unTraité complet de l'art de bâtir (1567), suivi desNouvelles inventions pour bien bâtir et à petits frais (Paris, 1561).Delorme n’ira pas au-delà. Sur la fin de sa vie, il retrouve pourtant le chemin de la cour, la régenteCatherine de Médicis lui confiant la tâche de tracer lePalais des Tuileries[85].
L'essentiel de ses œuvres ont malheureusement été presque détruite au fil du temps. Seuls subsistent l'hôtel Bullioud (1536) àLyon, certaines parties duchâteau d'Anet qu'il exécuta pourDiane de Poitiers (1545-1555) et letombeau de FrançoisIer à labasilique Saint-Denis.

Sculpteur français,Pierre Bontemps est surtout connu pour les nombreuxmonuments funéraires qu'il a sculptés et décorés[87].
Arrivé àFontainebleau à partir de1536, il se forme au contact des œuvres antiques apportées parPrimatice. Il exécute notamment une fonte duLaocoon et une autre de l'Apollon du Belvédère . En1548, il fait partie de l'équipe de sculpteurs que dirigePhilibert Delorme pour le tombeau de FrançoisIer à labasilique Saint-Denis[87].
Les gisants du roi et de lareine Claude sont le résultat de sa collaboration avecFrançois Marchand. De1549 à1551, il taille seul lesstatues orantes dudauphin François de France et de son frèreCharles II d'Orléans. Il est par ailleurs entièrement responsable desbas-reliefs ornant le soubassement dutombeau deFrançoisIer, représentant avec une précision remarquable les batailles qui ont eu lieu sous son règne, telles les victoires deMarignan et deCérisoles. Les préparatifs de chaque bataille sont détaillés (passage des Alpes) et les personnages principaux individualisés : on reconnaîtFrançoisIer à sonmonogramme ou encore lechevalier Bayard.
En1556,Pierre Bontemps est à nouveau àFontainebleau où il donne pour la cheminée de la chambre du roi unbas-relief desQuatre Saisons . Il exécute ensuite, pour le couvent des Hautes-Bruyères (Yvelines), le monument en marbre destiné à contenir lecœur deFrançoisIer. L'urne est décorée debas-reliefsallégoriques à la gloire des arts et des sciences, qui ont repris, grâce au souverain, une place importante dans le royaume[9].
On lui doit encore la statue funéraire deCharles de Maigny (vers1557), conservé aumusée du Louvre et letombeau deGuillaume du Bellay à lacathédrale du Mans.
Pierre Bontemps semble avoir été plutôt un spécialiste dubas-relief décoratif, très en vogue à l'époque de l'épanouissement de laPremière école de Fontainebleau (2e quart duXVIe siècle), qu'un grand créateur deronde-bosse. La sensualité et la délicatesse des figures féminines rappelle le stylemaniériste quePrimatice applique aux stucs deFontainebleau (petites têtes et cous allongés, gestes esquissés et harmonieux). Si l'art gracieux et délicat deBontemps est tout imprégné d'esprit italien, il est tempéré par le souci de la précision dans l'agencement du décor et par le pittoresque des costumes[9].

Jean Goujon est probablement né enNormandie vers1510 et mort selon toute vraisemblance àBologne, vers 1567[88].
Surnommé le « Phidias français » ou « le Corrège de la sculpture »,Jean Goujon est avecGermain Pilon le sculpteur le plus important de la Renaissance française[89].
Tout autant sculpteur qu'architecte, il est l'un des premiers artistes dont l'œuvre s'inspire directement de l'art antique et de laRenaissance italienne qu'il a étudiés personnellement enItalie[89]. Il sut soumettre son œuvresculpturale, surtout sesbas-reliefs, au cadre architectural dans lequel elle devait s'inscrire[89].
Malgré la richesse de sa production artistique, la carrière deJean Goujon ne peut être suivie que durant une vingtaine d'années seulement, de 1540 à 1562 environ[89]. Présent àRouen, entre 1540 et 1542, il exécute ses premières œuvres conservées. Pour la tribune d'orgues de l'église Saint-Maclou, il sculpte deux colonnes qui sont actuellement encore en place. Premier exemple enFrance d'unordre corinthien très pur, elles révèlent la connaissance parfaite qu'avaitjean Goujon de l'art antique. On lui attribue aussi le dessin dutombeau de Louis de Brézé(1531) dans lacathédrale de Rouen, et l'architecture de lachapelle Saint-Romain, appelée populairement la Fierte (1543)[89].

Arrivé àParis vers 1542, il travaille probablement sous la direction de l'architectePierre Lescot, en tant qu'« imagier-façonnier» aujubé deSaint-Germain-l'Auxerrois (1544 à Noël 1545)[90]. L'ensemble architectural a disparu dès 1750 mais lesbas-reliefs desQuatre Évangélisteset laDéposition du Christ, connue généralement sous le nom dela Vierge de pitié, sculptés par l'artiste ont survécu et sont conservés aujourd'hui auLouvre[89]. Une estampe duParmesan représentant laMise au tombeau a inspiréJean Goujon pour la composition de laDéposition du Christ. C'est la preuve que l'art italien l'a influencé directement, sans l'intermédiaire de l'art de Fontainebleau. La « draperie mouillée » et les plis parallèles desreliefs dujubé révèlent le style d'un artiste attaché à l'art antique, et plus exactement à l'art hellénistique[89].
En 1545,Jean Goujon travaille pour le connétableAnne de Montmorency et réaliseLes Quatre Saisons (1548 à 1550) pour l’hôtel deJacques de Ligneris, cousin dePierre Lescot[90], devenu aujourd’huimusée Carnavalet.
À partir de 1547, l'artiste entre au service du nouveau roiHenri II. Il travaillera avec d'autres sculpteurs à ladécoration de l'entrée du roi àParis en 1549, en créant la seule œuvre permanente : la célèbrefontaine des Innocents. Sesbas-reliefs, représentant desnymphes et desnaïades, se trouvent aujourd'hui aumusée du Louvre.

À la même époque,Jean Goujon travaille en tant que « maître sculpteur» sous « les dessins dePierre Lescot, seigneur deClagny»[90] aux décorations duPalais du Louvre. Entre 1548 et le début de 1549, il achève sesallégories deLa Guerre et deLa Paix avant d'être chargé d'exécuter les allégories deL'Histoire, deLa Victoire puis deLa Renommée et deLa Gloire du roi. Peu après, il réalise lesCariatides de la plateforme des musiciens, achevées en 1551, dans la salle homonyme duPalais du Louvre. En 1552, il sculpte des statues pour la cheminée ducabinet de l'Attique situé dans l'aile occidentale et enfin, en 1555-1556, certains bas-reliefs de l'escalier d'Henri II[90].
On lui attribue généralement les gravures de la version française duSonge de Poliphile deFrancesco Colonna (1546), d’après lesgravures de l’édition originale (peut-être dues au studio d’Andrea Mantegna). On lui devrait également desgravures sur bois illustrant la première édition française desDix Livres d'architecture deVitruve, traduits en 1547 parJean Martin. Il aurait fabriqué aussi des médailles précieuses pourCatherine de Médicis.
LaDiane appuyée sur un cerf (vers 1549) dite aussiFontaine de Diane réalisée pourDiane de Poitiers auchâteau d'Anet a été successivement attribuée àBenvenuto Cellini,Jean Goujon etGermain Pilon. Toutes ces attributions ont été contestées ou réfutées. Il est difficile de juger de l'œuvre qui a été largement complétée parPierre-Nicolas Beauvallet avant son installation aumusée du Louvre en 1799-1800.Alexandre Lenoir, directeur du musée à cette époque, est l'auteur de l'attribution àJean Goujon[91].
On ignore la date précise de la mort de l'artiste. Dereligion protestante, son emploi à lacour de France et même sa présence àParis devinrent difficiles alors que lestensions religieuses augmentaient. Une légende tenace veut queJean Goujon ait été assassiné lors de laSaint-Barthélemy. Si tel avait été le cas, il aurait été citéa posteriori comme faisant partie des célèbres martyrs du drame, ce qui ne fut pas le cas. L’histoire de sa mort tragique fut cependant reprise dans de nombreux ouvrages decritique d'art et de vulgarisation auxXVIIIe et XIXe siècles[92]. Des recherches plus récentes ont trouvé sa trace dans le milieu des réfugiéshuguenots deBologne en 1562. Il serait mort enItalie entre cette date et 1569[88].
Jean Goujon avait certainement un atelier et des élèves qui l'aidaient. Ses figures sont ovales, sensuelles et fluides. Sesdrapés révèlent une connaissance de lasculpture grecque. Répandues dans l’ensemble de laFrance par desgravures réalisées par des artistes de l’école de Fontainebleau, la pureté et la grâce de son modèle ont influencé lesarts décoratifs. Sa réputation connaît, à la fin duXVIe siècle, une légère éclipse au profit de tendances plusmaniérées, avant de grandir à nouveau à l'époque dubaroque et duclassicisme français.

Germain Pilon, né vers1528 àParis et mort en1590 dans la même ville, est avecJean Goujon, l'un des plus importantssculpteurs de laRenaissance française. Participant notamment à la réalisation des tombeaux des derniersValois, ces œuvres témoignent de son appartenance aumaniérisme[93].
Fils du sculpteur André Pilon, il s'initie auprès de ce dernier, et vraisemblablement avecPierre Bontemps, aumodelage de laterre cuite et à la taille de pierre. Aucune des créations d'André Pilon n'a pourtant été conservée, de sorte que l'on ne peut apprécier son style. Certaines commandes révèlent toutefois sa prédilection pour les statues en bois peint et pour la terre cuite. Alors qu'il est nommé contrôleur des Poinçons et Monnaies du roi,Germain Pilon apprend parallèlement l'art de la fonte et du ciselage du bronze[94].
En 1558, il est chargé par lesurintendant des Bâtiments du roi,Philibert de l'Orme, de sculpter huit « génies funèbres» ou « figures de Fortune», destinés autombeau de FrançoisIer quePhilibert de l'Orme édifie alors à labasilique Saint-Denis. C'est à cette occasion queGermain Pilon, alors jeune, réalise une statuette en marbre blanc qui constitue son premier ouvrage connu. CeGénie funéraire (photo) rappelle fortement la sculpture deMichel-Ange et témoigne de la virtuosité deGermain Pilon à imprimer le mouvement. Il ne sera pourtant pas retenue pour orner le tombeau royal et se trouve aujourd'hui exposé aumusée national de la Renaissance d'Écouen[94].
À la mort deHenri II,le Primatice obtint la charge desurintendant des Bâtiments et décide de conserverGermain Pilon parmi ses collaborateurs. Pour lechâteau de Fontainebleau, l'artiste façonne des statues de bois, exécutées sous la direction du maître italien dont le style lui était désormais très familier. Ce n'est qu'avec leMonument du cœur de Henri II (photo) (Louvre) que l'on découvre dans toute sa plénitude l'art du sculpteur. Le monument qu'il conçoit se compose d'unpiédestal décoré, supportant trois personnages féminins soutenant une urne funéraire sur leur tête. ÀGermain Pilon échoit la plus grande partie du travail desculpture, notamment l'exécution des trois statuesallégoriques en lesquelles on peut voir aussi bien lesTrois Grâces que lesVertus théologales[95].
C'est encore sous le contrôle duPrimatice queGermain Pilon crée ses œuvres suivantes. LorsqueCatherine de Médicis fait édifier unmausolée enrotonde à l'église abbatiale de Saint-Denis,Germain Pilon se trouve parmi les artistes responsables de la décoration sculptée. Il participe tout d'abord à la réalisation du tombeau du roi défunt et de la reine, à côté d'autres sculpteurs commeGirolamo della Robbia etMaître Ponce. Cependant, la plus grande partie des travaux finissent par lui incomber[94]. Il est ainsi l'auteur desgisants, despriants, de deuxVertus de bronze et de deuxreliefs de marbre appartenant à l'édicule. C'est dans legisant de la reine, imitation d'une statue antique appelée aujourd'huiVénus des Médicis, qu'il se libère le plus de ses attaches, peut-être parce qu'on l'y avait engagé. Lesorants révèlent une grande liberté dans le mouvement et une reproduction très personnelle de laphysionomie qui permettent de constater queGermain Pilon a abandonné legothique tardif pour l'art de laRenaissance[95].

À partir de 1570,Germain Pilon, désormais très occupé, possédait àParis un grand atelier. Parmi ses réalisations du moment ont été conservées laVierge deNotre-Dame-de-la-Couture(Le Mans) et les principales sculptures dutombeau de Valentine Balbiani (morte en 1572)[94]. Dans ce tombeau, où se mêlent des éléments italiens et français, la défunte est représentée, selon la tradition française, sous deux aspects. Valentine Balbiani, vêtue d'un costume somptueux, à demi étendue, s'appuyant sur un coude et feuilletant un livre, correspond à un type italien déjà bien connu enFrance avantGermain Pilon[93]. Pour autant, selon la tradition française, lebas-relief placé au-dessous présente la défunte engisante avec un réalisme si impressionnant qu'elle place l'œuvre dans la tradition destransis « cadavéreux» de la sculpturemédiévale française[95]. Aujourd'hui, la plupart des tombeaux exécutés parGermain Pilon ne sont plus connue que par des documents de commande ou desesquisses[94].
En 1572, l'artiste obtient la charge de « contrôleur général des effigies à la cour des Monnaies ». On lui doit alors la série demédaillons aux effigies des membres de la famille royale ainsi que diversbustes en marbre et en bronze, parmi lesquels se distinguent celui deCharles IX et celui deJean de Morvilliers. Dans les dix dernières années de sa vie, alors qu'il est apprécié de l'aristocratie française, il dispose d'un vaste atelier : l'abondance des commandes et la réalisation des 380 mascarons duPont Neuf, l'oblige à s'adjoindre ses fils, ainsi que des collaborateurs tel que Mathieu Jacquet dit Grenoble, lesquels assurent le succès du style deGermain Pilon sur plusieurs décennies[94].
Jusqu'à 1585 environ,Germain Pilon est occupé par de nouvelles sculptures en marbre destinées à lachapelle funéraire des Valois deSaint-Denis. Unpathos et un dramatisme nouveau caractérisent alors les dernières années de production du sculpteur[93]. On retiendra notamment leChrist de la Résurrection avec deux soldats romains (Louvre)[95], unSaint François d'Assise (Cathédrale Sainte-Croix de Paris des Arméniens) ainsi que deux nouvellesstatues funéraires deHenri II et deCatherine de Médicis, représentés cette fois engisants (Saint-Denis). LaVierge de Pitié, dernière réalisation de l'ensemble, emprunte à l'iconographie des scènes de dépositions de croix ou demises au tombeau, son voile retombant en avant du visage ainsi que ses mains croisées sur la poitrine. Dans letombeau deRené de Birague, réalisé vers 1583,Germain Pilon reprend la traditionmédiévale en peignant le bronze de l'orant tout en faisant disparaître presque entièrement le corps du défunt sous l'ample manteau aux plis profonds dont la longue traîne est aujourd'hui disparue. Dans les dernières années de sa vie, lerelief en bronze de laDéposition du Christ (aujourd'hui conservé auLouvre), s'inspire de laDéposition du Christ exécuté vers 1544 parJean Goujon (Louvre)[94].

Hugues Sambin (1520-1601) est une figure artistique caractéristique de la Renaissance par la variété de ses centres d’intérêt et par l’étendue de ses talents. Il exerça une influence durable sur le répertoire ornemental de son temps[96].
Comme beaucoup d’artistes de son époque, Hugues Sambin réunit de nombreuses qualités :menuisier (ce terme désigne les artisans qui construisent les meubles), sculpteur, ingénieur hydraulique[97], architecte, décorateur ainsi que graveur.
Bien qu'il travaille partout enFrance, il s’est vite imposé dans l’Est de la France[97], principalement àDijon etBesançon pendant la seconde moitié duXVIe siècle (où il obtient le titre officiel d’architecte)[96]. Il apparaît alors comme l'une des rares personnalités de la région capable de proposer des plans pour la réalisation defortifications (Salins-les-Balins, Dijon) ou de projets pour divers chantiers urbains : on lui attribue notamment certaines maisons de Dijon dont l'hôtel Fyot-de-Mimeure (1562), lamaison Maillard (1561) ou encore la porte du Scrin de l'ancienparlement de Bourgogne (1580). Malgré ces engagements, l'artiste parvient à conserver une intense activité dans la confection de meubles dont plusieurs exemples sont encore exposés dans les musées. Pour autant, on dispose d’assez peu d’éléments sur sa vie et un certain nombre d’œuvres lui sont attribuées sans être authentifiés avec certitude[96] : unearmoire à deux portes auxArts décoratifs de Paris et aumusée du Louvre (vers 1580), la table des Gauthiot d'Ancier aumusée du Temps de Besançon et deux autres meubles aumusée de la Renaissance d’Écouen et auMetropolitan Museum deNew York.
Né àGray vers 1520 d’un pèremenuisier, de laBourgogne d'Empire ouFranche-Comté, il s'initie très tôt à l'art de lamenuiserie et de lacharpente, ainsi qu'à l'architecture. Durant l’année 1544, l'artiste travaille dans l'équipe desmenuisiers duchâteau de Fontainebleau, sous la direction duPrimatice, et surtout avec le dessinateurSebastiano Serlio[96], qui utilisent notamment la technique italienne dudesigno[97].
C'est à la suite de cette expérience que le jeunecompagnon fait peut-être un voyage enItalie, car il montrera par la suite une parfaite connaissance de la sculpture et de l'architectureultramontaine.

Revenu à Dijon en1547, il épouse la fille de Jean Boudrillet, maîtremenuisier, dont il reprend, quelques années plus tard, en1564, la direction pratique de l'atelier après avoir été reçu entre-temps maîtremenuisier en1548[97]. Il sera par ailleurs juré de lacorporation à plusieurs reprises. À l'époque, l'activité la plus prospère de l'atelier Boudrillet reste la fabrication de meubles et d'armoires[97] qui, sous l'influence d'Hugues Sambin, seront dès lors conçus suivant les codes graphiques dudesigno comme une véritable « encyclopédie de l'architecture » de son temps[96]. Reconnu, l'artiste devient l’un des chefs de file de l’art du mobilierbourguignon, surtout actif pour de riches commanditaires de Bourgogne et de Franche-Comté. C'est ainsi qu'en 1550 la ville de Dijon lui commande trois statues pour l’entrée triomphale duduc d’Aumale.
Poursuivant son activité de sculpteur, il termine peu avant 1560, la réalisation d'une œuvre sur leJugement dernier, conçue pour orner le portique central de l'église Saint-Michel de Dijon, devenant par la suite, en1564,surintendant et conducteurs des travaux effectués en vue de l'accueil du roiCharles IX à Dijon.

Malgré tout, il semble que la mort de son beau-père en 1565 lui fasse perdre le contrôle technique de l'atelier de menuiserie :Maistre Sambin diversifie alors son activité à titre individuel, s'éloignant probablement de l'atelier Boudrillet, où il ne travaillera plus qu'occasionnellement. Désormais, de plus en plus fréquemment loin de Dijon, il travaille régulièrement, particulier comme dessinateur, ornemaniste, ingénieur et architecte[97].
De passage àLyon en 1572, il fait paraître un important recueil constitué de 36 planches gravées, intituléŒuvre de la diversité des termes dont on use en architecture[note 1], qui faisant preuve d’une imagination débridée, représente encore aujourd'hui un travail remarquable de classification desordres d’architecture suivant le modèleantique. Ses activités le mème quelques années vers lesPays-Bas espagnols, se faisant alors engager comme sculpteur et menuisier par legouverneur de Luxembourg. C'est ainsi son influence touchera non seulement les peintres de Bourgogne et deLorraine, voire d'Allemagne du Sud, mais également des architectes et des décorateurs, à l'instar deJoseph Boillot ouWendel Dietterlin[note 2].
En1571, l'artiste semble retourner momentanément enFrance-Comté puis en Bourgogne où il recevra le titre d'architecte de la ville de Dijon. En1581, les gouverneurs deBesançon lui commandent la façade sur cour de l'ancienparlement de Besançon (actuelpalais de justice) dont il supervise les tâches entre 1582 et 1587[97], tout en réalisant en parallèle les plans du toit à l'impériale de latour de croisée de lacollégiale Notre-Dame de Beaune[97], réalisé entre 1580 et 1588.
On peut conclure, qu'Hugues Sambin restera fortement influencé, tout au long de sa carrière, par son passage au sein des équipes deFontainebleau. Le système ornemental élaboré parle Rosso et lePrimatice notamment dans lagalerie FrançoisIer, explose littéralement dans l'ensemble de son œuvre. Marqué pour toujours par ce court séjourbellifontain[96], ses racines bourguignonnes n’en demeurent pas moins présentes, s'exprimant notamment par sa prédilection pour certains ornements régionaux comme le fameux « chou bourguignon»ou encore l'emploi derinceaux delierre en lieu et place des traditionnels motifs d’acanthe[96].
Parallèlement, lestermes (éléments d’architecture sculptés, composés d’un buste humain se terminant engaine) dessinés et sculptés par Hugues Sambin connaissent un grand succès en France, dans la seconde moitié duXVIe siècle, en particulier à l’échelle du mobilierlyonnais, qui vient dès lors très semblable, du point de vue décoratif, au mobilier bourguignon[96] : un véritable « style Sambin» est ainsi né, marquant la seconde moitiéXVIe siècle[96].
C'est par des comparaisons effectuées avec son recueil, qu'on a attribué à l'artiste non seulement, tout meuble mêlant destermes à une accumulation demotifs ornementaux mais également, par extension, toute architecture au décor exubérant[96]. Pour autant, il persiste d'assez grandes difficultés à prouver les commandes ou œuvres réalisées par Hugues Sambin et son atelier, car elles ont été imitées ou copiées sans vergogne y compris auXIXe siècle sous le nom de « Style Henri II »[97].
Durant toute la PremièreRenaissance française, le mobilier n'évolue guère et reste dans la continuité duStyle Louis XII. Pour autant, l'ornementation abandonne définitivement les derniers élémentsgothiques du style précédent tels que les pinacles, lesorbes voieflamboyants ou encore lesarcs brisés en accolade pour une décoration de purement Renaissance composée principalement demédaillons et d'arabesques[98].
Il faut attendre le règne d'Henri II pour constater une réelle évolution[99] avec des productions aux formes architecturales marquées[100], le plus souvent ornées d'incrustation de marbre et de plaques en camaïeu de bronze. Cette période marque d'ailleurs l'apparition de nouveaux meubles comme lecaquetoire (ou caqueteuse), lachaise à bras, la chaise àvertugadin, le siège tenaille[100] (également ditsavonarole, oufaudesteuil) et le retour en force du siège pliant à piétement en X, apparus dès leVIIe siècle (Trône en bronze du roi Dagobert)[99].
Ces créations de la Renaissance imitées dès le milieu duXIXe siècle sous l'appellationstyle Henri II, fait qu'aujourd'hui les meubles authentiques sont devenus rares et restent extrêmement restaurés et modifiés[100].

Surnomméopus lemovicense, « l'œuvre deLimoges » enlatin, la technique de l'émail sur cuivre avait fait la fortune de cette ville auxXIIe et XIIIe siècles, avec ses célèbres émauxchamplevés, pseudo-champlevés oucloisonnés[108]. Après avoir connu un vif succès enEurope occidentale, la ville est touchée de plein fouet par laguerre de Cent Ans avant d'être mise à sac par les armées d'Édouard de Woodstock au mois de septembre 1370[109]. La production semble alors avoir cessé pendant plus d'un siècle avant de réapparaître dans le dernier quart duXVe siècle, mais selon une technique différente, les émaux sont désormais peints sur des plaques de cuivre. Sans que soit connus les circonstances de sa renaissance ni les liens éventuels avec des expériences réalisées auXVe siècle enFrance, en Flandre ou enItalie, la technique apparait d'emblée parfaitement maîtrisée[110]. Les émaux peints devinrent, comme en leur temps lesémaux champlevés, le monopole des atelierslimousins[108].
Les premiers émaux peints sont exécutés au moyen d’émaux de couleur sur unémail qui, étendu sur une plaque de cuivre, sert de support. Ce sont plutôt des peintures sur verre que des émaux translucides. Aussi n’est-il pas étonnant de trouver à l’origine de la peinture en émailles les verriers deMurano, enItalie et les peintres devitraux deLimoges. Mais, tandis qu’enItalie l’émail peint ne fit pas de progrès, il subit àLimoges de nombreux perfectionnements. Alors que beaucoup d’artistes italiens peignaient leurs émaux sur argent, les émailleurslimousins adoptèrent le cuivre en minces feuilles, moins coûteux et par suite, d’une vente plus facile. Le caractère commercial est en effet, très accentué dans les premiers produits sortis des ateliers deLimoges[111].

L'émail peint devient, auXVIe siècle, la spécialité presque exclusive des émailleurs deLimoges. Ils sont en effet les seuls à avoir tiré parti de la technique de l'émail peint pour faire de leurs créations les supports de représentations figurées[110].
Si l'émail, qui ne résiste pas aux chocs, est adapté pour des objets de dévotion, il ne convient guère pour une vaisselle utilitaire :aiguières, coupes couvertes et assiettes sont donc des objets d'apparat, destinés à être exposés et à manifester, comme les pièces d'orfèvrerie ou lesmajoliques italiennes, la richesse, le raffinement et la culture de leur propriétaire[110].
Les années 1530-1540 sont maquées par de nombreux changements et représente un véritable âge d'or. Le revers des plaques est désormais recouvert d'uncontre-émail translucide. Dans la continuité dustyle Louis XII, les émailleurs perpétuent la production d'objets à caractère religieux mais se mettent à créer également de la vaisselle : coupes,salières ainsi que des objets d'usage personnel, comme des coffrets[110].
Lagrisaille devient un mode privilégié d'expression et les thèmesprofanes oumythologiques font leur apparition. Enfin, le style de laRenaissance, connu par l'intermédiaire desgravures qui inspirent les compositions, est désormais adopté[110].
L'étude des pièces, parfois signées,monogrammées ou marquées depoinçons, et les mentions relevées dans les archiveslimougeaudes, permettent de cerner les principales personnalités artistiques : Les Pénicaud, Colin Nouailher,Pierre Reymond ouPierre Courteys. Toutefois des congusions demeurent en raison de fréquentes homonymies : Les initiales I.C. pourraient aussi bien recouvrir plusieursJean Court dit Vergier. Le rôle des collaborateurs et la production des ateliers secondaires reste assez peu documentés[110].
L'émailleur le plus célèbre estLéonard Limosin, par la diversité et la qualité de sa production, en particulier ses remarquables portraits. Introduit par l'évêque de LimogesJean de Langeac à lacour de France vers 1535, il travaille pourFrançoisIer etHenri II, et pour de grands personnages comme leconnétable de Montmorency. À leur imitation, le goût pour l'émail touche une clientèlearistocratique[110]
Au milieu duXVIe siècle, l'émail de Limoges est apprécié dans toute l'Europe. C'est ainsi qu'un service, comportant uneaiguière, un plateau et plusieurs coupes, réalisé pour lafamille Tucher de Nuremberg, fut envoyé àLimoges entre 1558 et 1562 pour être émaillé dans l'atelier dePierre Reymond, avant d'être monté par l'orfèvreWenzel Jamnitzer.
Au début duXVIIe siècle, la production reste importante quantitativement, mais elle n'atteint plus qu'exceptionnellement les niveaux de qualité et d'inventivité du siècle précédent : Elle s'adresse alors à une clientèle moins aristocratique[110].
En orfévrerie le maitre Pierre Mongo exécute des coffrets recouverts de nacre sur âme de bois. Les montures en argent doré soutiennent de petits portraits en tondo répartis sur le pourtour.
Sous l'impulsion d'Henri II puis deCharles IX l'orfévrerie devient un art très abouti et recherché car il résume en peu de place un art raffiné et dont les œuvres sont faciles à transporter.
François Briot est considéré, avec sa fameuseaiguière et son bassin, comme le chef de file de l'école lyonnaise de la poterie d'étain. Il a vraisemblablement quittéLyon vers 1572 et se retrouve àDamblain, où il est signalé en 1576 et 1578. Outre les monnaies du comté deMontbéliard, il a gravé quelquesmédailles, tant àMontbéliard qu'àStuttgart, une pierre précieuse pour lacouronne d'Angleterre. Commepotier d'étain, outre le bassin et l'aiguière de la « tempérance », qui appartiennent respectivement aumusée du Louvre et aumusée d'Écouen, nous lui devons l'aiguière dite « demars », dont un exemplaire est conservé aumusée de Nuremberg, et son bassin, dont lemusée de Montbéliard possède un exemplaire. Nous connaissons l'existence d'un moule pour vase et d'un autre pour salière.
Noel Bellemard : modéles et cartons pour le Jugement de Salomon et son vitrail àSaint Gervais-Saint Protais de Paris.
Engrand Leprince : VitrailCharles V, àl'Isle Adam.

Le roi FrançoisIer s'installe àFontainebleau, où il transfère la bibliothèque royale. FrançoisIer œuvre beaucoup pour lalangue française : en1539, il signe l'ordonnance de Villers-Cotterêts, qui donne à la langue française son statut delangue dudroit et de l'administration. L'un des traits les plus caractéristiques de la renaissance en France, et des plus durables, est l'apparition dufrançais commelangue officielle unique, statut accordé par le souverain. Pourtant, l'immense majorité de la population – surtout dans les provinces – continue de parler desdialectes (picard, normand, etc.) et des langues différentes du français (tel est le cas par exemple des territoires de langue d'oc où l'on parle l'occitan). Parallèlemeent,Du Bellay dénonçait l'italianisation de la langue française.
Parmi les écrivains les plus célèbres de la Renaissance française peuvent être citésFrançois Rabelais,Marguerite de Navarre,Clément Marot,Maurice Scève,Louise Labbé,Pierre de Ronsard,Joachim du Bellay,Étienne de La Boétie etMichel de Montaigne.
Voir :
Le théâtre français duXVIe siècle a suivi les mêmes schémas d'évolution que les autres genres littéraires de l'époque.
Pendant les premières décennies du siècle, le théâtre public est resté largement lié à son long héritagemédiéval de pièces demystère,moralité, defarces et desotties, même si la pièce demiracle n'était plus en vogue. Les représentations publiques étaient étroitement contrôlées par un système deconfréries. LesConfrères de la Passion avait les droits exclusifs sur les productions théâtrales de pièces du mystère àParis] ; en 1548, la crainte de violences ou de blasphèmes résultant de la division religieuse croissante par desGuerres de Religion enFrance contraint leParlement de Paris à interdire les représentations des mystères dans la capitale, même si elles continuent à être jouées ailleurs. Une autre corporation, lesEnfants Sans-Souci, s'occupait des farces et des soties, ainsi que lesClercs de la Basoche qui jouaient également des pièces de morale. Comme les "Confrères de la Passion", "la Basoche" fut soumise au contrôle politique (les pièces de théâtre devaient être autorisées par une commission de révision; les masques ou personnages représentant des personnes vivantes n'étaient pas autorisés), et elles furent finalement supprimées en 1582. À fin du siècle, seuls les « Confrères de la Passion » conservent le contrôle exclusif des productions théâtrales publiques à Paris et louent à un prix élevé leur théâtre de l'Hôtel de Bourgogne à des troupes de théâtre. En 1599, ils abandonnèrent ce privilège.
Il est à noter qu'à côté des nombreux auteurs de ces œuvres traditionnelles, comme les farceursPierre Gringore,Nicolas de La Chesnaye etAndré de La Vigne ;Marguerite de Navarre a également écrit un certain nombre de pièces proches du mystère et de la morale traditionnels.
Cependant, dès1503, des versions originales deSophocle,Sénèque,Euripide,Aristophane,Terence etPlaute étaient toutes disponibles en Europe et les quarante années suivantes verront des humanistes et des poètes traduire ces classiques et les adapter. Dans les années1540, le milieu universitaire français (et surtout — à partir de 1553 — les collèges desJésuites) accueille un théâtre en latin écrit par des professeurs commeGeorge Buchanan etMarc Antoine Muret qui marquera profondément l'histoire du pays. Les membres deLa Pléiade. à partir de 1550, on trouve duthéâtre humaniste écrit en français.
L'influence de Sénèque fut particulièrement forte dans la tragédie humaniste. Ses pièces – qui étaient essentiellement des pièces de chambre destinées à être lues pour leurs passages lyriques et leur oratoire rhétorique – ont apporté à de nombreuses tragédies humanistes une concentration sur la rhétorique et le langage plutôt que sur l'action dramatique.
L'université de Paris, bien que préservant le prestige acquis auXIIIe siècle (Thomas d'Aquin), est en retard par rapport au mouvement de renaissance d'autresuniversitéseuropéennes notammentSalamanque, Louvain. Le renouveau devient effectif dans les années 1530, lorsqu'on sent alors l'effervescence intellectuelle se manifester.Paris est alors la principale ville universitaire d'Europe, avec de nombreux collèges (environ 80).Ignace de Loyola décide de se former à l'université de Paris, essentiellement en raison du prestige que cette université conserve enEurope, mais aussi en raison d'une plus grande tolérance.François Xavier, disciple d'Ignace de Loyola, reçoit également sa formation à l'université deParis.
LesJésuites reprennent cette tradition de l'éducation, en respectant le legs de Thomas d'Aquin :Pierre Favre est un helléniste, et connaît très bien la philosophiescolastique, ainsi que laphilosophie d'Aristote.
Voir :

La participation de laFrance auxgrandes découvertes s'est faite, pour les raisons déjà évoquées, avec un retard par rapport aux pays du sud de l'Europe.
Alors que lePortugal a implanté une premièrecolonie en Afrique du Nord dès1415, et s'est lancé dans des explorations autour de l'Afrique, alors que les navigateurs espagnols ont atteint l'Amérique du centre et du sud avant la fin duXVe siècle, la France attend la fin1523, pour envoyerGiovanni da Verrazzano, enfrançais Jean de Verrazane[112] explorer la zone comprise entre laFloride etTerre-Neuve. Cette expédition fut missionnée par le roiFrançoisIer dans le but d'y découvrir un accès donnant sur l'océan Pacifique.
L'armement du navire deJean de Verazzane,La Dauphine a lieu auHavre. Il appareille deDieppe en juin 1523, contourne la Bretagne, puis fait route au sud vers legolfe de Gascogne. Il longe la côte nord de l'Espagne et met le cap surMadère où il fait escale pour se ravitailler. Après avoir reporté son départ à deux reprises, le 17 janvier 1524, à bord deLa Dauphine, il entreprend alors la traversée de l'Atlantique, à la tête d'un équipage d'une cinquantaine de marins, qu'il complète près ducap Fear le1er mars 1524.
Après un bref mouillage, il longe la côte de ce qui est maintenant laCaroline du Nord en direction du nord et croit apercevoir l'océan Pacifique derrière une étroite bande de terre. Il ne s'agissait en réalité que dulagon de labaie de Pamlico, long de cent trente kilomètres et dont la largeur atteint par endroits 48 kilomètres, séparé de l'Atlantique par lesOuter Banks, une barrière d'îles sablonneuses. Cette erreur conduisit les dessinateurs de cartes, à commencer parVesconte Maggiolo, en 1527, et le frère de Giovanni,Girolamo da Verrazzano, en 1529, à représenter l'Amérique du Nord quasiment coupée en deux parties reliées par unisthme. Cette interprétation erronée mit un siècle à être corrigée.
Plus loin, au nord, Verrazzano découvre, le 17 avril 1524, labaie de New York, qu’il nomme « Nouvelle-Angoulême »8 (de nos jours, lepont Verrazano-Narrows rappelle cette visite). Il prolonge son voyage vers l'est, en direction duMaine, puis de Terre-Neuve et rentre en France.
De retour après six mois de voyage, Verrazzano prépare un nouveau départ pour trouver un passage vers l'Asie. Cependant, ses navires sont réquisitionnés pour faire la guerre et la capture de FrançoisIer à labataille de Pavie met fin à ce projet[réf. non conforme][117].

En 1525, Girolamo – le frère de Giovanni Verrazzano – dessine, à Lyon, une carte nautique de laMéditerranée.
Pendant la captivité du roi de France, Verrazzano fréquente les cours deJoão III du Portugal etHenri VIII d'Angleterre. Alors que l'Europe apprend le récit de lacircumnavigation deMagellan et la découverte desMoluques, l'Espagne envoie, en avril 1526,Sébastien Cabot trouver un chemin vers le Pacifique. Au printemps de 1526, Verrazzano est de retour en France où un nouveau projet se dessine sous les auspices de l'amiralPhilippe Chabot et de l'armateurJean Ango[118].[réf. non conforme]
En juin 1526, Verrazzano quitte de nouveau les mers d'Europe avec son frère Girolamo et trois navires pour tenter de passer lecap de Bonne-Espérance. Une tempête et une mutinerie empêchent les frères Verrazzano de progresser, mais le troisième navire atteint l'océan Indien. Voulant gagnerMadagascar, celui-ci pique vers l'est et le nord jusqu'àSumatra avant de rebrousser chemin vers lesMaldives. L'équipage fait naufrage à Madagascar d'où quelques survivants gagnent leMozambique. Pendant ce temps, les frères Verrazzano remontent la côte d’Afrique pour se rendre auBrésil, où ils font cargaison depernambouc. En septembre 1527, ils rentrent en France[119].[réf. non conforme]
Un dernier voyage en 1528, raconté parGirolamo da Verrazzano, les mène auxAntilles (peut-être enGuadeloupe)[120] où Giovanni aurait été tué par des indigènesanthropophages.

En1532, alors qu'une guerre éclate entre la couronne du Portugal et les armateurs normands au large duBrésil, un certainJacques Cartier, fils de pêcheur malouin morutier, est présenté àFrançois Ier parJean Le Veneur, évêque de Saint-Malo etabbé du Mont-Saint-Michel. Celui-ci évoque des voyages que Cartier aurait déjà faits « en Brésil et en Terre-Neuve », pour affirmer qu'il était à même « de conduire des navires à la découverte de terres nouvelles dans le nouveau monde »[122]. Recevant une commission du roi de France, et devenant en ce sens le successeur deGiovanni da Verrazano, Cartier dirigera, aux frais du roi, trois voyages vers l'Amérique du Nord entre1534 et1542, espérant y trouver unpassage pour l'Asie, sinon des richesses.
En1534 lors de sa première expédition vers l'Amérique :Jacques Cartier découvre le Canada, que l'on appellera alors lanouvelle France. Après seulement vingt jours de traversée (du 20 avril au 10 mai), Cartier atteintTerre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes. Il explore minutieusement legolfe du Saint-Laurent à partir du[123]. Le, il met pied à terre àGaspé, y plante unecroix de trentepieds, revendiquant la région pour le roi deFrance. La troupe des Français y rencontre desIroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien,Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d'amener deux de ses « fils » en France. La rentrée à Saint-Malo se fait le 5 septembre après une autre courte traversée de 21 jours[124].
Un deuxième voyage a lieu en1535–1536 et débute le 19 mai. Cette expédition compte trois navires,La Petite Hermine (60 tonneaux),L'Émérillon (40 tonneaux) et la nef qui transporte Cartier,laGrande Hermine (120 tonneaux). Cartier remonte alors le cours duSaint-Laurent, découvrant qu'il navigue sur un fleuve lorsque l'eau devient douce. Le il signale dans son journal de bord avoir aperçu desbélugas dans le fleuve[125].
À l'île d'Orléans, le, devantStadaconé, on retrouveDonnacona.Une partie des hommes restent et construisent un fortin, préparant le premier hivernage connu de Français auCanada[126]. Cartier continue à remonter le fleuve sur l’Émérillon, dont bientôt letirant d'eau interdit de poursuivre au-delà dulacSaint-Pierre : il y ancre l’Émérillon et l'équipage poursuit en barques.
Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent dans la région de l'établissement nomméHochelaga. La nuit venue, ils se retirent tous à bord des barques. Tôt le lendemain matin, avec ses gentilshommes et vingt mariniers armés, Cartier entreprend à pied le chemin vers ce village, sur une voie bien aménagée. Marchant ainsi deux lieues (environ 8 km), ils peuvent enfin apercevoir cette bourgadepalissadée detronc d'arbres, sur unecolline et entourée de terres cultivées, pleines demaïs (ditblé d'Inde), ainsi qu'il décrira le paysage entourantHochelaga. Il nommeraMont Royal, cettemontagne de l'île et de la ville qui est aujourd'hui nomméeMontréal.
La bourgade n'a dans son rempart circulaire qu'une seule porte d'entrée (sortie). On y compte une cinquantaine de « maisons longues », communautaires. Le chef du village affirme que l'on peut continuer à remonter le fleuve vers l'ouest durant trois lunes et, de larivière des Outaouais, se diriger vers le nord et pénétrer dans un pays où l'on trouve de l'or (qui est l'actuelle grande région de l'Abitibi).

Les rapports avec lesIroquoiens du Saint-Laurent sont bons, malgré quelques disputes sans gravité, qui ne dégénèrent jamais en violence. Cartier découvre cependant les premiersscalps dans la maison deDonnacona. Il y goûte aussi letabac, qu'il n'apprécie guère. L'hiver de l'Amérique du Nord arrive et surprend les Français, le fleuve gèle et emprisonne les navires.
Cartier et ses hommes hivernent près de la rivière Sainte-Croix (maintenant diterivière Saint-Charles, àQuébec). Les hommes souffrent duscorbut, lesIroquoiens en sont aussi frappés, des Français meurent tandis que lesAmérindiens s'en tirent beaucoup mieux. Cartier, épargné, découvre que lesMicmacs se soignent avec une infusion d'aiguilles et d'écorce de pin[127],[128]. Il applique le traitement à ses hommes et, bientôt, les guérisons se multiplient. En avril, Cartier emmèneDonnacona de force pour le présenter à FrançoisIer avec ses deux « fils » (neveux ?) et sept autresIroquoiens ; puis, profitant du dégel, il met le cap sur la France, abandonnantLa Petite Hermine,« faute d’un équipage assez nombreux »[129] (25 des 110 équipiers étaient décédés du scorbut[130]). Après un passage parSaint-Pierre-et-Miquelon, il retourne àSaint-Malo en juillet1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l'Asie.
LeLieu historique national Cartier-Brébeuf commémore cet hivernage de Jacques Cartier.Le troisième voyage a lieu entre 1541-1542. L'organisation de l'expédition est confiée àJean-François de La Rocque de Roberval, un homme de cour, ce que Cartier n'est pas. Il ne sera cette fois que le second de Roberval. La colonisation et la propagation de la foi catholique deviennent les deux objectifs. Donnacona meurt en France vers1539, comme d'autresIroquoiens du Saint-Laurent, d'autres s'y sont mariés, aucun ne reviendra de France. On prépare l'expédition, arme cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l'organisation et Cartier s'impatiente puis décide de s'engager sur l'océan sans l'attendre. Après une traversée calamiteuse, il arrive enfin sur le site deStadaconé en août1541, après trois ans d'absence. Les retrouvailles sont chaleureuses malgré l'annonce du décès de Donnacona, puis les rapports se dégradent et Cartier décide de s'installer ailleurs.

Il fait édifier le fort deCharlesbourg-Royal au confluent duSaint-Laurent et larivière du Cap Rouge, pour préparer la colonisation. Bientôt, l'hiver arrive et Roberval est toujours invisible, avec le reste de l'expédition. En attendant, Cartier accumule « l'or et les diamants », qu'il négocie avec lesIroquoiens du Saint-Laurent, qui disent les avoir ramassés près du camp. En1542, Cartier lève le camp, rencontre Roberval àTerre-Neuve. Malgré l'ordre que ce dernier lui donne de rebrousser chemin et de retourner sur leSaint-Laurent, Cartier met le cap vers la France.
Aussitôt arrivé en France, il fait expertiser le minerai, apprenant qu'il ne rapporte que de lapyrite et duquartz, sans valeur. Sa mésaventure est à l'origine de l'expression « faux comme des diamants du Canada »… et du toponyme actuel, « Cap Diamant », pour désigner l'extrémité est du promontoire de Québec.
Cartier se retire alors dans sonmanoir de Limoëlou àRothéneuf, près de Saint-Malo. On présume qu'il fut anobli, car il est qualifié deSieur de Limoilou, dans un acte du chapitre deSaint-Malo, en date du ; dans un autre acte, en date du, il porte le titre de noble homme[131].
Il succombe le1er septembre[132]1557, probablement de lapeste qui frappe la ville cette année-là. Ses restes supposés, retrouvés en1944, reposent aujourd'hui dans la cathédrale deSaint-Malo. D'après un extrait des papiers de famille des Garnier de Fougeray, il est écrit que son corps a été inhumé le jour même de son décès, dans la cathédrale, par son parent et compère Michel Audiepvre[133].
L'époque de la Renaissance correspond à un renouvellement profond de la manière de vivre. On voit apparaître dans toute l'Europe de nouveauxfruits etlégumes. Lagastronomie et lesarts de la table évoluent progressivement. Les habitudes vestimentaires changent également.
Les aménagements urbains dans Paris durant cette époque (rues plus grandes, maisons bourgeoises, hôtels de ville), favorisent le développement des commerces (boulangers, bouchers, tenanciers)[134]. La bourgeoisie se tourne de moins en moins vers le commerce et de plus en plus vers le droit.
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