Le découpage historique de cette période charnière entre l'Époque médiévale et l'Époque moderne est sujet à un débat interprétatif entre historiens de l'art. Selon l'historien britanniquePeter Burke, la Renaissance est avant tout un mouvement, non un événement ou une période[3]. Certains historiens considèrent de plus que l'usage traditionnel de la Renaissance dans l'historiographie française est unchrononyme commode mais discutable pour marquer une rupture entre l'Âge sombre médiéval et l'époque moderne. Ils préfèrent utiliser, selon lathèse de continuité(en) postulant un passage graduel entre ces périodes, l'appellation plus neutre d'« early modern » (pour « Early modern Europe », littéralement début de l'Europemoderne), de « première modernité » ou « seuil de la modernité »[4].
Dans les écrits de la fin duMoyen Âge, l'idée d'unerinascita (renaissance) correspond à un courant plutôt qu'à une période, orienté vers un retour à l'éducation classique, entraînant une impression exaltante de renouveau touchant aussi bien la morale que les activités politiques et artistiques[6].
Selon l'historienJean Delumeau, le mot français « Renaissance » est venu d'Italie et concernait le domaine des arts. Le peintre, architecte, et historien de l'art italienGiorgio Vasari a employé le terme « Rinascita » en 1568 dansLe vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori[7]. Les Italiens disent aujourd'huiRinascimento. Le sens du mot Renaissance s'est progressivement élargi.
Dans son cours auCollège de France en 1842-1843, l'historien françaisLucien Febvre montre queJules Michelet a utilisé ce terme pour des raisons personnelles[10]. En effet, Jules Michelet, travaillant sur le roiLouis XI alors qu'il était attristé par la perte de son épouse et contrarié par l'évolution politique conservatrice de lamonarchie de Juillet, eut un besoin profond de nouveauté, de renouvellement. Or sa conception de l'histoire était telle qu'il identifiait ce qu'il vivait et ce qu'il ressentait du passé ; il a donc imaginé une Renaissance après le règne de Louis XI, par l'intermédiaire desguerres d'Italie.
Ce point de vue original a été présenté par Thomas Lepeltier dans un article de la Revue des Livres en 2000[11]. Il est cependant contesté par de nombreux historiens qui voient des aspects de césure entre leMoyen Âge et la Renaissance. Ce qui est certain, c'est que la rupture entre Moyen Âge et Renaissance est moins radicale que ce qu'on en disait jadis.
Les historiens ne sont d'accord ni sur la date ni même sur le lieu où il convient d'entamer le récit de la Renaissance.Florence,Rome,Avignon,Padoue etNaples ont été chacune présentées comme le « berceau » du mouvement. La plupart des ouvrages débutent en Italie, mais à des moments et avec des individus différents. Il est courant de choisir l'époque du poète-érudit Francesco Petrarca, dont le nom a été francisé en « Pétrarque », soit les années 1330 ou 1340. Pétrarque voyait les siècles précédents — ce que nous appelons le Moyen Âge — comme un âge des ténèbres, qu'il opposait à l'ère lumineuse de l'Antiquité classique. Dans son poèmeAfrica, il espérait que « lorsque les ténèbres se dissiperont, les générations à venir réussiront à trouver le chemin du retour à la claire splendeur du passé antique »[12]. Les premiershumanistes florentins du tournant desXIVe et XVe siècles, disent déjà que dans son œuvre, tant d'écrivain pénétré d'uneesthétique rajeunie dulatin que de chercheur passionné d'œuvres antiques, ils reconnaissent en Pétrarque le fondateur et le modèle de l'idéal nouveau des « études d'humanité », qui forme le cœur du projet humaniste[13]. Ce point de vue est à l'origine d'une certaineimage du Moyen Âge.
Mais certains historiens de l'art commencent une génération plus tôt, avecGiotto. Celui-ci devait sa gloire au nouveau style de récit pictural qu'il avait créé, et ce nouveau style était en partie fondé sur les sculptures antiques qu'il avait vues à Pise. Les humanistes l'évoquaient avec respect, et son œuvre fut une source d'inspiration pour les générations suivantes de peintres de la Renaissance. On peut aussi citerDante, son contemporain. Les deux hommes et certains de leurs successeurs ont été à l'origine d'une extraordinaire explosion de créativité à Florence juste après l'an 1300. Il ne faut pas non plus oublier l'écrivain padouanAlbertino Mussato, qui a écrit des pièces de théâtre et des œuvres historiques sur le modèle des classiques. L'historien Peter Burke voit la Renaissance s'achever avecDescartes vers 1630[14].
Certains auteurs vont jusqu'à mettre en doute la pertinence d'une définition temporelle. Au sujet de ce débat, on peut par exemple se référer aux analyses dePaul Oskar Kristeller (1905-1999)[15].
On peut dire quePétrarque fut le premierhumaniste. Il se considérait d'abord comme un poète, un second Virgile. Il écrivit en latin un poème épiqueAfrica, et en toscan une suite de poèmes lyriques, lesCanzoniere. Son cercle comprenait le peintreSimone Martini, le médecin et astronomeGiovanni Dondi, le dominicainGiovanni Colonna, l'augustin Dionigi di Borgo San Sepolcro, le chef politiqueCola di Rienzo etGiovanni Boccaccio (Boccace), célèbre pour son recueil de cent nouvelles écrites en toscan, leDécaméron[19].
Avignon fut une médiatrice entre l'Italie et le reste de l'Europe. Grâce à la présence du pape et de sa cour de 1309 à 1377, elle devint une ville de première grandeur, aussi étendue que Florence, lieu de contacts internationaux et foyer d'innovations culturelles. Pétrarque y grandit. Le peintre siennoisSimone Martini y travailla à partir de 1339.Herédia y vécut quelques années. C'est à Avignon queMetge étudia les œuvres de Pétrarque et Boccace[21]. Le papeClément VI fait appel, pour décorer lepalais des Papes, à une équipe de peintres dirigée parMatteo Giovannetti[22].
Dans les années 1320 à 1380 se développe le courant musical de l'Ars nova, centré sur la France, qui annonce lespolyphonies de la Renaissance[23].
Les érudits d'Aragon et de Catalogne furent parmi les premiers à s'intéresser aux cultures antique et italienne :Juan Fernández de Heredia fit traduireThucydide etPlutarque ; Le majordome du roiJean Ier d'Aragon traduisitSénèque en catalan, tandis que le roi lui-même collectionnait les livres ; l'auteur catalanBernat Metge admirait les lettres de Pétrarque et sonSecretum, son œuvre la plus célèbre,Lo Somni, composée en 1398, s'inspire de Pétrarque et de Boccace autant que de Cicéron[24].
Dans le domaine de l'éducation, lesFrères de la vie commune, organisation de laïques dont les membres vivaient en communauté comme des moines, établirent tout un réseau d'écoles dans de nombreuses villes des Pays-Bas, dont Gouda, Zwolle, Deventer et liège. Par leur refus de lascolastique et leur insistance sur la littérature latine, leurs dirigeants ressemblaient aux humanistes italiens[25].
Vers 1380, l'intérêt pour l'Antiquité classique, la culture italienne et les « études libérales » (studia liberalia) gagna Paris, du moins au sein d'un petit cercle qui comprenaitJean Gerson,Nicolas de Clamanges etJean de Montreuil. Ce dernier était secrétaire d'un grand mécène :Jean, duc de Berry, frère du roiCharles V et du ducPhilippe le Hardi. Le duc de Berry avait aussi soutenuPremierfait quand il traduisait Boccace et encouragé l'œuvre deChristine de Pisan. Il possédait environ trois cents manuscrits, dont des œuvres de Pétrarque, Virgile, Tite-Live et Térence, souvent illustrées[26].
Lorenzo Valla (1407-1457) est le seul grand humaniste qui naquit et fit ses études à Rome. Il enseigna aussi à l'université de cette ville. Dans la préface à sa grammaire latine, lesElegantiae (1444), il affirme que le bon latin s'est épanoui en même temps de l'Empire romain et a aussi décliné avec lui, en raison des invasions barbares. C'est cette conscience des changements du latin à travers les siècles qui a permis à Valla de comprendre que la célèbre « Donation de Constantin » était un faux[30].
De 1420 à 1450, les contacts entre les érudits et artistes italiens et d'autres Européens se multiplièrent.Le Pogge se rendit en Suisse et en Allemagne. Le peintreMasolino travailla en Hongrie. L'humanisteGuiniforte Barzizza partit en Catalogne servirAlphonse V d'Aragon en 1432, etc. Réciproquement, des étrangers venaient séjourner en Italie :Rogier van der Weyden en 1450, le FrançaisJean Fouquet travailla à Rome, le FlamandJuste de Gand, et l'EspagnolPedro Berruguete travaillèrent à Urbino. Dans les années 1430, l'ecclésiastique polonaisGrégoire de Sanok séjourna à Rome et y découvrit les études classiques. Dans les années 1440, l'AllemandAlbrecht von Eyb, l'AnglaisRobert Fleming et le HongroisJanus Pannonius visitèrent l'Italie. Ils revenaient souvent avec des manuscrits[31].
Mathias Corvin, roi deHongrie de 1458 à 1490, avait reçu une éducation humaniste du Polonais Grégoire de Sanok et devint collectionneur de livres et mécène des hautes études. Il invita des humanistes italiens à sa cour. Il se dota d'une vaste bibliothèque : laBibliotheca Corviniana, qui était à sa mort la deuxième bibliothèque d'Europe après lavaticane[32].
La Renaissance italienne se poursuit dans ce que les historiens de l'art appellent leCinquecento. Dans la période qui va de 1494 (invasion de l'Italie par les Français) à 1527 (sac de Rome par les soudards de l'empereur Charles Quint), qualifiée deHaute Renaissance, elle atteint son apogée à Rome avec des artistes commeLéonard de Vinci,Raphaël etMichel-Ange[33].
L'Arioste composa àFerrare l'un des chefs-d'œuvre de la littérature italienne,Roland furieux, publié pour la première fois en 1516. Il associa la tradition classique de l'épopée à la tradition médiévale duroman courtois[34].
Pietro Bembo est un humaniste italien qui eut une grande influence à cette époque. Il fixait la loi en matière de langue et de littérature. En latin, il estimait que la prose devait se conformer au style majestueux deCicéron, avec ses phrases complexes et ses expressions ornées. La poésie, en revanche, devait suivre l'exemple deVirgile. Ce patricien de Venise qui vivait à Rome fit des efforts considérables pour consacrer letoscan comme langue littéraire de l'Italie. En poésie, son modèle était la langue dePétrarque et deDante ; en prose celle deDécaméron deBoccace[35].
Le graveur et peintre allemandAlbrecht Dürer acquit une grande renommée grâce à sesgravures sur bois et auxestampes deRaimondi sur ses peintures, de sorte que son œuvre s'est assuré une influence en Italie[37].
Politiquement parlant, l'Espagne devient la première puissance européenne grâce à la richesse de sescolonies et à l'exploitation des mines d'argent, qui autorisent une augmentation de la masse monétaire.Charles Quint est le souverain le plus puissant d'Europe. Il étend son influence sur une grande partie de l'Europe, ce qui n'est pas sans créer une rivalité avecFrançois Ier. L'Espagne gardera sa puissance jusqu'autraité des Pyrénées (1659).
Il est fréquent de dire que durant la Renaissance, on s'intéressa de nouveau à l'Antiquité, ce qui accompagna le mouvement intellectuel de l'« humanisme »[38].
En fait, l'Antiquité était loin d'être inconnue auMoyen Âge :
Les textes qui ont été sauvés de l'Antiquité l'ont été, pour ce qui est des auteurs latins, par les copistes médiévaux dans les monastères. Cette culture était réservée à une élite composée essentiellement declercs, dans les monastères, puis, à partir duXIIIe siècle, dans les écoles urbaines, et les premièresuniversités européennes (écolescolastique) : auXVe siècle, 75 à 80 % des humanistes véritables avaient reçu le sacrement de l'ordre, et près de 100 % les ordres mineurs[41]. Par la suite eut lieu une relative laïcisation des études humanistes, qui ne servaient plus à former essentiellement de futurs théologiens ou canonistes, mais s'adressaient à un public beaucoup plus large : grands princes, petits nobles, détenteurs d'offices, négociants ou banquiers, techniciens (médecins, juristes, artistes de haut niveau, imprimeurs), de plus en plus nombreux à venir de la bourgeoisie[42].
Pour ce qui concerne l'Antiquité grecque, lesapports byzantins à la Renaissance italienne ont été réalisés soit à la suite de voyages entrepris par les intellectuels italiens àByzance à la recherche de manuscrits antiques, soit par des exilés byzantins venus s’établir en Italie pour y enseigner, principalement à l’occasion duConcile de Florence (1437-1439) et après lachute de Constantinople (1453). La prise de Constantinople par lesTurcs ottomans eut pour résultat d'amener en Europe des bibliothèques d'auteurs antiques conservées à Byzance ; toutefois, selon Régine Pernoud cela n'a été aucunement déterminant[44].
le prêtre florentinMarsile Ficin (1433-1499) traduisit en latin lesDialogues de Platon et plusieurs œuvres grecques plus tardives ; il tenta une conciliation du platonisme et du christianisme[45] ;
Les lettrés duMoyen Âge avaient conscience qu'ils vivaient sur uncontinent appeléEurope par lesgéographes, pour le distinguer de l'Asie et de l'Afrique. En revanche, la grande masse des habitants de l'Europe n'avaient jamais entendu ce terme : ils lisaient difficilement et « leclergé leur parlait comme à deschrétiens appartenant au continent choisi par la Divine providence pour être le foyer de la vraie foi ». En somme, les Européens n'avaient pas pleinementconscience de leuridentité culturelle. La conscience de cette identité n'apparut qu'à la Renaissance. Selon l'historien anglaisJohn Hale, ce fut à cette époque que le motEurope entra dans lelangage courant et fut doté d'un cadre de référence solidement appuyé sur descartes et d'un ensemble d'images affirmant sonidentité visuelle etculturelle[47].
Copie du préambule et des articles toujours appliqués de l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui officialise la langue française dans le droit et l'administration.
Au début de1492,Antonio de Nebrija présente àIsabelle de Castille une grammaire ducastillan (espagnol), qui est la première grammaire d'une langue populaire d'Europe, laGramática castellana. Il la conçoit comme un outil d'affermissement des conquêtes de la reine sur les« barbares qui parlent des langues exotiques », et qu'il complètera par un dictionnaire[49].
Même si les humanistes commencent à utiliser les langues « nationales », lelatin reste très utilisé dans les communautés de clercs et dans les universités. Néanmoins, la majorité des autres populations parle deslangues régionales, que nous appelons aujourd'hui desdialectes, qui existent parfois encore aujourd'hui.
Dans un contexte de prépondérance de l'Italie dans la plupart des domaines, leXVIe siècle est marqué par une vague très importante d'emprunts de la langue française à l'italien[51]. Des 2 000 italianismes que comportait alors la langue française à cette époque[52], le français moderne n'en a toutefois retenu qu'environ 700[53]. Plusieurs défenseurs de la langue française se sont émus contre ces excès de mode, notammentHenri Estienne, auteur deDeux dialogues du nouveau langage italianizé et autrement desguizé (1578),Barthélemy Aneau,Étienne Tabourot, etBéroalde de Verville, auteur deMoyen de parvenir (1616)[54]. Henri Estienne en rendait responsables les guerres d'Italie et la cour, avec son « jargon » spécial[55].
Carte de la diffusion de l'imprimerie de 1452 à 1500.
Contrairement à une image construite auXIXe siècle, le savoir écrit n'a pas été réservé auxclercs jusqu'à la fin du Moyen Âge. On assiste à une rapide diffusion de l'écrit en dehors de l'Église à partir desXIIe – XIIIe siècles.Ramon Llull (v. 1235-1316),Dante (1265-1321) etPétrarque (1304-1374) sont des figures marquantes de cette laïcisation des savoirs. Toutefois, ces laïcs qui savent lire et écrire demeurent classés dans la catégorie desillitterati, la notion delitteratus servant à désigner un individu qui maîtrise le latin[56].
L'une des inventions qui eut le plus de répercussions sur les hommes de la Renaissance fût le perfectionnement de l'imprimerie[57] par les caractères mobiles en plomb et la presse à vis, parGutenberg vers1450. Les presses se propagèrent à Bâle en 1466, à Rome en 1467, Paris et Pilsen en 1468, Venise en 1469, Louvain, Valence Cracovie et Buda en 1473, Westminster en 1476 et Prague en 1477. Cela permit une multiplication des livres après 1450, avec 4 500 éditions pour la seule ville de Venise[58].
La première édition imprimée de laBible apparut en1455. Des classiques romains tels que Cicéron étaient aussi imprimés. L'imprimeur vénitienAlde Manuce édita les classiques grecs avant la fin duXVe siècle, notamment l'édition d'Aristote en cinq volumes qui parut entre 1495 et 1498. Les œuvres de certains humanistes italiens parurent assez vite en version imprimée : les poèmes de Pétrarque furent publiés en 1470 et réimprimés plus de vingt fois avant 1500. Le traité sur l'éducation deLeonardo Bruni parut en livre vers 1470, ses lettres en 1472 et son histoire de Florence en 1476. On imprima aussi lesElegantiae deLorenzo Valla en 1471,Le Pogge etMarsile Ficin dans les années 1470, etc. Les idées des humanistes italiens purent se propager par l'exportation des livres dans d'autres régions d'Europe[59].
La diffusion de l'humanisme fut favorisée par des érudits qui se firent imprimeurs et des imprimeurs qui s'intéressèrent à l'érudition. Par exemple,Guillaume Fichet, professeur de théologie et de rhétorique, créa le premier une presse à Paris, à la faculté de théologie de la Sorbonne.Alde Manuce, célèbre imprimeur de Venise, ami d'Érasme et d'autres érudits, avait étudié avecBattista Guarino[59].
Ainsi, la naissance de laRéforme protestante se comprend mal si on ne la replace pas dans l'atmosphère defin du monde qui régnait alors en Europe et notamment en Allemagne[64].
Diffusion et traduction de la Bible en langues vernaculaires
AuMoyen Âge, la plupart des fidèles n'avaient pas accès à laBible dans leur langue maternelle. La version officielle de l'Église catholique était laVulgate, traduction enlatin de la Bible parsaint Jérôme (347-420), et il était techniquement difficile d'en assurer une large diffusion.
L'arrivée de l'imprimerie va bouleverser cette situation : la Vulgate est imprimée dès1455 parGutenberg (voirBible de Gutenberg). Néanmoins, auXVIe siècle, lesréformateurs protestants en Europe multiplient les traductions en langues vulgaires pour que les fidèles puissent lire et interpréter la Bible par eux-mêmes, sapant de ce fait le monopole de l’interprétation des Écritures que l’Église romaine s’était arrogé[65].
Du fait des réticences catholiques, comme on l'a vu ci-dessus, les premières traductions en langues vernaculaires de la Bible ont souvent été réalisées par des protestants :
Les traductions enespagnol ont été effectuées par des protestants en dehors d'Espagne, l'Inquisition ayant interdit en1511 toute traduction de la Bible en Espagne[67].
Lors duconcile de Trente (1545-1563), qui inaugure la « Contre-Réforme » l’Église a jugé nécessaire de proclamer officiellement l’édition de laVulgate comme la seule version authentique desSaintes Écritures, déclaration qui du coup discréditait aux yeux des catholiques toutes les versions en langues vulgaires et les rendaient nulles et non avenues. L’Église ne toléra que les traductions accompagnées d’annotations fiables tirées des écrits des pères et docteurs de l’Église catholique[65].
Le mouvement de renouveau enEurope s'accompagne d'un enrichissement jugé excessif de l'Église, ce qui provoque l'indignation de certains chrétiens, qui veulent revenir aux sources de laBible. D'autre part, à cette époque, certains chefs de l'Église étaient jugés trop proches des autorités politiques.AuXVe siècle, plusieurs réformateurs dontJohn Wyclif enAngleterre etJan Hus en Bohême, tentent de réformer l'Église, mais se heurtent à l'intransigeance des clercs. Jan Hus est condamné par l'Église, ce qui laissera une blessure durable enEurope centrale. Le moine dominicainSavonarole défia l'Église àFlorence. Il mourut sur le bûcher[68].
Alors que les Juifs avaient été des acteurs des précédentesRenaissances, les populations juives sont souvent exclues de ce mouvement de Renaissance, du fait qu'elles avaient été expulsées de plusieurs pays (Angleterre,France,…), et par suite de la multiplication de mesures d'exclusion, soit religieuses, soit politiques, ou de mesures discriminatoires. Dans les royaumes deCastille et d'Aragon, ledécret de l'Alhambra fut signé en1492 en vue de l'expulsion des Juifs qui refusaient de se convertir à la religion chrétienne.
DonIsaac Abravanel (1437-1508) mit ses talents d'homme politique et de financier au service des rois du Portugal, d'Espagne, de Naples et des doges de Venise, et assuma avec dignité la représentation de sa communauté auprès des souverains espagnols lorsque le destin des juifs d'Espagne bascula. Il fut également un penseur dont les écrits constituent le point d'orgue de laphilosophie juive médiévale. Son commentaire de laBible est devenu un classique[69] .
Certains humanistes chrétiens s'intéressaient à l'hébreu également pour comprendre lakabbale, tradition (sens du motkabbala) secrète, « occulte » des érudits juifs : Pic de la Mirandole, et surtoutJohannes Reuchlin qui publia en 1517 un livre sur la kabbale, qu'il dédicaça au papeLéon X ; il y affirmait que cette tradition juive donnait accès à la « philosophie symbolique » perdue de Pythagore, qui tenait sa sagesse de l'Orient[72]. Ce dernier livre fut l'objet d'une polémiqueantijudaïque[73].
À la Renaissance, la kabbale était vue comme une doctrine religieuse et philosophique ancienne, qui contenait des secrets relatifs à la connaissance du monde et du divin, mais qui pouvaient aussi être utilisés à des fins pratiques. Des textes très anciens comme leSefer Yetzira, leBahir, leZohar étaient lus, étudiés, traduits par deshébraïsants chrétien, parfois avec l'aide de savants juifs. En même temps, des savants juifs appliquaient à la lecture de laTorah accompagnée par des techniques de méditation particulières une valeur quasi magique : ils se voyaient ainsi capables d'opérer des transformations dans le monde, grâce à l'influx divin qu'ils étaient capables d'attirer vers le bas[74].
Le cardinal françaisPierre d'Ailly publie le traité cosmographique intituléImago Mundi en1410. Fondant ses raisonnements sur l'autorité d'Aristote, dePline l'Ancien et deSénèque, il y défend l'idée que les Indes peuvent être atteintes par l'Ouest en peu de jours.Christophe Colomb, qui possède un exemplaire imprimé du livre (aujourd'hui à Séville), est fortement influencé par les arguments de Pierre d'Ailly, comme en témoignent les notes qu'il ajoute de sa main dans les marges de plusieurs de ses pages[77]. On savait désormais qu’il était possible d’atteindre l’Asie sans passer par le bassin oriental de laMéditerranée et leMoyen-Orient, occupés par les Turcs, après laprise de Constantinople (1453), soit en contournant l’Afrique par voie de mer en passant au sud, soit en allant vers l’ouest.
De nouveaux procédés techniques permirent le développement des explorations maritimes lors de la Renaissance.
Laboussole, importée de Chine, était déjà d'un usage courant en Europe à la Renaissance : la première mention d'une aiguille aimantée et de son usage par les marins en Europe se trouve dansDe naturis rerum (« De la Nature des Choses ») d'Alexandre Neckam publié en 1190[78].
Leloch permit d'estimer la vitesse de déplacement d'un navire. La première mention de ce type d'instrument apparaît pour la première fois en Angleterre dans un livre deWilliam Bourne intituléA regiment for the sea[81].
Du côté européen, on cherchait des voies commerciales alternatives aux routes commerciales continentales comme laroute des épices, après la prise deConstantinople (1453), par lesOttomans, et leur domination sur l’est du bassin méditerranéen.
De son côté, l'Espagne envoya ses propresnavigateurs :Christophe Colomb, qui rêve d'atteindre lesIndes par l'ouest, découvre ce que l'on appellera plus tard l'Amérique[90] et effectue quatre voyages entre1492 et1502[91].Magellan (tour du monde),Amerigo Vespucci (Amérique du Sud), qui donnera (involontairement) son nom au nouveau continent (voir ci-dessous)…
Le navigateur françaisJacques Cartier effectue fort jeune de nombreux voyages de pêche vers les bancs deTerre-Neuve, sur les naviresmalouins. On suppose même qu'il visite la côte du Canada, en 1524, et celle du Brésil, en 1528. Cartier se met en tête d'aller plus loin à l'ouest et de découvrir la voie rapide vers les richesses de laChine. Hissé par son mariage dans la bonne société, il parvient à convaincreFrançois Ier du bien-fondé de son entreprise. Le roi lui alloue la somme de six mille livres pour une expédition de découverte du grandpassage du nord-ouest. L'équipage français, composé d'une soixantaine de matelots sur deux navires, hisse les voiles le. Après avoir traversé l'Atlantique Nord et longé la côte ouest de Terre-Neuve, il arrive dans baie duSaint-Laurent, découvrant ce qui deviendra leCanada, avant de venir le. Il effectue un second voyage en mai 1535, où il arrive au village indigène deStadaconé, le site actuel deQuébec[95].
Les navigateurs britanniques étaient souvent descorsaires.
Ces explorations enrichirent considérablement les relevéscartographiques (voirMercator). Elles permirent auxEuropéens d’identifier de nouvelles terres émergées et d’affiner les contours descontinents.
La première conséquence économique de la découverte duNouveau Monde fut un afflux considérable demétaux précieux. On emploie de plus en plus l'or, l'argent, lefer, lecuivre, en majorité ramenés du nouveau monde. L'essentiel fut converti enmonnaie, entraînant une hausse sensible des prix. On estime qu'entre 1450 et 1550, lamasse monétaire en Europe a été multipliée par huit. La deuxième conséquence est que l'Espagne, pays dominant de cette période, a acquis sa puissance politique, économique, et militaire non par le travail de ses habitants, mais par l'accès à un stock de monnaie[98].
Un autre phénomène de l'époque, qui favorise la vente de biens économiques, la communication, les voyages et donc aussi la diffusion d'idées à caractère artistique et philosophique, est l'émergence de grandes sociétés bancaires, commerciales et de transport opérant dans toute l'Europe. Avec le déclin de l'importance de l'interdit de l'Église sur le paiement des intérêts, les banques lombardes en particulier, comme celles des familles florentinesBardi etPeruzzi, ont financé les grands projets économiques, artistiques ou militaires des cours européennes auXIVe siècle. Au siècle suivant, de grandes maisons de commerce comme celle desMédicis voient le jour. Au début duXVIe siècle,Jacob Fugger a transformé un commerce de draps en une grande société qui faisait le commerce de marchandises, d'opérations de crédit et de mines de métaux dans toute l'Europe et jusqu'en Amérique du Sud et en Inde. Parallèlement, laMaison de Tour et Taxis met en place des liaisons postales à travers l'Europe. Ils ont également permis aux banques d'effectuer des transactions plus rapides et, en plus de transporter des lettres, ont également transporté des personnes, des marchandises et de l'argent. Un espace économique européen relativement efficace a rapidement émergé.
Cette situation va donner naissance à un courant de pensée économique appelémercantilisme, qui dura tout au long desXVIe et XVIIe siècles. Plus particulièrement, le courant de pensée cherchant à définir larichesse à partir de la quantité d'or détenue s'appelle lebullionisme.Adam Smith, le père fondateur de l'économie moderne, critiqua vivement le mercantilisme dansla Richesse des Nations (1776), non que le commerce descolonies lui déplût, mais il y voyait une richesse essentiellement princière.
Le traitéDe architectura deVitruve, déjà connu des érudits médiévaux, de Pétrarque et de son disciple Dondi, fut redécouvert parPoggio Bracciolini (Le Pogge),Cencio dei Rustici etBartolomeo Aragazziau au monastère de Saint-Gall pendant le concile de Constance en 1416[99]. Vitruve fut « découvert » à la Renaissance au sens où ce fut seulement à cette époque que son œuvre commença à influencer la pratique de l'architecture[100].
AuMoyen Âge, leschâteaux étaient d'austères monuments édifiés pour l'autodéfense d'un territoire ou d'un pays et la protection de la population environnante. C'est l'archétype même duchâteau fort. Cependant, en France dès le milieu duXVe siècle avec la fin de laguerre de Cent Ans, l'influence architecturale de la Renaissance italienne commence à se faire sentir et du château fort traditionnel, on va passer au siècle suivant au règne des châteaux-palais si présents aujourd'hui dans la vallée de laLoire mais aussi ailleurs (Fontainebleau,le Louvre,Chambord,Chenonceaux,Amboise,Blois,Villers-Cotterêts…).
Ainsi, l'ère de la Renaissance laissa la place aux édifices qui misaient tout sur l'esthétique plutôt que sur la défense. C'est alors que disparurent mâchicoulis, créneaux, ponts-levis, meurtrières et douves, pour laisser la place aux somptueux jardins géométriques, aux symétries des châteaux, aux immenses fenêtres, aux colonnes, aux frontons et aux autres ornements qui pourraient montrer toute la puissance du propriétaire du château.
C'est donc sur l'esthétique que l'on mise et non sur la défense. Le but étant d'attirer l'œil sur la richesse et montrer le pouvoir du roi ou du prince. C'est une des caractéristiques les plus visibles de la Renaissance.
AuXIVe siècle,Pétrarque, d'originetoscane, passe pour être (avecDante au siècle précédent), l'un des pères de la Renaissance. C'était unérudit, qui maîtrisait la langue latine. Il voyagea dans toute l'Europe, séjourna enAvignon, et séjourna aussi dans le nord de l'Italie à la fin de sa vie. Il eutGiovanni Boccaccio comme disciple.
L'appellation « Renaissance » est ici aussi problématique : après tout, la littérature n'était pas morte et l'Âge d'or (1530-1560) est finalement assez court et évolue très rapidement vers le Baroque. La poésie compose alors un ensemble assez polymorphe et disparate.
D'un côté, quelques formes médiévales subsistent - que l'on songe notamment àMarot utilisant les formes du rondeau, de la ballade de l'épître, formes qui tombent en désuétude avec la Pléiade.
Parallèlement, de nouvelles formes apparaissent telles que l'ode, lesonnet, l'élégie, le discours ou l'églogue mais aussi d'autres plus longues telles que les longs poèmes cosmologiques deScève, les Hymnes deRonsard qui concentrent sur un thème l'ensemble des savoirs et les poèmes dramatiques (qu'ils soient comiques ou tragiques).
Pour autant cette distinction par formes n'est pas toujours évidente, encore moins pertinente et les arguments permettent tout aussi bien de discriminer la poésie de la Renaissance :
héroïques : peu de réalisations ;
satiriques : sur la base des poètes latins, ces œuvres visent la condamnation des vices ;
tragiques ;
comiques : ayant pour modèlePlaute etTérence, les poètes ridiculisent les défauts de toujours (avarice…) et certains acteurs de la société (courtisanes…) ;
lyriques avec pour sujets l'amour, le vin, les joutes… dans une imitation d'Horace ou Théocrite ;
poésie d'épanchements amoureux et religieux sur le modèle de Pétrarque notamment ;
poésie religieuse.
Les formes permettent un classement d'autant moins pertinent qu'un recueil est alors souvent composé avec différents genres et différents registres.
La poésie demeure le genre dominant, produit de la Divine fureur (lafuror) envoyée par les Muses.Pontus de Thiard distingue d'ailleurs quatre fureurs divines : la fureur poétique (don des muses), l'intelligence des mystères et religions inspirée par Bacchus, la divination (don d'Apollon) et enfin la passion amoureuse inspirée par Vénus.
Concernant le portrait chezHans Memling,primitif flamand, Jean-Pierre Stroobants, correspondant du journalLe Monde en Belgique, précise (07/08/2005) : « (Memling) a innové en introduisant des décors (paysages, intérieurs, fonds), qui, malgré leur foisonnement de détails, n’enlèvent rien à la sobriété des tableaux et à l’étrangeté des personnages. L’étude du visage, des mains, du corps donne à la majorité de ces œuvres un caractère envoûtant et permet àTill-Holger Borchert, conservateur du musée Groeninge, d’affirmer que c’est bien Memling qui transmit à tout le sud de l’Europe les caractéristiques et les innovations du portrait primitif flamand, qui allait notamment influencer les peintres florentins, vénitiens ou lombards »[102].
AuXVe siècle, lespolyphonies se développèrent à l'origine dans les Flandres, en Angleterre et en Bourgogne. La polyphonie est une musique écrite pour deschœurs à plusieurs voix en musique sacrée ou profane. Elle nécessitait des règles d'harmonie afin de bien entendre les voix simultanément. Les instruments utilisés étaient alors lesflûtes, leshautbois (chalemie,bombarde,douçaine…), l’épinette, la viole de gambe…
Lasculpture de la Renaissance est plus précoce que dans les autres arts. En effet, les hommes de la Renaissance disposent encore de sculptures antiques alors que les peintures ont plus largement disparu. C'est pourquoi la Renaissance en matière de sculpture peut être datée, quant à son origine, duXIIIe siècle.
L'art de la guerre évolue de manière importante durant la Renaissance. L'infanterie reprend sa place de cœur de l'armée aux dépens de lacavalerie, principalement par l'assimilation de la technique du carré de pique par la plupart des armées occidentales. Ce modèle, introduit notamment par les cantonssuisses au bas Moyen Âge, prévaudra sur les champs de bataille jusqu'à laguerre de Trente Ans. L'arquebuse prend une place de plus en plus importante dans les armées de la Renaissance. l'arme étant meilleur marché qu'unearbalète[104] et son utilisation ne requérant pas un entrainement aussi poussé que pour l'utilisation efficace de l'arc, elle remplace, à quelques exceptions près, les armes de traits sur le champ de bataille.
La cavalerie elle aussi utilise les armes à feu et un nouveau type de cavalerie apparaît en Allemagne dans les années 1540, lesreître. Ils sont armés depistolets et leurs chevaux, contrairement à ceux des gendarmes ne sont pas bardés.
L'artillerie elle aussi fait son entrée sur le champ de bataille, autrefois réservés aux sièges les canons sont alors devenus une arme de campagne avec notamment les canon-orgues et les coulevrines, armes à dessein antipersonnel uniquement.
Leroi contrôlait directement le royaume à l’aide d’uneadministration mieux structurée, surtout enFrance et enEspagne. Il s’agissait encore d’uneadministration très légère, puisqu’elle comptait environ 1 500 fonctionnaires enFrance.
Il fallut imaginer un système dedroit adapté à la nouvelle forme de monarchie.
Par ailleurs, en France, la langue française devint à cette époque la langue officielle du droit et de l’administration, grâce à l’édit de Villers-Cotterêts (François Ier,1539), qui vint appuyer lasouveraineté du roi.
Les théoriciens du droit qui se démarquent furent notammentJean Bodin, juriste français, etMachiavel, humaniste italien.
Quelques autres techniques permirent un renouveau économique et commercial, inventées ou importées d'autres régions du monde. L'horloge mécanique apparaît en Europe dans les années 1270-1330 et remplace lessabliers ethorloges à eau pendant la Renaissance[106].
L'usage de laverrerie et des vitres se développa auXVIe siècle. L'île deMurano fut un important centre de production dès la fin duXIIIe siècle[107]. Dans le textile, lerouet et letricot furent perfectionnés et généralisés. Le procédé de l'amalgame apparaît pour le traitement de l'argent.
Au début de la Renaissance, il existe en Europe une véritable passion pour lesépices :poivre,cannelle,gingembre,clous de girofle,safran,muscade, etc. Les épices servaient à relever la cuisine, et à conserver les viandes. On leur prêtait aussi des propriétés médicinales. Les épices provenaient d'Inde, de Ceylan, des îles de la Sonde (Indonésie) et de la Chine. De cette dernière provenaient aussi les laques et les soieries. Laroute de la soie, qui permettait d'acheminer les produits chinois, fut coupée par l'avancée des Turcs. un des grands motifs des voyages portugais vers l'Inde, et bientôt la Malaisie et l'Indonésie, fut le désir de parvenir sur les lieux mêmes de la production des épices. Les Espagnols découvrirent chez les Aztèques du Mexique l'usage de lavanille et ducacao, qu'ils firent connaître en Europe. Lacanne à sucre, qui avait pénétré grâce aux Arabes dans le bassin méditerranéen, fut introduite par les Espagnols et les Portugais aux Canaries et à Madère, puis ils implantèrent sa culture dans les Antilles et dans les régions chaudes et humides de l'Amérique[111].
L'humanisme survécut à la révolution scientifique, mais sa place se fit plus étroite. Le programme des écoles latines resta plus ou moins le même jusqu'au début duXIXe siècle. Dans les universités, laphilosophie mécaniste commença à remplacer l'aristotélisme vers 1650, mais mit plus d'un siècle à l'évincer totalement[113].
En littérature, la Rome d'Urbain VIII vit fleurir une seconde renaissance romaine, sur le modèle de celle de Léon X. Aux Pays-Bas, la renaissance littéraire se prolonge jusqu'aux années 1660 avec le dramaturge et poèteJoost van den Vondel. En France,Boileau etRacine peuvent être perçus comme des humanistes, par le style qu'ils utilisent et leurs imitations des Anciens[113].
La curiosité encyclopédique d'érudits comme le jésuite allemandAthanasius Kircher ou le SuédoisOlaus Rudbeck font penser à des humanistes antérieurs. Les œuvres complètes d'Érasme sont rééditées à Leyde par Jean Leclerc de 1703 à 1706. En Allemagne,Gotthold Ephraim Lessing etJohann Gottfried Herder, qui se sont intéressés l'Humanität, peuvent être qualifiés d'humanistes tardifs[115].
En Angleterre, on a parlé d'humanisme augustéen à propos du cercle deSamuel Johnson, parce qu'il entendait rivaliser avec les réalisations culturelles de Rome. Il y eut un mouvement d'humanisme civique dans la Grande-Bretagne duXVIIIe siècle et en Amérique du Nord au moment de larévolution, avec un souci des vertus citoyennes des libertés et de la vie active inspiré de la Renaissance florentine[116].
Développements du mouvement dans les arts et l'architecture
L'hôtel de ville de Sheffield construit dans le style Renaissance.
En peinture, la grande manière se perpétua, notamment avecNicolas Poussin qui vécut à Rome. Les traditionnels séjours d'artistes en Italie se sont poursuivis.Vélasquez s'y rendit en 1629,Mengs en 1740,Reynolds en 1749,Romney en 1773, etc. Ils visitaient l'Italie non seulement pour étudier l'Antiquité, mais Raphaël, Titien et Michel-Ange. Les Académies des beaux-arts formèrent toujours les peintres et les sculpteurs à imiter l'antique[117].
AuXIXe siècle, lesnazaréens étaient un groupe de jeunes artistes allemands qui vécurent à Rome à partir de 1810, et qui étaient hostiles au néoclassicisme de Mengs et à son idole Raphaël. Ils adoraient Masaccio et Fra Angelico. De mêmeDante Gabriel Rossetti et ses amis voulaient revenir à la période antérieure àRaphaël, d'où leur nom, « confrérie préraphaélite ». Ce fut à cette époque et dans ces cercles que l'on redécouvritBotticelli[118].
La Renaissance s'est manifestée par un changement important de vision du monde par rapport au Moyen Âge, qui a eu des répercussions considérables aux époques moderne et contemporaine. Certains auteurs, tels Michel Maxime Egger et Jean-Claude Larchet, pensent que les racines de lacrise écologique sont à situer à partir de la Renaissance.Jean-Claude Larchet distingue un ensemble de facteurs, parmi lesquels nous détaillons ci-dessous ceux plus directement en rapport avec la Renaissance telle que décrite dans cet article[120] :
L'humanisme
L'humanisme est une exaltation de l'homme considéré en lui-même, pour lui-même. L'humanisme, même s'il ne nie pasDieu, le rejette dans l'au-delà et affirme la totale autonomie de l'homme par rapport à Lui. Ce n'est plus Dieu qui sert de référence, mais l'homme qui devient la mesure de toute chose[121].
Le naturalisme
La Renaissance se définit à la fois par un retour à l'Antiquité grecque et par un retour à lanature (les deux étant liés), ouvrant la voie aunaturalisme. L'humanisme, en ramenant tout à l'homme (c'est-à-dire en excluant Dieu) ramène toute chose à une dimension purement naturelle, c'est-à-dire exclut le surnaturel ou réduit sa part. L'art de la Renaissance abandonne le caractère symbolique de l'art médiéval dans la représentation de l'homme et de la nature[121].
La conquête duNouveau Monde a été fondée sur une volonté des États européens d'accroître leur pouvoir en étendant leurs territoires, mais aussi de développer leur économie grâce à une exploitation de ces terres nouvelles et de la commercialisation de leurs produits. Cela a sans doute contribué à modifier l'image de la nature qu'avaient les populations européennes, en y voyant un stock de ressources exploitables et monnayables. Les conquérants ont fait preuve d'une absence totale de scrupule vis-à-vis de la nature, en comparaison des populations indigènes qui avaient un sens développé de lasacralité de la nature[123].
↑John Hale,la civilisation de l'Europe à la Renaissance, Perrin, 1993, trad. 1998
↑« Dante, Pétrarque, Boccace : Les lettres et l’humanisme »,L'éléphantno 17,lire en ligne
↑René Pellen, Francis Tollis,La Gramatica castellana d'Antonio de Nebrija : Grammaire d'une langue, langue d'une grammaire, éditions Lambert Lucas, 2011
↑Agnès Blanc,La Langue du Roy est le français. Essai sur la construction juridique d'un principe d'unicité de langue de l'État royal (842-1789), 2010
↑Dolors Folch, « Zheng He, l'explorateur qui a fait de la Chine une grande puissance navale », National Geographic, 19 octobre 2020, nationalgeographic.fr,lire en ligne
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs, p. 53
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs, p. 62 et 81
↑La dénomination Indes occidentales pour l'Amérique provient du fait que Colomb, ignorant l'existence du continent américain, pensait avoir atteint les Indes
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs, p. 54 à 61
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs, p. 58
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↑Numa Broc, Saint-Dié et le baptême de l'Amérique : Albert Ronsin,Découverte et baptême de l'Amérique, 1992,lire en ligne
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs,p. 114-115
↑Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs,p. 182-183
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↑Pierre Gros,Vitruve et la tradition des traités d’architecture,lire en ligne
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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Jean-Marc Chatelain et Gennaro Toscano,L'Invention de la Renaissance : L'humaniste, le prince et l'artiste, BnF éditions,, 264 p.(ISBN978-2717729597)..
Bertrand Jestaz,L'art de la Renaissance, Citadelles & Mazenod, 1984 (réed. 2207),(ISBN978-2-85-088089-6)
Didier Le Fur,Une autre histoire de la Renaissance, Paris, Perrin, 2018, 250 p.
Jean-Pierre Poussou (dir.),La Renaissance : des années 1470 aux années 1560 : enjeux historiographiques, méthodologie, bibliographie commentée, Armand Colin, Paris,2002,(ISBN2-200-26364-3)
Thierry Wanegffelen (dir.) « La Renaissance », Ellipses, Paris, 2002,(ISBN2-7298-1273-3)
Colette H. Winn et Cathy Yandell,Vieillir à la Renaissance, Éditions Honoré Champion, 2009, 416 p.,(ISBN978-2-7453-1746-9)
Till-Holger Borchert, directeur de Musea Brugge (les 16 musées de Bruges),"Le siècle de Van Eyck - 1430-1530 - Le monde méditerranéen et les primitifs flamands" - catalogue de l’exposition "Jan Van Eyck, les primitifs flamands et le sud, 1430-1530" organisée par le Groeningemuseum deBrugge-Bruges - Ludion - 2002
Till-Holger Borchert, directeur de Musea Brugge (les 16 musées de Bruges),"Les portraits de Memling" - catalogue de l’exposition "Les portraits de Memling" :Museo Thyzzen-Bornemisza Madrid, GroeningemuseumBrugge-Bruges,The Frick Collection New York - Ludion - 2005
Textes réunis par Grégoire Hltz, Jean-Claude Laborie et Franck Lestringant,Voyageurs de la Renaissance, Gallimard, 2019, 579 p.
Véronique Ferrer, Olivier Millet, Alexandre Tarrête (dir.),La Renaissance au grand large. Mélanges en l'honneur de Frank Lestringant, Droz, Genève, 2019, 864 p.
Collectif,Le Grand livre des explorateurs et des explorations, France Loisirs, préface dePaul-Émile Victor, 1991