Les modalités de la politique de Reconstruction furent débattues dans le Nord pendant la guerre de Sécession et les premières expérimentations, comme l'expérience de Port-Royal, eurent même lieu dès 1861. Les premières politiques furent toutefois mises en œuvre après laproclamation d'Émancipation, le, lorsque lesÉtats confédérés passèrent l'un après l'autre sous le contrôle de l'armée de l'Union. L'orientation de Lincoln visait à assurer rapidement le rétablissement de l'unité du pays, en favorisant une politique d'amnistie qui devait permettre d'associer à nouveau rapidement les élites du Sud à la gestion du pays. Le, Lincoln énonça leplan de 10 % qui postulait la réintégration des États sudistes dans l'Union dès lors que 10 % des électeurs de 1860 auraient prêté allégeance[1]. Le présidentAbraham Lincoln put ainsi installer dès 1864 plusieurs gouvernements « reconstruits » dans les États duTennessee, de l'Arkansas et laLouisiane.
LeCongrès, à cette époque contrôlé par lesRépublicains radicaux, proposa le projet de loi Wade-Davis qui exigeait que la majorité des électeurs prêtât leserment de loyauté pour réadmettre l'État sudiste au Congrès. Lincoln mit sonveto et le fossé s'élargit entre les modérés, qui voulaient sauver l'Union et gagner la guerre, et les radicaux, qui voulaient effectuer un changement plus complet dans la société du Sud[2]. Durant la Reconstruction, le Congrès fit trois amendements à laConstitution, garantissant la fin de l'esclavage, le suffrage pour les anciens esclaves, l'égalité des droits et l'inéligibilité des sécessionnistes aux responsabilités politiques.
Après l'assassinat de Lincoln, le présidentAndrew Johnson, ancien sénateur du Tennessee et propriétaire d'esclaves, suivit une politique plus indulgente envers les ex-confédérés. Il nomma de nouveaux gouverneurs à l'été 1865 et déclara rapidement que les objectifs de la guerre — unité nationale et abolition de l'esclavage — avaient été atteints et que la Reconstruction était par conséquent achevée. Il n'y eut aucuneréquisition ou confiscation, aucune plantation ne fut divisée ni morcelée. Au contraire, Andrew Johnson fit expulser les Noirs des parcelles de terrains que certains généraux nordistes leur avaient distribuées. De manière générale, la structure économique du Sud, construite sur des caractéristiques racistes, fut totalement conservée. Le système des métayers, forme d'exploitation proche de l'esclavage, fut créé pour les Noirs[3].
Les États du Sud avaient profité également de la période pour voter desCodes noirs restreignant fortement les droits desAfro-Américains nouvellement affranchis. Ils adoptèrent une série de lois interdisant la possession d'armes par les Noirs, le droit de réunion après le crépuscule, et « l'oisiveté ». AuMississippi, la loi leur interdit également de posséder de la terre. EnCaroline du Sud, elle leur interdit l'exercice de toutes professions « artistiques, commerciales ou industrielles », leur permettant seulement de devenir domestiques ou valets de ferme. Plusieurs États (ainsi qu'au Nord, comme l'État de New York) leur interdirent le droit de vote sous divers prétextes (suffrage censitaire, interdiction de vote pour les analphabètes, etc.)[3].
La société nordiste ne connut pas non plus de changement particulier. Les soldats démobilisés ne bénéficièrent pas de programme d'aide pour retrouver du travail ou un logement[3].
Les républicains élus au Congrès s'opposèrent toutefois à Johnson et la victoire desrépublicains radicaux lors des élections législatives de 1866 leur assura la domination au Congrès pour conduire la « Reconstruction radicale ». Le Congrès supprima les gouverneurs civils des États du Sud, à l'exception de celui du Tennessee, et plaça les anciens États confédérés sous l'administration de l'armée. Dans dix États, des coalitions de nordistes (lescarpetbaggers), de sudistes qui soutenaient la Reconstruction (lesscalawags) et d'esclaves affranchis coopérèrent sous la bannière duParti républicain pour former des gouvernements. Ils lancèrent des programmes de reconstruction qui s'appuyaient sur des hausses d'impôts pour établir et étendre le réseau ferré et construire des écoles publiques.
Les opposants conservateurs dénoncèrent l'étendue de la corruption qui entourait ces opérations. Toutefois, six des anciens États confédérés sont réintégrés dans l'Union dès l'été 1868 ; les quatre derniers le seront l'année suivante[4]. L'émergence duKu Klux Klan, qui manifestait une opposition violente à l'égard des esclaves libérés et des tenants de la Reconstruction, conduisit en1871 à l'intervention du présidentUlysses S. Grant, qui interdit et démantela le groupe.
En 1877, les Noirs américains émancipés du Sud, virent la fin de leur brève expérience de pleins droits civiques avec le retrait définitif des troupes fédérales.Winslow Homer évoque cette époque où se disloque et persiste laculture afro-américaine, héritage de l’esclavage. La figure centrale représente un personnage d'une célébration de Noël connue sous le nom de Jonkonnu, autrefois observée par les esclaves deCaroline du Nord. Enraciné dans la culture desAntilles britanniques, le festival mélangeait les traditions africaines et européennes.
Les démocrates conservateurs, qui se désignaient sous le nom de « redeemers » (rédempteurs), regagnèrent État par État le contrôle du Sud, en utilisant parfois lafraude et la violence pour faire pencher les élections locales en leur faveur. Lecompromis de 1877, la fin de l'occupation militaire du Sud, l'amnistie massive votée par le Congrès en 1872 et la perte des trois derniers États contrôlés par les Républicains marquèrent la fin de la Reconstruction.
Elle fut suivie par une période, désignée par les Blancs du Sud sous le nom de « Rédemption », où l'ensemble des droits accordés aux Afro-Américains fut remis en cause par l'adoption deslois Jim Crow qui créèrent de nouveau uneségrégation raciale. LeCivil Rights Cases de1883 puis l'arrêtPlessy v. Ferguson marquèrent la reconnaissance par les instances fédérales du nouveau rapport de force qui prévalait dans le Sud.
Sur le plan économique, les différentes propositions de réformes agraires qui devaient distribuer la terre aux affranchis (40 acres et une mule etBureau of Refugees, Freedmen and Abandoned Lands) furent rapidement abandonnées au profit d'unstatu quo qui maintenait la concentration de la terre aux mains de l'aristocratie du Sud. Le modèle dumétayage se répandit largement, en imposant aux affranchis un taux d'endettement qui les maintenait dans une situation deservitude vis-à-vis de leurs anciens maîtres.
« Durant toute la Reconstruction, les nôtres [la population noire], partout dans le Sud, s’en remettaient entièrement à l’État fédéral, comme un enfant se repose sur sa mère. Cela n’avait rien d’anormal. L'Union leur avait rendu la liberté, et la nation entière s’était enrichie pendant plus de deux siècles grâce au travail des Noirs. Que ce soit dans ma jeunesse ou plus tard, à l’âge d’homme, il m’est toujours apparu que l’État fédéral avait commis une cruelle erreur, à notre libération, en manquant de prendre des dispositions, en sus de celles que prendrait chaque État, pour assurer une instruction à notre peuple et lui permettre d’être mieux préparé à ses devoirs civiques »