Lerecensement (dulatinrecensere, « passer en revue ») est une opérationstatistique de dénombrement d'unepopulation. Les recensementsdémographiques existent depuis l'Antiquité (Chine,Égypte,Hébreux que laBible mentionne à plusieurs reprises ;Rome), mais leur signification ainsi que leurs méthodes ont évolué.
Les premiers recensements connus sont organisés enÉgypte, sous lesPharaons, et enChine (le premier aurait eu lieu il y a 4 000 ans[1], le plus célèbre ayant été ordonné par ladynastie des Han en l'an 2 afin de compter la population — 57 671 400 habitants mais en cette occasion seules les familles imposables avaient été prises en compte[2] —, déterminer les revenus et le nombre de soldats mobilisables[3]).
L'Ancien Testament évoque, à plusieurs reprises, le dénombrement des hommes, qui doit obéir à des règles strictes, dictées àMoïse dans leLivre des Nombres (Bemidbar, chapitre I, 1-46 et II, 3-34).
Bas-relief de l'autel de Domitius Ahenobarbus, représentant une opération de recensement : un employé assis enregistre la déclaration d'un citoyen, tandis que le censeur en mettant la main sur l'épaule d'un citoyen l'affecte dans unecenturie militaire.
Sous les Romains, le recensement existe, mais avec une fonction bien différente. Lecens, qui devient une institution fondamentale de laRépublique romaine, est en effet lié à la « censure » (exercée par un magistrat spécialisé, lecenseur) et à la surveillance desmœurs.
La plus ancienne loi romaine connue sur l'état civil est prise vers 550 av. J.-C. parServius Tullius : les naissances des citoyens sont déclarées au gardien du trésor du temple deJunon Lucina, les décès à celui du temple deLibitina et la prise de latoge virile à celui du temple de la jeunesse.
Sous la République, le cens organise le peuple (populus) en un corps civique structuré et hiérarchisé. À chaque citoyen, lecenseur attribue un rang permettant de préciser sa dignité, ses droits et ses devoirs envers la cité. Ce rang dépend essentiellement du patrimoine foncier[5].
Ainsi, selonGramaye,Sanderus ouL. Guicciardini, on compte et note, à certaines époques, le nombre de personnes se présentant à la communion àPâques. Puis leconcile de Trente (session 24) ordonne (avec un succès très relatif) de tenir dans chaque église curiale des« Registres des baptesmes, mariages et personnes mortes ». L'Édit perpétuel[Quoi ?] du 12 juillet 1611 renforce l'habitude de tenir des registres plus exacts.
Parallèlement, après deux recensements en 1591 et 1717, lacouronne de Castille organise ainsi un nouveau recensement minutieux, lecadastre d'Ensenada, en 1747. De façon analogue, leroyaume de Suède ordonne à l'Église de Suède d'effectuer les premiers recensements en1686, avant d'établir un bureau spécialisé, laTabellverket (Bureau des Tables), en1749. Les premiers recensements suédois, étudiés par l'historienEli Heckscher (1879-1952), servent notamment à s'assurer de la pratique duluthéranisme ainsi qu'à compter le nombre d'hommes mobilisables.
Dans leroyaume de France (cf. aussi infra), l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, qui concerne les baptêmes et sépultures, rend obligatoire la tenue des registres paroissiaux, jusqu'ici encore rares[7]. L'Ordonnance de Blois (1579) ordonne la transmission de ces registres à l'État, qui centralise ces données par le cabinet d'archives créé en 1595 parSully.
Après laRévolution de 1789, un décret duDirectoire, du29 prairial an IV, fait passer ce devoir d'enregistrement auxcommunes, instaurant ainsi l'état civil laïc. Certaines familles tenaient aussi des livres de familles, notamment les famillesjuives, où étaient inscrits les naissances, alliances, décès de leurs membres, ainsi que divers autres évènements.
Lié à l'avènement de lastatistique et effectués sur le modèle deslivres de compte des marchands, l'idée d'effectuer des recensements réapparait ainsi à l'Époque moderne, chez des auteurs commeBodin,Juste Lipse ouMontchrestien, dans le sillage de la littérature sur laraison d'État puis dumercantilisme. Celui-là considérait en effet la population comme une richesse de l'État qu'il convenait de préserver voire d'augmenter.
L'Empire Inca effectue également des recensements, enregistrés sur lesquipus[8], ces cordelettes de couleur dont les nœuds fondent un système de calcul. Cette modalité très particulière d'enregistrement du recensement fut aussi utilisée après lacolonisation, parallèlement aux moyens occidentaux (registres de papier)[9].
Le recensement de la population enAustralie (enanglaisAustralian Census) est réalisé tous les cinq ans par leBureau australien des statistiques, situé àCanberra. Le dernier recensement a été effectué en 2021[10]. La participation au recensement est obligatoire.
Des recensements ont eu lieu en 1901, 1911, 1921, 1933, 1947 et 1954, puis la période de cinq ans a été introduite en 1961.
EnBelgique, proclaméeindépendante en 1830, le premier recensement fut organisé en1846 par le « Bureau de Statistique Générale » et la « Commission centrale de Statistique » sous la direction d'Adolphe Quetelet, célèbrestatisticien. Le mode de travail était largement inspiré du recensement de1829 sous lerégime néerlandais. Les résultats étaient cumulés parcommune. Le recensement suivant date de1856 et une loi prévoyait dès lors l'organisation de l'enquête tous les dix ans.
Le dernier recensement fut tenu le1er mars1991. À la suite d'une modification de la loi, il fut ensuite aboli. Le1er octobre2001, l'Institut national de statistique organisait une dernière « Enquêtesocio-économique générale », adressée à toutes les personnes inscrites dans le registre de la population à ce moment. Le taux de participation pour cette dernière enquête s'élevait à 96,9 %, supérieur de trois pour cent à celui du dernier recensement classique de 1991.
Les recensements sont effectués tous les cinq ans, soit la première et la sixième année de chaque décennie.
Bien que depuis 2006, la procédure de recensement favorise les questionnaires en ligne, il est encore possible de faire la demande pour remplir un questionnaire papier.
Le recensement de la population en France permet d'établir le nombre officiel d'habitants de chaquecommune française. Ce nombre est indispensable à l'application de 351 articles législatifs de 28 codes différents. En particulier, il permet le calcul :
En1328 se produit le premier recensement à l'échelon national : « L'État des paroisses et des feux ». Il est réalisé pour des raisons essentiellement fiscales. Le résultat montre que la population française est à cette époque de16 à 17 millions d'habitants, alors que la population italienne est de8 à 10 millions et la population anglaise de3 à 3,5 millions.
Sous l'Ancien Régime, les dénombrements sont exprimés en « feux », ce mot étant pris dans le sensfoyer,famille. Pour estimer le nombre d'habitants d'après celui donné en feux, on peut appliquer un coefficient multiplicateur de 3 à 5[14]. Certains dénombrements donnaient le nombre de gabellants (sujets de8 ans et plus), lagabelle étant un impôt sur le sel.Vauban est un ardent organisateur de dénombrements. Dès1790, la notion de feu disparait.
Avant laRévolution française, très peu de recensements sont organisés sur l’ensemble du territoire. On peut citer celui du libraireClaude-Marin Saugrain, « Dénombrement du Royaume » (publié en1709 et réactualisé en1720) et celui de l'abbéJean-Joseph Expilly (vers 1760) « Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France ».
Depuis1801, un recensement général de la population est organisé tous les cinq ans, jusqu'en1946 (sauf quelques-uns supprimés ou retardés en temps de guerre). L'opération étant jugée trop coûteuse et difficile à organiser, les gouvernements successifs ont essayé d'espacer la date du recensement suivant. Les deux précédents recensements généraux ont eu lieu en1990 et en1999. Cet intervalle de neuf ans était trop long. Désormais un recensement partiel a lieu chaque année, de façon que toutes les communes soient couvertes dans un cycle de cinq ans. Mayotte est le dernier département français ayant fait l'objet d'un recensement général de la population en 2017[15].
En France, depuis 1946, le dénombrement de la population est organisé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La méthode de recensement a changé en 2004[16]. Il est désormais annuel, et fondé sur des estimations, alors qu'il était auparavant fondé sur un comptage exhaustif (effectué par des visites à domicile) et organisé tous les huit ou neuf ans. Le recensement général de la population de 1999 aura ainsi été le dernier recensement concernant toute la population en même temps. Depuis 2004, avec la mise en place d'un recensement annuel tournant, tous les habitants ne sont plus recensés la même année :
les communes de moins de 10 000 habitants réalisent désormais une enquête de recensement exhaustive tous les5 ans, à raison d'un cinquième des communes chaque année ;
les communes de 10 000 habitants ou plus réalisent tous les ans une enquête par sondage, auprès d'un échantillon de 8 % des logements. La collecte s'effectue en janvier et en février (en février et mars à la Réunion). Les 25 000 agents recenseurs déposent une notice internet permettant une réponse en ligne, ou des questionnaires papier si une réponse en ligne est impossible.
Début avril 2010, plus de deux millions de fonctionnaires indiens sont envoyés en campagne de recensement décennal de la population nationale. Les données biométriques seront recueillies auprès des citoyens de plus de15 ans. À l'issue de ce recensement, les citoyens majeurs seront immatriculés avec une carte et un numéro d'identité nationale. Ce recensement est quantitativement le plus important de l'histoire de l'humanité[17].
Une première approche de recensement national : le registre des familles[18], a été mise en place au Japon, en 1872, par legouvernement de Meiji, premier gouvernement national de l'empire du Japon. Le premier recensement national de la population japonaise a été réalisé en 1920, suivant les directives d'une loi promulguée en 1902[19]. Une enquête démographique a été effectuée tous les cinq ans depuis[20]. La loi sur les statistiques[21] de 1947, révisée en 2007, précise les modalités du processus de recensement et du traitement des données, et fixe à tous les dix ans la périodicité du recensement à grande échelle[19]. En 2015, le recensement national a été conduit par le bureau des statistiques duministère des Affaires intérieures et des Communications, il a mobilisé 700 000 agents recenseurs dans tout le pays. Le questionnaire utilisé pour la récolte des informations a aussi été diffusé via internet, afin d'améliorer le taux de réponses, en diminution du fait, notamment, de la généralisation des dispositifs decontrôle d'accès physique à l'intérieur des habitations collectives[19],[22].
Affiche du premier recensement de la population d'URSS, en 1926.Il y a eu un total de sept campagnes derecensement de la population en Union soviétique. La première campagne de recensement de la population d'URSS a eu lieu en1926. Seuls six de ces recensements ont été rendus publics, lesrésultats du recensement de 1937, deuxième recensement de l'histoire de l'Union soviétique, ayant été classés et jamais publiés.
↑Manuel Medrano, Gary Urton, "Toward the Decipherment of a Set of Mid-Colonial Khipus from the Santa Valley, Coastal Peru",Ethnohistory (2018) 65 (1): 1-23.Abstract.
↑P.Meuriot, « Du calcul de la population par feux »,Journal de la société française de statistique,vol. 57,,p. 455–457(lire en ligne, consulté le)
↑« Recensement de la population 2017 : c'est maintenant »,service-public.fr,(lire en ligne)
↑Un numéro spécial de INSEE Méthodes « Pour comprendre le recensement de la population » édité par l'Insee est paru en mai 2005 à ce sujet, et fait un point assez complet sur ce changement; Alain Godinot,Insee Méthodes, N° Hors Série de mai 2005 :Pour comprendre le recensement de la population
↑« L'Inde lance une radioscopie géante de la population »,Le Monde,.