La découverte du rayonnement cosmique a lieu au début duXXe siècle avec les observations deVictor Franz Hess effectuées en 1912 depuis un ballon. Il est identifié initialement à travers son rôle dans l'ionisation de l'atmosphère terrestre. L'observation directe depuis le sol des composants les plus énergétiques du rayonnement cosmique n'est pas possible car celui-ci interagit avec l'atmosphère lorsqu'il la pénètre et produit des particules secondaires. Il faut attendre la fin des années 1950 pour pouvoir effectuer les premières observations directes grâce à des instruments embarqués à bord desatellites artificiels ou deballons stratosphériques. Le rayonnement cosmique de forte énergie constitue au même titre que lerayonnement électromagnétique une source unique d'informations sur des phénomènes d'origine galactique et extragalactique. Mais ses caractéristiques (énergie, rareté) rendent difficiles des observations précises. Par ailleurs les interactions importantes avec le milieu galactique et extragalactique viennent compliquer l'interprétation des données recueillies en vue de déterminer sa source et de sa nature.
Une partie des rayons cosmiques de basse énergie (relativement au reste des rayons cosmiques : de l'ordre duMeV), piégée par lechamp magnétique terrestre, participe à la formation desceintures de Van Allen. Les rayons galactiques ou extragalactiques peuvent nous traverser, interférer avec l'ADN, traverser la roche et les bâtiments et profondément pénétrer lessols et sous-sol planétaires. Ils contribuent, à hauteur de 14 %, à la radioactivité naturelle totale de la surface de la Terre.
La première observation conduisant à la découverte des rayons cosmiques a lieu en 1900, lorsque lephysicienCharles Thomson Rees Wilson découvre que l’atmosphère est continuellement ionisée. Il suppose alors que ce phénomène est dû au rayonnement naturel de laTerre. Ses recherches sur l'électricité atmosphérique, l'ionisation et lacondensation le conduisent à concevoir la premièrechambre à brouillard.
Hess estime également que ce rayonnement est électriquement neutre. Cette hypothèse est remise en question en 1928 lorsqu'on découvre que l'essentiel du rayonnement atteignant la surface de la Terre est constitué de particules chargées. Millikan suppose alors que ces dernières résultent de l'interaction entre les rayons neutres de l'espace (rayonnement gamma) et les molécules de l'atmosphère.Arthur Compton démontre que le rayonnement est en fait variable suivant la latitude où il est mesuré (plus faible à l'équateur qu'aux pôles) du fait de l'influence duchamp magnétique terrestre, prouvant ainsi qu'il s'agit de particules chargées.
Schéma d'une cascade atmosphérique produite par un proton.
En1938, l'astronome françaisPierre Auger découvre que la pénétration des particules déclenche desgerbes atmosphériques constituées de particules dites « secondaires » — par opposition aux particules « primaires » constituant le flux avant son interaction avec l'atmosphère.
Les sources des rayons cosmiques ultra-énergétiques sont encore inconnues. Les deux principales hypothèses sont que les rayons cosmiques ultra-énergétiques proviennent de la fusion detrous noirs supermassifs ou d'explosions desupernovas.
Il s'agit pour sa partiechargée principalement deprotons (88 %), noyaux d'hélium (9 %), le reste étant constitué d'électrons, de différentsnucléons (particules constituant les noyaux d'atomes) ainsi que de quantités infimes d'antimatière légère (antiprotons etpositrons). La partie neutre est quant à elle constituée derayons gamma ainsi que deneutrinos. Cette dernière n'est pas toujours décomptée dans le rayonnement cosmique.
Les particules primaires (arrivant sur l'atmosphère) ont une énergie qui peut atteindre 1020eV. En dehors desneutrinos, les particules détectées au sol sont essentiellement des particules secondaires issues degerbes atmosphériques, d'énergie bien inférieure.
Spectre du rayonnement cosmique primaire : flux d'astroparticules au sommet de l'atmosphère terrestre, exprimé en nombre de particules par unités de surface (m²), de temps (s), d'angle solide (sr) et d'énergie (GeV).
Les particules de basse énergie (zone jaune) viennent surtout du Soleil, celles d'énergie intermédiaire (bleu) de notre galaxie, et celles de haute énergie (violet) sont extragalactiques.
Le spectre du rayonnement est la fonction reliant le flux incident de particules à leur énergie. Les figures ci-contre ont uneéchelle logarithmique pour intégrer la très grande amplitude des valeurs des énergies et des flux. Le spectre donné ici est celui durayonnement primaire, c'est-à-dire avant l'interaction de ce rayonnement avec l'atmosphère.
Ce spectre est manifestement « non-thermique », c'est-à-dire qu'il ne résulte pas de l'émission d'un corps à une température donnée (spectre decorps noir). La pente de la droite montre que le flux décroît rapidement selon une loi de puissance. L'exposant de la loi de puissance est appelé l'« indice spectral ». Sa valeur globale est de 2,8.
Il existe toutefois deux ruptures de pente remarquables[3], bien qu'assez discrètes à l'œil nu :
Les particules les plus énergétiques proviennent de l'espace interstellaire et intergalactique. Une partie de ces particules est déviée par levent solaire — à l'origine desaurores polaires — qui apporte pour sa part essentiellement desions et desélectrons. Ainsi l'activité solaire a un effet mesurable sur la quantité de rayonnement d'origine galactique reçue[6].
Pour les particules les plus énergétiques, leszetta-particules, au-delà de la cheville (4 × 1019eV) les observations restent encore très peu nombreuses (moins d'une gerbe par an dans des observatoires très spécialisés comme leFly's Eye de l'université de l'Utah ou l'Akeno Giant Air Shower Array (Réseau d'Akeno pour les Cascades Géantes Atmosphériques)[7].
En2017 les premières confirmations de l'origine géographique du rayonnement haute-énergie sont données par la publication du résultat de 12 ans de mesures faites depuis 2004 à l'Observatoire Pierre-Auger àMalargüe enArgentine[8] : ce rayonnement est clairement extragalactique, venant de galaxies situées dans une partie de l'espace située au-delà des confins de la Voie lactée. L'observatoire a en effet capté et étudié environ 30 000 rayons présentant des énergies dépassant8 × 1018 électrons-volts. L'étude de la distribution angulaire de leurs entrées dans l'atmosphère a fini par mettre en évidence un motif (légèrement dipolaire[8]) sur lasphère céleste. Ce motif était situé à l'opposé de la direction de laVoie lactée. Ce flux émanerait donc d'un excès de galaxies situé à une centaine de millions d'années-lumière. Reste à comprendre le mécanisme de sa production ; les spécialistes penchent pour des phénomènes nés de l'environnement d'énormestrous noirs et/ou de l'effondrement d'étoiles super-massives[9].
LeBig Bang, labaryogénèse, la matière noire sont les cadres de recherche qui utilisent les techniques expérimentales développées en physique des particules pour faire de l'astronomie à haute et très haute énergie. Les thématiques principales de recherche sont :
Plusieurs méthodes de détection des rayons cosmiques à partir du sol sont actuellement utilisées. Les télescopes Tcherenkov détectent des rayons cosmiques de basse énergie (<200 GeV) en analysant leurrayonnement Tcherenkov, desrayons gamma émis lorsqu'ils traversent l'atmosphère à des vitesses supérieures à lavitesse de la lumière dans l'air[10]. Ces télescopes distinguent très efficacement les radiations du fond de ciel et celles d'origine atmosphérique, mais ne peuvent fonctionner que par des nuits claires et sans lune, et ont unchamp visuel très étroit. Un autre type de télescope Tcherenkov utilise le même effet dans l'eau[11] ; ces deux types de télescopes sont couplés (de façon unique au monde) à l'observatoire Pierre-Auger.
La détection degerbes (enanglais :Extensive Air Shower, ou EAS) est une autre méthode, consistant à mesurer les particules chargées provenant de l'interaction d'un rayon cosmique avec l'atmosphère, à l'aide de panneaux descintillateurs organiques (en plastique). Cette méthode permet d'observer des rayons cosmiques beaucoup plus énergétiques, sur une large étendue de ciel, et environ 90 % du temps ; mais elle est moins efficace pour distinguer les rayons cosmiques d'autres types de radiations que ne le font les télescopes Tcherenkov.
Une troisième méthode fut développée par Robert Fleischer,P. Buford Price(en), etRobert Walker(en) pour être utilisée dans desballons-sondes en haute altitude[12]. Des feuilles de plastique transparent (par exemple enpolycarbonate, de 0,25 mm d'épaisseur), sont superposées et exposées directement aux rayons cosmiques, qui provoquent des ruptures de liaisons chimiques ou desionisations du plastique. Au sommet de la pile, l'effet est moindre, en raison de la grande vitesse des particules, mais, la vitesse diminuant, l'ionisation augmente en traversant les différentes feuilles ; en dissolvant le plastique, on creuse alors des cavités coniques, qui sont mesurées (avec un microscope de forte puissance). Ces cavités sont différentes pour chaque trajectoire, ce qui permet de mesurer la charge et l'énergie du rayon cosmique ayant traversé le dispositif : cette méthode est d'ailleurs également utilisée pour détecter les noyaux produits dans unefission nucléaire.
Moniteur à neutrons de Kerguelen.
Pour mesurer le rayonnement cosmique de basse énergie (450MeV -15GeV),John A. Simpson a mis au point le moniteur à neutrons dès 1948. Ces moniteurs, utilisant un principe similaire auxcompteurs geiger, se sont notamment développés à l'occasion de l'année géophysique internationale de 1957 (compteur de type IGY). Leurs successeurs, les supermoniteurs NM64, sont actuellement les plus utilisés. Le réseau mondial de moniteurs sert notamment à l'étude des éruptions solaires à protons (GLE pour Ground Level Enhancement), deséjections de masse coronale (CME) conduisant à uneffet Forbush(en)[a], ou encore à l'estimation des doses de radiations reçues par le personnel navigant[14]. Depuis 2007, la majorité des moniteurs à neutrons distribuent leurs données en temps réel grâce au réseau mondial de moniteurs à neutrons (NMDB(en)) qui fédère, en 2017, une quarantaine de stations.
Une dernière méthode utilise deschambres à brouillard[15] ou deschambres à bulles[16] pour détecter lesmuons secondaires créés lors de la désintégration d'unpion. Les chambres à brouillard en particulier sont aisées à fabriquer, même dans un simple laboratoire de lycée.
La capacité desmuons cosmiques à traverser la matière peut être exploitée entomographie. En effet, l'atténuation du flux de particules est fonction de la densité du milieu traversé. Cette technique a notamment été utilisée par leprix Nobel de physiqueLuis Walter Alvarez afin de rechercher des chambres cachées dans lapyramide de Khéphren, enÉgypte, mais n'a pas donné de résultats probants dans ce cas. De récents travaux conduits auvolcan de la Soufrière, enGuadeloupe, laissent également présager une application à lagéophysique[17]. Les rayons cosmiques servent aussi à mesurer l'épaisseur de neige : le NRC (nivomètre à rayonnement cosmique) est utilisé parEDF[18].
Ce rayonnement qui représente 15 % de la radioactivité naturelle terrestre[19] peut êtreionisant et susceptible de casser l'ADN, de causer des cancers et des malformations génétiques. Au niveau du sol il est largement dispersé par la magnétosphère ou bloqué par l'atmosphère et ses particules en suspension. Cependant le personnel navigant des avions eta fortiori les astronautes peuvent y être exposés de manière plus significative (ex. :Dose efficace annuelle de 2 à 5 mSv sur des vols long-courriers[14]), d'autant plus que l'avion vole à haute-altitude[14]. En France, au début des années 2000, unSystème d’information et d’évaluation par vol de l’exposition au rayonnement cosmique dans les transports aériens (dit « projet SIEVERT ») a été mis en place en lien avec lescompagnies d'aviation et les organismes professionnels vise à instaurer unedosimétrie réglementaire, opérationnelle pour les compagnies, permettant uncalcul de dose pour chaque vol sur la base de paramètres réels (prenant notamment en compte leséruptions solaires (GLE), avec« estimation de dose et information pour le public »[14].
Un séjour de plus de quatre ans sur la planèteMars dépasserait les limites de sécurité en matière d'exposition aux rayonnements cosmiques pour l'espèce humaine, notamment les rayonnements provenant de l'extérieur du système solaire. Cette donnée rendrait sacolonisation impossible[20].
Les rayons cosmiques sont suffisamment énergétiques pour altérer l’état d’un composant électronique d’un circuit intégré, pouvant provoquer des erreurs transitoires, telles que des corruptions de donnée dans lamémoire vive ainsi qu’une mauvaise exécution duprocesseur, souvent appelées des « soft error(en) » (à ne pas confondre avec des erreurs logicielles provoquées par des erreurs de programmation ou un bogue). Ce fut un problème pour l’électronique en très haute altitude, tel que les satellites, mais avec des transistors devenant de plus en plus petits, cela devient une plus grande préoccupation[21]. Des études menées parInternational Business Machines (IBM) dans les années 1990, suggèrent que les ordinateurs subissent par mois environ une erreur par tranche de 256 mégaoctets de mémoire vive à cause de rayons cosmiques[22]. Pour réduire ce problème,Intel a proposé un détecteur de rayon cosmique qui pourrait être intégrés aux futursmicroprocesseurs ayant une faible finesse de gravure, permettant au processeur d’exécuter de nouveau la dernière commande suivant le rayon cosmique[23].
Ainsi lors desélections législatives belges de 2003, un rayon cosmique a eu pour conséquence un excès de 4 096 voix pourMaria Vindevoghel dans le canton deSchaerbeek[24].Les rayons cosmiques sont également suspectés d’être la cause d’un incident de vol survenu en 2008, lorsqu'un avion de ligneAirbus A330 de la compagnieQantasplongea deux fois sur une centaine de mètres après un mauvais fonctionnement inexpliqué du pilotage automatique. Plusieurs passagers ainsi que des membres de l’équipage furent blessés, dont certains sérieusement. Après cet incident, les enquêteurs de l’accident ont déterminé que le système de contrôle de vol avait reçu un pic de données inexpliqué, et que tout le système fonctionnait parfaitement. Une mise à jour logicielle a été faite dans tous les avions de ligne A330 et A340, permettant de filtrer électroniquement ces pics de données[25].
Pour contrer ces effets sur la microélectronique, il existe des techniques dedurcissement aux radiations.
Les rayons cosmiques ont un effet sur la formation de certainsnuages, par la formation de nouveaux aérosols (de minuscules particules en suspension dans l'air, qui constituent legerme des gouttelettes des nuages)[26]. Les rayons cosmiques agissent sur les vapeurs organiques issues des arbres (biogènes), et augmentent le taux de production d'aérosol d'un facteur 10 à 100[27]. L'expérienceCLOUD, au CERN, étudie actuellement les effets des rayons cosmiques sur la formation des nuages[26].
↑Nolwenn Lesparre,Mise au point d'une méthode de tomographie géophysique utilisant les muons d'origine cosmique, thèse soutenue le 30 septembre 2011 à l'Institut de physique du globe de Paris.
↑« Grâce aux neutrinos du soleil, EDF analyse le manteau neigeux »,Le Monde,(lire en ligne).