Candidat de l'UDF à l'élection présidentielle de 1988, pour laquelle il est un temps donné favori dans les sondages. Il arrive finalement en troisième position avec 16,5 % des suffrages exprimés, le plaçant derrièreJacques Chirac etFrançois Mitterrand. Il est député duRhône de 1978 à 2002 et maire deLyon de 1995 à 2001.
Classé aucentre droit et proche de l'UDF, Raymond Barre est l’une des rares personnalités politiques contemporaines à avoir occupé d'aussi hautes fonctions sans jamais avoir été membre d'unparti politique.
Raymond Barre est le fils de René Barre (1898-1975), négociant, et de Charlotte Déramond (1902-2002). René Barre, fils d'un directeur de pénitencier en poste à laGuyane puis enNouvelle-Calédonie, s'est engagé au service de la France en 1915, à l'âge de 17 ans. Il était alors amoureux de l'héritière d'une grande famille, Charlotte Déramond, fille d'Octave Déramond, chirurgien, et de Marie Martin (issue des Martin, riches sucriers). Les parents de Raymond Barre se marient à La Réunion le et ont deux filles (Anne-Marie et Marguerite Marie)[2] et un fils. Ils se séparent lorsque Raymond Barre a quatre ans, à la suite d'une affaire frauduleuse dans laquelle son père est impliqué. Jugé aux assises le avec son associé et conseiller Jules Bocquée[3], René Barre est finalement acquitté, mais les Déramond ne peuvent tolérer que leur honneur et leur réputation aient été salis. Il ne revoit jamais plus son père, mort le[1].
À l'exception de quelques mois àParis en 1934, Raymond Barre passe son enfance sur son île natale de La Réunion, dans l'imposantecase créole de Saint-Denis appartenant à son grand-père maternel et dans laquelle il est né. Cette villa, qui fut habitée par le poèteLéon Dierx, est aujourd'hui appeléevilla Déramond-Barre[4].
Le débarquement des Alliés permet le ralliement de l'île à laFrance libre, sous la houlette dugénéral Legentilhomme. C'est l'occasion pour Raymond Barre de rejoindre les troupes de la France combattante. Mobilisé à l'âge de vingt ans, il met de côté son vœu d'étudier lamédecine àMontpellier, comme l'avait fait le reste de sa famille avant lui[4]. Après son instruction à La Réunion sur la batterie de lapointe des Galets, il part en 1945 pourMadagascar rejoindre son régiment d'artillerie duCEFEO et débarque àTamatave, d'où il doit s'embarquer pour l'Indochine. Mais lesAméricains ne voient pas d'un très bon œil que la France rétablisse sa souveraineté sur l'Indochine, si bien qu'ils ne fournissent pas les navires de transport nécessaires avant la fin de laSeconde Guerre mondiale[5].Démobilisé, il prend le bateau pourParis le[4].
Le, Raymond Barre épouse Eva Hegedűs (1920-2017), qu'il a rencontrée àTunis[7]. D'originehongroise, elle est fille de l'avocat Barthélémy Hegedüs et de Berthe Salamon[8]. Ils ont ensemble deux fils : Olivier (né en 1955) et Nicolas (né en 1961)[9].
Ses obsèques sont célébrées par l'archevêque de ParisAndré Vingt-Trois le dans la chapelle du Val-de-Grâce, en présence de nombreuses personnalités[11] dont le président de la RépubliqueNicolas Sarkozy. Le même jour, l'ancien Premier ministrePierre Messmer, décède lui aussi à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce[12].
Durant sa formation d'économiste, il fait la connaissance deFrançois Bourricaud et deRaymond Aron[14]. C'est également durant cette période qu'il devient un admirateur d'Alexis de Tocqueville. À cette même période il fait aussi connaissance de deux amis d'Aron qui deviendront aussi ses amis, l'historienEric Dardel et l'éditeurÉric de Dampierre. Ce dernier publiera outre la traduction de Barre de l'ouvrage d'Hayek intituléScientisme et science sociales, des ouvrages deMax Weber,Talcott Parsons etLeo Strauss.
Jeune, il est influencé par l'économisteFrançois Perroux, qu'il qualifie sa vie durant d'« éminent maître ». Se noue entre eux une relation queChristiane Rimbaud, la biographe de Raymond Barre, qualifie de« presque paternelle » de la part de Perroux. Les deux hommes resteront proches et Raymond Barre présidera, à la mort de son maître à penser, la fondation François Perroux. Sous son influence, il s'intéresse àJoseph Schumpeter ainsi qu'à un de ses disciplesPaul Sweezy et à son livreThe theory of Capitalist Development. En cette période d'après-guerre très marquée par le marxisme, il aborde également l’œuvre de Marx[15]. À cette époque, il collabore aussi à la revueCritique d'Éric Weil, à laquelle contribuent aussiClaude Lévi-Strauss etAlexandre Kojève.
Barre présente sa thèseLa Période dans l'analyse économique. Une approche de l'étude du temps en, un thème qui lui a été proposé parAndré Piatier alors directeur de la conjoncture à l'INSEE. Son directeur de thèse estAndré Marchal[16]. Cette thèse, si l'on en croitThierry de Montbrial[17], lui apprend« que les mécanismes économiques s'inscrivent dans la durée : les phénomènes d'anticipation, de mémoire, jouent un rôle essentiel ».
S'il passe en 1949 l'agrégation, c'est parce que Piatier lui a dit que l'enseignement lui apportera la liberté qui convient à son caractère[18]. Après l'agrégation, il va enseigner àTunis, où il fait la connaissance dePhilippe Malaurie.Jean-Claude Paye, qui est alors son étudiant, note :« Ce qui nous frappait le plus : son aptitude à établir des liens entre l'économie, la politique et l'histoire »[19]. C'est également à Tunis qu'il fait connaissance de Eva Hegedüs qui deviendra sa femme[20].
Raymond Barre a pour habitude de rédiger entièrement ses cours. Aussi quandMaurice Duverger demande àAndré Marchal de rédiger un manuel d'économie politique et que ce dernier lui délègue cette tâche peut-il s'en acquitter sans trop de problème. Ce livre qui connaît un grand succès, assoit la position de Barre en tant qu'économiste[21]. PourJean-Claude Casanova, qui a été son étudiant et qui sera plus tard membre de son cabinet ministériel, cet ouvrage« est le premier manuel moderne d'économie des facultés de droit »[22].
Chef de cabinet au ministère de l'Industrie (1959-1962)
En mai 1958, lors du retour au pouvoir dugénéral de Gaulle, il fait partie d'une délégation française chargée d'étudier la planification russe où figureJean-Marcel Jeanneney. Dans leur ensemble, les membres de cette délégation sont hostiles au retour du général, Raymond Barre au contraire se refuse à voir en lui« un apprenti dictateur » et est favorable à ce retour. Revenu à Paris, Jeanneney, qui fait partie duComité Rueff-Armand, n'hésite pas à le consulter. Quand il est appelé fin 1958 à entrer au gouvernement, comme ministre de l'Industrie, il demande à Raymond Barre d'être son chef de cabinet. Au départ, leur arrivée au ministère est accueillie avec scepticisme par les hommes du Corps de mines qui dominent dans cette administration mais très rapidement, le ministre et son chef de cabinet s'imposent[23].
Au moment où Jeanneney et Barre sont au ministère de l'Industrie se produit la libéralisation des échanges et la baisse de 10 % des droits de douane avec les partenaires dutraité de Rome. Malgré les craintes, les choses se passent bien[24]. En 1961, lors de la fermeture de mines de charbon deDecazeville dans le cadre duplan Jeanneney, Barre doit négocier avec les grévistes. Enfin, pour accroître la concurrence sur le marché du pétrole, le ministre commence à envisager la création d'un groupe pétrolier d’État, Elf[25].
En avril 1962, un nouveau Premier ministre,Georges Pompidou, arrive et Jean-Marcel Jeanneney quitte le ministère, tandis que Barre est rendu à l'enseignement[26].
Après son départ du ministère de l'Industrie, il est d'abord professeur à Caen, puis à compter de 1963 à Paris[25].
Parallèlement à son travail de professeur, il est choisi en 1963 par le ministre des finances Valéry Giscard d'Estaing, pour faire partie d'un groupe d'experts qui doit, sous la gouverne d'un ancien directeur général des impôts, préparer le budget de ce pays pour 1963. Il fait également partie du comité Maurice-Lorain chargé d'un rapport sur le financement des investissements en France. Il débouchera notamment sur la création desSICAV[27].
Il est également membre de la commission du Financement ducinquième plan de 1965 à 1967, il est membre d'une commission chargée de la mise en œuvre d'une politique des revenus qui débouchera sur la création duCentre d'étude des revenus et des coûts[25].
À la fin de son mandat de commissaire européen, il retrouve l'enseignement et entame une série de conférences en Pologne[28]. Il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), faisant partie d'une nouvelle génération de professeurs d'économie qui renouvellent son enseignement au sein de l'école, aux côtés deGabriel Pallez, deJean Saint-Geours et d'autres[29]. Il dirige le mémoire deJacques Attali[30].Joseph Fontanet, alors ministre de l'Éducation nationale, lui demande un rapport sur la refonte du second cycle du secondaire et de l'enseignement supérieur. Il préconise d'en finir avec« les sélections camouflées[31] », et d'adopter des unités de valeur capitalisables. Il suggère également une certaine autonomie des universités.
En 1974, la mort deGeorges Pompidou le prive du poste de commissaire au plan, Valéry Giscard d'Estaing préférant nommerJean Ripert[32]. En 1975, il est membre d'une commission dirigée parAntoine Jeancourt-Galignani chargée de transformer l'aide à la pierre en une aide personnalisée au logement qui deviendra l'APL[33].
En juin 1967, legénéral de Gaulle le fait appeler et lui dit qu'il a deux postes à pourvoir, celui de commissaire général au plan et celui de commissaire européen. Il répond qu'il connait mieux le plan, ce à quoi le Général lui répond qu'il le comprend mais qu'il a besoin à Bruxelles de« gens dynamiques et jeunes »[25].
De Gaulle, sur la recommandation deJean-Marcel Jeanneney, consulte à plusieurs reprises Barre sur les questions monétaires[34]. Aussi n'est-il pas surprenant qu'il pense à lui et ce d'autant que le gouvernement français veut conserver le poste de commissaire chargé de l'économie et des finances que détenait le commissaire européen sortantRobert Marjolin[35],[36]. Sur le fond, alors que Robert Marjolin est« de tradition européenne supranationaliste », Barre est plus gaulliste[37]. Il convient de noter ici que sa nomination intervient alors que tous ont en tête lapolitique de la chaise vide pratiquée par la France en 1965 et le compromis de Luxembourg de début 1966 qui prévoyait que les décisions européennes devaient être prises à l'unanimité lorsque sont en jeu des« intérêts très importants » pour un pays[35].
Au départ il est vu comme l'homme du général De Gaulle et est accueilli avec méfiance. Toutefois, son pragmatisme et son réalisme joint au fait qu'il est« un homme d'un commerce agréable »[38] qui aime la bonne chère joint à son professionnalisme le font accepter très vite et lui permettent d'être nommé vice-président de laCommission européenne jusqu'à la fin de son mandat en 1973[1].
Après lesévénements de mai 1968, le franc est attaqué. Le gouvernement deMaurice Couve de Murville fait d'abord preuve de rigueur avant, pour une raison que Barre n'a jamais élucidée, de se relâcher en septembre. Le 21 décembre assistant en tant que vice-président de la Commission à une conférence des ministres des finances européens, il constate que la dévaluation du franc est voulue par les autres pays dont l'Allemagne, qui refuse de réévaluer le mark et admise parFrançois-Xavier Ortoli le ministre français des finances. L'ambiance n'est pas vraiment pro-française et Raymond Barre sort de cette conférence« effondré, physiquement malade »[39].
À Paris,Jean-Marcel Jeanneney et d'autres s'opposent à la dévaluation et veulent convaincre le général de Gaulle de ne pas dévaluer. Ce dernier qui ne demande que cela accueille bien les arguments de Raymond Barre et de Jean-Marcel Jeanneney quand ils lui exposent qu'il peut ne pas dévaluer, car la France dispose des crédits nécessaires et que, de plus, il est possible de jouer sur d'autres leviers tels que la hausse de la TVA et la suppression de l'impôt sur les salaires pour rétablir la compétitivité du pays[40]. Le général De Gaulle refuse alors la dévaluation[41]. Mais, quelque temps plus tard, le chef de l'État annonce le référendum sur la régionalisation. Les milieux d'affaires prévoyant sa défaite recommencent à attaquer le franc. Deux mois après son élection, le nouveau présidentGeorges Pompidou dévalue de 12,5% en août 1969. Barre voit dans cette décision« le point de départ de la longue période d'inflation galopante que connaîtra le pays »[42]
Son mandat a été marqué par son action en faveur de l'union économique et monétaire entre les six États membres de laCommunauté économique européenne. C'est à son initiative qu'a été élaboré un mémorandum en sur la politique monétaire de la Communauté économique européenne, préconisant un dispositif d'assistance réciproque entre les États membres, et la définition d'une unité de compte européenne. Le, un document connu sous le nom de « premier plan Barre », propose ensuite au nom de laCommission européenne une « convergence des orientations nationales » ainsi qu'une « concertation des politiques économiques ». Pour l'universitaire Frédéric Lebaron, il s'agit d'« une des premièrespolitiques d’austérité de la périodenéolibérale qui s’ouvre alors »[43]. Au Sommet deLa Haye, les gouvernements des six États membres de la CEE se donnent pour objectif l'Union économique et monétaire : le plan Barre sert alors de travail préparatoire. Puis, le, laCommission européenne présente auConseil de l'Union européenne une communication appelée « deuxième plan Barre » proposant trois étapes devant aboutir en 1978 à uneUnion économique et monétaire. Ce document servira de base à la constitution du groupe présidé parPierre Werner, qui va élaborer le document connu sous le nom de « Plan Werner », étape suivante dans l'histoire de l'Union économique et monétaire européenne ayant mené à l'euro.
Négociations sur l'entrée du Royaume-Uni dans l'Union européenne
L'arrivée au pouvoir deGeorges Pompidou change du tout au tout la position de la France vis-à-vis de l'entrée duRoyaume-Uni dans la Communauté européenne[44]. Quoique anglophile, Raymond Barre n'est pas de ceux qui veulent avancer à tout prix. Selon lui, il y a des obstacles dans deux domaines : le domaine monétaire et le domaine agricole où ce pays est un gros importateur. Par ailleurs, il doute de la conviction européenne des Britanniques[45]. En tant que vice-président de la Commission chargée des affaires économiques et financières, il rédige un rapport« dense, complet mais contraignant » et s'attend à des négociations animées. Or, lors de la réunion décisive en juin 1971, le négociateur britanniqueGeoffrey Rippon fait une déclaration floue dont le gouvernement français, par la voie de Valéry Giscard d'Estaing, se déclare« tout à fait satisfait »[46]. Cette déclaration surprend tout le monde et rend Barre furieux, lui faisant dire :« Cet accord, c'est zéro, plus zéro, plus zéro »[46]. Si l'on en croitChristiane Rimbaud[44],Georges Pompidou tient à faire entrer le Royaume-Uni dans la Communauté parce qu'il il veut un contrepoids face à une Allemagne qui s'affirme de plus en plus économiquement et qu'il s'inquiète de l'Ostpolitik menée par le chancelierWilly Brandt.
Lorsqu'il est àBruxelles, paraît le rapport Meadows intituléLes Limites à la croissance. Ce rapport inspire àSicco Mansholt vice-président de la commission chargé de l'agriculture des propositions qu'il adresse au président de la CommissionFranco Maria Malfatti[47]. L'inquiétude porte d'abord sur le différentiel entre la croissance de la population humaine prévue et la croissance des ressources alimentaires. Mais dans sa lettre il évoque aussi ses interrogations sur le sens du travail, sur l'égalité des chances, sur le sens de la démocratie et les rapports entre pays pauvres et pays riches[47]. Pour faire face à ces problèmes, il propose uneéconomie planifiée chargée d'assurer un minimum vital ainsi qu'entre autres mesures la suppression des allocations familiales[48]. Pour réfléchir à la réponse à donner, une réunion est organisée à Venise, qui alimentera le rapport de la commission que Barre mettra en forme en réponse à la lettre de Mansholt. Dans ce rapport, il s'oppose à l'idée decroissance zéro qui est en filigrane dans ces rapports ainsi qu'à l'idée d'un dirigisme organisant la pénurie. Il fait au contraire, dans une perspective à laJoseph Schumpeter, confiance à la créativité des hommes pour faire face aux défis futurs[49].
À Bruxelles, selon sa biographeChristiane Rimbaud, Raymond Barre s'ouvre au monde et est« amené à s'éloigner quelque peu du modèle d'économie mixte qui prévalait jusque-là en France, pour évoluer vers une vision plus libérale de la politique économique[50] ». Toujours soucieux de s'ouvrir au monde, il se laisse convaincre par un jeune professeur d'économie suisseKlaus Schwab, de l'aider à créer leForum de Davos. De même c'est à cette époque qu'à la demande dePaul Delouvrier, il adhère à laTrilatérale, club fondé par le professeur degéostratégieZbigniew Brzezinski[51].
Il résume les problèmes économiques du pays le par la formule « la France vit au-dessus de ses moyens »[56],[57] et annonce le « plan Barre »[58], qui semble « inséparable » et « intégré » avec la création du SME[59], découlant du comité intérimaire du FMI de Kingston (Jamaïque) en janvier 1976[59], où « les changes flottants ont été légalisés »[59].Parmi les mesures annoncées dans ce « plan Barre » le, qui fera« les gros titres des journaux »[60],[61],[62] :
cotisations de Sécurité sociale relevées pour tout le monde;
prix de la vignette augmenté de 43 % 127 %, taxes sur le super de 27 centimes[58].
La création du SME sera cependant retardée à 1979[59].
La CFDT dénonce une « opération de sauvetage des intérêts patronaux », la CGT une « régression sociale »[58], et même la Bourse sombre dans la morosité[58] tandis queJacques Chirac fonde le RPR en décembre[58], face à l'impopularité du gouvernement[59],[58]. Les résultats sont mitigés: l'inflation revient à 9,9 %[58],[59] grâce aublocage des prix[58] mais le chômage, qui n'est plus l'ennemi prioritaire[59], augmente de 10 %[58],[59].
Son plan de restructuration de la sidérurgie en 1979, consistant à quasi-nationaliser les usines concernées, sauvegarde uneindustrie sidérurgique en France qui donnera plus tard naissance au groupeArcelor. Ce plan implique la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, et de violents mouvements de protestations en découlent. Il permet néanmoins de reconstruire un groupe plus moderne et créateur d'emplois. Son gouvernement engagera de plus leplan nucléaire. Cependant, sa politique est contestée par la gauche, mais aussi par le parti gaulliste[63], l'obligeant durant ses fonctions à engager dix fois la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale[1]. Il en gardera toujours une rancœur contre leRPR[63].
Raymond Barre met en place à la fin de son passage à Matignon une discrèterelance budgétaire, appeléerelance Barre. Deux fois moins coûteuse que larelance Chirac, elle est composée d'une multitude de baisses de charges pour les particuliers. Le manque de cohésion dans les mesures ne permet pas au gouvernement Barre de bénéficier du regain de popularité espéré[64].
Par ailleurs, son passage à Matignon est marqué par la mort, en 1979, dans des circonstances qui donnent lieu à uneimportante polémique, du ministre du Travail,Robert Boulin. Alors que selon la version officielle le cadavre de Robert Boulin n'a été retrouvé dans un étang de laforêt de Rambouillet qu'à 8 heures 40, Raymond Barre affirme avoir été prévenu de la découverte du corps dès 3 heures du matin[65], comme l'attestent les propos qu'il a tenus en au micro deBenoît Collombat, reporter àFrance Inter et auteur d'Un homme à abattre[66],[67], et comme il le répètera dans son livreL'Expérience du pouvoir (2007)[68]. Ce délai de plus de cinq heures aurait permis de maquiller un possible assassinat du ministre en suicide ; l'hypothèse de l'implication du RPR, qui s'inquiétait de la possible nomination à Matignon de Robert Boulin, qui était membre du parti gaulliste, est évoquée[65].
Le, à la suite de l'attentat de la rue Copernic, il déclare :« Cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic[69] ». Cette déclaration ayant suscité une polémique, l'intéressé, prenant la parole le à la tribune de l'Assemblée nationale, tient à assurer ses « compatriotes juifs » de la « sympathie de l'ensemble de la nation ». Peu avant sa mort, Raymond Barre a nié avoir tenu ces propos et imputé les protestations de l'époque au« lobby juif le plus lié à la gauche »,« capable de monter des opérations qui sont indignes »[70],[71],[72],[73].
Au début de 1981, la cote de popularité de Raymond Barre est au plus bas, ce qui conduitValéry Giscard d'Estaing à le maintenir à l'écart de sacampagne présidentielle[1]. Leprésident de la République avait même un temps envisagé de changer de chef de gouvernement[74]. Cette impopularité sera considérée comme un facteur de l'échec de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1981[75],[74].
Raymond Barre annonce, après la victoire du candidat socialisteFrançois Mitterrand à l'élection présidentielle, la démission de son gouvernement. Il souligne les aspects positifs de son action et condamne ceux qui ont « joué au quitte ou double le sort de laVe République »[76]. Le Premier ministre prédit par ailleurs que la gauche sera obligée de revenir dans les trois ans à la politique qu'il avait menée[77]. Raymond Barre expédie lesaffaires courantes jusqu'à l'investiture de François Mitterrand à la présidence de la République, le, et à la nomination de son successeur à Matignon,Pierre Mauroy.
Dans les années 1980, il écrit également dans la revue duClub de l'horloge,Contrepoint[78].
Après le refus deValéry Giscard d'Estaing de se présenter à l'élection présidentielle de 1988, les différentes composantes de l'UDF se prononcent en faveur de la candidature de Raymond Barre. Celui-ci n'est pourtant pas membre de l'UDF, souhaitant rester un « homme au-dessus des partis » et s'estimant « inclassable[1] ». Il se déclare candidat le, aupalais des congrès de Lyon.
Les sondages le donnent longtemps présent au second tour, devantJacques Chirac, et certains le donnent même vainqueur face àFrançois Mitterrand[79]. Pendant la campagne, les intentions de vote en sa faveur diminuent et il obtient finalement 16,55 % des voix au premier tour, mais l'écart avec Jacques Chirac est moins important que prévu[63],[80]. En vue du second tour, il apporte son soutien à Chirac face àFrançois Mitterrand[63]. Plus tard, ce dernier rendra hommage à Raymond Barre en le qualifiant de « véritable homme d'État ». Raymond Barre se définira comme « un homme carré dans un corps rond[63] ».
À la demande insistante deJacques Chirac, il brigue le mandat de maire deLyon contreMichel Noir auxélections municipales de 1995, et obtient en échange la promesse d'un sommet duG7 dans la ville. Il ambitionne de faire de Lyon « le cœur du Grand Sud-Est européen »[81] tout en s'engageant à ne pas augmenter les impôts de plus de 3 %. La liste qu'il conduit l'emporte au second tour, le, avec 47,5 % des voix[82],[83]. Lors de cette élection, il ne parvient pas à maintenir tous les arrondissements de la ville à droite, la gauche en remportant trois sur neuf, tandis que leFront national obtient deux élus[83]. Il est élu maire par le nouveau conseil municipal le[82],[83].
Son engagement financier le pousse à préférer des lignes de tramways aux projets de métro, et à réduire diverses activités au service des familles. Il lance l'idée de la refonte du quartier de la Confluence, qu'il souhaite confier àRicardo Bofill, mais la complexité des expropriations et les règles des appels d'offres l'obligent à laisser ce projet à son successeur. Fin, est inauguré le prolongement de laligne D de Gorge de Loup à Gare de Vaise.
Sur le plan culturel, il conduit la rénovation et la mise à la disposition des artistes desSubsistances, ex intendance militaire. Il fait également inscrire en 1998 leVieux Lyon aupatrimoine de l’humanité, grâce à une action intensive menée parRégis Neyret.
Au niveau de laCOURLY, Raymond Barre instaure une politique d’attributions des vice-présidences aux divers groupes, en vue de plus larges consensus.
Dès le début de son mandat de maire, il annonce qu'il n'effectuera qu'un mandat à la tête de la ville. Le socialisteGérard Collomb lui succède à la suite desélections municipales de 2001. Raymond Barre se retire de la vie politique l'année suivante, ne briguant pas un nouveau mandat de député auxélections législatives de 2002.
Le Canard enchaîné précise que ses héritiers — qui ont racheté la villa de leur père àSaint-Jean-Cap-Ferrat pour 14 millions d’eurosvia une société dont ils ont le contrôle, ce qui laisse planer d’autres soupçons de blanchiment[87] — ont fini par se mettre en règle avec l'administration fiscale en versant un million d'euros de pénalités. Selon l'hebdomadaire, la procédure judiciaire s’est par la suite enlisée mais est toujours en cours. Ces révélations conduisent les médias à s’interroger sur la provenance des fonds en question, dont le montant semble peu compatible avec les revenus déclarés de l'intéressé. L’hypothèse d'une utilisation desfonds spéciaux est évoquée[87],[88].
En 2020, les fils de Raymond Barre sont mis en examen pour « blanchiment de fraude fiscale aggravée »[89]. Les observateurs soulignent que cette affaire met à mal l’image de probité dont Raymond Barre bénéficiait jusque-là[90]. Les fils de Raymond Barre obtiennent un non-lieu le 21 novembre 2022, information qui n'est rendue publique par leparquet national financier qu'au début du mois de février 2023[91].
Membre du réseau mondialAspen Institute, il fonde l'Institut Aspen France en 1983[94] dont il fut président de 1994 à 2004 puis président d'honneur jusqu'à sa mort.
En 2008, une esplanade Raymond-Barre est inaugurée àLyon, dans le sixième arrondissement[98]. Lepont Raymond-Barre est mis en service sur leRhône en 2014 pour permettre auTramway T1 d’enjamber le fleuve entre le deuxième et septième arrondissement.
La Période dans l'analyse économique - une approche à l'étude du temps, SEDEIS,1950[108].
Économie politique, Paris, Presses universitaires de France, Thémis économie, première édition en1959[109], réédité au moins 15 fois[110] depuis, traductions en espagnol, portugais, russe et arabe[111].
Le Développement économique : analyse et politique, 1958[112].
↑Ce à quoi Barre réplique, le : « Le meilleur économiste français ? En tout cas un des tout premiers » (la remarque du président est arrivée déformée par la presse à M. Barre : de l'expression « l'un des meilleurs », la presse a gardé « le meilleur »).
↑abcdefgh eti"Le plan Barre (1976). Origine historique de l’adaptation de l’économie française à l’environnement international moderne", dans "Pour une histoire sociale et politique de l’économie" par Yasuo Gonjo, aux Éditions de la Sorbonne en 2020[1].
↑"Dans les années 1970-1980, l'inflation, « ennemi numéro 1 », faisait déjà les gros titres de la presse" par Camille Lestienne, dansLe Figaro le 30/06/2022.
↑Le 22 septembre 1976, Raymond Barre présente son plan anti-inflation. Le Figaro.
↑Plan Barre : le jour le plus cher", dansLe Figaro du 22 septembre 1976.
↑JacquesBerne,La campagne présidentielle de Valéry Giscard d'Estaing en 1974, Presses universitaires de France (réédition numérique FeniXX),(ISBN978-2-13-065752-1,lire en ligne).
↑« L'invité de la semaine : Raymond Barre : “La France traverse une mauvaise passe, mais je ne crois pas à son déclin” », propos recueillis par Dominique de Montvalon,Le Parisien, rubrique politique,p. 4.
↑a etbAmaury de Saint Périer,La France, l'Allemagne et l'Europe monétaire de 1974 à 1981 : La persévérance récompensée, Paris, Sciences po, les presses,, 360 p.(ISBN978-2-7246-1327-8,lire en ligne),p. 71.
↑Liedtke, PatrickM. et International Association for the Study of InsuranceEconomics.,Ventures in insurance economics and strategy : 30 years, Geneva Association, Geneva Association,(ISBN1-4051-1555-6,OCLC53213905,lire en ligne)
↑« Aspen, la «boîte à dialogue» pas comme les autres »,L'Opinion,(lire en ligne).
↑« Raymond Barre », suracademiesciencesmoralesetpolitiques.fr.