RamsèsII[note 3], né aux alentours de 1304 / 1301 av. J.-C.[2] et mort àPi-Ramsès vers 1213 av. J.-C.[2],[note 4], est le troisièmepharaon de laXIXe dynastie égyptienne, auNouvel Empire. Il est aussi appelé « Ramsès le Grand » ou encore « Ozymandias ».Manéthon l'appelle « Ramsès » (ou Ramesses Miamoun, Rampses).
Son règne de soixante-six ans et d'un peu plus de deux mois[2], une durée exceptionnelle pour l'époque, couvre à lui seul près de 60 % du nombre d'années total de laXIXe dynastie. En plus des nombreux monuments qu'il fait bâtir à travers tout le pays (d'où son surnom de « pharaon bâtisseur »), il fait sculpter de très nombreuses statues à son image et fait graver son nom sur presque tous les temples, à côté de ceux d'autres pharaons, comme s'il les avait fait construire lui-même[4]. Cette quantité extraordinaire d'objets d'art et d'éléments architecturaux à son nom explique que l'on retrouve sa trace dans presque tous les musées du monde ayant un département d'antiquités égyptiennes.
À l'instar d'autres personnages historiques dont la gloire a traversé les siècles, il est réputé pour être un grand guerrier et conquérant, ce qui lui vaut en grande partie l'épithète degrand dans les ouvrages historiques traitant de l'Antiquité égyptienne. Il lutte contre lesHittites et assure la domination de l'Égypte sur laNubie et ses gisements aurifères. Il y construit une série de temples dont les plus célèbres sontceux d'Abou Simbel. Après labataille de Qadesh, en l'an 4 de son règne, contre l'armée du roi hittite,Muwatalli II, la frontière se stabilise sur l'Oronte.
Son action dans leroyaume de Koush, et surtout dans le couloir syro-canaanéen, a dû marquer les esprits de l'époque, car l'on racontait encore sous lesPtolémées la légende de l'extraordinaire voyage de « la princesse de Bakhtan » venue s'offrir en mariage au grand roi d'Égypte : sans doute un écho lointain du fameux mariage de Ramsès II avec la fille deHattusili III, successeur deMuwatalli II sur le trône du Hatti.
RamsèsII est originaire d'une famille de militaires de la région d'Avaris. En effet, son arrière-grand-pèreSéthi, son grand-père paternelPa-Râmessou, son pèreSéthi et son grand-père maternel Raïa étaient tous des militaires, de même qu'il est probable que sa grand-mère paternelleSatrê provienne elle-aussi d'une famille de militaires[5],[6]. Toutefois, à la mort d'Horemheb, lui aussi militaire avant de devenir pharaon, c'estPa-Râmessou qui lui succède et devient le pharaonRamsès Ier pour au maximum deux ans. C'est ensuite le père de RamsèsII,Séthi Ier, qui devient roi pour une dizaine d'années. Lastèle de l'an 400 évoque les ancêtres de RamsèsII[7] tandis que ses grands-parents maternels, Raïa et [...]ouia[note 6], sont évoqués sur un bloc trouvé àMédinet Habou mais provenant probablement de la partie duRamesséum dédiée à la mère de RamsèsII,Mouttouya[8].
RamsèsII, né sous le règne d'Horemheb, est donc le fils cadet du roiSéthi Ier et de la reineMouttouya (ou Touy, ou Touya). Il a en effet une sœur aînée nomméeTia, « Chanteuse d'Hathor », « Chanteuse de Rê d'Héliopolis » et « Chanteuse d'Amon-grand-dans-sa-gloire ». Cette Tia est mariée à un homme nommé lui aussiTia, « Gardien du Trésor » et « Gardien du château d'Amon »[9]. Ils devaient être par ailleurs déjà mariés et parents lorsque Séthi Ier monta sur le trône[10].
Certains chercheurs ont fait du neuvième filsSéthi et des deuxième, troisième et cinquième fillesBaketmout,Néfertari II etNebettaouy les enfants deNéfertari, mais rien n'indique qu'ils soient les enfants de cette reine car ils ne sont jamais représentés dans la liste des enfants du couple àAbou Simbel[15], particulièrement concernantSéthi dont la mère s'appelait bien Néfertari mais devait être une épouse secondaire du roi[18]. De par l'homonymie, il est possible queNéfertari II soit la fille de cette épouse secondaire, mais cela n'est pas certain.
De même, la sixième fille de RamsèsII, Iset-Nofret, a parfois été considérée comme la fille de la reineIset-NofretIre, mais rien ne vient confirmer une telle hypothèse si ce n'est l'homonymie de ces deux femmes[19]. De plus, elle a parfois été considérée comme étant la grande épouse royale deMérenptah,Iset-Nofret II, mais cette hypothèse est très fragile car aucun document mentionnant cette reine ne lui donne le titre de « fille du roi », titre pourtant très important[20].
Bentanat (ou Bint-Anath), la fille aînée du roi (certains ont donné à Bentanat une fille qu'elle aurait eu avec son propre père, fille qui serait également nomméeBentanat II, mais rien ne vient confirmer non seulement qu'elle se nomme Bentanat mais encore qu'il s'agit de sa fille[22]),
Mérytamon (appelée aussi la reine blanche), la quatrième fille du roi,
sur la paroi extérieure du mur nord de la grande salle hypostyle dutemple d'Amon àKarnak, le roi a faits modifier des représentations des campagnes du début du règne, l'une au Proche-Orient, la seconde contre lesTjéhénou (c'est-à-dire lesLibyens), pour y faire apparaître son fils à la place d'autres personnages, dont l'un a parfois été pris comme un frère aîné de Ramsès, hypothèse aujourd'hui abandonnée, le personnage précédemment représenté étant le commandant des archers et flabellifère[note 5] Méhy[31] ;
une autre stèle privée, provenant d'Abydos cette fois-ci, a été commanditée par Mâya, « scribe des offrandes divines d'Osiris, d'Horus, d'Isis et de tous les dieux du temple de Menmaâtrê » ; sur le cintre de la stèle sont représentés, en plus des divinités locales, Séthi Ier et Ramsès, ce dernier représenté encore en flabellifère[note 5] et accompagné de la légende « le premier fils royal de son ventre Ramsès »[25],[30].
leJournal de la Nécropole indique qu'en l'an 3 deRamsès X, un jour de congé est accordé ce jour-là en raison de « l'apparition du roi Ousermaâtrê […] » : un roi est donc monté sur le trône ce jour-là, mais, lors du règne deRamsès X, plusieurs rois avaient déjà porté ce nom d'Ousermaâtrê[34] ;
leJournal de la Nécropole (ostracon 25533) indique également, en l'an 3 du règne deRamsès IV, que ce jour-là est férié en raison de « […] Ousermaâtrê-Sétepenrê » : ce nom Ousermaâtrê-Sétepenrê ne peut correspondre qu'au roi RamsèsII[34].
Ces éléments permettent de conclure que le roi a régné soixante-six ans et quatre-vingt-un jours, ce qui est proche par ailleurs des soixante-six ans et deux mois donnés parManéthon[2].
Ramsès succède à son pèreSéthi Ier apparemment sans problème particulier. Il pourrait avoir été associé au trône (régent ou corégent) vers l'âge de quatorze ans à la fin du règne de ce dernier, selon l'interprétation que l'on fait de l'inscription dédicatoire d'Abydos[36] mais ceci est réfuté par la plupart des chercheurs[37],[30].
Cependant cette politique de conquêtes et d'expansion se heurte depuis plusieurs décennies à un adversaire de taille, l'empireHittite, qui contrôle un vaste territoire depuis l'Anatolie jusqu'à l'Euphrate, assurant une domination sur des cités-États deSyrie et duLiban.
Ces riches cités portuaires et commerciales sont l'objet de toutes les convoitises, et vont se retrouver une fois de plus au milieu d'une guerre entre Égyptiens et Hittites.
Les empires égyptien et hittite à l'époque de RamsèsII
Comme son pèreSéthi Ier, Ramsès veut protéger les intérêts de l'Égypte à l'Est contre lesHittites d'Asie. Il est confronté à cette menace dès le début de son règne, la guerre puis la paix avec les Hittites étant la grande œuvre de sa vie. Face à cette situation, Ramsès met sur pied une puissantearmée et établit son camp de base àPi-Ramsès, qu'il transforme en capitale de son empire. De nouveaux arsenaux y sont construits, ainsi que de grandes écuries pouvant accueillir les centaines de chevaux nécessaires au fleuron de son armée : les chars de guerre. Les vestiges de ces écuries ont récemment été identifiés à Qantir par une équipe d'égyptologues autrichiens dirigée parManfred Bietak. Une fois les questions d'approvisionnement réglées, il lance plusieurs campagnes vigoureuses enCanaan. Il avance jusqu'à la ville deQadesh, qu'il attaque lors de sa5e année de règne, mais il n'y remporte qu'une semi-victoire.
« Sa puissance a traversé Ouadj-Our et les îles du milieu sont sous sa crainte. Ils viennent à lui chargés de leurs tributs, [Sa puissance ayant dominé] leurs cœurs. Les Shardanes au cœur rebelle que l'on n'avait jamais pu combattre lorsqu'ils venaient, [leur cœur] était puissant, [et ils naviguaient dans des bateaux] de guerre au milieu de la mer, sans que l'on pût leur résister. [Mais Lui, Il les a capturés en une victoire de son khépesh vaillant, qui (les) ramène vers Kémet], le roi de Haute et Basse-Égypte Ousermaâtrê-Sétepenrê, le Fils de Rê Méryamon-Ramsès, doué de vie (soit-il) comme Rê ![40] »
Toutefois, il n'est pas totalement certain que la stèle de l'an 2 d'Assouan parle de cette victoire contre les Shardanes, certains chercheurs pensent en effet que cette victoire eut lieu pendant la campagne de l'an 4 menée par le roi le long de la côte méditerranéenne au Proche-Orient. En effet, une campagne de l'an 4 est attestée par au moins deux stèles, mais ces textes sont extrêmement fragmentaires et ne permettent donc pas de comprendre exactement le but et le déroulement de la campagne. Le premier texte est une stèle érigée àByblos leIVe mois de la saisonChémou de l'an 4, permettant ainsi d'en déduire qu'elle est partie d'Égypte à la fin de l'an 3 du règne. Le second texte, gravé sur un rocher à une dizaine de kilomètres au nord deBeyrouth est aujourd'hui complètement illisible, maisK. R. Lepsius a pu déchiffrer auXIXe siècle la date du2e jour duIVe mois de la saisonAkhet de l'an 4, permettant ainsi d'en déduire que la campagne a duré de cinq à six mois. Trois autres documents (la stèle rupestre d'Adhloun, aujourd'hui complètement détruite, et deux stèles deTyr, dont l'une est très fragmentaire) sont non datés et pourraient avoir été réalisés pendant la campagne, mais cela n'est pas certain. L'objectif de cette campagne, l'année précédantcelle de Qadesh, est difficile à établir de par l'état fragmentaire de la documentation et l'ombre portée sur elle par cette même campagne de Qadesh. Il est toutefois envisageable de considérer cette campagne comme un soutien militaire à l'Amourrou, territoire récupéré par SéthiIer quelques années auparavant, face àOugarit au Nord etQadesh à l'Est, villes aux mains desHittites[41].
Quittant l'Égypte par lesChemins d'Horus, une voie jalonnée de forteresses protégeant la frontière orientale du pays, l'armée de Ramsès longe lacôte méditerranéenne, fait halte àGaza, traverseCanaan puis pénètre auLiban, s'assurant au passage l'allégeance de ses vassaux, dontByblos, l'indéfectible alliée. Puis Ramsès et ses troupes s'enfoncent dans les terres et prennent la direction deDamas afin de prendre le chemin menant àQadesh.
De leur côté, les Hittites ont rassemblé une puissante armée de coalisés et se sont rassemblés dans la plaine deQadesh. Ils y installent leur camp et attendent l'arrivée de l'ennemi. Ils envoient des éclaireurs, qui sont interceptés par les Égyptiens et ramenés au camp de Ramsès. Ils informent le roi que les troupes deMuwatalli II se trouvent au nord et n'osent pas s'avancer vers Qadesh, par crainte d'une confrontation avec les troupes égyptiennes.
Conforté dans son avance et impatient de reprendre la citadelle autrefois conquise par son père, Ramsès saisit sa chance et ordonne que l'armée se dirige à marche forcée vers la forteresse convoitée.
Convaincu que les assiégés ne pourront tenir longtemps face à sa puissante armée, il prend le risque de se détacher du gros de ses troupes. Le long cortège de soldats, répartis en quatre corps d'armée, s'étire alors sur la route. En tête de ses troupes, Ramsès et la division d'Amon traversent l'Oronte et sont les premiers à arriver sur le site.
La ruse hittite a fonctionné : l'armée de Ramsès offre dangereusement l'occasion queMuwatalli II et ses généraux attendaient pour anéantir les désirs de conquête des égyptiens. Une victoire écrasante, et dans l'idéal la capture du pharaon, déstabiliserait toute la région à leur profit, et la conquête de l'Égypte ainsi affaiblie serait à portée de main.
Les troupes égyptiennes sont coupées en deux par la charge de l'armée hittite, et Ramsès se retrouve seul face au danger. La division de Rê qui franchissait le fleuve est taillée en pièces par les chars hittites. Ceux-ci se retournent vers la division d'Amon et le camp de Ramsès, à peine installés au pied de la citadelle, déjà attaqués de leur côté par les fantassins deMuwatalli II. Le camp égyptien est envahi et les troupes du pharaon battent en retraite. Ramsès et sa garde rapprochée se jettent dans la mêlée et il envoie aux divisions de Ptah et de Seth restées en arrière des appels urgents, leur intimant l'ordre d'entrer dans la bataille.
Grâce à l'intervention conjointe des réservistes, les « Néarins », et à la marche forcée des contingents restés plus en arrière, Ramsès parvient à repousser l'attaque et à chasser les troupes deMuwatalli II au-delà de l'Oronte, causant de lourdes pertes aux Hittites. Cependant, au contraire de son père et de son illustre prédécesseurThoutmôsis III, Ramsès, dont les troupes sont affaiblies au lendemain de la bataille, ne s'empare pas de la citadelle etQadesh reste aux mains des Hittites.
Ce haut fait d'armes – dont nous possédons plusieurs versions enégyptien ancien, surpapyrus (le poème dePentaour), mais surtout sur les grands tableaux historiés qu'il fait sculpter sur les murs des principaux temples du pays (Louxor, Karnak,Ramesséum, Abou Simbel...) – est considéré par le roi comme une grande victoire. Il l'offre à Amon qui l'aurait secouru en plein désarroi au milieu du péril. Cetteépopée de RamsèsII a servi à légitimer son règne, et les premiers égyptologues ne remettent pas en cause sa victoire[43].
Les Hittites se déclarent eux aussi vainqueurs, l'issue de la bataille ayant davantage l'aspect d'un match nul que d'une débandade. Ramsès ne pousse pas plus loin cet avantage, et préfère renforcer ses positions.
Entre l'an 5 et l'an 21, date de signature dutraité de paix égypto-hittite, plusieurs campagnes ont eu lieu au Proche-Orient et concernaient principalement d'une part laGalilée et l'Amourrou, et d'autre part les régions deMoab et d'Édom. La première campagne attestée aprèscelle de Qadesh est celle de l'an 8 et concernait la Galilée et l'Amourrou, comme l'illustrent les parois de la salle hypostyle et du pylône duRamesséum ainsi que la paroi extérieure du mur occidental de l'avant cour dutemple de Louxor. Avant cette campagne, l'Amourrou avait été conquise par les Hittites et son roi destitué[44].
L'armée égyptienne reprend la route de laSyrie, contourneQadesh par l'ouest et met le siège devant Dapour, une autre forteresse contrôlée par les Hittites. Il semble queMuwatalli II n'ait pas eu la capacité de contrer cette avancée sur son territoire, même si de nombreuses troupes avaient été mises en garnison dans et autour de la citadelle. La bataille s'engage dans la plaine, devant la cité, et les chars hittites font face aux chars égyptiens. Les Hittites, rapidement débordés, se réfugient dans la forteresse, qui est aussitôt attaquée par les fantassins égyptiens, parmi lesquels on compte plusieurs fils du roi qui mènent le siège.
Des représentations de cette nouvelle bataille dans les temples deLouxor et celui duRamesséum présentent en une unité de scène les différentes étapes de la bataille et du siège, depuis le combat dans la plaine jusqu'à la reddition du prince de Dapour, qui tend un encensoir en signe d'armistice[45]. Dapour est conquise et Ramsès y fait ériger une statue à son effigie. Il y installe également une garnison à demeure. Cette prise de Dapour représente pour Ramsès une revanche sur la semi-défaite de Qadesh. En tenant cette position plus septentrionale, il montre sa capacité à prendre aux Hittites un point stratégique d'importance qui sépare l'Amourrou de leur emprise.
En l'an 10, pour consolider ses positions, il organise une nouvelle campagne. Il fait défiler les troupes égyptiennes dans les principales cités de la région, prenant au passageAcre.Tyr,Sidon etByblos renouvellent leur allégeance et l'armée égyptienne pénètre encore plus avant en territoire hittite, s'emparant de la cité de Tounip[45].
Une campagne eut lieu dans le pays de Moab et fut placée par certains dès l'an 7. Auparavant, le déroulement de cette campagne avait été conjecturé comme étant le fait du roi et de son fils aîné. Amonherkhépeshef aurait traversé leNéguev et contourné lamer Morte par le sud, pour se diriger droit surÉdom et remonter surMoab. Puis il aurait mis le siège devant la cité de Rabath Batora qu'il aurait conquise et où il aurait installé son camp de base. De son côté, Ramsès aurait quitté la capitale dePi-Ramsès avec l'autre partie de son armée au même moment que son fils, longeant la côte en s'assurant du contrôle deGaza et d'Ashkelon. Puis, bifurquant versJérusalem, il aurait marché surJéricho et, contournant lamer Morte par le nord, il aurait pénétré enMoab. Ensuite, dépassant lemont Nébo, il aurait conquis la cité de Dibon et fait la jonction de son armée avec celle de son fils restée à Rabath Batora. Grâce à cette prise en tenaille, la conquête aurait été rapide et le pharaon aurait soumis les princes locaux qui lui auraient fait allégeance. Ramsès aurait alors laissé dans les cités prises des garnisons chargées d'organiser le contrôle de la région et de surveiller les mouvements des nombreuses populations nomades qui circulaient alors. Parmi celles-ci, on aurait compté les bédouinsShasou, vassaux des Hittites, et lesApirou qui opéraient de fréquentes incursions dans les territoires contrôlés par l'Égypte. Une fois assuré de ses arrières et de son ravitaillement, Ramsès aurait alors repris la route de laSyrie pour reprendre les territoires perdus et abandonnés aux Hittites lors de labataille de Qadesh. Le pharaon, son fils et leur armée rassemblée auraient remonté vers lemont Nébo et pris Heshbon enAmmon. Enfin ils auraient marché surDamas, l'antiqueTemesq, où le roi fonda une nouvelle cité à son nom :Pi-Ramsès de la vallée des Cèdres[46]. Une fois le contrôle assuré de l'ensemble de cette partie de laJordanie et de laSyrie actuelles, les troupes égyptiennes se seraient alors dirigées à nouveau vers l'Oronte et auraient atteint la ville de Koumidi, qui aurait également subi un siège et été prise.
Toutefois, ce déroulement est remis en cause car, d'une part, les textes semblent indiquer l'absence du roi, et d'autre part, la Syrie n'est jamais mentionnée en association avec la campagne de Moab. De plus, cette campagne semble avoir été menée par le prince aînéAmonherkhépeshef, ce qui rend peu probable cette date de l'an 7, le prince devant au mieux avoir une quinzaine d'années. Or, pour mener une telle campagne, le prince devait plutôt avoir une vingtaine d'années minimum, ce qui permet de placer cette campagne pendant la deuxième décennie du règne. Enfin, il semble qu'aucune confrontation avec les Hittites n'eut lieu lors de cette campagne, cette dernière ne concernant finalement que des territoires proche-orientaux soumis à l'Égypte mais visiblement en révolte[47].
« À l'aube, ce qu'il a ordonné était advenu. Il a fait que les Âamou se retirent rapidement, le combat étant devenu une chose abominable à leur cœur. Ils vinrent vers lui ensemble en baissant le regard, vers son palais de vie et de pouvoir de Per-Ramsès-Méryamon, grande de victoires[49]. »
Le conflit entre l'Égypte et le Hatti, à défaut d'épuiser les belligérants, ne permettaient pas de faire émerger une nette victoire de l'un sur l'autre. C'était au contraire une succession de batailles qui permettaient tantôt à l'armée hittite, tantôt à l'armée égyptienne de grignoter du terrain. Mais aucune grande bataille n'était engagée, comme si le risque d'une défaite et d'un affaiblissement décisif de l'un ou l'autre des empires l'avait emporté sur les ambitions d'élargissement des possessions.
Ces négociations conduisirent les deux souverains à s'envoyer un volumineux courrier ainsi que des cadeaux en grand nombre. À ce ballet épistolaire participent non seulement les souverains, mais aussi les reines et les ministres, tel levizirPaser. Hittites et Égyptiens s'engagèrent à ne plus se faire la guerre, à s'aider mutuellement en cas de catastrophe ou d'invasion. Une fois les clauses du traité réglées, elles ont été inscrites sur de grandes tablettes en argent massif scellées parHattusili III et remises par l'ambassadeur du Hatti à Ramsès dans sa capitale dudelta du Nil. En échange, ce dernier avait fait parvenir au roi hittite la version égyptienne marquée de son sceau. Chacune des deux tablettes a été déposée aux pieds des principales divinités des deux empires :Teshub pour le Hatti etRê pour l'Égypte. La version égyptienne de ce traité a été reproduite sur les murs deKarnak et auRamesséum, mais cette dernière version est réduite à quelques fragments. La version hittite, retrouvée àHattousa, la capitale du royaume hittite (dans l'actuelleAnatolie enTurquie), est écrite en akkadien sur une tablette d'argile conservée au musée archéologique d'Istanbul[note 7].
« Ramsès, Grand Roi, Roi d'Égypte, est en bonne paix et bonne amitié avec [Hattusili], Grand Roi du Hatti. Les fils de Ramsès-aimé-d'Amon, [Grand Roi], Roi d'Égypte, seront en paix et [en fraternité avec] les fils de Hattusili, Grand Roi, Roi du Hatti, pour toujours. Et ils resteront dans les mêmes relations de fraternité [et de] paix comme nous, ainsi l'Égypte et le Hatti seront en paix et en fraternité comme nous pour toujours. Ramsès-aimé-d'Amon, Grand Roi, Roi d'Égypte, n'ouvrira pas à l'avenir d'hostilités contre le Hatti pour y prendre quoi que ce soit, et Hattusili, Grand Roi, Roi du Hatti, n'ouvrira pas à l'avenir d'hostilités contre l'Égypte pour y prendre quoi que ce soit. »
De nombreuses lettres ont été échangées entre les cours hittite et égyptienne, mais seules celles envoyées par les Égyptiens aux Hittites ont été retrouvées. Dans ces lettres, les uns prenaient des nouvelles des autres, ou encore le roi hittite demandait l'aide d'un médecin égyptien, et ce, à plusieurs reprises. Si ces échanges semblent avoir toujours été cordiaux, une affaire mena toutefois à des tensions. Il s'agit de celle de l'ancien roi déchuMursili III qui avait trouvé refuge en territoire égyptien. Selon les lettres, toutes envoyées par Ramsès, ce dernier nia son implication dans l'évasion de ce roi déchu, puis marqua sa bonne volonté en vue d'aider son homologue, en permettant à un émissaire hittite, nommé Nérikaili, de le retrouver, ce que ce dernier fit mais il mourut au cours de sa mission. Ramsès fit alors comprendre à Hattusili que Mursili devait se trouver dans l'un des territoires vassaux de Syrie et, une fois que le roi hittite le captura, Ramsès le convainquis d'envoyer Mursili en exil en Égypte, d'où il ne pourrait pas fomenter de complot contre lui. Il semble que la clause d'extradition que comportait le traité égypto-hittite amena Mursili à se satisfaire pleinement de sa prison dorée[54].
À partir de l'an 30, des négociations commencèrent entre les cours égyptienne et hittite au sujet d'un mariage entre Ramsès et une princesse hittite, mariage qui semble avoir été à l'initiative deHattusili III, ce dernier sachant que Ramsès avait déjà conclu deux autres mariages diplomatiques.Puduhepa, épouse du roi hittiteHattusili III, s'impliqua particulièrement dans les négociations, car elle savait que les princesses concernées par ces mariages diplomatiques vivaient recluses, ce qu'elle ne voulait visiblement pas pour sa fille. De plus, elle accusa Ramsès de plus s'intéresser à la dot qu'à la princesse elle-même et exigea que ses messagers puissent joindre la princesse sans entrave. Les négociations semblent ne pas avoir été simples car la princesse fut retenue relativement longtemps. Une fois les négociations terminées, des envoyés égyptiens se rendirent àHattousa, la capitale hittite, pour procéder à l'onction de la princesse par le versement de l'huile sur sa tête, acte qui officialisa l'union. La princesse prit alors la route de l'Égypte avec sa dot[note 8],[55].
« Le Dieu Soleil et le Dieu de l'Orage veilleront à ce que tous les arrangements que ma sœur (Puduhepa) désire pour sa fille soient accomplis. Ils l'installeront dans la maison du Roi (Ramsès), ton frère, puisqu'elle est destinée à régner sur l'Égypte. Ils satisferont ma sœur et le Roi (d'Égypte), ton frère, avec les dispositions qu'ils prendront pour elle. »
— Extrait d'une lettre de Ramsès II àPuduhepa, garantissant la bonne installation de la princesse hittite qu'il va épouser[56].
Les événements qui suivent ont été décrits dans ce qui est appelé les « stèles du mariage », datées de l'an 34 et conservées de manière plus ou moins fragmentaire en cinq endroits : legrand temple d'Abou Simbel, letemple d'Aksha, le temple d'Amara-Ouest(en), le quai d'Éléphantine et leIXe pylône dutemple d'Amon-Rê àKarnak, ainsi que de deux versions abrégées découvertes dans l'enceinte de Mout à Karnak. Lorsque la princesse atteignit la frontière égypto-hittite accompagnée de son escorte, un message fut envoyé à Ramsès qui dépêcha une escorte égyptienne jusqu'au point de rencontre. Les deux escortes se rencontrèrent à la frontière et fraternisèrent, puis elles accompagnèrent la princesse jusqu'àPi-Ramsès où elle rencontra le roi, lors duIIIe mois de la saisonPeret de l'an 34. La princesse sembla plaire à Ramsès, d'après le texte des stèles, elle fut renommée d'un nom égyptien,Maâthornéferourê, et porta le titre de grande épouse royale. Ramsès semble avoir conservé une certaine rancœur au terme de cette affaire, tant celle-ci avait trainé en langueur. Dans les stèles du mariage, il n'hésitera pas à présenter son homologue hittite comme le roi d'un pays dévasté, abandonné par son dieu de l'orage, réduit à offrir une princesse et un tribut en soumission au roi d'Égypte pour obtenir de lui son salut[57].
Peu après, le13e jour duIer mois de la saisonPeret de l'an 35 (soit dix mois après l'arrivée de la princesse), un nouveau texte connu comme étant la « Bénédiction de Ptah » a été gravé en plusieurs exemplaires, dont quatre sont conservés : legrand temple d'Abou Simbel, letemple d'Aksha, le temple d'Amara-Ouest(en) et leIXe pylône dutemple d'Amon-Rê àKarnak, en association d'ailleurs avec l'exemplaire de la stèle du mariage présent au même endroit. Dans ce texte sont mentionnés les bienfaits qu'a accordé Ptah au roi, notamment la domination des populations étrangères ainsi que les succès diplomatiques récents avec les Hittites. Ce texte est interprété par certains comme une manière de célébrer la naissance de la fille deMaâthornéferourê, qui pourrait êtreNéférourê. Une lettre deHattusili III indique d'ailleurs que le roi hittite exprime le souhait de la voir un jour mais regrette que sa fille n'ait pas conçu un garçon[58]. La princesse termine probablement sa vie dans leharem du roi àGourob, dans leFayoum[note 9]. Sa tombe n'a jamais été retrouvée.
Plus tard, un prince hittite, Hismi-Sharrouma, est venu en Égypte pour organiser l'acheminement de grain vers son pays lors d'un hiver, mais la date exacte est inconnue. Cet envoi de grain égyptien vers le Hatti fait partie du traité de paix égypto-hittite, l'Égypte étant riche en céréales. Plus tard, à une date indéterminée mais entre l'an 42 et l'an 56 d'après la graphie des noms royaux, une seconde princesse hittite a épousé RamsèsII. Ceci est relaté par un texte dont on a conservé deux exemplaires : l'un àCoptos, le second à l'angle sud-est de la première cour dutemple de SéthiIer àAbydos. Ce texte ne donne toutefois pas le nom de la princesse hittite et c'est surtout la dot qui est évoquée. Ce fait est cependant révélateur de la normalisation pacifique des rapports entre les deux États[59].
Une campagne eut lieu en Nubie contre le pays d'Irem, territoire situé entre la troisième et la quatrième cataracte. Si cette campagne a été datée diversement, il semble qu'elle ait eu lieu vers l'an 38. Elle a en tout cas eu lieu alors queSétaou étaitfils royal de Koush, comme l'indique la stèleVII de l'Ouadi es-Seboua[60] :
« Le khépesh vaillant de Pharaon, mon maître parfait, a pillé le pays d'Irem le vaincu [et a capturé] le prince d'Akyta avec son épouse, ses enfants et tous ses gens, alors que j'étais un commandant de troupes qui dirigeait la route à la tête de son armée[60]. »
Le contrôle du territoire égyptien et des territoires soumis est un élément important de la politique pharaonique, cette gestion permettait de contrôler les routes commerciales et d'avoir accès aux mines et aux carrières tout en s'assurant de recevoir des tributs des territoires conquis.
Depuis la Préhistoire, le Nord-Sinaï est une voie de communication primordiale entre l'Afrique et l'Asie, où hommes et marchandises transitent. De plus, la région est source de matière première également, comme le cuivre. Ainsi, ce territoire a fait l'objet très tôt dans l'histoire égyptienne de toutes les attentions du pouvoir royal. Cela passe, entre autres, par la construction de nombreuses forteresses visant à la fois à être un point de départ pour les expéditions égyptiennes vers cette région et à arrêter les pénétrations venant du Proche-Orient. La région à la pointe nord-est du delta, passage obligé entre le Nord-Sinaï et la vallée du Nil, a été nomméeTjarou par les Égyptiens et était arrosée par la branche pélusiaque du Nil, aujourd'hui asséchée[64].
Le Delta oriental, arrière-garde deTjarou, est aussi constitué de forteresses pour son rôle stratégique. Sur le site de Tell er-Rabata, une structure fortifiéeramesside a été érigée. Des blocs ramessides trouvés à Tell el-Maskhouta attestent également d'une intervention royale à cette période. La tombe de Qénamon, « superviseur des archives royales », y a d'ailleurs été découverte et le style permet de dater la tombe deSéthi Ier ou de RamsèsII[67].
à el-Gharbaniyat (50 kilomètres à l'est d'el-Alamein) : les fondations de structures en brique crue et une colonne fragmentaire au nom de Ramsès[69],
à Tell Abqaˁin : de nombreux fragments de jambages de portes provenant d'une forteresse de plus de 80 mètres sur 80 mètres[69],
àKôm Firin, à la limite occidentale du delta, une enceinte de 220 mètres sur 200 mètres aux murs d'une épaisseur de 5 mètres entoure un ensemble de magasins et un temple en brique et en pierre[69],
àKôm el-Hisn, divers éléments architecturaux au nom du souverain[69],
à Karm Abou Girg, un obélisque et des blocs au nom de Ramsès faisant probablement partie d'une fortification[69],
àZaouiet Oumm el-Rakham(en), une enceinte de 100 mètres sur 80 mètres avec à l'intérieur un temple, des chapelles et deux rangées de magasins oblongs se faisant face ; les inscriptions retrouvées sur place, notamment sur des stèles, portent les noms de gradés militaires du règne ou la titulature de RamsèsII, qualifié de « Celui qui anéantit ceux de Tjéhénou »[69].
La Nubie est un territoire qui a été contrôlé à plusieurs reprises au cours de l'histoire égyptienne. C'est une région très importante pour les Égyptiens, notamment pour ses mines d'or, mais aussi pour les produits exotiques qu'elle fournit. La région est divisée en deux zones :Ouaouat, ou Basse-Nubie, s'étendant d'Éléphantine à au-delà la deuxième cataracte, versSemna, etKoush, ou Haute-Nubie, s'étendant de Senma à la cinquième cataracte. Toutefois, il n'y a pas de monuments de SéthiIer après leGebel Barkal, en aval de la quatrième cataracte. L'État égyptien va, au début de laXIXe dynastie, non seulement valoriser les forteresses et les temples précédemment construits, notamment auMoyen Empire et à laXVIIIe dynastie, mais aussi établir ses propres aménagements, dans le but d'intégrer les populations nubiennes à la société égyptienne[70].
Il organise un véritable programme architectural pour la région immédiatement au sud de la première cataracte, qui est la frontière historique de l'Égypte avec son voisin méridional. Il fonde également une série de sanctuaires, que l'on nommehémispéos, car en partie creusés dans la roche et en partie construits en maçonnerie, dédiés aux dieux dynastiques et étroitement liés au rôle de l'inondation, mais aussi et surtout liés à la divinisation du roi. Il s'agit des temples suivants[75] :
AuGebel Barkal, en aval de la quatrième cataracte, un temple avait été aménagé pendant lapériode thoutmôside, avant que, bien plus tard, les rois de laXXVe dynastie, originaires de la région, n'investissent le site, rendant les restes de ce temple thoutmôside plus difficiles à comprendre. RamsèsII, à la suite de son pèreSéthi Ier qui avait déjà ajouté une salle hypostyle à l'avant du temple, fait construire une chapelle latérale[78],[61].
Enfin, plus au sud, par deux fois les noms de Ramsès ont été retrouvés : sur un graffito à Kourgous, en aval de la cinquième cataracte, mais le contexte de son inscription n'est pas clair ; un bloc en granite rose transformé en meule a été retrouvé près de la confluence entre leNil et l'Atbara, mais il est probable que ce bloc provienne d'un lieu bien plus en aval[79].
Des blocs au nom du roiSéthi Ier prouvent que le roi a tenu un rôle dans l'édification d'un monument cultuel probablement incorporé au site fortifié de Djébel Abou Hassa. Localisé au sud de l'isthme de Suez, sur la route menant aux mines de turquoise deSarabit al-Khadim, ce monument a été remployé par RamsèsII qui en a modifié la décoration[83].
Plusieurs projets architecturaux ont été conçus dès l'an 1 et mis en œuvre dès les premières années. Il s'agissait non seulement de finir les projets inachevés de son pèreSéthi Ier, mais aussi de lancer de nouveaux chantiers qui allaient concourir à l'édification de la renommée de RamsèsII lui-même[88].
Avaris, ancienne capitale desHyksôs pendant laXVe dynastie, avait été l'objet de beaucoup d'attention de la part d'Horemheb et des ancêtres de RamsèsII, à savoir son arrière-grand-pèreSéthi et son grand-père Pa-Râmessou (c'est-à-direRamsès Ier), qui contribuèrent au rétablissement du culte de Seth dans cette cité où ce culte prédominait et à qui la famille était particulièrement attachée[89],[90].Séthi Ier lui-même construisit un premier palais à deux kilomètres au nord d'Avaris, fondant ainsi ce qui seraPi-Ramsès[91],[92].
ÀAbydos, alors que letemple de SéthiIer était encore en chantier, RamsèsII lança lesien environ 300 mètres au nord du premier[94] sur des fondations réalisées sous le règne de son père[95]. Les chapelles qui rayonnent autour de la seconde salle hypostyle ont été exécutées en premier lieu : elles présentent des décors en reliefs levés et une graphie des cartouches royaux propre au tout début du règne. La première salle hypostyle et les chapelles situées au nord ont été décorées après : elles présentent des décors en reliefs en creux et une graphie des cartouches royaux propre au tout début du règne. Enfin, les chapelles sud et toute la partie antérieure du temple (portique, cour et pylônes, avant-cour et chapelle de l'avant-cour) comportent des décors en reliefs en creux et une graphie des cartouches royaux propre à après l'an 2 du règne. Quant autemple deSéthi Ier, la graphie des noms royaux indique que si une partie du décor date entre l'an 2 et l'an 20, le reste est postérieur à l'an 18, ce qui indique que RamsèsII a fait achever ce temple après avoir fait construire le sien[94].
À Thèbes, plusieurs chantiers furent menés de front dès l'an 1. Sur la rive orientale, la décoration de l'aile méridionale de la salle hypostyle dutemple d'Amon-Rê deKarnak, commencée sous le règne deSéthi Ier, se déroula en plusieurs étapes tandis que letemple de Louxor, construit sous le règne d'Amenhotep III, se voit doter d'un pylône et d'une avant-cour destinée à recevoir laprocession d'Opet. Si les décors de cet ajout au temple de Louxor ont été réalisés sur plusieurs décennies, la construction elle-même doit être datée du tout début du règne, comme le montre l'inscription sur la face sud du môle est qui est datée de l'an 3 et montre l'inauguration du temple dont la façade n'était constituée, en plus des deux obélisques (dontcelui deParis), que de deux colosses assis. Il est très probable que ces obélisques et colosses, ainsi que les deux autres colosses assis encadrant l'entrée de la colonnade, soient ceux commandités parSéthi Ier en l'an 9 de son règne, que RamsèsII aurait donc achevés[96],[80].
En 2008, auGebel Silsileh, carrière de grès fortement exploitée pendant cette période, a été découverte une stèle conservée sur un bloc renversé vers l'avant et mentionnant les constructions du début du règne. La graphie des cartouches royaux indique qu'elle date de l'an 1 ou l'an 2 et surtout mentionne la destination des pierres extraites de la carrière ; il s'agit des trois temples précédemment mentionnés, à savoir[98] :
le pylône et l'avant-cour dutemple de Louxor, nommé le « temple de Ramsès-Méryamon dans le domaine d'Amon en [...] » (« temple » étant écritḥwt-nt̲r)[99],
leRamesséum, nommé le « temple du roi de Haute et Basse Égypte [...]maâtrê (dans) le domaine d'Amon » (« temple » étant écrit simplementḥwt)[99],
et letemple d'Abydos, nommé le « temple de Méryamon Ramsès dans le domaine d'Osiris » (« temple » étant écrit simplementḥwt)[99].
La cité, située à peine à deux kilomètres au nord-est d'Avaris, est la nouvelle capitale royale. La ville est située immédiatement en aval d'une séparation de deux bras de la branche pélusiaque du Nil, faisant du lieu une île. La campagne environnante est également composée de nombreux îlots en période de crue. Le palais, dont une partie a été construite sous le règne deSéthi Ier, est orienté est-ouest. Les fouilles ont révélé un sol de briques crues, une salle de colonnes octogonales et des fragments de sculptures en pierre. L'enceinte du palais abritait aussi une zone dédiée à des animaux, dont des lions et des éléphants. Un quartier d'habitations était situé immédiatement au sud du palais. À quelques centaines de mètres plus au sud, une caserne pour la charrerie, comportant des ateliers de métallurgie et une cour à portiques où furent trouvés des pièces d'harnachement pour les chevaux et des éléments de chars de combat en bronze, marbre, calcite et faïence. À 250 mètres à l'est de la caserne, c'est un complexe d'écuries qui a été retrouvé, composé de plusieurs bâtiments construits en parallèle, avec salles et hall à colonnes, permettant d'abriter plus de trois cents chevaux. Un ensemble de bâtiments a été repéré au nord-est des écuries et pourrait correspondre au temple des millions d'années de RamsèsII àPi-Ramsès. Les restes d'un colosse de RamsèsII, qui devait faire 10 mètres de haut, a été trouvé à quelques centaines de mètres au nord du palais, au lieu-dit Tell Abou Shafˁai[100].
Un texte, préservé sur les papyrus AnastasiII etIV, mentionne le fait que la ville était entourée de quatre sanctuaires aux quatre points cardinaux (théoriques) :Amon à l'Ouest théorique, probablement au Tell Abou Shafˁai au nord de l'île dePi-Ramsès ;Seth au Sud théorique, certainement le temple de Seth àAvaris ;Astarté à l'Est théorique, très probablement dans la zone des écuries au sud-est de l'île, où ont par ailleurs été retrouvées des mentions de la déesse ; enfin la déesseOuadjet au Nord théorique, dont le sanctuaire devait être situé àTell Nebesha à une dizaine de kilomètres au nord-est dePi-Ramsès. En plus du palais devait se trouver un sanctuaire principal qui, selon certains chercheurs, devait être dédié au culte des dieux mentionnés dans letraité de paix égypto-hittite, à savoir Amon-Rê-Horakhty-Atoum (bien que les éléments trouvés à Tanis laissent penser qu'il s'agit surtout de Rê-Horakhty-Atoum), Amon de Ramsès-Méryamon, Ptah de Ramsès-Méryamon, Seth le Grand de puissance, Geb et Nout. Quatre colosses royaux, mentionnés par des stèles, faisaient également l'objet d'un culte populaire, dont le plus nommé était « Ousermaâtrê-Sétepenrê Montou dans les Deux Terres », tandis qu'une autre statue, nommée « Ramsès-Méryamon le Dieu » et mentionnée sur une stèle du Gébel Ahmar datée de l'an 8, était en grès silicifié[101].
La ville d'Héliopolis était l'un des plus importants centres religieux du pays depuis le début de l'histoire égyptienne, untemple de Rê y étant d'ailleurs attesté depuis le règne deDjéser de laIIIe dynastie.
Le chef des travaux Mây, fils du chef des travaux Bakenamon, a été le responsable de nombreux travaux au nom du roi àPi-Ramsès,Memphis et surtout àHéliopolis, mais le fait qu'il soit toujours actif sous le règne deMérenptah indique que ces travaux sont à dater de la seconde moitié du règne. Une stèle conservée auMusée égyptien du Caire indique qu'il a été le responsable d'un édifice nommé « Glorieux est Ramsès-Méryamon dans le temple de Ser », qui, par analogie avec la salle hypostyle dutemple d'Amon-Rê àThèbes, doit correspondre à une salle hypostyle aménagée entre les pylônes deThoutmôsis III et deSéthi Ier. Une enceinte autour de la zone sacrée de Rê est également mentionnée sur la stèle, probablement pour remplacer celle deThoutmôsis III : elle devait mesurer près d'un kilomètre de long d'est en ouest, et était donc plus vaste que celle dutemple d'Amon-Rê àThèbes. Les restes de l'enceinte attestent d'une épaisseur de 10 mètres, notamment dans la partie sud. Deux autres édifices ont été mentionnés sur la stèle : « Ramsès-Méryamon a trouvé une place dans le domaine de Rê » et le « temple des millions d'années de Ramsès-Méryamon ». Ce dernier est supposé avoir été construit devant le pylône du temple de Rê, comme l'édifice construit parRamsès III devant leIIe pylône dutemple d'Amon-Rê àThèbes, qui formait alors l'entrée du temple. Deux édifices datés de RamsèsII, l'un près de la porte orientale de l'enceinte, l'autre au sud de la porte de l'angle nord-ouest de l'enceinte, ont été retrouvés. Ce second édifice associe d'ailleurs des statues de Ramsès à celles deSésostris Ier, mais le nom et la fonction de cet édifice sont inconnus[104].
Une enceinte, qui n'a pas pu être datée, entourait la ville d'Héliopolis au nord de l'enceinte du temple de Rê et en continuité avec celle-ci. Dans la partie occidentale de cette aire, les fouilles ont révélé l'existence d'un ensemble de bâtiments ramessides marqué par des portes au nord et au sud, ainsi qu'un sanctuaire dont les restes de murs conservent lenom d'Horus de RamsèsII utilisé après l'an 30[105].
Cependant, le démantèlement systématique des différents monuments auPériode islamique rend difficile la compréhension du site. L'enceinte de Ptah était constituée de quatre portes principales selonHérodote, dont celle de l'ouest était celle de Rhampsinite, c'est-à-dire « Ramsès fils de Neith », ce qui a été confirmé par les fouilles où un vastepylône conservé au niveau de ses assises inférieures a été retrouvé parK. R. Lepsius. Ce pylône de plus de 70 mètres de large fut construit près de l'emplacement d'un édifice antérieur daté deThoutmôsis IV et voué à la dévotion populaire, comme l'attestent de nombreuses stèles privées découvertes à proximité. Le pylône offrait un accès direct à une grande salle hypostyle où des jubilés ont dû être célébrés et donc les dépôts de fondation sont aux noms de RamsèsII mais aussi le nom de son filsKhâemouaset. Le pylône était percé de portes latérales au nord et au sud qui menaient à des corridors (où deux statues de Ptah ont été découvertes pour celui du sud) qui devaient mener eux-mêmes à des édifices secondaires de RamsèsII mais rien ne subsiste de ces édifices. Plusieurs colosses de RamsèsII de tailles variées se trouvaient à l'avant du pylône[110].
Comme écrit précédemment, RamsèsII s'employa d'abord à construire son propretemple sur les fondations datées deSéthi Ier avant d'achevercelui de son père. Ce temple de RamsèsII est nommé dans les inscriptions « temple de Ramsès-Méryamon qui est associé au nom de Ta-Our » et « temple des millions d'années qui est en Abydos ». Ce temple est essentiellement construit en calcaire, contrairement à celui de SéthiIer qui est en grès. Ce temple est construit dès l'an 1 et est sans doute en grande partie achevée dans la première décennie du règne[121]. Ouvert vers le nord-est (correspondant à un est théorique), il est composé d'un premier pylône en brique crue dont la porte en calcaire atteste des noms deMérenptah,Ramsès III etRamsès IV et devant laquelle se trouvaient deux colosses dont l'une des bases en conservée, ainsi qu'une chapelle un peu plus au nord. Après le premier pylône se trouvent une avant-cour puis un second pylône en calcaire. Dans la partie sud de cette avant-cour se trouve une chapelle précédée d'un portique à quatre colosses osiriaques. Enfin, derrière le second pylône ouvre sur une vaste cour entourée de piliers osiriaques, puis d'un portique menant à quatre chapelles (deux au nord et deux au sud) et surtout à la première salle hypostyle à huit piliers au centre. Cette salle mène à la seconde salle hypostyle, à huit piliers également, qui elle-même mène à un ensemble de neuf chapelles rayonnant autour de la salle : trois ouvertes depuis le mur nord, trois depuis le mur sud et trois ouverte depuis le mur ouest. Deux autres chapelles, situées dans les coins nord-ouest et sud-ouest du sanctuaire, sont accessibles depuis les chapelles ouest des murs nord et sud de la seconde salle hypostyle[122]. Comme mentionné précédemment, les chapelles qui rayonnent autour de la seconde salle hypostyle ont été exécutées en premier lieu : elles présentent des décors en reliefs levés et une graphie des cartouches royaux propre au tout début du règne ; la première salle hypostyle et les deux chapelles situées au nord ont été décorées après : elles présentent des décors en reliefs en creux et une graphie des cartouches royaux propre au tout début du règne ; ; enfin, les deux chapelles sud et toute la partie antérieure du temple (portique, cour et pylônes et chapelle de l'avant-cour) comportent des décors en reliefs en creux et une graphie des cartouches royaux propre à la période allant de l'an 2 à l'an 20 du règne[94].
La ville de Thèbes est à la fois un centre politique et un centre religieux très important à l'époque ramesside, malgré le déplacement de lacapitale vers le nord, d'abord àMemphis dès la fin de laXVIIIe dynastie puis àPi-Ramsès au début du règne de RamsèsII.
Contre le mur est du sanctuaire du grand temple,Thoutmôsis III avait fait placer une statue en albâtre de lui-même dans unnaos et assis à côté d'Amon-Rê. C'est devant ce naos qu'a été aménagé une petite cour délimitée à l'est par six piliers osiriaques et des murets d'entrecolonnements aux noms de RamsèsII. Une statue d'Hatchepsout avait également été installée dans une pièce au sud du naos et deux obélisques de la reine ornaient les flancs du contre-temple[131].
Dans les décennies suivantes, le roi aménagea la partie qu'il construisit et décora aussi certaines parois extérieures des parties plus anciennes. Le pylône d'entrée est de 63 mètres de large. Il mène à une avant-cour péristyle composée de deux rangées de colonnes. Ce pylône et cette l'avant-cour sont désaxés par rapport à l'axe initiale du temple, probablement pour se rapprocher de celui du dromos courant de ce temple vers le complexe religieux deKarnak. Les décors des murs extérieurs sont dédiés aux campagnes au Proche-Orient du roi, particulièrement ceux parlant de lacampagne de Qadesh (façade du pylône, moitié sud de la paroi extérieure du mur oriental de l'avant-cour et paroi adjacente du mur méridional, paroi extérieur du mur occidental de la grande colonnade, paroi extérieur du mur occidental de la cour d'Amenhotep III ainsi que la paroi adjacente du mur septentrional de la cour d'Amenhotep III), ainsi que de la campagne de Moab (moitié nord de la paroi extérieure du mur oriental de l'avant-cour) et de lacampagne de Dapour (moitié nord de la paroi extérieure du mur occidental de l'avant-cour), ainsi que la prise des villes de Mountir (moitié sud de la paroi extérieure du mur occidental de l'avant-cour) et Satouna (partie ouest de la paroi extérieure du mur méridional de l'avant-cour). Les décors des parois intérieures des murs exposent plusieurs sujets, dont les processions des enfants royaux sur le mur occidental, ou encore la fête de Min sur la paroi intérieure du môle oriental du pylône d'entrée[96].
Dans l'angle nord-ouest de l'avant-cour se trouve un reposoir à barques dont la construction ne peut être que contemporaine de la construction de l'avant-cour, les pierres de ce reposoir étant inextricablement liés à celles du pylône et celles des colonnes. La décoration de ce reposoir a dû commencer peu après l'an 3 mais a fini après l'an 20 d'après la graphie des noms royaux[132].
Six statues ornaient, avec les deux obélisques, la façade du temple, à l'avant le pylône. À l'origine, seules deux statues assises s'y trouvaient, commanditée à l'origine par SéthiIer et sur lesquelles RamsèsII a fait figurer en petit lagrande épouse royaleNéfertari. Plus tard, quatre statues debout y ont été installées, ce qu'un relief de l'angle sud-ouest de l'avant-cour représentant cette façade permet de dater d'avant l'an 20 d'après la graphie des noms royaux. Or la statue se dressant aujourd'hui à l'extrémité occidental du pylône portent la graphie des noms royaux postérieure à l'an 18 et surtout une figuration deMérytamon en tant qu'épouse royale, ce qu'elle ne fut pas avant la troisième décennie du règne. Cela indique qu'un nouveau réaménagement des statues de la façade du temple a eu lieu au cours du règne après l'inscription du relief de l'angle sud-ouest de l'avant-cour[133].
Deux colosses assis ont également été installés dans l'avant-cour à l'avant de la grande colonnade, en même temps que les deux colosses assis de la façade, commandités à la toute fin du règne de SéthiIer et sur lesquelles RamsèsII a fait figurer en petit lagrande épouse royaleNéfertari[133]. Près de onze autres statues debout ornaient également l'avant-cour, placées entre les colonnes. Six d'entre elles datent de la période entre l'an 2 et l'an 20 d'après la graphie des noms royaux, le roi est par ailleurs accompagné de lagrande épouse royaleNéfertari sur trois d'entre elles. Quant aux cinq autres, ce sont en réalité des colosses usurpés d'Amenhotep III, l'usurpation ayant eu lieu après l'an 18 d'après la graphie des noms royaux[134]. Le roi est accompagné à nouveau de lagrande épouse royaleNéfertari sur deux d'entre elles, ainsi que de l'épouse royaleBentanat sur deux autres[135] et de l'épouse royaleMérytamon sur la dernière[136]. Deux autres statues debout de RamsèsII ornaient la porte occidentale de l'avant-cour, par laquelle la procession des barques pouvait gagner le temple depuis leNil et qui se nommait « grande porte du temple de Ramsès-Méryamon, dont Amon se réjouit des monuments »[137]. Deux statues debout de Mérenptah ornent la porte orientale de l'avant-cour, qui se nommait « grande porte du Roi de Haute et Basse-Égypte Ousermaâtrê-Sétepenrê que les rékhyt (la population) adorent »[138].
Le grand monument de la rive orientale deThèbes est letemple des millions d'années de RamsèsII aujourd'hui nomméRamesséum, dont la construction commence au tout début du règne, comme mentionné précédemment. Ce temple était constitué de plusieurs éléments, à commencer par un pylône, de 67 à 68 mètres de large et de 23 à 24 mètres d'épaisseur, suivi d'une première cour de 50 mètres de large dans laquelle se trouvaient un grand colosse de RamsèsII ainsi qu'un autre de sa mèreMouttouya. Cette cour donnait vers le sud à un palais et était bordée au nord par des piliers osiriaques et au sud par deux rangées de colonnes[139]. S'ensuit la seconde cour entourée au nord et au sud par une double rangée de colonnes et à l'est et à l'ouest par une rangée de piliers osiriaques. S'ensuit une grande salle hypostyle, trois petites salles hypostyles intermédiaires et le sanctuaire, ainsi que plusieurs petites salles tout autour de ces quatre dernières salles. Enfin, une grande chapelle dédiée double à la mère du roiMouttouya et à lagrande épouse royaleNéfertari était accessible à la fois depuis l'extérieur du temple par les constructions adjacentes en brique crue à l'intérieur de l'enceinte, mais aussi par une porte dans l'angle nord-ouest de la seconde cour. Un grand nombre de magasins, le Trésor et une école entourent le temple à l'intérieur même de l'enceinte. Enfin, une voie processionnelle composée d'une rangée de sphinx de part et d'autre de la voie fait le tour du temple le long de l'enceinte côté intérieur au nord, à l'ouest et au sud[140].Diodore de Sicile nous donne une description relativement fidèle de ce monument, qu'il nomme alors le « tombeau d'Ozymandias », une forme hellénisée du nom de couronnement de Ramsès : Ouser-Maât-Rê[140].
Puisant dans les ruines de l'ancienne capitale d'Amarna, RamsèsII fit rebâtir le temple deThot d'Hermopolis, l'antique Khemenou, en réutilisant notamment les temples et bâtiments du site voisin. De même, il restaura également àBubastis, où il refit ou décora lasalle hypostyle dutemple de Bastet. On y a retrouvé récemment un colosse à l'image d'une de ses épouses royales, qui aujourd'hui a été redressé et est visible dans le champ de ruines de la cité antique. Ses autres interventions notables se trouvent àPhilæ,Éléphantine (avec notamment un kiosque aujourd'hui disparu),Edfou (pylône),Hermonthis,Akhmîm (où, en de plus de fragments de ses propres statues, une magnifique statue de sa fille et grande épouse royaleMérytamon a été retrouvée), Matmar, le site de la futureAntinoupolis,Héracléopolis,Athribis etTell el-Rétaba[143].
En effet, plutôt que d'effacer leur culte comme le fit à son périlAkhenaton, il les affirme dans leur rôle central dans la vie économique et spirituelle du pays, et instaure le sien propre, de son vivant, s'associant ainsi encore davantage que ses ancêtres aux dieux dynastiques et tout particulièrement au dieuRê. L'exemple des temples de Nubie est parlant à ce sujet.
Partout il reprend l'initiative en redonnant aux temples et aux cultes des dieux un faste inégalé. Les innombrables fondations à son nom l'attestent et ses successeurs n'eurent qu'à parachever l'entreprise de leur prestigieux aïeul.
Enfin, conscient de l'emprise du dieuAmon-Rê de Thèbes et de son clergé sur le pays, emprise qui menaçait quelque peu le pouvoir royal, raison qui sans nul doute participa au choix de « l'hérétique » Akhenaton en son temps, il use de stratégie en favorisant autant que faire se peut les temples dePtah àMemphis et deRê àHéliopolis. En retour, il donne des gages de sa bonne foi aux prêtres de Karnak en effaçant le souvenir de celui qui voulut leur perte, ainsi que de sa descendance.
Cette tendance avait déjà été amorcée par son père Séthi qui se fait représenter dans son temple d'Abydos en compagnie de son fils héritier devant uneliste de rois représentant leurs ancêtres sur le trône d'Horus, liste de laquelle sont absents les rois d'Amarna, jusqu'àHoremheb, mais aussiHatchepsout.
C'est de son temps également que les cultes des grandes villes du delta retrouvèrent leur importance, en instituant également de nouveaux, comme ceux des dieux orientaux tels queBaal, qui sera associé par syncrétisme àSeth, ou encoreAstarté,Anta,Reshep, etc.
Ces cultes se retrouveront à cette époque dans toute l'Égypte, de Memphis à Thèbes (Deir el-Médineh), prouvant ainsi un brassage des cultures propre à une période de paix assurée.
Comme tout roi, il était promis à RamsèsII de fêter un million defêtes-Sed, la première devant normalement se dérouler trente ans après le couronnement. Lors dupremier jubilé organisé par le quatrième fils du roiKhâemouaset, le roi, qui avait alors une cinquantaine d'années, affirmait solennellement son aptitude à assurer la stabilité et la prospérité du pays entier[144]. Un scribe a par ailleurs composé un hymne en ce sens :
« […] le grandHâpy pour la première fête-Sed [du Roi de Haute et Basse-Égypte] Ousermaâtrê, le Fils de Rê Ramsès-Méryamon, doué de vie (soit-il) ! Il a apporté la coudée, si bien que la digue n'a pas tenu devant elle. Il a atteint les collines, lui qui possède des poissons, qui est riche en oiseaux. Tous ses […] sont bénéfiques : on mange, tandis que les cœurs sont heureux et que les dieux sont en fêtes. Heureux est le cœur de Kémet durant ton règne. On sacrifie chaque jour sans manquer de rien. Le pays est revenu à sa place. L'Ennéade divine de Haute-Égypte s'est rassemblée pour multiplier tes provisions comme les grains de sable. (…)[144] »
Le texte dit de laBénédiction dePtah, daté de l'an 35, remplace le dieuthébain par celui deMemphis et déclare ainsi :
« Je suis ton père, celui qui t'a procréé parmi les dieux et tous tes membres sont issus des dieux. J'ai pris l'apparence de Banebdjed et t'ai éjecté en ta mère vénérable, car je savais que tu serais un protecteur et quelqu'un accomplissant ce qui est bénéfique à mon ka. Je t'ai mis au monde au lever du soleil et t'ai élevé face aux dieux[148]. »
L'un des noms du roi est lenom de Sa-Rê, c'est-à-dire « fils de Rê ». C'est ainsi que, dans l'inscription dédicatoire d'Abydos, Ramsès s'adresse aux courtisans en disant ceci : « Je suis issu à la fois de Rê et, comme vous le dites, de Menmaâtrê qui m'a nourri. » Ainsi donc, au père nourricier bien humain, c'est-à-direSéthi Ier, se superpose un père divin, c'est-à-dire Rê[149].
En ce qui concerne la croissance du roi pendant son enfance, celle-ci est assurée par l'allaitement d'une déesse dont l'identité varie, dépendamment du temple. Cet allaitement divin est dû au fait que c'est Rê qui a choisi Ramsès pour devenir le roi d'Égypte, comme l'indique l'inscription dédicatoire d'Abydos : « Le Maître Universel en personne m'a fait croître tandis que j'étais un enfant, jusqu'à ce que je devienne le souverain. Il m'avait donné le pays alors que j'étais dans l'œuf[148]. »
Les noms royaux égyptiens peuvent fonctionner comme des êtres autonomes ne nécessitant pas la représentation anthropomorphe du roi, cette dernière étant porteur d'une connotation trop terrestre ne répondant qu'imparfaitement d'approcher le divin. C'est ainsi que les noms du roi faisaient office d'adoration comme pouvaient l'être les divinités, notamment par les fonctionnaires royaux sur de nombreux documents (graffiti, stèles, reliefs, linteaux). Les noms royaux peuvent aussi recevoir l'hommage par les processions des enfants royaux sur les différents temples, mais aussi par les prisonniers. Ils recevaient également des offrandes de génies du Nil ainsi que vie et protection par les dieux[150].
À côté de ceci, les noms royaux sont parfois figurés sur des reliefs sous une forme qui relève du rébus ou de la cryptographie. C'est particulièrement le cas au niveau du montant sud de la porte principale dugrand temple d'Abou Simbel, où sont représentés lesnoms d'Horus, deNesout-bity et deSa-Rê, ainsi que sur l'architrave orientale de l'avant-cour dutemple de Louxor où est représentée la titulature complète[151]. Par exemple, concenrnant la représentation du grand temple d'Abou Simbel, le relief est divisé en six registres et de lit de haut en bas[151] :
lenom d'Horus, qui est ici « taureau victorieux aimé de Maât » (« Kanakht Mérymaât »), est représenté par le dieuHorus - représentant donc le nom lui-même - devant le dieuMin - représentant le taureau -, suivi du dieuMontou - représentant la victoire - puis de la déesseMaât sur lesigne N36 de laclassification de Gardiner et qui se lit « mr » - se lisant donc « mér(y)-Maât », c'est-à-dire « aimé de Maât »[151] ;
lenom de Nesout-bity, qui est ici « Ousermaâtrê Sétepenrê », est représenté par deux rois portant respectivement lacouronne de Haute-Égypte et lacouronne de Basse-Égypte - représentant donc le nom lui-même -, suivis du dieuAnubis - représentant lesigne F12 qui se lit « wsr » -, puis de la déesse Maât, du dieuRê-Horakhty - se lisant ici seulement Rê -, puis un dieu maniant l'herminette - représentant lesigne U21 et qui se lit « stp » -, puis de la déesseNeith - représentant le son « n » - et à nouveau le dieuRê-Horakhty - se lisant à nouveau seulement Rê -[151] ;
lenom de Sa-Rê, qui est ici « Râmessou Méryamon », est représenté par la figure du dieuAnhour - représentant donc le nom lui-même -, suivi du dieuRê-Horakhty - se lisant à nouveau seulement Rê -, puis le dieuKhonsou portant la tresse de l'enfance - se lisant « ms » - et portant dans sa main gauche lesigne S29 - se lisant « s » - et dans la main droite lesigne M23 - se lisant « sw » -, enfin, le dernier personnage est le dieuAmon sur lesigne N36 - se lisant « mr » -[151].
L'usage de ces rébus, en plus de ces reliefs, a été utilisé par RamsèsII sur la statuaire[152]. Plusieurs exemples sont connus :
la statue du roi avec le dieuHouroun découverte à Tanis en 1934 est l'exemple le mieux connu : le roi est représenté enfant (« ms »), surmonté de l'astre solaire (« Rˁ ») et portant dans la main gauche lesigne M23 (« sw »), ce qui permet de lire « Râmessou »[152] ;
un colosse deMemphis est composé d'une couronne encadrée par les signesF12 - se lisant « ouser » - etH6 - représentant la déesseMaât - ; la couronne, fragmentaire, devait être surmontée à l'origine par l'astre solaire, ce qui permettait alors de lire « Ousermaâtrê »[152] ;
une statuecriocéphale (CG 42143), découverte dans la cachette de Karnak, est entourée des signesF12 etH6 et est surmontée de l'astre solaire, ce qui permet à nouveau de lire « Ousermaâtrê »[152] ;
la figure centrale en ronde-bosse de la niche située au-dessus de la porte principale dugrand temple d'Abou Simbel représenteRê-Horakhty encadré au niveau des jambes par le signeF12 et une figure de Maât, permettant de lire à nouveau « Ousermaâtrê »[153].
Dans les scènes des temples, le roi offre régulièrement une figurine de Maât pour indiquer qu'il maintient l'équilibre universel créé par le démiurge et justifier ainsi par conséquent sa légitimité sur le trône. Or, sur certaines de ces représentations, le roi n'offre par une figurine de Maât seule, mais des éléments formant, par rébus, le nom « Ousermaâtrê »[154], par exemple :
àKarnak, la tête de la figurine de Maât est surmonté de l'astre solaire, elle tient dans la main une plume (c'est-à-dire lesigne H6) et devant elle se trouve le signeF12, ce qui permet de lire « Ousermaâtrê »[153] ;
en façade dugrand temple d'Abou Simbel, de part et d'autre de la figure deRê-Horakhty citée précédemment, le roi offre la figure de Maât surmontée de l'astre solaire et du signeH6, et tient dans sa main le signeF12, ce qui permet de lire à nouveau « Ousermaâtrê »[153].
Les statues royales étaient considérées comme deshypostases duka royal, comme le précise l'inscription de l'un des colosses dans l'avant-cour dutemple de Louxor[155] :
« Dire une parole par le prêtre-Iounmoutef : "Prends pour toi les offrandes et provisions qui sortent en présence de ton père Amon-Rê, pour le ka royal vivant Soleil des Souverains."[155] »
Le ka royal, autrement dit la force vitale de la monarchie d'essence divine, est conçu comme une entité divine à part entière, distincte du roi régnant, et à qui était vouée une barque processionnelle. En matérialisant le ka royal par des statues, le roi individualise le ka à son image, ouvrant donc la voie à un culte populaire rendu à sa propre personne. En effet, alors que les statues divines étaient recluses au fond des sanctuaires et n'en sortaient que lors des fêtes processionnelles, les statues royales étaient en permanence accessibles au peuple dont elles recevaient prières[155].
le grand colosse duRamesséum porte lui aussi le nom de « Soleil des Souverains », colosse auquel était semble-t-il dédié un petit espace rituel comme l'attesterait les bases de quatre colonnette de grès et des murets latéraux[155] ;
àPi-Ramsès, quatre colosses faisaient l'objet d'un culte comme l'atteste les stèles dites « d'Horbeit » ainsi que la description qu'en donne le scribe Pabasa : les deux colosses assis se nommaient respectivement « Ramsès aimé d'Atoum » et à nouveau « Soleil des Souverains », tandis que les deux colosses représentant le roi debout se nommaient respectivement « Ramsès Méryamon le Dieu » et « Montou dans les Deux Terres », cette dernière est par ailleurs attestée par près d'une cinquante de stèles et devait donc faire l'objet d'un culte important[156].
Legrand temple d'Abou Simbel devait être dédié au départ àAmon-Rê pour la moitié sud etRê-Horakhty pour la moitié nord, mais entre l'an 15 et l'an 20, il a été décidé de donner une bien plus grande importance au roi divinisé. Il est possible en effet que lors de l'achèvement des quatre colosses d'entrée, le processus de divinisation du roi n'était pas encore de mise dans ce temple, comme l'attesteraient les noms de ces colosses (du sud au nord : « aimé du Souverain des Deux Terres », « aimé du Soleil des Souverains », « aimé d'Amon » et « aimé d'Atoum »). Plus tard, lors de la réalisation des reliefs de la seconde salle hypostyle, les murs latéraux furent couverts de scènes montrant le couple royal offrant à une barque processionnelle transportée par des prêtres, la barque du mur sud ayant une égidecriocéphale (c'est-à-direAmon-Rê), celle du mur nord une égidehiéracocéphale (c'est-à-direRê-Horakhty). Cependant, le texte associé à cette dernière barque indique qu'il s'agit de « Ramsès-Méryamon résidant en Per-Ramsès-Méryamon » (c'est-à-dire legrand temple d'Abou Simbel), ce qui indiquerait que le roi divinisé a remplacéRê-Horakhty. Il en va de même dans le sanctuaire du temple, où la barque à égidehiéracocéphale du mur nord est accompagné d'un texte parlant de la barque de « Ramsès-Méryamon ». Près de cette dernière scène, une autre scène montre le roi offrant des tissus à Ramsès divinisé, coiffé de l'astre solaire ; des scènes associant les mêmes personnages se trouvent sur les portes du vestibule. Il est possible que ces scènes attestent l'instauration de fêtes locales incluant une procession de la barque royale assimilée à la barque solaire, peut-être lors de l'achèvement du temple. D'autres scènes ont par ailleurs été modifiées dans le temple, la figure de Ramsès ayant été insérée entre les figures divines : sur le mur occidental de la grande salle hypostyle, au nord entreRê-Horakhty etIousaas, au sud entreAmon-Rê etMout, ainsi que sur le mur oriental de la seconde salle hypostyle, au nord entreAmon-Min etIsis, au sud à nouveau entreAmon-Rê etMout. La chapelle deThot, creusée au sud de la façade, ainsi que les magasins du temple ont été creusés et décorés après l'an 20 et montrent, pour la chapelle, une barque à égide hiéracocéphale légendée du texte « Ramsées`Méryamon dans la barque, le Grand Dieu », et pour les magasins, le roi offrant à Ramsès divinisé[158].
À la fin de son règne, le roi séjourne en permanence àPi-Ramsès[160] et est devenu très probablement trop vieux pour être le véritable maître de l'Égypte. En effet, deux documents (un gros scarabée de Pi-Ramsès et une statue usurpée deSésostris Ier), probablement à dater de l'extrême fin du règne, concernent le prince héritierMérenptah et indiquent le texte suivant :
« le préposé, l'héritier de Geb, la semence divine issue du taureau puissant, les payas et les contrées étrangères se trouvant sous son poing, celui qui est appliqué lorsqu'il réalise l'équité pour ses pères, tous les dieux, l'unique sans égal, qui domine les chefs de tous les pays étrangers, le scribe royal, général en chef, le fils du roi, Mérenptah, qu'il vive éternellement[161]. »
puis son deuxième filsRamessou (fils aîné de la reineIsis-Néféret), héritier du trône de la mort d'Amonherkhépeshef jusqu'à sa propre mort qui est datée différemment par les chercheurs mais qui se situerait aux alentours de l'an 50, peut-être vers l'an 52[165],
ensuite son quatrième filsKhâemouaset (deuxième fils de la reineIsis-Néféret), héritier du trône pendant une courte période de la mort deRamessou jusqu'à sa propre mort qui est datée habituellement de l'an 55, même si cela n'est pas totalement certain[166],
enfin son treizième filsMérenptah (troisième fils de la reineIsis-Néféret), héritier du trône de la mort deKhâemouaset jusqu'à la mort du roi lui-même en l'an 67[163].
L'identification proposée s'appuie sur l'argumentaire suivant : lastèle de la victoire de son successeurMérenptah[note 10] mentionne un « peuple d'Israël » installé enCanaan. De plus, il est attesté selon les sources égyptiennes l'existence d'un haut fonctionnaire de langue sémitique, Ben Azèn, qui serait intervenu dans un conflit opposant un groupe de nomades à des officiers royaux égyptiens[170]. De son côté, la Genèse relate queJoseph, le fils deJacob, aurait occupé un haut poste à la cour d'Égypte[171].
La tombe de RamsèsII se trouve dans le caveauKV7 de lavallée des Rois, il s'agit de l'une des plus grandes tombes de la vallée creusée dans une couche marneuse. Elle a toutefois été ravagée par le temps. Outre les violations qu'elle a subies dès la fin duNouvel Empire, elle a été périodiquement inondée à la suite de violents orages qui se produisent régulièrement dans la région. Des pluies soudaines font alors se déverser dans l'ouest de lavallée des Rois de véritables torrents de boue, de sable et de rochers, qui en pénétrant dans l'hypogée ont peu à peu détruit toute sa décoration intérieure, la couche marneuse résistant par ailleurs mal à l'eau.
Le caveau initial a été découvert en 1737 parRichard Pococke. Il a été fouillé par la suite en 1825 parJames Burton, puis en 1844/1845 parKarl Richard Lepsius, en 1913/1914 parHarry Burton, en 1938 parCharles Maystre et en 1993/2002 parChristian Leblanc. Depuis 1993, laMission Archéologique française de Thèbes-Ouest, dirigée parChristian Leblanc, procède à des fouilles et à la restauration de la tombe. Elle l'a dégagée de sa gangue de boue solidifiée et restitué des pans entiers de sa décoration trouvés dans les débris. De rares objets (fragments de son sarcophage en calcite orné duLivres des Portes, éléments de mobilier funéraire) ont aussi été retrouvés, montrant que la tombe avait été vidée de son contenu bien avant sa dégradation par les éléments naturels.
La momie a donc été retrouvée à la fin duXIXe siècle dans cette même cachetteDB320 à la suite d'une enquête rocambolesque du tout jeuneservice des antiquités égyptiennes conduite parMariette. En effet, dans les années 1870, à Paris et au Caire, apparaissent des antiquités égyptiennes portant les titulatures royales ; les égyptologues concluent que des trafiquants avaient secrètement découvert une nouvelle tombe. Mariette puisGaston Maspero et ses collaborateurs remontent la filière des trafiquants jusqu’à deux frères, Ahmed et Mohamed Abd el-Rassul, bédouins sédentarisés probablement en cheville avec Mustapha Aga Ayat, agent consulaire de Grande-Bretagne, de Belgique et de Russie, pour faire passer à Paris les pièces qu'ils avaient pillé. Mohamed Abd el-Rassul accepte de coopérer[note 12] et révèle la cachette àDeir el-Bahari.Brugsch, conservateur-adjoint dumusée de Boulaq et collaborateur de Maspero, découvre cette caverne le : le tombeau contenait 5 000 objets dont trente-six sarcophages de divers pharaons du Nouvel Empire (parmi lesquelsSéthi Ier,Ahmôsis Ier etThoutmôsis II), 3 000 statuettes funéraires, des meubles et de la vaisselle funéraire... Les pièces furent envoyés au musée de Boulaq le[187].
Lekhédive d'ÉgypteTawfiq Pacha ordonne le déshabillage de la momie de RamsèsII le aumusée de Boulaq : lors de son débandelettage par Maspero, et le dégagement de ses bras, une tension post-mortem rejette l'un de ses bras soudainement dans un dernier geste, créant l'effroi et la fuite de l'assistance (notamment les ministres du pacha) venue admirer le spectacle. Ce sera l'une des origines du mythe de la malédiction des momies égyptiennes. En 1907,Pierre Loti visite de nuit le musée de Boulaq et constate la dégradation de la momie de RamsèsII, laquelle subit sa première radiographie en 1912[188].
La momie a été examinée en 1886 parGaston Maspero et le docteur Fouquet, première investigation approfondie de la momie. Les moyens de l'époque furent employés : observation détaillée du corps, mensurations diverses.
En 1974, pour connaître les causes de la mort de RamsèsII et de plusieurs autres pharaons, dontMérenptah, des recherches furent entreprises sous la direction deMaurice Bucaille, avec des collaborateurs égyptiens et français de disciplines médicales. Leurs résultats furent communiqués à l'académie de médecine et à la Société française de médecine légale. Son livreLes Momies des Pharaons et la médecine[192] qui reçut leprix Diane-Potier-Boès en 1988, présente les résultats définitifs de ses recherches.
De nombreuses techniques modernes ont été utilisées : explorations radiologiques et endoscopiques, investigations dans le domaine dentaire, recherches microscopiques, médico-légales, etc. Une trouvaille de grande importance grâce à l'utilisation de films radiologiques de très haute sensibilité permit de mettre en évidence l'existence d'une très grave lésion de la mâchoire de RamsèsII, uneostéite étendue de lamandibule. Maurice Bucaille en conclut que ces lésions ont probablement été mortelles, à moins que le roi n'ait eu d'autres problèmes de santé non décelables (à cause de l'impossibilité d'examiner les organes du thorax liée à lamomification). La cause de sa mort serait donc une infection d'origine dentaire[193].
Maurice Bucaille a été par la suite sévèrement critiqué par la communauté scientifique, car il partait d'un postulat pour arriver aux faits plutôt que de partir des faits pourin fine aboutir à une théorie. En effet, celui-ci cherchait avant tout à prouver que RamsèsII était le pharaon de l'époque de Moïse.
La déformation du cou lié à sa maladie aurait obligé les embaumeurs à fracturer volontairement ses vertèbres cervicales afin de mettre sa tête en position horizontale.
Les éléments de la titulature ont fortement varié au cours du règne[195],[196]. En conséquence, seules quelques variantes, les plus usuelles, sont présentées ci-dessous. La graphie des noms royaux permet de dater les documents du règne[197]. Les noms usuels de RamsèsII selon les dates sont les suivants :
la variante principale estWsr-Mȝˁ.t-Rˁ, parfois accompagnée de l'une des épithètes suivantes :Nb-ḫpš,Tjt-Rˁ,Mry-Rˁ,Jwȝ-Rˁ etḤḳȝ-Wȝs.t[199],
la variante à partir de l'an 2 est systématiquementWsr-Mȝˁ.t-Rˁ Stp-n-Rˁ[199],
pour lenom de Sa-Rê, un nombre considérable de graphie permet d'écrire le nom : Ramsès-Méryamon ; toutefois, deux variantes principales dans l'écriture du nomRamsès sont présentes :
Rˁ-ms(w)-s(w), avec lesigne du linge plié, attesté de manière équivalente avec l'autre variante jusqu'à l'an 2, puis de manière exclusive jusqu'an l'an 18, puis de manière équivalente avec l'autre variante jusqu'à l'an 20, disparu à partir de l'an 21[200],
Rˁ-ms(w)-sw, avec lesigne du jonc, attesté de manière équivalente avec l'autre variante jusqu'à l'an 2 et de l'an 18 à l'an 20, puis de manière exclusive à partir de l'an 21[200],
l'épithèteNṯr-ḥḳȝ-Jwn(w) peut être ajoutée entre l'an 42 et l'an 56 ; dans ce cas spécifique, la varianteRˁ-ms(w)-s(w) peut être utilisée[200].
Le treizième fils de RamsèsII,Mérenptah, succéde donc à Ramsès pour seulement une dizaine d'années. Il devait être en effet assez âgé et son propre fils,Séthi II, aurait pu être en âge de gouverner lui-même à ce moment-là, ce qu'il fera effectivement dix ans plus tard. Le règne de Mérenptah est marqué par les guerres : en effet, dès l'an 2, Mérenptah doit faire face à une révolte enCanaan, matée rapidement ; puis, en l'an 5, il arrête la marche des envahisseurs Libyens, alliés à despeuples de la mer (qui referont parler d'eux au cours du règne deRamsès III), à la frontière occidentale dudelta, avant de mater une nouvelle révolte, cette fois enNubie[201].
Ainsi, son long règne prospère et stable fut considéré comme une référence pour des rois en proie à des difficultées récurrentes, des divisions ou des dominations étrangères[203]. C'est d'ailleurs sans doute pendant laXXVIIe dynastie, ditepremière dominationperse, qu'a été gravée la stèle dite deBakhtan, un récit de pure fiction basé sur le souvenir du mariage diplomatique de l'an 34 entre le roi et la princessehittiteMaâthornéferourê. La stèle, composée comme si elle avait été gravée sous le règne de RamsèsII, fait figurer dans le cintre le roi offrant des fleurs à la barque processionnelle deKhonsou. Le texte évoque lagrande épouse royaleNéferourê, présentée comme la fille du roi de Bakhtan (c'est-à-dire laBactriane) ; lesHittites ayant disparu depuis longtemps et ne représentant plus rien dans le contexte de l'époque, ils ont donc été remplacés. Dans la suite du récit, alors que le roi se trouvait àThèbes, un messager provenant de Bakhtan arrive afin de demander l'aide du roi pour aider la princesseBentrech, sœur cadette de la reineNéferourê, qui était malade. Le roi envoie un savant nomméDhéhoutyemheb, qui, une fois sur place, constate que la princesse est possédée et fait envoyer depuis l'Égypte une statue de « Khonsou qui fixe le sort dans Thèbes ». La statue arrive au bout d'un an et cinq mois jusqu'à la princesse qui est alors guérie. Le roi de Bakhtan, voyant l'efficacité de la statue, souhaite alors la conserver mais la renvoie ensuite en Égypte après qu'il a fait un rêve l'invitant à le faire. La statue regagne alors son sancturaire thébain, où la stèle peut témoigner de ses vertues magiques incontestables, éprouvées sous le règne du grand Ramsès[204].
RamsèsII n'est pas le seul sujet de récit de fiction. En effet, la littérature démotique conserve plusieurs récits de fiction centrés autour de son filsKhâemouaset, alors appeléSetne-Khamouas. Le premier récit raconte sa quête duLivre de Thot, conservé dans la tombe d'un certain Nanéferkaptah. Le deuxième récit évoque le fils deSetne-Khamouas nomméSa-Ousir, surdoué plus savant que les scribes de lamaison de vie du temple de Ptah. Un troisième récit évoque à nouveauSa-Ousir en compagnie de son pèreSetne-Khamouas et du roiOusermaâtrê, mis au défi par un chef nubien qui s'avère être en fait un sorcier, ce dernier finit vaincu parSa-Ousir qui déclara alors êtreHorus (Sa-Ousir signifie en effet « fils d'Osiris ») revenu sur terre pour vaincre ce sorcier.Sa-Ousir disparut ensuite, laissant son pèreSetne-Khamouas dans un profond chagrin[205].
Parmi les auteurs classiques, plusieurs mentions sont faites du roi sous différents noms :Rhampsinite parHérodote,Osymandyas parDiodore de Sicile sur la base de témoignages d'Hécatée d'Abdère.Germanicus, frère aîné du futur empereur romainClaude, alla en Égypte après ses victoires enGermanie et s'intéressa aux reliefs laissés par Ramsès àThèbes ;Tacite en témoigne dans le récit suivant[206] :
« Bientôt (Germanicus) visita les grands vestiges de l'ancienne Thèbes. Des textes égyptiens subsistaient sur des structures massives, évoquant son opulence antérieure. L'un des vieux prêtres, qui avait été prié de traduire les inscriptions en sa langue, racontait que jadis habitaient là sept cent milles hommes en âge d'être soldat et qu'avec cette armée le roi Ramsès avait conquis la Libye et l'Éthyopie, la Médie et la Perse, la Bactriane et la Scythie, et qu'il avait inclus dans son empire les territoires habités par les Syriens, les Arméniens et leurs voisins Cappadociens, depuis la mer de Bithynie jusqu'à celle de Lycie. On y lisait les tributs imposés aux peuples, le poids en or et en argent, le nombre d'armes et de chevaux, les présents faits aux temples en ivoire et en parfums, les quantités de blé et autres moyens de subsistance que payait chaque nation, choses qui n'étaient pas moins importantes que ce qui aujourd'hui est imposé par la puissance parthe ou le pouvoir romain[206]. »
La volonté de traduire les termes géographiques anciennes dans le cadre géopolitique de l'époque de Germanicus amena le vieux prêtre à amplifier, à dessein ou nom, l'étendu réel des campagnes de Ramsès. Il n'est en tout cas pas possible de savoir si les scènes décritent très librement par le prêtre sont celles dutemple d'Amon àKarnak oucelui de Louxor, deux temples où se trouvent gravés les scènes et textes décrivant labataille de Qadesh[206].
↑Autres dates : 1290 à 1224 av. J.-C. (selonD. Arnold) 1279 à 1212 av. J.-C. (selonA. D. Dodson) 1294 à 1227 av. J.-C. (selonA. H. Gardiner) 1279 à 1212 av. J.-C. (selonN. Grimal) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonH. W. Helck) 1290 à 1224 av. J.-C. (selonE. Hornung) 1290 à 1224 av. J.-C. (selon Kinnaer) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonK. A. Kitchen) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonR. Krauss) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonJ. Málek) 1290 à 1223 av. J.-C. (selon Parker) 1304 à 1237 av. J.-C. (selonD. B. Redford) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonI. Shaw) 1279 à 1212 av. J.-C. (selonC. Vandersleyen) 1279 à 1213 av. J.-C. (selonJ. von Beckerath) 1291 à 1279 av. J.-C. (selon Wente)
↑Enégyptien ancienOusermaâtrê-Sétepenrê Ramessou-Méryamon c'est-à-dire « puissant par l'harmonie de Rê, choisi par Rê, issu de Rê, aimé d'Amon »)
↑Claude Obsomer indique qu'il serait mort dans la seconde moitié du mois de juillet de cette année 1213 av. J.-C. ;Christiane Desroches Noblecourt donne quant à elle la date du 19 juillet 1213 av. J.-C.
↑abcde etf« Flabellifère » ouporte-éventail ou plus exactement « porteur de l'éventail à la droite du roi » : poste honorifique dans l'intimité de l'entourage du roi, souvent associé à des responsabilités administratives ou militaires importantes, comme l'étaient leporte-sandales ou le porte-parasol du Pharaon.
↑Les chercheurs reconstruisent la partie manquante enRouia,Touia voireTjouia.
↑Pour une version complète du traité et de ses dix-huit clauses on consulteraPirenne 1962,p. 355-359.
↑La dot de la princesse est composée d'un grand nombre d'animaux (bœufs, moutons, chevaux) mais aussi de prisonniers de guerre.
↑Un fragment de papyrus en provenance de ce site mentionne :l'épouse royale Maâthornéferourê, vivante soit-elle, la fille du grand chef du Hatti
↑On connaît au moins trois temples dédiés à cette divinité en Égypte
↑En récompense, il recevra cinq-cents livres sterling et sera nommé inspecteur des fouilles.
↑Lors de l'arrivée en avion militaire de la momie de RamsèsII en France, un détachement de laGarde républicaine, rendit les hommages dus selon le protocole à un chef d'État, au passage de la caisse contenant la dépouille du souverain, le convoi fit un détour par laplace de la Concorde pour passer devant l'obélisque.
↑La momie a été analysée en France par 110 techniciens, radiologues, chimistes et des experts du Musée de l’Homme (« Ramsès II - Reconstitution 3D »,Terra Nova,(consulté le))
(en)PierreGrandet,« Egypt’s New Kingdom in Contact with the World », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.),The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 3: From the Hyksos to the Late Second Millennium BC, New York, Oxford University Press,,p. 367-454.