Rafael Alberti naît enAndalousie. Issu d'une famille bourgeoise d'origine italienne (son grand-père paternel, Tommaso Alberti Sanguinetti, était ungaribaldien), il est placé dans un collègejésuite, mais ne s'intéresse pas aux études et se fait exclure. En 1917, il part àMadrid où son père est amené à travailler. Le bouillonnement de la ville l'inspire. Il annonce qu'il veut devenir peintre. Son père meurt en 1920. Deux ans plus tard, malgré les réticences de sa famille, il organise sa première exposition à Madrid en 1922[1].
Il se lance dans l'écriture et, pour son premier recueil de poèmes,Marinero en tierra (Le Marin à terre), il se voit honoré duprix national de poésie. Il a vingt-trois ans[1]. En 1932, Rafael Alberti épouse l'écrivaineMaría Teresa León. Il s'inscrit auParti communiste. Ceci le conduit à voyager enUnion soviétique avec son épouse, y rencontrant notammentBoris Pasternak, ainsi qu'Elsa Triolet etLouis Aragon. En 1934, ils fondent la revue révolutionnaireOctobre.
Il s’implique dans la publication de magazines, parmi lesquels se distingueEl Mono Azul. Là, en tant que chef de la section « A paseo », il déplore l’attitude de personnalités culturelles considérées comme réticentes ou non engagées dans la lutte contre le fascisme, voire qui adoptent des attitudes conciliantes à des degrés divers, envers les idées de laPhalange. Parmi ceux mentionnés,Miguel de Unamuno,Pedro Muñoz Seca(es),Manuel García Morente, et même ses amis des années précédentesErnesto Giménez Caballero etRafael Sánchez Mazas.
Il devient solidaire de laRévolution sandiniste, auNicaragua. Il se rend àManagua pour l'inauguration du Théâtre populaireRubén Darío après l'arrivée au pouvoir duFront sandiniste de libération nationale. Il rencontre par ailleurs deux foisErnesto Cardenal : ils font d'abord connaissance lors d'une rencontre d'écrivains à Berlin avant la révolution ; puis, alors que Cardenal est ministre de la culture du Nicaragua, ils inaugurent ensemble une exposition de peintures latino-américaines en Espagne[4].
Dans un premier temps, sa poésie se situe dans la tradition des recueils de chansons, mais sa position est celle d'un poète d'avant-garde :Marinero en tierra (1925),La amante (1926) etEl alba del alhelí (1927). Proche deFederico García Lorca, il découvre avec ce dernier les dangers d'un « andalousisme » facile[2].
Une autre tradition leur sert d'antidote : celle deGóngora, maître de la poésie baroque[2]. Le résultat estCal y canto (1929, écrit entre 1926 et 1927). Legongorisme réside dans une transfiguration stylistique à laquelle se trouvent soumis les sujets. Dans ce livre apparaît un ton sombre qui anticipeSobre los ángeles (1929, écrit entre 1927 et 1928).
Sobre los ángeles (« Sur les anges ») — qui ouvre une troisième étape, lesurréalisme — naît comme conséquence d'une grave crise personnelle et se rattache d'autre part à la crise esthétique générale de l'époque, commune à tout l'art occidental. Le classicisme antérieur se voit soudainement malmené, et même si le poète utilise encore les formes métriques traditionnelles, la versification libre surgit de façon triomphante. Les caractéristiques de ces poèmes sont la densité des images, la violence du vers, la création d'un monde onirique et infernal.
C'est probablement le livre majeur du poète, lequel prolongera son ton apocalyptique dansSermones y moradas écrit entre 1929 et 1930, le cercle du surréalisme se refermant sur l'humour deYo era un tonto y lo que he visto me ha hecho dos tontos (1929). Dans ce dernier livre, se retrouvent des poèmes consacrés aux grands comiques du cinéma muet.« Ma poésie n'a rien à voir ou presque rien avec le peuple », dit-il[6]. C'est un chantre des thèmes de la vie moderne, un humoriste, un poète pur.
Monument à Rafael Alberti dans sa ville natale.
L'identification entre conduite privée et conduite publique, que l'on peut considérer comme une caractéristique du surréalisme, se traduit postérieurement chez Alberti par une position idéologique proche de l'anarchisme. Cela l'amène à se lancer dans la poésie politique, dont la première manifestation est l'élégie civiqueCon los zapatos puestos tengo que morir (1930). Avec l'arrivée de laSeconde République espagnole (1931), Alberti adopte les positions dumarxisme révolutionnaire. Les poèmes de cette période sont rassemblés dansConsignas (1933),Un fantasma recorre Europa (1933),13 bandas y 48 estrellas (1936),Nuestra diaria palabra (1936) etDe un momento a otro (1937) ; en 1938 l'auteur rassemble tous ces recueils sous le titre généralEl poeta en la calle. Il faut ajouter l'élégieVerte y no verte (1935), dédiée àIgnacio Sánchez Mejías. Le cycle est inégal, mais recèle des réussites remarquables.
Militant engagé dans le camp républicain, Rafael Alberti est contraint de s'exiler enFrance en1939 ; l'année suivante, il doit quitter ce pays vaincu par les Allemands, pour se réfugier enArgentine où il reste jusqu'en1963. Cette année-là, il s'installe en Italie (Rome et ponctuellementCervara di Roma) pour un séjour qui durera jusqu'à son retour en Espagne en1977.
L'exil (1939-1977) déclenche le dernier cycle de l'œuvre d'Alberti. De la poésie apolitique, on peut détacherEntre el clavel y la espada (1941) ;A la pintura (1948), retable sur les thèmes et figures des arts picturaux ;Retornos de lo vivo lejano (1952) ;Oda marítima ;Baladas y canciones del Paraná (1953). Il s'agit de livres articulés — saufA la pintura — sur le thème de la nostalgie, dans lesquels les vers cultes alternent avec le « neopopularismo », et qui présentent des lignes d'une grande qualité, que l'on retrouve dansAbierto a todas horas (1964) et dans le premier livre totalement rédigé après le retour en Europe,Roma, peligro para caminantes (1968).
Après le retour en Espagne (1977), la production d'Alberti, très abondante, inclut en particulier la poésie érotique deCanciones para Altair (1988).
Revenances du vivant lointain, trad. Alice Ahrweiler, Éditions Seghers, 1955
Sermons et demeures, suivi deÉlégie civique etJ'étais un imbécile et ce que j'ai vu a fait de moi deux imbéciles, trad. Robert Marrast, P.J. Oswald, 1962
Qui a dit que nous étions morts? — Poèmes de guerre et d'exil, trad. Claude Couffon, anthologie, édition bilingue, LesÉditeurs français réunis, 1964
Mépris et merveille, traduit et adapté parVictor Mora etCharles Dobzynski, édition bilingue, Les Éditeurs français réunis, 1974
Jeanne Marie,Los caminos del alma / Les Chemins de l’âme - memoria viva de los poetas del 27’ / mémoire vive des poètes de la Génération de 1927, éditions Paradigme Orléans
Parmi les plus connus des interprètes espagnols des poèmes de Rafael Alberti,Paco Ibáñez, dont le fameuxA galopar, hymne des Républicains exilés après la guerre civile[8].
On trouve aussi quelques poèmes de Rafael Alberti chantés et mis en musique par Vicente Monera, auteur-interprète espagnol[9],[10].
En 1977, la chanteuse hispano-vénézuélienneSoledad Bravo a fait, avec Rafael Alberti, un disque dans lequel ils enchaînent chansons (musique de Soledad Bravo sur des poèmes de Rafael Alberti) et des poèmes dits par Rafael Alberti lui-même. Le disque, édité par CBS a reçu le prix de l'académie Charles-Cros[11].