L'émission de particules matérielles et immatérielles est appeléerayonnement, et l'énergie des particules est suffisante pour entraîner l'ionisation de la matière traversée, d'où le nom derayonnements ionisants. On distingue classiquement les rayons α constitués de noyaux d'hélium (également appelésparticules α), les rayons β constitués d'électrons ou de positons (particules β− ou β+) et lesrayons γ constitués dephotons, auxquels il faut ajouter les neutrons qui dérivent desfissions spontanées.
Les effets sur un organisme vivant d'une exposition aux rayonnements ionisants (irradiation) dépendent du niveau et de la durée de l'exposition (aiguë ou chronique), de la nature du rayonnement ainsi que de la localisation de la radioactivité (exposition externe, interne, en surface, etc.).
Les rayonnements provenant de substances radioactives sont largement utilisés dans l'industrie pour le contrôle de pièces manufacturées, les soudures, l'usure, et enmédecine nucléaire à des fins de diagnostic àfaible dose, et à des fins thérapeutiques à forte dose pour soigner lescancers. Lors des différents usages de la radioactivité, il convient naturellement de suivre les mesures deprévention, de protection et de contrôle adaptées au niveau de radioactivité.
La radioactivité fut observée pour la première fois parAbel Niépce de Saint-Victor en 1857 puis redécouverte en1896[a] parHenri Becquerel (1852-1908), lors de ses travaux sur laphosphorescence : les matières phosphorescentes émettent de la lumière dans le noir après exposition à la lumière, et Becquerel supposait que la lueur qui se produit dans lestubes cathodiques exposés auxrayons X pouvait être liée au phénomène de phosphorescence. Son expérience consistait à sceller une plaque photographique dans du papier noir et mettre ce paquet en contact avec différents matériaux phosphorescents. Tous ses résultats d'expérience furent négatifs, à l'exception de ceux faisant intervenir des sels d'uranium, lesquels impressionnaient la plaque photographique à travers la couche de papier.
Cependant, il apparut bientôt que l'impression de l'émulsion photographique n'avait rien à voir avec le phénomène de phosphorescence, car l'impression se faisait même lorsque l'uranium n'avait pas été au préalable exposé à la lumière. Par ailleurs, tous les composés d'uranium impressionnaient la plaque, y compris les sels d'uranium non phosphorescents et l'uranium métallique. De plus, les physiciensJulius Elster(en) etHans Gleiter(en) montrent dès 1898 que le phénomène n'est sensible ni à la température, ni à la pression ni à un bombardement d'électrons[3].
À première vue, ce nouveau rayonnement était semblable au rayonnement X, découvert l'année précédente (en1895) par le physicien allemandWilhelm Röntgen (1845-1923). Des études ultérieures menées par Becquerel lui-même, ainsi que parMarie Curie (1867-1934) etPierre Curie (1859-1906), ou encore parErnest Rutherford (1871-1937), montrèrent que la radioactivité est nettement plus complexe que le rayonnement X. En particulier, ils découvrirent qu'unchamp électrique oumagnétique séparait les rayonnements « uraniques » en trois faisceaux distincts, qu'ils baptisèrent α, β et γ. La direction de la déviation des faisceaux montrait que les particules α étaient chargées positivement, les β négativement, et que les rayonnements γ étaient neutres. En outre, la magnitude de ladéflexion indiquait nettement que les particules α étaient bien plus massives que les β.
Papier photographique impressionné par le rayonnement de la pechblende.
En faisant passer les rayons α dans untube à décharge et en étudiant lesraies spectrales ainsi produites, on pouvait conclure que le rayonnement α est constitué d'hélions, autrement dit de noyaux d'hélium (4He). D'autres expériences permettaient d'établir que les rayons β sont composés d'électrons comme les particules dans untube cathodique, et que les rayons γ sont, tout comme les rayons X, des photons très énergétiques. Par la suite, on découvrit que de nombreux autres éléments chimiques ont des isotopes radioactifs. Ainsi, en traitant des tonnes depechblende, une roche uranifère, Marie Curie réussit à isoler quelques milligrammes de radium dont les propriétés chimiques sont tout à fait similaires à celles dubaryum (ces deuxéléments chimiques sont desmétaux alcalino-terreux), mais qu'on arrive à distinguer à cause de la radioactivité du radium.
« Poudre Tho-Radia, à base de radium et thorium, selon la formule duDr Alfred Curie […] ».
Les dangers desrayonnements ionisants pour la santé ne furent pas immédiatement reconnus. Ainsi,Nikola Tesla (1856-1943), en soumettant volontairement en1896 ses propres doigts à une irradiation par des rayons X, constata que les effets aigus de cette irradiation étaient des brûlures qu'il attribua, dans une publication, à la présence d'ozone. D'autre part, les effets mutagènes des radiations, en particulier les risques decancer, ne furent découverts qu'en1927 parHermann Joseph Muller (1890-1967). Avant que les effets biologiques des radiations ne soient connus, des médecins et des sociétés attribuaient aux matières radioactives des propriétés thérapeutiques : leradium, en particulier, était populaire comme tonifiant, et fut prescrit sous forme d'amulettes ou de pastilles. Marie Curie s'est élevée contre cette mode, arguant que les effets des radiations sur le corps n'étaient pas encore bien compris. Durant lesannées 1930, les nombreuses morts qui ont semblé pouvoir être reliées à l'utilisation de produits contenant du radium ont fait passer cette mode et, actuellement, la radiothérapie n'est appliquée qu'à bon escient dans les hôpitaux, notamment pour soigner des cas de cancers avérés ou, éventuellement, d'autres maladies graves.
Ladésintégration α (alpha) se caractérise par l'émission d'un noyau d'hélium 4, qualifié dans ce contexte departicule α. Le noyau radioactifA Z X, denuméro atomiqueZ et denombre de masseA, se transforme alors en un noyau atomiqueA−4 Z−2 Y, décalé donc de deux cases vers la gauche et de deux cases vers le bas dans letableauN-Z (figure ci-contre) :
L'émission de neutrons se caractérise par l'émission d'un ou plusieursneutrons. Le noyau garde le mêmenuméro atomique mais samasse atomique diminue d'une ou plusieurs unités (dans letableauN-Z, il se décale d'autant de cases vers la gauche qu'il y a de neutrons émis) :
L'émission de protons se caractérise par l'émission d'un oudeuxprotons. Lenuméro atomique et lamasse atomique du noyau diminuent d'une ou deux unités (dans letableauN-Z, il se décale d'autant de cases vers le bas qu'il y a de protons émis) :
Lafission spontanée se caractérise par la fragmentation du noyau en au moins deux noyaux plus légers, accompagnée par l'émission d'un ou plusieursneutrons.
Table des isotopes par processus majoritaire de désintégration radioactive.
Lemode de désintégration d'un nucléide radioactif dépend de sa position par rapport aux nucléides (stables ou moins instables) de lavallée de stabilité les plus proches de lui dans letableauZ-N (figure ci-contre). D'une façon générale, les nucléides situés à gauche de la vallée ont trop de neutrons (en comparaison de leur nombre de protons) et subissent unedésintégration β− ; les nucléides situés à droite sont excédentaires en protons et subissent une désintégration ε (capture électronique) ou plus rarement unedésintégration β+ ; les nucléides demasse atomique supérieure à 208 et proches de la vallée subissent unedésintégration α. Il y a diverses exceptions, qui s'expliquent notamment par des considérations de cinétique.
La radioactivité peut provenir deradioisotopesnaturels ouartificiels, ces derniers étant produits au laboratoire et dans desréacteurs nucléaires fabriqués par les êtres humains ou se constituant tout à fait exceptionnellement de façon spontanée dans la nature, comme celui qui semble avoir fonctionné il y a deux milliards d'années sur lesite d'Oklo au Gabon, ou encore lors d'explosions debombes atomiques. Dans le premier cas, on parle alors souvent deradioactivité naturelle, pour insister sur le fait que la radioactivité est produite par des radioéléments se rencontrant avec des abondances plus ou moins grandes (mais toujours assez faibles) dans la nature. Dans le deuxième cas, on parle deradioactivité artificielle, terme consacré depuis que les épouxFrédéric Joliot etIrène Curie ont reçu en 1935 leprix Nobel de chimie « pour la découverte de la radioactivité artificielle »[7]
Les radioéléments les plus fréquents dans les roches terrestres sont l'uranium 238 :238U ou U(92,238), lethorium 232 :232Th ou Th(90,232), et surtout lepotassium 40 :40K ou K(19,40). Outre ces isotopes radioactifs naturels encore relativement abondants, il existe dans la nature des isotopes radioactifs en abondances beaucoup plus faibles. Il s'agit notamment des éléments instables produits lors de la suite de désintégrations des isotopes mentionnés, par exemple de divers isotopes duradium et duradon.
Un des radioisotopes naturels les plus utilisés par l'homme est l'isotope 235 de l'uranium (235U), qui se trouve dans la nature en faible proportion (moins de 1 %), associé à l'isotope238U, mais dont on modifie la proportion par des techniques d'enrichissement de l'uranium pour qu'il puisse servir de combustible pour la production d'énergie nucléaire et d'explosif pour la production de bombes atomiques.
Unradioisotope quelconque a autant de chances de se désintégrer à un moment donné qu'un autre radioisotope de la mêmeespèce, et la désintégration ne dépend pas des conditions physico-chimiques dans lesquelles le nucléide se trouve. En d'autres termes, la loi de désintégration radioactive est uneloi statistique.
Soit le nombre d'atomes (donc denoyaux atomiques) d'une espèce radioactive donnée présents dans un échantillon à un instant quelconque. Comme la probabilité de désintégration d'un quelconque de ces noyaux ne dépend pas de la présence des autres espèces deradionucléides ni du milieu environnant, le nombre total de désintégrations pendant un intervalle de temps, (chaque désintégration entraînant la disparition de l'un des noyaux), est proportionnel au nombre de noyaux radioactifs de même espèce présents et à la durée de cet intervalle :
(,).
En intégrant l'équation différentielle précédente, on trouve la loi dedécroissance exponentielle du nombre de radionucléides présents dans le corps à un instant quelconque, en appelant le nombre des radionucléides présents à l'instant :
.
Lademi-vie est la durée au bout de laquelle la moitié d'un échantillon radioactif est désintégrée, le nombre de noyaux fils atteignant la moitié du nombre de noyaux pères. On montre que :
Pouvoir de pénétration (exposition externe). Lesparticules α sont arrêtées par une feuille de papier. Lesparticules β sont arrêtées par une feuille d'aluminium. Lerayonnement γ est atténué (mais jamais arrêté) par de grandes épaisseurs de matériaux surtout denses (écran enplomb, par exemple). VoirCouche de demi-atténuation.
Les rayonnements ionisants provoquent tous au sein de la matière des ionisations et desexcitations. La façon dont se produisent ces ionisations dépend du type de rayonnement considéré :
rayonnement β- : un noyau atomique instable émet une particule légère et chargée négativement (unélectron) qu'une feuille d'aluminium peut arrêter. Cependant ce rayonnement interagit avec la matière en provoquant desexcitations et desionisations pardiffusion. Leparcours des électrons dans la matière est plus important que celui des particules alpha (de l'ordre de quelques mètres maximum dans l'air). La perte d'énergie du rayonnement bêta par unité de longueur traversée sera, toute autre chose étant égale, moindre que celle du rayonnement alpha. Il en sera donc de même du nombre d'excitation et d'ionisation produite par unité de longueur. Dans certains cas (électron de forte énergie et matériau traversé de masse atomique élevée) l'émission d'unrayonnement de freinage électromagnétique est possible ;
rayonnement β+ : un noyau atomique instable émet une particule légère et chargée positivement (unpositron) qui interagit, après avoir été ralenti, avec un électron du milieu provoquant sonannihilation et la production de deux rayons gamma de511keV chacun ;
rayonnement γ : un noyau atomique qui ne souffre pas d'un déséquilibrebaryonique, mais qui se trouve dans un état d'énergie instable, émet unphoton très énergétique, donc très pénétrant, pour atteindre un état d'énergie stable ; il faut environ 1 à 5 centimètres deplomb pour l'absorber[8]. Il n'y a guère de différence entre les rayons X durs et le rayonnement γ — seul leur origine les différencie. En général, l'émission de rayons γ suit une désintégration α ou β, car elle correspond à un réarrangement desnucléons, et notamment à une réorganisation de la charge électrique à l'intérieur du nouveau noyau. On rencontre donc fréquemment un noyau radioactif émettant simultanément plusieurs types de rayonnements : par exemple, l'isotope 239 duplutonium (239Pu) est un émetteur α–γ, l'isotope 59 dufer (59Fe) est un émetteur β–γ. Le rayonnement gamma est un faisceau dephotons sanscharge électrique nimasse. En traversant la matière, il provoque trois types d'interactions :
Ces mécanismes produiront,in fine, des excitations et ionisations dans le matériau traversé. Le rayonnement gamma et les neutrons ont un fort pouvoir de pénétration dans la matière, plusieurs décimètres debéton pour le rayonnement γ ; un écran en plomb d'une épaisseur de 50 mm arrête 90 % du rayonnement γ (« écran dixième »).
Rayonnement neutronique : lafission nucléaire et lafusion nucléaire produisent des neutrons en quantités importantes. Ces neutrons se diffusent dans l'environnement du réacteur. Ils nécessitent des protections neutroniques et des compteurs dosimétriques spécialisés.
La nature des lois physiques permettant de calculer lesparcours ou l'atténuation des rayonnements dans la matière est différente selon les rayonnements considérés :
les rayonnements gamma et les flux neutroniques ne sont jamais complètement arrêtés par la matière. C'est pourquoi le flux de photons émergeant d'un écran sera faible, voire quasi-indétectable, mais jamais nul. VoirCouche de demi-atténuation ;
les lois physiques qui traduisent le parcours des rayonnements alpha et bêta montrent qu'au-delà d'une certaine distance, il est impossible que des particules puissent être retrouvées : le rayonnement incident peut donc être complètement bloqué par un matériau qui joue le rôle d'écran. VoirParcours d'une particule.
Lesdéfauts cristallins induits par ces rayonnements peuvent servir à dater la formation desminéraux riches en éléments radioactifs comme l'uranium et lethorium, s'ils ne sont pas trop nombreux (c'est-à-dire, s'ils peuvent être repérés individuellement), grâce auxtraces de fission qu'ils laissent dans lescristaux.
Quand unminéral riche en éléments radioactifs s'est formé depuis un temps significatif comparé auxdemi-vies de ces éléments, l'accumulation desdéfauts induits peut transformer le matériaucristallin en unmatériau amorphe ; c'est ce qu'on appelle lamétamictisation. C'est notamment le cas de certainszircons vieux de plus de 500 Ma.
L'énergie libérée par la radioactivité est partiellement consommée par les transformations locales induites par le rayonnement, mais l'essentiel est en définitive transformé enchaleur[9]. La chaleur libérée par la radioactivité est fondamentale pour :
l'activité géologique desplanètes telluriques (laTerre etVénus jusqu'à aujourd'hui,Mars et peut-être laLune dans le passé). Il s'agit surtout de l'énergie libérée par la décomposition radioactive de l'uranium (isotopes235U et238U), duthorium (232Th) et dupotassium (via son isotope radioactif40K) ; c'est cette énergie qui maintient la température de la Terre à14°C[10] ;
ladifférenciation des petits corps formés suffisamment tôt, en comparaison desdemi-vies d'isotopes de courte demi-vie mais initialement abondants, comme26Al et60Fe.
Ces grandeurs objectives sont mesurables à l'aide d'appareils de physique (compteurs,calorimètres, horloges).
L'activité d'une source radioactive se mesure enbecquerels (Bq), unité correspondant au nombre de désintégrations par seconde, nommée en hommage àHenri Becquerel. On utilise quelquefois (en biologie par exemple) le nombre de désintégrations par minute.
L'activité massique ou volumique est plus souvent utilisée. Elle correspond à l'activité rapportée à la masse (Bq/kg) ou au volume de l'échantillon mesuré (Bq/L ou Bq/m3).
Lecoulomb par kilogramme (C/kg) peut également être utilisé : il mesure l'exposition aux rayonnementsX etgamma (la charge d'ions libérée dans la masse d'air). L'ancienne unité équivalente était leröntgen qui correspond au nombre d'ionisations par kilogramme d'air.
Pour leradon, l'énergie alpha potentielle volumique (EAPV) peut être mesurée enjoules par mètre cube (J/m3). Cela correspond à l'énergie des particules alpha émises dans un certain volume par les descendants du radon.
Ladose équivalente, H, pour laquelle chaque rayonnement doit être pondéré pour tenir compte de sa nocivité respective. L'unité du Système International (SI) est lesievert (Sv). Lorsque lerad était utilisé comme unité de dose absorbée, l'unité de dose équivalente était lerem, acronyme de « röntgen equivalent man ».
Ladose efficace, E, est la somme pondérée des doses équivalentes aux organes et tissus T irradiés. Elle rend compte du risque d'apparition de cancer. L'unité utilisée est également lesievert.
Chiffres à considérer avec précaution (non sourcés) :
Le facteur de risque d'induction de cancer est estimé à 4 % par Sv pour une population de travailleurs et à 5 % par Sv pour la population en général. À titre de comparaison, les personnes vivant en Europe occidentale reçoivent une dose annuelle naturelle de 3 mSv dont la moitié est due au radon.
L'équivalent de dose ambiant, H*(10), est unegrandeur opérationnelle exprimée enmSv. C'est une mesure approchante de la dose efficace externe, utilisée pour les mesures de l'environnement.
L'équivalent de dose individuel, Hp(10), est unegrandeur opérationnelle exprimée enmSv. C'est une mesure approchante de la dose efficace externe, utilisée pour les mesures de l'exposition des personnes aux radiations ionisantes dans le cadre de leur profession.
On parle de « radioactivité naturelle » pour désigner les sources non produites par les activités humaines, comme celle issue duradon, de la terre, ou durayonnement cosmique.A contrario, on parle de « radioactivité artificielle » pour désigner la radioactivité due à des sources produites par les activités humaines : réalisation d'examens médicaux (tels lesradiographies,tomodensitométries,scintigraphies,radiothérapies), éléments transuraniens synthétiques, concentrations artificiellement élevées de matières radioactives ou production artificielle de rayons gamma (dans unaccélérateur de particules, par exemple). Physiquement, il s'agit exactement du même phénomène.
La principale source de radioactivité est représentée par lesradioisotopes existants dans la nature et produits lors des explosions dessupernovas. On trouve des traces de ces éléments radioactifs et de leurs descendants dans tout notreenvironnement : un roc degranite contient des traces d'uranium qui, en se désintégrant, émet duradon.
Au rayonnement dû aux éléments de longue durée de vie s'ajoute celui des radioisotopes qui forment leurchaîne de désintégration. Ces éléments sont généralement à demi-vie beaucoup plus courte, mais de ce fait, ils ne sont présents qu'en quantité très faible : les lois de ladécroissance radioactive font qu'à l'« équilibre séculaire », leur activité est la même que celle de l'élémentpère.
Parmi ces descendants il faut citer la présence d'un gaz radioactifdense : leradon. Du fait de sa volatilité, il est susceptible de migrer dans l'atmosphère et est ainsi responsable à lui seul de la plus grande part de l'exposition humaine moyenne à la radioactivité : 42 % du total. Il est issu de la désintégration de l'uranium 235 (radon 219) et 238 (radon 222) ainsi que du thorium 232 (radon 220) naturellement contenus dans les sols. Dans les régions où la concentration en uranium dans la roche est élevée, il est souvent présent dans les habitations peu ventilées, ou construites sur des sols à fort dégagement de radon (rez-de-chaussée, maisons, caves). Il entraîne alors une exposition interne importante à cause de ses descendants à période radioactive courte (dont fait notamment partie lepolonium).
D'autre part, laTerre est en permanence soumise à un flux de particules primaires de haute énergie en provenance essentiellement de l'espace et (en bien moindre mesure) duSoleil : lesrayons cosmiques. Levent solaire, et le champ magnétique qu'il entraîne, dévient une partie des rayons cosmiques « interstellaires » ; le champ magnétique terrestre (laceinture de Van Allen) dévie la majeure partie de ceux approchant la Terre. L’atmosphère n'absorbant qu’une partie de ces particules de haute énergie, une fraction de celle-ci atteint le sol, voire pour les plus énergétiques, traverse les premières couches rocheuses.
La part due au rayonnement cosmique représente environ 32 nGy/h[13] auniveau de la mer. Cette valeur varie en fonction de la latitude et de l'altitude, elle double à 1 500 m d'altitude.
Ce rayonnement extraterrestre, par un phénomène despallation à partir des noyaux plus lourds présents dans la haute atmosphère, entraîne la production de rayonnements et de particules ionisantes secondaires ou tertiaires (neutrons, électrons, alpha, ions, etc.). Ce phénomène est à l'origine, entre autres, de la production de radionucléides cosmiques sur notre planète tels lecarbone 14 et letritium. Ces isotopes ont une demi-vie beaucoup trop courte pour avoir été présents depuis la formation de la Terre, mais sont en permanence reconstitués.
Le carbone 14 dernier est constamment produit dans la haute atmosphère par des rayons cosmiques interagissant avec l'azote, et se détruit par désintégrations radioactives à peu près au même taux qu'il est produit, de sorte qu'il se produit un équilibre dynamique qui fait que la concentration du14C reste plus ou moins constante au cours du temps dans l'air et dans les organismes vivants qui respirent cet air. Une fois un organisme mort, la concentration en14C diminue dans ses tissus, et permet de dater le moment de la mort. Cettedatation par le carbone 14 est un outil de recherche très prisé enarchéologie et permet de dater avec une bonne précision des objets organiques dont l'âge ne dépasse pas cinquante à cent mille ans.
L'activité humaine est une autre source majeure derayonnements ionisants. Principalement, pour 20 % du total des expositions humaines à la radioactivité, par les activités médicales : production de radionucléides parcyclotron (pour lesscintigraphies etTEP par exemple). Le reste, représentant 3 % du total des expositions humaines, est produit, par ordre d'importance, par :
la recherche : recherche en physique des particules (par exemple auCERN en Suisse ou auGANIL en France).
C'est l'imagerie médicale au moyen derayons X qui produit la plus grande part de l'exposition artificielle aux rayonnements ionisants. On ne parle cependant pas de radioactivité car les rayons X ne sont pas issus deréactions nucléaires mais d'excitation électronique de l'atome.
Des réseaux de mesures (plus ou moins organisés, complets et accessibles au public, selon les pays) couvrent une partie du territoire de nombreux pays, pour mesurer les variations de radioactivité dans l'eau, l'air, laflore, lafaune (domestique ousauvage, dont espèces-gibier[14]), les aliments, etc.
En France, depuis, l'ASNR a réuni l'essentiel de ces réseaux (l'équivalent d'environ 15 000 mesures mensuelles depuis début 2009) en un seul portail, leRéseau national de mesures de la radioactivité de l'environnement[15], « […] de manière à faciliter l'accès […] aux résultats des mesures tout en renforçant l’harmonisation et la qualité des mesures effectuées par les laboratoires ». Un site Internet duRéseau national de mesure de la radioactivité dans l’environnement (RNM)[16], est également ouvert depuis le, notamment alimenté par l'IRSN[17].
Mi-2011 après l'accident nucléaire de Fukushima et à l’occasion d'une Conférence internationale[18] deradioécologie et de radioactivité environnementale le à Hamilton (Canada)[19], huit organismes de recherche européens, avec le soutien de laCommission européenne, ont créé uneAlliance européenne en radioécologie[20] pour mieux intégrer la recherche en radioécologie[21]. Ces organismes sont le BfS (Allemagne), le NERC (Royaume-Uni), le CIEMAT (Espagne), l'IRSN (France), le NRPA (Norvège), leSCK CEN (Belgique), leSSM (Suède), et le STUK (Finlande)[19]. La commission soutient aussi leprojet STAR porté par l'Alliance européenne en radioécologie, l'université des sciences de la vie de Norvège et l'université de Stockholm sur les thèmes de« la formation, la gestion et la dissémination de la connaissance ainsi que de la recherche en radioécologie », en focalisant d'abord leurs efforts sur les sujets suivants :
« l’intégration des méthodes d’évaluation du risque radiologique pour l’homme et les écosystèmes » ;
« la recherche sur l’effet des faibles doses sur les écosystèmes » ;
« l’étude des conséquences des pollutions mixtes, qui associent les substances radioactives et chimiques ».
Une substance radioactive doit être repérée par le symbole ☢ (Unicode 2622,UTF-8 E2 98 A2).
Une « substance radioactive » au sens réglementaire est une substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l'activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection[22].
En ce qui concerne les expositions planifiées à une source radiologique artificielle, un contrôle de radioprotection doit être établi dès lors que le débit de dose maximal susceptible d'être reçu par une personne présente est supérieur à 2.5μSv/h[23].A contrario, si ledébit de dose maximal subi est indiscutablement inférieur à cette valeur, la substance ou le produit ne relèvent pas de la législation sur la radioprotection, et ne justifient pas l'application des mesures de radioprotection correspondantes.
Les conséquences de la radioactivité sur la santé sont complexes. Le risque pour la santé dépend non seulement de l'intensité du rayonnement et la durée d'exposition, mais également du type de tissu concerné — les organes reproducteurs sont 20 fois plus sensibles que la peau (loi de Bergonié et Tribondeau ouloi de la radiosensitivité). Les effets sont différents selon le vecteur de la radioactivité :
Les normes internationales, basées sur les conséquences épidémiologiques de l'explosion des bombes d'Hiroshima et Nagasaki, estiment que le risque pour la santé est proportionnel à la dose reçue, et quetoute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique (CIPR 1990).
La réglementation pour la protection contre les radiations ionisantes est basée sur trois recommandations fondamentales :
justification : on ne doit adopter aucune pratique conduisant à une irradiation, à moins qu'elle ne produise un bénéfice suffisant pour les individus exposés ou pour la société, compensant le préjudice lié à cette irradiation ;
optimisation : l'irradiation doit être au niveau le plus bas que l'on peut raisonnablement atteindre ;
limitation de la dose et du risque individuels : aucun individu ne doit recevoir des doses d'irradiation supérieures aux limites maximum autorisées.
De récentes études de l'IRSN s'intéressent aux effets de la contamination radioactive chronique, qui même à des faibles doses, pourraient ne pas être négligeables, et pourraient provoquer différentes pathologies atteignant certaines fonctions physiologiques (système nerveux central, respiration, digestion, reproduction)[24]. Mais cette vision est contestée, et d'autres acteurs, dont notamment l'Académie de médecine, estiment au contraire que ces craintes sont inutiles[25].
Le principe retenu en radioprotection est de maintenir l'exposition au niveau le plus bas qu'il est raisonnablement possible d'atteindre (principeALARA). Pour faciliter cette optimisation, les sites français exposés aux radiations ionisantes sont organisés en zones dont l'accès est plus ou moins restreint. Ceszones sont délimitées par les débits de doses suivants[26] :
Relation entre dose absorbée, dose équivalente et dose efficace (CIPR).
Ladose équivalente est la mesure de dose cumulée d'exposition continue aux radiations ionisantes durant une année, avec des facteurs de pondération. Jusqu'en 1992, les doses équivalentes n'étaient pas mesurées de la même façon enEurope et auxÉtats-Unis ; aujourd'hui ces doses sont standardisées.
Le phénomène de radioactivité étant au départ mystérieux parce que mal compris, certaines eaux minérales ou de source en firent quelque temps un argument de vente sur leurs étiquettes :Bussang (Vosges) déclarée d'intérêt public en 1866,Velleminfroy (Haute-Saône) autorisée en 1859,Teissières (Cantal) autorisée en 1847 et« approuvée par l'Académie de médecine », et beaucoup d'autres dont les images d'étiquettes sont visibles sur la Toile[27]. Leurs radioactivités — faibles, mais réelles — étaient de l'ordre de celles que l'on trouve naturellement dans quelques régions granitiques, sans réel danger, mais sans effet thérapeutique non plus.
En zone contaminée par des poussières radioactives, on se protège par une hygiène très stricte : confinements ; tenue étanche ventilée (TEV), heaume ventilé avec surtenue, et/ou autres protections ; nettoyage des surfaces de travail ; précautions pour éviter de soulever la poussière.
Les mesures sont réalisées au moyen de contaminamètres équipés de sonde α ou β [unités de mesure : Bq/m3 (pour la contamination volumique) ou Bq/cm2 (pour la contamination surfacique).
↑Le premier scientifique connu à avoir observé le phénomène de radioactivité estAbel Niépce de Saint-Victor vers 1858, près de 40 ans avantHenri Becquerel, mais il n'a pas mesuré la portée de sa découverte, vite tombée dans l'oubli[2].
↑Cette terminologie est indiquée par exemple dans l'ouvrage de J.P. Sarmant (1988) :Dictionnaire Hachette de Physique, Hachette, Paris.(ISBN2-01-007597-8).
↑U. Fielitz,Radioaktivität in Wildtieren, Abshlussbericht zum Forschungsvorhaben 4017 des BMU, Universität Goettingen. Goettingen : Goettingen University, 1994, 120 p.
↑Arrêté du 15 mai 2006 relatif aux conditions de délimitation et de signalisation des zones surveillées et contrôlées et des zones spécialement réglementées ou interdites compte tenu de l'exposition aux rayonnements ionisants, ainsi qu'aux règles d'hygiène, de sécurité et d'entretien qui y sont imposées[1].