Cettehostilité envers une autrecatégorie sociale (que la différence soit culturelle, ethnique – ou tout simplement due à unecouleur de peau) – se traduit aussi par des formes dexénophobie ou d’ethnocentrisme. Certaines formes d’expression du racisme, comme lesinjures racistes, la diffamationraciale, la discrimination, sont considérées comme des délits dans plusieurs pays.
UnAfro-Américain buvant de l'eau uniquement réservée aux gens « de couleur » (colored men). -Oklahoma City, 1939Propagandeaméricaine contre lesjaponais pendant laSeconde Guerre mondiale. Le texte dit :« Qu'allez-vous faire pour contrer ça ? Restez au travail jusqu'à ce que tous les meurtriers Jap' soient balayés ! »
La classification biologique des êtres humains démontre que la notion derace humaine n'est pas pertinente pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l'espèce humaine, car la variabilité génétique entre individus d'un même sous-groupe est plus importante que la variabilité génétique moyenne entre sous-groupes géographiques[23],[24].
Leconsensus scientifique actuel rejette l’existence d'argumentsscientifiques qui pourraient légitimer la notion de race[25], reléguée à une représentation arbitraire selon des critères morphologiques, ethnico-sociaux, culturels ou politiques[26]. Cette autonomie se manifeste pleinement depuis la seconde moitié duXXe siècle[27] où les effets du système de perception raciste perdurent en dépit d'un usage moins fréquent, et malgré le rejet du concept de race par lacommunauté scientifique.
Néanmoins, l'idéesocialement construite que des races puissent exister reste observable dans la majorité des sociétés contemporaines, et se nomme racisme.
Le mécanisme perceptif du racisme peut être décomposé en plusieurs opérations.
Focalisation
Le racisme se fonde sur la focalisation du regard du raciste sur une différence, souvent anatomique. Elle peut être « visible » – la pigmentation de la peau – mais ne l’est pas nécessairement : le regard raciste peut exister sans s’appuyer sur des différences visuelles évidentes. La littératureantisémite a ainsi abondamment cherché, sans succès, à définir les critères qui pourraient permettre de reconnaître visuellement les Juifs et a finalement dû mettre en avant des différences invisibles, imperceptibles pour l'œil humain[réf. souhaitée].
Totalisation
Le racisme associe des caractères physiques à des caractères moraux et culturels. Il constitue un système de perception, une « visionsyncrétique où tous ces traits sont organiquement liés et en tout cas indistinguables les uns des autres »[29]. L'identification des traits physiques ou la reconnaissance du signe distinctif (l'étoile juive par exemple) génère immédiatement chez le racisant une association avec un système d'idées préconçues. Dans le regard du racisant, « l'homme précède ses actes »[30]. Si la focalisation du regard raciste rend le corps visé plus visible que les autres, il a donc aussi pour effet de faire disparaître l’individualité derrière la catégorie générale de la race[31].
Essentialisation et limitation
Le raciste considère les propriétés attachées à un groupe comme permanentes et transmissibles, le plus souvent biologiquement. Le regard raciste est une activité de catégorisation et de clôture du groupe sur lui-même.
Hiérarchisation
Le racisme s’accompagne souvent d’une péjoration des caractéristiques du groupe visé. Le discours raciste n’est toutefois pas nécessairement péjoratif. Pour Colette Guillaumin, les « bonnes caractéristiques font, au même titre que les mauvaises caractéristiques, partie de l’organisation perceptive raciste »[32]. La phrase « Les Noirs courent vite » constitue ainsi un énoncé raciste malgré son apparence méliorative[réf. souhaitée].
Le discours raciste peut évoquer la supériorité physique des groupes visés (ainsi la vigueur ou la sensualité des Noirs) pour souligner par contraste leur infériorité intellectuelle. Les qualités qui leur sont attribuées (l’habileté financière des Juifs par exemple) sont la contrepartie de leur immoralité ou alimentent la crainte de leur pouvoir souterrain.
Mais plus encore, au-delà du contenu — positif ou négatif — des stéréotypes racistes, l’activité de catégorisation, de totalisation et de limitation de l’individu à des propriétés préconçues n’est en soi pas une activité neutre du point de vue des valeurs. Dans cette perspective, voir et penser le monde social dans les catégories de la race relève déjà d'une attitude raciste.
Historiens et ethnologues ne sont pas d'accord sur la question de l’origine du racisme ; deux conceptions principales s'opposent à ce propos. La première considère que le racisme est un sous-produit ducapitalisme européen, en lien avec lecolonialisme[33]. La seconde que différentes formes de racisme se sont succédé au cours de l’histoire en Europe, et ce depuis l'Antiquité[33].
Le terme « race », appliqué à des êtres humains, est écrit pour la première fois en 1684 parFrançois Bernier, dans un article duJournal des Sçavans. Il y écrit« quatre ou cinq espèces ou races d’hommes dont la différence est si notable qu’elle peut servir de fondement à une nouvelle division de la Terre »[35],[36].
Selon Delacampagne, l’idée que laconversion absout le Juif s’efface alors devant la croyance que lajudéité est une condition héréditaire et intangible. Ce mouvement n’épargne d’ailleurs pas d’autres catégories de la population. Sa manifestation la plus probante est la mise en place progressive à partir de 1449 d’un système de certificat depureté de sang (limpieza de sangre) dans lapéninsule Ibérique pour accéder à certaines corporations ou être admis dans les universités ou les ordres. Ce mouvement, qui se traduit par ledécret de l'Alhambra de 1492, concerne quatre groupes précis : les Juifs, les musulmans convertis (morisques), lespénitenciés de l’Inquisition et lescagots, c’est-à-dire lesdescendants présumés de lépreux[39].
Delacampagne mentionne laségrégation qui touche cette dernière catégorie de population comme une étape majeure dans la constitution du racisme moderne. Selon lui, c'est la première fois que la discrimination d’un groupe social reçoit auXIVe siècle une justification appuyée sur les conclusions de la science. Leschirurgiens, telAmbroise Paré, apportent en effet leur caution à l’idée que les cagots, descendants présumés delépreux, continuent de porter la lèpre bien qu’ils n’en manifestent pas les signes extérieurs[40].
Des études ont mis en avant l’existence d’attitudes que leurs auteurs considèrent comme racistes dans des sociétés extérieures à l’aire culturelle européenne.
Les travaux menés par l’historienBernard Lewis sur les représentations développées par la civilisation musulmane à l’égard des autres êtres humains concluent sur l’existence d’un système perceptif qu’il qualifie de raciste, notammentà l’égard des populations noires[41].
Les chercheurs qui conçoivent le racisme comme une spécificité de lamodernitéeuropéenne s’accordent pour mettre en avant la conjugaison de trois facteurs dans la genèse du racisme :
Le développement de lascience moderne. Il inaugure un système de perceptionessentialiste de l’altérité et un système de justification des conduites racistes qui s'appuient sur des théories àprétention scientifique de larace.
Le développement de la libre-pensée antichrétienne qui s'oppose au monogénisme que soutient l'Église catholique.
L’expansioncolonialiste européenne qui débute auXVe siècle[50]. Elle entraîne la mise en place d’un système économique et socialesclavagiste, et detraites négrières à destination des colonies ; parallèlement, elle s'accompagne du développement d’une attitude coloniale à l’égard des populations non européennes qui pénètre progressivement lamétropole[51].
Biologisation du social
PourColette Guillaumin[52] le racisme est contemporain de la naissance d’un nouveau regard porté sur l’altérité ; il est constitué par le développement de la science moderne et la substitution d’unecausalité interne, typique de lamodernité, à une définition externe de l’homme qui prévalait avant la période moderne.
Alors que l’unité de l’humanité trouvait auparavant son principe à l’extérieur de l’homme, dans son rapport àDieu, l’homme ne se réfère désormais qu’à lui-même pour se déterminer. Comme l'attestent les débats théologiques sur l’âme desIndiens ou des femmes, le rejet de la différence et les hiérarchies sociales s’appuyaient sur une justification religieuse ou basée sur un ordre sacré (caste) ; ils se parent désormais des habits de la justification biologique, renvoyant à l’ordre de la nature[53]. La conception de cette Nature elle-même connaît une mutation profonde : elle devient mesurable, quantifiable, réductible à des lois accessibles à la raison humaine.
Ce changement de regard engendre un système perceptifessentialiste : l’hétérogénéité au sein de l’espèce humaine ne doit son existence qu’à une différence logée dans le corps de l’homme, que les scientifiques européens s’acharneront à mettre en évidence tout au long duXIXe siècle et au cours de la première moitié duXXe siècle. Pour Pierre-Henri Boulle, on peut percevoir en France dès la fin duXVIIe siècle les premières expressions de ce mode de perception. C’est auXVIIIe siècle qu’il se répand parmi les élites politiques, administratives et scientifiques, avant de se généraliser au plus grand nombre dans le courant duXIXe siècle[54].
PourColette Guillaumin, ce mode de perception se généralise au tournant desXVIIIe siècle etXIXe siècle[55]. Dans la première partie de son ouvrageLes origines du totalitarisme,Hannah Arendt date l’apparition de l’antisémitisme, qu’elle différencie de l’antijudaïsme, du début duXIXe siècle ; c’est aussi la date d’origine qu’assigne le philosophe Gilbert Varet aux « phénomènes racistes expressément dits »[56].
La propagation hors de l’Europe apparaît dans cette optique comme un produit de l’influence européenne : André Béteille développe ainsi la thèse d’une « racialisation » du système decastes en Inde après lacolonisation britannique[57]. AuJapon, des travaux menés par John Price, Georges De Vos, Hiroshi Wagatsuma ou Ian Neary au sujet desBurakumin parviennent à des conclusions identiques[58].
Selon l’historien américain Isaac Saney, « les documentshistoriques attestent de l'absence générale de préjugésraciaux universalisés et de notions de supériorité et d'infériorité raciales avant l'apparition ducommerce transatlantique des esclaves. Si les notions d'altérité et desupériorité existaient, elles ne prenaient pas appui sur une vision du monderacialisée »[59].
Développement de l’esclavage et de lascience moderne ont étroitement interagi dans laconstruction du racismemoderne. La catégorie de « nosopolitique » qualifie chez la philosopheElsa Dorlin l’usage des catégories de « sain » et de « malsain » par le discoursmédical appliqué dans un premier temps auxfemmes, puis aux esclaves. Alors que leBlanc, considéré comme « naturellement »supérieur par les médecins, est défini comme l’étalon de la santé, le tempérament desNoirs est par contraste déclaré « pathologique » ; il est porteur de maladies spécifiques, que seule la soumission au régime de travail imposé par les colons peut atténuer, mais difficilement guérir, tant elles paraissent intrinsèquement liées à sa nature[60].
Page de couverture duSamedi, hebdomadaire francophone deMontréal, montrant une fillette noire accoutrée comme un bébé et un garçon noir, avec la légende : « Refusés au concours des bébés », 22 avril 1899
Le « racisme scientifique », ou « racialisme » (ou « raciologie »), classifie lesêtres humains d'après leurs différencesmorphologiques en application d'une méthode héritée de lazoologie.
EnEurope et auxÉtats-Unis, leparadigme racial s’est étroitement articulé à partir duXIXe siècle, à l’extérieur avec la politiqueimpérialiste et, sur le plan intérieur, avec la gestion politique des populations minoritaires. PourHannah Arendt, « la pensée raciale » est ainsi devenue une idéologie avec l’ère de l’impérialisme débutant à la fin duXIXe siècle[61]. L’idéologie raciste devient alors un « projet politique » qui « engendre et reproduit des structures de domination fondées sur des catégories essentialistes de la race »[62]. Le racisme, explique-t-elle, est d'abordla transformation des peuples enraces, la diversité humaine n'étant plus expliquée par les influences culturelles acquises par chacun après son arrivée dans le monde, mais au contraire par l'origine.
À l’image de la diversité des positions racistes dans le monde académique, les formes de racisme et donc les usages politiques de la race ont fortement varié selon les contextes nationaux et la position occupée par leurs promoteurs dans l’espace politique.
Hantise du métissage
Racisme scientifiqueirlandais : illustration de l'Irlande de Henry Strickland Constable montrant une prétendue similitude entre les traits « irlandais ibériques » et « nègres » en contraste avec les traits « anglo-teutoniques » supérieurs. La légende qui l'accompagne se lit comme suit :« On pense que lesIbères étaient à l'origine une race africaine, qui, il y a des milliers d'années, s'est propagée à travers l'Espagne sur l'Europe occidentale. Leurs restes se trouvent dans lestumulus, ou lieux de sépulture, dans diverses parties de ces pays. les crânes sont de faible typeprognathe. Ils sont venus enIrlande et se sont mélangés avec lesindigènes du Sud et de l'Ouest, qui sont eux-mêmes supposés avoir été de faible type et descendants desauvages de l'Âge de pierre, qui, par suite de l'isolement du reste du monde, n'avaient jamais été surpassés dans la saine lutte de la vie, et ainsi ont fait place, selon leslois de la nature, auxraces supérieures. », 1899
En 2006, théorisant le « mélange humain » (et le distinguant du « métissage », à fortes connotations racialistes), le philosopheVincent Cespedes utilise le concept de « mixophobie » (mixo, « mélange »,phobia, « peur ») pour rendre compte de « la peur du mélange », fondement psychologique du repli des racistes sur leur race, opposée aux autres « races » avec lesquelles ils ne veulent pas se mélanger[63]. Il oppose à ce concept un autre néologisme : la « mixophilie »[64] (« l'amour du mélange »).
L’un des points fondamentaux d’opposition des doctrinaires racistes est la question de la mixité raciale. La position « mixophobe » se caractérise par un rejet du « métissage », présenté comme un facteur de dégénérescence des groupes humains. Il existe toutefois un large spectre de positions mixophobes, depuis le rejet pur et simple de tout contact entre les « races » jusqu’à la promotion du métissage, sous réserve du respect des conditions de son efficacité[réf. nécessaire].
Mixophobie radicale
La position mixophobe radicale est le corollaire de la construction du mythe de la pureté de la race qui affirme la supériorité des races pures sur les races dites métissées. L’imaginaire médical de la souillure ou de la contamination du sang en constitue l’un des motifs récurrents. Au milieu duXIXe siècle, deux des chefs de file du racisme biologique,Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) etRobert Knox (1791-1862), contribueront largement à l’introduction de cette position en France et enGrande-Bretagne[65]. Les promoteurs du mythe de larace aryenne –Vacher de Lapouge,Houston Stewart Chamberlain, et plus tardAdolf Hitler – qui voient dans la « race germanique » la survivance à l’état pur de la « race indo-européenne » se caractérisent tous par une mixophobie radicale.
Métissage sous condition
Le rejet de la mixité peut connaître des gradations. Nombreux sont les scientifiques qui réfutent la thèse du « choc des hérédités » de Vacher de Lapouge selon laquelle le métissage peut être tenu pour un facteur d’infécondité[66]. Pour les partisans du métissage, les bienfaits de celui-ci restent toutefois conditionnés au respect de certaines règles. Comme l’affirment la majorité desraciologues, pour que le métissage soit profitable, il convient notamment que« la distance entre les races ne soit pas trop grande ». Pour ces mixophobes modérés, comme les philosophesGustave Le Bon,Ernest Renan,Théodule Ribot ou la grande majorité des polygénistes républicains, seul le métissage entre les races blanches ne présente aucun risque et devrait être préconisé[67].
Pour les rares mixophiles, le métissage peut répondre à deux préoccupationseugénistes:
« l’acclimatement », qui figure au centre des préoccupations descolonialistes. LesEuropéens sont en effet jugés inaptes à s’adapter aux climats tropicaux des colonies. Le métissage apparaît comme le moyen d’acquérir, en s’unissant aux indigènes, les caractéristiques qui leur permettront de surmonter ce handicap physiologique[68].
l’amélioration des races inférieures. Le « sang régénérateur » du Blanc peut pour certains raciologues, être un facteur d’amélioration de la race. Un métis sera ainsi jugé pour le monogénisteArmand de Quatrefages comme plus évolué qu’un Noir[69].
Conséquences politiques de la mixophobie
Transport public réservé aux Noirs, avec l'inscriptionNET VIR NIE-EUROPEANE (« Seulement pour les non-Européens »), àJohannesburg (Afrique du Sud), 1910-1940.
La hantise du métissage ne s’accompagne pas nécessairement d’une prescription politique : dans l’Essai sur l'inégalité des races humaines, qui énonce la premièrephilosophie de l'histoire basée sur le concept de race, le pessimisme ne fait que ruminer la décadence de la civilisation occidentale dont l’essence aurait été altérée par lacontamination dusang de larace blanche[70]. S’il voit dans la pénétration des idées républicaines l’une des manifestations de cette dégénérescence, il n’en tire pas de conséquences politiques : le processus en cours lui semble irréversible. Cette position est toutefois restée extrêmement marginale et la longue liste des suiveurs de Gobineau a tiré de ses postulats des conclusions nettement plus volontaristes.
La position mixophobe conduit à la défense d’une stricte séparation des groupes humains constitués en races. Sur le plan de la politique extérieure, les mixophobes se caractérisent souvent par des positionsanti-colonialistes, conséquences de leur refus du modèle assimilationniste produit par lacolonisation. Gobineau, Robert Knox,Gustave Le Bon, ou Hitler marquent tous leur réprobation devant les aventures coloniales de leurs pays respectifs[65]. Le philosophePierre-André Taguieff considère que l’ethno-différentialisme est l’actualisation sur des bases culturalistes de cette position mixophobe[71].
Sur le plan de la politique intérieure, la conséquence logique de ce racisme d’exclusion est l’instauration d’unsystème ségrégationniste : leslois de Nuremberg en Allemagne, leslois Jim Crow aux États-Unis ou l’apartheidsud-africain en sont autant de manifestations. La défense de la pureté de la race peut aussi aboutir à un racisme « purificateur » ou d’extermination ; c’est celui qui sera mis en œuvre par le régime nazi avec legénocide des Juifs et desTziganes. La mixophobie est aussi, comme pourVacher de Lapouge ou le régime nazi, l’une des positions idéologiques compatibles avec l’eugénisme.
À l’opposé, le racisme mixophile s’incarne auXIXe siècle dans une position colonialiste et assimilationniste dont l’objectif est la « réduction universelle des différences […] à un modèle unique », celui de l’impérialisme occidental[72].
Racisme impérialiste
Suprématie de la « race blanche » et idéologie coloniale
LeWilmington Messenger s'adresse aux Hommes blancs (1898)
La suprématie de la race blanche ou caucasienne est un postulat sur lequel s’accordent très largement les scientifiques, philosophes et hommes politiques duXIXe siècle[réf. nécessaire]. Combiné avec lamission civilisatrice, lesuprémacisme blanc est un élément fondamental de l’idéologie coloniale. Une fois opérée la conquête, il constitue aussi le principe justificatif des législations opérant des distinctions de droit sur une base raciale, la forme paroxystique de cet ordre juridique inégalitaire étant laségrégation raciale.
Dans le cadre de lacolonisation britannique apparaît l’expression« suprématie blanche ». La conception racialiste naît au croisement du développement des États coloniaux et des théories scientifiques contemporaines. À la fin deXIXe siècle, le racisme est pour l’historienNicolas Lebourg« une réaction dans tous les sens du terme » : c’est une impulsion à l’encontre de l’évolution du monde qui fait se côtoyer de nombreuses ethnies et une aspire à le« restaurer »[73].
Les idéologies coloniales des pays se réclamant d’un fonctionnementdémocratique se sont trouvées confrontées au problème de leur légitimité, au regard des principes censés régir leur ordre politique et juridique. En France tout particulièrement, elle doit surmonter sous laTroisième République le paradoxe de l’affirmation d’une volonté de conquête et d’assujettissement d’une part, et de principes émancipateurs et égalitaires d’autre part. Le programme colonial français ne peut se réaliser que par l’affirmation d’une infériorité tenue pour évidente et incontestable des populations visées, laquelle justifie une mission civilisatrice dont le fardeau repose sur les seules épaules de la race blanche[74].
Le système évolutionniste d’Herbert Spencer, traditionnellement tenu pour le précurseur du « darwinisme social », marque un glissement de la théorie darwinienne du monde naturel au monde social. Postulant, avecLamarck mais contre Darwin, l’hérédité des caractères acquis, Spencer considère que le libre jeu du marché, qui est selon lui le plus à même d’assurer efficacement « la sélection des plus aptes », doit être le moteur du progrès humain. Lelibéralisme de Spencer, qui se traduit notamment par un refus des visées coloniales étatistes, ne prône pas d'interventions de l'État dans le processus civilisateur (les États y sont au contraire amenés à disparaître). Étendu aux collectifs, nationaux ou ethniques, conçus comme des entités homogènes, le mot d’ordre évolutionniste de Spencer connaîtra cependant une large fortune dans le camp colonialiste, au travers du concept de « lutte des races »[75].
Selon cette conception, la lutte que se livreraient depuis l’origine les différents groupes humains doit conduire à la domination des races les plus aptes et à la disparition inexorable des races inférieures. Après laconquête de l'Algérie par la France, les médecins français, constatant la baisse de la population « indigène », n'y verront que la confirmation d’une extinction prochaine et prévisible de la race arabe, qu’ils jugent inadaptée aux nouvelles conditions de leur temps[76]. La lutte des races n’implique ainsi pas nécessairement un processus violent d’extermination : les tenants du darwinisme social sont persuadés que les races inférieures disparaîtront silencieusement de la surface du globe, « sans que l’homme blanc et civilisé ait à se souiller les mains d’un sang innocent »[77].
Loisir de masse : zoos humains
Sur le continent européen lui-même, le succès énorme deszoos humains constitue pour Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire l’une des modalités de transmission du « racisme scientifique » à une large partie de la population[78]. À partir des années 1870, ces zoos exposent dans les grandes capitales européennes et américaines, jusque dans lesannées 1930, des hommes et des femmes issus des peuples colonisés dans un environnement reconstitué, aux côtés des bêtes sauvages. LeJardin d'acclimatation de Paris par exemple, lors d'expositions, a exhibé - à côté des animaux - des ressortissants d'ethnies diverses derrière des barreaux, et ceci jusqu'en 1931[79]. Le principe en sera repris pour lesExpositions universelles, lesExpositions coloniales et jusqu'aux foires régionales. Ces exhibitions humaines contribuent à fixer « un rapport à l’autre fondé sur son objectivation et sa domination »[80]. Elles s'insèrent dans le schéma évolutionniste en mettant en scène la frontière entre civilisés et sauvages et s’accompagnent du déploiement d'un racisme populaire dans la grande presse[81].
Perfectibilité des races et question de l'assimilation
Une fois les territoires conquis, la question de l’administration des populations colonisées fut à l’origine de nombreux débats. Dans quelle mesure ces peuples inférieurs pouvaient être associés à la gestion de leurs territoires ? La France, initialement porteuse d'un modèle assimilationniste qui visait à l’exportation des institutions françaises sur le territoire colonial, se tourna progressivement vers une politique d’association pendant qu’elle appliquait à travers l’indigénat un régime d’exception aux populations conquises.
Cet ordre juridique exorbitant au droit commun trouvait sa justification dans deux principes qui peuvent être considérés comme complémentaires. D’un côté, un principe pragmatique considérait que le maintien de l’ordre colonial nécessitait des règles et des sanctions plus sévères contre les indigènes. Rien ne devait laisser paraître que la pression du colonisateur se desserrât un jour. De l’autre, un principe idéologique, qui prenait racine dans une perception raciste du colonisé, n’entendait pas laisser voix au chapitre à des peuples qui n’était pas dignes, pas aptes ou pas murs pour exercer un pouvoir à l’égal des colonisateurs.
L’étude des races, à travers l’anthropologie ou l’ethnologie, fut largement mobilisée : elle devait permettre de déterminer avec qui le pouvoir colonial pouvait s’associer, quelles étaient les races civilisables et celles qui étaient par nature rétives ou incapables d’accéder à un niveau supérieur de civilisation. EnAlgérie, ce travail aboutit à la construction de l'opposition entreArabes etKabyles. Considéré comme plus proche biologiquement et culturellement de la « race française », le Kabyle est présenté comme un allié potentiel contre l’Arabe, présenté comme fier, nomade, insoumis et fainéant.
La notion de « race » qui s’élabore dans la situation d’occupation coloniale n’est cependant pas uniforme. Des présupposés plus ou moins biologisants s’opposent dans des conceptions concurrentes de la race. Une grande partie des anthropologues conclut ainsi à l’origine biologique de l’inégale perfectibilité des races. Cependant, selon l’historienne Emmanuelle Saada, les représentations de la majorité des élites coloniales empruntent peu au modèle anthropologique des « raciologues » mais se fondent sur une conception « organique » des rapports entre le milieu et la culture[82]. L’imprégnation du milieu et les habitudes multi-séculaires sont considérées comme les déterminants de comportements sociaux largement réifiés et essentialisés : chaque « race » possède des caractéristiques psychologiques et des aptitudes qui lui sont propres. Seul un travail de longue haleine, basé sur l’éducation de plusieurs générations successives, peut conduire les indigènes à s’arracher à leur civilisation originelle pour embrasser les principes supérieurs qui gouvernent les « races européennes »[83].
Ces deux conceptions partagent toutefois le présupposé du différentialisme racial et se rejoignent dans leurs conclusions pratiques. Dans tous les cas, le retard biologique ou civilisationnel des races inférieures nécessite de prolonger leur mise sous tutelle et le maintien d’un ordre juridique et politique différencié entre métropole et colonies et, sur le territoire colonial, entre colons et colonisés. La mission civilisatrice imposa donc des mesures à double tranchant. Si elle fut un frein à la mise en œuvre d’une politique radicalement ségrégationniste, elle justifia le maintien d’une tutelle présentée comme indispensable à l’accomplissement du dessein civilisateur que s’octroyaient les colonisateurs.
Librairie antisémite, 45rue Vivienne à Paris (1901)
Dans la deuxième moitié duXIXe siècle, la question de la hiérarchisation au sein de la race blanche est sur le continent européen au cœur de deux phénomènes appelés à jouer un rôle prépondérant dans les deux conflits mondiaux duXXe siècle : l’exacerbation des rivalitésnationales et la montée de l’antisémitisme.
La distinction opérée au sein de la« race blanche » entreAryens etSémites constitue l’un des vecteurs de la biologisation de l’antisémitisme. En France,Vacher de Lapouge est parmi les premiers à prétendre donner une caution scientifique à la doctrine aryaniste, en s’appuyant « sur des basesanthropométriques, et plus particulièrementcraniométriques » (morphométrie)[84].
Si la méthode de Lapouge est rapidement discutée, la distinction entre Aryens et Sémites est d’usage courant au sein des milieux politiques ou savants européens. Le philosopheErnest Renan distingue ainsi lesIndo-européens des Sémites ; les seconds, novateurs quand ils ont introduit lemonothéisme, doivent selon lui s’effacer devant les premiers qui sont désormais appelés à gouverner le genre humain[85].
EnAllemagne, particulièrement à l'Université de Göttingen, autour deKarl Otfried Müller (1797-1840), se met en place la doctrine dumiracle grec : les Grecs athéniens auraient été les plus purs de larace aryenne, ce qui permettait d'évacuer les hypothèses sémites, mésopotamiennes ou égyptiennes des origines dudit miracle grec.
Mythe aryen nationalisé
Comme le note l’historienGeorge L. Mosse, le racisme est à l’origine d’un système symbolique demythes et desymboles qui, s’emparant de la question des origines, des difficultés et des triomphes de la race, dessine une trajectoire qui tend à se confondre avec lerécit national en construction[86]. Lestéréotype national physique, qui s’élabore auXIXe siècle prend, enAllemagne par exemple, une apparence raciale (l’Allemandblond…).
L’usage dumythe aryen, rapidement récupéré en Allemagne par lenationalisme de droite, illustre bien les effets de cette concurrence nationale. Si pour le FrançaisVacher de Lapouge la race aryenne a une signification strictement zoologique, elle prend avecHouston Stewart Chamberlain un tournant nationaliste[87]. La « race germanique » devient, sous la plume de cet essayiste d’origine britannique évoluant dans les milieuxwagnériens, la plus pure des branches de la race aryenne. Outre desJuifs, la doctrine aryaniste permet aux Allemands de se distinguer desLatins et en particulier desFrançais, considérés comme inférieurs car métissés.
Pour faire face à ce glissement de l’usage de l’aryanisme, défavorable à la nation française,Ernest Renan refuse, comme nombre de ses compatriotes, notamment républicains, le concept de « race pure » et défend la thèse du métissage historique des peuples européens[88]. Le refus de l’aryanisme se présente comme le refus du jeu de l’exacerbation des rivalités nationales. Le sentiment anti-allemand influencera néanmoins en France les études de psychologie des peuples et de leurs caractères nationaux. S’il place la race aryenne au sommet de la hiérarchie des races,Hippolyte Taine distingue en son sein les « races germaniques » des raceslatine ethellénique. Les premières, « inclinées vers l’ivrognerie et la grosse nourriture » par la fréquentation des forêts humides et froides, s’opposent aux secondes dont l’environnement favorable a permis le développement d’une culture raffinée[89].
Anglo-saxonisme contre l’immigration
Caricature montrant le rejet des immigrés par d'anciens immigrés aux États-Unis qui y ont réussi, parJ. F. Keppler, parue dansPuck, 11 janvier 1893.
Les enjeux diffèrent considérablement outre-Atlantique où la problématique raciale est essentiellement concentrée sur la distinction entre Blancs et Noirs. Toutefois, en réaction à l’immigration irlandaise massive desannées 1840 due à la « crise de la pomme de terre », et dans le contexte de laguerre avec le Mexique, est forgé aux États-Unis le concept d’« anglo-saxonisme »[90], également nommé par l'acronymeWASP(White Anglo-Saxon protestant).
Il connaîtra une grande fortune lorsqu’à la fin duXIXe siècle une campagne visant à restreindre l’immigration en provenance dusud et de l’est de l’Europe, menée notamment parMadison Grant, cherchera à vanter la supériorité de la « race nordique » sur les autres « races blanches ».
Leracisme d'État est historiquement une ségrégation raciste institutionnalisée et, à l'ère moderne, unediscrimination systémique qui implique l'État.
L’historien américainGeorge M. Fredrickson recense trois régimes politiques « ouvertement racistes » auXXe siècle : le sud des États-Unis sous leslois Jim Crow (1865-1963), l’Afrique du Sud sous l’apartheid (1948-1991), l’Allemagne nazie (1933-1945)[91]. Ces régimes présentent la caractéristique commune d’afficher une idéologie officielle explicitement raciste et d’avoir institutionnalisé dans la loi une hiérarchie présentée comme naturelle et indépassable entre le groupe dominant et le groupe dominé. L’une des mesures les plus significatives de cet arsenal juridique ségrégationniste est la prohibition des mariages interraciaux ; elle transcrit dans l’ordre juridique l’idéologie mixophobe de la« pureté de la race ». Sur le plan économique, la restriction des opportunités du groupe ségrégué le maintient dans un état de pauvreté qui alimente le discours sur sa prétendue infériorité.
Après l'abolition de laségrégation raciale aux États-Unis, en 1967, les militantsStokely Carmichael etCharles V. Hamilton(en) publient le livreLe Pouvoir Noir: pour une politique de libération aux États-Unis(en) où ils conceptualisent, sous les appellations de« racisme institutionnel » et« racisme systémique », l'idée d'un racisme voilé qui continuerait à structurer l'ordre social. Carmichael et Hamilton y écrivent que le racisme individuel est souvent identifiable, mais que le racisme institutionnel est moins perceptible en raison de sa nature« moins ouverte, beaucoup plus subtile »[92].
Le racisme à l'échelle des relations individuelles se traduit par des paroles ou des actes racistes envers d'autres individus. Le racisme individuel est étroitement lié d'une part à laxénophobie, lahaine, lebellicisme, l'ethnisme, l'intolérance et l'idéologie de supériorité culturelle ou personnelle, d'autre part au déclassement social et au ressentiment. Généralement le racisme, comme position directrice, est déduit (de signes extérieurs) ; il peut aussi être induit (de comportements). Il est affirmation d'une logique identitaire ou réaction à une logique identitaire. C'est le passage de l'induction à la déduction qui est fondateur pour la politisation du racisme[réf. nécessaire].
En raison de la connotation très négative du mot en Occident, peu de partis politiques se revendiquent ouvertement comme racistes. De nombreux partis d'extrême droite ont cependant été accusés de véhiculer des discours de ce type à travers des positionsxénophobes. L'apologie du racisme étant condamnée, ils peuvent promouvoir des doctrines dérivées comme l'ethno-différencialisme ou leracialisme.
Dans les pays occidentaux, des mouvementssuprémacistes noirs prônent la supériorité de la race noire. Ce fut notamment le cas duNew Black Panthers Party[96],[97], un temps représenté parKhalid Abdul Muhammad. En France, laTribu Ka deKémi Séba, qui prônait la supériorité de la race noire et la séparation des races, a été dissous pour provocation à la haine raciale[98].
« Néo-racisme »
Dans la période post-coloniale, est apparu ce que les auteurs appellent le néo-racisme, un « racisme sans races », différentialiste et culturel, qui se focalise sur les différencesculturelles et non sur l’hérédité biologique comme le racisme classique. Dans ce néo-racisme, la catégorie « immigration » est devenue un substitut contemporain à la notion de « race ». Le racisme différentialiste consiste à dire que puisqu'il ne peut y avoir hiérarchie des races ni des cultures, celles-ci ne doivent cependant pas se mélanger mais rester séparées et cloisonnées[99],[100].
Le généticien suédoisSvante Pääbo, qui a découvert que quelque 4 % dugénome des Européens actuels est hérité de l'homme de Néanderthal, considère que la lutte antiraciste ne relève pas du champ scientifique[101].
La publication de la « déclaration sur la race » en 1950 par l'UNESCO encouragera nombre de biologistes à rappeler régulièrement l'absence de validité scientifique de la notion de « races humaines ». On peut citer notammentAlbert Jacquard, auteur deL'Équation du nénuphar en 1998[102].
Carte postale raciste sur lepéril jaune représentant unChinois, par Fred C. Lounsbury. Le texte dit : « C'est un Péril jaunechintoc d'une polyvalence surprenante. Et il s'est frayé un chemin dans notre pays avec une facilité étonnante ; il lavera un tee-shirt pour le Melican Gentility et s'assiéra avec des filles à l'école du dimanche dans une humilité studieuse. Ah Sin est le nom d'un païen », 1907
« Tous les hommes descendent d'une même population d'Afrique noire, qui s'est scindée en sept branches au fur et à mesure du départ de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouvés isolés par des barrières géographiques (montagnes, océans…), favorisant ainsi une légèredivergence génétique ».
En approfondissant encore leur étude, les généticiens ont pu déterminer des sous-groupes : huit en Europe et quatre au Moyen-Orient, mais avec moins de certitude[103].
Selon une étude de l'expert Chao Tian, en 2009, ayant calculé lesdistances génétiques (Fst) entre plusieurs populations en se basant sur l’ADN autosomal, lesEuropéens du Sud tels que lesGrecs etItaliens du Sud apparaissent soit à peu près autant distants desArabes duLevant (Druzes,Palestiniens) que desScandinaves etRusses, soit plus proches des premiers. UnItalien du Sud est ainsi génétiquement deux fois et demie plus proche d'un Palestinien que d'unFinlandais[104],[105],[106] mais une telle distance avec les Finlandais n'est pas représentative des distances entre les Européens, elle s'explique parce que les Finlandais sont mélangés avec des Asiatiquessibériens, d'affinité proche desSami, les Finlandais sont donc un peuple génétiquement assez isolé des autres européens (y compris des Scandinaves et des Russes), ce qui les éloigne du reste des Européens sur le plan des distances génétiques[107]. De même, les Italiens du Sud constituent un groupe plus distant[108]. Plus globalement, les principaux peuples européens montrent une grande proximité génétique entre eux, qui les différencie nettement des populations extra-européennes[109].
Pour la plupart des pays occidentaux, la discrimination et le racisme sont beaucoup plus que des délits,punis pénalement ; ils représentent également une atteinte aux valeurs qui fondent la démocratie. Celle-ci reconnaît l'égale dignité de chaque citoyen à participer à la chose publique, à poursuivre son bonheur et son épanouissement indépendamment de sa naissance.
En France, par exemple, le législateur n'a cessé au fil du temps, et particulièrement après laSeconde Guerre mondiale, de compléter le dispositif législatif afin de réprimer plus efficacement toutes les formes de racisme. Dès 1881, laloi sur la liberté de la presse punit ladiffamation raciste « d'un emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de 1 000 F à 1 000 000 defrancs »[110].
Il a pour cela créé ou modifié en 1990 (loi Gayssot[111]) un certain nombre d'incriminations d'une part dans le code pénal, d'autre part dans laloi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et dans la loi relative à la communication audiovisuelle. La loi de 1881 avait déjà été modifiée par la loi du relative à la lutte contre le racisme[112], qui punit entre autres l'injure raciste, ladiscrimination raciale effectuée par un agent dépositaire de l'autorité publique.
La loi de 1972 introduit en outre à l'art. 24 de la loi de 1881 la disposition suivante :
« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2 000 F à 300 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement[112]. »
La peine prévue est aujourd'hui « d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euro d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement »[113],[114]
Sur le plan international, c'est en premier lieu à l'Unesco qu'il incombe de promouvoir la lutte contre le racisme, comme le déclare ouvertement la charte constitutive de l'institution de 1945. En pratique, la visibilité de l'action de cette organisation onusienne dans ce domaine est aujourd'hui très réduite quand on la compare à la protection du patrimoine mondial[115].
Sondages
D'après unsondage mené sur 1 011 personnes entre les 17 et par l'institut CSA, un tiers desFrançais se déclarait raciste, sans toutefois préciser dans quelle acception de ce terme[116]. Toujours selon la même enquête, 63 % de la population pensait que « certains comportements peuvent justifier des réactions racistes ». Un sondage similaire réalisé au Québec du au par l'institutLéger Marketing[117], prétendait donner comme analyse que 59 % desQuébécois étaient faiblement, moyennement ou fortement racistes. Comme le précédent, ce sondage réalisé dans le contexte d'un débat parfois tendu sur la question desaccommodements raisonnables a déclenché une polémique dans la province, en particulier sur la même absence de définition claire au concept de « racisme ». La question posée était « Vous, personnellement, à quel point vous considérez-vous raciste ? »[118].
Les études scientifiques sur le racisme ne sont jamais menées de manière aussi directe, mais par l'utilisation de différentes questions servant à définir des indicateurs de racisme[118].
Bibliographie
Ouvrages généraux analysant le racisme
Benedetto Croce, « Formations historiques et formations naturelles », inL'Histoire comme pensée et comme action, 1938.
Jean-Luc Yacine,Aux sources du racisme antimaghrébin, un impensé post-colonial : de Moreau de Tours à Albert Camus, Édition L’Harmattan,, 78 p.(ISBN978-2-14-035098-6)
Elazar Barkan,The retreat of scientific racism : changing concepts of race in Britain and the United States between the world wars,Cambridge university press, Cambridge, 1992
Carole Reynaud-Paligot,La République raciale. Paradigme racial et idéologie républicaine (1860-1930), Presses universitaires de France, Paris, 2006
En 1984, une expérience a été menée enSuisse, à l'initiative duréalisateurYvan Dalain et dusociologue Jean-Pierre Friedmannqui, qui consistait à réunir dans un refuge pendant quatre jours, huit personnes, racistes et victimes du racisme. Filmé à la manière d'unetéléréalité, ils ont abouti à undocumentaire intitulé "Au cœur du racisme", où chacun des protagonistes a pu exprimer son point de vue et son témoignage aux autres participants[120].
↑Lagénétique et labiologie humaine constatent l'existence, d'un côté, de différentshaplogroupes dans l'ADN des êtres humains, et d'un autre côté de groupes de différentsphénotypes etcouleurs de peau, des yeux ou des cheveux, mais ces groupes ne se recoupent pas (c'est l'une des raisons pour lesquelles on ne peut pas parler de « races ») et les différences de phénotype ne sont pas tranchées d'un groupe à l'autre, mais présentent de nombreuses nuances intermédiaires (cf.: Georges Peters,Racismes et races : histoire, science, pseudo-science et politique, Éditions d'en bas, Paris 1986 sur[1] consulté le 22 novembre 2010) : lesGrecs anciens, contrairement à une idée répandue, n'utilisaient pas de concept de ce type (c'est donc par abus que l'on peut lire en françaisrace hellénique pourΈλληνική ἔθνος /hellênikế éthnos) mais désignaient les groupes humains par les termes deγένος /génos signifiant « famille, clan, tribu », deλάος /láos signifiant « peuple assemblé, foule », deδῆμος /dêmos signifiant « peuple du lieu, citoyens » et deἔθνος /éthnos signifiant « gens de même origine » (cf.: Gilles Ferréol (dir.),Dictionnaire de sociologie, Armand Colin, Paris 2010,(ISBN9782200244293)).
↑a etbDans l'article « Racisme » de l'Encyclopaedia Universalis, l'écrivainAlbert Memmi souligne que« Pour affirmer les supériorités raciales, il faut supposer l'existence de races humaines ; le raciste sous-entend ou pose clairement qu'il existe des races pures, que celles-ci sont supérieures aux autres, enfin que cette supériorité autorise une hégémonie politique et historique. Or ces trois points soulèvent des objections considérables. D'abord, la quasi-totalité des groupes humains actuels sont le produit de métissages, de sorte qu'il est pratiquement impossible de caractériser des « races pures ». Il est déjà très difficile de classer les groupes humains selon des critères biologiques toujours imprécis. Enfin, la constante évolution de l'espèce humaine et le caractère toujours provisoire des groupes humains rendent illusoire toute définition de la race fondée sur des donnéesethniques stables. Bref, l'application du concept de pureté biologique aux groupes humains est inadéquate. Ce concept est un terme d'élevage, où la race, prétendument pure, est d'ailleurs obtenue par des métissages contrôlés. Quand on l'applique à l'homme, on confond souvent groupe biologique et groupe linguistique ou national ; ainsi en est-il de la notion d'hommearyen, dont se sont servisGobineau et ses disciplesnazis. Il n'est pas impossible enfin que cette notion contienne implicitement la référence à un phantasme de la pureté. », extrait « Présupposés du racisme, sur universalis.fr
↑Pierre Tévanian parle de racisme comme concept (La Mécanique raciste, Dilecta, Paris, 2008), Pierre-André Taguieff de racisme-idéologie (La Force du préjugé, Gallimard, Paris, 1990).
↑Pierre Tévanian parle du racisme comme percept, Taguieff du racisme-préjugé, Colette Guillaumin de « système perceptif raciste ».
↑Christian Delacampagne,Une histoire du racisme/,p. 88.
↑Delacampagne, « Une fausse énigme : les cagots », dansUne histoire du racisme,p. 92-106
↑Bernard Lewis,Race et couleur en terre d’Islam, Paris : Payot, 1982. On se reportera aussi à David Brian Davis (spécialiste américain de l'étude sur l'esclavage),Slavery and human progress,chap. 4.
↑Vincent Cespedes,Ibid.,« La mixophilie, l’amour du mélange, consiste d’abord à chercher la rencontre avec l’Autre, et non à apprendre la culture de l’Autre – que celui-ci peut d’ailleurs fort mal représenter. » (p. 269).
↑a etbGeorges Fredrickson,Racisme, une histoire,p. 120.
↑Rudyard Kipling,Le Fardeau de l'homme blanc, 1899. Sur les implications politiques de la mission civilisatrice en France, voir Dino Costantini,Mission civilisatrice. Le rôle de l’histoire coloniale dans la construction de l’identité politique française, La Découverte, Paris, 2008.
↑Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, « Les zoos humains : le passage d'un « racisme scientifique » vers un « racisme populaire et colonial » en Occident », in Nicolas Blancel et al.,Zoos humains, La Découverte, Paris, 2002,p. 63-71.
↑Emmanuelle Saada, « Un racisme de l’expansion. Les discriminations raciales au regard des situations coloniales », dans Didier Fassin et Éric Fassin (dir.),De la question sociale à la question raciale. Représenter la société française, La Découverte, Paris, 2006,p. 55-71.
« votre objectif est-il aussi de lutter contre le racisme? - […] je ne prétends pas combattre le racisme car il ne s’agit pour moi pas d’une question scientifique, mais plutôt d’un positionnement éthique et politique. »
Italiens du Sud-Druze : 0.0057, Italien du Sud-Bédouin : 0.0079, Italien du Sud-Palestinien : 0.0064, Italien du Sud-Russe : 0.0088, Italien du Sud-Suédois : 0.0064
Autres distances génétiques (Fst) autosomales calculées parNelis et al. 2009 :
Italiens du Sud - Lettoniens : 0.0150, Italiens du Sud - Finlandais (Helsinki) : 0.0160
« several distinct regions can be distinguished within Europe: 1) Finland, 2) the Baltic region (Estonia, Latvia and Lithuania), Eastern Russia and Poland, 3) Central and Western Europe, and 4) Italy, with the southern Italians being more “distant” »