L'idée se fait jour sous la plume de l'économiste françaisAdolphe Blanqui dans sonEssai sur les progrès de la civilisation industrielle de 1828, dans sonHistoire de l'économie politique[3] de 1837 et dans sonCours d'économie industrielle de 1838. La première occurrence connue de l'expression littérale « révolution industrielle » en français serait dansDe l'industrie en Belgique de Natalis Briavoine en 1839[4]. Elle apparaît en allemand en 1845 dansLa situation de la classe laborieuse en Angleterre deFriedrich Engels[5]. Vulgarisée en Angleterre auXXe siècle par l'historienArnold Toynbee[6], elle fait partie depuis du vocabulaire usuel.
La « révolution industrielle » est le passage d'une économie fondée traditionnellement sur l'agriculture à une économie reposant sur la production mécanisée à grande échelle de biens manufacturés dans des entreprises.
Les « révolutions industrielles » (au pluriel) désignent les différentes vagues d'industrialisation qui se succèdent dans les différents pays à l'époque moderne, car la révolution industrielle émerge en réalité de façon décalée dans le temps et dans l'espace selon les pays. Elle correspond à la maîtrise et au développement de nouvelles sources d'énergies, à savoir lesénergies fossiles, qui sont essentielles dans le développent des industries : le charbon d'abord, le pétrole et le gaz naturel ensuite[8]
Les transformations économiques, politiques et sociales sont telles que certains, comme Max Pietsch[9] etDavid Landes[10], veulent y voir une rupture avec le passé. D'autres pointent plutôt la convergence d'éléments que le contexte historique favorise et diffuse auXIXe siècle.Karl Polanyi, dansLa Grande Transformation (1944), expose notamment l'idée d'un siècle marqué par :
Un équilibre politique international : absence de grandes guerres entre 1815 et 1914[11] ;
Un équilibre monétaire : système de l'étalon-or et absence d'inflation ;
Sans méconnaître l'impact colossal des transformations portées par la révolution industrielle, (voir par exemple l'expression « Rerum novarum » employée par le papeLéon XIII dans son encyclique homonyme : un ensemble de « choses nouvelles » forment un mouvement économique et social inédit et déconcertant qui pose laquestion sociale), certains éléments assurent une certaine continuité entre les périodes pré-industrielles et industrielles.Walt Whitman Rostow est l'un des premiers à en rendre compte[12].Franklin Mendels parle d'une situation de « proto-industrialisation » dans de nombreuses régions d'Europe[13] etPierre Léon note l'existence de « nébuleuses industrielles » antérieures auXIXe siècle[14]. De même, Bernard Rosier etPierre Dockès[15] montrent que l'avènement dufactory system fait suite à l'expérience antérieure dumanufactory system etAlexander Gerschenkron note que la révolution industrielle est surtout le résultat d'obstacles économiques, politiques et sociaux qu'opposaient lessociétés traditionnelles et surmontés par chaque État. Enfin,Fernand Braudel note :« Il n'y a jamais entre passé — même lointain — et présent de discontinuité absolue, ou si l'on préfère de non-contamination. Les expériences du passé ne cessent de se prolonger dans la vie présente. » Ainsi, de nombreux auteurs situent le début de la révolution industrielle auMoyen Âge (qui a déjà révolutionné le monde du travail par le renouvellement des sources d'énergie, hydraulique et éolienne, et par l'invention technologique)[16] ou au début de laRenaissance.Paul Mantoux parle de l'existence d'un capitalisme industriel dès le milieu duXVIe siècle, mais la révolution industrielle en soi date, selon lui, duXVIIIe siècle[17].
L'usine, au sens moderne, est inexistante. Lesmanufactures établies par le pouvoir royal, enFrance notamment (comme àVilleneuvette), restent une activité d'exception. Cependant, certaines formes d'organisations basées sur une sous-traitance à domicile (putting-out system) — comme l'établissage dans l'industrie horlogère — annoncent la révolution industrielle ; les marchands commencent à fournir les paysans en matières premières, parfois en outils, en vue de récupérer ensuite un produit transformé qu'ils revendront en ville. Les paysans en tirent un complément de revenu. Ce mode de vie n'est donc plus tout à fait leservage mais n'est pas encore lesalariat. C'est un mélange inédit d'agriculture et d'artisanat : l'économie moderne est en germe. Ainsi, l'avènement desindiennes de coton dont la fabrication implique la mise en œuvre de processus techniques complexes provoquent le développement d'uneproto-industrie dans plusieurs régions d'Europe auXVIIIe siècle.
D'après les calculs d'Angus Maddison, l'Europe occidentale connaît, de 1500 à 1800, une croissance démographique de 0,14 %, soit un taux faible mais déjà supérieur à celui des autres régions du monde (0,02 %). C'est donc dès leXVIIIe siècle que l'Europe commence à creuser l'écart économique avec le reste du monde. Cette avance reste limitée[19] et si l'Europe occidentale n'est pas plus riche que le reste du monde, elle commence déjà à le dominer : lesgrandes compagnies de commerce profitent du renouveau des techniques maritimes, pour rivaliser, prendre le contrôle des mers et des comptoirs d'escale ou d'approvisionnement. Cecommerce au long cours s'intéresse à l'origine surtout aux produits de luxe : activité très risquée mais qui procure à ceux qui y investissent des profits considérables[20]. L'idée d'investissement de rapport se diffuse d'abord chez les financiers qui se lancent dans le négoce, puis chez des négociants qui réussissent à s'autofinancer (sans s'endetter) ou à trouver les moyens de se financer : création et développement des banques, des bourses et des associations de « capitalistes » dans les pays du Nord de l'Europe.
Contexte favorable, résultat d'une longue évolution
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Cette analyse est en contradiction apparente avec le dogme fondamental du protestantisme, lasola gratia, selon lequel Dieu accorde sa grâce sans considération des actes. Max Weber ne l'ignore pas, mais il analyse chez les protestants une forme de déviation par rapport au dogme pur, qui consiste à voir dans la fortune ici-bas un signe de l'élection divine et du salut. Cette analyse n'explique pas pourquoi l'émergence du capitalisme se produit deux siècles après l'apparition du protestantisme (voir l'articleHistoire du capitalisme) ; il est vrai que Weber n'avait pas à sa disposition les études d'historiens postérieurs (le BelgeRaymond de Roover(en) ou les BritanniquesEdwin S. Hunt etJames M. Murray ou encore le Français Fernand Braudel).
L'évolution des idées durant l'époque moderne est marquée par la dimension prise par labourgeoisie au sein de la société. Il est notable que l'expansion économique précoce se fait souvent dans un contexte politique déjà en partie affranchi du féodalisme.Venise, en Italie du Nord, est dominée par les marchands et lesProvinces-Unies ainsi que l'Angleterre se sont dotées d'unrégime parlementaire.
Le capitalisme ne naît pas avec la révolution industrielle ; dès la fin du Moyen Âge, l'historienFernand Braudel note que les activités du capitalisme marchand et financier sont déjà largement développées dans le Nord de l'Italie, les Pays-Bas ou l'Allemagne du Nord.
L'ampleur des besoins financiers engendrés par la révolution industrielle pose rapidement la question de l'accumulation primitive du capital et consécutivement celle du financement par l'appel à l'épargne publique ou aux capitaux extérieurs. Jusque-là, les « investisseurs » associés au sein de sociétés en nom commun (SNC) découpées en parts non négociables, et non en actions, ont la qualité juridique de « commerçants » et sont, à ce titre, responsables sur leurs biens propres. Les premières sociétés de capitaux comme lessociétés en commandite par actions (actions négociables dans unebourse) remontent en France auCode du commerce de 1807, mais restent marginales[23].
Ainsi en Angleterre, la mise en place desjoint stock companies (JSC) fait suite à l'abrogation du « Bubble Act » en 1825 et au « Joint Stock Companies Act » de 1856. En France est instaurée lasociété anonyme après les lois de 1863 et 1867 (et en Allemagne en 1870). D'aprèsFrançois Caron[24], 11,4 % des sociétés créées en France entre 1879 et 1913 le sont sous la forme de société anonyme.
Libéralisme à l'aube de l'industrialisation
La réflexion sur le rôle de l'État dans l'économie, les thèmes dulibre-échange et duprotectionnisme sont l'objet d'une longue réflexion historique. AuXVIIe siècle, lemercantilisme — « économie au service du prince » — énonce de manière pragmatique et parfois assez formalisée (ainsi lecolbertisme[25] en France) les premières considérations et théories économiques censées correspondre aux besoins des nations et royaumes. En1776, un auteur libéral commeAdam Smith est partisan[26] d'unÉtat-gendarme capable d'assurer d'une part des prérogativesrégaliennes (de défense, de sécurité et de justice) et d'autre part des fonctionstutélaires (les permissions et les interdictions). Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'unÉtat minimal.
Par ailleurs, ladivision du travail est déjà à l'œuvre depuis au moins un siècle dans les chantiers navals (par exemple, l'arsenal de Venise) et illustrée par les planches de l'Encyclopédie. Elle est source d'efficience et de meilleure productivité. En d'autres termes, la division du travail permet d'atteindre les objectifs avec des bas coûts et une production par unité de facteurs élevée. La spécialisation et l'interdépendance qu'elle induit entre un nombre croissant d'agents économiques qui y ont recours rend nécessaires les échanges et contribue à généraliser les pratiques de marché.Vincent de Gournay et lemouvement physiocratique lancent auXVIIIe siècle :« Laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises. »
En Angleterre, lesCombination Acts de 1799 et 1800 engagent un processus similaire. De telles mesures ont un impact décisif sur le processus de révolution industrielle ; d'aprèsArnold Toynbee,« l'essence même de la révolution industrielle est la substitution de la libre concurrence aux règlementations qui, depuis le Moyen Âge, étaient imposées à la production »[28].
La révolution industrielle est aussi le fait de découvertes etinnovations qui favorisent l'industrialisation. La « grappe d'innovation » qui survient[30], est d'une ampleur telle que la révolution industrielle marque une véritable rupture sur le plan des techniques.
De même,Lewis Mumford[32] considère l'invention de l'horloge comme l'une des premières activités mécaniques, occasionnant le perfectionnement de certaines techniques et favorisant la division du travail (voir en particulier le modèle d'organisation assez remarquable dit de l'« Établissage » en vigueur dans l'horlogerie duJura depuis au moins leXVIIIe siècle).
Adam Smith (1723-1790), est considéré par beaucoup comme un des fondateurs de la pensée économique moderne.
Bien que, par certains aspects, on puisse voir les origines de l'industrialisme dans le fameuxParfait négociant, écrit parJacques Savary en1675, mais aussi par la correspondance entreLeibniz etDenis Papin au début duXVIIIe siècle[33] , les origines remontent plus certainement à la seconde moitié duXVIIIe siècle, époque à laquelleMontesquieu etCondorcet, parmi d'autres, défendent l'idée selon laquelle le commerce et l'industrie entretiennent l'amour de la paix, qu'ils ont besoin de liberté, et que leur essor est l'un des signes duprogrès que connaissent les sociétés humaines. L'émergence de la grande industrie française, dans les années 1780-1830, contribua à favoriser ces idées[34].
Il faut aussi mentionner le grand économiste écossaisAdam Smith (1723-1790), déjà cité, auteur de laRichesse des nations (1776), considéré comme l'ouvrage fondateur de l'économie moderne.
L’industrialisme, en tant qu’élément constitutif et élément historiquement déterminant du libéralisme, a plusieurs sources majeures :
La première estDestutt de Tracy, le dernier et le plus célèbre représentant de laSociété des idéologues français, ami deThomas Jefferson, qui a lui-même traduit en anglais[35], et publié à Philadelphie[36], en 1811 avec une préface[37],[38], et fait enseigner aucollège de William et Mary, où il avait fait ses études de 1760 à 1762[39], sous le titre deA Treatise on Political Economy[40], leCommentaire sur l’Esprit des Lois de Montesquieu (1806), qui contenait sa Politique, mais dont la publication ne pouvait avoir lieu, en raison du régime politique alors en place en France, en raison de sa défense des thèses républicaines et démocratiques[41]. Dans cet ouvrage, Destutt de Tracy définit la société, de son commencement le plus informe à son plus grand état de perfection, uniquement comme une pure série ininterrompue d’échanges, et dans laquelle les deux parties contractantes sont toujours gagnantes[42].
De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1813) deBenjamin Constant constitue une autre source de la pensée industrialiste. Selon Dunoyer, Constant a été le premier à distinguer nettement entre l’âge moderne et la civilisation ancienne[43].
Mais c’est sans conteste leTraité d'économie politique, le maitre-ouvrage deJean-Baptiste Say, paru en1803, qui a été la principale influence intellectuelle sur l’industrialisme[43]. En 1815, Say enseigne à l'Athénée, diffusant les idées du grand économiste écossaisAdam Smith (1723-1790)[44].
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Sous laRestauration, de 1817 à 1819, deux jeunes libéraux, Charles Comte et Charles Dunoyer, dirigent la revue libéraleLe Censeur européen. À partir du deuxième volume, un autre jeune libéral,Augustin Thierry, a collaboré étroitement avec eux.Le Censeur européen a développé et diffusé une version radicale dulibéralisme, qui a continué d’influencer la pensée libérale jusqu’àHerbert Spencer et au-delà[45].
Saint-Simon semble avoir été le premier à avoir employé le mot « industriel » comme substantif[46]. C'est lui qui a forgé le terme « industrialisme », qu'il emploie, selonHenri Gouhier dès 1817, et que l'on trouve en 1824 dans lecatéchisme des industriels[47]. Il est le penseur de lasociété industrielle. Le courant saint-simonien ne s'est vraiment développé qu'après la mort de Saint-Simon en1825. Les premiers disciples, parmi lesquelsProsper Enfantin (surnommé le « Père Enfantin »), ont fondé le journalLe Producteur qui expose la philosophie : « Il s'agit de développer et de répandre les principes d'une philosophie nouvelle. Cette philosophie, basée sur une nouvelle conception de la nature humaine, reconnaît que la destination de l'espèce, sur ce globe, est d'exploiter et de modifier à son plus grand avantage la nature extérieure[48]. »
La révolution agricole, soit le bouleversement des techniques, caractérisé par des innovations, va enregistrer un renouveau cette fois dans le sud de la Grande-Bretagne. Dans le comté deNorfolk, à partir de 1720,Charles Townshend expérimente un système nouveau d'assolement continu qui se substitue à l'assolement triennal avecjachère. C'est le début d'une nouvelle vague d'innovations :drainage,marnage, invention dusemoir parJethro Tull en 1701, etc.
Les pays ayant connu la révolution industrielle ont également tous connu des mutations démographiques dont la plus importante est latransition démographique. Celle-ci ne se produit pas forcément au même moment que l'industrialisation, ce qui conduit à nuancer les liens entre démographie et révolution industrielle.
La transition démographique correspond à une période de déséquilibre entre les taux de natalité et les taux de mortalité. Avant que ne débute la transition démographique, le régime démographique traditionnel est celui d'une natalité et d'une mortalité fortes qui se compensent.
Les progrès humains se caractérisent par la raréfaction des famines et le meilleur traitement des épidémies, parfois combinés à une absence temporaire de guerre, notamment auXIXe siècle. Les progrès de la médecine jouent un rôle important : vaccination antivariolique de Edward Jenner en 1796, découverte de la morphine en 1806, découverte du bacille de la tuberculose parRobert Koch en 1882, vaccin contre la rage deLouis Pasteur en 1885, etc. Autrement dit, il s'agit du recul des « trois Parques surmortelles » selon l'expression d'Alfred Sauvy[52]. Ces progrès suscitent, dans le premier temps de la transition, une chute de la mortalité sans que le taux de natalité en soit changé. L'écart important, alors constaté entre la mortalité et la natalité, provoque une hausse importante de la population. Par la suite, des évolutions sociologiques et culturelles, liées à l'évolution des modes de vie, des « mentalités collectives » et de la famille avec l'enfant comme préoccupation centrale d'une famille qui tend à devenir « nucléaire »[53], provoquent un recul de la natalité dont le taux tend à converger vers celui de la mortalité.
La transition démographique est alors terminée, et laisse généralement la place à une période de stabilité marquée par une faible mortalité et une faible natalité.
Unebatteuse en 1881, un exemple de lien entre industrie et agriculture.
La révolution agricole permet de soutenir l'évolution démographique en permettant la disparition des disettes. L'accroissement de la population a cependant suscité certaines craintes à l'époque.Thomas Malthus soutenait ainsi que la croissance démographique évoluait de manière géométrique (1, 2, 4, 8, 16, 32, etc.) alors que l'agriculture n'évoluait que de manière arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, etc.), d'autant plus que les gains de productivité dans l'agriculture étaient confrontés aux rendements décroissants des terres[54],[55].
La transition démographique a eu elle aussi des répercussions sur l'agriculture, en lui offrant des perspectives de profit. Par ailleurs, les études d'Ester Boserup montrent que l'accroissement démographique a peut-être mis la population face à des impératifs de productivité, « la nécessité étant la mère de l'invention »[56].
Des auteurs commePaul Bairoch[57] etWalt Whitman Rostow[58] considèrent la révolution agricole commeendogène à la révolution industrielle. L'augmentation de la productivité agricole par tête a permis de réduire la part des travailleurs agricoles. Ces derniers étant mis au chômage se sont rendus dans les villes et ont fourni à l'industrie une importante main d'œuvre, essentielle à son expansion. L'agriculture en évolution a aussi profité d'une mécanisation croissante, qui s'est traduite par des commandes industrielles. L'augmentation du produit brut agricole augmente la rentabilité et la valeur des terres, et permet de dégager des possibilités financières pour l'investissement.
Pourtant, les travaux de Phyllis Deane[59] montrent qu'il faut relativiser cette théorie en soulignant le décalage géographique qu'il existe entre les régions où se déroulent la « révolution agricole » et celles où se développent l'industrialisation. Ainsi, le Sud-Est de l'Angleterre, qui connait des progrès en matière agricole, n'est pas la première région d'Angleterre à s'industrialiser. Il existe un décalage similaire, cette fois-ci temporel, entre transition démographique et industrialisation. Ainsi, les régions dont la croissance démographique est importante ne sont pas forcément celles qui connaissent le processus d'industrialisation en premier, comme en Espagne. De même, d'autres régions qui s'industrialisent ne connaissent pas une très forte poussée démographique, comme dans la partie rhénane de l'Allemagne[60].
En outre, la théorie selon laquelle les excédents agricoles ont soutenu l'industrialisation est elle aussi à relativiser. En effet, ces excédents ont été réinvestis, pour une large part, dans l'agriculture. En fait, ce sont plutôt les excédents industriels qui se sont dirigés vers l'agriculture, notamment dans de grandes propriétés, parfois au nom du prestige social qui faisait défaut à la bourgeoisie. Toutefois, le rôle de l'agriculture, s'il n'est pas le seul à permettre le processus d'industrialisation, n'en demeure pas moins crucial dans les pays de la première vague[63] comme dans ceux de la deuxième vague, notamment le Japon et la Russie.
La première véritable législation attribuant unmonopole pour lesinventions apparaît àVenise en 1474. Cette loi précise que le monopole est la contrepartie de sa divulgation. Dès cette époque, lebrevet a deux fonctions :
Le parlement britannique transforme les monopoles royaux en brevets dès 1624 : il faut une réelle invention et la durée de vie est limitée à dix ans. Mais les monopoles royaux reviennent dès larestauration anglaise[67]. Le parlement qui gouverne le pays après 1688, lors de larévolution financière britannique, récompense les inventeurs par des concours. Pour montrer l'exemple, il utilise souvent le premier l'invention[68]. En 1714, il offre10 000livres à qui trouve un moyen d'établir les longitudes en mer à un degré près[69]. L'Angleterre dépose deux fois plus de brevets entre 1690 et 1699 que dans chaque décennie de la période 1660-1690. Le, celui de l'ingénieurThomas Savery pour le pompage de l'eau dans lesmines de charbon, est par exemple annoncé par une publicité dans un journal, puis perfectionné par l'association avecThomas Newcomen en 1705. La loi est appliquée strictement : en 1718, lors du brevet accordé àJames Puckle(en) pour unemitrailleuse, il doit prouver une « spécification ». L'énergie des inventeurs est d'abord très mobilisée par laRoyal Navy, sur fond d'aventure coloniale.
L'acceptation du brevet deJames Watt en 1769 établit un principe important : un brevet peut être accordé pour l'amélioration d'une machine (à vapeur, celle deThomas Savery etThomas Newcomen) déjà connue, et pour des idées et des principes — à condition qu'ils puissent être appliqués concrètement. Le fameux brevet deRichard Arkwright pour des machines defilage fut invalidé en 1777 pour absence d'une spécification adéquate, après dix ans d'existence, alors qu'il améliorait la machine à filer brevetée par l'immigréHuguenotLewis Paul en 1738 et vantée en 1757 dans un poème du révérendJohn Dyer[70]. L'innovation despremiers entrepreneurs du coton britannique est relancée par le brevet du révérendEdmond Cartwright sur sa tisseuse à vapeur, déposé en 1785 après avoir visité en 1784 l'usine deRichard Arkwright et appris que le brevet expirait.
En France, la première législation sur les brevets est créée en 1791, mais dès 1762, le privilège royal autorisant une production fut ramené à une durée de quinze ans[71].
AuIer siècle de l'ère chrétienne,Héron d'Alexandrie construit l'Éolipyle, sorte de jouet à vapeur fonctionnant comme une turbine à réaction. Il faut attendre d'autres inventeurs, commeDenis Papin, pour montrer que la vapeur sous pression pouvait actionner un piston dans un cylindre. La notion detravail est totalement absente des premiers développements de cette machine. Les travaux du physicienSadi Carnot et la découverte de lathermodynamique permettent de formaliser ce concept. C'est précisément cette notion qui, attachée aux machines développées au moment de la révolution industrielle, avec en parallèle l'utilisation d'énergie fossile, fait basculer lesystème technique vers la civilisation thermo-industrielle.
La première machine fonctionnant à vapeur utilisée industriellement est celle du capitaineThomas Savery en1698. Elle sert àexhaurer[73] les mines deCornouailles. Bien que simpliste et gourmande encharbon, elle sauve de nombreuses mines de la ruine.
La première véritablemachine à vapeur, celle dont toutes les machines alternatives descendent, est inventée et construite par un forgeron duDevon :Thomas Newcomen, en1712. Elle est conçue comme machine depompage pour unemine de charbon située près deDudley Castle, dans leStaffordshire. Très fiable, cette machine fonctionne au rythme lent de douze coups par minute, et consomme aussi beaucoup de charbon. En effet, pendant son fonctionnement on envoie dans le cylindre successivement de la vapeur, qui le réchauffe, puis de l'eau froide, qui le refroidit : lecharbon sert surtout à réchauffer le métal du cylindre.
En1764, frappé par la déperdition d'énergie de la machine de Newcomen,James Watt imagine de ne plus condenser la vapeur dans le cylindre, mais dans un condenseur séparé. Il en dépose le brevet en1769. L'application industrielle commence à partir de1775, après que James Watt s'est associé avecMatthew Boulton, propriétaire de la manufacture deSoho, près deBirmingham. Leur démarche de commercialisation est elle-même innovante : ils passent contrat avec un client équipé d'une machine Newcomen et financent le remplacement par une machine de Watt. Les deux associés se paient en prenant pour eux une part des économies de charbon réalisées par le client, grâce au bon rendement énergétique de la machine de Watt.
Watt brevette plusieurs autres inventions comme la machine rotative et surtout lamachine à double effet (1783) dans laquelle le cylindre reçoit la vapeur alternativement par le bas et par le haut, ainsi qu'unrégulateur à boules ou centrifuge (1788) assurant une vitesse constante au moteur.
Machine à vapeur deWatt àMadrid, école d'ingénieurs.
Principe de fonctionnement d'une machine à vapeur.
Fardier deCugnot, premier véhicule automobile en 1771.
La machine à vapeur est ainsi en mesure de remplacer lesmoteurs hydrauliques, pour l'entraînement d'outils industriels.
Le développement est rapide : 496 machines à vapeur Boulton et Watt sont en service en Grande-Bretagne en1800. Les brevets de Watt tombent dans le domaine public vers 1800. Le développement de la machine à vapeur est l'une des raisons de la précocité britannique. En1830, le Royaume-Uni possède 15 000 machines à vapeur, la France 3 000 et la Prusse 1 000. La France reste à la traîne dans ce domaine : en1880, elle ne possède que 500 000 chevaux-vapeur installés contre deux millions pour le Royaume-Uni et 1,7 million pour l'Allemagne.
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La révolution industrielle, particulièrement dans sa première phase, s'appuie sur la vapeur permettant de faire fonctionner des bateaux à vapeur et des locomotives. Une autre énergie sera développée, plus marginalement, durant cette période : legaz. Celui-ci sert notamment à éclairer les premières usines avant que ne soit généralisé l'usage de l'électricité, à la fin duXIXe siècle.
L'adaptation de la machine à vapeur à des bateaux se révèle plus difficile que pour les chemins de fer : risque d'incendie avec les coques de bois, risque de panne – un bateau dont la machine tombe en panne est désemparé – faible autonomie due au mauvais rendement des machines à vapeur. Toutefois, le, le « Pyroscaphe » est le premier bateau à vapeur – naviguant pendant un quart d'heure, sur laSaône – construit parJouffroy d'Abbans. La navigation à vapeur débute donc sur les rivières, dans les ports pour les remorqueurs et sur des trajets courts, comme la traversée de laManche. Le nombre et le niveau technique des bateaux à vapeur progressent rapidement : ainsi, dès1830 les premierssteamers (bateaux à vapeur) mettent dix jours de moins sur le trajetNew York-Londres que les voiliers les plus rapides. L'augmentation de la taille des navires divise les frais de transport par quatre entre1820 et1850 sur les liaisons internationales.
En1869, l'ouverture ducanal de Suez permet aux bateaux à vapeur de faire le trajet vers l'Inde en 60 jours, contre six mois auparavant. D'autre part, des dizaines de bateaux à vapeur sillonnent laLoire entre1830 et1850. Leur vitesse est impressionnante (de 4 à 15 nœuds en remontant, 9 nœuds en descendant) et donne lieu à des courses qui se terminent parfois dans un banc de sable… Mais vers 1850, le chemin de fer entraîne leur disparition : en1910 laRoyal Navy britannique prend la décision de passer à une chauffe au fioul, et non au charbon, pour ses nouveaux bâtiments. Cette évolution se généralise dans le domaine du transport et instaure l'ère du pétrole pour leXXe siècle.
Pendant cinquante ans, les canaux sont les artères de la première révolution industrielle, faisant la fortune de leurs propriétaires. Puis le chemin de fer les remplace peu à peu, jusqu'à s'imposer définitivement au cours de la deuxième révolution industrielle.
Jusque vers1750 la majorité de la production se fait soit à domicile, soit dans des ateliers artisanaux avec quelques apprentis : c'est ledomestic system, qui fournit aux opérateurs un revenu d'appoint, pendant les temps morts de l'agriculture. Ce modèle rationnel – où les familles s'organisent par elles-mêmes – constitue les prémices de l'industrialisation, appelées « proto-industrialisation ».
1733 :John Kay invente lanavette volante qui permet de tisser quatre fois plus vite et des tissus plus larges. Il fallait donc quatre fileurs pour un tisserand. Cette rupture d'équilibre provoque en cascade d'autres inventions techniques ;
1765 :James Hargreaves brevète la « spinning jenny », unrouet où l'on peut poser huit broches. Hargreaves est un ouvrier tisserand illettré. Sa machine est détruite par des ouvriers tisseurs furieux de perdre leur travail et il meurt dans la pauvreté ;
1769 :Richard Arkwright brevète la « water frame », première fileuse mécanique qui utilise l'eau comme force motrice, basée sur le modèle de machine à filer brevetée parLewis Paul en1738 ;
1779 :Samuel Crompton crée la « mule-jenny » qui met en œuvre 400 broches à la fois (eau ou charbon nécessaire) ;
Richard Arkwright achète leurs cheveux aux paysannes pour faire des perruques. Après avoir inventé lamule-jenny, il crée en1771 une usine àCromfort (Derbyshire) où l'eau est abondante pour actionner les machines, mais la main-d'œuvre est rare. Il fait venir des familles pauvres, dont les femmes et les enfants travaillent sur les métiers à tisser 13 heures par jour. En 11 ans, il crée deux autres usines, employant 5 000 personnes. Son invention s'étend rapidement : en1780, 120 usines fonctionnent, la plupart dans le nord-ouest de l'Angleterre. Ce succès lui vaut d'être anobli.
En1800, 80 % du coton est tissé mécaniquement avec des « mules » dans leLancashire. En1815, en Angleterre, 2 500 métiers mécaniques sont recensés contre 250 000 à bras.
La production est concentrée dans des manufactures qui utilisent une très importante main-d'œuvre dans de mauvaises conditions d'hygiène, d'éclairage, de bruit et de sécurité. L'utilisation de machines à vapeur permet d'installer ces manufactures près des villes, qui deviennent rapidement des villes industrielles. Les ouvriers habitent à proximité de leur lieu de travail pour pouvoir s'y rendre à pied : les journées de travail sont très longues et le temps de repos trop court pour qu'il puisse être réduit par un long trajet. Notons que certaines innovations contribuent à la dégradation des conditions de vie et de travail des ouvriers[74]. Si la machine à coudre d'Elias Howe en1846 permet le maintien du travail à domicile (ledomestic system), l'intensification de l'industrialisation entraîne l'augmentation des cadences dans les filatures si bien que les conditions de vie et de travail dans le textile se dégradent ; c'est lesweating system (travail à la sueur).
À la lumière des éléments cités, on comprend, en partie, la précocité duRoyaume-Uni dans le processus de révolution industrielle.
Métallurgie
Part de la production mondiale d'acier par pays, illustrant la domination anglaise.
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Ces activités ne sont pas nouvelles : en France, entre1084 et1170, lesPères chartreux sont maîtres de forges dans le cadre d'une métallurgie forestière[75]. En Grande-Bretagne, la métallurgie charbonnière est exploitée de bonne heure : les moines deNewbattle Abbey créent la première mine de charbon d'Écosse auXIIIe siècle et les mines écossaises produisent en1700 400 000 tonnes, 2 000 000 tonnes en1800. Le coke est fabriqué exactement comme le charbon de bois, par une combustion incomplète dans des meules. Charbon et coke sont employés à la place du bois pour le chauffage domestique ou industriel (verreries, tuileries, poteries). Cependant, la difficulté du procédé vient de la teneur en soufre élevée des cokes, qui rend la fonte impropre à l'utilisation.
En1708,Abraham Darby, unquaker qui exploite une fonderie decuivre, s'installe àCoalbrookdale dans les gorges de laSevern. Son intention est de réaliser ce qu'aucun maître de forge n'avait réussi jusque-là : faire de lafonte en utilisant ducoke au lieu ducharbon de bois, plus coûteux. Un vieuxhaut fourneau fonctionnant au charbon de bois est loué au seigneur du lieu. Après une année d'expérimentations, en sélectionnant des cokes peu chargés en soufre, il réussit à produire une fonte utilisable. Celle-ci est encore de qualité médiocre et ne permet pas d'obtenir du fer. Mais elle reste assez bonne pour fabriquer des marmites de cuisine bon marché, des plaques de cheminée et d'autres produits analogues. Abraham Darby en vend dans toute l'Europe et cela durant quarante ans, jusqu'en 1750.
En1750, le fils d'Abraham Darby — Abraham Darby II — réussit à obtenir du fer à partir de la fonte au coke, d'où une baisse du prix du fer. En1779, le petit-fils Abraham Darby III construit le premier pont métallique, l'Iron Bridge, sur laSevern, en un lieu nommé d'ailleurs depuis Ironbridge. Trois mois sont nécessaires à son haut fourneau pour produire les 384 tonnes de fonte nécessaires. Ironbridge est considéré comme le berceau de la révolution industrielle. La société Darby cesse son activité en1818, victime de la crise consécutive à la fin des guerres contre laFrance et de la concurrence.
Le premier pont métallique réalisé en France est lepont d'Austerlitz, de1807 (reconstruit en1854 à cause de nombreuses fissures).
Lafonte, produite par le haut fourneau, est du fer contenant un pourcentage élevé de carbone. En enlevant le carbone, on obtient du fer. En1784,Henry Cort invente le procédé dupuddlage pour obtenir du fer à partir de la fonte — procédé très bien décrit parJules Verne dans son romanles Cinq Cents Millions de la Bégum. Avec ce métal est réalisée latour Eiffel. On peut ensuite obtenir de l'acier en ajoutant un peu de carbone au fer.
Le premier acier fabriqué est unacier de cémentation. Ce mode de fabrication de l'acier, déjà connu dans l'Antiquité, consiste à chauffer des barres de fer au milieu de charbon de bois dans un four fermé. La surface du fer acquiert une importante teneur en carbone. Laméthode dite au creuset, initialement développée afin de retirer les scories de l'acier issues de la cémentation, permet de fondre ensemble le fer et d'autres substances dans un récipient (le creuset) composé d'argile réfractaire et de graphite. On homogénéise et allie ainsi l'acier. Sont ainsi fabriqués par exemple lesépées de Damas et de Tolède, moyennant un prix de revient élevé.
En1842, lemarteau-pilon est inventé. Il permet de purger le fer de son laitier (c'est lecinglage) et de forger avec précision de grandes pièces.
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Lecommerce triangulaire et la réduction enesclavage de millions d'individus expliquent pourquoi le Royaume-Uni fut le premier pays européen à s’industrialiser : il devança largement ses concurrents dans la traite transatlantique, transportant près de 3 millions de personnes, loin devant la France (1,27 million)[76].
Adoptant une stratégie coloniale différente des autres nations, notamment de la France, le Royaume-Uni opte très tôt pour lelibre-échange avec ses colonies mais également avec les autres nations. Le, par exemple, la Grande-Bretagne et la France signent un accord commercial – letraité Eden-Rayneval – rendant la circulation descéréales quasiment libre et interdit l'exportation de machines anglaises et l'émigration d'ouvriers qualifiés britanniques. Toutefois le traité le plus important entre les deux nations est celui du, dittraité Cobden-Chevalier. De tels accords sont soit négociés, comme dans l'exemple précédent, soit obtenus par la force, comme pour l'installation de concessions àShanghai en1842. On s'achemine dès lors de plus en plus vers la fin d'une politique d'obédience mercantiliste, que l'abrogation descorn laws (taxes sur le blé) sanctionne définitivement en1846. La Grande-Bretagne verse alors dans un libre-échange de conceptionfree trade, et non, comme c'est le cas de nos jours, de conceptionfair trade (plus « juste »). Toutefois, laGrande Dépression (1873-1896) pousse à un retour vers des politiques teintées deprotectionnisme, donc de repli du commerce sur ses colonies.
Spécialisation industrielle précoce dès 1850
La dotation factorielle de la Grande-Bretagne est un élément constitutif de sa précocité et de sa supériorité au début de la révolution industrielle.
L'agriculture est sacrifiée au profit de l'industrie (à partir de 1846) ; la part de l'activité agricole dans lePIB de la Grande-Bretagne passe de 20 % en1850 à 6 % en1906. Si en valeur absolue les données restent stables, en revanche en valeur relative on voit bien la proportion prise par l'activité industrielle. D'autre part, une telle diminution relative de l'agriculture peut s'expliquer par les effets du libre-échange et le commerce avec les pays « émergents » de l'époque comme les États-Unis. En effet, l'annulation des taxes sur le blé importé en 1846 a eu deux conséquences majeures sur l'économie britannique. D'une part, la baisse du prix du blé provoquée par la concurrence du blé étranger a permis de baisser et les salaires (à l'époque, ceux ci étaient évalués en termes de blé) et la rente (revenu des propriétaires agricoles). D'autre part, les bénéfices des industriels ont augmenté à la suite de la diminution concomitante de ces deux composantes essentielles du PIB.
L'agriculture sacrifiée, les efforts tournés vers l'industrie, la domination industrielle de la Grande-Bretagne est assurée, au moins pendant une grande partie duXIXe siècle. Ainsi, la production industrielle s'accroît fortement, notamment dans les productions decharbon (qui augmente de 100 % entre1830 et1845), textile et sidérurgique dans lesquelles se spécialise la Grande-Bretagne. Cette domination s'appuie notamment sur une main-d'œuvre abondante grâce à l'essor démographique, acquise aux nouvelles méthodes notamment organisationnelles avec ladivision du travail selon les conceptions d'Adam Smith. Elle s'appuie en outre sur la disponibilité des matières premières,fer etcharbon, sur lescolonies et sur de nombreuses innovations techniques.
La Grande-Bretagne domine incontestablement le monde durant toute la première moitié duXIXe siècle. En conséquence, laCity, place financière de Londres, est incontournable dans le domaine financier en termes de transactions, pour les reconnaissances de dettes, pour émettre des actions, emprunter, etc. Cette hégémonie amène la Grande-Bretagne à constituer le plus vaste Empire colonial et à devenir le plus important investisseur à l'étranger : aux alentours de 1860, la Grande-Bretagne pèse à elle seule 1/5e de la production mondiale. De plus, on y cote une majorité de matières premières, malgré la concurrence de la bourse deChicago, et la monnaie de référence pour les échanges internationaux demeure lalivre sterling. La suprématie financière et économique de la Grande-Bretagne est accentuée sous le règne deVictoria (1837-1901).
Rôle précurseur de la Wallonie
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On parle de singularité pour le processus de révolution industrielle français car il ne correspond pas aux modèles établis. Certains commeJean Marczewski[77] considèrent que la révolution industrielle se caractérise en France par l'absence d'une phase de « take-off » (décollage) selon les critères établis parWalt Whitman Rostow et son modèle normatif défini en 1960 dans sesÉtapes de la croissance économique : toute société est censée connaître un processus de croissance en cinq étapes. L'une est primordiale, celle du « take-off » où :
L'investissement total réalisé doit représenter au moins 10 % du PIB total ;
Plusieurs secteurs moteurs, ainsi qu'un cadre politique et social favorable doivent exister.
Or, la France ne suit pas ce modèle ; le début de la révolution industrielle en France se caractérise, selon Maurice Lévy-Leboyer, par une chronologie plutôt irrégulière :
De 1789 à 1815 : un contexte historique marqué par les guerres révolutionnaires et napoléoniennes ;
De 1830 à 1860 : un développement industriel, malgré tout, aux côtés de la Grande-Bretagne ;
De 1860 à 1905 : un ralentissement économique ;
À partir de 1905 : une forte reprise.
Contexte historique
Les débuts de la révolution industrielle en France sont marqués par des troubles consécutifs aux guerres révolutionnaires et napoléoniennes dont le coût est humain (600 000 victimes françaises en tout[réf. nécessaire]), mais également économique : la France perd à cette occasion son dynamisme démographique.
La France est aussi moins riche encharbon et enfer que ses voisins belge, allemand ou anglais.
LeBlocus continental mis en place parNapoléon Ier en1806 provoque simultanément une perte de débouchés pour les grands ports français, commeBordeaux,Marseille ouNantes qui voient faiblir leur activité et leur population migrer en partie vers les régions industrielles du Nord-Est. Sur le plan industriel, il en résulte une nouvelle spécialisation et une inversion des pôles d'activité. Sur le plan commercial, le commerce français s'oriente davantage vers le commerce continental.
La pensée française est fille dusiècle des Lumières et de laRévolution : héritière à la fois du libéralisme et d'une conception plus « sociale », l'idéologie française adopte une voie intermédiaire entre lelibéralisme britannique et leprotectionnisme allemand.
De surcroît, la France procède à de nombreuses réformes comme la création des lycées permettant la formation d'une élite dans le cadre d'un processus de rationalisation de l'État entamé dès le milieu duXVIIIe siècle avec, par exemple, la création de l'École royale des ponts et chaussées en1747, de l'École nationale supérieure d'arts et métiers en1780 ou de l'École polytechnique en1794. Mais la réforme majeure à retenir est celle de l'instauration duCode civil par Napoléon en 1804. En effet, il encadre le droit de propriété privée, élément essentiel dans le processus de révolution industrielle. Mais il permet également de fonder le droit contractuel ; la propriété privée est un bien cessible et permet donc l'accumulation. Cela ne signifie pas que la propriété n'était pas cessible sous l'Ancien régime, mais que la propriété n'avait aucune fonction d'accumulation, elle était un symbole social. Elle demeure ce symbole auXIXe siècle mais on y ajoute la notion d'accumulation.
De plus, par le biais de lois, l'État se joint à la croissance économique non seulement en la favorisant, mais également en y participant. On peut citer par exemple la loiGuizot de1842 qui favorise l'extension du chemin de fer dont on connaît l'importance dans le processus de révolution industrielle, les grands travaux (travaux du baronHaussmann àParis, assainissement de zones marécageuses comme lesLandes et laSologne), le planFreycinet (1879-1882) pour relancer l'activité économique par le chemin de fer et l'amélioration des infrastructures, etc. L'Empire colonial français contribue également à soutenir l'industrialisation.
L'État est parfois à l'origine de négociations favorisant le libre-échange, parfois à l'origine de mesures protectionnistes ; on retrouve là encore la voie intermédiaire choisie par la France, ni tout à fait libérale, ni totalement protectionniste. Dans le premier cas, il établit des accords commerciaux, comme celui de1786, dittraité Eden-Rayneval, et surtout celui de1860, dittraité Cobden-Chevalier, qui limite les droits de douane sur les produits industriels à 25 %. Dans le second cas, il prend des mesures protectionnistes comme l'adoption de laloi Méline en1892 permettant d'augmenter les droits de douane sur les céréales et la viande importées en cas de surproduction.
L'agriculture conserve une place bien plus importante dans l'économie française que dans l'économie britannique à la même époque. Des inventeurs contribuent aux progrès de l'industrie agricole comme André Grusenmeyer. Son importance est telle en France qu'il suffit que l'agriculture prospère pour que l'ensemble de l'économie s'en trouve améliorée. Au contraire, une agriculture qui n'est pas prospère conduit à l'amplification des mouvements de crises. L'agriculture est dominée en France par des petits propriétaires, ce qui explique en partie le comportement « malthusien » de la France auXIXe siècle :faire moins d'enfants permet d'éviter l'émiettement du patrimoine familial, d'épargner davantage et de mieux les installer dans la vie.
La France est donc une puissance industrielle, néanmoins inférieure à la Grande-Bretagne. Les changements y sont plus progressifs qu'outre-Manche, expression d'un « malthusianisme » caractéristique. La concentration d'entreprises (les constitutions des monopoles) et la production de masse y sont aussi plus tardives. De plus, l'industrie est dominée par une petitebourgeoisie qui privilégie unmarché intérieur modérément dynamique.
Puissance financière
Bien que largement moindre que celui de la Grande-Bretagne, le poids de la France en matière financière n'en demeure pas moins important. En effet, la France dispose du plus important stock d'or privé et représente le principal marché financier des gouvernements européens[78]. Les liens entre banques et industries demeurent cependant faibles et marquent une différence avec la Grande-Bretagne. En effet, la France reste frileuse après la triste expérience dusystème de Law. En outre, l'activité bancaire, notamment à la fin du siècle, se caractérise par une prudence que traduit ladoctrine Germain consacrant la séparation des fonctions debanque de dépôt et debanque d'affaires.
Deuxième révolution industrielle
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Alors que la production mondiale avait mis 120 ans pour doubler entre 1700 et 1820, l'apparition et le développement de nouvelles techniques permettent un premier doublement en cinquante ans entre 1820 et 1870, puis un second doublement, en quarante ans, entre 1870 et 1910.
Secteurs clés
Électricité et moteur électrique
Malgré tous les progrès précédemment cités, il restait encore une étape cruciale à franchir. Un gigantesque bouleversement allait bientôt survenir, peut-être le plus important de tous, en tous cas celui qui allait avoir le plus de retombées sur l’instant comme dans la durée aussi bien pour l’industrie que pour le particulier : la maîtrise de l’électricité.
Après plusieurs approches en Amérique et en Europe, l’idée du moteur électrique se précise peu à peu. Mais il faut attendre le pour que le BelgeZénobe Gramme présente la première dynamo brevetée à l’académie des sciences de Paris : la magnéto Gramme, machine rotative mue par une manivelle qui permet la production mécanique de l’électricité. Antérieurement, celle-ci était fournie par des piles polluantes et difficiles à manipuler, et presque uniquement utilisée en galvanoplastie. On ne lui voyait aucun débouché industriel et encore moins dans le machinisme qui exigeait de fortes puissances. Mais cette modeste machine électrique tournante avec sa manivelle, son anneau de Gramme et son collecteur allait ouvrir la voie à l'utilisation industrielle et domestique de l'électricité. La magnéto a connu des perfectionnements postérieurs : dynamo industrielle en 1873 génératrice de courant continu et sa réversibilité en moteur à courant continu, puis alternateur générateur de courants alternatifs polyphasés, enfin moteur à induction biphasé puis triphasé. L'électricité pouvait entrer dans toutes les usines.
On peut souligner ici l'apport non négligeable de l'inventeur serbeNikola Tesla, à qui l'on doit le perfectionnement des machines àcourant alternatif et la mise au point à l'échelle industrielle de la production, de la distribution et de l'utilisation de l'énergie électrique comme force motrice. Plus tard, ses expérimentations sur lescourants alternatifs haute fréquence permettront de donner les bases des systèmes detélécommunications sans fil (de nombreux chercheurs tels queMarconi ayant ensuite utilisé et revendiqué sesbrevets), ainsi que des systèmesradio.
À peine dix ans après l’invention de la dynamo, l’AméricainEdison mit au point la lampe à incandescence, sonnant la fin des lampes à arc électrique peu fiables et compliquées d’entretien, et permettant de généraliser l'éclairage dans tous les domaines (industrie, voie publique et transports, habitations, etc.).
L’électricité a eu pour autre incidence de permettre aux usines de quitter les vallées puis les zones de distribution de charbonnage en les disséminant partout sur le territoire, principalement autour des grandes villes grâce aux lignes moyennes tensions. De petites unités privées et autarciques ont cédé la place à de grosses compagnies qui distribuaient leur propre courant sur de vastes secteurs, aussi bien pour l'industrie que pour le particulier. En France, ces compagnies de distribution se sont ensuite unifiées et étatisées pour formerEDF. Les tensions et fréquences différentes vont disparaître : le courant triphasé 380 volts pour l'industrie et celui de 110 volts puis 220 volts monophasé pour le particulier se sont finalement généralisés.
En 1897, chimiste chez Bayer,Felix Hoffmann (1868-1946), fit une découverte retentissante. On cherchait alors depuis fort longtemps une alternative à l'extrait d'écorce de saule, un antidouleur naturel séculaire contenant de la salicine et de l'acide salicylique.
En Angleterre, on utilise depuis1760 des chemins de fer sur lesquels les wagons sont tirés par des chevaux. Comparativement aux routes, l'effort de traction nécessaire est bien inférieur.
La première locomotive à vapeur utilisée de façon régulière est celle de l'ingénieurGeorge Stephenson qui fabrique et brevète sa premièrelocomotive en1815.
Chargé de construire une voie ferrée pour transporter le charbon deDarlington àStockton en Angleterre, Stephenson convainc les propriétaires des mines de le financer pour construire une locomotive. La première utilisation de laLocomotion a lieu le. Elle tracte vingt wagons de voyageurs et dix bennes de charbon. Alors qu'un cavalier portant un drapeau galope devant laLocomotion, Stephenson ordonne au cavalier de s'écarter car le train roule plus vite et dépasse l'homme à cheval. Plusieurs années sont encore nécessaires pour que la traction à vapeur devienne suffisamment fiable pour transporter des passagers. En1830,Robert Stephenson, le jeune fils de Georges, crée la première ligne de chemin de fer moderne :Manchester-Liverpool. Constituée d'une voie double sur toute sa longueur elle offre pour la première fois des horaires fixes aux voyageurs.
Cela dit, l'Europe continentale n'est pas en reste : la première ligne du continent date du : c'est la ligneSaint-Étienne-Andrézieux, mais elle se limite les premiers temps au transport du charbon. S'y adjoint une ligne de voyageurs ouverte le enFrance, sur une section entreSaint-Étienne etLyon. Durant l'année les recettes de passagers payants s'élèvent à 10 000 Francs (115 000 Francs dès 1832)[79]. À partir du, la ligne enregistre ses premiers passagers payants (36 500 personnes en1834).
En dehors de laGrande-Bretagne, la première ligne de chemin de fer à vapeur à caractère régulier est inaugurée sur le continent européen le entreBruxelles etMalines. Ce n'est pas un essai voué à des transports épisodiques réservés aux riches mais d'emblée, une ligne construite par l'État à l'instigation du ministreCharles Rogier, partisan des idéesfouriéristes : le chemin de fer doit être accessible au peuple et se voit doté des attributs principaux que vont adopter les chemins de fer du monde entier : trois classes correspondant à trois types de voitures qui, au début, reçoivent des noms inspirés de la terminologie traditionnelle des transports, berlines, diligence et char à bancs[80].
Sidérurgie
Représentation d'un atelier avec deuxconvertisseursBessemer avec leur forme caractéristique en cornue.
Il fallait de plus en plus d'acier avec le développement industriel : rails de chemin de fer, éléments de machines à vapeur, pièces de machines textiles, coques de bateaux, etc. Ce fut l'AnglaisHenry Bessemer qui trouva la solution, avec sonconvertisseur breveté en1856. C'est une cornue de grande taille, à parois réfractaires, que l'on remplit de fonte en fusion. On envoie alors par le fond de l'air comprimé, qui fait brûler lecarbone en produisant un spectaculaire jaillissement d'étincelles. Vingt minutes après, le convertisseur contient du fer ; on y introduit alors une quantité précise de carbone qui, après quelques minutes de mélange, donne l'acier correspondant aux spécifications. Il ne reste plus qu'à incliner le convertisseur sur ses pivots pour le vider dans une lingotière. Ce procédé permettait de convertir en une demi-heure 10 tonnes de fonte en autant d'acier ; consécutivement le prix de l'acier doux passa de 50 £ la tonne à 3 £.
L'expansion du territoire des États-Unis tout au long duXIXe siècle propulse l'industrie des chemins de fer. LaLouisiane était achetée en 1803, lesFloride cédées par l'Espagne en 1819, leterritoire de l'Oregon favorablement partagé en 1846, l'État du Texas admis dans l'Union en 1845, laCalifornie, leNouveau-Mexique et l'Utah arrachés auMexique en 1848. L'ordonnance cadastrale de 1785, qui organisait la division des terres nouvelles en prévision de leur vente (qui sera complétée par leHomestead Act de 1862, donnant entre autres des terres à des conditions avantageuses) fournissait le cadre légal à toute colonisation à venir. Constatant la masse de colons prêts au départ vers l'ouest par suite de ladécouverte de l'or en Californie en 1848, et pour éviter aux candidats à cette migration la route ducap Horn autant que pour maîtriser le territoire national dans sa nouvelle extension, le gouvernement américain projette aussitôt lepremier chemin de fer transcontinental de l'histoire. Toujours pour rapprocher ces gains territoriaux de la lointainecapitale fédérale, et immédiatement l'achat Gadsden réalisé, qui apportait en 1853 l'ultime agrandissement territorial des États-Unis, il en projette un second transcontinental passant par le Nouveau-Mexique d'alors. Quelques années après, il en imaginait un troisième à travers le nord, en direction de l'Oregon. Ainsi, le rail remplaçait les pistes qui jusque-là reliaient seules ces territoires lointains à l'Est.
Par ailleurs, il s'agit d'un territoire riche en matières premières. Citons notamment la présence de pétrole dont l'exploitation a permis aux États-Unis de prendre part très largement à la deuxième révolution industrielle. En effet, il est souvent considéré que le premier puits de pétrole a été creusé sous la direction d'Edwin Drake àTitusville, Pennsylvanie, en 1859. Cela préfigure la domination américaine dans le domaine de laproduction pétrolière. On retiendra l'hégémonie de laStandard Oil deJohn D. Rockefeller dont le monopole sera incontestable jusqu'à ce que la compagnie tombe sous la juridiction duSherman Antitrust Act où elle a été divisée en plusieurs compagnies de moindre taille. Ajoutons en guise de remarque que plusieurs de ces petites compagnies grossiront au point de devenir les plus grosses compagnies pétrolières actuelles commeExxonMobil.
C'est de plus un territoire qui contribue au développement et à la puissance de l'agriculture américaine. En effet, l'agriculture bénéficie de vastes territoires exploités grâce aux progrès de la mécanisation ; la premièremoissonneuse mécanique est inventée parCyrus McCormick en 1831. De plus, l'agriculture peut s'appuyer sur la diversité du territoire américain. Le Sud se spécialise ainsi dans la culture et l'Ouest dans l'élevage dont la production est facilement acheminée vers les ports d'exportation par les infrastructures et notamment le chemin de fer. En outre, la main-d'œuvre bon marché que constitue l'esclavage est un élément déterminant de la puissance agricole américaine au point que l'historienRobert Fogel[82] le considère comme élément déterminant de la prospérité du Sud. Sur le plan extérieur, l'agriculture bénéficie des avantages dulibre-échange, notamment de l'abolition desCorn Laws en 1846 en Grande-Bretagne.
Les États-Unis connaissent un essor démographique tout à fait remarquable. Cet essor est entretenu d'une part par la croissance naturelle (naissances moins décès) et d'autre part par d'importants flux migratoires, notamment européens. La population des États-Unis croit de 25 % par décennie entre 1860 et 1890 si bien qu'en 1880 les États-Unis comptent 50 millions d'habitants et 100 millions en 1918 (soit un doublement de sa population en moins de 40 ans). L'immigration nourrit largement la croissance démographique : les flux migratoires ont apporté 36 millions de personnes entre 1820 et 1920.
En outre, on peut fonder l'analyse de l'industrialisation américaine sur des caractéristiques de la société américaine : il s'agit d'une société méritocratique comme l'analyseAlexis de Tocqueville dansDe la démocratie en Amérique, 1835-1840.
Avant laguerre de Sécession (1861-1865), la montée en puissance des États-Unis s'appuie surtout sur ses activités agricoles à tel point que l'agriculture demeure l'activité principale jusqu'en 1880. En 1890, l'agriculture représente encore 75 % des exportations américaines. Mais la guerre de Sécession change quelque peu la donne. En effet, cette guerre n'est pas qu'une guerre politique qui s'inscrit seulement dans la question de l'esclavagisme. Elle est également une guerre issue des rivalités économiques entre le Sud — conservateur, agricole et favorable au libre-échange — et le Nord — ouvert aux idées nouvellement venues d'Europe, en cours d'industrialisation rapide et favorable au protectionnisme selon la pensée d'Alexander Hamilton, de la théorie du « protectionnisme éducateur » deFriedrich List[83] et de celles de Henry C. Carey. Par conséquent, la victoire du Nord consacre l'évolution de l'industrialisation dont le financement est en partie favorisé par l'inflation durant la guerre.
Allemagne
Carte de l'industrie et des mines enAllemagne en 1892. Industrie textile
La particularité de l'Allemagne est qu'elle n'existe pas en tant qu'État-nation au début du siècle. À la suite ducongrès de Vienne en 1815, laConfédération germanique regroupe trente-neuf États dont l'unité se construit autour de la langue mais également duZollverein à partir de 1834. Le Zollverein est une union douanière qui met en place une zone de libre-échange à l'intérieur et qui établit des tarifs extérieurs commun (TEC). De plus en 1857, lethaler prussien devient la monnaie de la zone puis est remplacé par lemark en 1871. Parallèlement, laReichsbank (Banque Centrale allemande) voit le jour en 1875. L'Allemagne adopte de ce point de vue une positionprotectionniste qui contraste avec la position libérale britannique.
Le démarrage de l'industrialisation est lent à cause de la disparité entre bassins industriels ; ceux de l'Est sont bien moins performants que ceux de l'Ouest comme laRuhr. De plus, l'Allemagne présente un retard technologique qui la rend dépendante de la Grande-Bretagne mais aussi de la France. L'annexion de l'Alsace et de la Moselle accroît son potentiel industriel[84].
Ces éléments permettent à l'Allemagne de s'industrialiser rapidement à partir des années 1850 et plus encore après 1870 où les konzerns prennent une place primordiale dans l'activité industrielle.
Agriculture
Les autres activités demeurent importantes mais restent secondaires par rapport à l'industrie. La production agricole croit tout au long du siècle ; lesjunkers, propriétaires fonciers, sont politiquement conservateurs, économiquement innovateurs. Les innovations en matière agricole sont de plus en plus nombreuses après 1850 et complètent les innovations importées de Grande-Bretagne. La spécialisation allemande dans la chimie lui confère un rôle de premier ordre dans la recherche d'engrais ; les recherches deJustus von Liebig dès 1840 sont fondatrices.
Faiblesse financière
Le financement de l'industrialisation s'appuie moins sur les capitaux boursiers qu'en Grande-Bretagne. La spécificité allemande est que le financement s'inscrit plutôt dans le cadre d'investissements à long terme grâce aux liens étroits entre banques et entreprises.Michel Albert montre que cette particularité allemande est caractéristique de son capitalisme contemporain, lecapitalisme rhénan[86].
L'autre spécificité financière de l'Allemagne est la concentration des capitaux vers son territoire national. En effet, les capitaux allemands sont assez peu destinés à l'étranger ; on note toutefois des investissements importants dans l'Empire ottoman. Cette utilisation des capitaux s'inscrit dans la perception de l'économie nationale en Allemagne ; l'économie réelle – l'industrie – c'est-à-dire la puissance économique doit coïncider avec la puissance nationale. On voit bien la divergence avec la conception britannique.
Japon
Ouverture économique contrainte
LeJapon est un pays vieux de plusieurs millénaires mais son ouverture sur l'extérieur est tardive ; le Japon demeure dans une autarcie politique et économique (sakoku). Son ouverture sur l'extérieur ne participe pas d'un choix délibéré mais le Japon y a été contraint. En effet, l'amiral américainMatthew Perry entre en baie de Tokyo en 1853 et impose au Japon l'ouverture par laconvention de Kanagawa en 1854, traité asymétrique au désavantage du Japon. L'ouverture économique du Japon de l'ère Meiji est donc le résultat de ce que l'on appelle la diplomatie ou politique de la canonnière.
En 1868, l'empereurMeiji renverse leshogun et entraîne le Japon dans la révolution industrielle. Dès les années 1870, le Japon connaît un processus de croissance et de développement, soutenu par l'intervention de l'État. Ce dernier met en place les structures adéquates pour favoriser l'industrialisation. En effet, il initie la création de chemins de fer et crée des entreprises nouvelles. Une fois consolidées par l'État, ces entreprises sont privatisées et passent sous le contrôle de grandes familles japonaises ; c'est la naissance deszaibatsus dont les plus connues sontMitsui,Mitsubishi etSumitomo. Celles-ci prennent alors la forme de sociétés par actions. Pour accompagner ces évolutions, le Japon met en place des institutions nouvelles : création duyen (1871), de laBourse (1878), de laBanque centrale du Japon (1882), et se dote de diverses mesures législatives encadrant le développement économique.
L'industrialisation du Japon va de pair avec son développement agricole. Celui-ci se caractérise par une rupture avec le régime féodal ; les terres détenues par lesdaimyos et lessamouraïs sont confisquées puis redistribuées aux paysans. Ces terres, allouées aux paysans, sont une source importante de rentrées fiscales pour l'État, qui s'en sert pour financer le développement industriel. L'agriculture se développe d'autant plus qu'elle se diversifie par l'utilisation des terres au nord de Japon, notamment enHokkaidō. L'agriculture est donc un facteur décisif de l'industrialisation du Japon non seulement parce qu'elle génère des revenus pour l'État mais également parce qu'elle contribue à diminuer la contrainte extérieure du Japon, très fortement dépendant de matières premières dont il est peu pourvu.
Finalement, le Japon connaît un fort développement économique, son taux de croissance est supérieur à celui de l'Allemagne quoique inférieur à celui des États-Unis, le commerce extérieur augmente fortement, ainsi que sa production industrielle. En outre, la population japonaise passe d'environ 30 millions en 1860 à 50 millions au début duXXe siècle.
Russie
Réformes agraires
La Russie est le dernier des pays de la deuxième vague à s'industrialiser. L'archaïsme de son agriculture, même après avoir été réformée, a nourri son retard industriel. Toutefois, on ne peut penser le démarrage industriel sans, entre autres, le développement agricole. Après la défaite russe lors de laguerre de Crimée les dirigeants russes, en premier lieu l'empereurAlexandre II, ont pris conscience du retard économique et social de leur pays. Dans ce contexte, s'engage laréforme agricole, précédée de l'émancipation générale des paysans avec l'abolition du servage le. La réforme met en place des communautés villageoises — appeléesobshchina oumir — dans le cadre desquelles les paysans devaient payer des indemnités pour les terres qu'on leur attribuait. Ces caractéristiques expliquent l'échec de la réforme, la modernisation et le développement de l'agriculture n'étant pas à la hauteur des espérances. Toutefois, la Russie ne consentit pas davantage, dans un premier temps, à faire évoluer son agriculture. En effet, cette dernière suffisait à faire vivre le pays grâce à ses exportations et les grands propriétaires bloquaient toute évolution. Pourtant, la Russie doit s'engager « de fait », dès 1906, dans une nouvelle réforme agricole à cause de la chute des cours sur les marchés des céréales et des famines de 1891-1892 et 1902.Piotr Stolypine conduit cette réforme qui aboutit à la suppression du régime des communautés, c'est-à-dire desmirs. Toutefois, les efforts menés seront stoppés avec le début de laPremière Guerre mondiale en 1914 et larévolution de 1917. Finalement, la Russie ne sera pas parvenue à hisser son industrie au niveau de celles des grands pays européens, des États-Unis ou même du Japon, contre qui la Russie perd laguerre qui les oppose en 1905. Cependant, cela ne signifie pas que la Russie ne se soit pas du tout industrialisée.
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Cette révolution industrielle s'est manifestée dans le domaine économique, mais elle n'en a pas moins transformé le domaine social. Cet aspect de la nouvelle société industrielle a principalement été étudié parKarl Marx. Selon K. Marx, la société industrielle succède à lasociété féodale, et joue un rôle historique primordial en tant qu'elle affirme lecapitalisme et fait émerger leprolétariat.
Plus récemment, après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), on a perçu les conséquences de la révolution industrielle sur le planenvironnemental. Cet aspect a été étudié parLester R. Brown, qui considère que nous entrons dans une révolution environnementale[88].
Évolution de la structure sociale en France
Représentation d'une cité industrielle vers 1870 parGustave Doré.
On pourra se rapporter au livre d'Olivier Marchand et Claude Thélot,Le Travail en France (1800-2000), 1997, pour obtenir des données statistiques fiables quant à l'évolution de la structure sociale de la France depuis 1800.
La population agricole continue de croître jusqu'en 1846 et rassemble 9,3 millions d'agriculteurs, d'après les séries statistiques étudiées par Olivier Marchand et Claude Thélot dansLe Travail en France (1800-2000), 1997.
Selon les mêmes auteurs, la diminution de la population agricole est due aux conséquences dutraité de libre-échange franco-britannique de 1860, aux difficultés liées aux phylloxera et à la structure trop petite des exploitations, et à la faiblesse des investissements.
Exode rural et urbanisation
De multiples causes provoquent l'exode rural soit le départ de nombreux paysans, quittant leurs champs pour rejoindre villes anciennes ou nouvelles agglomérations et contribuant ainsi à nourrir la croissance urbaine. Raisons négatives avec l'enclosure des terrains agricoles, ou la mécanisation de l'agriculture qui accroît la productivité et libère de la main-d'œuvre. Raisons positives dans la mesure où le départ vers les usines est perçu comme une opportunité d'échapper à la misère, sinon d'améliorer ses conditions de vie.
Toutefois, l'exode rural n'est pas l'unique cause de l'urbanisation. L'industrialisation crée des usines, qui elles-mêmes provoquent la concentration et l'installation de nombreux ouvriers dans lesfaubourgs des villes, voire l'émergence de nouvelles agglomérations (c'est par exemple le cas duCreusot ou deRoubaix, ou bien de villes à la périphérie deParis commeSaint-Denis) voire la création de nouvelles conurbations (comme le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais). Se trouvent ainsi réunis par la proximité : bassin de main d'œuvre, infrastructures de transports performantes et vaste marché de consommation.
Souvent associé au monde ouvrier, le prolétariat relève en fait d'une réalité plus complexe. Si l'on retient deKarl Marx son analyse économique de la société en deux catégories, les capitalistes et les prolétaires[91], on oublie parfois qu'il avait déjà compris la complexité de la société et duprolétariat auXIXe siècle. Il distingue en effet, au sein de la société, l'aristocratie financière, la bourgeoisie industrielle, la petite bourgeoisie, la classe ouvrière, leLumpenproletariat (« prolétariat en haillons ») et la paysannerie parcellaire[92]. Par ailleurs, il voit dans le prolétariat une classe contrainte de vendre sa force de travail aux capitalistes, que Marx accuse d'entretenir une situation favorable au développement de cette « armée industrielle de réserve » (c'est-à-dire les sans emploi). Pour comprendre la notion d'exploitation dont parle Marx, il faut revenir à sa conception de la valeur. Il distingue, en effet, valeur d'usage et valeur d'échange ; pour pouvoir réaliser une « plus-value », le capitaliste doit contraindre les prolétaires au « surtravail », d'autant plus que le capitaliste est confronté à une « baisse tendancielle du taux de profit ».
Par suite, toujours dans la perspective d’accroître laproductivité du travail, les économistes vont s'attacher à améliorer l'organisation concrète du processus productif. Cette recherche de l'efficacité optimale se fait par des méthodes rigoureuses et donnent naissance à :
l'émergence des sciences de gestion avec l'ingénieur des MinesHenri Fayol qui, dans son ouvrage « l'Administration industrielle et générale » (paru en 1916), plaide pour la mise en œuvre d'un processus supérieur de pilotage « Prévoir, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler » en vue de superviser toutes les pratiques élémentaires à l'œuvre dans les processus industriels ;
Frédéric Japy fonde en 1771 sa propre fabrique d'ébauches à Beaucourt, la première de l'histoire en territoire français. La fabrication de pièces pour l'industrie horlogère est, du temps de Japy, le fait d'ouvriers spécialisés travaillant à domicile, et fournissant chacun un type très spécifique de pièce. L'organisation de la fabrique de montres Japy est sur ce point innovante : Frédéric Japy regroupe ses ouvriers dans une usine à part de la ville. Avec une conception et une utilisation de machines destinées à la production en série, Japy augmente à faible cout les cadences de production tout en réduisant la main d'œuvre nécessaire. Frédéric Japy implante dans la manufacture, bien avant d'autres, les lois dites duTaylorisme et duFordisme.
Il dépose en 1799 les brevets de dix machines révolutionnaires, dont une machine à tailler les roues, une machine à fendre les vis, un tour pour tourner les platines des montres. Il insiste dans ses descriptions sur le fait que ses machines peuvent être actionnées facilement par des infirmes ou des enfants. Son inventivité technique ne s'arrêtant pas à son cœur de métier, Frédéric Japy invente en outre un modèle de pompe rotative encore en usage de nos jours.
Henry Ford, débutXXe siècle, avec lefordisme, introduit le travail à la chaîne dans le secteur automobile en installant untapis roulant qui achemine les pièces vers les ouvriers spécialisés, ce qui leur évite des déplacements inutiles.
Cette nouvelle organisation du travail n'est pas sans conséquence sur les travailleurs,Karl Marx la décrit comme conduisant à l'aliénation duprolétaire, qui n'est plus qu'un maillon d'une chaîne de production : « C'est une simple machine à produire la richesse pour autrui, écrasée physiquement et abrutie intellectuellement »[réf. souhaitée] Plus tard,Georges Friedmann qualifiera cette organisation du travail de « travail en miette »[96].Ouvriers etsyndicats ont souvent contesté ces méthodes de travail.
Karl Marx met en évidence l'existence de l'armée de réserve de travailleurs, une réserve de travailleurs au chômage permettant auxcapitalistes de disposer de main d'œuvre et de maintenir les salaires au plus bas en faisant massivement appel aux femmes et aux enfants dans les fabriques. Et l'historienEdward Palmer Thompson précise :« Certains historiens économiques semblent peu désireux […] de reconnaitre cette évidence : l'innovation technologique, au cours de la révolution industrielle et jusqu'à l'époque du chemin de fer, évince (sauf dans les industries métallurgiques) la main d'œuvre qualifiée adulte »[97]. L'historienRobert C. Allen met en évidence un phénomène de stagnation salariale durant les premières décennies de la révolution industrielle (pause d'Engels) qui avait été remarqué par Engels dans son ouvrageLa Situation de la classe ouvrière en Angleterre en 1844[98].
Certains travailleurs perçoivent la machine comme directement responsable duchômage, et l'on voit apparaître des mouvements de briseurs de machines comme en Angleterre en 1811-1812 avec lesLuddites.
En France, à partir des années 1830, des enquêtes et des pétitions commencent à alerter sur le sort des enfants-ouvriers. En 1840, la publication de l'ouvrage deLouis René Villermé,Tableau physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, a un fort retentissement. Son enquête décrit la « misère de l'enfant de 5 ans à 5 sous par jour pour quinze heures de travail. (…) Nourris d'un morceau de pain, ajoutant à l'exténuation du travail celle de la longue étape matin et soir, ils vivaient en pénurie de sommeil, de nourriture, d'habits. Affamés, transis, épuisés, battus (…) ils mourraient vite. Les pays d’industrie textile se plaignaient d'en manquer[99].
D'après lui, la future loi (lapremière loi du travail est adoptée le) « devrait concilier des intérêts opposés, celui des fabricants, celui des ouvriers et de ne pas trop accorder à l'un de peur de nuire à l'autre. C'est en rendant obligatoire l'assiduité des enfants à l'école que l'on peut le mieux résoudre le problème difficile de limiter leur emploi dans les manufactures jusqu'à un certain âge. » Les autorités ne s'opposent pas au principe même du travail des enfants. Il s’agit de le réguler : de fixer à huit ans l’âge de l’embauche, de limiter à huit heures par jour le travail des enfants âgés de huit à douze ans et à douze heures pour ceux âgés de douze à seize ans, de rendre obligatoire la scolarisation jusqu’à l’âge de douze ans, de mieux préserver la croissance et la santé des plus jeunes afin de préserver la reproduction d’une force de travail. Pourtant, la loi ne sera pas appliquée. Les inspecteurs manufacturiers, patrons établis, ne pouvaient sévir qu'en s'attirant des inimitiés préjudiciables à leur chiffre d'affaires. Il faudra attendre 1874, en réalité, pour voir naître une « véritable » première législation en matière de droit contrôlée par un corps d'inspection étatique[99].
Dans les années 1850, la classe dirigeante britannique commence à craindre que les futures réserves de main d’œuvre ne viennent à diminuer. En 1871, les inspecteurs britanniques de la loi sur les pauvres signalent : « Il est bien établi qu'aucun garçon des classes pauvres qui a grandi en ville, en particulier à Londres, n'atteint [...] la taille de quatre pieds dix pouces et demi [1,48 m] ou un tour de poitrine de 29 pouces [73 cm] à l'age de quinze ans. Un certain rachitisme est caractéristique de cette race ». Ainsi, quelques lois vinrent réguler les heures de travail des enfants et interdirent l'emploi des femmes dans les secteurs les plus susceptibles de compromettre leur fécondité[100].
Même si certains facteurs préexistaient à la révolution industrielle, il est indéniable que l'augmentation des émissions du carbone fossile depuis 1860, et surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, a provoqué une accélération du phénomène du changement climatique[102].
Le réchauffement climatique n'est pas la seule conséquence environnementale. Il faut citer également la perte debiodiversité, liée en grande partie à ladéforestation, et les diverses formes depollution de l'eau, de l'air ou des sols.
Selon l'expert américainLester R. Brown, la révolution industrielle a libéré une énergie créatrice gigantesque en raison d'uneproductivité supplémentaire. Elle a aussi donné naissance à de nouveauxmodes de vie et à l'ère la plus destructrice pour l'environnement que l'histoire humaine ait jamais connue, en risquant de remettre en cause la croissance économique. Il en résulte la nécessité d'une restructuration de l'économie mondiale, avec un changement conceptuel comparable à celui de larévolution copernicienne[104].
Évolutions politiques des sociétés industrialisées
Évolution du rôle de l'État
Dès la fin duXVIe siècle, lemercantilisme défend les conceptions d'une « économie au service du prince ». L'intervention de l'État se décline de manière variable selon les pays : En Angleterre qui pratique un mercantilisme essentiellement commercial, elle sert en premier lieu « Le commerce extérieur qui est d'après Thomas Mun[105], la richesse du souverain, l'honneur du royaume, […], le nerf de notre guerre, la terreur de nos ennemis ». En France,l'État colbertiste intervient de façon plus complexe dans l'économie avec notamment la mise en place de manufactures royales (voir l'exemple deVilleneuvette).
Économiquement, les États s'engagent financièrement dans le processus de révolution industrielle. Ils initient, en effet, une politique active pour mettre en place un environnement favorable au développement économique en aménageant leur territoire : grands travaux à Paris sous la direction dubaron Haussmann, aménagement de villes de province, création de villes nouvelles en Angleterre, travaux d'assainissement (en Sologne, par exemple), etc. De plus, ils contribuent à mettre en place des infrastructures de transport modernes :plan Freycinet dès 1878 en France, construction de métro ou tramway, etc. Par ailleurs, si le libéralisme a été très influent sur l'orientation donnée au commerce extérieur en imposant le libre-échange – abolition descorn laws en 1846 et duNavigation act en 1849 en Angleterre, signature du traité franco-britannique de libre-échange en 1860, etc. —, les États n'hésitent pas à intervenir directement lorsque les difficultés économiques les y contraignent. Ainsi, avec les difficultés générées par laGrande Dépression les États interviennent en revenant au protectionnisme : Loi et TarifMéline de 1892 et « loi du cadenas » de 1897 en France, tarifs Mac Kinley en 1890 et Dingley en 1897 aux États-Unis, mise en place de législations anti-trusts, notamment aux États-Unis avec lesSherman Act de 1890 etClayton Act de 1913. En fait, le degré de protectionnisme et d'intervention de l'État dépend de chaque pays. L'Allemagne demeure fidèle au « protectionnisme éducateur » deFriedrich List[83], les États-Unis demeurent dans un isolationnisme, tel qu'il est défini par ladoctrine Monroe[108], justifiant le protectionnisme tandis que le Royaume-Uni opte pour le libéralisme et que la France adopte une voie intermédiaire.
Une telle intervention de l'État trouve un écho favorable chez certains libéraux. Outre Léon Walras etAlfred Marshall,John Stuart Mill défend l'importance de l'intervention publique dans le domaine de l'éducation. Par ailleurs,Jean de Sismondi défend l'idée d'un État au cœur de la régulation économique et garant du bien-être de la population.
Les grandes utopies duXIXe siècle naissent donc dans ce contexte. Ces dernières sont le plus souvent influencées par lesocialisme utopique, c'est-à-dire le socialisme précédant le socialisme scientifique. En Grande-Bretagne,Robert Owen imagine la création de colonies, fondées sur la mise en commun des biens, dont la tentative de mise en place échouera. En France,Claude-Henri de Saint-Simon prône un mode de gouvernement contrôlé par un conseil formé de savants, d'artistes, d'artisans et de chefs d'entreprise et dominé par l'économie qu'il convient de planifier pour créer des richesses et faire progresser le niveau de vie. De son côté,Charles Fourier pense une nouvelle forme d'organisation sociale au travers dephalanstères[110] que son disciple,Victor Considerant tentera, en vain, de concrétiser. D'autres courants tenteront d'apporter plus de réalisme à ces utopies. C'est le cas deLouis Blanc qui propose la mise en place d'ateliers nationaux[111] ou bien dePhilippe Buchez qui défend la création de vastes coopératives[112]. En fin de compte, ces utopies soulignent une critique du profit capitaliste, de la concurrence, ou du moins ses excès[113] et parfois de la propriété privée[114].
Aussi désignée sous le terme de « révolution informatique », elle démarre avec les années 1970 avec l'invention dumicroprocesseur (Intel, 1971), de l'ordinateur de bureau (IBM 1975,Apple, 1977), des logiciels grand public (VisiCalc, 1979), desimprimantes, des réseaux puis d'internet. Ces inventions vont progressivement se diffuser à l'ensemble de l'économie provoquant une rupture paradigmatique du processus de production. Avec l'automatisation de la production industrielle, le nombre d'ouvriers diminue au profit des professions tertiaires. La sous-traitance se développe et les entreprises se spécialisent alors que les employés deviennent polyvalents. C'est aussi unerévolution de l'information et de l'intermédiation, avec un essor considérable des télécommunications et de la finance. Dans le domaine social, elle s'accompagne souvent d'une hausse des inégalités.
La quatrième révolution industrielle désigne le recours de plus en plus courant auximprimantes 3D, découpe laser, machine-outil à commande numérique. Comme avec la révolution industrielle duXIXe siècle, il y a une crainte de la perte d'emplois, remplacés par ces nouvellesmachines-outils[118]. Cependant, il n'est pas un fait reconnu pour la communauté des spécialistes que la quatrième révolution industrielle ait commencé à l'heure actuelle[118]. Nous nous situons plutôt dans une période où l'application de la troisième révolution industrielle est rendue possible avec des outils permettant de réaliser des applications, par exemple une fusion homme-machine, augmentation de la durée de vie ou encore l'amélioration du corps humain, cela étant théorisé depuis une vingtaine d'années et financé par des multinationales commeCalico (filiale d'Alphabet, anciennementGoogle), dans ce qu'il faudrait appeler peut-être une révolutiontranshumaniste[119], comme le livre éponyme.
Cependant, il semble que même si certains journaux titrent la quatrième révolution industrielle[118], il n'y ait pas vraiment de nouvelles sources d'énergie comme dans les deux premières (charbon, hydroélectricité, pétrole). De plus, comme le présenteJérémy Rifkin, la troisième révolution industrielle est aujourd'hui une période de questionnement et de recherche de solutions pour sortir d'une économie intensive en produits issus des énergies fossiles. C'est la question de l'après-pétrole, ou comment en finir durablement avec l'ère d'exploitation intensive du carbone[120] que soulignent les journaux en parlant notamment de peur de la quatrième révolution industrielle[118] à tort ou à raison. Ainsi, une question essentielle se pose dans cette période de transition énergétique (baisse concomitance de la production et de la consommation d'énergie) : est-ce que les outils technologiques, qui sont supposés en meilleure convergence, pourront permettre de proposer de nouvelles énergies, par exemple avec le développement del'énergie verte, de la fusion nucléaire comme àITER et de l'économie circulaire ?
↑François Jarrige,Technocritiques, Du refus des machines à la contestation des technosciences, La Découverte, 2014. pp. 99-100.
↑Arnold Toynbee,Lectures On The Industrial Revolution In England: Public Addresses, Notes and Other Fragments, together with a Short Memoir by B. Jowett. Londres, Rivington's, 1884
↑Walt Whitman Rostow,Les Étapes de la croissance économique : un manifeste non communiste, 1960.
↑Franklin Mendels, « Protoindustrialization, the first phase of the industrialization process », dansJournal of Economic History, 1972. La théorie ayant été soutenue lors de la thèse de Franklin Mendels en 1969 à l'université du Wisconsin, États-Unis, sous le titre :Industrialization and Population Pressure in 18th Century Flanders.
↑Arnold Toynbee,Lectures on the Industrial Revolution in England, 1884.« The essence of the industrial Revolution is the substitution of competition for the medieval regulations which had previously controlled the production and distribution of wealth. ».
↑Mythes et paradoxes de l'histoire économique, 1994, p. ?.
↑Georges Duby,L'Économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, 1975.
↑Marc Bloch,Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, 1931.
↑Pierre Rosanvallon,Le Libéralisme économique : histoire de l'idée de marché, 1989.
↑Alfred Sauvy,Malthus et les deux Marx, le problème de la faim et de la guerre dans le monde, 1963.
↑Voir Philippe Ariès,L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, 1960, pour la France et Edward Shorter,Naissance de la famille moderne,XVIIIe-XIXe siècle, 1975, pour l'Angleterre.
↑Phénomène mis en lumière par Anne Robert Jacques Turgot, baron de Laune dansRéflexions sur la formation et la distribution des richesses, 1766.
↑Lorsque la quantité cultivée de terres est fixe, embaucher un ouvrier agricole supplémentaire augmente toujours la quantité totale produite. Mais, une fois que la courbe de la productivité marginale du travail atteint son maximum, chaque ouvrier agricole additionnel réalise une production supplémentaire de moins en moins élevée. Pour des informations plus détaillées cf. Jean Pierre Delas,Économie contemporaine, Faits, concepts, théories, Éditions ellipses, Paris, 751 p., p. 63-66. Le lecteur peut également se référer, avec profit, à Raymond Barre,Économie politique, tome 1, Éditions P. U. F., Paris, 723 p., p. 484-494.
↑Ester Boserup,The Conditions of agricultural growth, 1965.
↑Paul Bairoch,Révolution industrielle et Sous-développement, 1963.
↑Walt Whitman Rostow,Les étapes de la croissance économique. Un manifeste non communiste,
↑Phyllis Deane,The First Industrial Revolution, 1965.
↑Les États-Unis est, très probablement, le pays vers lequel l'exode de l'Europe vers le continent américain était le plus important. Pour de plus amples détails, voir à ce sujet Jean-Marie Albertini,Capitalismes et socialismes à l'épreuve. Initiation à l'étude des régimes économiques, Éditions ouvrières, Paris, 304 p.
↑« La révolution industrielle anglaise n'aurait vraisemblablement pas eu lieu sans les progrès agricoles préalables », Jean-Charles Asselain,Histoire économique. De la révolution industrielle à la Première Guerre mondiale, 1985.
↑Joseph Aloïs Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, 1942.
↑Le cycle des affaires, 1939, Joseph A. Schumpeter. Titre original :Business Cycle.
↑conditions de vie mises en lumière dans l'œuvre d'Emile Zola.
↑Auguste Bouchayer,Les Chartreux, maîtres de forges, Dideret Richard, 1927 Grenoble.
↑« « L’effet combiné de la traite et de l’exploitation des personnes esclavagisées a contribué à l’essor industriel du Royaume-Uni » »,Le Monde.fr,(lire en ligne)
↑Jean Marczewski, « Y a-t-il eu un « take-off » en France ? », 1961, dans lesCahiers de l'ISEA.
↑Ulysse Lamalle,Histoire des chemins de fer belges, éd. Office de Publicité, S.A., Bruxelles, 1953
↑Robert William Fogel,Railroads and American Economic Growth: Essays in Econometric History, 1964.
↑Robert William Fogel,Time on the Cross: The Economics of American Negro Slavery, 1974.
↑a etbFriedrich List,Système national d'économie politique, 1841
↑NicolasStoskopf et RaymondWoessner,« Les territoires industriels de l’Alsace et leurs mutations de 1746 à nos jours », dans Jean-Claude Daumas, Pierre Lamard et Laurent Tissot (dir.),Les territoires de l’industrie en Europe (1750-2000). Entreprises, régulations et trajectoires, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté,(ISBN978-2-84867-178-9,DOI10.4000/books.pufc.27494,lire en ligne),p. 295-321
↑Christoph Conrad, « La naissance de la retraite moderne : l'Allemagne dans une comparaison internationale (1850-1960) »,Population,no 3,,p. 531-563(lire en ligne).
↑Voir l'œuvre d'Émile Zola,Les Rougon-Macquart : Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Il nous semble que le roman dans lequel E. Zola apporte plus de détails sur le mode de vie de la classe ouvrière française du dix-neuvième siècle est "l'assommoir" 409 p.
↑Murray Rothbard, Austrian Perspective on the History of Economic Thought.
↑Léon Walras,Études d'économie sociale. Théorie de la répartition de la richesse sociale, 1896.
↑d'après le nom de James Monroe, cinquième président des États-Unis, qui en 1823 définit l'isolationnisme des États-Unis par rapport aux affaires du reste du monde.
↑Léon Duguit,Traité le droit constitutionnel, 1928.
↑Charles Fourier,Le nouveau monde industriel ou l'invention du procédé d'industrie attrayante et naturelle distribuée en séries passionnées, 1829.
↑Philippe Buchez a fondé la revueL'Atelier en 1840 dans laquelle il défend cette idée.
↑« La concurrence tue la concurrence »,Pierre Joseph Proudhon,Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, 1846.
↑« Qu'est-ce que la propriété ? C'est le vol »,Pierre Joseph Proudhon,Qu'est ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement, 1840.
↑Luc Ferry,La Révolution transhumaniste,Plon,, 189 p.(ISBN978-2-259-25100-6,lire en ligne), Ne croyez surtout pas qu'il s'agisse de science-fiction : 18 avril 2015, une équipe de généticiens chinois entreprenait d'améliorer le génome de quatre-vingt-trois embryons humains. Jusqu'où ira-t-on dans cette voie ? Sera-t-il possible un jour (bientôt ? déjà ?) d’augmenter à volonté tel ou tel trait de caractère de ses enfants, d'éradiquer dans l'embryon les maladies génétiques, voire d'enrayer la vieillesse et la mort en façonnant une nouvelle espèce d'humainsaugmentés ? Nous n'en sommes pas (tout à fait) là, mais de nombreux centres de recherchetranshumanistes y travaillent partout dans le monde, avec des financements colossaux en provenance de géants du Web tel Google. Les progrès des technosciences sont d'une rapidité inimaginable, ils échappent encore à toute régulation. En parallèle, cetteinfrastructure du monde qu'est le Web a permis l'apparition d'une économie ditecollaborative, celle que symbolisent des applications comme Uber, Airbnb ou BlaBlaCar. Selon l'idéologue Jeremy Rifkin, elles annoncent la fin du capitalisme au profit d'un monde de gratuité et de souci de l'autre. N'est-ce pas, tout à l'inverse, vers un hyperlibéralisme, vénal et dérégulateur, que nous nous dirigeons ? Certaines perspectives ouvertes par les innovations technoscientifiques sont enthousiasmantes, d'autres effrayantes. Ce livre cherche d'abord à les faire comprendre, et à réhabiliter l'idéal philosophique de la régulation, une notion désormais vitale, tant du côté de la médecine que de l'économie..
Miguel Amorós, ""Préliminaires - Vers une perspective anti-industrielle"" (2015) - Éditions de la roue - La Taillade, 11150 Villasavary -(ISBN978-2-954115436)
Günther Anders (2011),"L'Obsolescence de l'homme,t. 2 :Sur la destruction de la vie à l’époque de la troisième révolution industrielle", trad. Christophe David, Paris, Éditions Fario, 2011.
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Caron F (1997)Les Deux Révolutions industrielles duXXe siècle, Paris, Albin Michel,1997, 528 p. ;
Collectif (2013)Le gouvernement par la peur au temps des catastrophes - réflexions anti-industrielles sur les possibilités de résistance, Éditions de la roue - La Taillade, 11150 Villasavary -(ISBN978-2-9541154-1-2)
Collectif (2014)La lampe hors de l’horloge - Réflexions anti-industrielles sur les possibilités de résistance Éditions de la roue - La Taillade, 11150 Villasavary -(ISBN978-2-9541154-2-9)
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