
Larévolution copernicienne, appelée aussicopernicianisme, est le renversement de lareprésentation du monde et de l'Univers duXVIe au XVIIIe siècle, provoqué par la parution de l'œuvreDe revolutionibus orbium cœlestium deNicolas Copernic en 1543. Au modèlegéocentrique en vigueur (l'astronomie dePtolémée datant duIIe siècle, héritière des conceptions géocentriques des philosophes grecs duIVe siècle av. J.-C.) succède un modèlehéliocentrique défendu par Nicolas Copernic, perfectionné parJohannes Kepler,Galilée, etNewton. Selon les termes d'Alexandre Koyré, cette évolution fit passer l'humanité d'une vision d'un monde clos à un Univers infini[1], en tout cas sans limites connues.
La révolution copernicienne est l'archétype de larévolution scientifique, telle que l'a décriteThomas Samuel Kuhn dansLa Révolution copernicienne (1957) etLa Structure des révolutions scientifiques (1962). Ce qu'il est convenu d'appeler la « controverse ptoléméo-copernicienne » est resté dans lamémoire collective comme un exemple type de résistance mentale de la part des tenants d'une anciennereprésentation du monde par rapport à l'émergence d'une nouvelle vision qui s'épanouit ausiècle des Lumières. Par extension, on parle de « révolution copernicienne » (ou de « changement deparadigme ») pour d'autres bouleversements des concepts en vigueur.
La révolution copernicienne a transformé profondément la représentation du monde par rapport à ce qu'elle était dans l'Antiquité et auMoyen Âge. Elle a modifié le rapport de l'homme à lanature en reconnaissant aux mathématiques un rôle particulier pour décrire les lois « physiques » de l'univers. Dans le paysage scientifique occidental, Galilée apparaît comme le père de la science moderne.
Dès l'Antiquité, on savait que la Terre était sphérique. En revanche, la plupart des auteurs la plaçaient au centre de l'Univers (Aristarque de Samos suggéra que laTerre tournait autour duSoleil).
Durant lehaut Moyen Âge, en Occident latin, grâce à la traduction duTimée[2], la rotondité de la Terre reste communément admise par les lettrés ; mais il faudra attendre leXIIe siècle pour que soit découverte l’œuvre deClaude Ptolémée, grâce aux traductions de l'Almageste depuis le grec et l’arabe.
L'idée de faire le tour de la Terre par bateau se heurtait à de nombreux préjugés, dont celui de l'impossibilité de supporter la chaleur de la zone équatoriale. Mais les préjugés reculèrent grâce à des ouvrages tels que leLivre des merveilles du monde deJean de Mandeville (à ne pas confondre avec leLe Livre de Marco Polo). Jean de Mandeville était unexplorateur originaire deLiège. Il fut qualifié quelquefois d'imposteur ou d'affabulateur de génie. Toujours est-il que, après un voyage de 34 ans en Extrême-Orient (1322-1356), ce qui était considérable pour l'époque, il compila les informations de son voyage et de ceux de missionnaires franciscains etdominicains.Le livre des merveilles du monde, manuscrit rédigé en trois versions, puis traduit en 250 exemplaires dans une dizaine delangues vernaculaires, dut avoir un retentissement important dans la société. Il est à peu près sûr qu'il influença le jeuneChristophe Colomb (circumnavigation…).
Entre lesXIIe et XVe siècles, la représentation du monde qui se met en place en Occident est donc une représentation géocentrée, qui s'appuie sur les références suivantes :
D'autres ouvrages présentaient une représentationcosmographique géocentrée, tels que l’Imago mundi dePierre d'Ailly. L’Imago mundi fut rédigé en 1410, et imprimé pour la première fois en 1478. Christophe Colomb en avait un exemplaire.
Lesgrandes découvertes, et principalement les voyages deVasco de Gama, de Christophe Colomb vers l'ouest, et deMagellan, la découverte consécutive de nouvelles terres situées entre l'Europe et l'Asie ainsi qu'une meilleure connaissance par les Européens des territoires de l'Extrême-Orient, eurent un grand retentissement en Europe.
AuxXIVe et XVe siècles, il n'était pas fait de grande différence entre l'astrologie, l'astronomie, lagéographie, lacosmologie, lacosmographie, etc.
AuXVe siècle,Nicolas de Cues est le premier astronome du Moyen Âge à affirmer que le monde ne peut pas être fini, que la Terre n'en est pas le centre, et qu'elle se meut (traitéDocte ignorance, 1440)[3]. Mais ses conceptions cosmologiques furent complètement ignorées par ses contemporains et oubliées par ses successeurs pendant plus de cent ans[4]. Ainsi, au début duXVIe siècle, les traités qui faisaient référence étaient leTraité du ciel d'Aristote et l'Almageste de Ptolémée. Dans la représentation d'Aristote, la Terre était sphérique et fixe au centre de l'univers. Celui-ci était partagé entre le monde sublunaire, et le monde supralunaire, où se déplaçaient le Soleil et les planètes en tournant autour de la Terre. Le monde supralunaire était composé de sphères considérées comme parfaites. Dans le monde supralunaire, on distinguait également la sphère desétoiles fixes. Mais lesÉcritures saintes, qui contenaient quelques passages cosmologiques (voir ci-dessous la sectionPassages cosmologiques de la Bible) faisaient également référence, non seulement chez les théologiens (catholiques), mais aussi chez la plupart des astronomes qui y étaient attentifs.

Copernic est le premier à avoir proposé un modèle dans lequel le Soleil était fixe au centre de l'Univers, les planètes décrivant une trajectoire qu'il pensait circulaire. Il conçut sa doctrine dès 1510 et l'exposa dans leDe revolutionibus en 1543.
Cette doctrine resta pendant longtemps confinée à un cercle restreint de spécialistes comme le philosopheGiordano Bruno. Elle provoqua néanmoins des réactions de la part des savants et des théologiens. La plupart des astronomes restèrent fidèles au géocentrisme et la quasi-totalité des théologiens prirent position contre la théorie héliocentrique de Copernic. Parmi les théologiens réformés, on peut citerMelanchthon, et parmi les théologiens catholiques,Bartolommeo Spina (en), son collaborateur le dominicainGiovanni Maria Tolosani (en), et le théologien jésuiteNicolaus Serarius.
Les astronomes de leur côté avaient développé une doctrine intermédiaire entre le modèle géocentrique et le modèle héliocentrique (voiréquivalence des hypothèses).
À la fin duXVIe siècle, l'astronome danoisTycho Brahé proposa un système intermédiaire entre le système géocentrique et le système héliocentrique, dans lequel le Soleil et la Lune tournaient autour de la Terre immobile, tandis que Mars, Mercure, Vénus, Jupiter et Saturne tournaient autour du Soleil.

Galilée publia en 1610Sidereus nuncius, où il fit état de ses observations de laLune et dessatellites de Jupiter à l'aide de salunette astronomique. Il commença alors à faire la promotion de la théorie copernicienne à Florence et à Rome. Il rencontra des résistances de la part des philosophes et des théologiens. Bien que convaincu de la justesse de la théorie copernicienne et s'appuyant sur les observations qu'il effectuait grâce à sa lunette, il ne parviendra pas à apporter la preuve décisive que la Terretourne sur elle-même etautour du Soleil (héliocentrisme ou système héliocentrique).
En 1615, le carmePaolo Antonio Foscarini prit une position favorable à l'héliocentrisme, en défendant que cette hypothèse n'était pas contraire auxÉcritures saintes. La controverse prit une telle ampleur que lecardinal Bellarmin, proche conseiller du papePaul V plutôt favorable à Galilée quoique ayant activement participé à la condamnation deGiordano Bruno, fut obligé d'intervenir le 12 avril. Il écrivit une lettre à Foscarini où tout en reconnaissant l'intérêt pratique, pour le calcul astronomique, du système de Copernic, il condamnait son établissement au statut de vérité en l'absence de preuve concluante.
Galilée de son côté était bien conscient des problèmes que posait le système de Copernic par rapport à certaines interprétations des passages cosmologiques de la Bible (livre de Josué, Psaumes). Dans sa lettre àChristine de Lorraine (1615), qu'il rendit publique, il revendiquait une autonomie de la science : « L'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on doit aller au ciel, et non comment va le ciel ».
En 1616, les écrits coperniciens furent mis à l'Index pour être corrigés et révisés, et les ouvrages favorables à l'héliocentrisme furent interdits, sans qu'il fût interdit de débattre de l'héliocentrisme dans une hypothèse purement mathématique[5]. Toutefois, on ne considérait pas les idées héliocentriques comme hérétiques, mais simplement comme téméraires[6][réf. incomplète]. Lecardinal Bellarmin notifia personnellement l'interdiction à Galilée.
En octobre 1623, Galilée publieIl Saggiatore (l'Essayeur) dans lequel il affirme que « le livre de l'Univers est écrit en langue mathématique »[7].
En avril 1624, Galilée fut reçu en audience par le papeUrbain VIII, qui l'encouragea à reprendre par écrit l’analyse et la comparaison entre les plus grands systèmes astronomiques, le modèle copernicien pouvant aussi être pris en compte, pourvu que ce soit dans une perspective purement mathématique[citation nécessaire].
En 1632, Galilée publia, à la demande d'Urbain VIII, leDialogue sur les deux grands systèmes du monde. Galilée développait dans cet ouvrage ses idées favorables à l'héliocentrisme. Il pensait avoir trouvé dans le phénomène des marées une preuve de l'héliocentrisme[8]. D'autre part, Galilée retourna l'argument de la toute-puissance divine qu'Urbain VIII lui avait demandé d'insérer dans l'ouvrage dans un sens favorable à l'héliocentrisme[9]. L'année suivante (1633), Galilée fut traduit devant le tribunal de l'Inquisition qui jugea qu'il avait enfreint dans cet ouvrage l'interdiction de 1616, qu'il avait présenté l'héliocentrisme comme une thèse et non simplement comme une hypothèse mathématique, et développé des idées contraires auxÉcritures saintes. Pour les théologiens de cette époque, en l'absence de preuve, c'était lesens littéral qui prévalait pour l'interprétation de la Bible[10].
Galilée fut condamné à être emprisonné dans les prisons du Saint-Office à moins d'abjurer ses opinions considérées comme hérétiques. Il abjura et sa peine fut commuée parUrbain VIII en assignation à résidence.
Urbain VIII donna l'ordre de faire connaître la condamnation deGalilée à tous les professeurs de mathématiques et de philosophie. Les copies de la sentence et de l'abjuration de Galilée furent envoyées dans l'Europe entière et suscitèrent la surprise des savants[11].

C'est ainsi qu'en novembre 1633,René Descartes apprit la condamnation de Galilée. SelonAdrien Baillet, biographe de Descartes en 1691, il en fut bouleversé :« Cet accident [le procès de Galilée] causa dans son esprit une révolution que le public aurait peine à croire s'il en était informé par d'autres que lui-même[12]. » Il reçut de son ami Beeckman l'ouvrage de Galilée, leDialogue sur les deux grands systèmes du monde, en 1634, soit un an après la condamnation de Galilée. Pour cette raison il renonça à publier sonTraité du monde et de la lumière (1632)[13], dans lequel il défendait la thèse de l'héliocentrisme[14]. Ce traité ne fut publié qu'en 1664. Estimant que Galilée s’y était mal pris pour démontrer la thèse héliocentrique et conforté dans le projet de publier le résultat de ses idées philosophiques, dont lecardinal Bérulle lui avait fait une obligation de conscience quelques années auparavant, Descartes décida de concrétiser ce projet en proposant une nouvelle méthode de pensée se détournant de lascolastique. La première étape de ce projet fut le célèbreDiscours de la méthode (1637).
La controverse et leprocès de Galilée mettaient en effet en évidence les limites de la méthode scolastique, trop spéculative et ne prenant pas assez en compte les résultats de l'expérience. Emboîtant le pas du théologienNicolas de Cues dont il s'inspira, Descartes se démarqua de la référence aux principes astronomiques d'Aristote, mais il alla plus loin en remettant en cause la scolastique et laphilosophie aristotélicienne. Il proposa un système philosophique essentiellementrationaliste, dans lequel la recherche de lavérité reposait sur la raison et les « lumières naturelles » et non sur les lumières de la foi.
Dans ce contexte, le projet cartésien d'une science universelle se conçoit comme une réaction contre la scolastique et contre les « aristotéliciens ». Descartes inaugura sa carrière philosophique avec leDiscours de la méthode (1637). Dans lesMéditations sur la philosophie première (1641), Descartes décrivit une forme de doute, très axée sur le sujet, qualifiée quelquefois d'hyperbolique. Descartes cherchait à refonder la philosophie sur un principe premier, lecogito, appelé à remplacer lacause première de la scolastique. Descartes écrivit aussiLes Principes de la philosophie (1644), où il considère lamétaphysique comme les racines de l'arbre de la philosophie. DansRecherche de la vérité par les lumières naturelles (sorte de testament publié en 1701), Descartes affirme avancer des vérités sans les emprunter àPlaton ou à Aristote ; pour convaincre de sa méthode qui s'appuie sur ledoute universel, il met en scène trois personnages : Eudoxe, dont le jugement n’est gâté par aucune fausse opinion et qui possède toute sa raison intacte, telle qu’il l’a reçue de la nature, dialogue avec Polyandre, qui n’a jamais rien étudié, et avec Épistémon, qui sait très bien tout ce qu’on peut apprendre dans les écoles.

Ce futNewton qui développa le modèle mathématique permettant d'expliquer le mouvement des planètes autour du Soleil selon des trajectoires elliptiques, à partir de laforce de la gravitation universelle. Il a exposé sa théorie dans l'ouvragePhilosophiæ naturalis principia mathematica publié en 1687.
Devant la preuve optique et mécanique de l'orbitation de la Terre apportée en 1728 par lestravaux de James Bradley sur l'aberration de la lumière[15],Benoît XIV autorisa la publication des œuvres complètes de Galilée en 1741. puis les ouvrages traitant de l'héliocentrisme furent à leur tour enlevés de l'Index en 1757[16].
Leprocès de Galilée eut comme conséquence que les recherches nouvelles se faisaient désormais en dehors des cercles traditionnels de lascolastique, qui perdit du terrain. Cependant, la représentation héliocentrique de l'univers n'était pas encore bien acceptée dans la société.

Les théories de Newton furent diffusées hors d'Angleterre parMaupertuis, puis en France parVoltaire, qui publia l’Épitre sur Newton, en 1736 et lesÉléments de la philosophie de Newton, en 1738[17]. Pendant les Lumières et dans les siècles qui suivirent,Galilée devint une figure emblématique de la science nouvelle.
Le modèle héliocentrique et ses fondements mathématiques furent décrits et diffusés par l'Encyclopédie, publiée à partir de 1751.D'Alembert, assisté de trois autresencyclopédistes,Jean-Baptiste Le Roy,Jean Henri Samuel de Formey etLouis de Jaucourt (rédacteur à lui seul de 28 % des articles de l'Encyclopédie) documentèrent un ensemble d'articles sur l'astronomie qui décrivaient cette discipline et les planètes du Système solaire, en montrant les liens avec d'autres disciplines telles que les mathématiques et la mécanique. Cet ensemble particulièrement bien référencé apportait une cohérence à l'Encyclopédie, qui fit triompher lessciences exactes. D'Alembert, dans leDiscours préliminaire de l'Encyclopédie, critiqua sévèrement les abus de l'autorité spirituelle qui ont conduit à la condamnation de Galilée par l'Inquisition en ces termes :
« Un tribunal devenu puissant dans le midi de l'Europe, dans les Indes, dans le Nouveau Monde, mais que la foi n'ordonne point de croire, ni la charité d'approuver, ou plutôt que la religion réprouve, quoique occupé par ses ministres, et dont la France n'a pu accoutumer encore à prononcer le nom sans effroi, condamna un célèbre astronome pour avoir soutenu le mouvement de la terre, et le déclara hérétique […]. C'est ainsi que l'abus de l'autorité spirituelle réunie à la temporelle forçait la raison au silence ; et peu s'en fallut qu'on ne défendît au genre humain de penser[18]. »
Les encyclopédistes se placèrent donc dans le sillage ducogito de Descartes.
A posteriori, la condamnation deGalilée démontra les erreurs de la plupart des théologiens de l'époque. L'image de l'Église s'en est trouvée ternie pour longtemps : on parla d'obscurantisme. Les hommes d'Église se rendirent compte progressivement du danger qu'il y avait à interpréter lesÉcritures saintes ausens littéral. Il fallut attendre leXIXe siècle pour assister à un renouvellement des études bibliques (exégèse etherméneutique), tant du côté catholique que du côté protestant. Les protestants travaillèrent beaucoup auXIXe siècle sur l'Ancien Testament (voir la sectionrenouvellement des études bibliques).Jean-Paul II reconnut officiellement les erreurs de l'Église en 1992 à l'issue des travaux de la commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne.
La controverse ptoléméo-copernicienne a d'abord ébranlé, puis provoqué l'abandon desthéories géocentriques soutenues par les tenants de l'aristotélisme. Ceux-ci s'appuyaient sur la description de l'univers physique contenue dans quelques livres d'Aristote, notamment le traitéDu ciel : selon ces théories, le monde était un assemblage ordonné d'objets spécifiques et soumis à leur nature propre : monde lunaire des objetslégers et sub-lunaire des objetslourds, etc.
Dans un premier temps[Quand ?], les scientifiques, à cette époque plus soumis aux autorités religieuses (Église catholique romaine ou réformateurs) et plus attentifs auxÉcritures saintes, tentèrent de concilier le système géocentrique (Ptolémée, Aristote, passages des Écritures saintes laissant entendre que la terre était immobile) et lesystème héliocentrique, par l'équivalence des hypothèses, mais cela ne suffit pas.
Dans l'organisation des enseignements de l'époque (scolastique), on faisait moins de différence qu'aujourd'hui entre lacosmologie et lathéologie. La théologie et la métaphysique étaient les enseignements les plus prestigieux à l'université. Les nouvelles théories cosmologiques ont reposé sur l'expérimentation, en particulier l'observation avec des lunettes astronomiques. L'expérimentation était précisément l'un des maillons faibles de la méthodescolastique, qui était très spéculative. On voit en effet le franciscainRoger Bacon critiquer lascolastique sur ces aspects dès leXIIIe siècle.
En fait, les hommes duXVIIe siècle semblent ne pas avoir fait la distinction entre la philosophie d'Aristote, et ses traités scientifiques (physique…) basés sur une observation directe de la nature. Aristote était un philosophe avant d'être un scientifique. À l'époque de Galilée, théologie, philosophie et science étaient beaucoup plus interdépendants qu'à notre époque, qui reconnaît le principe d'autonomie de la science.
Les hésitations des scientifiques, qui à cette époque[Laquelle ?] étaient soumis aux autorités religieuses (Église catholique ou réformateurs), les erreurs d'interprétation de la plupart des théologiens duXVIIe siècle, notamment lors du procès deGalilée (1633), la confirmation des thèses héliocentriques avec Newton et les preuves optiques de la trajectoire orbitale de la Terre ont eu pour conséquence que la science s'est affranchie de la tradition aristotélicienne.
Les scientifiques ont appris progressivement à s'exprimer dans d'autres cercles que lascolastique, inaugurant le principe d'autonomie de la science.
L'expression « révolution copernicienne » possède un sens très précis en philosophie. Il s'agit pour le sujetkantien de réfléchir sur les connaissances rationnelles qu'il possède et par ce moyen de juger de ce que la raison peut faire et ne pas faire. Kant part des connaissances au-dessus de toute controverse (logique, mathématique, physique) dont l'objet est de déterminer des objets absolumenta priori. Il se demande pourquoi il n'en est pas de même pour la métaphysique[19].
Face au prestige des sciences, lamétaphysique, en recherche d'un fondement incontestable, fit l'objet d'un approfondissement avecKant. Il écrivit saCritique de la raison pure, en grande partie pour la sauver.
La controverse ptoléméo-copernicienne a vu s'affronter les points de vue des scientifiques (astronomes, mathématiciens et physiciens) et des théologiens avec des tensions sans précédent, au sujet de l'interprétation des Écritures saintes, et des passages cosmologiques de la Bible. Le cas de Galilée en particulier a montré que les scientifiques avaient besoin d'une certaine autonomie par rapport aux autorités ecclésiastiques pour effectuer leurs recherches.
D'Alembert, dans l'Encyclopédie milite pour une séparation de l'Église et de la science, arguant que l'Église n'a pas de compétence en matière scientifique, qu'elle a tout à perdre à se mêler de ce qui n'est pas de son ressort, et que l'Écriture ne doit pas êtreinterprétée littéralement[20].
La révolution copernicienne a vu ainsi, avec la naissance de la science moderne, apparaître le principe d'autonomie de la science.
Le philosopheMichel Foucault, dansLes mots et les choses, identifie un changement dans la configuration du savoir (épistémè), qui s'est produit selon lui entre le début duXVIIe siècle (époque de Descartes et Pascal) et le début du XIXe siècle environ.
Après cette période de mise en doute de lamétaphysique, la période qui suivit laRévolution et l'Empire vit l'émergence de philosophiesmatérialistes, quelquefois franchementidéologiques.
Dans les années 1820, auXIXe siècle, et dans la première moitié duXXe siècle s'est développée la doctrine dusaint-simonisme, du nom deClaude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (en abrégé Saint-Simon, à ne pas confondre avec le duc de Saint-Simon, le célèbremémorialiste deLouis XIV).
Le comte de Saint-Simon, dans salettre d'un habitant de Genève à ses contemporains (1803), fit référence àIsaac Newton, comme le symbole du scientifique idéal, élevant une sorte de culte aux scientifiques. Il a cherché à remplacerDieu par un principe universel constitué par laloi de la gravitation. Sa doctrine est résumée dans le dernier ouvrage, inachevé, qu'il a publié en 1825, peu de temps avant sa mort :Nouveau christianisme – Dialogues entre un conservateur et un novateur[21].
Cette doctrine connut un certain succès, sous la forme de laphilosophie des réseaux, selonPierre Musso[22].
La doctrine de Saint-Simon inspira un certain nombre d'idéologies matérialistes, comme lepositivisme (Auguste Comte), lemarxisme…
Auguste Comte parla d'uneloi des trois états, faisant passer l'humanité de l'âge théologique, à l'âge métaphysique, puis à l'âge positif. Il est intéressant de rapprocher cette loi des trois états des bornes chronologiques indiquées parMichel Foucault :
Selon Auguste Comte, l'astronomie était la première science à parvenir à l'état positif.
La confirmation des thèses de Galilée sur le mouvement de la Terre a révélé a posteriori le caractère trop littéral et dogmatique de l'interprétation des textes de la Bible auXVIIe siècle, ce qui a terni durablement l'image de l'Église catholique et duchristianisme en général dans les milieux scientifiques et philosophiques.
Les levées d'Index auXVIIIe siècle (1741, 1757) n'avaient pas constitué une reconnaissance explicite des erreurs de l'Église vis-à-vis de Galilée, de sorte que l'Église fut qualifiée d'obscurantiste par certains philosophes des Lumières[23]. Au lieu de reconnaître ses erreurs, l'Église s'est pendant longtemps enfermée dans une politique du silence.
Le papeJean-Paul II a déclaré lors de la conclusion des travaux de la commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne en 1992 :
« À partir du siècle des Lumières, et jusqu'à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe, dans lequel l'image que l'on s'était forgée des événements était passablement éloignée de la réalité. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l'Église du progrès scientifique, ou bien de l'obscurantisme « dogmatique » opposé à la libre recherche de la vérité. Ce mythe a joué un rôle culturel considérable ; il a contribué à ancrer de nombreux scientifiques de bonne foi dans l'idée qu'il y avait incompatibilité entre, d'un côté, l'esprit de la science et son éthique de recherche et, de l'autre, la foi chrétienne. Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d'une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d'affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé.
On peut tirer de l'affaire Galilée un enseignement qui reste d'actualité par rapport à des situations analogues qui se présentent aujourd'hui et peuvent se présenter demain. »
La commission d'étude a officiellement reconnu les erreurs de l'Église dans l'affaire Galilée[24].
Le cardinal Poupard, président de la commission, a déclaré :
« C'est dans cette conjoncture historico-culturelle, bien éloignée de notre temps, que les juges de Galilée, incapables de dissocier la foi d'une cosmologie millénaire, crurent, bien à tort, que l'adoption de la révolution copernicienne, par ailleurs non encore définitivement prouvée, était de nature à ébranler la tradition catholique, et qu'il était de leur devoir d'en prohiber l'enseignement. Cette erreur subjective de jugement, si claire pour nous aujourd'hui, les conduisit à une mesure disciplinaire dont Galilée « eut beaucoup à souffrir ». Il faut loyalement reconnaître ces torts, comme vous l'avez demandé, Très Saint-Père. »
Le pape a déclaré dans son discours lors de la conclusion des travaux de la commission[25],[26] :
ainsi que :
« L'erreur des théologiens d'alors, quand ils soutenaient la centralité de la terre, fut de penser que notre connaissance de la structure du monde physique était, d'une certaine manière, imposée par lesens littéral de l'Écriture Sainte. »
et encore :
« Au temps de Galilée, il était inconcevable de se représenter un monde qui fût dépourvu d'un point de référence physique absolu. Et comme le cosmos alors connu était pour ainsi dire contenu dans le seul système solaire, on ne pouvait situer ce point de référence que sur la terre ou sur le soleil. Aujourd'hui, après Einstein et dans la perspective de la cosmologie contemporaine, aucun de ces deux points de référence n'a plus l'importance qu'ils présentaient alors. Cette remarque ne vise pas, cela va de soi, la validité de la position de Galilée dans le débat ; elle entend indiquer que souvent, au-delà de deux visions partielles et contrastées, il existe une vision plus large qui les inclut et les dépasse l'une et l'autre. »
Les découvertes scientifiques de la deuxième moitié duXIXe siècle, et surtout duXXe siècle ont montré que lagravitation n'est pas la seule interaction de l'univers. On trouve en effet l'électromagnétisme, l'interaction faible, et l'interaction forte. Les découvertes de la relativité (générale etrestreinte), ainsi que laphysique quantique, ont conduit à revoir la prétention selon laquelle l'univers est prédictible selon des « lois » scientifiques. La notion de hasard a été réintroduite, par exemple lathéorie des jeux.
Du reste, le Soleil n'est pas fixe, comme on le croyait à l'époque de Galilée : il tourne autour du centre de laVoie lactée, qui est constitué par untrou noir supermassif,Sagittarius A*. Ces nouvelles théories cosmologiques ont pu être obtenues grâce notamment à laradioastronomie, avec de nouveaux types d'instruments, lesradiotélescopes, comme celui deNançay.
Plus récemment, l'hypothèse encosmologie de lamatière sombre et de l'énergie sombre montrerait que l'univers est essentiellement composé, à plus de 95 %, de matière et d'énergie inconnue et que la matière que nous connaissons en constituerait une infime minorité. Cela constituerait, pour certains auteurs[27], une nouvelle « révolution copernicienne ».
L'agroéconomiste américainLester R. Brown estime que les bouleversements induits par les contraintes environnementales apparues depuis la Seconde Guerre mondiale impliquent un changement conceptuel comparable à celui de la révolution copernicienne. En effet, larévolution industrielle, sur laquelle a débouché la révolution copernicienne, a donné naissance à de nouveauxmodes de vie et à l'ère la plus destructrice pour l'environnement que l'histoire humaine ait jamais connue[28].
Thomas Michelet estime quant à lui que lacrise écologique marque la fin de la modernité. Elle suppose un changement deparadigme, une autre révolution copernicienne, pour passer de l'autonomie du sujet à l'interdépendance des créatures, qui ont leur existence propre sans plus graviter autour du sujet[29].
L'expression « révolution copernicienne » n'a vraiment de sens qu'employée dans son contexte historique. Il est pourtant devenu d'usage courant de l'employer de manière métaphorique dans des contextes contemporains, notamment pour justifier des changements de perspective dans une discipline donnée, en particulier dans le domaine scientifique. Ainsi, dansNi Dieu, ni gène,Jean-Jacques Kupiec etPierre Sonigo soutiennent que lagénétique n'a pas encore effectué sa révolution copernicienne et est encore prisonnière du concept aristotélicien d'espèce[réf. souhaitée].
En philosophie, l'utilisation la plus fameuse de l'expression est celle deKant, qui qualifie de « révolution copernicienne » la nouvellethéorie de la connaissance qu'il propose : en considérant que la connaissance ne résulte pas d'une simple observation passive du monde mais d'un acte de notre esprit (qui élabore des concepts, procède à des expériences), il estime avoir placé lesujet au centre de la connaissance et non l'objet comme ses prédécesseurs.
Michel Foucault parle, pour notre époque, d'un nouveau changement de conception du monde. Il qualifie les conceptions du monde liées aux époques de l'Histoire d'épistémè. Selon lui, nous entrons dans l'hypermodernité[30].
On peut distinguer deuxcauses à la controverse ptoléméo-copernicienne. Premièrement, laphilosophie scolastique paraissait trop « spéculative » (terme employé par Descartes dans leDiscours de la méthode) aux scientifiques de l'époque, car elle consistait seulement en dialogues, mais ne prenait pas en compte les résultats desexpériences scientifiques. Deuxièmement, lestraductions successives des textes de laBible, surtout de l'Ancien Testament[31], comme le laisse penser la lettre deGalilée àChristine de Lorraine, entraînaient inévitablement des risques de déformations de sens sur quelques passages clés pour l'interprétation par des scientifiques[32].
Les travaux d'exégèse de l'oratorienRichard Simon avec sonHistoire critique du Vieux Testament furent entravés par Bossuet en 1678. Ainsi les tentatives de clarification du texte de la Bible n'eurent pas de suite chez les catholiques.
Ce furent finalement lesprotestants qui approfondirent l'étude de l'Ancien Testament auXIXe siècle.
À partir deLéon XIII, puis sousPie XII, l'Église catholique romaine introduisit des consignes pour les études bibliques : enherméneutique (interprétation des textes) ainsi qu'en exégèse (étude des textes anciens). Léon XIII publia l'encycliqueProvidentissimus deus en 1893 ; Pie XII publia l'encycliqueDivino Afflante Spiritu en 1943.
Le pape Pie XII réagit d'abord à la théorie duBig Bang, devant l'Académie pontificale des sciences en 1951, en le rapprochant du « Fiat lux ». En 1953, devant l'assemblée générale de l'Union astronomique internationale, il se ravisa et abandonna ceconcordisme[33].
La plupart des papes modernes ont reconnu les talents de Galilée. Le papeJean-Paul II a reconnu les erreurs commises par la plupart des théologiens dans l'interprétation des Écritures lors duprocès de Galilée, à la suite des travaux menés par la commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne entre 1981 et 1992.
Il n'en reste pas moins que la philosophie d'Aristote a été quasiment exclue des enseignements philosophiques en France jusqu’à laSeconde Guerre mondiale, et qu'on n'y fait guère référence encore aujourd'hui dans les programmes de philosophie.
Les quelques passages cosmologiques de laBible que les théologiens ont opposé à la théorie héliocentrique[34] sont les suivants (ces passages sont issus d'une traduction moderne de la Bible, et ne rendent donc pas compte des modifications qui ont eu lieu au cours des siècles à la suite des travaux d'exégèse et des différentes traductions) :
Deux autres psaumes contiennent également des passages cosmologiques :
La victoire des thèses de Copernic, Kepler et Galilée a commencé d'intervenir avec le succès de la théorie newtonienne. La victoire définitive a été obtenue par la preuve optique de la trajectoire orbitale de la Terre et les mesures de levées d'index de la première moitié duXVIIIe siècle.
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