Larépublique socialiste de Roumanie (Republica Socialistă România ou RSR) est la troisième et dernière forme constitutionnelle, du au, durégime communiste de Roumanie dirigé par leParti communiste roumain du au. Ce régime a connu trois phases :
Durant cette période le pays connait un régimedictatorial d'inspirationléniniste, caractérisé par[1] :
sur le planpolitique, la positionconstitutionnellede jure duParti communiste roumain comme « parti unique et organe dirigeant de l’état », interdisantde facto la constitution d’associations, syndicats ou autres structures sociales indépendantes du pouvoir, et imposant un courant de l’autorité et de légitimité » (souveraineté), allant du sommet (le Comité Central) vers la base (les autres structures du parti, les citoyens)… ;
sur le planéconomique, une stricteplanification d’état, ne touchant pas seulement les orientations macro-économiques et au commerce international, mais aussi tous les aspects de la production, de la distribution et de la consommation, au mépris des ressources disponibles, des possibilités techniques, de l'environnement et des besoins de la population, interdisant toute forme d’autogestion et induisant des inégalités entre labureaucratie du Parti et de l'État qui disposait d’un niveau de vie élevé, et le reste de la population aux prises avec unepénurie permanente d’énergie, de denrées, de produits finis et de services (ce qui encourageait le développement d’uneéconomie informelle, maisspéculative)… ;
sur le plansocial, un strict contrôle des activités culturelles, des médias et des droits des citoyens roumains à l’opinion, à l’expression et au déplacement (nécessitant des autorisations et divers visas préalables pour changer d’emploi, de domicile, de résidence à l'intérieur du pays, et encore plus pour voyager hors du pays, et surtout dans les pays non-communistes).
Gheorghe Gheorghiu-Dej, chef d'État de laRépublique populaire roumaine, meurt d'un cancer du poumon le. Une lutte de pouvoir a alors lieu au sein duparti communiste roumain pour sa succession :Gheorghe Apostol, proche collaborateur de Gheorghiu-Dej, apparaît comme l'un des candidats les plus crédibles, mais le Premier ministreIon Gheorghe Maurer contribue à favoriser l'élection comme Premier secrétaire du parti deNicolae Ceaușescu. Ce dernier poursuit dans un premier temps la politique de détente menée par Gheorghiu-Dej, maintenant des relations diplomatiques cordiales avec l'Est comme avec l'Ouest.
S'inspirant des travaux du professeur d'économie soviétiqueEvseï Liberman et de certaines des idées du « socialisme à visage humain », Maurer et Ceaușescu souhaitent transformer l'économie inefficace et stagnante de laRépublique populaire roumaine en une « économie socialiste de marché », où il n'y aurait toujours pas eu de propriété privée, mais une autonomie de gestion de la propriété collective (décentralisation sous l'égide duParti communiste roumain, mais avec acceptation et valorisation des initiatives venues des citoyens). Desréformes structurelles sont alors entreprises[2] :
restitution partielle de l'usage de la terre auxpaysans pour des productions familiales qu'ils sont autorisés à vendre directement aux consommateurs sur les marchés publics, moyennant une redevance ;
tentative delibéralisation de l’activité économique des grandesentreprises d’État, en responsabilisant le personnel (qualité des produits fournis en lien avec les prix de vente et les revenus des employés, élection des directeurs, autonomie financière) ;
diminution du rôle dirigeant du Parti à partir de 1968-69 par une libéralisation réelle de ses structures de base (cellules locales, sections des branches professionnelles) et instauration d'une certainetolérance politique, intellectuelle et médiatique (relative liberté de recherche historique, renoncement aux thèses soviétiques obligatoires concernant l'histoire du pays et desprincipautés du passé, remise à l'honneur de certains historiens jusque-là qualifiés de « bourgeois et réactionnaires », commeNicolae Iorga) ;
réforme de laConstitution le (avec notamment des élections locales à candidats multiples pour lespetites circonscriptions et les comités d'entreprise).
Par la réforme de laConstitution, le pays prend comme nom officiel celui derépublique socialiste de Roumanie. La nouvelle constitution stipule une série de libertés (liberté d'expression, liberté de la presse, liberté de manifestation) qui, dans les faits, demeurent largement théoriques. Le retour à une certaine liberté dans le domaine de la recherche historique s'accompagne de la promotion d'un courantpseudo-historique nationaliste : leprotochronisme, qui ne réhabilite les « héros du passé » (« Décébale »,Étienne le Grand,Michel le Brave...) que pour mieuxinscrire Ceaușescu dans leur lignée. Pour les élections, les « candidats multiples » doivent toujours être membres du parti communiste, donc le changement n'est guère perceptible concrètement.
En revanche, les réformes économiques (qui remplissent les étals de produits jusque-là rares ou inaccessibles) et l'affirmation de l'identité roumaine face à l'URSS (les rapports avec l'URSS sont redéfinis sur la base d'une alliance basée sur l'« égalité et la non-interférence réciproque dans les affaires intérieures ») créent, dans la population, un courant de sympathie envers le régime, mais en fait l'État accroît son influence sur le domaine économique, gardant notamment le monopole du commerce extérieur. Le, Nicolae Ceaușescu devient également président du Conseil d'État, soit chef de l'État (le, un amendement changera le titre de chef de l'État enPrésident de la République)[3].
Jusqu'en1971, Ceaușescu alterne gestes de libéralisation et mesures répressives, entretenant les espoirs de changement tout en consolidant son pouvoir. LaSecuritate poursuit une politique très active de surveillance de la population, la politique de relégation intérieure étant maintenue. En1966, l'avortement est interdit sous peine de prison aux femmes de moins de quarante-cinq ans ayant moins de quatre enfants, entraînant une vague d'interruptions clandestines de grossesse et causant indirectement la mort de milliers de femmes du fait de conditions sanitaires déplorables[4]. En1968, bien que membre dupacte de Varsovie, la Roumanie refuse que ses troupes participent à l'écrasement duprintemps de Prague, cet acte spectaculaire d'indépendance garantissant à Ceaușescu, durant un temps, une certaine popularité auprès de la population roumaine et renforçant à l'étranger son image de dirigeant réformateur. La politique d'industrialisation de la Roumanie entamée sous Gheorghiu-Dej est poursuivie, bien que le pays ne parvienne ni à produire des biens de consommation exportables, ni même à satisfaire la demande intérieure.
À partir de juillet1971, Ceaușescu, désormais assuré de son pouvoir, met fin à la « détente intérieure ». Les origines de ce revirement sont discutées. La version la plus courante en Roumanie est que Ceaușescu, durant un voyage enrépublique populaire de Chine et enCorée du Nord, aurait apprécié l'efficacité de larévolution culturelle et la doctrine duJuche pourdiscipliner les populations, et qu'il aurait voulu mettre en place une« révolution culturelle » roumaine, dans le but affiché de créer l'« homme nouveau »[4]. Mais ce but n'avait rien de nouveau, il est l'un des axes de la« construction du socialisme ». L'autre hypothèse est que l'URSS aurait désavoué sa « détente intérieure » et ses initiatives internationales, et qu'il se serait inquiété des libertés d'expression grignotées au fil des années par les intellectuels, dont auraient aussi pu profiter ses camarades du parti pour contester ses choix. Toujours est-il que progressivement, leparti communiste roumain restreint à nouveau les libertés économiques, intellectuelles et culturelles pour imposer un strict contrôle de l'économie et unculte de la personnalité de Nicolae Ceaușescu de plus en plus prononcé. Les intellectuels s'organisent régulièrement en groupes de protestation, plusieurs lettres ouvertes étant adressées au chef de l'État : mais ces groupes sont dispersés, leurs membres les plus connus sont contraints à l'exil, les moins connus (la grande majorité) sont emprisonnés[5].
Samizdats de l'ère Ceaușescu dans des boîtes de loukoums (caricatures anonymes dans un carnet syndical) et d'allumettes (petit livre interdit sous les allumettes).
De toutes les innovations de la « détente intérieure », seul leprotochronisme est conservé : il permet au régime d'inscrire sonisolationnisme dans une perspectivepseudohistorique, en récusant l'héritageromain partagé avec les autres pays latins, tous capitalistes, au profit de l'héritagedace autochtone[6]. En parallèle, la propagande, faisant fi de la similitude avec les dictateurs fascistes, développe le culte du chef suprême, qu'elle nommeconducător al patriei soit « guide de la patrie », mais aussi « héros intercontinental », « Danube de la pensée » et « génie des Carpates ». Les inventeurs de ces slogans sont anonymes, mais les exégètes ultérieurs se sont demandé s'ils n'avaient pas volontairement ampoulé ces qualificatifs pour ridiculiser le régime ; l'un des slogans officiels était d'ailleurs « România = Comunism, Ceaușescu = Eroism », dont les quatre termes inscrits sur des panonceaux placés le long de toutes les routes étaient très faciles à intervertir en « Ceaușescu = Comunism, România = Eroism »[7]. Cela n'empêche pas Ceaușescu de soigner son image internationale de « régime de l'est dissident et libéral », renforcée par les visites d'état à Bucarest deCharles de Gaulle (1968) ou deRichard Nixon (1969), et par les offres, pour les touristes occidentauxcommunistes ou non, de vacances joyeuses et bon marché àMamaia ouCostinești aveccures de jouvence comprises.
En1972, sous couvert d'une apparente indépendance diplomatique vis-à-vis de l'URSS, la Roumanie adhère auFonds monétaire international et obtient des crédits importants. Mais, face au remboursement de la dette, le régime donne la priorité aux exportations, restreignant la demande intérieure bien au-delà des exigences du FMI, au point que même le chauffage central[8] et l'éclairage urbain sont arrêtés ; la faim fait son apparition, et les hôpitaux deviennent des mouroirs ; de nombreuses familles abandonnent leurs enfants[9],[10]. Entre1977 et1983, l'aggravation désastreuse des conditions de vie[11] cause, en dépit des risques d'emprisonnement, d'importantes grèves de mineurs et d'ouvriers des combinats[12]. En 1977, Ceaușescu, en visite auxmines duJiu, est personnellement hué par les mineurs ; des centaines d'arrestations s'ensuivent[13].
L'autosuffisance alimentaire, qui avait été atteinte entre1968 et1980, est à nouveau perdue. À partir de1981, le remboursement de la dette extérieure sert de prétexte pour refuser toute réforme. Le niveau de vie baisse de 15 à 20 % entre1980 et1987[14]. La politique sanitaire est notoirement défaillante ; l'interdiction de la contraception et une stricte réglementation de l'avortement (pour empêcher la diminution de la population) entraînent un grand nombre d'abandons d'enfants, enfermés dans desorphelinats gérés comme des fermes d'élevage industriel, mais avec pénurie alimentaire et carences hygiéniques et, bien sûr, relationnelles et affectives[15].
Obor, principal marché de Bucarest dans les années 1980.
Dans les années 1980, la pénurie d'énergie et de carburant rend les transports en commun rares et difficilement accessibles.
Seuls les ouvrages signés Ceaușescu remplissent les vitrines des librairies dans les années 1980.
Dans les années 1980, la politique de « systématisation du territoire » se traduit par 320 000 expulsions, la démolition de quartiers historiques entiers, et environ 3 000 morts par froid et carences.
Par une application brutale du principe d'« égalité entre villes et campagnes » deFriedrich Engels, une politique dite de« systématisation du territoire » se traduit par la démolition de quartiers historiques en ville, et de villages en milieu rural, avec relogement forcé des habitants en barres et tours d'appartements collectifs, souvent inachevées et où eau courante et gaz de ville ne sont présents qu'au rez-de-chaussée et dans les premiers étages ; l’électricité, quand elle est présente, est contingentée (6h-8h et 18h-20h)[16]. Leséisme de 1977, qui cause des dégâts considérables àBucarest, offre à Ceaușescu l'occasion de« systématiser » le centre de la capitale, détruisant des milliers d'immeubles et des centaines de monuments historiques, et rasant le centre historique de la ville, au profit d'un immense bâtiment, dit « Maison du peuple », destiné à abriter les institutions de l'État. La « systématisation », conduite au mépris des règles d'urbanisme, aboutit à la destruction d'une partie du patrimoine architectural de la Roumanie, et à la construction de « banlieues à la campagne » qui, dans les années 1980, bouleversent la vie des campagnes et compromettent ainsi encore plus la survie alimentaire des populations. Des centaines de villages sont détruits et la population est relogée dans des immeubles collectifs à la campagne, avec sanitaires, cuisines et points d'eau collectifs[17].
LesRoms sont sédentarisés de force, tandis queJuifs,Allemands,Grecs etTurcs quittent le pays en masse,Israël, l'Allemagne, laGrèce et laTurquie acceptant de payer le droit d'émigration au prorata des études suivies par les partants[18]. Une autre source dedevisesfortes étrangères pour le régime est l'adoption par des couples occidentaux des orphelins (decrețeii) descămine (« foyers ») d'État, nombreux à la suite dudécret 770 de 1966[19].
Sous la présidence de Nicolae Ceaușescu, l'omniprésence de laSecuritate et lenépotisme du régime s'accentuent : une vingtaine de membres de la famille Ceaușescu détient des postes clés dans l'appareil étatique et l'épouse du président,Elena Ceaușescu, se voit attribuer une place prépondérante dans le domaine de la recherche scientifique, au mépris de ses compétences réelles, illustrant, au sommet de l'État, une situation chronique à tous les échelons de la société, où les affiliations l'emportent largement sur les compétences. Un dicton populaire dit alors que PCR ne signifie plus « Parti communiste roumain » mais « Pistons, combines, relations »[20],[7]. La défection d'Ion Mihai Pacepa, un général de laSecuritate, achève de discréditer le régime à l'Ouest et montre que même ses principaux soutiens commencent à perdre confiance.
Du fait des conditions de vie, l'impopularité du régime est telle que, malgré la peur omniprésente, le, 15 000 ouvriers et habitants se révoltent àBrașov[14]. En1987, à la faveur d'une visite deMikhaïl Gorbatchev, la Roumanie resserre ses liens commerciaux avec l'URSS, mais Nicolae Ceaușescu demeure insensible à toute idée deperestroïka. À partir de1987, le mécontentement se fait jour même dans les rangs duParti communiste roumain et de laSecuritate, et au printemps1989, six anciens membres du bureau politique du parti rendent publiques leurs critiques dans unelettre ouverte à Nicolae Ceaușescu, accusé d'avoir tourné le dos à l'idéal communiste. Deux dictons populaires de l'époque communiste affirmaient d'ailleurs quePCR signifiait « pile, combinații, relații » soit « piston, magouilles, relations », et que dans ce régime, toutes les briques de l'édifice sont théoriquement égales, mais pratiquement celles d'en bas doivent supporter le poids de celles d'en haut[21],[7],[22].
Lemémorial aux deux millions de victimes recensées du communisme en Roumanie, àSighetu Marmației, dans la même rue que celui des victimes de laShoah.
À la fin de l'année1989 a lieu lachute du bloc de l'Est. Alors que les régimes les plus proches de l'Union soviétique tombent tous les uns après les autres, la relative indépendance, mais réel isolement de la Roumanie, rend sa situation différente. Le ressentiment envers le couple Ceaușescu et le désir de changement face à la situation désastreuse du pays amène même une partie des cadres du parti à souhaiter la chute du dictateur. Le, les forces de l'ordre tirent contre des manifestants àTimișoara. Le, un rassemblement de soutien au régime est organisé à Bucarest mais, en pleine retransmission télévisée, la foule, quadrillée comme toujours par les membres de laSecuritate, se met d'un coup à huer Ceaușescu qui, visiblement stupéfait, doit interrompre son discours. La capitale est bientôt en proie à l'insurrection : des affrontements ont lieu, mais l'essentiel des forces armées fraternise avec les insurgés. Le,Ion Iliescu, ancien dirigeant communiste marginalisé au sein du parti, décrète la formation d'un gouvernement provisoire au nom duFront de salut national. Iliescu est proclamé chef de l'État par intérim, tandis quePetre Roman prend la tête du gouvernement. Nicolae et Elena Ceaușescu prennent la fuite en hélicoptère et sont capturés quelques heures plus tard. Le bâtiment du comité central est pris d'assaut par la foule. Le Parti communiste roumain est dissous et la fin du système de parti unique est décrétée. Le, les époux Ceaușescu sont fusillés dans une caserne proche de Bucarest après un simili-procès aussi expéditif que les procédures habituellement utilisées contre les victimes du régime. La Roumanie redevient une démocratie et plusieurs partis qui ont été interdits pendant le régime socialiste réapparaissent[23].
En mai1990, six mois après lachute de la dictature communiste, leFront de salut national qui dispose de toute la logistique de l'ex-parti communiste roumain, remporte les élections législatives et présidentielles, etIon Iliescu devient président de la République. Une nouvelle constitution est adoptée le. Une partie des membres de l'ancien parti communiste et du Front de salut national se reconvertissent ensuite au sein duParti de la démocratie sociale. Les ex-communistes ont sauvegardé leurs positions, mais lerégime communiste en Roumanie est fini, même si ultérieurement, un nouveau parti communiste a vu le jour, d'abord sous les noms deParti socialiste du travail () et deParti de l'alliance socialiste (de 2003 à 2010)[24].
Depuis 1990, un grand nombre d’ouvrages historiques est paru, dévoilant au grand jour les crimes de ce régime, mais sans susciter ni indignation générale (dans le pays ou à l'étranger), ni procès ou « lustration ». Un « Mémorial de la Résistance et des victimes du communisme » a été fondé en1993 par d’anciens dissidents àSighet[25]. Un Institut national de recherche historique sur les crimes du régime communiste, où a travaillé la « Commission historique d'investigation et d'analyse des crimes du régime communiste »[26] coordonnée parVladimir Tismăneanu(en) a été créé par la loino 1.724 du[27]. Leurs travaux, dont les conclusions ont été rendues en 2007, imputent au régime communiste 2.215.000 victimes en 45 ans, environ 11 % de la population du pays[28], soit une moyenne de 122 victimes politiques par jour (mais en fait, bien plus dans les années 1945-1955 et 1979-1989, et bien moins dans les années 1965-1975[29]).
Le « mur des 975 000 victimes arrêtées » du régime communiste en Roumanie, dans le Mémorial de Sighet.
Ces chiffres décomptent non seulement les 975 000 décès directement dus à la répression (exécutions, morts en détention pour motifs politiques) mais aussi de ceux dus à lapénurie institutionnalisée, auxdisettes provoquées par lesréquisitions, au manque d'énergie et donc de chauffage, au manque de sécurité dans le travail, à l'emploi massif des prisonniers pour les travaux dangereux et de grande envergure, et au manque de soins aux plus faibles dû à l'indigence des fournitures médicales et pharmaceutiques[30],[31].
La dictature se réclamant du communisme et autoproclamée « démocratie populaire », qu’a exercée entre le et le le Parti communiste roumain, a été reconnue en2004 par leParlement roumain comme « génocidaire », ayant « conçu et mis en œuvre un plan concerté et prémédité d’extermination sous prétexte delutte des classes et de praxis révolutionnaire »[32],[33],[34]. Avec lagrande famine ukrainienne des années 1930[35], c’est le seul cas de reconnaissance juridique officielle comme « génocide » d’un crime de masse commis sur critères politiques et sociaux (même leGoulag, leLaogai ou legénocide cambodgien ne sont pas juridiquement reconnus comme génocides, car la définition internationalement reconnue postule qu’un génocide ne peut avoir été commis qu’exclusivement sur des critères « nationaux, ethniques, raciaux ou religieux »).
Le rapport de 660 pages de la « Commission historique d'investigation et d'analyse des crimes du régime communiste »[26] commence par une citation deJules Michelet à propos de laRévolution française et se présente comme un « premier pas vers une analyse historique plus exhaustive de la période communiste » (qui n'a jamais été effectuée). Il a suscité descontroverses tant en Roumanie qu’à l’étranger. Hors-frontières, de nombreux historiens et juristes ont critiqué l’entorse faite par la Roumanie (comme par l’Ukraine) au principe selon lequel seuls des critères « nationaux, ethniques, raciaux ou religieux » définissent un « génocide », à l’exemple dugénocide arménien, de laShoah ou de laPorajmos. En Roumanie même, les leaders anciennement communistes, devenusnationalistes commeAdrian Păunescu ouCorneliu Vadim Tudor (président duparti d'extrême-droite PRM), ont invectivé à la télévision Vladimir Tismăneanu ou fait siffler dans l’enceinte du parlement le présidentTraian Băsescu pour avoir approuvé ces travaux.
Ils ont tenté de discréditer le rapport, qualifié de « ridicule, plein d’erreurs culturelles et historiques » et l’ont critiqué pour avoir comptabilisé non seulement les 975 000 victimes directement dues à la répression (détention, tortures, exécutions), mais aussi celles dues à l’indigence des familles des détenus politiques (privées de toute ressource y compris les retraites), à lapénurie institutionnalisée dont souffrait une grande partie de la population, auxdisettes provoquées par lesréquisitions, au manque d’énergie et donc de chauffage, au manque de sécurité dans le travail, à l’emploi massif des prisonniers pour les travaux dangereux et de grande envergure, et au manque de soins aux plus faibles de par l’insuffisance des fournitures médicales et pharmaceutiques.
« J'ai trouvé dans ce rapport les raisons pour lesquelles je peux condamner, au nom de la démocratie, les crimes du régime communiste en Roumanie dont d’anciens dignitaires occupent toujours des positions importantes dans la politique, les affaires et les médias » a déclaré au parlement le présidentTraian Băsescu (proche deslibéraux) sous les sifflets et les huées de l’oppositionsocialiste etnationaliste.
En, soit 16 ans après la fin du régime communiste, la Fondation pour une Société ouverte avait publié un sondage[36] indiquant que les Roumains considèrent le communisme réel, tel que le pays l'a connu, comme :
12 % - une bonne idée aux conséquences globalement positives ;
41 % - une bonne idée mal appliquée aux conséquences globalement négatives ;
34 % - une mauvaise idée aux mauvaises conséquences ;
↑Archie Brown,The Rise and Fall of communism, Vintage Books, 2009, page 105 ;Jean-François Soulet,Histoire comparée des États communistes de 1945 à nos jours, Armand Colin, coll. « U », 1996, pages 11-42 et Alexandre Zinoviev,Le Communisme comme réalité, Julliard, 1981, page 58.
↑Catherine Durandin,Ceaușescu, vérités et mensonges d'un roi communiste, Albin Michel, 1990.
↑C. Durandin,Ceaușescu, vérités et mensonges d'un roi communiste, Albin Michel, 1990.
↑Concernant les intellectuels, une blague triste définit leur règle de vie : « Ne pense pas. Si tu ne peux pas t'en empêcher, ne parle pas. Si tu ne peux pas t'en empêcher, n'écris pas. Si tu ne peux pas t'en empêcher, ne signe pas. Si tu ne peux pas t'en empêcher, ne t'étonne pas. » :Niculescu-Grasso 1999.
↑On disait à cette époque que « le „national-communisme” de Ceaușescu est la doctrine politique qui prépare l'avenir, organise le présent etmodifie le passé » :Niculescu-Grasso 1999.
↑Concernant le froid, de très nombreuses blagues tristes circulaient : l'une des plus connues était « Quelle est la meilleure neige du monde ? C'est la neige communiste : tu la mets sur le radiateur et elle ne fond pas ! » :Niculescu-Grasso 1999.
↑Victor Frunză :Istoria comunismului în România (« Histoire du communisme en Roumanie »), éd. EVF, Bucarest 1999, 588 pp.,(ISBN973 9120 05 9),p. 442-462.
↑Concernant les conditions de vie, une blague triste affirme : « Un citoyen ouvre la porte du magasin tout de blanc carrelé et demande : - Vous n'avez pas d'aspirine ? La vendeuse lui répond : - Vous vous trompez de boutique, ici on n'a pas de viande, c'est en face qu'ils n'ont pas de médicaments. » :Niculescu-Grasso 1999.
↑Concernant les grèves, une blague triste affirme : « Qu'est-ce qui différencie un ouvrier communiste d'un ouvrier exploité par les capitalistes ? Les deux peuvent faire grève, mais le second le peut encore le lendemain ! » :Niculescu-Grasso 1999.
↑Concernant la distribution d'énergie, une blague triste affirme : « Qu'est-ce qui est écrit sur les pylônes à haute tension et les transformateurs ? „Danger de mort de 6h à 8h et de 18h à 20h”. » :Niculescu-Grasso 1999.