Au début de 1795, l'intervention de laFrance entraîna la chute de l'ancienne République des Provinces-Unies. La nouvelle République bénéficia d'un large soutien de la part de la population néerlandaise et fut le produit d'une véritable révolution populaire. Cependant, elle a été fondée avec le soutien armé desforces révolutionnaires françaises. La République batave est devenue unÉtat client, la première des « républiques sœurs », puis une partie de l'Empire français deNapoléon.
La politique de la République batave a été profondément influencée par les Français, qui ont soutenu pas moins de troiscoups d'État, pour porter au pouvoir les différentes factions politiques que la France favorisa à différents moments de son propre développement politique. Néanmoins, le processus de création d'uneConstitution néerlandaise écrite a été principalement motivé par des facteurs politiques internes et non par l'influence française, jusqu'à ce que Napoléon obligea le gouvernement néerlandais à accepter son frère,Louis Bonaparte, comme monarque.
Les réformes politiques, économiques et sociales qui ont été apportées pendant la durée relativement courte de la République batave eurent un impact durable. La structurefédérale de l'ancienne république des Provinces-Unies a été définitivement remplacée par unÉtat unitaire. Pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas, la Constitution adoptée en 1798 avait un caractère véritablementdémocratique.
Pendant un certain temps, la République a été gouvernée démocratiquement bien que le coup d'État de 1801 ait mis au pouvoir un régimeautoritaire, après une autre modification de la Constitution. L'influence de cette période démocratique a facilité la transition vers un gouvernement plus démocratique en 1848 (larévision constitutionnelle deJohan Rudolf Thorbecke limitant le pouvoir duroi). Un gouvernement de typeministériel a été introduit pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas et de nombreux départements gouvernementaux actuels datent de cette période.
Bien que la République batave ait été un État client de laFrance, ses gouvernements successifs ont tenté de maintenir une certaine indépendance et de servir les intérêts néerlandais, même lorsqu'ils se heurtaient aux intérêts français. Ce conflit d'intérêts conduisit à la disparition de la République, lorsque la courte expérience dugrand-pensionnat deRutger Jan Schimmelpenninck s'avéra insatisfaisante pourNapoléon. Le roi suivant,Louis Bonaparte, refusa également de suivre lesdiktats français, ce qui a finalement conduit à sa chute en 1810, lorsque le territoire a été annexé à l'Empire français.
Le, laConvention française déclare la guerre à laGrande-Bretagne et auxProvinces-Unies. À la fin de décembre 1794 et au début du mois de janvier, les troupes françaises commandées par le généralPichegru traversent les bras gelés de laMeuse et duRhin. Les comités révolutionnaires se soulèvent dans les grandes villes. Guillaume V est poussé à l'exil en Angleterre le et le même jour, le comité d'Amsterdam prend le contrôle de la municipalité de la ville« au nom de la République batave »[3].
Drapeau naval
Arrivés en libérateurs, les Français se comportent bientôt en occupants et leComité de salut public refuse de reconnaître la nouvelle république tant qu'elle n'aura pas signé avec lui un traité de paix. Les négociations sont tendues entre les envoyés bataves Jacob Blauw et Caspard Meijer et la commission française composée deMerlin de Douai,Reubell etSieyès, si bien que Reubell et Sieyès sont envoyés àLa Haye à la fin du mois d'avril pour négocier directement avec lesétats généraux bataves. Ces négociations aboutissent autraité de La Haye, signé le. Il prévoit une alliance offensive et défensive, la cession de laFlandre zélandaise,Maastricht etVenlo, ainsi que l'entretien d'une armée française de 25 000 hommes et une contribution de 100 millions deflorins, somme énorme destinée à renflouer les caisses de la République française[4].
Au sein des états généraux et dans la classe politique batave, les patriotes se divisent sur la question du type de régime à adopter, entre « unitaristes » — partisans d'unÉtat centralisé — et les « fédéralistes » — partisans de légères modifications de l'union d'Utrecht, considérée comme la constitution des Provinces-Unies. Le parti unitaire, parfois appelé les jacobins, est emmené par des hommes commePieter Paulus,Pieter Vreede,Alexander Gogel ou le généralDaendels. Ces divisions se traduisent dans la géographie, les provinces deHollande etZélande étant pour une constitution unitaire, les provinces deFrise ou deGueldre étant favorables à une constitution fédérale.
Si ces différences sont dictées par l'idéologie, inspirée par laRévolution française d'une part et par la tradition néerlandaise de l'autre, elles peuvent toutefois être dictées par pragmatisme. L'unité de la république suppose en particulier l'amalgame des dettes des provinces. Or la dette de la Hollande atteint 454 millions de florins, soit 70 % de la dette de l'ensemble des provinces. À titre de comparaison, la dette duBrabant (qui jusque-là n'était pas une province à part entière, de même queDrenthe) est de moins de 2 millions. Les provinces ont donc des intérêts tout à fait différents qui trouvent leur écho dans la question du caractère unitaire ou fédéraliste de la république[5].
La première chose est de remplacer les états généraux pour établir une constitution. Là encore, les représentants s'affrontent sur le type d'assemblée à convoquer. Faut-il convoquer de nouveaux états généraux, représentant les provinces, ou faut-il convoquer une Assemblée nationale, représentant l'ensemble des citoyens bataves ? Les discussions traînent en longueur aux états généraux jusqu'au mois de janvier 1796. À cette date, quelques habitants deLeeuwarden, la capitale de la Frise, arrêtent des représentants de la Frise aux états généraux et les remplacent par des représentants unitaristes. Cela suffit à faire basculer la majorité vers la décision de convoquer une Assemblée nationale pour le.
La première Assemblée nationale batave est élue dans le courant du mois de. Composée de 127 députés, elle est à majorité fédéraliste. Ce sont, pour la plupart, des hommes neufs : seuls 34 ont eu une expérience politique avant la révolution batave[6]. Une commission constitutionnelle est instaurée, là aussi à majorité fédéraliste. Le débat dure jusqu'au mois de. Le, l'assemblée adopte un décret proclamant la« République une et indivisible », par 75 voix contre 23, dont celle deHerman Hoogewal. Le projet porte sur une république unitaire mais accordant une large autonomie aux provinces. Le gouvernement est un directoire de sept membres et le corps législatif estbicaméral. Lestatu quo est adopté pour la question des dettes. Ce projet ne sera adopté que le par l'Assemblée pour être soumis à unréférendum. Projet de compromis ne satisfaisant en définitive personne, il est rejeté par le peuple batave le[7].
Le général Daendels.
Une nouvelle assemblée est élue dans la suite de l'annonce du rejet du projet constitutionnel. Elle se réunit pour la première fois le1er septembre. Trois jours plus tard a lieu àParis lecoup d'État du 18 fructidor an V qui marque un virement à gauche duDirectoire en invalidant les élections des députés royalistes. Les unitaristes entendent profiter de ce changement et entrent en négociations secrètes avecPaul Barras.Pierre Daunou, qui avait déjà participé à l'élaboration de laConstitution de l'an III, est chargé de rédiger un projet secret en s'inspirant de celle-ci et du projet rejeté en août. Ce nouveau projet est mis dans les mains du nouvel ambassadeur français àLa Haye,Charles-François Delacroix, qui doit le faire adopter par la nouvelle assemblée. 43 députés unitaristes publient le une déclaration dans laquelle ils réclament l'établissement d'un gouvernement populaire responsable devant l'assemblée. Celle-ci est épurée quelques jours après l'arrivée de Delacroix, le. Le généralDaendels, avec l'aide du généralJoubert, fait arrêter 18 députés fédéralistes et pousse les autres à la démission. La cinquantaine de députés restant, emmenés parPieter Vreede, travaille à rédiger une nouvelle constitution, avec pour base la déclaration des 43 ; le projet Daunou est écarté. LeDirectoire exécutif est réduit à cinq membres et le corps législatif est divisé en deux chambres, une chambre de discussion et une chambre de délibération. Les dettes sont amalgamées en une dette nationale et les provinces sont supprimées et remplacées par des départements : il s'agit de substituer un sentiment national à un sentiment provincial[8].
Ce projet est adopté par référendum le. Le gouvernement provisoire se charge de convoquer un nouveau corps législatif, conformément à la nouvelle constitution. Le, l'assemblée épurée en janvier décide, poussée par Delacroix qui agit sans ordre de Paris, que les deux tiers de ses membres seront automatiquement réélus[9]. Le, furieux de cet abus de pouvoir, Daendels renverse les hommes du et les remplace par des modérés, parmi lesquels figureRutger Jan Schimmelpenninck, qui est envoyé à Paris à la fin de l'été comme ambassadeur.
Wayne Te Brake,Regents and Rebels, The Revolutionary World of an Eighteenth-Century Dutch City, Cambridge, Cambridge Mass, 1989, 213 p.
Pieter Geyl,La Révolution batave, 1783 – 1798, Paris, Société des études robespierristes, 1971, 386 p.
Annie Jourdan et Joep Leerssen (eds.),Remous révolutionnaires : République batave, armée française, Actes du colloque de Paris, Amsterdam, Amsterdam University Press, 1996, 258 p.
Louis Legrand,La Révolution française en Hollande, Paris, Hachette, 1894, 398 p.
Jean-Bernard Manger,Recherches sur les relations économiques entre la France et la Hollande pendant la Révolution française (1785-1795), Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1923, 170 p.
Simon Schama,Patriots and Liberators, Revolution in the Netherlands, 1780-1813, Londres, Collins, 1977, 744 p.