Représentation populaire de la réincarnation dans l'hindouisme.
Laréincarnation (retour dans la chair) désigne un processus desurvivance après la mort par lequel un certain principe immatériel et individuel (« âme », « substance vitale », « conscience individuelle », « énergie », voire « esprit ») s'incarnerait à nouveau dans un autre corps (humain, animal ou végétal, selon les théories) ou successivement dans plusieurs, afin de poursuivre son évolution spirituelle[1].
Le psychiatre canadienIan Stevenson est« internationalement connu » pour avoir tenté de prouver scientifiquement la réincarnation, mais ses travaux ont été largement rejetés par la communauté scientifique[3]. Selon l'Observatoire zététique,« Stevenson semble être resté prudent, n'a jamais véritablement conclu à l'existence de la réincarnation et ne parlait que de preuves « suggestives » »[4].
Il existe des descriptions de la réincarnation à différentes époques et dans différentes civilisations, notamment dans la pensée grecque chezPythagore,Empédocle,Platon et l'orphisme, dans l'Égypte antique, l'Afrique subsaharienne et enExtrême-Orient, où elle est au cœur de l'hindouisme, dujaïnisme, dubouddhisme, dusikhisme et duyézidisme. Un certain nombre de livres sacrés y font référence, elle est récusée par les courants majoritaires de deux religions monothéistes que sont l'islam et lechristianisme (mais lejudaïsme[5], lecatharisme, lesdruzes et lerastafarisme adhèrent à la doctrine des réincarnations des âmes), pour lesquelles la notion de retour dans la chair apparaît dans la croyance auJugement dernier et à larésurrection (le judaïsme, par exemple, conçoit ces doctrines différemment, laissant la place aux « réincarnations » –gilgoulim[6]).
Si pour certains auteurs[Lesquels ?] la réincarnation est une expérience suprasensible probablement admise par plus d'un milliard d'êtres humains (les hindous, les bouddhistes, les jaïns, les sikhs, les adeptes desreligions tribales africaines auxquels s'ajoutent différents groupes spiritualistes) ; pour d'autres, moins nombreux, elle n'est qu'une erreur d'interprétation occidentale de concepts traditionnels mal assimilés[7].
SelonJean Herbert, plusieurs auteurs faisant autorité enInde, tels que J. C. Chatterji et Kunhan Râja, affirment que latransmigration des âmes est un concept ancien qu'on trouve par exemple dans la littératurevédique. Pour Basanta Kumar Chatterji,« il y a des allusions claires à la doctrine de la transmigration dans les strophes IV, 2, 18 ; IV, 26 ; IV, 27, 1 ; X, 16, 3 duRig-Véda »[8].
Cependant, selon René Guénon, cette notion de transmigration des âmes ne doit pas être confondue avec la réincarnation :« Qui dit transmigration dit essentiellement changement d’état […]. Même dans des doctrines hétérodoxes comme leBouddhisme, il n’est nullement question d’autre chose, en dépit de l’interprétation réincarnationniste qui a cours aujourd'hui parmi les Européens. C’est précisément la vraie doctrine de la transmigration, entendue suivant le sens que lui donne la métaphysique pure, qui permet de réfuter d’une façon absolue et définitive l’idée de réincarnation »[9].
Selon l'historien des religionsMircea Eliade, il est probable que la croyance en une réincarnation existait déjà dans la préhistoire indienne, au sein de l'Inde aborigène, c'est-à-dire avant les invasions des tribus originaires de l'actuelIran et à qui l'on doit levédisme, et où des dieux commeShiva etVishnou, ou laDéesse (Durga) (tous originaires de l'Inde aborigène), n'ont pas beaucoup d'importancedans le ritualisme des Véda, contrairement àIndra,Agni,Varuna,Vayu, etc.[12].
La conception védique du monde se transforme avec l'arrivée desUpanishads, dont les plus anciennes sont écrites entre leVIIe et le VIe siècle av. J.-C., qui s'éloignent du polythéisme des Védas et tendent vers le panthéisme, voire vers un monothéisme. On nomme cette métaphysique lebrahmanisme, en rapport avec le nom donné à la déité suprême qui imprègne toute chose :Brahman. Sa croyance principale est l'unité de toute existence : toutes les âmes (atman) jaillissent de la divinité suprême (Brahman) comme des étincelles d'un feu, et elles y retournent par le feu rituel de l'incinération funèbre. Par conséquent, c'est la même âme qui existe en tout être, et tous les êtres partagent la même essence : « Brahman est ton âme, qui est en toute chose » (Brihad-Aranyaka Upanishad, III.4)[13]. Parallèlement apparaît dans les Upanishads la doctrine des renaissances. Albert Schweitzer s'interroge sur cette contradiction apparente et en déduit que la notion de transmigration serait issue de traditions populaires, tandis que la métaphysique brahmanique aurait été élaborée par les brahmanes, qui finalement auraient adopté la transmigration, parce qu'elle était « si répandue et qu'elle jouissait d'une telle considération dans le peuple qu'ils ne pouvaient ni l'ignorer ni la négliger »[14].
C'est ainsi qu'avec le temps, les notions aborigènes pénètrent la société des conquérants d'origine iranienne, et les brahmanes cessent peu à peu de considérer comme supérieurs les dieux commeIndra,Varuna, etc., au profit deShiva,Vishnou, etc. (seul Agni a conservé une place honorable)[12], et amplifient leur théorie sur la réincarnation, croyance déjà établie dans le monde dravidien[12], antérieur à l'ère védique. Le jaïnisme et les premièresUpanishads sont révélateurs de ces développements. Cette idée de la réincarnation dominait donc la vie spirituelle à l'époque dravidienne (c'est-à-dire de l'Inde aborigène, d'avant les invasions des tribus originaires de l'actuelIran), puis se dissipa quelque temps au sein de l'aristocratie, pour réapparaître ensuite[15].
Il est probable que lesśramaṇa,ascètes errants de l'Inde antique, aient transmis leur croyance en la réincarnation au courant dominant dubrahmanisme[16].
Un théoricien de la réincarnation, et maître très respecté en Inde, vivant autour duVIe siècle av. J.-C., estYājñavalkya ; il apparaît dans plusieurs dialogues de laBrihad-âranyaka-Upanishad et duShatapatha Brahmana. Dans un dialogue[n 1], il décrit la dissolution de l'être humain à la mort, mais sonkarma est cause d'une naissance nouvelle qui sera fonction des actes bons ou mauvais de l'existence antérieure[17].
On trouve dans laBhagavad-Gita — texte qui occupe une place importante dans toute la pensée indienne puisque« sauf dans certains milieuxshivaïtes, tous les courants religieux brahmaniques l'ont acceptée comme un livre saint à l'égal desVeda et desupanishad »[18] — deux formes de réincarnation différentes :
La réincarnation des Avatars (avatara, étymologiquement : descendre dans), incarnations successives du dieuVishnou. C'est ainsi queKrishna se révèle àArjuna comme une réincarnation de Vishnou :
« En effet, chaque fois que l'ordre défaille, ô Bhâratide, et que le désordre s'élève, c'est alors que moi, je me produis moi-même. Pour la protection des bons et la destruction des méchants, pour rétablir l'ordre, d'âge en âge, je viens à l'existence. » (IV. 7-7)
La réincarnation individuelle pour les hommes sans foi qui « retournent dans le chemin des transmigrations mortelles. » (IX, 3)
Le premier type de réincarnation divine et salvatrice étant l'inverse de la réincarnation régressive des âmes impures, les indologues en concluent que ces deux concepts ont probablement des origines différentes[19].
La métaphysique liée à la réincarnation où une âme impersonnelle, indivisible et éternelle, quitte le corps et l'intellect à leur mort, pour retrouver un autre état d'être, une autre forme, en tant quevégétal ouanimal/humain, fait partie intégrante de la spiritualité originelle desreligions traditionnelles africaines.
Le savant grecHérodote, donnait une origine égyptienne à la croyance en lamétempsycose :« Ces peuples [les Égyptiens] sont aussi les premiers qui aient avancé que l'âme de l'homme est immortelle ; que, lorsque le corps vient à périr, elle entre toujours dans celui de quelque animal ; et qu'après avoir passé ainsi successivement dans toutes les espèces d'animaux terrestres, aquatiques, volatiles, elle rentre dans un corps d'homme qui naît alors ; et que ces différentestransmigrations se font dans l'espace de trois mille ans[20]. »
Mais la recherche contemporaine serait moins catégorique, envisageant que l'Égypte pharaonique ignorait cette perspective[21] : les Égyptiens parlent de transformations des morts - surtout en oiseaux - ou de pérégrination des âmes - qui voguent avant le Jugement des morts - mais n'affirment ni réincarnation, ni la transmigration des âmes[22]. « Il y a la vie, mort et reviviscence d'abord pour celui qui résume en lui toute l'Égypte, lesouverain »[23] un privilège qui s'étend au fil des siècles pour chaque citoyen du pays comme en témoigne la multiplication desLivres des morts à partir duXVIe siècle av. J.-C., desbréviaires qui permettent aux morts de récupérer l'essentiel de leurs facultés dans l'au-delà puis de parcourir comme ils l'entendent le monde qu'ils ont connu[21].
C'est principalement dans lemonde grec que fleurit la doctrine de la réincarnation et de lamétempsychose. En grec,métempsycose (μετεμψύχωσις) signifie « transmigration des âmes » ou « passage d’une âme d’un corps dans un autre »[26]. Dans cette doctrine, l'âme poursuit son évolution d'existence en existence humaine (réincarnation), et peut éventuellement s'incarner dans un animal ou un végétal (métempsycose).
C'est vers leVIe siècle av. J.-C. que cette croyance apparaît dans le monde grec. Son origine n'est pas connue avec certitude. On n'en trouve pas trace chezHomère ouHésiode, et il est donc peu probable qu'elle provienne du passé mythique grec. Pour l'historien grecHérodote, la croyance en la métempsycose serait d'origine égyptienne[n 2]. Il est possible que la croyance en la réincarnation ait été inspirée par l'hindouisme. Les contacts entre laGrèce et l'Inde ont cependant été longtemps compliqués par le fait que laPerse, ennemi héréditaire des Grecs, se trouvait entre les deux civilisations (c'est tardivement, avec les conquêtes d'Alexandre le Grand, en 326av. J.-C., que le monde grec et le monde indien ont été en contact soutenu).
À cette même période, selonDiogène Laërce,Pythagore (vers 530av. J.-C.) se souvient de ses existences antérieures[28].Xénophane raconte que Pythagore arrêta le bras d'un homme en train de bastonner un chien en lui disant : « C'est l'âme d'un de mes amis. En entendant sa voix, j'ai reconnu cette âme ». L'âme transmigre parce qu'elle est immortelle et qu'elle est mouvement ; d'autre part, tous les êtres vivants sont frères, congénères (ce qui entraîne aussi le végétarisme). Aristote note[29] que selon certainspythagoriciens,« l'âme, ce sont les poussières de l'air », et que, selon les mythes pythagoriciens« conformément aux mythes pythagoriciens, une âme quelconque [peut] revêtir un corps quelconque. » Pythagore ne donne pas d'explication morale.
La doctrine de la réincarnation se retrouve ensuite chez le poètePindare (518-438 av. J.-C.), par exemple dans ce passage desOlympiques[30] :« Et vous dont les âmes habitèrent successivement trois fois le séjour de la lumière et trois fois celui desEnfers sans jamais connaître l'injustice, bientôt vous aurez parcouru la route que traçaJupiter, bientôt vous parviendrez au royaume deSaturne, dans cesîles fortunées que leszéphyrs de l'océan rafraîchissent de leur douce haleine. »
Lareligion romaine est multiforme et elle a été en constante évolution, influencée notamment par les croyances religieuses des territoires conquis (en particulier les divinités de l'Orient méditerranéen).
Cependant, des courants d'inspiration orphique et pythagoricienne ont toujours existé à Rome, en particulier parmi les classes aisées, les philosophes et les artistes — et donc la croyance en lamétempsycose. On trouve par exemple des allusions à la transmigration des âmes dans l'Énéide deVirgile (VI, 713 et ss).
Un certain nombre de mouvementsgnostiques,chrétiens et non-chrétiens, ont accepté la doctrine de la réincarnation[32]. Ils utilisent un système de pensée qui regroupe des doctrines variées dubassin méditerranéen et duMoyen-Orient qui se caractérisent généralement par l'affirmation que les êtres humains sont desâmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par undémiurge mauvais ou imparfait[33]. Le gnosticisme a connu son apogée au cours duIIe siècle[34], et a influencé d'autres courants religieux tels que l'elkasaïsme qui a lui-même donné naissance aumanichéisme.
Seule lagnose (du grecgnôsis, connaissance) peut permettre à l'âme de se libérer de cet emprisonnement dans la matière et des renaissances multiples ; selon André Couture,« les vestiges qui nous sont parvenus de leurs écrits montrent qu'ils avaient tendance à accepter les existences multiples […]. Plutôt que de voir dans ces renaissances autant d'étapes positives à l'intérieur d'un projet de salut, ils imaginaient le corps humain et le monde créé à la façon d'une prison gouvernée par des puissances mauvaises »[35].
Carpocrate, philosophe gnostique duIIe siècle, était un défenseur de la réincarnation[36]. D'après le théologienTertullien, il semblerait que les carpocratiens furent parmi les premiers à vouloir démontrer que leNouveau Testament reconnaissait la réincarnation, et ce à partir de passages d'Évangiles[37] dans lesquels il est dit queJean le Baptiste a l'esprit d'Élie[38].
Chez leselkasaïtes, mouvement religieuxjudéo-chrétien syncrétique de tendancegnostique, leChrist atransmigré de corps en corps et, en dernier lieu, dans celui du Christ[39],[40].Simon Claude Mimouni fait remarquer que« ce thème de lamétempsychose du Christ venu à plusieurs reprises au monde avec un corps différent s'apparente à celui du « Vrai Prophète » que l'on rencontre fréquemment dans lalittérature pseudo-clémentine ébionite[40]. Ils croient ainsi que le Fils, qu'ils appellent « le Grand Roi »[41] peut bénéficier de plusieurs incarnations et apparitions, à commencer parAdam et en se terminant par Jésus »[40].
Chez lesmanichéens, les « auditeurs » doivent passer après leur mort par des cycles de réincarnations, de « transvasements » (métaggismoï)[42].
La réincarnation est une des croyances centrales de l'hindouisme. Selon toute vraisemblance, c'est dans cette religion (ou culture composée de différents courants religieux :vaishnava,shivaïsme,shaktisme, etc., eux-mêmes subdivisés) que s'est établi un consensus théorique et philosophique sur la question (grâce notamment à laBhagavad Gita (un texte extrait d'un chapitre duMahabharata), qui n'est pas un ouvrage sectaire, mais une référence partagée pour tous les hindous, de même que leRamayana[43]).
Selon l'indianisteJan Gonda :« La doctrine dudharma et de la pureté est rattachée de la façon la plus étroite au principe de la réincarnation — principe que l'Hindou ne saurait mettre en doute — à l'idée qu'il est indispensable pour tous ceux qui n'ont pas atteint ladélivrance de revenir sans cesse dans une existence déterminée par lekarman »[44].
Cependant selon l'anthropologueRobert Deliège, cette croyance n'est pas uniformément ancrée en Inde, il y a plusieurs régimes de croyance qui varient selon les populations, les milieux sociaux, les régions[45]. Pour certains hindous, la réincarnation est une certitude, pour d'autres, une possibilité, pour d'autres encore, une interrogation. Certains, commeRamana Maharshi, demandent, non pas à ne point croire en la réincarnation (puisque tous les courants hindous cherchent la délivrance du cycle des réincarnations), mais de ne pas croire qu'un ego individuel quelconque puisse renaître après la mort (l'âme n'étant pas le moi, la personnalité, le mental, etc.)[46]. Et parfois, la croyance en la réincarnation coexiste aussi avec d'autres notions, qui la contredisent[47].
La réincarnation selon différents textes et courants
Selon le maîtreYājñavalkya (630-583av. J.-C.), toutes les créatures, dont l'homme, subissent à leur mort une dissolution : lesang retourne à l'eau, lecorps retourne à laterre, lesouffle auvent, lavue ausoleil et l'intellect (ouesprit) retourne à lalune ; mais les « actions non rémunérées » se réunissent pour s'incarner à nouveau dans un corps, sous une forme ou une autre (végétale, animale…)[48]. Dans laKatha RudraUpanishad (Krishna Yajur Véda), la réincarnation comprend tous les stades d'êtres vivants,transmigration des âmes décrite en ces termes :« Tous ceux qui quittent ce monde vont sur la lune. […] Qui répond correctement aux questions de la lune, est autorisé à prendre la voie des mondes célestes ; par contre, qui ne peut y répondre est transformé en pluie et redescend vers le monde ici-bas. Et il renaît ici-bas, en tel ou tel lieu, en tant que vermisseau, moucheron, poisson, oiseau, lion, sanglier, taureau ou tigre, ou alors en tant qu'être humain – chacun à la mesure de sesactes antérieurs, chacun à la mesure de son savoir »[49].
Dans laBhagavad-Gîtâ, l'un des textes essentiels de l'hindouisme :« L'âme incarnée rejette les vieux corps et en revêt de nouveaux, comme un homme échange un vêtement usé contre un neuf »[50]. L'âme transmigre donc de vie en vie :« Car certaine la mort pour celui qui est né, et certaine la naissance pour qui est mort »[51]. L'individu qui veut atteindre la libération doit vivre de manière détachée de façon à ne pas générer dekarma :« Celui qui, fondant enBrahman tous les actes, agit en plein détachement, le péché ne s'attache pas à lui pas plus que l'eau à la feuille dulotus »[52].
Dans l'Advaita Vedānta, le corps, les émotions et l'intellect ne sont que des enveloppes temporelles (kośa) qui donnent l'illusion du « moi » et qu'il faut dépasser. Lorsque survient le moment de quitter l'incarnation physique temporaire, l'âme incarnée (jīvātman) dénoue les liens qui l'attachent à l'existence. Si lekarman accumulé apporte le fruit de trop d'actes négatifs, l'ātman ou le Soi s'incarne dans un nouveau corps. Ce cycle est appelésaṃsāra et pour le briser afin d'atteindre la libération (mokṣa), l'individu doit s'identifier à l'Absolu (Brahman).
Leyoga et d'autres courants hindous enseignent le moyen de parvenir à la libération, et chacun choisit la méthode qui lui convient le mieux parmi les écoles dephilosophie indienne. Aujourd'hui, l'hindou, puisqu'il vit aukaliyuga, époque où ledharma est le plus corrompu, choisit la voie duBhakti yoga ou de la dévotion (ce qui ne signifie pas forcément qu'il exclut d'autres moyens religieux ou philosophiques[43]). D'autres voies du yoga (mārga) permettent également de se libérer du cycle des réincarnations, notamment leKarma yoga[53].
Selon la philosophie brahmaniqueNyâya, la réincarnation est comprise selon des conditions précises où le Soi (« âtman ») est indestructible et incréé, elle n'émane pas d'« un être personnel » (sattva) destructible et créé, non lié à ses « actes » (karma) :
« Lepretyabhâva ["renaissance"] consiste < pour l'âtman > à abandonner un corps pour en adopter un autre et cela n'est possible que si < l'âtman > en question est permanent. Pour ceux qui pensent lepretyabhâva comme la naissance puis la mort d'unsattva ("un être personnel"), il s'ensuit le défaut que celui qui a fait < quelque chose > sera privé < du résultat >, lequel écherra à un autre qui ne l'a pas fait. Les enseignements des sages n'auraient pas de sens si l'on adoptait cette thèse < qui affirme que leSoi > périt et qu'il est causé. »
La réincarnation est également présente dans lejaïnisme. Chaque être, animé ou inanimé, possède une âme (jīva) qui se réincarne jusqu'à atteindre la libération (kevala) lors d'une vie d'ascète[55].
Si l'on parle souvent de « réincarnation » à propos dubouddhisme, le terme ne convient pas vraiment et c'est de « re-naissance » (punarbhava) qu'il faut parler. Celle-ci est un élément essentiel de la pensée développée par le bouddhisme. Ce dernier, d'une manière générale — à l'exception notoire des adeptes de la doctrine dupudgala (pudgalavādin) — ne croit pas en l'existence d'une individualité propre, d'une âme, ni d'un esprit[56],[57], car ce qu'il appellecitta,« esprit, cœur »[58], n'est pas une âme immortel ; en effet, au concepthindouiste d'ātman, leSoi, le bouddhisme oppose l'idée d'anātman, le non-soi, l'impersonnalité, dont il fait une caractéristique de toute chose. Il n'y a donc pas de soi qui se réincarne puisque que « chaque chose est sans soi ». C'est la raison pour laquelle on préfère le terme de « re-naissance » à celui de « réincarnation »[59].
Le bouddhisme propose, à la place d'une âme et d'un corps, la distinction de cinq agrégats d'attachement (skandha). « Agrégat » renvoie à l'idée que l'individu est un ensemble de phénomènes différents ;attachement insiste sur le fait que ces constituants sont pris pour un être, pour un moi, et conduisent à s'attacher à cette idée d'ego, là où il n'y a quephénomènes éphémères, impersonnels et insatisfaisants : ce sont lestrois caractéristiques de tout phénomène conditionné, qui est le résultat du jeu de causes et de conditions.
Bien que l'expression « réincarnation » figure dans certaines traductions et soit devenue populaire en Occident avec lestulkus du bouddhisme tibétain[60], le terme le plus employé est celui de « re-naissance ». Il y a bien, en effet, une continuité - la mort ne signifie pas que le conditionnement cesse. Lesamsâra forme ainsi un cycle de vies qui s'enchaînent et se succèdent, l'une après l'autre, selon la loi de lacoproduction conditionnée. La souffrance (dhukka) se perpétue ainsi de vie en vie même si, relèveBuddhaghosa, chaque vie ne dure, en réalité, qu'un seul instant.
La notion de continuité se trouve donc explicitée par lacoproduction conditionnée. Cet enseignement détaille les différents phénomènes dépendants les uns des autres et qui font que la souffrance se perpétue de vie en vie. Lekarma est responsable de cette perpétuation. L'analogie de lamangue l'illustre ainsi : un noyau de mangue donne naissance à un nouveau manguier qui manifeste les caractères de la mangue d'origine sans que pour autant qu'un seul atome de cette mangue précédente ait été transmis.Le karma serait donc comparable au code génétique[réf. nécessaire] : une information transmise n'est pas une entité durable qui transmigre de corps en corps.
Selon certaines écoles, la renaissance est immédiate : au moment du décès correspond laconscience de mourir et succède alors une conscience de renaître. Pour lebouddhisme tibétain, la mort implique des stades intermédiaires, lesbardos.
Quant à celui qui ne croit pas en la re-naissance, leKālāma sutta lui enseigne quatre consolations, dont voici la seconde[61] :« Supposons qu'il n'y ait aucun au-delà et qu'il n'y ait aucun fruit, résultat, des actions faites, bonnes ou mauvaises. Pourtant, en ce monde, ici et maintenant, libre de haine, libre de méchanceté, sain et sauf, et heureux, je me maintiens ».
Pour lebouddhisme chinois, tel que le présente le roman ésotérique, à la fois légendaire et historiqueLa Pérégrination vers l'Ouest deWu Cheng'en,l'ici-bas commel'au-delà constituent deux formes d'illusion, d'irréalité, et même si cette vision de la réalité reste irréelle, elle aussi, c'est la seule base d'expérience que nous avons. Cette question de deux réalités est exemplaire des différentes approches philosophiques dans le bouddhisme ; si toutes ses branches distinguent une réalité purement conventionnelle et une réalité ultime (cf.Les Deux Réalités), l'analyse qui en est faite varie singulièrement.
Serge-Christophe Kolm distingue le niveau de croyance populaire dans lequel la réincarnation est tenue pour une réalité du monde physique, et les niveaux plus élevés du bouddhisme, lebouddhisme profond, qui donne à ce concept seulement un sens de parabole. Il s'agirait alors simplement d'une façon imagée et simplifiée de définir un concept trop complexe pour être transmis aux fidèles incapables de le comprendre[62].
Quelle que soit l'interprétation de la « re-naissance », le bouddhisme ne l'enseigne que dans un but : aider le pratiquant à mettre un terme à la souffrance (dukkha).Gautama Bouddha n'analyse pas la seule insatisfaction; il enseigne lesquatre nobles vérités, présentantl'origine de l'insatisfaction,sa cessation et lavoie conduisant à cette cessation. La re-naissance sous forme d'être humain (qualifiée de « précieuse » dans les textes, car seule capable de mener à l'Inconditionné, mais en même temps peu probable) se présente alors comme une belle occasion de sortir du cycle des existences, là où les basses existences ne le permettent pas et où les dieux ne sont pas conscients de la souffrance.
La re-naissance n'est pas un « article de foi » du bouddhisme. À la différence des concepts essentiels de libération (nirvāna) et d'anātman, qui sont caractéristiques du bouddhisme, le thème de la renaissance ou de la vie future peut être ignoré (ce que fait lechán par exemple, qui se préoccupe avant tout de l'« ici et maintenant »).
Le concept utilisé en hébreu est celui de « Gilgul haNeshamot » (héb. גלגול הנשמות, litt. « cycle des âmes »), plus simplementappelé « guilgoul » (héb. : גִּלְגּוּל), un terme qui peut désigner latransmigration des âmes, lamétempsycose ou la réincarnation[63]. Selon ce concept, lesâmes effectuent un « cycle » à travers lesvies ou « incarnations », étant attachées à différents corps au cours du temps. Le corps auquel elles s'associent dépend de leur tâche particulière dans le monde physique, du niveau despiritualité de la ou des précédentes incarnations.
L'idée du « guilgoul » semble avoir été présente depuis dans les croyances populaires juives. Par ailleurs, les commentaires kabbalistiques sur la Bible expliquent le « guilgoul » comme une transmigration des âmes de certains personnages pour réparer les dégâts causés durant leur vie : ainsi,Moïse etJethro sont considérés comme des réincarnations d'Abel etCaïn,David,Bethsabée etUrie comme celles d'Adam,Ève et leserpent ou encoreJob, celle deTerah, père d'Abraham[63]. De nombreux kabbalistes se sont particulièrement intéressés aux réincarnations de l'âme d'Adam. On retrouve de longues explications au sujet de ces « guilgouls » de personnages bibliques dans les écrits deHaïm Vital etMenahem Azariah da Fano[63].
L'ouvrage qui traite le plus directement du sujet est leSha'ar HaGilgulim (La porte des réincarnations), basé sur l'enseignement deIsaac Louria, ou « Ari », à la fin duXVIe siècle, dont lakabbale lourianique influencera durablement les communautés juives du Proche-Orient et d’Europe. Basé sur le commentaire de laparashatMishpatim duSefer Ha Zohar, leLivre de la Splendeur - l'un des ouvrages les plus importants de la Kabbale -, il décrit les lois complexes et profondes de la réincarnation. L'un des concepts de ce livre est l'idée que le « guilgoul » est physiquement réalisé en parallèle avec la grossesse.
Parallèlement au concept de « guilgoul », la kabbale a, à la même époque, développé le concept de « ibbour » - littéralement « grossesse » - pour désigner un processus selon lequel une âme vient en aider une autre, pour une période limitée, dans le corps où celle-ci est déjà en fonction ainsi que celui de « dibbouk », qui désigne un esprit souvent démoniaque qui habite le corps d'un individu[63].
De nos jours, le concept de « guilgoul » est toujours présent dans lejudaïsme populaire traditionnel et orthodoxe[64],[65],[66], tandis que les rabbins qui le défendent expliquent qu'il ne contredit en rien la notion de résurrection telle qu'elle est conçue dans le judaïsme[6]. Pour ces courants, l'âme d'un humain peut ainsi se réincarner dans un corps minéral, végétal ou animal[67]. Néanmoins, le « guilgoul » reste un concept dont la pertinence reste débattue au sein du judaïsme.
Certains groupes ésotériques,spirites outhéosophiques, nés aux alentours duXIXe siècle en parallèle d'un intérêt grandissant pour l'occultisme, décrivent la réincarnation en affirmant s'appuyer sur divers éléments de doctrines religieuses et spirituelles à travers les âges et les lieux, au nombre desquels ils incluent des courants chrétiens antiques.
Dans cette optique,Origène - unPère de l'Église dont la doctrine à ce sujet a été condamnée trois siècles après sa mort auconcile de Constantinople - a souvent été présenté comme « réincarnationniste » au prétexte qu'il admettait la préexistence des âmes dans une sorte de monde supérieur, voire dans la pensée de Dieu[68]. Il n'a cependant jamais enseigné latransmigration des corps, ni humains, ni animaux : c'est l'idée de la préexistence de l'âme au corps, et donc la dissociation des deux, que le concile entendait condamner[68].
S'il est vraisemblable que, parmi les courants du christianisme ancien, certains, à la marge, et particulièrement chez lesgnostiques, ont dû être influencés par lamétempsycoseplatonicienne oupythagoricienne, les chrétiens - qui se singularisent dans le monde grec dans la mesure où leur doctrine relève de la tradition de latranscendance - refusaient la croyance en des existences successives, un enseignement qui ruinerait les fondements de leurs croyances, notamment larésurrection[n 3], ainsi qu'en témoigne l'apparition dès leIIe siècle de traités sur la résurrection[68]. Il est à cet effet notable que lechristianisme syriaque d'Inde, d'une autonomie et d'une tradition assez antiques, bien que dans un environnement hindou, se soit toujours refusé à la croyance en la réincarnation[68].
Au Moyen Âge, lescathares, influencés par le gnosticisme, entendent renouer avec la pureté originelle du christianisme et remportent un certain succès avant d'être combattus par l'orthodoxie dominante. Certainscathares - essentiellement ceux qui évoluent jusqu'audualisme absolu - en viennent, dans une optique théologique qui cherche à innocenter Dieu du mal jusqu'au refus total du concept d'Enfer, à envisager unetransmigration des âmes[69]. Ainsi, le terme « réincarnation » est anachronique et non-adapté au monde médiéval[69]. Cette croyance impliquera pour eux levégétarisme[70]. Le catharisme se distingue du reste des courants chrétiens par la valeur absolue qu'il donne à la prohibition du meurtre, et donc par le fait qu'il l'étend aux animaux susceptibles d'avoir reçu une âme céleste[70].
La réincarnation ne figure pas non plus dans l'islam orthodoxe. Mais quelques courantschiites minoritaires tels que l'ismaélisme, influencés par lenéo-platonisme, croient en la réincarnation (tanasukh)[55]. De même pour certains courantssoufis[71].
Par ailleurs, ladoctrine spirite, codifiée parAllan Kardec dansLe livre des Esprits en 1857, est en partie fondée sur la croyance en la réincarnation[n 4]. Leculte antoiniste, dont le fondateur Louis Antoine s'est intéressé aux ouvrages de Kardec, enseigne aussi la réincarnation après la mort dans un corps humain uniquement, censée refléter le degré d'élévation spirituelle d'un individu. Celui-ci ne se souvient pas de ses vies passées mais peut faire des progrès spirituels afin d'atteindre l'état divin qui le délivrera du cycle des réincarnations[73].
Aujourd'hui, la continuation de cette tradition se retrouve également en partie dans le mouvementNew Age et dans des mouvements religieux tels que lascientologie[74].
Lepsychiatre canadienIan Stevenson est connu pour avoir recherché et analysé des cassuggérant la réincarnation - plus que ne la prouvant formellement selon ses propres termes[75] - concernant des enfants en bas âge encore susceptibles d'avoir le souvenir de leur vie passée[n 5] dont 210 cas d'enfants qui prétendent se rappeler leur vie antérieure et qui ont un défaut de naissance dont le chercheur affirme qu'il existe une corrélation avec une blessure de personnes décédées[n 6]. Un de ses traducteurs en Inde, H.N. Banerjee, docteur dans le département de parapsychologie de l'université de Rajasthan(en), invente l'expression de « mémoire extra-cérébrale » pour désigner les souvenirs (réels ou supposés) de vies antérieures, dans la mesure où ces souvenirs ne peuvent être logiquement reliés au cerveau du sujet qui prétend les avoir, ou bien sont reliés au cerveau d'un défunt[76].
Ces travaux sont largement rejetés par la communauté scientifique[3] parce qu'ils se basent sur des témoignages et que Stevenson a pu être trompé par des familles, l'influence des traducteurs et leurs croyances[77], sur les parti pris des membres de son équipe, sa propension aubiais de confirmation[77] - Stevenson n'a pas publié les résultats contradictoires à son hypothèse -, voire sa crédulité[3]. Ses études de cas dexénoglossie ont été critiquées par deslinguistes car manquant de preuves suffisamment solides : les sujets étudiés (en état d'hypnose) n'ont qu'un faible vocabulaire (une centaine de mots) et ne font pas de phrases complexes en guise de réponse aux questions qu'on leur pose, se limitant à quelques mots[78],[79].
Stevenson trouve cependant des défenseurs, voire des admirateurs, à l'instar du religieux bouddhisteAjahn Brahm[80] ou de l'historien bouddhisteDominique Lormier[81]. Selon le chercheurJ. Gordon Melton, les recherches de Stevenson sur laxénoglossie apportent des preuves substantielles en faveur de la réincarnation et selon lui personne jusqu'ici (en 2007) n'a produit une réfutation convaincante de son travail[82].
Il a été suggéré qu'une forme de réincarnation artificielle (sans mort réelle) pourrait être créée. C'est l'une des idées visant à nuancer celle qui dit qu'une espérance de vie grandement augmentée (ou même l'immortalité) serait synonyme d'ennui. Cette idée s'inscrit dans le couranttranshumaniste.
Les souvenirs d'un être vivant pourraient être totalement ou en partie effacés. Il pourrait alors découvrir à nouveau ce qu'il a oublié volontairement, peut-être même depuis le stade de la naissance. Il pourrait alors vivre une nouvelle « vie ».
Des scientifiques s'intéressent déjà à des traitements permettant d'oublier des expériences spécifiques (des évènements traumatisants), et les recherches actuelles sur l'amnésie révèlent progressivement les mécanismes de l'oubli.
Dans le contexte plus futuriste dutransfert de l'esprit sur ordinateur, l'effacement de souvenirs sélectionnés serait vraisemblablement une simple formalité. Tout cela relève bien sûr, pour l'instant, du domaine de la science-fiction et de la pure spéculation.
D'autres auteurs dénoncent la réincarnation comme une doctrine non-orthodoxe ou non-traditionnelle, issue d'une mauvaise compréhension de textes anciens par des auteurs ayant confondu le symbole avec la chose symbolisée.
Dans une approche philosophique marquée d'unpessimisme existentiel radical —une véritable « philosophie de l'ennui »[83] —Arthur Schopenhauer voit dans la réincarnation une métaphore pour expliquer l'identification nécessaire de l'individu avec toute créature, avec tout ce qui vit, car tous sont dotés du même « vouloir-vivre » qui seul se transmet, à la différence de l'âme ou de l'intellect. Se démarquant ainsi desspirites et « des absurdités qui accompagnent la doctrine de la métempsycose », il ne croit pas en une réincarnation personnelle, mais, à la suite du « bouddhisme ésotérique », il développe l'idée depalingénésie[84], non sans reprocher au passage au judaïsme et au christianisme d'avoir rejeté la réincarnation, « cette conviction primitive et consolante pour l'humanité »[85].
PourDenis Müller, l'approche de Schopenhauer a l'intérêt de ramener aux sources orientales de la réincarnation, posant l'antithèse d'un « réincarnationnisme » occidental optimiste, progressiste et évolutionniste des modernes incarné parG. E. Lessing ouRudolph Steiner[85].
Maharshi : « La réincarnation ne peut exister qu'aussi longtemps que l'ignorance existe. Il n'y a pas de réincarnation, il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais. Voilà la Vérité. »
Auditeur : « Qu'est-ce que le faux soi ? »
Maharshi : « Ce soi-là, l’ego apparaît, disparaît. Il est transitoire, tandis que le vrai Soi est permanent. Bien que vous soyez le vrai Soi, vous identifiez à tort le Soi réel avec le faux soi. »
En 1923,René Guénon affirme dans son ouvrageL'Erreur Spirite que la réincarnation est une impossibilité contraire à tous les enseignements des doctrines traditionnelles orthodoxes :« Le terme de « réincarnation » doit être distingué de deux autres termes au moins, qui ont une signification totalement différente, et qui sont ceux de « métempsycose » et de la « transmigration » ; il s’agit là de choses qui étaient fort bien connues des anciens, comme elles le sont encore des Orientaux, mais que les Occidentaux modernes, inventeurs de la réincarnation, ignorent absolument. […] Les anciens, en réalité, n’ont jamais envisagé une telle transmigration (de l'homme dans des animaux ou l'inverse), pas plus que celle de l’homme dans d’autres hommes, comme on pourrait définir la réincarnation »[87].
DansLe symbolisme de la croix et dansLes états multiples de l'être, Guénon explique que notre monde n'est qu'un état parmi une multitude indéfinie d'autres mondes actuellement inaccessibles. La modalité corporelle (celle que saisissent nos sens et qu'étudie la science) dans toute son extension possible, incluant entièrement le temps et l'espace, n'est qu'un plan de réalité dans une succession indéfinie d'autres mondes que doit traverser notrepersonnalité supérieure. À la mort, tout ce qui est soumis à ce monde et qui caractérise un individu est dissous (y compris la mémoire et la force vitale ou psychique) et l'esprit passe dans un autre monde, sans souvenir du précédent. Dans cette chaîne interminable, repasser par le même état (le même monde) est une impossibilité métaphysique. Pour Guénon, la transmigration et les « renaissances » innombrables dont parlent les textes sacrés ne s'effectuent jamais deux fois dans le même monde. Lors de la dissolution qui suit la mort, certains complexes psychiques abandonnés par le défunt peuvent être captés par de nouveaux individus naissants. Tels certains souvenirs ou certaines aptitudes physiques ou intellectuelles, cela expliquant aussi tous les phénomènes exceptionnels que les tenants de la réincarnation, quand ils sont de bonne foi, proposent comme preuve de leur théorie.
PourAnanda K. Coomaraswamy la réincarnation vient d'une incompréhension populaire de la doctrine de la transmigration et ne fait pas partie des doctrines de l'hindouisme :« bien que les écrits anciens et récents ainsi que les pratiques rituelles de l’Hindouisme aient été étudiés par des érudits européens depuis plus d’un siècle, il serait à peine exagéré de dire que l'on pourrait parfaitement donner un exposé fidèle de l’Hindouisme sous la forme d’un démenti catégorique à la plupart des énoncés qui en ont été faits, tant par les savants européens que par les Hindous formés aux modernes façons de penser sceptiques et évolutionnistes. Par exemple… La notion de « réincarnation », au sens ordinaire d’une renaissance sur la terre d’individus défunts, représente seulement une erreur de compréhension des doctrines de l’hérédité, de la transmigration et de la régénération »[88].
« Il est tout à fait contraire au Bouddhisme, aussi bien qu'au Vêdânta, de penser à « nous-mêmes » comme à des êtres errant au hasard dans le tourbillon fatal du flot du monde (samsâra). Notre Soi immortel est tout, sauf une « individualité qui survit ». Ce n'est pas cet homme, un tel ou un tel qui réintègre sa demeure et disparaît à la vue, mais le Soi prodigue qui se souvient de lui-même »[89].
↑« Yajnavalkya, poursuivit Artabhaga, lorsque l'organe de la parole du mourant se fond dans le feu, son souffle dans l'air, sa vue dans la lumière solaire, son mental dans la lumière lunaire, son ouïe dans les directions de l'espace, son corps physique dans la terre, l'Akasha de son cœur dans l'Akasha de l'espace externe, les poils de son corps dans le tapis végétal de la terre et ses cheveux dans les arbres, son sang et sa semence dans l'eau, où donc se trouve alors cet homme ? » « Tends-moi la main, cher Artabhaga, répliqua Yajnavalkya, et nous irons décider de cela entre nous, ce qui est impossible au milieu d'une telle foule. » Ils se mirent à l'écart et débattirent longuement la question ; ce dont ils parlèrent fut essentiellement le karma, le domaine de l'action, et ce qu'ils déterminèrent comme louable fut aussi le karma. Car c'est par l'action juste que l'on devient bon, et par l'action erronée que l'on devient mauvais. Finalement, Artabhaga, de la lignée de Jaratkaru, demeura silencieux. » (Brihad-âranyaka-Upanishad, III.2.13)
↑« Ce sont encore les Égyptiens qui, les premiers, ont dit que l'âme humaine est immortelle et qu'au moment où le corps périt, elle vient se loger dans un autre être vivant qui naît alors ; que, lorsqu'elle a habité tour à tour toutes les espèces terrestres, aquatiques et aériennes, alors elle pénètre de nouveau dans le corps d'un homme à l'instant où il naît, après une migration de trois mille ans. » — Hérodote,Enquête, II, 123.
↑Lesymbole de Nicée-Constantinople, qui définit la doctrine chrétienne, se conclut par :« nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir ». La croyance en la réincarnation s'oppose, en effet, au dogme de la « résurrection des morts » à la fin des temps et à celui de l'incarnation
↑"C'est à la moitié duXIXe siècle que cette doctrine connut un grand succès dès la parution du premier des cinq ouvrages qui en constituait lecorpus sacré. Fondée sur la croyance en la réincarnation d'un même esprit dans des corps différents au long des siècles, elle s'insère dans un mouvement de pensée à la fois scientifique et philosophique qui s'est développé en France avant la Révolution..." Marion Aubrée,La nouvelle dynamique du spiritisme kardéciste, Institut de l'information scientifique et technique, CNRS, 2000.
↑« un enfant entre 2 et 4 ans commence à parler à sa famille d’une vie qu’il a menée ailleurs. L’enfant est profondément attiré par les événements de sa vie passée et il insiste beaucoup pour qu’on le laisse retourner dans la famille où il prétend avoir vécu. S’il donne suffisamment de précisions sur sa vie antérieure, les parents se livrent à une enquête sur l’exactitude des propos de l’enfant. Si les vérifications aboutissent, les deux familles se rencontrent et demandent à l’enfant s’il reconnaît les lieux, les objets et les personnes de sa supposée vie antérieure. » (Source :Erik Pigani, « J’ai recensé 14 000 cas de réincarnation : Entretien avec Ian Stevenson », surPsychologies.com,(consulté le)
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Jean-Marie Détré, avec la collaboration de Joseph Hériard Dubreuil,La Réincarnation et l'Occident, tome 1 (de Platon à Origène) et tome 2 (d'Origène à Lessing), Paris, éditions Triades, 2003 et 2005.