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Réalité

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Pour le film de Quentin Dupieux, voirRéalité (film).

Laréalité désigne l’ensemble desphénomènes considérés commeexistant effectivement. Ceconcept désigne ce qui estphysique, concret, par opposition à ce qui est imaginé, rêvé ou fictif[1]. Si l'usage du mot est initialementphilosophique, particulièrement dans sa brancheontologique, il a intégré le langage courant et donné lieu à des usages spécifiques, notamment enscience.

Définitions : étymologies et histoire du mot

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D'aprèsLeibniz,« les phénomènes mêmes sont des réalités ».

LeDictionnaire Larousse donne de « réalité » (du latin médiévalrealitas, du latin classiquerealis, deres, « chose ») les définitions suivantes :« caractère de ce qui est réel, de ce qui existe effectivement » ;« ce qui est réel, ce qui existe en fait, par opposition à ce qui est imaginé, rêvé, fictif » ;« vie réelle, telle qu'elle est, par opposition aux désirs, aux illusions » ;« chose réelle, fait réel »[2].En philosophie, leLalande définit la « réalité » comme A : le« caractère de ce qui est réel, à l'un quelconque dessens de ce mot » ; B :« ce qui est réel, soit qu'on le considère dans un de ses éléments (une réalité), soit qu'on le considère dans son ensemble (la réalité) »[3]. Au sens B,Leibniz est cité :

« Quand on accorderait que certaines natures apparentes, qui nous font donner des noms, n'ont rien d'intérieur commun, nos définitions ne laisseraient pas d'être fondées dans les espèces réelles : car les phénomènes mêmes sont des réalités »

— Leibniz,Nouv. Essais, III, VI, 13[3].

Étymologies et équivalences selon les langues

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Dans la philosophie scolastique deDuns Scot, larealitas désigne le« caractère réel » de quelque chose ou de quelqu'un.

Le terme françaisréalité, tout comme ses équivalentsanglais (reality),allemand (Realität),suédois (realitet),italien (realità) ouespagnols (realidad) dérive d'unmot forgé auXIIIe siècle par lephilosophescolastiqueDuns Scot : larealitas.

LeLalande donne de « réalité » les équivalences suivantes : en allemand →Realität,Wirklichkeit ; en anglais →reality et souvent (sens A) comme pour « réel »,actual,actualness ; en italien →realità[3].

Étymologiquement, le nom féminin « réalité » en français, d'abordreellité (vers 1290), puisrealté (XIVe siècle) etréalité (vers 1550), est emprunté, à la suite deréel, au latin médiévalrealitas, -atis, dérivé derealis pour « réel »[4].Realitas correspond à « bien, propriété » (vers 1120) et, dans l'usage scolastique, le terme désigne le« caractère réel » de quelque chose ou de quelqu'un (Duns Scot, vers 1300)[4]. En suivant le même développement enphilosophie que l'adjectif « réel », il désigne ensuite enthéologie« la présence réelle de Dieu dans l'Eucharistie (1680) » , tandis qu'enart (1762), il précède« réalisme »[4]. LeDictionnaire historique de la langue française signale également l'élaboration enpsychanalysefreudienne du concept de « principe de réalité » (1923), contemporain de « principe de plaisir » et d'« épreuve de réalité » (1922)[4].

En allemand, à côté du motRealität formé surreal dérivé du latinres (chose), le nomWirklichkeit (réalité) est formé sur l'adjectifwirklich qui signifie aujourd'hui :« réel, actuel, positif, effectif », mais aussi« vrai, véritable, authentique », et en tant qu'adverbe« réellement, effectivement, en effet, vraiment, en vérité, de fait, pour de bon […] »[5],[6].Wirklich est formé à partir du verbewirken (aujourd'hui : produire, fabriquer, travailler, avoir comme résultat, agir, produire de l'effet…), dérivation du substantifWerk (aujourd'hui : travail, ouvrage, œuvre…). Étymologiquement,Werk etwirken sont apparentés avec le grecergon (comme pour le motÉnergie) : « travail »[5],[6].Ergon se rattache à une racineindoeuropéenne *werg-, « agir », qu'on retrouve dans leslangues germaniques (anglaisto work, allemandwerken)[7].

Selon leVocabulaire européen des philosophies, si le néologismerealitas ne pose pas de problème de traduction dans différentes langues, l'équivalence qu'il pose entre réalité, formalité,quiddité, et possibilité interne implique que le vocabulaire de l'ontologie soit redistribué jusqu'aprèsKant : on peut ainsi retrouver une identité entre la réalité et le caractère quidditatif (laSachheit) mais aussi entre réalité et factualité voire actualité (dans le registre de l'effectivité, laWirklichkeit en allemand)[8]. On retrouve, malgré tout et avec une amplitude diverse, dans toutes les langues européennes l’ambiguïté entreexistence etessence[8].

Tradition scotiste

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Construit à partir du latinres, lachose, ce concept désigne alors à la fois leprincipe et l’actualité d'unobjetdonné. Dans la traditionscotiste, la réalité d'une pierre comprend à la fois sonessence (l'idée de pierre qui permet d'identifier toutes les pierres existantes) et sonconcret (cette pierre en particulier)[9].

Unscholiaste deDuns Scot,Pierre Auriol note ainsi que« le terme « chose » se prend en deux acceptions : d'une part au sens d'unechose essentielle, — et alors il n'est pas vrai que l'être de la pierre ne soit que sa réalité —, d'autre part au sens de laréalité actuelle, et alors cela est vrai ; il en résulte que dans la pierre existant effectivement, il y a deuxréalités, (l'une essentielle, la pierréité, et l'autre accidentelle, à savoir l'actualité) »[9].

L'acception scotiste de laréalité domine la penséeeuropéenne jusqu'à la fin duXVIIe siècle.Publié en1692, leLexicon rationale seu thesaurus philosophicus d'Étienne Chauvin ne voit dans ce terme qu'une caractéristique de l’entièreté de la chose.« la doctrine des Scotistes »[9].

Approche cartésienne

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Dans laTroisième méditation,Descartes développe le thème d'une réalité objective de l'idée.

Des acceptions concurrentes ont pourtant déjà émergé plus tôt dans le siècle. Dans saTroisième méditation,René Descartes développe le thème d'uneréalité objective très éloignée de larealitas des scotistes : la réalité objective c'est tout ce qui se distingue à la fois de la fiction et de « l'être de raison ». Laréalité objective de l'idée désigne ainsi ceprocessus mental dereprésentation qui attache une idée à une chosepositive[9].

Réalité comme « effectivité », sensualisme et empirisme anglais

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Hume oppose le réel, ce qui existe effectivement, au possible.

Lessensualistes anglais radicalisent l'approchecartésienne. ChezGeorge Berkeley lareality devient presque synonyme d’effectivity.Dans sonTraité de la nature humaine,David Hume oppose clairement le réel aupossible : appartient au réel non pas ce qui peut exister, mais ce qui existe effectivement[9].

Réel et / ou réalité en philosophie

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D'après leVocabulaire technique et critique de la philosophie d'André Lalande, il y aurait dans l'usage des mots « réel », « réalité,« deux grands concepts primitivement distincts, mais aujourd'hui mêlés si étroitement qu'on n'en peut le plus souvent faire le départ »[10] :

  1. Unsens se rattache à l'idée dechose« en tant qu'objet de pensée » (something en anglais : quelque chose) ; c'est l'actuel, le donné :« il comprend toute la matière de la connaissance, tout ce qui est présent ou présenté »[10]. Mais « actuel » et « actualité » (termes voisins :actual;actuality en anglais ;wirklich,Wirklichkeit pris au sens propre en allemand) n'ayant plus guère en français qu'une valeur temporelle,« réel etréalité ont hérité de ce sens »[10] ;
  2. Un sens se rattache également à l'idée de « chose »,« mais au sens plein de ce mot : ce qui constitue un objet défini, logique, permanent, ayant une certaine autonomie ; ce qui présente un caractère d'efficacité, de valeur commune […] »[10]. Cette chose ou ce réel peut être alors conçu« comme entièrementphénoménal, comme immanent à lareprésentation », et c'est même ainsi que le mot « réel » s'emploie le plus ordinairement, dit Lalande en donnant l'exemple de « l'arc-en-ciel » qui n'est pas un objetréel alors que l'air en est un (référence est faite àIdentité et réalité d'Émile Meyerson). Selon lui,« Le réel construit s'oppose au réel donné. L'un est leterminus a quo, l'autre leterminus ad quem »[10].

Rapport aux mondes existants

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« La philosophie se trouve gravement embarrassée lorsqu'elle doit indiquer en quoi consiste le caractère de l'être-réel, sonexistentia. La réalité est un mode fondamental de l'être de l'étant en relation avec lapossibilité et lanécessité. Tout ce qui est réel est aussi au moinspossible mais pas toujours également nécessaire [...] Ainsi conçue la réalité est prise pour une modalité ontologique deschoses [...]. L'homme tente de sortir de ce dilemme en rapportant l'étant objectif au sujet qui se le représente. Si la représentation n'est pas soumise à l'arbitraire du sujet, si celui-ci ne peut pas combiner à son gré les contenus de la représentation, mais qu'il fait l'expérience d'une contrainte positive, l'objet sera dit réel » écritEugen Fink[11], dans son livreLe jeu comme symbole du monde.

PourPlaton, il faut dépasser l'apparence sensible, fugace et changeante des choses, pour accéder au monde des idées, qui fonde tout ce qui existe dans le monde sensible, et en permet la connaissance. L'apparence sensible est donc une forme d'illusion, en tout cas d'imperfection de l’archétypeparfait. Le monde physique dans lequel les êtres humains évoluent n'est qu'une représentation, une copie, des Idées.Kant en revanche considère que la réalité pour l’être humain n'est rien d'autre que celle qui lui apparaît, sa manifestation sensible ; elle est donc d’ordre phénoménal, lachose en soi étant, elle inconnaissable. Du coup, du fait de cette dissociation, la réalité n'est pas conçue commeidentique ouéquivalente à lavérité.[réf. nécessaire]

Les « trois mondes » deKarl Popper.

Le philosopheKarl Popper a proposé une approche différente de la réalité. Il a découpé le réel en trois mondes[12] (Métaphysique des trois mondes) :

  1. Le monde 1 des objets physiques, vivants ou non ;
  2. Le monde 2 des ressentis et des vécus, conscients et inconscients ;
  3. Le monde 3 des productions objectives de l'esprit humain (aussi bien des objets que des théories, ou des œuvres d'art).

Selon cette approche, les contenus de pensée comme les rêves, les fictions, les théories font partie du réel. Le réel est donc pris dans un sens de « tout ce qui existe ». Cependant, Raynald Belay souligne dans leDictionnaire des concepts philosophiques que « [m]ême si elle suppose conceptuellement l'identité, la permanence et l'univocité, la réalité ne peut être invoquée que sur le fond d'une différence première entre elle et ce dont on la distingue (apparence, phénomène, simulacre, rêve, illusion, idée ou idéal...), ce qui soulève une difficulté, puisque ce qui n'est pas la réalité et se confond parfois avec elle doit participer de celle-ci pour exiger cette discrimination »[13].

Réalité et réel en psychanalyse

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Réalité chez Freud

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Articles détaillés :Réalité psychique etprincipe de réalité.
Enpsychanalyse,Sigmund Freud forge le concept deréalité psychique.

Le terme « réalité psychique » désigne chezSigmund Freud ce qui dans lepsychisme« présente une cohérence et unerésistance comparables à celles de la réalité matérielle »[14]. Enpsychanalyse, il s'agit fondamentalement du« désirinconscient et desfantasmes connexes »[14].

Leprincipe de réalité est pour Freud l'un des deux principes qui régissent le fonctionnement mental ; en tant que principe régulateur,« il forme couple avec leprincipe de plaisir qu'il modifie »[15] : au lieu de s'effectuer« par les voies les plus courtes », la recherche de satisfaction emprunte des détours et ajourne dès lors son résultat« en fonction des conditions imposées par le monde extérieur »[15]. Du point de vuetopique, le principe de réalité caractérise surtout le systèmepréconscient-conscient[15].

SelonJean Laplanche,« bien des textes deFreud ne permettent pas d'établir une différence systématisée entreRealität etWirklichkeit »[16]. Mais enmétapsychologie, l'usage des termesReal (réel) ouRealität (réalité) s'avère spécifique, ainsi pourpsychische Realität (réalité psychique),Realverlust (perte de réalité),Realbeziehung (relation au réel),Realitätsprinzip (principe de réalité)[16]. Les nouvelles traductions desOCF.P ont toutefois marqué les termes enwirklich par le terme français « effectif » en raison de la proximité étymologique, et cette distinction ayant déjà été faite, d'après Laplanche, dans les traductions deHegel parJean Hyppolite[16].

Réel chez Jacques Lacan

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Article détaillé :Réel, symbolique et imaginaire.
ChezJacques Lacan, le Réel est parfois désigné comme« l'impossible ».

SelonÉlisabeth Roudinesco et Michel Plon, c'est en empruntant à la fois au vocabulaire philosophique et au conceptfreudien deréalité psychique queJacques Lacan introduit en 1953 le terme de « Réel » (employé comme substantif) dans sa conférence sur « Le Symbolique, l'Imaginaire et le Réel », pour désigner« une réalité phénoménale, immanente à lareprésentation et impossible à symboliser »[17] entièrement par le langage. Parfois désigné également comme« l'impossible », c'est« un objet d'angoisse par excellence »[18].

D'après Pierre-Christophe Cathelineau, le réel se définit comme« ce que l'intervention du symbolique pour un sujet expulse de la réalité »[19], il s'oppose donc à la réalité mise en ordre par le symbolique (ce que la philosophie désigne comme représentation du monde extérieur) mais peut faire retour dans celle-ci sous la forme d'hallucinations dans le cas de psychoses fondées sur laforclusion[18].

La réalité dans les sciences

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Max Planck

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PourMax Planck, « la question de savoir ce qu'est une table en réalité ne présente aucun sens. Il en va de même ainsi de toutes les notions physiques. L'ensemble du monde qui nous entoure ne constitue rien d'autre que la totalité des expériences que nous en avons. Sans elles, le monde extérieur n'a aucune signification. Toute question se rapportant au monde extérieur qui ne se fonde pas en quelque manière sur une expérience, une observation, est déclarée absurde et rejetée comme telle »[20]. Par conséquent, la couleurrouge est la réalité pour le voyant et n'est pas la réalité pour l'aveugle. La notion de réalité dépendant des expériences vécues, elle est donc nécessairement variable en fonction des individus.

Richard Dawkins

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Richard Dawkins estime qu'on peut définir la réalité commece qui peut rendre les coups (« reality is what can kick back »)[réf. nécessaire]. C'est, selon lui, le seul critère qui permet de la distinguer, sans discussion possible, de l'illusion.

Casque deréalité virtuelle appeléHTC Vive.

Cette définition particulière a pour effet de définir commeréelles :

  • laréalité virtuelle (ce qui justifie d'ailleurs l'emploi du terme de « réalité ») ;
  • les nombres premiers ; en effet, aucune décision arbitraire ne peut empêcher un nombre premier de l'être, ni deux personnes qui n'ont jamais communiqué ensemble et vivent sur deux continents différents de découvrir les mêmes sans jamais s'être concertés.

Cette position est voisine de celle de l'écrivainPhilip K. Dick pour qui « la réalité, c'est ce qui continue à s'imposer à vous quand vous cessez d'y croire »[21].

La notion de réalité dans le constructivisme

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Selon lapensée constructiviste, qui s'oppose partiellement auréalisme, la réalité serait une expérience inévitablement relative à celui qui l'appréhende. Laconnaissance ne permet pas, dans cette logique, d'accéder a une perception « plus vraie » des choses ; elle serait plutôt une donnée, une réalité en soi, celle de l'expérience de ce qui est. Le constructivisme postule ainsi la réalité comme une construction de l'esprit qui resterait toujours relative à celui qui la perçoit comme une réalité.

Edgar Morin préfère parler de coconstructivisme pour éviter l'image d'une réalité issue d'une construction exclusivement mentale. Il exprime ainsi une « collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité »[réf. nécessaire].

Construction (ou reconstruction) sociale et socioculturelle de la réalité

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Avant l'Internet 2.0

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Ce que nous qualifions de « réel » est aussi le produit d'uneconstruction sociale qui évolue tout au long de la vie, grâce à l'auto-apprentissage, à l'éducation et à l'information par les pairs notamment. Au cours du temps, l'évolution de la connaissance scientifique modifie aussi cette construction de la réalité[22]. L'étude de ces processus a déjà une histoire relativement dense[23].

En1971, Berger et Luckmann dansThe Social Construction of Reality insistent sur le rôle de l'apprentissage au quotidien (via l'action et la pratique), mais aussi sur le rôle de la communication[24]. Comprendre ces processus offrent une base pour mieux saisir ce que Couldry et Hepp (2017) appellent« la constructionmédiée de la réalité », car, selon eux, les « technologies » de communication (oralité, écriture, puis téléphone et NTIC jusqu'àWhatsApp de nos jours) ont toutes eu un impact sur la façon dont l'humanité a communiqué[25]. Pour Till (2020)« l’ampleur de l'intégration des médias numériques dans nos vies conduite à un état sans précédent de « médiatisation profonde » »[22]. Ces bouleversements du contexte médiatique ont aussi bouleversé la dynamique fondamentale des figurations sociales, et donc les modes de production du sens[25].

À l'ère d'Internet et des réseaux sociaux numériques (post-vérité…)

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Selon Gotved (2006) dans la Webosphère naissante, certains aspects « en ligne » de la réalité sociale se construisent via les histoires et archives partagées, et d'autres via lesmétaphores, les objets virtuels et les restrictions et potentialités programmées dans les interfaces[26].

Mais rapidement cette construction en ligne de la réalité est de plus contrôlée et centralisée par les « plates-formes » (Google,Facebook,Twitter…) qui dans les années 2010 dominent largement les interactions en ligne[27],[28],[29].Ainsi le « graphe social » de Facebook cartographie les interactions entre internautes et avec les pages, vidéos et groupes visités, avec les publicités qu'il regarde, afin de créer des assemblages et bulles de filtres qui, selon Arvidsson (2016) ne sont pas nécessairement fidèlement représentatifs des vies et des processus réels des internautes[30].

Pour Angermuller (2018)[31] et Sismondo (2018)[32] les vérités sont aussi« le produit de pratiques discursives et de relations matérielles de pouvoir et d'économie politique ». Unerhétorique récente issue delobbys, souvent ditepopuliste semble avoir inventé lespost-vérités, tout en politisant et/ou discréditant la connaissance scientifique à son profit dans le contexte de réseaux sociaux amplifiant et accélérant les fake-news par rapport aux vérités[22].

Les contenus de lablogosphère et desmédias sociaux, dont les réactions immédiates envoyées surTwitter ont commencé à constamment interférer avec notre vision du monde, alertaient (Couldry et Mejias en2018[33], après Couldry et Van Dijck en2015[34], et à être reprises (sans le temps de l'analyse et du recul) par les médias papier et audiovisuels grand public notait déjà Lăzăroiu en 2014[35]. Ceci a considérablement accéléré les flux entre les trois types de réalité qu'Adoni et Mane (1984) qualifient de1) objective, 2, symbolique et 3) sociale et subjective[36].
Désormais, chaque individu 'connecté' peut (honnêtement ou non, bénévolement ou non) présenter sur le Web sa propre interprétation de faits sociaux, techniques, scientifiques ou du monde (il exprime alors une réalité subjective)[22]. Mais cet avis peut immédiatement être repris et largement diffusé commecontenu par des groupes, lobbys ou médias grand public qui ainsi tendent à lecrédibiliser. D'un statut « subjectif » cet avis individuel passe alors à un statut de « réalité symbolique » assumée par d'autres, et il ressemble à une « réalité objective » (faits réellement existants), car les médias sociaux contribuent maintenant à façonner la « réalité objective » dont en prenant une part croissante dans le débat socioculturel et politique, ce qui oblige des personnalités politiques ou médiatiques à réagir (ou sur-réagir), ce qui augmente le poids politique et médiatique de l'avis (quelle que soit sa véracité ou son utilité sociale)[22].

En2015, des chercheurs comme Bilić estimaient que la « réalité objective » semble ainsi s'éloigner de la « réalité subjective »[37]. Cet éloignement est d'autant plus important, que :

  • d'une part les processus par lesquels la « réalité objective » est construite sont obscurcis ou déniés, comme cela est courant dans le monde en ligne[22] ;
  • d'autre part car nosbulles de filtres sont produites par desboites noires (l'algorithmique des GAFA qui choisissent dans le colossal flux d'information et de publicités celles qui vont nous être présentées, supposément selon nos « préférences », mais en réalité selon des critères relevant dusecret commercial et dusecret des affaires)[22] ;
  • et enfin car desbots ou desusines à trolls peuvent aisément faire croire qu'un grand nombre de gens croient « vrai » un mensonge. Ce faisant, il devient possible de faire passer une fake-news pour un fait plausible ou réel, généralement dans un contextecomplotiste, qui contribue aussi à lafabrique du doute et du déni. Dans tous les cas, l'attention de la cible est détournée de complots biens réels, pilotés et organisés par ceux qui financent et mettent en œuvre le « contrôle réflexif » de l'information (technique issue de laguerre psychologique « moderne »).

Autres

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En1981, l'ouvrage collectif intituléL'invention de la réalité[38] présente ce qu'est le ressenti de la réalité, et explique également comment il peut évoluer. Cette exploration est établie sous la direction dePaul Watzlawick,psychologue analytique,jungien de formation, qui a lui-même écrit sur le sujet, en 1976, dansLa réalité de la réalité[39].

Les travaux récents du neurologueDavid Eagleman (en), et de ses pairs, mettent en lumière les difficultés que l'on rencontre lorsqu'il s'agit de comprendre le monde réel[réf. nécessaire]. Les nouvelles technologies d'imagerie médicale permettent de voir les zones du cerveau impliquée dans la perception[réf. nécessaire].

La réalité selon les religions

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Bouddhisme

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Lebouddhisme distinguedeux réalités : la réalité relative et la réalité absolue.
Article connexe :Les Deux Réalités.

Dans lebouddhisme, des enseignements distinguent la réalité (ou vérité) relative, conventionnelle, de la réalité absolue. La première concerne les phénomènes et leur apparence ; la seconde se rapporte à la nature« essentielle et ultime » des choses. Cette distinction donne lieu à des différences d'interprétation entre les écoles. Par exemple, dans lebouddhisme mahayana, pour l'écoleChittamatra,« seule la conscience est ultimement réelle » et pour l'écoleMadhyamika, la réalité absolue est« vacuité de tous les phénomènes, y compris de la conscience, leur absence d'être en soi »[40]. Pourles écoles de Nichiren, la réalité ultime de tous les phénomènes estShohō jissō(諸法実相) c’est-à-dire la« vérité ultime ou réalité qui pénètre tous les phénomènes et n’est en rien séparée d’eux »[41].

Religions abrahamiques

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Pour lesreligions abrahamiques, la réalité a été créée et mise en forme parDieu, le créateur du monde et des êtres vivants. Tout ceci est une vérité révélée par les prophètes de Dieu afin que les croyants se souviennent d'où ils viennent et que rien n'est le résultat duhasard.

Théologie chrétienne

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Prêtre célébrant l'eucharistie.
Articles détaillés :Présence réelle etTranssubstantiation.

Les chrétiens, notamment dans lecatholicisme, croient en laprésence réelle du Christ au moment de la célébration du sacrement de l'eucharistie[4],[42].

Citations

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  • « Ma main se sent touchée aussi bien qu’elle touche. Réel veut dire cela, rien de plus »,Paul Valéry, Mon Faust, Œuvres Pléiade, Tome 2
  • « La réalité, c'est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d'y croire »,Philip K. Dick[21]
  • « Comment définir le réel ? Ce que tu ressens, vois, goûtes ou respires, ne sont rien que des impulsions électriques interprétées par ton cerveau », Morpheus dansThe Matrix.

Notes et références

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  1. Larousse encyclopédique en deux volumes - 1994-2003p. 1310
  2. « Définition de « réalité » dans le Dictionnaire Larousse », surwww.larousse.fr(consulté le)
  3. ab etcAndré Lalande,« Réalité », dansVocabulaire technique et critique de la philosophie,,p. 894.
  4. abcd eteAlain Rey (dir.), « Réel, elle » inLe Robert. Dictionnaire historique de la langue française, (1992),Dictionnaires Le Robert, 2000, tome 3,(ISBN 2-85036-565-3)p. 3129-3131.
  5. a etb Heinrich Mattutat,Weis / Mattutat. Wörterbuch der französischen und deutschen Sprache II. Deutsch-Französisch, Stuttgart, Klett Verlag, 1967(ISBN 3-12-523200-7).
  6. a etb(de)Der grosseDuden. Étymologie (vol. 7), Bibliographisches Institut Mannheim, Dudenverlag, 1963, « wirken » → « Wirklichkeit », « Werk »p. 767-768, 762.
  7. Alain Rey (dir.), « Énergie » inLe Robert. Dictionnaire historique de la langue française, (1992), Dictionnaires Le Robert, 2000, tome 1,p. 1238.
  8. a etbBarbara Cassin (dir.),Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, Le Robert,(ISBN 2-02-030730-8),p. 1060
  9. abcd eteJean-François Courtine, Articleréalité dansVocabulaire européen des philosophies,p. 1060-1065.
  10. abcd eteAndré Lalande,« Réel », dansVocabulaire technique et critique de la philosophie,,p. 900-902.
  11. Eugen Fink 1993,p. 71
  12. Three Worlds, conférence de Karl Popper
  13. Raynald Belay, « Réalité », dans Michel Blay (dir.),Dictionnaire des concepts philosophiques, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2006,p. 678.
  14. a etbJean Laplanche etJ.-B. Pontalis,Vocabulaire de la psychanalyse (1967), entrée : « Réalité psychique », Paris, P.U.F., 1984 (8e édition),p. 391-392.
  15. ab etc Jean Laplanche et J.-B. Pontalis,Vocabulaire de la psychanalyse (1967), entrée: « Principe de réalité », Paris, P.U.F., 1984 (8e édition),p. 336-339.
  16. ab etcJean Laplanche,« Réalité », dans André Bourguignon, Pierre Cotet, Jean Laplanche, François Robert,Traduire Freud,,p. 132.
  17. Roudinesco et Plon (2011).
  18. a etbCathelineau (2009), p. 491.
  19. Cathelineau (2009), p. 490.
  20. Max Planck,L'image du monde dans la physique contemporaine
  21. a etb"Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away.", in"How To Build A Universe That Doesn't Fall Apart Two Days Later" (1978)
  22. abcdef etg(en) ChristopherTill, « Propaganda through ‘reflexive control’ and the mediated construction of reality »,New Media & Society,‎,p. 146144482090244(ISSN 1461-4448 et1461-7315,DOI 10.1177/1461444820902446,lire en ligne, consulté le)
  23. (en) Burr, V (2003) Social Constructionism. London: Routledge ; voirp. 10-15
  24. (en) Berger, PL, Luckmann, T (1971) The Social Construction of Reality: A Treatise in the Sociology of Knowledge. London: Penguin Books.
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  27. (en) Casilli, A, Posada, J (2019) The platformization of labor and society. In: Graham, M, Dutton, WH (eds) Society and the Internet; How Networks of Information and Communication Are Changing Our Lives. Oxford: Oxford University Press,p. 293–306.
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  42. « Transsubstantiation », sur le site de laConférence des évêques de France, consulté le 30.01.2021.

Voir aussi

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Bibliographie

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Philosophie et épistémologie

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Articles connexes

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Concepts
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Théorie de la connaissance et problèmes associés
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