InChI :vue 3D InChI=1/C20H24N2O2/c1-3-13-12-22-9-7-14(13)10-19(22)20(23)16-6-8-21-18-5-4-15(24-2)11-17(16)18/h3-6,8,11,13-14,19-20,23H,1,7,9-10,12H2,2H3/t13-,14u,19-,20+/m0/s1
Phrases R : R36/37/38 : Irritant pour les yeux, les voies respiratoires et la peau. R42/43 : Peut entraîner une sensibilisation par inhalation et par contact avec la peau.
Phrases S : S22 : Ne pas respirer les poussières. S26 : En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de l’eau et consulter un spécialiste. S45 : En cas d’accident ou de malaise, consulter immédiatement un médecin (si possible, lui montrer l’étiquette). S36/37 : Porter un vêtement de protection et des gants appropriés.
Les quinquinas sont des arbres de laCordillère des Andes poussant en haute altitude. Ils font partie du genreCinchona parmi lequel seuls lequinquina rouge et lequinquina jaune ont des propriétés antipaludiques ; lequinquina gris, paradoxalement appeléCinchona officinalis voire tout simplementquinquina, est dénué de ces propriétés. L'écorce de quinquina était connue dès leXVIIe siècle, pour guérir lafièvre tierce. Conseillé par des indigènes, lefrère jésuiteAgostino Salombrini introduit laplante dans sonjardin médicinal ducollège Saint-Paul de Lima, dont il est l'infirmier. De là, l’écorce est introduite en Europe au début duXVIIe siècle[2] : ses vertus furent mentionnées pour la première fois en 1639. Son usage fut rapporté àRome pour soulager les fièvres intermittentes qui faisaient rage tous les étés[3] dans cette ville, et le popularisèrent ensuite en Europe. Les religieux en avaient découvert les propriétésantipyrétiques en observant les indiens des plateaux andins absorber une poudre confectionnée avec de l'écorce de cet arbuste, que l'on surnomma par la suite « poudre des jésuites »[2]. On la connaît également sous le nom d'herbe des Jésuites ou encorecortex peruvianus (écorce du Pérou)[4]. Le succès est dans un premier temps mitigé[2].
En 1672, dans un opuscule intituléPyretologia, a rational account of the cause and cure of agues faisant l'éloge de la poudre de quinquina,Robert Talbor met en garde ses lecteurs contre ses effets dangereux lorsqu’elle est mal administrée. Talbor guérit le fils deLouis XIV, leGrand Dauphin, grâce à l’administration de fortes doses d’écorce de quinquina et au renouvellement régulier des prises. Pour48 000 livres auxquelles s'ajoutèrent une pension à vie de2 000 livres, le Roi achète son secret à Talbor[5]. Au décès de ce dernier, Louis XIV ordonne la publication deDe la guérison des fièvres par le quinquina (1681) afin de faire connaître cette médication. En 1683,Nicolas de Blégny en donne une nouvelle description dansLe remède anglois pour la guérison des fièvres, immédiatement traduit en anglais. Malgré des polémiques persistantes concernant son efficacité, le quinquina est dès lors largement accepté par les médecins.
Ce n'est qu'en 1820 que les chimistes françaisJoseph Pelletier etJoseph Caventou extraient les principes actifs de l'écorce de quinquina[6] rouge (Cinchona succirubra)[2] ou jaune[7] (C. calisaya). L’Académie de médecine examine leur communication le et le. Ce qui donne lieu à publication, en dans leJournal de pharmacie et des sciences accessoires.Ils ont découvert que la basefébrifuge est constituée de deux alcaloïdes qu'ils nommentquinine etcinchonine.
Les deux chimistes, en raison de leur formation de pharmacien et soucieux de tirer des applications pharmacologiques de leur découverte, se lancent donc dans la fabrication de la quinine. En 1826, leur atelier de fabrication va traiter 138 tonnes d'écorce de quinquina pour extraire 1,8 tonne de sulfate de quinine. En rendant publique leur invention, ils ont permis à qui le voulait d'en tirer parti[8].C'est le cas de plusieurs entrepreneurs allemands qui se lancent aussi dans l'extraction à grande échelle de la quinine, marquant ainsi les débuts de la grandeindustrie pharmaceutique. Aux États-Unis, le laboratoire de PhiladelphieRosengarten and Sons commence à faire un usage commercial de la méthode Pelletier-Caventou en 1823. La même année, les cloches des temples de la vallée du Mississippi appelaient chaque soir à la consommation des pilules duDr John Sappington de Philadelphie (Dr Sappington's Fever Pill), ce qui fit sa fortune.
Ces recherches ont permis d'étudier à quelles doses les principes actifs étaient efficaces. Pelletier envoie ses alcaloïdes àFrançois Magendie pour qu'il les teste sur l'animal et sur l'homme. Magendie remarqua :
« S'il est toujours du plus haut intérêt pour le médecin de connaître précisément la dose de la substance active contenue dans le médicament qu'il emploie, cet avantage n'est jamais plus manifeste que par rapport au quinquina, dont l'activité varie beaucoup suivant la nature et la qualité des écorces. On est d'ailleurs souvent très heureux de pouvoir administrer ce médicament sous un aussi petit volume et sous une forme qui n'a rien de rebutant. »
— F. Magendie, Formulaire pour la préparation et l'emploi de plusieurs médicaments, 1829
La production de quinine marque ainsi le début du remplacement des plantes médicinales au contenu variable, incertain et parfois frelaté, par des médicaments faciles à prendre et ne contenant que la molécule active, à une dose précise.
La formule de la quinine brute est établie en 1854 parAdolph Strecker et sa structure chimique est décrite vers la fin du siècle parZdenko Skraup et Wilhelm Königs.
En 1853,Louis Pasteur obtient un dérivé proche de la quinine, la quinotoxine. De même pour la cinchotoxine. Ces deux substances sont alors désignées « quinicine » et « cinchonicine » : Miller et Rohde leur donnent leur nom actuel dans les années 1890.
En 1918 (on trouve aussi 1931), Paul Rabe et Karl Kindler affirment avoir réalisé la synthèse de la quinine à partir de la quinotoxine (aucun détail expérimental précis n'apparaît toutefois dans la publication où ils en font état). Le,Robert Woodward etWilliam von Eggers Doering(en) de l'université Harvard annoncent avoir réussi la synthèse totale de la quinine, obtenant lors de leur essai 30 milligrammes de quinine[9],[10]. (En fait, Woodward et Doering n'ont décrit que les 17 étapes conduisant à la synthèse … de la D-quinotoxine, s'en remettant aux travaux de P. Rabe pour les étapes reliant la quinotoxine à la quinine). Dans un contexte de guerre où la quinine était une ressource rare et d'importance militaire, la nouvelle fit grand bruit, la presse saluant ainsi« l'un des plus remarquables exploits scientifiques de ceXXe siècle ». La découverte de Woodward et Doering n'a pourtant alors aucune utilité pratique, la quinine obtenue par cette synthèse coûtant beaucoup trop cher. Par ailleurs, le doute est jeté sur la réalité même de cette découverte, l'opération de synthèse de quinotoxine en quinine n'ayant pas pu être reproduite alors (c'est chose faite en 1967 puis en 1973 par Milan R. Uskokovic). La vraie synthèse totale - et stéréosélective - est effectuée parGilbert Stork en 2001. Il publie dansthe Journal of the American Chemical Society en 2001 et déclenche une controverse en contestant que Woodward et Doering aient pu aboutir en 1944 à la synthèse de la quinine (et non pas seulement de la quinotoxine) ainsi qu'ils en avaient été crédités[11],[12],[13].
La quinine a été le premier médicament efficace contre le paludisme. Cette maladie, responsable d'environ 400 000 morts par an[15], est due à un parasite unicellulaire du genrePlasmodium, transmis à l'homme par des piqûres de moustiques infectés. Le moustique injecte le plasmodium qui gagne d'abord le foie (cycle hépatique) et s'y développe, puis libère dans la circulation sanguine des mérozoïtes qui vont s'installer dans les globules rouges (cycle érythrocytaire).
La quinine est active seulement contre les formes intra-érythrocytaires[16].
Au niveau du cœur, la quinine diminue l'excitabilité, la conductibilité et la contractilité.
Elle inhibe aussi la polymérisation de l'hème de l'hémoglobine et donc empêche la reproduction desplasmodiums. Elle inhibe la voie desschizontes et est antipyrétique.
Cependant, elle est toxique pour lesystème nerveux. On a donc cherché à synthétiser des analogues n'ayant pas ce défaut :
laméfloquine, plus efficace mais aussi plus toxique ;
L'artémisinine, non apparentée à la quinine, est très active. Il s'agit d'unelactone sesquiterpénique contenant un pont endopéroxyde et qui est issue d’unearmoise chinoise (Artemisia annua). Elle est efficace contre des formes de plasmodiums résistants à la chloroquine (cas des neuropaludismes en particulier) mais, depuis 2009, des résistances ont été signalées[17].
La quinine peut causer unethrombopénie ainsi qu'unemicroangiopathie thrombotique pouvant être grave, même si elle est absorbée dans le cadre d'une boisson rafraîchissante[18]. Le mécanisme immunologique serait la formation d'un complexe quinine-anticorps qui peut interagir avec uneprotéine de surface plaquettaire, entraînant la destruction de cette dernière[19].
Le traitement desaccès palustres constitue l'indication actuelle de la quinine, en particulier en cas dechimiorésistance aux autres antipaludiques[16]. Elle est aussi proposée - ce qui est discuté - enprophylaxie en cas de résistance aux autres antipaludiques.
L'utilisation de la quinine en dose excessive peut provoquer lecinchonisme, des problèmes pour lefœtus (notamment la surdité) et même la mort.
Une autre indication est le traitement descrampes musculaires[20]. Cependant, en raison de sa faible efficacité et des risques mortels potentiels (notamment hématologiques, cardiaques et allergiques), laFDA n'autorise plus son usage dans cette indication depuis 1995 et la revue françaisePrescrire, considérant son rapport risque/bénéfice défavorable, déconseille également son usage[21].
La quinine est un composant aromatique de l'eau tonique. Suivant la tradition, le goût amer de la quinine utilisée contre lepaludisme incita les coloniaux britanniques enInde à la mélanger avec dugin, créant ainsi lecocktailgin tonic.
Cependant, l'eau tonique actuelle est très différente de la boisson de cette époque, notamment parce que la dose de quinine employée n'est désormais qu'environ le quart de ce qu'elle était. AuxÉtats-Unis, la dose maximale autorisée est de83mg/l.
La quinine contenue dans certaines boissons gazeuses leur donne un goût amer et une fluorescence visible lorsque la boisson est soumise à un rayonnement ultraviolet.
Exemple de différentes solutions fluorescentes de teintes différentes
La quinine est une moléculefluorescente. On peut donc la doser parspectrofluorimétrie, selon un principe de dosage pH-métrique : lors de variations du pH, la structure de la molécule change, ce qui influe directement sur la fluorescence. En particulier, lorsque le pH de la solution dépasse le premier pKa de la quinine, à la suite d'une excitation par absorption de photon la molécule se désexcite par conversion interne, qui est un processus non radiatif : on a donc une extinction de fluorescence pour un pH supérieur au premier pKa de la quinine[22]. Une utilisation de la quinine comme molécule sonde fluorescente de pH est alors envisageable.
En vue de donner une saveur amère, la quinine est présente dans leSchweppes et autres « sodas » portant la mention « Tonic » (généralement avec l'orthographe anglaise). Lecomité international mixte FAO/OMS d'experts pour les additifs alimentaires précise que les boissons de type « limonade » peuvent contenir jusqu'à100mg·l-1 sans inconvénient pour la santé (teneur rapportée à la base). Il peut néanmoins exister une hypersensibilité chez certains sujets qui nécessite une vigilance particulière[23].
En 1913, le premier accord a été conclu entre planteurs et fabricants de quinine, dont l'application a été confiée à un organe exécutif établi à Amsterdam et dénommé «Kinabureau». Il est dissous en 1961[24].
Les prix de la quinine ne cessant de baisser après-guerre, au point de tomber en 1958 à la moitié environ des prix de 1946, c'est-à-dire en dessous du niveau d'avant-guerre, les principales entreprises productrices s'engagèrent par les accords du et du 11/ à fixer des prix et des contingents pour l'exportation de quinine et de quinidine.
↑René Benton,Le paludisme en Italie : aperçu historique sur sa prophylaxie depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, Lyon, Anciens établissements Legendre,, 60 p.(BNF45328956,lire en ligne),p. 30.
↑FAO/OMS,Evaluation of certain food additives and contaminants: forty-first report of the joint FAO/WHO expert committee on food additives, World Health Organisation Tech Rep Ser. 1993; 837:1-53.