Date | – (6 ans, 2 mois et 24 jours) |
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Lieu | ![]() |
Cause | Drame de Wynendaele |
Résultat |
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25 mai 1940 | Drame de Wynendaele |
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20 septembre 1944 | Début de la régence deCharles de Belgique |
19 juillet 1945 | LeParlement adopte une loi n'autorisant pas le retour du roi |
12 mars 1950 | Consultation populaire |
22 juillet 1950 | Retour deLéopold III enBelgique |
26 juillet 1950 | Grève générale |
30 juillet 1950 | Fusillade de Grâce-Berleur |
1 août 1950 | Léopold III cède ses pouvoirs au princeBaudouin |
11 août 1950 | Le princeBaudouin prête serment en tant que « Prince royal » |
16 juillet 1951 | Abdication deLéopold III |
17 juillet 1951 | Prestation de serment du roi Baudouin en tant que cinquièmeRoi des Belges |
Laquestion royale désigne, enBelgique, les événements politiques qui eurent lieu entre le et le à propos du retour au pays du roiLéopoldIII après laSeconde Guerre mondiale. Cette question fut à l'origine d'un soulèvement insurrectionnel principalement dans lesillon Sambre-et-Meuse de laWallonie, qui fut le théâtre d'événements sanglants, d'une campagne d'attentats entre le et le, puis d'une grève générale violente. La crise aboutit à l'abdication deLéopoldIII au profit de son filsBaudouin, le.
La question royale trouve ses origines dans les divergences de vues entre le monarque et ses ministres, les incidents de labataille de la Lys et la réaction du président du Conseil français,Paul Reynaud, qui, par un discours le 28 mai 1940, voulant ignorer l'effondrement français de lapercée allemande de Sedan, condamne dans un discours radiophonique la reddition de l'armée belge et accuse leroi des Belges,Léopold III, de n'avoir, soi-disant, pas prévenu lesAlliés. Reynaud fait du roi le bouc émissaire de la défaite, créant ainsi, enFrance, une situation extrêmement hostile, voire dangereuse, pour lesBelges et leurs représentants.
Le même jour, lepremier ministre belge,Hubert Pierlot, fustige également le comportement du roi et interpelle les Belges à la radio française :
« Passant outre à l'avis formel du gouvernement, le Roi vient d'ouvrir des négociations et de traiter avec l'ennemi. La Belgique sera frappée de stupeur, mais la faute d'un homme ne peut être imputée à la Nation entière. Notre armée n'a pas mérité le sort qui lui est fait. L'acte que nous déplorons est sans valeur légale et n'engage pas le pays. Aux termes de la Constitution que le Roi a juré d'observer, tous les pouvoirs émanent de la Nation et sont exercés de la manière prévue par la Constitution. Aucun acte du Roi ne peut avoir d'effet s'il n'est contresigné par un ministre. Ce principe est absolu. Il est une règle fondamentale de nos institutions. Le Roi, rompant le lien qui l'unissait à son peuple, s'est placé sous le pouvoir de l'envahisseur. Dès lors, il n'est plus en situation de gouverner, car de toute évidence la fonction de chef d’État ne peut être exercée sous contrôle étranger[1]. »
Le, auchâteau de Wynendaele a lieu l'entretien décisif entre le roiLéopoldIII et ses principaux ministres, à l'issue duquel le roi refuse de suivre ceux-ci hors du territoire national[2]. Celui-ci est parfois appelédrame de Wynendaele[2]. En effet, persuadés de la victoire française à venir, les ministres ont insisté auprès du roi pour qu'il les accompagne en France. Ce dernier considérant par contre que l'armée française n'a plus aucune chance et qu'elle finira par capituler prochainement ne voit aucun avantage à les accompagner en France.
Le roi, comme le lui permet sa fonction de chef des armées, capitule le, après labataille de la Lys. Il confie néanmoins des étendards de régiments belges à l'abbaye de Saint-André-lez-Bruges et à son père-abbé Dom Nève qui les y cache jusqu'à la fin de la guerre. Le roi se constitue prisonnier de guerre et se livre aux Allemands qui l'installent en résidence surveillée au château de Laeken. Le 31 mai, avec l’accord du gouvernement réfugié àPoitiers mais toujours sous une pression française extrêmement hostile, les deux tiers des parlementaires provisoirement déménagés àLimoges votent une motion condamnant cette capitulation. Le contreseing ministériel n'avait pas été obtenu, ce qui engendra la contestation.
Mi-juin, la France dépose les armes et demande l'armistice. Dans le courant de l'été, les ministres belges réfugiés en France tentent de renouer le contact avec le roi pour envisager également un armistice, sans succès: le roi s'interdisant alors, comme prisonnier, le moindre contact politique notamment avec ses ministres.
Ce n'est qu'à l'automne 1940 que les principaux ministres (Pierlot, Spaak entre autres) quittent la France pour rejoindre Londres où les ont précédés leurs collègues Devleeschouwer (ministre des Colonies) et Gutt (ministre des Finances). C'est alors que le gouvernement belge de Londres indique officiellement poursuivre la guerre aux côtés des Britanniques.
Une fois la reddition signée, le roi fut placé en résidence surveillée auchâteau de Laeken. C'est dans la chapelle de ce château qu'il épouse, le, la jeuneLilian Baels, à laquelle il avait avoué son amour au mois de juillet de la même année. L'union fut célébrée religieusement, et l'on décida que le mariage civil officiel n'aurait lieu qu'après la libération du pays, en raison de la situation délicate due à l'occupation[3]. Mais, lorsque peu de temps après Lilian Baels annonça attendre un enfant, son père insista vivement pour que le mariage civil soit célébré au plus vite afin de se conformer à la Constitution et que l'enfant soit reconnu comme légitime. La cérémonie eut lieu le de la même année et fut annoncée publiquement le jour suivant[4]. Cette décision personnelle du roi, incitée par son souhait de ne pas rester veuf et de garantir à ses enfants une présence féminine et maternelle provoque des réactions contrastées parmi la population[5].
Il est par la suite fait remarquer que le roi, en agissant de la sorte, enfreignait tout de même laConstitution belge, selon laquelle le mariage civil doit toujours précéder le mariage religieux, comme indiqué à l'article 16 de la Constitution en vigueur à l'époque. Cependant, l'article se termine par « sauf les exceptions à établir par la loi s'il le faut »[6]. Or, l'article 267 du Code pénal de l'époque prévoyait que « aucune peine ne peut intervenir lorsque la bénédiction nuptiale a été donnée à des conjoints dont l'un était en danger de mort » : étant prisonnier de guerre, il se peut que Léopold III se considérât en danger et n'y vît donc pas une infraction à la loi[7].
La deuxième remarque qui fut faite à l'égard de ce mariage fut la décision du roi que les enfants à naître de son union avecLilian Baels n'auraient pas accès au trône[8] : cette décision fut prise, au dire des défenseurs du roi, afin de ne pas placer le pays devant le fait acquis, et de ne pas évincer de leurs droits les enfants de la reineAstrid, sa première femme décédée en1935, à laquelle l'opinion publique restait très attachée[9]. Or cette décision, constitutionnellement, ne lui appartenait pas.
Enfin, un reproche récurrent adressé au roi fut celui de s'être marié pendant la guerre, alors que les soldats belges prisonniers, dont il avait juré de partager le sort, vivaient les privations les plus atroces et étaient séparés de leur famille. Alors que les défenseurs du roi se demandent en quoi ce mariage aggrave leur situation, les anti-léopoldistes soulèvent, en réponse, le point de vue moral, et la frustration de savoir que le roi jouissait d'un plaisir qui leur était refusé[10].
Ces remarques faites à l'égard de ce mariage montrent que l'opinion publique fut particulièrement sensible à cet acte fort chargé symboliquement, mais qui ne provoquait pas de conséquences sur leur situation personnelle. Le fait de voir leur souverain jouir d'un droit qui était nié aux soldats prisonniers fut perçu comme une promesse non tenue, et eut donc des répercussions sur la popularité du souverain et sur la confiance que le peuple avait en lui[11].
Le, ledébarquement de Normandie venant d'avoir lieu, la famille royale est emmenée en captivité enAllemagne. L'armée américaine la libère le, soit un peu moins d'un an après son arrivée en Allemagne. Depuis laLibération, intervenue en, leParlement avait décidé de confier auprince Charles larégence du royaume.
Le roiLéopoldIII souhaite rentrer en Belgique. Les ministrescatholiques y sont favorables, tandis que leurs collègues des partis non confessionnels y sont opposés. Cette situation provoque l'éclatement de la coalition du Gouvernement dupremier ministreAchille van Acker. Cet événement suspend provisoirement la crise, lesyndicatsocialisteFGTB annonçant lagrève générale.
Le, leparlement adopte une loi n'autorisant pas le retour du roi sans que leSénat et laChambre se prononcent sur la fin de l'impossibilité de régner deLéopoldIII, une impossibilité de régner déclarée en qui, en fait et en droit, n'avait pas pris fin.
Au vu de l'attitude neutraliste du roi durant l'occupation, différents points de vue s'opposent. Lessociaux-chrétiens sont favorables au retour du roi aux affaires, les libéraux souhaitent un effacement du roi, tandis quesocialistes etcommunistes exigent sonabdication.
De1947 à1949, unecoalition composée de socialistes et de chrétiens (PSB etPSC) dirigée parPaul-Henri Spaak dirige le pays. Elle n'a pas de position commune face à la question royale. Après lesélections de 1949, auxquelles les femmes participent pour la première fois, une coalition entre sociaux-chrétiens (PSC) et libéraux se met en place. Ce gouvernement organise le uneConsultation populaire, soit unréférendum consultatif sur le retour du roi sur le trône (le référendum n'est pas permis par la Constitution belge)[12].
Le résultat est que 2 933 382 Belges (57,68 %) se déclarent pour le retour du roi contre 2 151 881 (42,32 %) qui sont contre, mais une fracture apparaît : si 72,2 % desFlamands se montrent favorables au souverain, 58 % desWallons y sont opposés, comme aussi une majorité des Bruxellois.
LeLimbourg donne 83 % de oui, suivi de laFlandre-Occidentale avec 75 %, de laFlandre-Orientale avec 72 % et d'Anvers avec 68 % d'opinions favorables. Les 16 arrondissements flamands ont tous exprimé une majorité pour le « oui » .
On enregistre une légère majorité favorable dans l'ancienneprovince de Brabant (50,15 %, mais à Bruxelles 48 % de « oui » contre 52 % de « non »).
En Wallonie, les provinces duLuxembourg et deNamur disent « oui » avec respectivement 65 % et 53 %.
LeHainaut s'oppose au retour du roi avec 64 % de « non » etLiège avec 58 % d'opposants.
Mais au sens actuel, ce sont trois provinces wallonnes sur cinq qui se prononcèrent contre le roi, l'arrondissement deNivelles, coïncidant avec l'actuelleProvince du Brabant wallon, avec 62 % de « non ».
Cependant, dans laprovince de Liège, l'arrondissement deVerviers vota « oui » (60 % de « oui ») et dans laprovince de Namur, l'arrondissement de Namur vota « non » de justesse (51 % de « non »).
Au total 9 arrondissements wallons sur 13 se prononcèrent pour le « non ». Ou encore (au sens actuel), 10 arrondissements francophones (les 9 wallons et Bruxelles), ou à majorité francophone sur 14.
Les élections de amènent les sociaux-chrétiens duPSC seuls au pouvoir ; ceux-ci mettent fin à l'impossibilité de régner du roi (grâce à leur majorité au Parlement).
Dès juin et juillet, d'importantes manifestations, des grèves, des dépôts de fleurs aux monuments aux morts expriment en Wallonie l'opposition au retour du roi. Ces grèves sont lancées par laFGTB, lePSB, lePCB, dans une certaine mesure les libéraux, quelques chrétiens de gauche, leMouvement wallon, les anciens cadres de laRésistance. Cependant leRoi multiplie les maladresses qui sont considérées comme des provocations par la gauche par exemple le 23 juillet 1950, soit un jour après son retour, le roi reçoit legénéral van Overstraeten qui est une figure des personnalités pro Léopold. Quelques jours plus tard le Roi convoque unconseil de la couronne (il s'agit d'un organe réunissant le roi et les ministres d'état. Ce conseil à le pouvoir de promulguer des décrets et des lois en cas de danger pour le royaume) auquel les ministres d'état socialiste n'assistent pas.
Léopold III revient àBruxelles le. La veille, àBoussu (Mons), un premier attentat à l'explosif avait déjà eu lieu. Une centaine de ceux-ci visèrent les voies de chemin de fer et les centrales électriques. La réaction au retour du roi fut effectivement très violente dans les bassins industriels wallons, surtout en régionliégeoise, et dans une moindre mesure à Gand et à Anvers qui sont des bastions socialistes en Flandre.
La grève y est générale dès le. Les manifestations se succèdent. La tension est à son comble, lorsque, le, trois hommes furent abattus par lagendarmerie lors d'un rassemblement àGrâce-Berleur, en banlieue liégeoise. Un quatrième mourut de ses blessures. Le monument érigé en1952 àGrâce-Berleur est de l'architecteJoseph Moutschen alors directeur des Beaux-Arts[13]
Les socialistes, les communistes, les opposants au roi dans le mouvement wallon avaient décidé de marcher sur Bruxelles. Cette marche se mettait en branle. On craignit le pire. À Liège, on note la tentative de formation d'un gouvernement wallon séparatiste. La droite réagissant à cette menace de marche sur Bruxelles en projetant de marcher sur Bruxelles.
Léopold III, face aux violences suscitées par ses opposants et cédant aux conseils de la plupart des ministres du GouvernementJean Duvieusart, décide de transmettre ses pouvoirs à son filsBaudouin le, le lendemain de lafusillade de Grâce-Berleur. Celui-ci prête serment comme Prince Royal, exerçant les pouvoirs constitutionnels du roi, le. Léopold III se dit prêt à abdiquer dans une année si un consensus voit le jour autour de son fils. Léopold III abdique ainsi le, Baudouin devient le cinquième roi des Belges, le, à presque 21 ans et en une période où fait rage ladeuxième guerre scolaire.
La société belge reste longtemps marquée par ces événements. Avec laquestion scolaire et sans doute plus qu'elle encore, elle fut le plus grand révélateur de la division des Belges. Il y eut aussi d'autres conséquences : les néerlandophones eurent conscience de constituer la majorité de la population et virent un déni de démocratie dans le refus par les Wallons d'accepter le résultat de la consultation populaire. EnFlandre, lesmouvements flamands se radicalisèrent. EnWallonie, c'est le monde ouvrier qui se radicalisa, estimant que les Wallons étant une minorité, ils avaient besoin d'une protection, et donc d'une autonomie plus large.