Plaque commémorative de la naissance des quaternions sur lepont de Broom (Dublin). « Ici, le 16 octobre 1843, alors qu'il se promenait, SirWilliam Rowan Hamilton découvrit dans un éclair de génie la formule fondamentale sur la multiplication des quaternions i2 = j2 = k2 = ijk = –1 et la grava sur une pierre du pont. »
Les quaternions sont ainsi le premier exemple denombres hypercomplexes. D'après lethéorème de Frobenius ce sont aussi les derniers, au sens où il n'existe pas de système de nombres plus général à moins de renoncer à l'associativité de la multiplication. Mathématiquement, l'ensemble des quaternions est une algèbre associativeunifère sur lecorps des nombres réels engendrée par trois éléments, et satisfaisant lesrelations quaternioniques :
Dans une publication sur lesoctonions, le mathématicienJohn Baez rappelle une perte progressive de propriétés : les réels sont complets et ordonnés, les complexes ne sont pas ordonnés, mais se comportent « algébriquement bien », les quaternions ne sont pluscommutatifs, et les octonions ne sont même plusassociatifs[4].
Hamilton savait que les nombres complexes pouvaient être représentés dans le plan à deux dimensions, et il chercha longtemps une opération dans l'espace à trois dimensions qui généraliserait lamultiplication complexe.Frobeniusmontrera en 1877 que cette recherche était vaine, il fallait introduire une dimension supplémentaire. D'après les dires de Hamilton, l'étincelle se produisit le, alors qu'il marchait le long du Royal Canal àDublin en compagnie de son épouse. La solution lui vint à l'esprit sous la forme des relations :. Il grava cette formule dans une pierre dupont de Brougham. Cette inscription, aujourd'hui effacée par le temps, est remplacée par une plaque à sa mémoire. Il donna leur nom aux quaternions et consacra le restant de sa vie à les étudier et à les diffuser.
Comme toutealgèbre unitaire, contient le corps de base dans soncentre ; il y a en fait égalité des deux : les réels sont les uniques quaternions qui commutent avec tous les autres. contient également lecorps des complexes : l'expression peut désigner indifféremment un nombre complexe ou un quaternion (c'est une manière commode de représenter le fait qu'il existe un unique morphisme d'algèbres qui envoie le nombre complexe usuellement noté sur le quaternion). En particulier est naturellement un-espace vectoriel de dimension 2. En tant qu'algèbre, peut être représentée comme une sous-algèbre des algèbres de matrices et (voir plus bas).
À l'instar de tout nombre réel ou complexe non nul, tout quaternion non nul admet un inverse (unique, nécessairement). est donc uncorps non commutatif, en l'occurrence une-algèbre à division. Lethéorème de Frobenius assure que c'est l'unique-algèbre à division de dimension finie associative et unifère hormis le corps des nombres réels et le corps des nombres complexes. Si l'on autorise la perte de l'associativité de la multiplication, on trouve également l'algèbre des octonions.
Parties réelle et imaginaire, conjugaison, norme et inverse
Soit un quaternion (où,,, et sont des nombres réels).
Le nombre réel est appelépartie réelle (ou scalaire) de et est noté. Le quaternion, qualifié d'imaginaire pur, est appelépartie imaginaire (ou vectorielle) de et est noté. On peut donc écrire.
Le quaternion est appeléconjugué (quaternionique) de et est noté (d'autres notations sont utilisées, par exemple et). La conjugaison quaternionique est unantiautomorphisme involutif de : elle est-linéaire,involutive, et renverse les produits : on a toujours.
Le nombre réel positif défini par est appelénorme de. C'est lanorme euclidienne associée au produit scalaire usuel sur. Les propriétés de la conjugaison quaternionique rendent cette norme multiplicative : on a toujours.
Tout quaternion non nul admet un inverse (unique) donné par. Cela permet la division d'un quaternion par un quaternion non nul, mais cette division peut être effectuée à gauche ou à droite (en ne produisant pas le même résultat en général) : ou. Pour cette raison la notation est ambiguë et ne doit pas être utilisée.
De même qu'il est possible d'associer à un nombre complexe la matrice, on peut associer des matrices aux quaternions. Il y a deux manières standard de le faire, la première est d'utiliser des matrices réelles de dimension 4×4, la seconde des matrices complexes de dimension 2×2. Ces associations permettent respectivement d'identifier comme une sous-algèbre de et.
Représentation des quaternions comme matrices 4×4 de nombres réels
Faisons agir sur lui-même par multiplication à gauche. Cette action est-linéaire et fidèle, elle définit donc un morphisme d'algèbres injectif La matrice associée au quaternion est la matrice suivante
Représentation des quaternions comme matrices 2×2 de nombres complexes
Choisir la base de en tant que-espace vectoriel permet d'identifier à. Pour des raisons de non-commutativité, il est préférable ici de considérer comme un-espace vectorielà droite. Ainsi le quaternion est identifié au couple tel que, à savoir et.
Faisons agir sur par multiplication à gauche. Cette action est-linéaire (ce qui ne serait pas le cas si on considérait comme un-espace vectoriel à gauche). Elle est également fidèle, donc définit un morphisme d'algèbres injectif La matrice associée au quaternion est la matrice :
soit encore, où les matrices,, et sont les matrices complexes associées aux quaternions,, et respectivement. Ces matrices sont étroitement liées auxmatrices de Pauli enphysique quantique.
Tout quaternion non nul peut s'écrire de manière unique sous la forme, où est un nombre réel strictement positif et est un quaternion unitaire.
De manière analogue auxnombres complexes de module 1, tout quaternion unitaire peut s'écrire sous la forme, où est un nombre réel et est un quaternion unitaire imaginaire pur. La notation peut être considérée comme une simple notation désignant le quaternion, mais on peut définir lafonction exponentielle dans les quaternions par la série exponentielle usuelle.
Finalement, tout quaternion s'écrit sous la forme, où est un nombre réel positif, est un nombre réel et est un quaternion unitaire imaginaire pur. On peut noter que la décomposition de l'argument quaternionique n'est pas unique, à moins d'imposer par exemple (donc de le choisir sur la sphère unitaire à partie réelle nulle, c'est-à-dire ni 1 ni -1) et d'imposer de choisir le réel dans un intervalle semi-ouvert de largeur).
Notamment, on reconnait l'identité d'Euler dans cette écriture du quaternion, où la décomposition donne le module unique et l'argument complexe se décompose par exemple en, mais seulement en si on impose unitaire et par exemple dans.
Les quaternions unitaires forment un groupe multiplicatif (sous-groupe de). C'est ungroupe de Lie noté.
Topologiquement, est lasphère de dimension 3 puisqu'il s'agit de la sphère unité dans
L'action de par multiplication à gauche sur représente tous les automorphismes de en tant que-espace vectoriel à droite de dimension 1 qui sont des isométries, pour cette raison peut être appelégroupe hyperunitaire de rang 1 et peut également être noté.
Notons l'ensemble des quaternionsimaginaires purs, de sorte que. Muni de la base et de la norme euclidienne induite, est unespace euclidien de dimension 3 canoniquement isomorphe à. Sous cet isomorphisme, un vecteur est identifié au quaternion imaginaire pur et on peut s'autoriser à noter le quaternion comme. Lorsque cette notation est utilisée, il est usuel d'appeler lapartie scalaire de et sapartie vectorielle.
Leproduit de Hamilton(c'est à-dire le produit de quaternions) de et est alors donné par :où :Ici dénote leproduit scalaire dans et leproduit vectoriel. En particulier (prendre), le produit scalaire et le produit vectoriel de deux vecteurs dans peuvent être "récupérés" respectivement comme la partie scalaire (au signe près) et la partie vectorielle de leur produit de Hamilton.
Considérons l'action de surpar conjugaison : l'action d'un quaternion est donnée par. Cette action préserve la décomposition. Le noyau de l'action est l'intersection de avec le centre de (qui est), à savoir. De plus, cette action est isométrique par multiplicativité de la norme, et on peut vérifier qu'elle préserve l'orientation. L'action induite sur définit donc un morphisme de groupesdont le noyau est. Il n'est pas difficile de vérifier que si on note sous forme polaire, alors est la rotation d'axe dirigé (et orienté) par et d'angle. En particulier, le morphisme estsurjectif, donc induit un isomorphisme.
« The real numbers are the dependable breadwinner of the family, the complete ordered field we all rely on. The complex numbers are a slightly flashier but still respectable younger brother: not ordered, but algebraically complete. The quaternions, being noncommutative, are the eccentric cousin who is shunned at important family gatherings. But the octonions are the crazy old uncle nobody lets out of the attic: they are nonassociative »