Au sens commun, le quartier du Montparnasse comprend les pentes de la colline éponyme, célèbre pour l'effervescence artistique qui y a pris place au cours desAnnées folles, et dont les contours ne correspondent pas trait pour trait au quartier administratif.
Situé dans le nord de l'arrondissement, le quartier du Montparnasse correspond à un espace initialement peu habité entre Paris etMontrouge, sur le versant sud d’une colline artificielle de gravats qui a été arasée, surnommée « mont Parnasse ».
Le quartier administratif n’est qu’une portion de « Montparnasse », un lieu-dit parisien qui désigne habituellement un périmètre plus large que le seul quartier administratif. Certains des lieux emblématiques de Montparnasse sont situés, non dans le quartier du Montparnasse, mais dans les quartiersNotre-Dame-des-Champs,Necker ouPlaisance, (par exemple, lagare de Paris-Montparnasse, dans les quartiers Plaisance et Necker, ou latour Montparnasse et lemusée du Montparnasse, tous deux situés dans le quartier Necker). À l'inverse, une partie du quartier administratif — notamment celle qui s'étend à l'est de la place Denfert-Rochereau — n'appartient pas au Montparnasse culturel, qui s'articule autour du boulevard du Montparnasse et dont le centre névralgique est le carrefour avec le boulevard Raspail, qui porte le nom de « place Pablo-Picasso » depuis 1984.
Montparnasse est déformé enMontparno (« De Ménilmuche à Montparno ») dans le poème « Autre sonnet bigorne » de la nouvelle édition deLa Chanson des gueux deJean Richepin, en 1881. En 1901, dansL'argot au XXe siècle, Aristide Bruant et Léon de Bercy listentMontpar,Montparno,Montper,Montperno,Montpernasse à l'article MONTPARNASSE.
L’Exposition universelle de 1889 et la vie artistique déjà riche deMontmartre attirent de nombreux artistes qui vont choisir ce quartier populaire plus au centre de Paris et qui va devenir la plaque tournante de la modernité.Pablo Picasso y aménageait parmi les premiers. Montparnasse allait connaître son apogée dans les années 1920, les Années folles. Il était alors le cœur de la vie intellectuelle et artistique à Paris, avec ses cafés qui entreront dans l'histoire de l'art.
À cette époque, de nombreux artistes de pays très divers sont attirés par le rayonnement de Paris. Montparnasse, quartier encore relativement en friche, leur offre des ateliers à des loyers modiques et un environnement de cafés bon marché qui facilite la sociabilité, l'émulation et l'entraide. Les « Montparnos » vont rapidement y instaurer une atmosphère créative et libertaire, et attirer des commanditaires, pas uniquement français, à la recherche de talents nouveaux. Dans cette communauté mondialisée qui formera l'École de Paris, la créativité était accueillie avec toutes ses bizarreries et provocations, chaque nouvelle arrivée étant accueillie comme la promesse d'un renouvellement artistique.QuandTsuguharu Foujita débarqua duJapon en 1913, ne connaissant personne, il rencontraSoutine que son ami Pinchus Krémègne avait fait venir de Lituanie,Modigliani qui habitaitrue Falguière,Pascin etLéger pratiquement la même nuit, et en quelques semaines devint ami avecJuan Gris,Pablo Picasso etHenri Matisse.[réf. nécessaire]
Parmi les artistes qui habitèrent ou fréquentèrent le quartier, il y avait notamment :
Aux côtés de la peinture et de la sculpture, la photographie est également présente. Avant de s'installerrue Campagne-Première,Man Ray planta son premier studio à l'Hôtel des Écoles au 15,rue Delambre. C'est là que sa carrière comme photographe commença, et que Kiki (Alice Prin),James Joyce,Gertrude Stein,Jean Cocteau et d'autres posèrent. Il y avait là égalementMarc Vaux, figure incontournable ; appelé par ce petit monde « le photographe des peintres », il reprendra les locaux de Marie Vassilieff, créera sur le boulevard, un foyercantine d'artistes, une galerie d'art et après guerre le journal Montparnasse Carrefour des Arts.
Les cafés, bars et bistrots, notamment ceux du carrefour entre les deux principaux axes du quartier que sont les boulevards du Montparnasse et Raspail, l'actuelleplace Pablo-Picasso, étaient des lieux de rencontre où les artistes venaient à la fois rencontrer leurs homologues et négocier. Les cafés commeLe Dôme,La Closerie des Lilas,La Rotonde,Le Select, etLa Coupole acceptaient que des artistes affamés puissent occuper une table pour toute la soirée pour un prix dérisoire. S'ils s'endormaient, les serveurs avaient pour instruction de ne pas les déranger. Les disputes étaient courantes, certaines nées de polémiques, d'autres de l'alcool, et la coutume voulait que même lorsque l'affrontement tournait aux coups, la police n'était pas appelée. Si les artistes ne pouvaient payer leur facture, le propriétaire deLa Rotonde, Victor Libion, acceptait souvent un croquis. Aussi les murs des cafés étaient couverts d'une collection d'œuvres d'art, galeries improvisées.
La vie nocturne est également passée dans la légende, comme les nuits chaudes duDingo Bar au 10, rue Delambre. Parmi ceux qui faisaientMontparnasse by night, on peut signaler l'écrivainMorley Callaghan etF. Scott Fitzgerald.
Larue de la Gaîté était celle des théâtres et dumusic-hall, autour du fameuxBobino. Sur leurs scènes, les grands du jour, utilisant leurs d'un seul nom comme c'était la mode, commeDamia,Kiki,Mayol etGeorgius chantèrent et se produisirent devant des salles pleines.Les Six se retrouvaient également souvent dans le quartier, créant une musique fondée sur les idées d'Erik Satie etJean Cocteau.
Le poèteMax Jacob dit qu'il vint à Montparnasse pour « pécher honteusement », maisMarc Chagall le résuma plus élégamment quand il expliqua pourquoi il était venu : « J'aspirais à voir avec mes propres yeux ce que j'avais entendu de si loin : la révolution de l'œil, la rotation des couleurs qui spontanément et astucieusement se fondent ensemble dans un flux de lignes conçues. Ceci n'aurait pu être vu dans ma ville. Le soleil de l'Art alors brillait seulement sur Paris. »[réf. nécessaire]Pendant que le quartier attirait des gens du monde entier qui vinrent y vivre et travailler dans un environnement créatif et bohème, il devint aussi le domicile pour des exilés politiques commeLénine,Léon Trotsky,Porfirio Diaz etSimon Petlioura. Mais après les années 1930, où l'esprit frondeur et gai des Années folles passa de mode, et bien que plusieurs académies continuent de fonctionner (Académie de la Grande Chaumière,Académie Ranson), laSeconde Guerre mondiale força la dispersion de la société artistique.
Si, après la guerre, Montparnasse ne retrouva jamais son aura, il convient de mentionner l'arrivée, en 1947, d'artistes espagnols en exil commeEduardo Pisano[11], la présence, dans les années 1950, du metteur en scène de théâtreRoger Blin et, dans les années 1970, de l'artiste illusionnisteRenélys.
Lagare Montparnasse, qui dessert laBretagne, a fait de ce quartier le « fief » desBretons de Paris (et des habitants originaires du nord-ouest de la France en général) depuis plus d'un siècle.
L'ancien siège d'Air France (square Max-Hymans) à Montparnasse.Boulevard du Montparnasse.
Dans les années 1960, la volonté proclamée de faire de Montparnasse le quartier d'affaires de la Rive gauche allait changer le visage de ce lieu chargé d'histoire. Lagare, trop étroite, recula de 400 mètres, et sur l'emprise gagnée poussèrent latour Montparnasse et le centre commercialMontparnasse Rive Gauche. L'arrivée duTGV Atlantique a conduit à la reconfiguration de la gare et à la création dujardin Atlantique sur la dalle qui couvre les voies entre la façadeplace Raoul-Dautry et laplace des Cinq-Martyrs-du-Lycée-Buffon.
Avec la spécialisation croissante des quartiers de Paris, Montparnasse est devenu à la fois un quartier de bureaux et de passage le jour, et de loisirs le soir, présentant un choix de cafés, de cinémas et de restaurants qui a peu d'égaux.
Il reste peu de traces du Montparnasse artistique, hormis les enseignes des cafés qui cultivent plus ou moins la nostalgie. L'Académie de la Grande Chaumière, où les artistes amateurs peuvent toujours peindre des modèles, ou la boutique de matériel de peintureAdam Montparnasse, constituent parmi les témoignages du centre artistique que fut le quartier. Les amateurs d'art peuvent aussi découvrir chaque dimanche sur le marché de La Création les œuvres exposées et vendues en direct par les artistes ; le marché a été déplacé de laplace Jacques-Demy auboulevard Edgar-Quinet. Des plaques ont également été apposées sur certains immeubles pour y rappeler le nom illustre d'un de ses habitants.
Pour sauvegarder l'esprit du quartier, lemusée du Montparnasse ouvrit en 1998 au 21,avenue du Maine et a fermé en 2013. Opérant avec une subvention de la Ville, le musée, qui ne présentait que des expositions temporaires, était géré par une association qui regroupait des amoureux du quartier et de son histoire. Il est depuis remplacé par le Centre d’art Villa Vassilief, lieu de rencontre entre artistes et de vie artistique.
La galerie Les Montparnos, ouverte en 2009 au 5,rue Stanislas, est spécialisée dans l'École de Paris desannées 1920 et la redécouverte d'artistes oubliés de la peinture de Montparnasse de l'entre-deux-guerres.
Dans les années 2010, l'urbanisme des années 60-70 est remis en cause : la tour Montparnasse est l'objet d'un projet de remodelage d'ampleur, tout comme la tour CIT et la gare ; l'architecte britanniqueRichard Rogers est quant à lui chargé par la ville de Paris d'une restructuration des espaces publics, une rue centrale végétalisée remplaçant l'urbanisme sur dalle dans l'axe de la tour[12].
↑Voir l'exposition « Les artistes espagnols en exil » à la galerie La Boétie, rappelée par l'institut Cervantès avec l'exposition « Le Montparnasse espagnol » en novembre 2014.