Le mot « Prusse » a souvent été associé à l'idée demilitarisme ; ainsi,Mirabeau disait que« la Prusse n'est pas un État qui possède une armée, c'est une armée ayant conquis la nation »[1]. Après la perte du territoire historique du royaume de Prusse, partagé entre laPologne, laRussie et laLituanie, le terme cessera d'être utilisé en Allemagne après laSeconde Guerre mondiale, sauf dans un contexte historique.
La Prusse n'a aujourd'hui plus aucune existence légale ou politique ; elle peut donc être considérée comme un État démantelé, puisque son ancien territoire est partagé entre les gouvernements de différentsLänder allemands et pour la majeure partie de l'actuellePologne, sans oublier la région deKönigsberg, devenue enclavesoviétique, puisrusse sous le nom deKaliningrad.
La zone située enGrande-Pologne devient laPosnanie après lespartages de la Pologne. Laprovince de Haute-Silésie, tout comme la Posnanie, sont à majorité polonaise. Dans ces deux provinces, les Polonais ont résisté à la domination germanique, notamment parce que les catholiques, les minorités polonaises et les autresSlaves avaient un statut juridique différent de celui de la majorité protestante.
Bien que les langues slaves et germaniques aient été les plus communément utilisées à partir duXVIIe siècle, la langue originelle est ce qu'on appelle aujourd'hui levieux-prussien. Désormais disparu, il s'apparente aux langues baltes existant de nos jours, lelituanien et leletton.
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La Prusse avant le Xe siècle est une région peuplée d’anciennes tribusbaltes, sans entité politique réelle structurée et distincte, marquée surtout par une diversité ethnique et linguistique ainsi qu’un isolement culturel par rapport à l’Europe chrétienne occidentale[2].
Les premiers Prussiens faisaient partie des peuples baltes installés entre laVistule et leNiémen. On les désignait sous divers noms (Brus,Prusai,Pruzzen,Borussus), et ils étaient organisés en tribus sans structures étatiques avancées ni écriture propre. Leur société était composée de guerriers et d’agriculteurs sédentaires, souvent engagés dans l’élevage du cheval, et caractérisée par de profondes croyances païennes, notamment le culte du guerrier après la mort[3].
À travers le premier millénaire, cette région fut traversée par de nombreuses migrations, notamment celles desGoths,Vandales etVarègues, mais aucun de ces peuples ne s’installa définitivement. Les Prussiens sont restés longtemps à l’écart des grands courants d’influence religieuse et culturelle occidentaux. Leur isolement fut partiellement compensé par le commerce de l’ambre, qui faisait de la Prusse un point de transit important entre la Baltique et la Méditerranée[4].
Le nom de “Prusse” commence à apparaître dans des récits de voyageurs au Xe siècle, en particulier dans celui d’Ibrahim ibn Jakub, et la région retient l’attention à la veille du premier millénaire lors des premières tentatives d’évangélisation, notamment l’expédition desaint Adalbert tué en 997 lors d’une mission de conversion. Malgré quelques contacts, le christianisme ne s’y impose pas avant plusieurs siècles, la région étant régulièrement le théâtre d’escarmouches et de tentatives de croisade voulues par l’Église et les puissances voisines[3].
Après lesmigrations germaniques du Ve siècle, les tribus slaves occupent l’espace laissé vacant, atteignant au VIe siècle le voisinage duSaint Empire et de l’Empire carolingien. Les tribus baltes de Prusse entretiennent donc des rapports fluctuants avec leurs voisins slaves, germaniques et scandinaves, mais conservent longtemps une forte identité païenne. Leurs territoires sont également soumis à l’influence de nobles slaves et germaniques, qui prépareront le terrain pour les grandes étapes suivantes de la colonisation allemande[3].
AuXe siècle, l'armée deVladimirIer, prince deKiev, force un bon nombre de Sudoviens à se soumettre à laRous' de Kiev. Les environs des villes actuelles deBiałystok, deSuwalki (Pologne) et deGrodno (Biélorussie) sont envahis et conquis partiellement par les Slaves. Durant les siècles suivants, ceux qui réussirent à survivre, entourés de Russes, Polonais et Lituaniens, perdirent progressivement leurs terres face augrand-duché de Lituanie.
L'État monastique des chevaliers teutoniques (1224-1525)
La colonisation de la région par les Allemands est due auxchevaliers teutoniques, qui la disputent aux Polonais ; son territoire est dès lors peuplé, dans le cadre du mouvementDrang nach Osten (« marche vers l'est ») à l'origine de lacolonisation germanique de l'Europe orientale (Ostsiedlung), majoritairement d'Allemands et d'autochtones bilingues (baltes ou slaves).
Il s'agit d'uneunion personnelle entre la marche de Brandebourg, qui relève du Saint-Empire, et le duché de Prusse, qui relève de l'État polonais ; mais c'est bien l'origine de la création duroyaume de Prusse.
La Prusse et l'Europe centrale en 1838.Frédéricle Grand (1712-1786).
En1688,Frédéric III devient prince-électeur deBrandebourg, et son ambition est de se faire couronner roi de Prusse. Il obtient satisfaction en 1701, sous le nom deFrédéricIer avec le titre de « roi « en » Prusse » (personne ne peut être couronné roi à l'intérieur du Saint-Empire romain germanique). Mais les Hohenzollern balaient bien vite cette nuance et se font appeler « rois de Prusse ». À partir de cette époque, le terme de « Prusse » recouvre des territoires qui ne font pas partie de la Prusse originelle.
Sous le règne deFrédéric II, de1740 à1774, le royaume devient une grande puissance politique et militaire, accroissant considérablement son territoire par l'acquisition notamment de laSilésie (1742) et de la Prusse royale (qui devient ensuite la province dePrusse-Occidentale) en1772.
Ce royaume prend vite l'ascendant sur les États du nord de laConfédération germanique avec lesquels il constitue uneZollverein (Union douanière) à partir de1834.
En 1918, la République est proclamée dans leReich, et la Prusse, à l'image des autres États fédérés dans leReich, abolit la monarchie. La Prusse n'est alors plus qu'un simpleLand : l'État libre de Prusse (Freistaat Preußen). Malgré les amputations territoriales que l'Allemagne subit autraité de Versailles, et qui touchent essentiellement le territoire prussien, cet État reste le plus grand des dix-septLänder allemands de l'époque.
SonLandtag demeure longtempssocialiste, ce qui retarde l'arrivée desnazis au pouvoir, mais aux élections de1932 la Prusse tombe directement sous l'influence dunational-socialisme. Avec l'avènement d'Adolf Hitler, en 1933, elle perd ses institutions autonomes et s'intègre auTroisième Reich.
À la fin de laSeconde Guerre mondiale, lesAlliés décident la disparition symbolique de ce qu'ils considèrent comme le berceau dumilitarisme allemand : par laloi n° 46, le, leurs représentants proclament la dissolution de l'État prussien et expulsent les Allemands qui se trouvent encore au-delà de l'Oder, pour laisser s'installer des Polonais (originaires dePosnanie,Kresy…) ou desSoviétiques (région deKaliningrad, ex-Königsberg).
C'est pourquoi le terme de « Prusse » n'est plus porté par aucun des seizeLänder qui composent aujourd'hui l'Allemagne, réunifiée depuis1990. LesÉtats deMecklembourg-Poméranie-Occidentale et deBrandebourg sont ceux dont les noms rappellent le plus les origines de la Prusse, dont laPoméranie et leBrandebourg figurent parmi les composantes les plus anciennes encore situées de nos jours enAllemagne.
Christopher Clark,Iron Kingdom, The rise and downfall of Prussia - 1600-1947, Penguin Book, 2007
Michel Kerautret,Histoire de la Prusse, Seuil, 2005, rééd. 2010.
Jasper Heinzen,Making Prussians, Raising Germans. A Cultural History of Prussian State-Building after Civil War, 1866-1935, Cambridge University Press, 2017.
Marie-Bénédicte Vincent,Serviteurs de l'État. Les élites administratives en Prusse de 1871 à 1933, Paris, Belin, 2006[6].
↑La plus grande part de ces populations a été transférée en Allemagne après 1945. Mariusz Kowalski dans la revuePrzeglad Zachodni, numéro spécial, 2012, pp. 119-136 estime que du fait de ce transfert, 4 % des Allemands d'aujourd'hui portent des noms slaves, cf.[1].