Représentation schématique de la composition en quarks de valence d'un proton, avec deux quarks u et un quark d. L'interaction forte est transmise par desgluons (représentés ici par un tracé sinusoïdal). La couleur des quarks fait référence aux trois types de charges de l'interaction forte : rouge, verte et bleue. Le choix de couleur effectué ici est arbitraire, la charge de couleur circulant à travers les trois quarks.
Dans le cadre dumodèle standard de la physique des particules, et aussi expérimentalement dans l'état actuel de nos connaissances, le proton est également stable à l'état libre, en dehors de tout noyau atomique. Certaines extensions du modèle standard prévoient une (extrêmement faible)instabilité du proton libre.
Le concept d'une particule analogue à l'hydrogène, constituant des autres atomes, s'est graduellement développée au cours duXIXe siècle et du début duXXe siècle. Dès1815,William Prout émet l'hypothèse que tous les atomes sont composés d'atomes d'hydrogène, sur la base d'interprétations des valeurs des masses atomiques ; cette hypothèse se révèle fausse lorsque ces valeurs sont mesurées avec plus de précision.
En1886,Eugen Goldstein découvre lesrayons canaux et montre qu'ils sont composés de particules chargées positivement (desions) produites par des gaz. Cependant, comme les ions produits par différents gaz possèdent des rapports charge/masse différents, ils ne sont pas identifiés comme une simple particule, à la différence de l'électron découvert parJoseph Thomson en1897.
En1919, Rutherford prouve que le noyau de l'atome d'hydrogène est présent dans les autres noyaux. Il remarque que lorsque desparticules alpha sont envoyées dans un gaz d'azote, ses détecteurs de scintillation indiquent la signature de noyaux d'hydrogène. Il détermine ensuite que cet hydrogène ne peut provenir que de l'azote[7]. Ce noyau d'hydrogène est donc présent à l'intérieur d'un autre noyau. Rutherford baptise la particule correspondante du nom de proton, d'après le neutre singulier du mot grec pour « premier »,πρῶτον /prỗton[8].
Le proton est unfermion despin1/2. Il est composé de troisquarks de valence, ce qui en fait unbaryon. Les deuxquarks up et lequark down du proton sont liés par l'interaction forte, transmise par desgluons, ces gluons échangés entre les quarks et qui, par l’énergie de liaison qu’ils représentent, vont constituer environ 99 % de la masse du proton. En plus de ces trois quarks de valence (qui déterminent lesnombres quantiques de la particule) et des gluons, le proton, comme les autreshadrons, est constitué d'une « mer » de paires de quarks-antiquarksvirtuels qui apparaissent et disparaissent en permanence. Les nombres quantiques de ces paires virtuelles s'annulent en moyenne, ne contribuant donc pas à ceux du proton.
Tout comme leneutron, le proton est unnucléon et peut être lié à d'autres nucléons par laforce nucléaire à l'intérieur d'unnoyau atomique. Le noyau de l'isotope le plus courant de l'hydrogène est un simple proton. Le noyau des isotopes plus lourds, ledeutérium et letritium contiennent un proton lié à un et deux neutrons, respectivement. Tous les autres noyaux atomiques sont composés de deux protons ou plus et d'un certain nombre de neutrons. Le nombre de protons d'un noyau détermine (par l’intermédiaire des électrons qui lui sont associés) les propriétés chimiques de l'atome et donc quelélément chimique il représente.
La masse du proton est égale à environ 1,007 276 5 u, soit à peu près 938,272 0 MeV/c2[3] ou 1,672 62 × 10−27kg[9]. La masse du proton est environ 1 836,15 fois celle de l'électron. Sacharge électrique est très exactement égale à unecharge élémentaire positive (e), soit +1,602 176 565 × 10−19C ; l'électron possède une charge électrique négative, de valeur opposée à celle du proton. La charge électrique du proton est égale à la somme des charges électriques de ses quarks : celle de chaque quark up vaut +2/3e et celle du quark down −1/3e. Son rayon est d'environ 0,84 fm.
Pendant plusieurs décennies et jusqu'en 2010, les mesures du rayon de charge du proton, obtenues par des méthodes différentes, sont cohérentes autour de 0,88 fm, avec comme meilleure évaluation0,8768(69) fm[a]. En 2010 une nouvelle méthode, impliquant l'hydrogène muonique, fournit une nouvelle valeur très précise, mais incompatible avec les précédentes : 0,841 84(67) fm[10].
La taille du proton peut aussi être définie par son rayon de masse, le rayonquadratique moyen de sa distribution demasse. On peut le mesurer en bombardant une cible riche en protons (par exemple, de l'hydrogène liquide) par desmésons J/ψ, eux-mêmes produits en bombardant une cible (par exemple decuivre) par desélectrons (ce qui produit desphotons de haute énergie, qui se convertissent en J/ψ). Lesquarks du méson J/ψ interagissent avec lesgluons du proton. Le méson J/ψ a une durée de vie très courte et se désintègre en une paire électron-positon, ce sont ces paires que l'on détecte et dont on analyse les caractéristiques.
Le proton ne contient pas que les trois quarks dits « de valence » (deux u et un d), dont la masse ne compte que pour quelques % de la masse totale. Il contient aussi de nombreuses particules éphémères, des gluons ainsi que des paires quark-antiquark (quarks « de mer ») provenant de la désintégration des gluons[15].
Chaque paire quark-antiquark est constituée d'un quark u et de sonantiparticule, ou bien d'un quark d et de son antiparticule. Les quarks u et d ayant des masses très voisines, les paires des deux sortes devraient être présentes dans des proportions également voisines. En 2021, l'analyse de collisions proton-proton a montré que les antiquarks d sont plus abondants que les antiquarks u (« asymétrie de saveur »). Ce résultat, encore inexpliqué, est sans doute lié au problème de l'asymétrie matière-antimatière[15],[16].
Le proton étant constitué dequarks confinés via la présence degluons, on peut définir l'équivalent d'unepression ressentie par les quarks. On peut en calculer la distribution, en fonction de la distance au centre, à l'aide de ladiffusion Compton d'électrons très énergétiques (DVCS, pourdeeply virtual Compton scattering).
Le travail précédent est revisité en[18] : ce n'est pas la méthode qui est critiquée, mais le calcul des incertitudes. En fait les données disponibles restent compatibles avec une pression nulle au sein du proton.
Le proton libre (non lié à d'autres nucléons ou à d'électrons) est une particule stable, dont la désintégration spontanée en d'autres particules n'a jamais été observée. Des expériences au détecteur deSuper-Kamiokande au Japon ont fourni des limites inférieures auxdurées de vie moyennes du proton égales à 6,6 × 1033 ans pour la désintégration vers unantimuon et unpion neutre, et à 8,2 × 1033 ans pour la désintégration vers unpositron et un pion neutre[19]. Une expérience différente à l'Observatoire de neutrinos de Sudbury au Canada a recherché desrayons gamma provenant des noyaux residuels découlant de la désintégration d'un proton de l'oxygène-16. Cette deuxième expérience est conçue pour déceler la désintégration vers un produit quelconque, et établit une limite inférieure de 2,1 × 1029 ans pour le temps de vie du proton[20].
En revanche, les protons peuvent se transformer en neutrons, parcapture électronique. Ce processus n'est pas spontané, et nécessite un apport d'énergie. La réaction produit un neutron et unneutrino électronique :
Le processus est réversible : les neutrons peuvent se transformer en protons pardésintégration bêta, une forme dedésintégration radioactive. De fait, un neutron libre se désintègre de cette façon avec une durée de vie moyenne d'environ 15 minutes.
L'Union internationale de chimie pure et appliquée indique explicitement que le motproton ne doit pas être utilisé pour désigner l'espèce H+ dans son abondance naturelle[21]. En effet, en plus de protons (1H+, aussi noté simplement H+ en l'absence d'ambiguïté), ions correspondant à l'isotope de l'hydrogène appelé protium (1H, ou simplement H en l'absence d'ambiguïté), les ions H+ issus d'hydrogène naturel peuvent être desdeutérons (2H+ ou D+) ou destritons (3H+ ou T+), correspondant respectivement aux isotopes nommésdeutérium (2H ou D) ettritium (3H ou T).
↑Cette notation indique entre parenthèses l'incertitude (deuxécarts type) portant sur les derniers chiffres : 0,8768(69) est équivalent à 0,876 8 ± 0,006 9).