Proserpine est une divinitéromaine équivalant àPerséphone dans lamythologie grecque. Elle est la fille deCérès (ouDéméter) etJupiter (Zeus en grec). Malgré son enlèvement par Pluton et son statut de Reine des Enfers, Proserpine est aussi une déesse du printemps. En association avec lesMystères d'Éleusis, son mythe évoque le retour duprintemps après l'hiver rigoureux et peu éclairé et recoupe celui de sa mère en tant que déesse de l'Agriculture et des Moissons.
En -249, à un moment difficile de lapremière guerre punique, lesdecemvirs consultèrent les Livres. Ils y lurent, selon les auteurs postérieurs, qu'il fallait célébrer sur leChamp de Mars pendant trois nuits consécutives lesludi Tarentini (jeux tarentins) en l'honneur deDis et de Proserpina, leur sacrifier des victimes noires et enfin promettre de renouveler la cérémonie après unsaeculum de cent années[1].
Le nom Proserpina est déformé dePerséphone (engrec ancienΠερσεφόνη /Persephónê) par étymologie populaire ou plutôt par une prononciation étrusque[1]. L'introduction à Rome des deux divinités apporta une conception nouvelle de l'Autre-Monde, représentation qui était sommaire dans la religion romaine ancienne. Elle ne paraît pas avoir profondément marqué la croyance de la masse des Romains[1]. Dans le nord duChamp de Mars, près du Tibre, semble-t-il,Dis Pater et son épouse possédèrent un autel souterrain dont l'accès n'était ouvert qu'aux temps rares de leurs fêtes[1]. La littérature hellénisante des derniers siècles fait illusion, comme pour d'autres divinités, sur sa véritable importance dans la religion romaine[1].
La célébration de cette déesse est ainsi officialisée en -249 àRome[2]. Elle avait lieu àTarente lors des jeux tarentins[2]. Cependant, c'est enSicile que son culte aurait été le plus important[3]. On apprend dans l'Énéide notamment que des génisses stériles lui sont sacrifiées, la stérilité, assimilée à l'absence de vie, étant mise en relation avec la mort. On l'associe également au rameau d'or : l'unique moyen de pénétrer aux Enfers en tant que vivant serait de lui en apporter un comme présent[4]. De plus, on lui attribue la figure du serpent, le mot latin « proserpere » désignant le déplacement de cet animal. C'est lemythographeCartari qui le premier pointe du doigt ce lien[5]. Proserpine a donc été nommée par les Romains le « Serpent qui rampe sous la terre »[6][source insuffisante].
Lamythologie raconte qu’elle a été enlevée parPluton, dieu des Enfers qui l’a ensuite épousée, alors qu'elle ramassait des fleurs (il s'agissait de violettes) en compagnie de ses amies. Alors qu'elle s'apprêtait à repartir sur son char, la nympheCyané, compagne de Proserpine, tente de la retenir. Comme Pluton (Hadès en grec) est le frère de Jupiter dont Proserpine est la fille, on déduit que Pluton enlève sa nièce. Cérès, apprenant la disparition de sa fille, serait partie à la recherche de celle-ci pendant neuf jours et neuf nuits[7]. Apprenant enfin le nom du coupable grâce àApollon, elle cessera alors de s'occuper des cultures sur terre pour montrer son indignation. Un accord aurait été conclu avec Pluton afin que la jeune déesse puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. Ainsi, elle passe six mois aux Enfers, le chagrin de Cérès causant la mort des plantes sur la terre (ce qui symbolise notre automne et notre hiver), puis six mois avec sa mère, la joie de celle-ci redonnant vie aux cultures (ce qui correspond à nos printemps et été). L'enlèvement de Proserpine peut donc être qualifié de mythe étiologique, à rapprocher duconte étiologique.
Selon une version moins courante[3], Proserpine ne pouvait être sauvée que si elle n'avait pas encore goûté à la nourriture des Enfers. Mais ayant consommé des pépins de grenade, elle dut y rester éternellement, sans pouvoir en sortir pendant la moitié de l'année comme dans la version la plus répandue. Certaines versions précisent que Pluton serait tombé amoureux d'elle carVénus aurait demandé à son fils l'Amour de lui tirer une de ses flèches.
Mais d'autres instants du mythe ont également été représentés. On peut la voir aux côtés de Pluton et faisant face à Orphée dans la toileOrphée devant Pluton et Proserpine parFrançois Perrier. Proserpine a été peinte parJohn William Waterhouse dansLe chant du Printemps (1913 - Huile sur toile - 71,5 x 92,4 cm), où elle ramasse des fleurs.
Depuis lesByzantins, et surtout à la Renaissance, la mythologie antique sera interprétée en un sens alchimique : « Il devenait soudain possible d'argumenter contre le fréquent reproche selon lequel l'Antiquité classique n'avait pas connu l'Alchimie[9]. » Cette approche connut comme plus célèbres représentants,Robert Duval,Michael Maier,Pierre-Jean Fabre etDom Pernety[10],[11].
Le mythe de Proserpine ne fait pas exception à cette règle. Le médecinMichael Maier[12] préfère ainsi, au sens agricole attribué à la célébration de ses Mystères, une interprétation alchimique :« D'accord, voilà une explication convenable, mais s'agit-il là de choses secrètes, ou très peu connues de tous ? Est-ce que cela requiert de telles fêtes, tant d'occultation et de si grandes réserves ? Sur la semence et son explication nous saisissons. Mais en ce qui concerne notre tout grand secret philosophique que les rustiques ignorent, seuls les philosophes savent qu'il a des raisons d'être occulté. C'est de lui que vient cette institution des rites sacrés[13] ».
Au XVIe siècle, le thème est à nouveau traité parCatherine Des Roches dansLe Ravissement de Proserpine, première traduction française du texte de Claudien, mais que l'écrivaine retravaille pour mettre en valeur la souffrance imposée à la fille autant qu'à sa mère (Les Missives de Mesdames Des Roches, de Poitiers, mere et fille : Avec le Ravissement de Proserpine prins du latin de Clodian, Et autres imitations et meslanges poëtiques, 1586, éd. Anne Larsen, Genève, Droz, «Textes littéraires français», 1999).
↑Didier Kahn,Alchimie et Paracelsisme en France à la fin de la Renaissance (1567-1625), Genève, Droz, 2007, « L'exégèse alchimique de la mythologie », p. 66-68.