Prophète, au fémininprophétesse, est un mot provenant dulatin et emprunté augrec ancienπροφήτης /prophḗtēs, « interprète de la parole divine »[1]. Au côté de cesens littéral toujours actuel[2], le mot peut de nos jours aussi désigner« celui ou celle qui prédit l’avenir, prétend révéler des vérités cachées au nom d’un dieu dont il se dit inspiré »[3]. Le sens du mot dans laBible est élargi : ce n'est plus spécifiquement une personne qui parle de l'avenir (comme undevin), mais une personne qui parle au nom deDieu, donnant des messages desagesse, dénonçant lemal, dictant desconduites à tenir[4].
Le prophète se dit au service de la divinité et mû par elle. Il va souvent à l'encontre de l'opinion de ses concitoyens et forme ainsi uncontre-pouvoir, forme d'antidote à l'embourgeoisement institutionnel[6].
D'une façon générale, on désigne par prophète toute personne qui a fait uneprophétie en annonçant par avance un événement que les personnes à qui il s'adressait considéraient comme imprévisible.
Le mot français « prophète » est composé dugrecpro (à l'avance) et du verbephesein (dire). Ainsi, un προφήτης (prophḗtēs) est quelqu'un qui prédit des événements futurs et transmet également des messages du divin aux humains. Dans une interprétation différente, cela signifieavocat ouorateur.
« Prophète » enhébreu se dit נביא (nabī) qui veut dire « porte-parole »[7]. Le mot comporte une autre notion que celle véhiculée habituellement puisqu'il signifie également « produire » plutôt qu'« apporter au-devant/à l'avance ». La signification deNavi est peut-être décrite dans leDeutéronome 18:18, oùDieu dit :
« ... et Je mettrai Mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que Je lui commanderai ».
Ainsi, leNavi est considéré comme la « bouche » de Dieu. La racine hébraïquenoun/beth/alef composant le motNavi s'appuie sur les deux lettresnoun (נ) etbeth (ב) (à la graphie ouverte) qui dénotent le creux ou l'ouverture ; pour recevoir la sagesse transcendantale, il faut « s'ouvrir », dit leRashbam[8].
Max Weber distingue leprêtre, qui appartient à l'institution, du prophètecharismatique. Mais certains prêtres montrent une capacité à s'approprier des prophéties et ont une grande aura sacrale[9].
Pour lejudaïsme, unprophète parle au nom du Dieu d'Israël (YHWH) aupeuple d'Israël et annonce des événements à venir si le peuple ne change pas de comportement, afin de se conformer à laLoi juive, et opère, à titre de preuve, un ou plusieursmiracles. Il est son porte-parole.
Dans la Bible, lesNevi'im (en hébreu נביאים / nébīīm, « Prophètes ») forment la seconde partie duTanakh (Bible hébraïque), après laTorah (Pentateuque) et avant lesKetouvim (Autres Écrits). LesNevi'im (ouNəḇî'îm) sont souvent désignés sous le nom de « Livres prophétiques » ou « Livres des Prophètes » en français, ou même simplement de « Prophètes ».Abraham est le premier prophète désigné dans laTorah, ensuite vientMoïse le plus important. L'ensemble des Prophètes est divisé engrands etpetits Prophètes selon un ordre chronologique[13],[14].
Ces prophètes juifs ne servaient pas à légitimer lepouvoir politique, au contraire, très souvent ils le critiquaient ou s'y opposaient.
Les critères permettant à Israël de reconnaître le vrai prophète sont en général son comportement[18], son désintéressement, son indépendance voire sa marginalité[19]. Un critère semble fondamental : « si quelqu’un entraîne Israël dans l’impasse ou s’il l’invite à oublier son Dieu », il ne peut jamais être son prophète[20],[19]. « LeDeutéronome[21] évoque la possibilité que se lèvent des prophètes dont la parole s’appuiera sur desprodiges, mais qui, ensuite, entraîneront le peuple dans les voies de l’apostasie »[19].
La tradition dit que dès lepremier exil d'Israël, de sa terre versBabylone, Dieu s'est arrêté de se dévoiler par laprophétie jusqu'à la venue duMessie.
Pour les croyants, bien que répondant à leurs propres règles, les prophéties annoncées dans la Torah s'accomplissent dans leurs moindres détails des centaines ou des milliers d’années plus tard[22].
Unfaux prophète est, selon laBible qui utilise le terme régulièrement, un prophète reconnu à tort de son vivant, généralement quelqu'un qui n'ouvre pas les yeux sur le mal que commet le peuple, mais contesté par un autre prophète qui, lui, parlerait effectivement au nom de Dieu[23],[4].
Le don de prophétie est fréquent dans l’Église du temps desapôtres[4]. En plus des prophètes de l'Ancien Testament, leNouveau Testament, cite notamment :
« Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de latribu d'Aser. Elle était fort avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité. Restée veuve, et âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple, et elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière. Étant survenue, elle aussi, à cette même heure, elle louait Dieu, et elle parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. »
Le dernier livre du Nouveau Testament, l'Apocalypse est considéré comme une longue prophétie, unerévélation (sens du mot grec d’apocalypse) de la fin des temps.
Dans l'Église primitive, on constate l'existence de plusieurs personnes appelées prophètes :
Dans le Nouveau Testament, il est dit deJésus qu'il est leMessie annoncé par les prophètes de l'Ancien testament, et que Jean-Baptiste est le plus grand de tous les prophètes[25]. De fait, ses discours sont parsemés de prophéties, comme celle de ladestruction du Temple.
Le Nouveau Testament parle également de prophètes comme faisant partie des personnes ayant reçu certains dons de la part de l'Esprit Saint après leur conversion à Jésus Christ.
« C'est lui qui a fait don de certains comme apôtres, d'autres comme prophètes, d'autres comme évangélistes, et d'autres encore comme pasteurs et enseignants. »
LaRenaissance duXIIe siècle est marquée par des prophètes au sens restreint du terme : personnes qui ont le don de prédiction des évènements à venir :Joachim de Flore, prophète de l'« évangile éternel » et fondateur dujoachimisme,Hildegarde de Bingen, première prophétesse chrétienne (dans la lignée des prophétesses de la Bible)[6].
Laguerre de Cent Ans, les famines et lapeste sont l'occasion pour des prophètes (anonymes ou souvent se cachant sous des pseudonymes, parfois plus connus commeBrigitte de Suède,Marie Robine,Jean de Gand) de s'en prendre à l'institution ecclésiale fragilisée par leGrand Schisme d'Occident. La vulgarisation du prophétisme permet de répondre aux angoisses et à l'attenteeschatologique. Certains prophètes, telleJeanne d'Arc, se politisent en mettant leur espoir en des souverains seuls aptes selon eux à réformer l'Église et à être le sauveur providentiel[27].
Laréforme protestante est animée à ses origines par la dynamique prophétique (Luther annonce ainsi la venue de l'Antéchrist) avant que sa théologie n'exclue les prophètes[29].
Inscription arabe en style coufiqueMuḥammad messager d'Allah relative au prophète Mahomet, gravée sur le fût d'une colonne de lagrande mosquée de Kairouan.
Chez lesmusulmans, le cycle de la Prophétie est scellé parMahomet, « prophète » a dans l'islam le sens d'« homme inspiré parAllah ».
Dans l'islam, sont appelés prophètes les douzepatriarches de la Bible, d'autres personnalités importantes, puisMahomet,le sceau des prophètes. Vingt-cinq prophètes (nabi / anbiya) sont nommés dans leCoran, unhadîth mentionne que chaque peuple de l'histoire a reçu au moins un prophète et qu'il y en a eu cent vingt-quatre mille en tout. Selon le Coran, le premier estAdam. Les plus importants en dehors de Mahomet lui-même sont Noé, Abraham, Moïse, David, Salomon et Jésus.
Le Coran cite plusieurs séries de messagers (rasûl) et de prophètes (nabî), certains sont connus de la Bible commepatriarches et non comme prophètes. Dans les sourates XXI (Les prophètes[31]), IV (Les femmes[32]), et III (ʿImran[33]) un certain nombre sont cités dans une liste de « justes »[34].
Selon l'islam, certains de ces prophètes auraient été rejetés ou trahis par leur communauté, et celle-ci, détruite par Dieu.
Vient alorsMahomet, dernier prophète et récipiendaire de la révélation divine sous la forme duCoran. Pour l'islam ce serait donc le dernier prophète envoyé par Dieu auprès des hommes.
« Quiconque est bien dirigé, n'est dirigé que pour lui-même. Quiconque est égaré n'est égaré qu'à son propre détriment. Nul ne portera le fardeau d'un autre. Nous n'avons jamais puni un peuple, avant de lui avoir envoyé un prophète. »
↑« Larousse », surlarousse.fr(consulté le) :« [Prophète] Définitions Interprète de la volonté d'une divinité pour le présent ou pour l'avenir. Littéraire. Personne qui, dans une activité littéraire, artistique, devance et annonce l'avenir. »
↑LorenGonzalez, « La vérité sort de la bouche des loups. De la malédiction à la parole biblique, itinéraire spirituel d’un faux prophète sur la voie de la subversion »,Questes. Revue pluridisciplinaire d’études médiévales,no 28,,p. 73–98(ISSN2102-7188,DOI10.4000/questes.3456,lire en ligne, consulté le)
↑Complete English-Hebrew dictionary (?) p. 1571,(en)Reuben Alcalay. Une traduction alternative de ce mot hébreu est dérivée d'un motakkadienNabu, qui signifie « appeler ». L'hébreuNavi a un sens passif et signifie « celui qui a été appelé » (voir HALOT, p. 661).