Lapropagande est un ensemble de techniques de persuasion mises en œuvre pour propager, par tous les moyens disponibles[1], une opinion ou uneidéologie. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l'influencer[2], voire de l'endoctriner[3]. Elle se caractérise par unemanipulation mentale quimélange sciemment l’information et l’opinion, afin d'éliminer le pluralisme des points de vue et d'empêcher l'exercice de l'esprit critique.
La propagande peut utiliser lapublicité, car cette dernière vise à façonner des choix, des modèles de société, des opinions et des comportements[4],[5]. Nonobstant la similitude de certaines caractéristiques, les liens entre propagande et publicité sont largement discutés[6],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[13],[14]. La propagande utilise aussi lesNTIC, lesalgorithmes et l'intelligence artificielle, source d'une « propagande computationnelle » automatisée qui peut manipuler l’opinion publique à large échelle, dont en diffusant massivement et rapidement des contenus mensongers ou manipulateurs, promus par des bots automatisés et de faux comptes taguant ou partageant des vidéos et messages de manière coordonnée, en créant l'impression d'un large soutien populaire, surTikTok notamment où le défilement infini de vidéos courtes ne permet pas l'analyse critique et amplifie la désinformation et les contenus vides de sens[15].
Lors du discours du palais des sports de Berlin du,Goebbels exhorte le peuple à suivre la voie de laguerre totale. Les banderoles indiquent « guerre totale - guerre la plus courte ».
La propagande poursuit des objectifs variés qui peuvent être politiques, économiques, religieux ou militaires. Elle cherche à aiguiller les attentes de l'opinion publique, à modifier les actions des personnes ciblées (lacensure peut faire partie des modalités de la propagande en supprimant les informations que le pouvoir souhaite ne pas divulguer). Dans sa forme la plus dure, elle façonne la connaissance des personnes par n'importe quel moyen dont ladiversion ou la confusion.
Lors d'une guerre, la propagande est utilisée pour déshumaniser l'ennemi et susciter la haine, en contrôlant lareprésentation que s'en fait l'opinion publique. Cela peut inclure des accusationsmensongères comme de ladiffamation.
La propagande a beaucoup évolué avec la naissance de laguerre psychologique dans laquelle elle trouve des prolongements. En 1962,Jacques Ellul distingue deux types de propagande[23] : la propagandepolitique, très ancienne et dont on connaît globalement aujourd'hui les modes de fonctionnement, et un nouveau type de propagande, la propagandesociologique :
« La première (celle des gouvernements, partis et groupes de pression) se distingue de la seconde qui, moins visible, se rapproche de lasocialisation, que l’on peut définir elle-même comme "processus d’inculcation des normes et valeurs dominantes par lequel une société intègre ses membres". Ellul oppose le caractère direct, délibéré et coercitif de la propagande politique (que l’on trouve en priorité dans les régimes totalitaires) au caractère "plus vaste", "plus incertain", idéologique, "diffus", inconscient et spontané, de la propagande sociologique. Celle-ci, que l’on répugne à désigner sous le terme de propagande dans nosdémocraties pluralistes, agit "en douceur", par "imprégnation". Elle s’exprime par lapublicité, lecinéma commercial, lesrelations publiques, latechnique en général, l’éducation scolaire, lesservices sociaux… En partie non intentionnelle, cette propagande repose sur ces activités multiples qui agissent de façon concordante comme un ensemble pour inculquer un certainmode de vie[24]. »
La propagande computationnelle est l'une des variantes moderne, discrète mais sophistiquée de la propagande[25], qui croise les progrès de la psychologie et ceux desNTIC en utilisant principalement lesréseaux sociaux. Elle s'est fait connaitre des médias et du grand public par lescandale Facebook-Cambridge Analytica, à la suite de la récupération et de l'utilisation, par deux officines de propagande (Cambridge Analytica et sa jumelleAggregateIQ) desdonnées personnelles de 87 millions d'utilisateurs deFacebook[26], qui ont servi, à partir du début de l'année2014, à dresser des profils psychogiques d'utilisateurs, afin de les manipuler, pour notamment influencer leurs intentions de vote en faveur d'hommes politiqueslibertariens de droite et du vote pour leBrexit, via uneplateforme logicielle basée sur uneintelligence artificielle baptisée « Ripon » (créée parAIQ)[27]. Même si la société Facebook s'est excusée, la valeur de ses titres boursiers a sensiblement décliné[28].
La propagande cartographique désigne l’usage intentionnel de cartes qui sélectionnent, exagèrent ou déforment certains éléments géographiques[29], tels que les frontières, les proportions, les symboles ou les légendes, afin de transmettre un message ou d’exercer une influence persuasive. Cette notion est notamment appliquée par les critiques de laprojection de Mercator.
Selon Fara Ndiaye, directrice adjointe de l’organisation Speak Up Africa, cette projection« grossit artificiellement l'Europe et l'Amérique du Nord, tout en réduisant la taille de l'Afrique d'environ la moitié […] », ce qui, selon elle, influence les programmes scolaires et les représentations médiatiques[30]. La projection est ainsi jugée comme étanteurocentrique[31].
Face à ce constat, Africa No Filter et Speak Up Africa, deux organisations africaines deplaidoyer, ont lancé le la campagne« Correct the Map » afin d'appeler les instances internationales à adopter laprojection Equal Earth, jugée plus réaliste[32]. En, l'Union africaine apporte son soutien officiel à la campagne[30]
Réplique moderne du milliaire d'Antonin le Pieux (151), La Haye.
La propagande politique est un phénomène observable dans les civilisations antiques, que ce soit par les mythes, les discours, les émissions monétaires, la poésie, les pamphlets, les opuscules propagandistes, mais aussi les œuvres artistiques et les thèmes iconographiques.
Une distinction essentielle pour cette période est à opérer entre une propagande dite négative, ou d'agitation selon J. Ellul, qui attaque, critique, discrédite un adversaire, et une propagande dite positive, ou d'intégration selon J. Ellul, qui représente l'autorité en place, la met en scène et s'apparente au faste et à la démonstration du pouvoir.
Sous laRépublique, particulièrement au temps des guerres civiles de l'époque tardo-républicaine, l'éloquence se pose comme un vecteur de propagande. Entre 44 et 43 av. J.-C.,Cicéron, reprenant le titre des discours de Démosthène, prononce sesPhilippiques contreMarc Antoine. Ce dernier subit de nombreuses invectives qui le présentent comme un gladiateur, un criminel, un brigand, un débauché, un ivrogne, enfin, un tyran menaçant de renverser la République. Entre 44 et 30 av. J.-C., cette forme de propagande dépréciative s'observe dans les rivalités qui opposentOctavien et Marc Antoine[34],[35],[36].
AuHaut-Empire, leculte impérial était un des moyens de la propagande impériale[37]. Les pièces de monnaie[38] et les bornes routières[39] sont proposées comme supports matériels pour véhiculer la propagande. Lesempereurs romains font dresser le long deschaussées desbornes de près de deux mètres de haut, qui portent leurtitulature officielle. Lors d'unefouille de sauvetage faite en 1997 àWateringse Veld, un quartier deLa Haye, on a trouvé quatre de ces bornes, chacune d’elles placée sous l'autorité d’un empereur différent[40].
Cependant,Paul Veyne démontre que cette « propagande architecturale » a davantage à voir avec la manifestation du faste monarchique, avec la représentation du pouvoir, qu'avec une action de propagandestricto sensu, que les empereurs ont moins besoin de convaincre les peuples que de simplement affirmer leur rang[41],[42].
John Seymour Lucas.The Armada in Sight. 1880. Selon la légende,Francis Drake fut informé pour la première fois de l'observation de l'Armada alors qu'il jouait aux boules sur Plymouth Hoe. Il aurait répondu qu ’« il reste beaucoup de temps pour terminer la partie et battre les Espagnols »- mais il n’existe aucune preuve fiable de cela[44].
L'Invincible Armada, le nom donné en1588 à une flotte d'invasion armée espagnole à destination de l'Angleterre est encore communément de nos jours présentée comme une défaite espagnole cuisante; la flotte espagnole aurait d'autre-part été détruite, et cet échec militaire surtout annoncerait le début déclin de l'Empire espagnol[45],[46] et la gloire naissante de l'Angleterre.
L'expression « Invincible Armada » elle-même, destinée à ridiculiser l'expédition, provient de la propagande anglaise de l'époque, une saille deLord Burghley, conseiller de la reine (« So ends this account of the misfortunes of the Spanish Armada which they used to call INVINCIBLE ») qui a été transmise dans de nombreuses langues[46]. À la suite de la défaite espagnole, l'Angleterre entreprit une importante campagne de propagande et, avec le reste dumonde protestant, fut inondée de brochures, de chansons populaires, de poèmes, de gravures, de peintures, de pièces de monnaie, de médailles, etc. En Angleterre pas moins de 24 chansons populaires contemporaines sur l'Armada ont survécu[46]. Pour sa part,Charles Howard, premier comte de Nottingham, commanda une série de tapisseries représentant une grande bataille navale tous azimuts menée de près qui n'eut jamais lieu de cette manière. L'impact de la propagande de Howard dura aussi longtemps que celle de Burghley. Le grand corpus de propagande créa une réalité alternative qui se transforma au fil des siècles en « la défaite de l'Invincible Armada », le grand moment déterminant du nationalisme anglais, avec sa litanie de clichés connexes[48].
Napoléon joue de son physique pour être reconnu de tous[50] : son bicorne, sa redingote, son physique reconnaissable de tous, sa main sur l'estomac, son regard froid et décidé. Il est aussi connu sous le surnom du « petit caporal ». Il est adoré de ses hommes parce qu'il est au front avec eux et qu'il se met à leur niveau.
Napoléon fait un usage important de la propagande pour conquérir le pouvoir puis le consolider. Dès sacampagne d'Italie, alors qu'il n'est que le général Bonaparte, il use de l'influence desBulletins de l'Armée d'Italie. Par exemple, il se fait représenter lors de labataille du Pont d'Arcole tenant un drapeau à la main (thème reproduit à des milliers d'exemplaires). Il étend ensuite ce système de propagande une fois qu'il a conquis le pouvoir, avec lesBulletins de la Grande Armée. Il utilise la presse et modifie les faits en sa faveur ou pour glorifier ses hommes comme dans le titreJournal de Bonaparte et des hommes vertueux. Les tableaux deGros et deDavid, les affiches de l'époque, les chansons et beaucoup plus tard leMémorial de Sainte-Hélène participent aussi à l'élaboration de lalégende dorée de Bonaparte.
Napoléon met en circulation des pièces de monnaie à son effigie. Il est représenté à l'antique commeJules César : profil et coupe de cheveux à l'antique et laurier (symbole de victoire)[51]. Les pièces de monnaie sont manipulées par tous et font circuler son image de grand général, comparable à Jules César. Comme autre symbole, il utilise l'aigle, symbole de puissance. Napoléon met en place des cérémonies grandioses où il faut être[50]. Une contre-propagande, mise en place par les Anglais, le dénigre mais finalement le sert puisque même ses ennemis parlent de lui[50]. Après sa mort, les témoignages de ses généraux, les souvenirs vendus en sa mémoire par les marchands ambulants contribuent à forger sa légende en tant qu'icône de l'histoire de France.
Dans le contexte de larévolte indépendantiste cubaine, la presse des États-Unis a intensément milité pour la guerre contre l'Espagne. Le magnat de la presseWilliam Randolph Hearst est connu pour sa célèbre réponse à son illustrateur présent à Cuba,Frederic Remington, qui estimait que les événements àla Havane ne justifiaient pas une guerre :« Vous fournissez les images, et je fournirai la guerre. »
Cette propagande belliciste de grands journaux des États-Unis a joué un grand rôle pour pousser le président McKinley à déclencher une guerre qu'il ne souhaitait pas.
Pendant laPremière Guerre mondiale, Lippman et Bernays furent engagés par le président des États-UnisWoodrow Wilson pour faire basculer une opinion américaine traditionnellementisolationniste vers l'interventionnisme. Pour cela, il fit appel aux Comités pour l'information du public (Committee on Public Information) dirigés par le journaliste George Creel, « privatisant » ainsi la propagande de guerre.
D'une durée de six mois, la campagne de propagande de Creel, Lippman et Bernays fut si intense que l'hystérie anti-allemande générée a impressionné l'industrie américaine, qui découvrait tout à coup les immenses ressources que l'on pouvait déployer pour influencer l'opinion publique d'un pays entier. Bernays a inventé les termes d’esprit de groupe et d’ingénierie du consentement, des concepts importants en propagande appliquée.
que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
qu’il subit bien plus de pertes que nous
que Dieu est avec nous
que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande)
La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre d'une propagande constante, utilisée comme arme de guerre, par les nazis, mais aussi par les Alliés. Mussolini avait avant eux compris son importance dès les années 1920, sur la base de ses propres contributions au journalIl Popolo d'Italia ; ainsi, il avait créé le Minculpop (ministère de la Culture populaire), qui fonctionna comme outil de propagande à partir de 1925.
Mussolini parvient au pouvoir en 1922 après laMarche sur Rome et comprend très vite le rôle de la publicité moderne et de l'instrumentalisation des médias à des fins politiques ; en cela, il est le continuateur de l'écrivain et aventurierGabriele d'Annunzio, qui fut un habile propagandiste nationaliste durant la Première Guerre mondiale. Le décorum fasciste (chemises noires, salut « romain » cris de ralliement, théâtralisation de la politique) est directement emprunté auxArditi (miliciens) de d'Annunzio lors de l'éphémère occupation de Fiume en 1920[réf. souhaitée].
Le culte de la personnalité et la mise en scène de Mussolini, qualifié de termes ronflants (« Homme providentiel », « surhomme fasciste », « Grande Nocchiere » - « Grand timonier », etc.) utilisent tous les vecteurs de communication :presse écrite, actualités cinématographiques, affiches, peintures murales, sculpture et peinture (une grande partie des peintres de l'école futuriste de Marinetti, comme Thayaht (Ernesto Michahelles)[55] mettent leur talent au service du régime fasciste) mais aussi imagerie populaire comme les cartes postales qui mettent en scène le Duce selon des centaines de déclinaisons (au volant d'une voiture de course, aux commandes d'un avion, à cheval, en compagnie du roi Victor Emmanuel ou en compagnie d'ouvriers - dans ce dernier cas, il s'agit de policiers déguisés, affublés d'un bleu de travail et d'une casquette -, à la moissonneuse batteuse ou sur un tracteur Fiat durant la « bataille du blé », inaugurant ou posant la première pierre d'un bâtiment, etc.)[56].
La presse écrite, la radiodiffusion et le cinéma sont instrumentalisés grâce à l'instauration du ministère de la Culture populaire (dit MinCulPop en abrégé) confié à des hommes « sûrs » (Dino Alfieri, Alessandro Pavolini, Fernando Mezzasomma). Ce ministère a la haute main sur toute l'information et se livre à une véritable réécriture de la réalité à travers ses célèbres directives (plaisamment appelées veline - papiers pelures - dans les milieux journalistiques).
Ces veline ont une incroyable variété de domaines d'intervention qui dépasse largement celui de la politique au sens strict et visent à donner une image idéalisée de l'Italie fasciste et de son dictateur. Leur caractère maniaque, outré et souvent ridicule fut un sujet de plaisanteries voilées durant toute la période fasciste[57].
La propagande fasciste s'est fait une spécialité de récupérer à son profit les succès italiens dans le domaine sportif, en particulier dans les sports mécaniques, envisagés comme symbole de progrès technique et d'industrialisation d'une nation en voie de développement accéléré.
Lorsque le pilote motocyclisteOmobono Tenni remporte le célèbre Grand Prix britannique 1937 (le très dangereuxTourist Trophy, sur le circuit de l'île de Man) aux commandes d'uneMoto Guzzi, battant la fine fleur des machines et des pilotes britanniques, le journalMotociclismo salue son exploit par un titre dithyrambique : « L'athlète fasciste Omobono Tenni a vaincu les Anglais ».
Les records de vitesse aériens dans la Coupe Schneider (De Bernardi et Agello, sur hydravionsMacchi Castoldi), les traversées aériennes transatlantiques en escadrille d'Italo Balbo, sur les célèbres hydravions-catamaransSavoia Marchetti type S55, les victoires motonautiques du comte Theo Rossi di Montelera (richissime héritier de la firme Martini et Rossi) aux États-Unis, devant le redoutable pilote constructeur Gar Wood et dans la course Pavie-Venise, les exploits des écuries automobiles Alfa-Romeo, Lancia, puis Ferrari et de leurs pilotes (Tazio Nuvolari,Achille Varzi), la conquête du Hales Trophy récompensant leRuban Bleu de la traversée de l'Atlantique par lepaquebotRex sont autant d'occasions de pavoiser pour la presse du régime fasciste.
Toutefois, ces victoires et ces records sont l'arbre qui cache la forêt d'une industrie encore balbutiante : ainsi l'industrie aéronautique italienne produit à l'unité quelques engins de record de classe internationale mais est incapable de fabriquer en quantités véritablement industrielles des avions de chasse monoplans modernes, et l'armée de l'air en fera l'amère expérience une fois la guerre déclarée.
Assez rapidement, c'est le mouvement sportif tout entier, supposé incarner un idéal de courage et de virilité, qui est mis au service du fascisme, qu'il s'agisse du sport de masse incarné par les organisations de jeunesse et de sport corporatif (Balillas, Avanguardisti, Jeunesses Fascistes, Œuvre du Doppolavoro) ou qu'il s'agisse du sport d'élite et de haut niveau, chapeauté par le CONI (Comité olympique), à la tête duquel Mussolini a placé un « godillot » qui lui est entièrement dévoué,Achille Starace, également secrétaire national du Parti fasciste.
Cette instrumentalisation du sport se retrouvera de façon plus exacerbée encore dans l'Allemagne hitlérienne, mais aussi en URSS et aux États-Unis dans le contexte de la guerre froide.
L'implication très importante de la politique fasciste dans le domaine du cinéma est également très caractéristique : le festival du cinéma (Mostra) de Venise créé en 1932 et les célèbres studios deCinecitta, inaugurés par Mussolini en 1937 sont des créations directes du régime fasciste, qui veut promouvoir une culture populaire purement nationale et combattre l'influence des films américains.
Lecinéma italien de l'époque exalte le régime à travers des films de pure propagande commeCamicia Nera (Giovacchino Forzano, 1933) mais aussi, de façon indirecte à travers des « péplums », qui sont l'équivalent italien des westerns américains et visent à accréditer l'idée que le régime fasciste, qui a des visées impérialistes en Érythrée et en Abyssinie, a restauré la gloire passée de l'Empire romain.
Les actualités cinématographiques (moyen d'information les plus moderne avant l'avènement de la télévision), entièrement à la dévotion du régime, sont dotées de moyens très importants (création deL'Istituto Luce dès 1924).
Sans qu'on puisse parler d'un style architectural fasciste à proprement parler, la période des vingt années du fascisme, au cours de laquelle on a beaucoup bâti en Italie (gares, aéroports, villes nouvelles comme Littoria - rebaptiséeLatina après la guerre -, stades, immeubles d'habitation, casernes, usines, musées, etc.) a donné l'occasion à toute une génération d'architectes, souvent novateurs, de se mettre au service d'un régime pour lequel la mise en scène des chantiers (créateurs d'emploi) et l'inauguration de bâtiments au style « moderniste » était autant d' opportunités de glorifier le fascisme.
L'exemple le plus caractéristique est la création des sièges régionaux du Parti fasciste (Casa del fascio) construits dans toutes les capitales provinciales italiennes au cours des années 1920 et 1930.
LaCasa del fascio de Côme, par l'architecteGiuseppe Terragni (aujourd'hui utilisée comme immeuble administratif de la douane) est souvent citée comme un exemple remarquable de l'architecture rationaliste.
L'Empire romain est instrumentalisé par le régime fasciste, notamment lors de la commémoration du bimillénaire de la naissance d'Auguste en 1937. À cette occasion, l'inscription monumentale desRes gestae diui Augusti est reconstituée. Sous le régime fasciste, les vestiges antiques sont fouillés et mis en valeur au sein de l'espace urbain, par exemple, l'ensemble desfora impériaux.
Le régime fasciste se présente comme l'héritier de l'Empire romain et légitime, par ce prestigieux passé, ses entreprises guerrières, expansionnistes et coloniales. Il prétend retrouver la grandeur impériale du temps d'Auguste, comme l'atteste une série de cartes détaillant les différentes phases d'expansion de l'Empire romain comparées à l'extension territoriale revendiquée par le pouvoir fasciste.
Le choix des promoteurs de cette entreprise, d'incorporer des officiers de la Royal Navy britannique à l'équipe d'experts navals chargée d'évaluer les navires antiques (qui se révélèrent bien plus avancés techniquement que ce qui était communément admis), poursuit un objectif politique. En effet, à cette époque, l'Italie fasciste se dote d'une marine de guerre pléthorique, prétendument capable de renverser l'équilibre des forces navales en Méditerranée.
De nombreuxrégimes communistes ont utilisé la propagande pour maintenir leur pouvoir, tel queLénine,Staline,Mao Zedong,Pol Pot ou d'autres dirigeants de pays communistes. Ils maîtrisaient leur peuple par de vastes opérations de communication fixant les orientations politiques du parti ou servant à glorifier les dirigeants pour donner un sentiment de suprématie totale. Cela a été le cas en1924 après la mort de Lénine : par des campagnes d'affichage, son histoire politique fut présentée au peuple Russe comme un accomplissement Divin.
La propagande soviétique va de pair avec lacensure.De g. à dr. :Nikolaï Antipov,Joseph Staline,Serguei Kirov etNikolaï Chvernik. Dans ce document remanié plusieurs fois, chaque personne tombée en disgrâce a été effacée jusqu'à ce que Staline apparaisse seul sur le dernier cliché.Berlin-Est,premier mai 1953.
L'URSS, surtoutsous Staline (1924-1953), régimetotalitaire, a utilisé tous les moyens de propagande disponibles à l'époque :
Manifestations « spontanées » et grandes parades comme celles de 1935 àMoscou, la parade des « pionniers » en 1930, les défilés sur laPlace Rouge àMoscou le et le…
Les retouches des photographies (éliminations deLéon Trotski, Khalatov, Kamenev…), ainsi que des falsifications de faits dans les encyclopédies, les publications ou les manuels scolaires. L'histoire était fréquemment réécrite, les événements du passé modifiés de telle sorte que les actions des autorités soviétiques soient toujours dépeintes positivement.
Endoctrinement de la jeunesse dans les écoles et les organisations (les Octobriens (jeunes de 8 à 10 ans), les Pionniers (de 10 à 14-15 ans) et lesKomsomols (de 14 à 25 ans)).
Utilisation de la presse, de la radio et de la télévision.
Le cinéma, en influençant les films du cinéasteSergueï Eisenstein :Octobre, qui relate les événements d'octobre 1917, dont le scénario fut modifié sur ordre de Staline, ou encoreLa Chute de Berlin deMikhaïl Tchiaoureli dans lequelStaline est présenté comme le vainqueur génial de la Seconde Guerre mondiale.
Affiche de propagande deCorée du Nord sur ladestruction annoncée du croiseurUSS Baltimore par quatre torpilleurs durant laguerre de Corée alors que ce navire n'a pas participé à ce conflit et a été en service jusqu'en 1956 et démoli à Portland en 1972. Ce type de mensonge concernant les pertes infligées à l'ennemi est relativement courant en temps de guerre.
LesÉtats-Unis et l'Union soviétique ont tous deux utilisé intensivement la propagande pendant laguerre froide. Les deux camps ont employé lesmédias de masse (cinéma, télévision et radio) pour influencer leurs propres citoyens et les nations du Tiers-Monde.
Le gouvernement américain a ainsi lancé la station de radioVoice of America (voix de l'Amérique). Celle-ci pratique ce que les Américains appellent de la « diplomatie publique », une communication destinée aux populations et destinée à donner une image favorable des États-Unis et de leur système. Des radios soutenues en partie par laCIA ont diffusé de la propagande « grise » dans les nouvelles et les programmes de divertissement enEurope de l'Est et en Union soviétique. La radio officielle du gouvernement de l'Union soviétique, quant à elle, a diffusé de la propagande « blanche ». Les deux camps ont également diffusé de la propagande « noire » aux heures de crise.
Par exemple, la presse occidentale dénonçait souvent le fait que les habitants de grandes villes soviétiques dussent partager un appartement à deux familles, une pratique inconnue à l'Ouest, illustrant ainsi l'insuffisance de logement en URSS. Parallèlement, la presse soviétique dénonçait les SDF dans les rues et les métros des grandes villes occidentales, un phénomène inconnu à l'Est, illustrant ainsi les carences sociales de l'Ouest.
De même, la presse occidentale dénonçait l'invasion soviétique en Afghanistan, tandis que la presse soviétique félicitait les braves soldats venant en aide aux Afghans. Inversement, la presse occidentale soutenait par exemple les raids aériens sur Tripoli et Benghazi en 1986, alors que la presse soviétique les dénonçait en tant qu'attaques meurtrières sur des civils innocents.
Un des écrivains qui a le mieux décrit les mécanismes de propagande estGeorge Orwell, notamment dans son roman1984 ou il la dénonce clairement. Les personnages évoluent dans un régime totalitaire où le langage est constamment corrompu par des manipulations politiques, et l'Histoire constamment réécrite pour adapter le passé aux objectifs politiques du moment. De même, sa fablela Ferme des animaux dresse une satire de larévolution russe, du régime soviétique, du stalinisme et des propagandes associées. LaCIA aurait participé au financement - dans les années 1950[58] - d'un des deuxfilms d'animation adaptantla Ferme des animaux.
En 1990, une jeune femme, témoigne, les larmes aux yeux, devant leCongrès américain, qu'elle a assisté à des atrocités auKoweït, et notamment qu'elle a vu les soldats irakiens tirer sur des bébés et leur enlever les couveuses. L'identité de la femme est gardée secrète au motif de sa protection. On donne un nombre de centaines de bébés. En fait, l'histoire est inventée. Mais elle est répétée parGeorge H. W. Bush et sert à justifier l'entrée en guerre contre l'Irak. La jeune femme est la fille de l'ambassadeur du Koweït à Washington. La campagne derelation publique dans son ensemble est organisée par la compagnieHill & Knowlton qui est payée 10 millions de dollars par l'organisationCitizens for a Free Kuwait[59].
Dans l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis en 2001, la tactique psychologique d'opérations a été utilisée pour démoraliser les Talibans et pour gagner les sympathies de la population afghane. Au moins 6 avions commando EC-130E ont été utilisés pour bloquer les transmissions par radio locales et pour transmettre des messages de propagande de remplacement. Des feuillets ont été également lâchés dans l'ensemble de l'Afghanistan, offrant des récompenses pourla capture d'Oussama Ben Laden et d'autres individus, dépeignant les Américains comme amis de l'Afghanistan et soulignant divers aspects négatifs duTaliban. Un autre montre une image deMohammed Omar à travers un viseur de fusil avec les mots « Nous vous regardons ».
Durant l'invasion de l'Irak en 2003, le ministre de l'information irakienMohammed Said al-Sahhaf a à plusieurs reprises clamé que les forces irakiennes gagneraient décisivement chaque bataille. Même lors du renversement du gouvernement irakien à Bagdad, il a maintenu que les États-Unis seraient bientôt défaits, en contradiction avec les médias internationaux. Cela discrédita sa position.
En novembre 2005, divers médias, y compris leChicago Tribune et leLos Angeles Times rapportèrent que les Forces armées des États-Unis avaient manipulé des nouvelles rapportées dans des médias irakiens dans un effort de jeter une lumière favorable sur ses actions tout en démoralisant l'insurrection. Le Lieutenant Col. Barry Johnson, un porte-parole militaire en Irak, déclara que le programme était « une partie importante dans la mission de rapporter de fausses nouvelles aux insurgés », alors qu'un porte-parole du secrétaire à la défense Donald H. Rumsfeld disait que les allégations de la manipulation étaient préoccupantes si elles se révélaient vraies. Le département de la défense a depuis confirmé l'existence du programme. Plus récemment, leNew York Times a publié un article[60] concernant la façon dont le Pentagone a commencé à employer des entrepreneurs avec peu d'expérience dans le journalisme ou les relations publiques pour écrire des articles dans la presse irakienne. Ces articles sont habituellement écrits par des soldats des États-Unis sans attribution ou sont attribués à une organisation inexistante appelée « le centre international de l'information ». L’implantation d’histoires de propagande dans les journaux avait déjà été faite par les alliés et lespuissances centrales durant la Première Guerre mondiale et par l'Axe et les alliés durant la seconde.
Le journaliste David Barstow a obtenu leprix Pulitzer de journalisme d'enquête 2009 pour deux articles parus dans leNew York Times, décrivant les liens entre les militaires invités sur les plateaux des chaînes de télévision et le Pentagone[61]. Ces experts militaires étaient présentés comme de simples analystes mais servaient en fait d'agents de propagande pour justifier laguerre en Irak. Les mêmes articles dénoncent par ailleurs que tous ces analystes avaient des conflits d'intérêts puisqu'ils bénéficiaient d'avantages de la part de compagnies et entreprises qui tiraient bénéfice de la politique qu'ils défendaient à l'écran[62].
La chaîneDojd, créée en 2010[63], considérée à partir de 2021 par le pouvoir russe comme « agent de l'étranger »[64], exilée àRiga (Lettonie) après le déclenchement de laguerre contre l'Ukraine[65], diffuse surYoutube, en association avec la chaîneArte, son émission de décryptage de lapropagande russe, intituléeFake News[66],[67]. Elle est animée par la journalisteMaria Borzunova, avec comme sujets, par exemple, la propagande anti-LGBTIQ+[68], les prétendus journalistes experts occidentaux[69], l'instrumentalisation de la religion pour justifier l'invasion de l'Ukraine[70], l'Occident décadent[71].
Les techniques de propagande ont cours dans les démocraties depuis laPremière Guerre mondiale[72] mais aujourd'hui la propagande s'exerce sous le nom de « communication politique » ourelations publiques[73][citation nécessaire][74],[75]. Dans une dictature, la conservation du pouvoir est assurée par des moyens coercitifs alors que dans une démocratie, les moyens de conquête ou de conservation du pouvoir sont fondés sur la persuasion. Le pouvoir médiatique prime alors sur le pouvoir militaire. D'après un paradoxe formulé parHume, dans unedémocratie, l'armée est beaucoup moins puissante que dans une dictature[réf. souhaitée]. Pour maintenir leur pouvoir, les dirigeants élus ont donc encore plus besoin d'une propagande efficace qu'un pouvoir dictatorial. En effet, une répression policière excessive pourrait conduire à une défaite électorale.
Edward S. Herman etNoam Chomsky ont proposé un « modèle de propagande », qu'ils ont testé empiriquement auxÉtats-Unis. Leur méthode consiste, sur un grand nombre d'articles de presse d'origine diverses mais portant sur des sujets comparables, à quantifier l'influence de quatre facteurs pouvant modifier l'information : le groupe de presse, les annonceurs publicitaires, les fournisseurs d'information (agences gouvernementales) et l'idéologie dominante.
Les principaux aspects de la propagande dans une démocratie sont, d'après leur recensement, les suivants[réf. nécessaire] :
influence médiatique : radio, télévision, presse, publicité, internet ;
confusion volontaire : justification de la vente d'un produit par des principes éthiques, ou inversement, promotion d'une opération humanitaire en usant des techniques de communication des entreprises privées ;
valorisation sémantique : « solidarité » par exemple ;
manipulation de l'opinion publique à l'aide de statistiques ou de sondages biaisés ;
falsification de l'image : retouches vidéo, fausses images ;
Dans les pays démocratiques, la propagande reste donc diffuse et variée. C'est le constat qu'a également fait le psycho-sociologueJean-Léon Beauvois dansLes illusions libérales paru en 2005. Il constate à la fois que le mot « propagande » est devenu durant la seconde moitié duXXe siècle un mot à connotation fortement négative[76],[77]. Le pouvoir, ou les différents pouvoirs, cherchent selon lui une forme de propagande qui soit démocratiquement acceptable et qui ait bien pour effet, comme les propagandes traditionnelles noires, blanches ou grises des militaires, de propager au sein d'une population des idées, valeurs et croyances. Le concept de « propagande glauque »[78] qu'il propose rend compte de cette double exigence : il s’agit d’une activité de propagation se réalisant au moyen d’influences inconscientes comme celles que décrivent les sciences psychologiques (psychologie cognitive notamment). Cette propagande réalise en faveur de certaines opinions et valeurs des effets connus et étudiés dans les situations expérimentales : effet d’amorçage (priming), de simple exposition, de conditionnement évaluatif, de modelage (modeling).Par exemple, le fait de présenter régulièrement des services publics qui marchent bien comme des « entreprises » et leurs directeurs comme de « vrais » chefs d’entreprise, apprendrait à la population, par modelage, à ne plus les envisager avec les attributs des services publics[réf. nécessaire]. Une particularité de cette forme de propagande est qu’elle peut se réaliser de façon non délibérée. Toujours selon Beauvois, elle est particulièrement active dans les démocraties libérales où les médias sont la propriété de quelques grands groupes industriels et financiers comme le décrivent entre autres Chomsky et Herman. Il insiste sur le fait que ce type de propagande est la caractéristique d’un système médiatique non pluraliste dans lequel des journalistes peuvent continuer cependant à affirmer et afficher leurdéontologie.
Les propagandistes emploient des arguments qui, bien que parfois convaincants, ne sont pas nécessairement justes. Un certain nombre de méthodes, inspirées notamment de lapsychologie sociale, sont employées pour créer des messages persuasifs mais faux. Plusieurs de ces techniques de manipulationrhétorique relèvent dusophisme et jouent sur lesbiais cognitifs. D'autres techniques ressortent davantage de la manipulationémotionnelle.
Il a fallu beaucoup de temps pour analyser les canaux par lesquels les messages de propagande font leur effet. Si ce travail est important, il est clair que les stratégies de diffusion de l'information ne deviennent des stratégies de propagande qu'à partir du moment où elles diffusent effectivement des messages de propagande. L'identification de ces messages de propagande est donc un prérequis nécessaire. Nous proposons ci-dessous quelques techniques classiques, dont la plupart reposent sur une bonne utilisation de l'émotivité de l'auditoire.
La fabrication de faux documents : retouche photo tendancieuse, montage cinématographique tendancieux, etc.
La peur : un public qui a peur est en situation de réceptivité passive, et admet plus facilement l'idée qu'on veut lui inculquer. Par exemple,Joseph Goebbels a exploité l'ouvrage deTheodore Kaufman, homme d'affaires et écrivain de confession juive, « l'Allemagne doit périr ! » (« peu importe que cet Allemand soit catholique, protestant, nazi, antinazi, communiste, socialiste, démocrate, etc., qu'il soit de Bohème, d'Autriche, de Prusse, d'Alsace-Lorraine, tous doivent y passer », citation issue deL'Allemagne doit périr, livre publié en 1941 à New York), pour affirmer que les Alliés ont pour but l'extermination du peuple allemand.
Appel à l'autorité : l'appel à l'autorité consiste à citer des personnages importants pour soutenir une idée, un argument, ou une ligne de conduite.
Témoignage : les témoignages sont des mentions, dans ou hors du contexte, particulièrement cités pour soutenir ou rejeter une politique, une action, un programme ou une personnalité donnés. La réputation (ou le rôle : expert, figure publique respectée, etc.) de l'individu est aussi exploitée. Les témoignages marquent du sceau de la respectabilité le message de propagande.
Effet moutonnier : cet appel tente de persuader l'auditoire d'adopter une idée en insinuant qu'un mouvement de masse irrésistible est déjà engagé ailleurs pour cette idée. Comme tout le monde préfère être dans le camp des vainqueurs que dans la minorité qui sera écrasée, cette technique permet de préparer l'auditoire à suivre le propagandiste.
Redéfinition : consiste à redéfinir des mots ou à falsifier l'histoire de façon partisane.
Obtenir la désapprobation : cette technique consiste à suggérer qu'une idée ou une action est adoptée par un groupe adverse, pour que l'auditoire désapprouve cette idée ou cette action sans vraiment l'étudier. Ainsi, si un groupe qui soutient une politique est mené à croire que les personnes indésirables, subversives ou méprisables la soutiennent également, les membres du groupe sont plus enclins à changer d'avis.
Généralités éblouissantes et mots vertueux : les généralités peuvent provoquer une émotion intense dans l'auditoire. Par exemple, faire appel à l'amour de la patrie, au désir de paix, à la liberté, à la gloire, à la justice, à l'honneur, à la pureté la famille, etc., pourrait permettre de nuire à l'esprit critique de l'auditoire. Même si ces mots et ces expressions sont des concepts dont les définitions varient selon les individus, leurconnotation tend à être favorable. De sorte que, par association, les concepts et les programmes du propagandiste pourraient être perçus comme tout aussi grandioses, bons, souhaitables et vertueux.
Imprécision intentionnelle : il s'agit de rapporter des faits en les déformant ou de citer des statistiques sans en indiquer les sources. L'intention est de donner au discours un contenu d'apparence scientifique, sans permettre d'analyser sa validité ou son applicabilité. Ces imprécisions peuvent se glisser dans le système juridique sous forme d'undroit mou, poussant à lacommunication en vue d'obtenir des informations, tout en influençant l'opinion publique.
Transfert : cette technique sert à projeter les qualités positives ou négatives d'une personne, d'une entité, d'un objet ou d'une valeur (un individu, un groupe, une organisation, une nation, unpatriotisme, etc.) sur un tiers, afin de rendre cette seconde entité plus (ou moins) acceptable. Cette technique est utilisée, par exemple, pour transférer le blâme d'un camp à l'autre, lors d'un conflit. Elle évoque une réponse émotive qui stimule la cible pour qu'elle s'identifie avec l'autorité reconnue.
Simplification exagérée : ce sont des généralités employées pour fournir des réponses simples à des problèmes sociaux, politiques, économiques, ou militaires complexes.
Quidam : pour gagner la confiance de son auditoire, le propagandiste emploie le niveau de langage et les manières (vêtements, gestes) d'une personneordinaire. Par projection, l'auditoire est aussitôt plus enclin à accepter les positions du propagandiste, puisque celui-ci lui ressemble.
Stéréotyper ou étiqueter : cette technique utilise les préjugés et les stéréotypes de l'auditoire pour le pousser à rejeter l'objet de la campagne de propagande.
Bouc émissaire : en jetant l'anathème sur un individu ou un groupe d'individus, accusés à tort d'être responsables d'un problème réel (ou supposé), le propagandiste peut éviter de parler des vrais responsables, et n'a pas à approfondir le problème lui-même.
Slogans : un slogan est une brève expression, facile à mémoriser et donc à reconnaître, qui permet de laisser une trace dans tous les esprits.
Glissement sémantique : technique consistant à remplacer une expression par une autre afin de la décharger de tout contenu émotionnel et de la vider de son sens (euphémisme). Le glissement sémantique peut à l'inverse renforcer la force expressive pour mieux émouvoir l'auditoire. Exemples : « communauté internationale » à la place de « occidentaux », « frappe aérienne » à la place de « bombardement », « dommages collatéraux » à la place de « victimes civiles », « libéralisme » à la place de « capital illimité », « solidarité » à la place d'« impôt », « pédagogie préventive » à la place de « répression policière », « vidéo protection » à la place de « vidéo surveillance »[79],[80], « intervention humanitaire préventive » à la place d'« intervention militaire ».
Ces méthodes ont été analysées pendant l'entre-deux-guerres par un groupe de scientifiques américains regroupés autour de l'Institut pour l'analyse de la propagande (Institute for Propaganda Analysis) afin d'apprendre au public à déceler les techniques de la propagande en temps de guerre ou en temps de paix et à s'en préserver. Un des membres de l’IPA, Clyde Miller, synthétise en parlant de quatre leviers :
Levier d’adhésion (virtue device) : faire accepter une personne, une idée ou un parti comme « bon » en l’associant à des mots ou symboles « bons »
Levier de rejet (poison device) : l’opération inverse avec des symboles du mal ou de valeurs détestées
Levier d’autorité (testimonial device) : récupérer le prestige d’un homme ou d’une institution ou exagérer la valeur exemplaire d’un cas pour faire approuver ou rejeter
Levier de conformité (together device) : faire appel au poids de la masse des partisans ou à l’appartenance à une entité supérieure, Nation, Église pour obtenir l’adhésion
Ce schéma théorique n’est pas d’un raffinement extrême mais il décrit assez bien une pratique courante.
Là aussi on comparera avec une grille des années 1950 exposée parJean-Marie Domenach. Pour lui, la propagande suppose :
la simplification et le choix d’un ennemi unique
le grossissement et la défiguration des faits (ce qui ne signifie pas le mensonge systématique : moins la propagande risque d’être démentie et le trucage démontré, plus elle est efficace)
l’orchestration dans la répétition des thèmes principaux
la « transfusion », qui est l’emploi des mythes préexistants et affects collectifs mobilisés au service de la cause
Le principe d’unanimité et de contagion : la pression conformiste du groupe sur l’individu
↑« De forme neutre, la propagande est définie comme une forme intentionnelle et systématique de persuasion, ayant le but d'influencer les émotions, les attitudes, les opinions et les actions des groupes cibles pour attendre des objectifs idéologiques, politiques ou commerciaux, à travers la transmission contrôlée des messages d'information partiale (qui peut être ou ne pas être factuelle) via les canaux directs de masse et des médias. » Richard Alan Nelson,A Chronology and Glossary of Propaganda in the United States, Greenwood Press, 1996.
↑Hannah Arendt, mentionnée dans : Clit Radu, « La propagande totalitaire et la force dans le « phénomène Piteşti » », Topique, 2010/2 (n° 111), p. 83-102. DOI : 10.3917/top.111.0083. URL :https://www.cairn.info/revue-topique-2010-2-page-83.htm
↑La publicité « partage les moyens » de la propagande explique Michel-Louis Rouquettein Propagande et citoyenneté, PUF, coll. « psychologie sociale », 2004,p. 69.
↑Le TLFi indique à l'entrée « propagande » : « Il serait abusif de confondre propagande et publicité ». A contrarioJean-Paul Gourévitch soutient : « Ces frontières naturelles que l'étymologie a fixées entre propagande et publicité peuvent-elles aujourd'hui servir de ligne de démarcation entre ces deux domaines ? La réponse estnon. »in La propagande dans tous ses états, Flammarion, 1981,p. 8.
↑« La propagande sociologique regroupe en elle des formes très diverses : on peut dire qu'à ce niveau la publicité en tant que diffusion d'un certain style de vie fait partie de cette propagande » écritJacques Ellulin Propagandes,op. cit.,p. 77.
↑« In our society, advertising is institutionnal propaganda at its most obvious level » écrivent notamment Garth S. Jowett, Victoria O'Donnell,Propaganda and Persuasion, 2006,p. 147.
↑« Propaganda and advertising are so inextricably connected that distinctions are arbitrary » écrit notamment Jesse E. Thorntonin Science and social change, 1972,p. 570.
↑« Propaganda is twin brother to advertising »in Arland D. Weeks,The Control Of The Social Mind - Psychology Of Economic And Political Relations, 2007,p. 72.
↑« Certainly, we must see how the individual is manipulated by propaganda and advertising » notentAlain Touraine et Gregory Elliottin A New Paradigm for Understanding Today's World, 2007,p. 70.
↑« la création du consentement n'est pas un art nouveau. Il est très ancien et était supposé disparaître avec l'apparition de ladémocratie. Mais ce n'est pas le cas. La technique de cet art a, en fait, été énormément améliorée, parce qu'elle est à présent basée sur l'analyse plutôt que sur des règles approximatives. Ainsi, grâce aux résultats de la recherche en psychologie, associés aux moyens de communication modernes, la pratique de la démocratie a effectué un tournant. Une révolution est en train de prendre place, infiniment plus significative que tout déplacement du pouvoir économique ». Public Opinion (1922), Walter Lippmann, éd. Free Press, 1965(ISBN978-9562916134), partie V, chap. XV, 4,p. 158
↑Des auteurs commePratkanis(en) etAronson, avec leur ouvrageAge of propaganda de1992, synthétisent des dizaines d’années de recherches expérimentales sur les influences et la persuasion.
↑Alain Rey (dir),Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert,1998,p. 2972.
↑Voir par exempleEdward Bernays évoque dans son livrePropaganda en1928 cette « connotation déplaisante » et cite un article deScientific American qui « plaide pour restituer sa respectabilité au "beau mot ancien" de propagande », Zones, 2007,p. 40.
↑AinsiNoam Chomsky écrit-il : « […] la terminologie a changé dans ce domaine au cours de la Seconde Guerre mondiale, avant laquelle le terme de propagande était assez ouvertement et librement utilisé pour évoquer le contrôle de l’"esprit public". Par la faute de Hitler, le terme finit par avoir d’assez malheureuses connotations, et on s’est décidé finalement à l’abandonner. De nos jours, on utilise d’autres termes, mais quand on lit les travaux de sciences sociales et les écrits produits par l’industrie des relations publiques des années 1920 et 1930, on constate que leurs auteurs qualifient ce qu’ils font de "propagande". » (« Propagande & contrôle de l’esprit public »,Agone,no 34, 2004,p. 39).
↑Fabrice d’Almeida, « Propagande, histoire d’un mot disgracié »,Mots. Les langages du politique, Chroniques, novembre 1999[lire en ligne].
↑Grande Galerie - Le Journal du Louvre, sept./oct./nov. 2011,no 17.
↑Loïc Borgies,"Le conflit propagandiste entre Octavien et Marc Antoine. De l'usage politique de la uituperatio entre 44 et 30 a. C. n., Bruxelles, 2016 (Collection Latomus, 357).
↑« Détails du livre », Compte rendu de Bryn Mawr Classical Review(consulté le)
↑RaphaëlleLaignoux, « L’utilisation de la religion dans la légitimation du pouvoir : quelques pistes de recherche pour les années 44-42 av. J.-C. »,Cahiers « Mondes anciens ». Histoire et anthropologie des mondes anciens,no 2,(ISSN2107-0199,DOI10.4000/mondesanciens.360,lire en ligne, consulté le)
↑Pièce de 1 franc de l'An XI. Paris, musée de la Monnaie.
↑« La propagande est conçue comme une révélation, ou du moins comme une prise de conscience, en l’occurrence une conscience de classe. Il s’agit, tout en fondant une identité ouvrière, de promouvoir la perception subjective d’une situation objective » écrit notammentFrançois-Bernard Huyghe,« Aux origines de la propagande » (suite 2)
↑« Aujourd'hui les revendications des foules deviennent de plus en plus nettes, et ne vont pas à moins qu'à détruire de fond en comble la société actuelle, pour la ramener à ce communisme primitif qui fut l'état normal de tous les groupes humains avant l'aurore de la civilisation. Limitation des heures de travail, expropriation des mines, des chemins de fer, des usines et du sol ; partage égal de tous les produits, élimination de toutes les classes supérieures au profit des classes populaires, etc. Telles sont ces revendications. »Gustave Le Bon,Psychologie des foules etUniversité du Québec Éd. Alcan,9e éd. (Paris) 1905
↑Ci-dessous quelques exemples caractéristiques de veline[réf. nécessaire] :
Défense de trop s'appesantir sur une affaire de viol d'une petite fille ou d'en publier des photos (31 mai 1925).
Tous les journaux doivent reprendre en première page la photo autorisée de Mussolini aux commandes de la moissonneuse-batteuse (1er juillet 1938).
Défense de publier des photos à caractère sentimental et émouvant des soldats faisant leurs adieux à leurs familles avant de partir combattre en Afrique (11 juillet 1935).
Modifier l'article concernant la visite du Duce durant sa visite en Sicile et ne pas publier les photos où il danse avec des paysannes (14 août 1937).
Ne pas s'intéresser aux théories d'Einstein et ne rien publier à son sujet (26 décembre 1936).
Ne pas déprécier l'arbitrage ni « charogner » les arbitres dans les comptes rendus des matchs de calcio (football) du championnat italien (6 janvier 1939).
Ignorer le film à tendances propagandistes du juif Chaplin (17 octobre 1940).
Ne pas s'occuper de Moravia et de ce qu'il publie (13 février 1941).
Ne pas donner prise à la polémique au sujet des soi-disant queues devant les magasins d'alimentation (13 décembre 1941).
↑« La justice russe place la chaîne de télévision indépendante Dojd sur la liste des « agents de l’étranger » »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
↑Aurore Gorius et Michaël Moreau,Les gourous de la com' : Trente ans de manipulations politiques et économiques, Paris,La Découverte,, 312 p.(ISBN978-2-7071-6488-9)
« Avec l'expression « communication politique », on évite le terme très péjorativement connoté de « propagande », plutôt réservé aux contextes caractérisés par le monolithisme des médias, le contrôle direct par les gouvernants et le culte omniprésent du chef. (…) De la sorte, on laisse penser que l'art moderne de la « communication politique » n'est pas de la vulgaire propagande. Il s'agit en fait d'un euphémisme destiné à rehausser le prestige social de la réclame et des communicants. »
« Après 1968, les partis renoncent à leur « Secrétariat à la propagande » et lui préfèrent le vocable de « communication politique » »
↑« Nous devons d'abord prendre acte que le terme a acquis, dans la sémantique populaire, une connotation particulièrement négative qu'il ne perdra plus et qu'il faut désormais intégrer à sa signification, sous peine d'être parfaitement incompris lorsqu'on l'utilise »in Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social, Presses universitaires de Grenoble, 2005,p. 180.
↑À noter toutefois que cet article ne possède pas à juin 2012 d'équivalent directement accessible en langue japonaise, où le terme « propaganda » enWasei-eigo désigne uniquement la publicité
Loïc Borgies,Le conflit propagandiste entre Octavien et Marc Antoine. De l'usage politique de la uituperatioentre 44 et 30 a. C. n., Bruxelles, 2016 (collection Latomus, 357).