Le progressisme a pris une grande importance au cours dusiècle des Lumières enEurope, du fait de la croyance selon laquelle l'Europe démontrait que les sociétés pouvaient passer d'un état non civilisé à lacivilisation en renforçant la base de laconnaissance empirique comme fondement de la société[2]. Les figures des Lumières croyaient que leprogrès avait une applicationuniverselle à toutes les sociétés et que ces idées se répandraient dans le monde à partir de l'Europe[2].
Aux États-Unis, le progressisme a commencé comme une rébellion intellectuelle contre la philosophie politique duconstitutionnalisme[16] telle qu'exprimée parJohn Locke et lesfondateurs de la République américaine, selon laquelle l'autorité du gouvernement dépend de l'observation des limitations de ses justes pouvoirs[17]. Ce qui a commencé comme unmouvement social dans les années 1890, s'est transformé en unmouvement politique populaire appelé l'ère progressiste. Lors de l'élection présidentielle américaine de 1912, les trois candidats à la présidence des États-Unis se sont déclarés progressistes. Bien que le terme progressisme représente un éventail degroupes de pression politiques divers, pas toujours unis, les progressistes rejetaient ledarwinisme social, estimant que les problèmes auxquels la société était confrontée, tels que lalutte des classes, lacupidité, lapauvreté, leracisme et laviolence, pouvaient être traités au mieux en offrant une bonne éducation, un environnement sûr et un lieu de travail efficace. Les progressistes vivaient principalement dans les villes, avaient fait des études supérieures et croyaient que le gouvernement pouvait être un outil de changement[18]. Le présidentTheodore Roosevelt, duParti républicain et plus tard duParti progressiste, a déclaré qu'il avait« toujours cru que le progressisme sage et le conservatisme sage allaient de pair[19] ».
Au cours de la période d'acceptation dukeynésianisme économique (années 1930-1970), l'acceptation d'un rôle important de l'intervention de l'État dans l'économie était largement répandue dans de nombreux pays. Avec la montée dunéolibéralisme et la remise en cause des politiquesinterventionnistes de l'État dans les années 1970 et 1980, les mouvements progressistes de centre-gauche ont réagi en adoptant latroisième voie qui mettait l'accent sur un rôle majeur de l'économie de marché[22]. Certainssociaux-démocrates ont appelé le mouvement social-démocrate à dépasser la Troisième voie[23]. D'éminents éléments progressistes-conservateurs duParti conservateur britannique ont critiqué le néolibéralisme[24].
Une pensée est qualifiée de progressiste, par exemple, lorsqu'elle conçoit le présent comme unprogrès par rapport à une époque passée jugée plus primaire, plus difficile, ou encore plusignorante. Toutefois, la pensée progressiste ne conçoit pas nécessairement le présent comme un progrès, mais elle peut au contraire dénigrer le présent, et réclamer une amélioration en prônant des valeurs dites « modernes ». Mais non pas « moderne » forcément dans le sensfuturiste (ounouvelles) maisdifférentes. Un retour à des valeurs passées (ou dont on imagine l'existence) peut être considéré comme moderne, progressiste, tant qu'elles changent les précédentes.
L'idée deprogrès est liée, sur le plan philosophique, à une tendance profonde desLumières qui pensaient pouvoir transformer le monde à partir de la diffusion de connaissance dotant les êtres humains des moyens intellectuels nécessaires à la mise en cause et à la transformation de la société d'Ancien Régime. À la perfectibilité de l'humanité s'ajoute vers 1800 l'idée de l'accélération du progrèsscientifique ettechnique au début de la première révolution industrielle. Le progrès désigne surtout les groupes qui veulent briser les structures politiques et mentales héritées de l'Ancien Régime sans pour autant se prononcer pour une politique sociale audacieuse, la liberté d'entreprendre primant la redistribution autoritaire des richesses. Le progrès du socialisme dans les pays industrialisés entraîne une évolution de la notion vers une prise en compte de la nécessité de surmonter la misère et d'offrir à toutes les couches de la société des conditions de vie dignes de la richesse produite par les nouveaux moyens techniques.
Sans être abandonnée par ceux qui l'avaient portée, à savoir leslibéraux, y compris les libéraux dedroite, la notion devient le trait d'union de toutes les forces qui soutiennent l'URSS stalinienne, surtout après 1945. À l'ère de la division entre deux blocs, à l'époque de laguerre froide, le camp communiste se définit par « progressiste » par opposition au camp américain « réactionnaire », « colonialiste » ou « néocolonialiste », soumis à des « forces obscures ». L'expression avait déjà été employée avant la Seconde Guerre mondiale, par exemple parNikita Khrouchtchev qui parle en 1937 deStaline comme du « phare et guide de l'humanité progressiste »[26],[27]. L'expression devint commune après 1945 : ainsi, en 1949 au moment du70e anniversaire de Staline,Malenkov parlait du dictateur comme d'un « guide de l'humanité progressiste (« Tovarishch Stalin - vozhdʹ progressivnogo chelovechestva ») »[28],[29]. Les communistes occidentaux ainsi que les compagnons de route du communisme après 1945 font partie du camp progressiste. Il y eut incontestablement, à l'Est comme à l'Ouest une « culture progressiste », englobant les productions artistiques et intellectuelles qui pensaient contribuer au progrès, qu'il s'agisse d'une avant-garde artistique, d'une volonté de redécouvrir et de mieux diffuser la culture populaire, notamment dans le domaine de la musique, mais aussi d'une forme d'expression en expansion (musique pop, bande dessinée) ou d'une réflexion plus théorique sur le travail, la technique, l'être humain en tant qu'individu et être social[30]. Cette confusion entre le stalinisme et le progressisme s'atténuant après la mort du dictateur et la déstalinisation, l'expression a pu survivre. EnFrance, dans lesannées 1970, l'idée selon laquelle lapeine de mort devait être abolie relevait d'une pensée progressiste, par opposition à l'idée selon laquelle elle devait être maintenue, qui relevait d'une pensée conservatrice. De même, toute réforme n'est pas nécessairement progressiste, celle-ci pouvant de fait favoriser un retour en arrière et êtreréactionnaire.
LeParti progressiste allemand (Deutsche Fortschrittspartei) fondé en 1861, est de centre-gauche. Il est le premier parti allemand à dimension nationale[37].
Depuis laIIIe République, la notion est mobilisée par des familles politiques très éloignées les unes des autres, englobant de façon apparemment surprenante les libéraux-conservateurs et les staliniens les plus convaincus. Par exemple des députés à tendance conservatrice fondèrent en 1889 legroupe parlementaire des « Républicains progressistes ».
La mise en cause d'unprogrès linéaire et souvent considéré comme uneidéologie néfaste pour l'environnement[réf. nécessaire] n'a cependant pas empêché une partie de lagauche française de se définir au début duXXIe siècle comme union des « forces de progrès »[42]. Certains penseurs portent une analyse approfondie des rapports entre progrès et abandon de la lutte contre le système capitaliste à gauche et évoquent la nécessité de remettre en cause le progrès en tant que valeur suprême pour sa participation à l'avènement de l'ère individualiste, au démantèlement de certaines solidarités : on retrouve ici l'importance de l'individu au cœur d'une certaine philosophie desLumières[43].
Selon Maëlle Gelin, étudiante àSciences Po et militante auParti socialiste, « avant et après l'élection d'Emmanuel Macron à laprésidence de la République française,La République en marche se revendique en tant que parti politique « progressiste », suivant la ligne progressiste des partis radicaux et du centre se voulant héritiers deLéon Gambetta tout en épousant entièrement lelibéralisme »[44]. Selon le sondeurJérôme Sainte-Marie, ce choix est fait« l'idée de dépasser le clivage gauche-droite pour s'inscrire dans un axe perpendiculaire à celui-ci, qui est l'opposition entre les progressistes et les nationalistes, assimilés aux réactionnaires », en alliant le libéralisme culturel de la gauche aulibéralisme économique de ladroite[45].