En 1925[1],Wolfgang Pauli proposa un principe selon lequel lesélectrons appartenant à un même système ne peuvent pas se trouver simultanément dans le mêmeétat quantique. Par la suite, ce principe est généralisé à toutfermion ouparticule despin demi-entier. Les fermions comprennent des particules élémentaires telles que l'électron, leneutrino et lesquarks, ainsi que des particules composées telles que lesprotons, lesneutrons et certainsnoyaux atomiques etatomes.
Le principe d'exclusion de Pauli décrit le comportement de tous lesfermions (particules àspin demi-entier), tandis que lesbosons (particules à spin entier) sont soumis à d'autres principes. Les fermions comprennentles particules élémentaires telles que lesquarks, lesélectrons et lesneutrinos.
Les fermions peuvent être composites, comme lesbaryons tels que lesprotons et lesneutrons (particules subatomiques composées de trois quarks). Il faut que le spin global soit demi-entier, et que le composite comporte donc un nombre impair de fermions élémentaires. Ainsi, les atomes peuvent avoir un spin global différent, qui détermine s'il s'agit de fermions ou de bosons : par exemple, l'hélium-3 a un spin 1/2 et est donc un fermion, contrairement à l'hélium-4, qui a un spin 0 et est un boson[2]:123–125.
En tant que tel, le principe d'exclusion de Pauli sous-tend de nombreuses propriétés de la matière quotidienne, de sa stabilité à grande échelle aucomportement chimique des atomes.
Au début duXXe siècle, il est devenu évident que les atomes et les molécules avec un nombre pair d'électrons sont plusstables chimiquement que ceux avec un nombre impair. Dans l'articleThe Atom and the Molecule (1916) deGilbert N. Lewis, par exemple, le troisième de ses six postulats de comportement chimique déclare que l'atome a tendance à contenir un nombre pair d'électrons dans une couche donnée, et surtout à retenir huit électrons, que l'on pense généralement disposés symétriquementaux huit coins d'un cube[3]. En 1919, le chimisteIrving Langmuir a suggéré que letableau périodique pourrait être expliqué si les électrons d'un atome étaient connectés ou regroupés d'une manière ou d'une autre. On pensait que des groupes d'électrons occupaient un ensemble decouches d'électrons autour du noyau[4]. En 1922,Niels Bohr a mis à jourson modèle de l'atome en supposant qu'un certain nombre d'électrons (par exemple 2, 8 et 18) correspondaient à des « coquilles fermées » stables[5]:203.
Pauli a cherché une explication à ces chiffres, qui n'étaient d'abord qu'empiriques. En même temps, il tentait d'expliquer les résultats expérimentaux de l'effet Zeeman enspectroscopie atomique et enferromagnétisme. Il a trouvé un indice essentiel dans un article de 1924 d'Edmund C. Stoner(en), qui soulignait que, pour une valeur donnée dunombre quantique principal (n), le nombre de niveaux d'énergie d'un seul électron dans le spectre desmétaux alcalins dans unchamp magnétique, où tousles niveaux d'énergie dégénérés sont séparés, est égal au nombre d'électrons dans la couche fermée desgaz rares pour la même valeur den. Cela a conduit Pauli à réaliser que les nombres d'électrons dans des couches fermées peuvent être réduits à la simple règle d'un électron par état si les états des électrons sont définis à l'aide de quatre nombres quantiques. À cette fin, il a introduit un nouveau nombre quantique à deux valeurs, identifié parSamuel Goudsmit etGeorge Uhlenbeck commespin électronique[6],[7].
L'état quantique d'une particule est défini par des « nombres quantiques ». Le principe d'exclusion interdit à toutfermion appartenant à un système de fermions d'avoir exactement les mêmes nombres quantiques qu'un autre fermion du système.
Par exemple, dans l'atome, lesélectrons sont caractérisés par quatre nombres (principal,azimutal,magnétique etmagnétique de spin) correspondant aux lettresn,l,ml etms : si un électron présente la combinaison (1, 0, 0, ½), il est nécessairement le seul qui possède cet ensemble exact des nombres quantiques.
Cela limite donc le nombre d'électrons parcouche : dans la première couche caractérisée parn = 1, (l = 0, doncml = 0), il n'y a que deux possibilités, correspondant aux étatsms = ±½. Cette couche ne peut donc accepter que deux électrons.
De même, dans la seconde couche caractérisée parn = 2,l vaut 0 ou 1 :
pourl = 0,ml = 0 ;
pourl = 1,ml = -1, 0 ou 1 ;
on a alors 4 possibilités et pour chacune,ms = ±½, donc la seconde couche peut accepter huit électrons (deux pourl = 0 et six pourl = 1); et ainsi de suite.
Lan-ième couche accepte 2n2 électrons. En appliquant la formule, la couche 3 compte au maximum 18 électrons.
Dérivation des principes de la mécanique quantique
Lorsque Pauli a proposé le principe d'exclusion (1925), les principes fondamentaux de la mécanique quantique n'étaient pas encore bien établis. En fait, il apparait que le principe d'exclusion n'est pas un principe fondamental et qu'il peut se dériver desprincipes fondamentaux de la mécanique quantique.
Voici une dérivation du principe d'exclusion de Pauli[8] :
Soit unhamiltonien total, représentant l'état de 2 particules (l'extension à N particules est immédiate) :.
Si et sont deuxparticules indiscernables, alors. On dit alors que le hamiltonien est invariant par permutation, et si l'on considère qui est l'opérateur de permutation de la particule et, alors lecommutateur de ces deux opérateurs est nul :.
Le commutateur étant nul, il est possible de trouver unebase dans laquelle ces deux opérateurs sontdiagonaux : les solutions de sont donc lesvecteurs propres de.
Comme, lesvaleurs propres de cet opérateur sont +1 ou -1. Il y a donc deux familles de solutions possibles du hamiltonien total :
Les solutionssymétriques : ; et étant les coordonnées (position ainsi que spin) des particules 1 et 2[9]. C'est le cas pour lesbosons ou particules de spin entier.
Les solutionsantisymétriques :. C'est le cas pour lesfermions ou particules de spin demi-entier, et donc concernées par le principe d'exclusion de Pauli.
Si on décompose la fonction d'onde totale des deux particules enintrication des états propres et de chaque particule, les solutions antisymétriques sont alors de la forme :
.
Si les particules 1 et 2 sont dans le même état quantique, alors. La probabilité de trouver deux fermions identiques dans le même état quantique avec le même spin est nulle.
Ceci est le principe d'exclusion de Pauli : deux fermions identiques ne peuvent être dans le même état quantique avec le même spin.
Une autre conséquence de cette antisymétrie fait que la probabilité de trouver deux électrons de même spin à une même position instantanée est nulle, même sans supposer qu'ils occupent un même état quantique. Pour voir ceci on remarque que tend vers 0 quand tend vers.
La stabilité de l'état de chaque électron d'un atome est décrite par la théorie quantique de l'atome, qui démontre que l'approche voisine d'un électron au noyau doit augmenter l'énergie cinétique de l'électron, une application duprincipe d'incertitude de Heisenberg[10]. Cependant, la stabilité des grands systèmes de nombreux électrons et nombreuxnucléons est une autre question, et exige le principe d'exclusion de Pauli pour son explication. SelonElliott Lieb[10] et aussi G. L. Sewell[11], ce constat peut être attribué àFreeman Dyson et A. Lenard[12].
Le principe d'exclusion de Pauli est responsable du fait que la matière ordinaire est stable et occupe un volume. Cette suggestion est faite d'abord en 1931 parPaul Ehrenfest, qui a remarqué que les électrons de chaque atome ne peuvent pas tous tomber dans l'orbitale de plus basse énergie et doivent alors occuper des couches de plus en plus grandes. Les atomes occupent alors un volume et ne peuvent pas être comprimés de manière trop rapprochée[13].
Une démonstration plus rigoureuse est fournie en 1967 parFreeman Dyson etAndrew Lenard(de), qui considèrent l'équilibre entre forces attractives (électron-noyau) et répulsives (électron-électron et noyau-noyau), et démontrent que la matière ordinaire s'effondrerait et occuperait un volume beaucoup plus petit en absence du principe de Pauli[12],[14].
En conséquence du principe de Pauli, les électrons du même spin sont éloignés les uns des autres par uneinteraction d'échange répulsive à courte distance, qui agit simultanément avec laforce coulombienne à longue distance. Cet effet est en partie responsable pour l'observation quotidienne au monde macroscopique que deux objets solides ne peuvent pas occuper simultanément un même volume.
Enastrophysique, l'effondrement d'étoiles à neutrons, qui demande aux neutrons un même mouvement, donc une mêmeénergie, est limité par le principe d'exclusion qui explique ainsi en partie la cohésion de ces étoiles mortes extrêmement massives, qui, autrement, devraient s'effondrer sous l'effet de lagravitation.
Cependant, lorsque l'étoile est trop massive, le principe d'exclusion ne suffit plus à empêcher l'effondrement et l'étoile devient alors untrou noir ou uneétoile étrange.
La versionrelativiste de la physique quantique prévoit l'existence de niveaux d'énergie négatifs : le principe d'exclusion permet d'expliquer pourquoi toutes les particules ne disparaissent pas dans ces niveaux-là — en effet, toute particule tend à aller vers l'état d'énergie le plus bas possible et donc devrait s'y précipiter. Si l'on considère comme le fitDirac que tous les états d'énergie négative sont occupés par une"mer" infinie d'électrons, alors, ils ne peuvent pas être habités par d'autres fermions identiques.
Seuls les fermions sont soumis à ce principe. Les particules indiscernables despin entier sont desbosons et satisfont à lastatistique de Bose-Einstein ; ils ne satisfont pas le principe d'exclusion de Pauli. Au contraire, on observera même un comportement « grégaire ».
Enfin, il existe des situations (particulièrement à deux dimensions), où l'on peut introduire desanyons, qui ne sont ni desfermions, ni des bosons.
D'autre part, lasupersymétrie quantique associe à tout boson son supersymétrique fermion : ainsi augraviton, boson de spin 2, devrait être associé ungravitino de spin 3/2. Aujourd'hui, il n'existe encore aucune trace expérimentale de cette supersymétrie.
↑GloraShaviv,The Life of Stars: The Controversial Inception and Emergence of the Theory of Stellar Structure, Springer,(ISBN978-3642020872)
↑Straumann, « The Role of the Exclusion Principle for Atoms to Stars: A Historical Account »,Invited Talk at the 12th Workshop on Nuclear Astrophysics,(Bibcode2004quant.ph..3199S,arXivquant-ph/0403199)
↑Les particules étant, par hypothèse, non distinguables, la seule manière de les différencier est d'utiliser leur position comme "label". L'échange de et est physiquement non significatif.
↑G. L. Sewell,Quantum Mechanics and Its Emergent Macrophysics, Princeton University Press,(ISBN0-691-05832-6)
↑a etbF. J. Dyson et A. Lenard:Stability of Matter, Parts I and II (J. Math. Phys.,8, 423–434 (1967);J. Math. Phys.,9, 698–711 (1968) )
↑Tel que décrit par F. J. Dyson (J.Math.Phys.8, 1538–1545 (1967)), Ehrenfest a fait cette suggestion dans son discours à l'occasion de l'attribution de laMédaille Lorentz à Pauli.