Ce principe ne doit pas être confondu avec leprincipe de relativité, qui concerne les référentiels, mais pas les masses.
On énumère en général troisprincipes d'équivalence : le principe « faible », celui d'Einstein et le principe « fort »[1].
Le premier est le constat empirique de l'égalité entre lamasse inertielle et lamasse gravitationnelle : toutes lesparticules test nonchargées suivent la même trajectoire quelle que soit leur masse, à partir de mêmes vitesse et position initiales[1].
Albert Einstein présente le second principe comme une « interprétation » du premier en termes d'équivalencelocale entre lagravitation et l'accélération (elles sontlocalement indistinguables) ; c'est un élément clé de la construction de larelativité générale. Formellement, il revient à affirmer que, pour une particule test, les lois de la physique sont identiques dans tous les référentiels enchute libre, quelle que soit leur position ou vitesse initiale[1].
Le principe d'équivalence fort généralise le principe d'équivalence d'Einstein et affirme qu'il est valide localement pour les objets massifs, et pas seulement pour une particule test[1].
Les vérifications expérimentales et observationnelles de ces principes doivent permettre, par leur précision croissante, d'éliminer les théories de la gravitation non conformes à la réalité sur ces points précis.
Remarques terminologiques
Certains auteurs distinguent, au sein duprincipe d'équivalence faible, deux principes, à savoir : d'une part, le« principe d'équivalence de Galilée » selon lequel la chute libre des corps est universelle ; et, d'autre part, le« principe d'équivalence de Newton » selon lequel la masse gravitationnelle est égale à la masse inertielle[2].
Leprincipe d'équivalence faible est un constat expérimental, jamais démenti et aux conséquences théoriques aussi bien que pratiques, élevé au rang de principe car inexpliqué (par un principe plus simple ou plus naturel). Le principe d'équivalence faible dit que la masse inertielle et la masse gravitationnelle sont égales quel que soit le corps (en fait il s'agit de leur proportionnalité, mais de cela on déduit qu'avec un bon choix d'unités de mesure, on obtient leur égalité).
La conséquence de ce principe est que tous les corps soumis à un même champ degravitation (et sans aucune autre influence extérieure, donc dans levide) chutent simultanément quand ils sont lâchés simultanément, quelles que soient leurs compositions internes.
Ce constat de lasimultanéité des chutes a été fait dèsGalilée.Isaac Newton par saloi universelle de la gravitation a montré que cela était équivalent à l'égalité entre masse inertielle et masse gravitationnelle, et a expérimenté cette égalité à l'aide de la comparaison des fréquences de balanciers constitués de matériaux différents.
Par la suite, de multiples expérimentateurs ont testé cette égalité, réduisant toujours plus l'écart possible entre ces deux masses.
Balance à torsion : mesure de latorsion d'un fil, auquel est suspendue une tige aux extrémités de laquelle sont placées deux masses identiques, soumises à lagravité et à la rotation de la Terre sur elle-même.
La différence est plus petite que 1 pour 109
Roll, Krotkov et Dicke
1964
Balance à torsion, avec des masses enaluminium et enor
L'équivalence entre masse inerte et masse grave est parfois appelée « principe d'équivalence galiléen », ou la version faible du principe d'équivalence. La conséquence la plus directe de ce principe se rencontre en effet dans la loi de la chute libre, dont l'étude par Galilée l'a conduit à dégager la notion d'inertie, étude à l'occasion de laquelle il a pu constater que la loi de la chute était indépendante de la masse des corpset de leur nature. En termes modernes, si une masse pesante est placée dans un champ gravitationnel, elle subit une force, et y répond par une accélération, impliquant cette fois-ci sa masse inerte. Si l'expérience montre que la loi du mouvement est la même pour tous les corps, indépendamment de leur nature, c'est donc que l'accélération est la même pour tous, et donc :
Cette équation signifie que dire : « le rapport de la masse grave à la masse inerte est une constante » est équivalent à dire que : « ils tombent suivant la même loi dans un champ gravitationnel donné ». Ce constat expérimental est effectivement ce qui permet d'énoncer uneloi universelle de la gravitation.
Équilibre des forces dans l'expérience deLoránd Eötvös. Si les forces verticales sont équilibrées (à la balance) et que le rapport entre masse inerte et masse grave n'est pas constant, alors les forces horizontales seront déséquilibrées, se manifestant par un couple sur labalance de torsion.
Des expériences bien plus précises ont été réalisées par le baronLoránd Eötvös, en 1889, à partir d'unebalance de torsion[6]. L'idée à la base de son expérience est que le champ de pesanteur en un lieu sur Terre est (aupremier ordre) la somme de deux composantes : une composante gravitationnelle, dépendant de la masse pesante et dirigée vers le centre de la Terre, et une composante centrifuge, dépendant de la masse inerte et dirigée perpendiculaire à son axe de rotation. Si donc masse inerte et masse pesante ne sont pas toujours strictement proportionnelles, la direction de la verticale doit être légèrement différente pour deux corps de nature différente. Dans ce cas, une balance de torsion dont le bras est orienté en est-ouest subira un couple tendant à le tourner au contraire dans l'orientation nord-sud, cet effet étant maximum aux latitudes de l'ordre de 45°. Avec cette méthode, Eötvös a pu montrer l'égalité des deux masses à 10-9 près.
Une autre démonstration de cette égalité se fonde sur la remarque que la loi du mouvement des corps en orbite dépend à la fois duparamètre gravitationnel standard et du rapport entre masse inerte et masse grave du satellite. Le fait que tous les satellites autour de la Terre suivent le même mouvement démontre également l'égalité des deux masses ; de même, une inégalité se traduirait par un couple tendant à faire tourner les satellites hétérogènes, qui n'est pas non plus observé.
Même si ces deux grandeurs sonta priori conceptuellement distinctes, tous les résultats expérimentaux indiquent donc qu'elles sont toujours directement proportionnelles entre elles, avec un même coefficient de proportionnalité, pour toutes les matières expérimentées. À notre échelle, cette équivalence semble évidente, et l'égalité est aujourd'hui démontrée expérimentalement à 10-15 près.
En outre, dans ce cas, il n'y a pas de raison de considérer que masse inerte et masse grave sont deuxgrandeurs physiques indépendantes. Puisque le rapport entre elles est constant, c'est en fait laproportionnalité de ces grandeurs qui est vérifiée, indépendamment de la nature du corps. Dès lors, il s'agit d'une grandeur physique unique se manifestant par deux phénomènes différents, et un choix d'unité approprié permet de poser que l'« inertie » est égale au « pondéral », c'est-à-dire que masse inerte et masse grave sont identiques. On se permet dès lors de parler dela masse d'un corps : en choisissant la même unité de mesure pour les deux masses, leur universelle proportionnalité (expérimentale) se traduit par leur égalité.
Le principe d'équivalence d'Einstein est ainsi désignéen l'honneur d'Albert Einstein (1879-1955) qui l'a énoncé, pour la première fois, en 1907[7],[8] et le qualifiera, en 1920, d'« idée la plus heureuse de [s]a vie »[7],[9].
Le principe d'équivalence d'Einstein affirme que le principe d'équivalence faible est valide et que, localement, les effets d'unchamp gravitationnel sont identiques aux effets d'uneaccélération du référentiel de l'observateur, pour une expérience n'utilisant pas lagravitation.
Il est équivalent de considérer qu'en tout point de l'espace il existe un référentiel localement inertiel, le référentiel en chute libre dans le champ de gravitation (et en l'absence de tout autre champ extérieur, donc dans levide), qu'aucune expérience non-gravitationnelle locale ne peut distinguer d'un référentiel non soumis à la gravitation. Dans le cadre de la relativité générale, cela implique que ce référentiel est (localement) unespace de Minkowski.
On ajoute en général l'énoncé, très lié auprincipe de relativité, que l'expérience est indépendante du lieu et du moment où elle est faite.
Ce principe permet une extension du principe de relativité pour y inclure la gravitation, localement et sous la forme de référentiels accélérés. Grâce à lui, Einstein a fait le premier pas pour aller de larelativité restreinte à larelativité générale. C'est un des principes fondamentaux à l'origine de la théorie de la relativité générale.
Einstein le présente comme une interprétation du principe d'équivalence, appelé faible depuis, c'est-à-dire que le principe d'équivalence d'Albert Einstein donne une signification relativiste au principe d'équivalence faible, du point de vue de la relativité de la gravitation et de l'accélération. Cetteinterprétation se conçoit à l'aide de l'expérience par la pensée de l'ascenseur d'Einstein. Cetteexpérience de pensée n'utilise que des phénomènesmécaniques et ne peut donc être une justification du principe d'équivalence que pour eux.
localement, les effets d'un champgravitationnel sur une expérience de mécanique sont identiques aux effets d'uneaccélération du référentiel de l'observateur ;
localement, les effets d'un champ gravitationnel sur une expérience de mécaniqueet d'électromagnétisme sont identiques aux effets d'une accélération du référentiel de l'observateur.
Seule la première étape est justifiée par l'expérience de pensée de l'ascenseur, l'inclusion de l'électromagnétisme est un postulat. En considérant laforce faible et laforce forte de laphysique quantique, on peut réécrire ce principe de façon qu'il inclue les expériences au niveau quantique.
Ce principe est interprété commeun couplage universel entre le champ de gravitation et tous les autres champs « de forces » : aucun de ceux-ci ne permet d'introduire une distinction entre les effets de la gravitation et les propriétés de l'espace-temps[10].
Le principe d'équivalence d'Einstein regroupe trois conditions[11] :
leprincipe d'équivalence faible — ou l'universalité de la chute libre[12] — selon lequel la trajectoire d'un corps test neutre est indépendante de sa structure interne et de sa composition ;
l'invariance de position locale selon laquelle le résultat de touteexpérience ne faisant pas intervenir la gravitation est indépendant du lieu et de l'instant — c'est-à-dire dupoint-événement de l'espace-temps[11] — où l'expérience est effectuée[12] ;
l'invariance de Lorentz locale selon laquelle le résultat de toute expérience ne faisant pas intervenir la gravitation est indépendant du mouvement du laboratoire pourvu qu'il soit en chute libre.
Le premier test de l'invariance de position locale est relié à l'effet Einstein[13]. Le meilleur test de l'invariance de Lorentz locale est celui obtenu par l'expérience de Hughes-Drever[14].
La conjecture de Schiff affirme que toute théorie de la gravitation « complète et cohérente » et vérifiant le principe d'équivalence faible doit nécessairement vérifier le principe d'équivalence d'Einstein. L'éponyme de laconjecture estLeonard Schiff[15] (1915-1971) qui l'a publiée en 1960[16],[17].
En revanche, certainesthéoriesnon-métriques de la gravitation introduisent un couplage entre la gravitation et l'électromagnétisme, et ne respectent pas le principe d'équivalence d'Einstein (sur des expériences d'électromagnétisme), tout en étant compatibles avec le principe d'équivalence faible[19], et semblent donc invalider la conjecture de Schiff. Des prédictions expérimentales ont été effectuées par Carroll et Fields en 1991[20] à partir de théories non-métriques et testées en 1994[21] par observation de la rotation de la polarisation de la lumière émise par des radio-galaxies lointaines. Ces observations n'ont pas mis en évidence une violation du principe d'équivalence d'Einstein.
Toutefois, la conjecture de Schiff n'est toujours pas considérée comme démontrée ni invalidée.
La possible variation de l'électromagnétisme suivant le champ de gravitation est testée par une recherche de la non-isotropie de lavitesse de la lumière : l'expérience de laNASA faite dans l'espace entre deux stations spatiales a montré qu'il y a isotropie[réf. nécessaire].
La dépendance possible des lois de l'électromagnétisme envers la vitesse relative du référentiel a été testée par une recherche de la non-isotropie desniveaux d'énergie dans des particules. Les expériences faites entre 1960 et 1990 montrent que l'isotropie est respectée, avec une précision relative de 10−20[10].
Ledécalage des longueurs d'onde vers le rouge dû à la gravitation est une conséquence directe du principe d'équivalence d'Einstein. Les observations des phénomènes spatiaux sont en concordance avec les prévisions par le principe, avec une précision relative de 10−5[10].
Le principe d'équivalence fort généralise le principe d'Einstein en affirmant que, localement, les effets d'un champgravitationnel sur toute expérience,même portant sur lagravitation elle-même (comme l'expérience de Cavendish par exemple), sont identiques aux effets d'uneaccélération du référentiel de l'observateur.
Il est équivalent de considérer qu'en tout point de l'espace il existe un référentiel localement inertiel, le référentiel en chute libre dans le champ de gravitation (et en l'absence de tout autre champ extérieur), qu'aucune expérience (gravitationnelle ou non) ne peut distinguer d'un référentiel non soumis à la gravitation.
On ajoute en général l'énoncé, très lié auprincipe de relativité, que l'expérience est indépendante du lieu et du moment où elle est faite.
Pour ce principe, la notion delocal est plus étendue que dans le principe précédent : on peut ainsi considérer que lesystème solaire dans son ensemble est uneexpérience gravitationnelle dans un référentiel à peu près inertiel nettement plus grand.
Larelativité générale respecte ce principe du fait que seule la métrique de l'espace-temps détermine le champ de gravitation.
Lathéorie de Brans et Dicke ne respecte pas ce principe car en plus de la métrique, unchamp scalaire détermine la gravitation, et celui-ci ne peut être localement éliminé par un choix de référentiel : même dans un référentiel en chute libre, une expérience gravitationnelle est influencée par ce champ scalaire.
Les théories « à préalable géométrique »[10] couplent la gravitation avec une donnée géométrique non-métrique, locale ou globale (telle qu'une coordonnée temporelle cosmologique, ce que rend possible l'hypothèse duBig Bang) : on conçoit qu'alors le champ de gravitation dépend du lieu ou du moment où il est considéré.
Il n'a pas été démontré rigoureusement que si le principe est respecté alors la gravitation ne dépend que de la métrique de l'espace. La relativité générale semble être la seulethéorie métrique respectant le principe fort, mis à part la théorie deGunnar Nordström datant de 1913, qui respecte la version gravitationnelle du principe fort, mais pas certains aspects du principe d'équivalence d'Einstein, par exemple la déviation de la lumière par la gravité[26].
S'il y a non-respect du principe fort, alors la gravitation a des effets différents dans les différents référentiels qui sont inertiels pour le principe d'Einstein. Même le principe faible serait violé dans les référentiels qui ne seraient pas inertielspar rapport à l'Univers : ainsi le système solaire étant en chute libre dans un champ de gravitation (car seule la gravitation agit dessus), il peut être considéré comme unréférentiel inertiel (pour le principe d'Einstein) et lesexpériences gravitationnelles qui y sont faites dépendent alors du champ de gravitation dans lequel il est plongé, en particulier cela doit pouvoir se détecter sur les expériences testant le principe faible pour des corps massifs (de masse non négligeable par rapport au champ gravitationnel environnant), et dans des mesures précises des mouvements des planètes, voire par une évolution (lente) de laconstante gravitationnelle par rapport à l'âge de l'univers[27].
L'effet Nordtvedt, prédit par K. Nordtvedt en 1968[28], dans le cas où le principe fort n'est pas respecté par la théorie métrique utilisée, dit que, où est lamassepesante (ougrave), est la masseinertielle, est l'énergie interne du corps (utilisée dans les interactions de ses composants) et est un coefficient dont l'expression dépend de la théorie métrique. En relativité générale, on a. Dans les tests du principe faible sur des corps depetite masse, on a ; il est donc attendu qu'alors cet effet soit indétectable. Dans le cas d'objets astronomiques tels que le Soleil ou la Lune, on a ou ; une détection est alors envisageable[27].
La dépendance des résultats expérimentaux de tests gravitationnels envers le référentiel en chute libre dans un champ de gravitation se manifesterait par des variationsanisotropiques de laconstante gravitationnelle dans l'approximation newtonienne et l'on doit alors observer desanomalies dans les mouvements desplanètes dusystème solaire, voire de laLune, des accélérations particulières dans les rotations despulsars et quelques autres effets inattendus en mécanique newtonienne, effets tellement fins que seules des observations très précises et sur de longues périodes peuvent les détecter[27].
La plupart des théories àchamp scalaire prédisent une évolution de la constante gravitationnelle en fonction de l'âge de l'Univers, suivant la formule, où est laconstante de Hubble[27].
Afin d'affiner les mesures, la NASA envisage la mise en place d'une expérience similaire, mais plus complète, dénomméeApache Point Observatory Lunar Laser-ranging Operation (APOLLO)[31].
Des recherches théoriques et expérimentales engravité quantique amènent à envisager une révision du principe d'équivalence au niveau quantique car il semble que dans ce cadre « la chute des objets se fait par paliers dépendant de la masse »[33],[34].
↑Stairs, I.H., Faulkneret al.Discovery of three wide-orbit binary pulsars: Implications for binary evolution and equivalence principles,Astrophys. J., 632, 1060–1068, (2005).(en)article en ligne.