Représentation de la pression en tant que résultat des collisions entre les particules d'un fluide contenu dans un récipient et les parois de celui-ci.
On appelle parfois « pression exercée » (par un fluide sur une paroi) la force (dite « force pressante ») qu'il exerce parunité d'aire de la paroi, mais il s'agit alors d'une grandeur vectorielle définie localement, alors que la pression est une grandeur scalaire définie en tout point du fluide[a].
La notion de pression, corollaire de celle duvide, est à l'origine liée au problème de la montée de l'eau parpompe aspirante[2].Héron d'Alexandrie donne la première description des pompes de ce type, interprétant leur fonctionnement en termes de vide créé par « une certaine force »[3],[4].Aristote récuse le concept de vide[5]. La penséescholastique médiévale généralise : « laNature a horreur du vide » (horror vacui), ce qui n'empêche pas les progrès techniques de l'âge d'or islamique tels que la pompe aspirante-foulante décrite parAl-Jazari[6]. Ces progrès gagneront l'Europe de laRenaissance avec les techniques de pompage étagé.
Le problème scientifique refait surface auXVIIe siècle. En 1630,Jean-Baptiste Baliani suggère le rôle du poids de l'air pour équilibrer celui de l'eau dans une lettre àGalilée[7]. Celui-ci remet en cause l'inexistence du vide en 1638[8],[9], mais l'âge arrête ses réflexions sur le sujet.Evangelista Torricelli, reprenant le problème desfontainiers deFlorence lié à la limitation des pompes aspirantes initialement confié à Galilée, confirme l'hypothèse du « poids de l'atmosphère » et invente lebaromètre en 1643[10].Gilles Personne de Roberval précise le concept en étudiant en1647 l'expansion des gaz[11], puisBlaise Pascal publie son fameux traité sur la pression atmosphérique en1648[12].Robert Boyle établit la relation entre pression et volume en1660[13] etEdmé Mariotte en1676[14] (laloi de Boyle-Mariotte). On a à cette époque une description assez complète mais empirique de la pression des gaz.
Avec la pression on s'intéresse au transfert dequantité de mouvement dans un milieu liquide ou gazeux et à ses effets sur une paroi réelle ou virtuelle. On notex levecteur unitaire normal à la paroi.
La pression est définie classiquement par son effet sur unesurface élémentaire. La force exercée est normale à la surface :
où est le vecteur unitaire normal à la surface, dirigé vers l'extérieur du milieu exerçant la force. Cette expression définit le scalaire, la pression.
Considérons tout d'abord le cas d'un milieu unidimensionnel où un ensemble de particules se déplace avec la vitessev. La pression p est définie comme leflux de la quantité de mouvement par unité de volume ½ ρv :
où ρ est la masse volumique du fluide etv la vitesse de module v.
Un exemple d'une telle situation est le jet moléculaire envoyé sur une paroi pour l'étude de l'interactionatome ou molécule-paroi.
Cette définition correspond en une dimension d'espace à lapression dynamique dans le cas d'une description macroscopique du problème d'un écoulement et se généralise aisément à un milieu tridimensionnel à symétrie sphérique lorsque la distribution des vitesses est isotrope. C'est le cas pour la description microscopique d'un gaz en équilibre thermodynamique (voir ci-dessous). En effet dans ce cas le flux est identique dans toutes les directions.
Plus généralement ces échanges de quantité de mouvement ne sont ni isotropes ni totalement directifs et dans ce cas on utilise le tenseur des contraintes (ou tenseur de pression) pour les décrire. En l'absence decouple interne au système ce tenseur est symétrique. Ceci est vérifié pour un fluide newtonien (mais pas seulement)[18]. Pour un fluide au repos ce tenseur est isotrope
où est le tenseur unité et p la pression hydrostatique. On définit le tenseur de contraintes visqueuses comme le déviateur
On définit la pression comme l'effet sur une paroi des impacts departicules (atome, molécules), effet résultant du transfert de quantité de mouvement.
où n est la densité volumique des particules, m leur masse et v leur vitesse microscopique. < v² > estla moyenne statistique du carré du module de la vitesse.
Dans cette approche la paroi est supposée parfaitement réfléchissante, ce qui ne correspond pas à la réalité. En fait la condition de réflexion parfaite définit une condition de symétrie, donc la négation même d'une paroi : ce type de condition aux limites est utilisé en physique pour éviter tout problème lié à l'écriture d'une condition physiquement réaliste[b].
La distribution maxwellienne des vitesses dans un gaz à l'équilibre thermodynamique résulte des interactions particule-particule dans le milieu libre. Les interactions paroi-particule sont de nature très différente et la distribution des vitesses est profondément altérée par la présence de la paroi sur une hauteur de quelqueslibres parcours moyens l. On peut définir une échelle macroscopique pour toute variable scalairea par
Si l est grand devant la on est en régime moléculaire décrit par l'équation de Boltzmann. Le calcul de l'effort sur la paroi se fera à partir de celui des interactions individuelles[19].
Dans le cas l << la la paroi influence la distribution des vitesses dans une région épaisse de quelques libres parcours moyens appeléecouche de Knudsen. On peut montrer[20] que la contrainte normale sur la paroi pxx est la pression p hors de la couche de Knudsen à un facteur correctif près qui est en. Ce terme tend donc vers 0 lorsque la masse volumique du gaz augmente. Pour ungaz monoatomique il est strictement nul en l'absence d'écoulement et de transfert thermique[21]. De la même façon il existe des termes de cisaillement pyy et pzz (tension superficielle) en.
Si l'effet sur la pression est toujours négligeable, celui sur la vitesse et la température doivent être pris en compte dans certaines situations, par exemple l'écoulement en milieu poreux décrit par l'équation de Darcy-Klinkenberg.
Latension interfaciale entre un liquide et un gaz ou entre deux liquides est liée aux phénomènes d'interaction entre molécules. Cet effet est analogue à celui dans un milieu gazeux proche d'une paroi solide décrit ci-dessus. Toutefois les interactions moléculaires dans un liquide sont beaucoup plus complexes que dans un gaz et il n'existe pas de surface en tant que discontinuité comme pour un solide. L'analyse analytique du phénomène est beaucoup plus difficile[22]. On est réduit à l'expérience ou à un calcul dedynamique moléculaire[23], donc une expérience numérique. Toutefois l'approche qualitative utilisant le tenseur de pression permet d'illustrer le phénomène[24].
Le tenseur de pression est diagonal du fait des symétries du problème. L'équilibre en x (axe normal à la surface) implique que pxx (x) = Cste = p.
Les termes transverses pyy et pzz sont égaux par symétrie et varient avec x. On note pt (x) leur valeur. Ces termes induisent unecontrainte correspondant à l'écart à p
l'intégration se faisant sur un domaine incluant la région d'épaisseur nanométrique de la couche incriminée. γ est latension superficielle qui est une propriété du liquide seulement.
Généralement la modélisation du phénomène s'appuie sur une approche mécanique ou thermodynamique[24],[25] qui ne dit rien des mécanismes sous-jacents.
La thermodynamique dugaz de photons (desbosons obéissant à lastatistique de Bose-Einstein) permet de définir une pression radiative qui a les mêmes attributs que la pression des atomes et molécules. Elle existe dans le milieu vide ou contenant un matériau non opaque et est utilisée entransfert radiatif. Dans les gaz à très haute température elle est du même ordre de grandeur ou même supérieure à la pression gazeuse.
Cependant, par rapport aux gaz, le problème est simplifié par l'absence d'interaction photon-photon. Pour calculer le phénomène on peut donc superposer le rayonnement incident et le rayonnement émis de la paroi. Il n'existe pas l'équivalent de la couche de Knudsen. Laforce résultante sur la paroi peut avoir une direction quelconque. Dans le cas d'un faisceau parallèle impactant une surface absorbante, la force résultante a la direction du faisceau.
Dans les étoiles denses comme lesnaines blanches ou lesétoiles à neutrons la densité est telle que la matière est dans unétat dégénéré. La composante de la pression liée au mouvement des particules est négligeable devant la part quantique liée à l'impossibilité pour les électrons ou les neutrons de se rapprocher au-delà d'une certaine distance sous peine de violer leprincipe d'exclusion de Pauli. La thermodynamique permet d'attribuer une pression isotrope à ce milieu, appelée pression de dégénérescence. Elle varie comme la puissance 5/3 de la masse volumique et est indépendante de la température. Le domaine est limité par la température de Fermi définie par
Coefficient de pression sur une paroi sinusoïdale en écoulement turbulent : calcul et expérience.
Il existe de nombreux problèmes dans lesquels lacouche limite est modifiée par l'état de paroi :rugosité à l'échelle millimétrique enaérodynamique, à l'échelle centimétrique enhydraulique ou à l'échelle métrique pour lesvents dans l'atmosphère. Pour ne pas avoir à détailler chaque détail de la surface on définit une surface plane équivalente et on transfère les effets de la rugosité sur une condition aux limitesad hoc[26]. Lorsqu'on regarde ce qui se passe au niveau élémentaire on voit qu'il se produit une surpression dans la région au vent de la rugosité et une dépression dans la région sous le vent (voir figure). La force résultant de cette pression a donc une composante parallèle à la paroi équivalente. Celle-ci est petite devant la composante normale mais pas toujours totalement négligeable. Elle est généralement incluse dans le frottement et peut ainsi constituer une partie prépondérante de la valeur apparente de celui-ci.
Cet exemple met en évidence le fait que la décomposition habituelle dutenseur des contraintes en un terme diagonal (la pression) et un déviateur (le cisaillement) n'est pas toujours très pertinente, même dans le cas d'un fluide newtonien.
Une perturbation quelconque dans un milieu solide ou fluide va créer un déséquilibre qui va se propager sous diverses formes. La propagation de la pression sous forme d'une onde étant rapide, c'est elle qui va porter l'information de cette perturbation dans le milieu environnant.
Pour la simplicité on s'intéresse tout d'abord à un milieu uniforme où uneonde plane se propage dans la directionx. La perturbation, supposée faible, ne perturbe que faiblement la distribution des atomes ou molécules à l'échelle microscopique, sur une distance de quelqueslibres parcours moyens. Deux cas sont possibles :
dans un fluide, décrit par un tenseur de pression isotrope, la symétrie par rapport à tout plan perpendiculaire àx fait que la perturbation des vitesses des particules ne change pas cette distribution : il ne peut se créer une onde transversale. L'onde de pression est donc nécessairement longitudinale ;
dans un solide ou certains fluides non-newtoniens, comportant des termes de couplage entre directions, une déformation longitudinale entraîne une contrainte transversale et donc crée une onde transversale.
Cette onde est faiblement amortie. En effet laviscosité dynamique ne concerne que les termes de cisaillement, ici absents. Par contre laviscosité volumique, correspondant aux phénomènes de compression et détente et liés aux échanges microscopiques entre énergie interne eténergie cinétique, joue un rôle d'amortissement de l'onde[28]. La valeur de cette quantité est faible, son effet négligeable pour les calculs demécanique des fluides. Elle influence cependant lapropagation du son sur de longues distances.
Dans un écoulement on parle d'onde simple pour décrire une onde provoquant des variations de pression locale comme les ondes dedétente ou de compression isentropique. Leur analyse constitue la base de la compréhension des solutions des équations d'Euler au travers de l'analyse des caractéristiques[29].
On utilise encore diverses unités, souvent d'origine historique, comme labarye (ba) dusystème CGS, lemillimètre de mercure (mmHg) outorr (Torr), l'atmosphère (atm) et lebar (bar). Toutes ces unités sont encore d'usage courant dans divers domaines. On trouve encore dans le monde anglo-saxon des unités spécifiques comme lalivre-force par pouce carré (psi,pound per square inch).
La pression peut être négative. Cette notion de pression négative doit être rapprochée de la notion decontrainte en traction enmécanique du solide. Le cas se présente notamment dans les liquides dont la cohésion est maintenue par lesforces intermoléculaires lorsqu'on leur impose un volume supérieur au volume en milieu libre. Ainsi un liquide centrifugé jusqu'à obtenir une compression notable voit l'apparition depressions négatives en son sein[31]. Des pressions négatives sont également observées dans de l'eau refroidie dans un volume constant, qui peut rester liquide à une température de−15°C en produisant une pression de−1 200 bar (−1,2 × 108Pa)[32]. Dans les deux cas il s'agit cependant d'un étatmétastable, unecavitation suivie d'unevaporisation dans l'espace libre ramenant rapidement les pressions à des valeurs positives.
On peut faire varier expérimentalement la pression statique sur plus de vingt ordres de grandeur : depuis 10−10Pa pour lesvides poussés jusqu'à5 × 1011Pa pour les plus hautes pressions produites encellule à enclumes de diamant, utilisées par exemple pour déterminer l'équation d'état de métaux ou roches au centre des planètes[38]. Selon la gamme de pression visée, les appareils de mesure utilisent des principes physiques très différents. Les méthodes de mesure peuvent être classées en méthodes directes et indirectes. Les premières reposent sur la mesure directe d'une force, exercée sur une membrane par exemple, et sont proches de la définition première de la pression. Les méthodes indirectes reposent sur la mesure d'une autre grandeur physique (résistivité, température…) qu'on peut relier à la pression par unétalonnage.
Cessondes de pression peuvent porter des noms très divers suivant leur utilisation et donc leur mode de fonctionnement. On peut citer comme appareils traditionnels :
La mesure de pression peut être absolue (valeur physique) ou relative à une valeur de référence, généralement lapression normale (1 bar). Dans ce dernier cas on parle toujours de pression alors qu'il s'agit d'une différence de pression, qui peut donc être négative.
Il existe également des moyens permettant d'obtenir de très hautes pressions dynamiques (lasers de puissance,hautes puissances pulsées). Les hautes températures qui accompagnent ces expériences conduisent à l'utilisation de diagnostics optiques[41].
La notion de pression étant d'un usage extrêmement général on se limitera à quelques exemples utilisables dans un objectif devulgarisation. On trouve assez facilement des sites illustrant les bases de chacun de ces aspects[42],[43].
Unepunaise est un transformateur de pression : une petite pression sur une large surface, côté doigt, est transformée à force constante en une grande pression sur une petite surface, la pointe, côté mur.
Une application très courante consiste à faire varier la surface d'application dans le but de multiplier l'effort exercé localement. Cela peut être réalisé par l'intermédiaire d'un solide, par l'exemple d'un objet pointu comme unclou ou unpoinçon. On peut également utiliser un liquide comme pour lapresse hydraulique. L'effet contraire de démultiplication est illustré par l'usage d'un support de surface notable pour exercer un effort sur un sol déformable.
La notion d'intensité de la force due à la pression atmosphérique est illustrée par l'expérience historique deshémisphères de Magdebourg.
Un élément caractérisant la pression enmécanique des fluides est le fait qu'elle est à l'origine d'écoulements. Un calcul simple permet de le montrer : prenons unélément de volume defluide incompressible dV = dS dl, d'épaisseur dl, nommé « particule fluide ». En présence d'une différence de pression dp il est soumis à une force :
On exprimera ceci plus généralement en disant que la force exercée par unité de volume est proportionnelle au gradient de pression :
Si la pression peut être mesurée par l'intermédiaire d'un phénomène qui en dépend, certaines quantités sont mesurées par leur dépendance à la pression.
La pression est responsable de la force qui propulse le jet. Elle augmente avec la profondeur.
L'altitude (au sens mathématique) sur terre peut être mesurée par l'intermédiaire de sa relation avec la pression au travers de la loi d'équilibre hydrostatique :
où est la masse volumique et l'accélération de la pesanteur supposée constante dans l'intervalle d'altitude considéré. On calcule le profil d'où on déduit.
où est laconstante universelle des gaz parfaits. La température varie également avec l'altitude : cette intégrale est résolue en se donnant un profil standard de température avec l'altitude (atmosphère normalisée). La précision est améliorée si l'on recale le calcul avec une donnée d'une station fournie par une station au sol[46]. En supposant uneatmosphère isotherme :
mesure de niveau :
Une application industrielle courante est la mesure de niveau dans un réservoir contenant une phase liquide et un ciel gazeux. Deux capteurs de pression sont placés l'un dans le ciel du réservoir, l'autre au pied du réservoir. La différence de pression entre les deux mesures est reliée à la hauteur de liquide par leprincipe de Pascal :
avec :
la différence de pression mesurée entre les deux capteurs (positive : pression de pied - pression du ciel) ;
On peut estimer le débit d'un fluide en utilisant un système entraînant uneperte de charge calibrée (par ex. uneplaque à orifice ou diaphragme). La différence de pression entre l'entrée et la sortie du système déprimogène est reliée à la vitesse du fluide par :
avec :
la perte de charge aux bornes du capteur de débit ;
le coefficient de perte de charge du capteur de débit ;
lamasse volumique du fluide passant dans le capteur de débit, en supposant le fluide incompressible ;
la vitesse du fluide à l'entrée du capteur de débit.
On calcule ainsi la vitesse :
Dans untube de Pitot, qui permet notamment de mesurer la vitesse des avions, l'un des capteurs mesure lapression totale (somme de lapression statique et de lapression dynamique) dans la veine du fluide et l'autre la pression statique seule. Le coefficient de perte de charge.
Avec la surface de la section d'entrée du capteur, ledébit massique vaut :
↑La confusion provient du fait qu'à l'équilibre l'intensité de la force pressante par unité d'aire est égale à la pression du fluide au contact de la paroi. Dans certaines circonstances l'égalité n'est pas assurée, par exemple dans le cas d'un appareil contenant un gaz extrêmementraréfié, la pression ne pouvant plus être définie quand lelibre parcours moyen devient comparable ou supérieur aux dimensions de l'appareil.
↑Une telle paroi constituerait leGraal des aérodynamiciens car elle n'induirait pas decouche limite.
↑En mécanique des fluides on adopte cependant le plus souvent la descriptioneulérienne, et on introduit le champ des vitesses défini en tout point du fluide, plutôt que de "suivre" les "particules de fluide" individuelles. On doit alors considérer la dérivée "totale" qui s'écrit, ce qui donne l'équation d'Euler.
↑(la)Daniel Bernoulli,Hydrodynamica, sive de viribus et motibus fluidorum commentarii. Opus academicum ab auctore, dum petropoli ageret, congestum, Johannis Rheinholdi Dulsekeri,(lire en ligne).