Une première forme de gouvernement avait été créée par leCode de Taihō en 701, instituant alors undaijō-kan ou « Département d'État ». Il est dirigé par ledaijō-daijin, ou « ministre des Affaires suprêmes » ou encore « Chancelier du Royaume », titre créé en 671 pour le prince Ōtomo (futurempereurKōbun)[2]. Cette institution fut particulièrement importante pendant les périodes deNara (710-794) etHeian (794-1185) avant de perdre progressivement de son influence au profit desrégents Fujiwara puis dushogunat. À partir de là, son rôle devient purement honorifique.
Larévolution Meiji rétablit une forme d'administration centrale. Il s'agit tout d'abord, dès le, desSanshoku, ou « Trois postes », à savoir leSōsai ou président, lesgijo ou législateurs et lessan'yo ou conseillers.
LeSeitaisho, ou « Constitution de juin », promulgué en remplace lesSanshoku par un Grand Conseil d'État qui réactive la vieille institution dudaijō-kan[3]. Celui-ci est tout d'abord dirigé par une forme de triumvirat constitué deToshimichi Ōkubo,Takamori Saigō etTakayoshi Kido.
En 1871, la position dedaijō-daijin est à son tour pleinement restaurée et confiée àSanetomi Sanjō qui reste en place jusqu'à l'abolition en 1885 dudaijō-kan, remplacé alors par le premierCabinet impérial à la suite de la promulgation de l'Édit sur l'Autorité du Cabinet le.
Le premier Premier ministre du Japon a étéHirobumi Itō, investi le, chargé de rédiger une constitution et disposant alors d'assez importants pouvoirs[4].
Les attributions du Premier ministre sont précisées par la premièreConstitution du Japon, dite Constitution Meiji, promulguée le mais effective à partir du. Celui-ci a des pouvoirs assez réduits, puisqu'il est nommé et peut être révoqué par l'empereur, de même que les autres membres du Cabinet. Le premier chef de gouvernement issu de cette constitution futAritomo Yamagata, en place du au. Jusqu'au décès de l'empereur Meiji et l'avènement de l'empereur Taishō en 1912, les Premiers ministres et les cabinets échappent plutôt à la logique de la composition politique de la Diète et dépendent au contraire de l'oligarchie de Meiji(藩閥,hanbatsu?,classe dirigeante issue des anciens clans féodaux, surtout originaires de deuxdomaines, ceux deChōshū et deSatsuma) et par lesgenrō(元老?). Ces derniers sont sept puis neuf personnalités de l'oligarchie considérés comme les « pères fondateurs » du nouveau système politique et qui exercent sur lui une autorité morale, ayant notamment le droit de choisir les Premiers ministres avec l'approbation de l'empereur et ce, jusqu'à la mort du dernier d'entre eux,Kinmochi Saionji, en 1940.
Takashi Hara, le premier à avoir fondé un Cabinet pleinement fondé sur un parti politique.
La jeunesse et la maladie du nouvel empereurTaishō mais aussi l'influence dugenrōKinmochi Saionji (le dernier à porter ce titre entre 1924 et 1940, c'est un partisan de l'avènement d'une réelle démocratie parlementaire) donne plus de marge de manœuvre au monde politique. C'est ainsi que le premier Cabinet basé sur le parti politique majoritaire à la Diète, leRikken Seiyūkai, est formé parTakashi Hara en 1918. Ensuite, excepté la période allant de 1922 à 1924 dominée par des Premiers ministres militaires (dont certains ont toutefois été partisans de l'avènement de cette démocratie, d'autres au contraire, ceux dugunbatsu, favorables au maintien d'un système oligarchique), une véritable alternance politique se met en place entre leRikken Seiyūkai et leKenseikai (auquel succède à partir de 1925 leMinseito), parfois alliés, selon la majorité à la Diète. Cette première expérience de véritable fonctionnement démocratique et parlementaire s'accompagne de plusieurs réformes libérales en politique intérieure, comme l'« acte de réforme » de 1919 ou l'adoption du suffrage universel masculin en 1925.
Le retour en force des militaires au cours de l'ère Shōwa
Le dernier Premier ministre « constitutionnel » à la tête d'un cabinet basé sur les partis du Parlement,Tsuyoshi Inukai, duSeiyūkai, est assassiné le. Le type de gouvernement parlementaire, discrédité par plusieurs échecs en politique étrangère, dont le plus important en date reste l'incident de Mukden enMandchourie du, ou économique, laisse bientôt la place aux militaires de laTōseiha dont l'influence devient prédominante après l'incident du 26-Février. Tous les Premiers ministres de 1932 à 1945 sont alors issus de l'armée, à l'exception du diplomateKōki Hirota (1936-1937), du princeFumimaro Konoe (1937-1939 et 1940-1941) et deKiichirō Hiranuma (1939).
Après deux gouvernements transitoires dirigés successivement par le princeNaruhiko Higashikuni (1945), oncle par alliance de l'empereur Shōwa, puis par le baronKijūrō Shidehara (1945-1946), ancien membre de laChambre des pairs, le Japon renoue avec des Cabinets politiques et avec l'alternance.
Avec la réforme constitutionnelle imposée par lecommandant suprême des forces alliées qui retire à l'empereur ses pouvoirs de chef d'État et de « commandant suprême de l'Armée et de la Marine », en plus d'abolir lequartier général impérial, le Premier ministre est dorénavant la personnalité politique la plus importante duJapon. C'est notammentShigeru Yoshida, Premier ministre de 1946 à 1947 puis de 1948 à 1954, duParti libéral, qui élabore la doctrine qui porte son nom et qui constitue encore aujourd'hui, du moins en partie, la base de la politique du Japon, à savoir se concentrer sur le développement économique et l'alliance avec les États-Unis, tout en refusant de s'occuper de tout ce qui concerne la défense qui est alors laissée aux Alliés.
Le premier Premier ministre issu de laConstitution de 1947 fut lesocialisteTetsu Katayama, en place jusqu'en 1948, allié alors avec le Parti démocrate. Ensuite, entre 1948 et 1955, l'alternance se fait entre deux partis de centre droit, le Parti libéral et le Parti démocrate, qui s'unissent en 1955 pour former leParti libéral-démocrate (PLD). Tous les cabinets sont dirigés sans discontinuer par ce dernier jusqu'en 1993, puis de nouveau de 1996]à 2009 et depuis 2012. De 2009 à 2012, une nouvelle majorité se met en place, dominée par leParti démocrate du Japon (PDJ), créé en 1996 et classé au centre voire au centre gauche, et son président de l'époque,Yukio Hatoyama, devient Premier ministre. La fonction connaît néanmoins une crise, en l'absence d'un réel leadership politique, entre le retrait deJun'ichirō Koizumi en 2006 et la deuxième élection deShinzō Abe en 2012 : durant cet intervalle, six Premiers ministres se sont succédé en six ans.
Le record de longévité depuis est détenu parShinzō Abe, qui totalise 8 ans, 8 mois et 21 jours au pouvoir, dont 7 ans, 8 mois et 21 jours consécutifs entre et. Il est suivi parEisaku Satō, en poste du au à la tête de trois cabinets successifs (soit en tout 7 ans, 7 mois et 28 jours), puis parShigeru Yoshida (7 ans, 1 mois et 27 jours dont 6 ans, 1 mois et 25 jours consécutifs du au) etJun'ichirō Koizumi (du au, pour trois cabinets, soit 5 ans et 5 mois).
Les Premiers ministres les plus éphémères de cette période d'après-guerre, outre le princeNaruhiko Higashikuni, en place du au, rapidement renvoyé en raison de sa mauvaise entente avec les Alliés, sontTsutomu Hata (Shinseitō, du28 avril au, soit 63 jours) etTanzan Ishibashi (du PLD, du au, soit 64 jours, qui démissionna du fait de problèmes de santé).
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, selon laConstitution de 1947, le Premier ministre est nommé par l'empereur après avoir été désigné en son sein par les deux chambres de la Diète, avec priorité du choix de laChambre des représentants[5]. Ce fut notamment le cas pour la désignation des anciens Premiers ministresYasuo Fukuda etTarō Asō, qui furent tous deux élus par la chambre basse où le PLD est toujours majoritaire, tandis que la Chambre des conseillers avait quant à elle porté son choix les deux fois sur le chef du PDJ et de l'oppositionIchirō Ozawa[6],[7].
Par tradition, il est le dirigeant du parti politique qui possède la majorité au Parlement (tout du moins à la Chambre des représentants) ou qui a le plus de sièges au sein d'une coalition majoritaire. Tous les Premiers ministres depuis 1955 proviennent du PLD, à l'exception des périodes allant de 1993 à 1996 et de 2009 à 2012. C'est pourquoi la désignation au poste de président de ce parti a souvent signifié également l'accession au poste de Premier ministre, hormis après sa défaite historique du. À partir des années 2000, un réel bipartisme semble néanmoins s'être durablement installé entre le PLD (centre droit et droite, conservateur libéral) et le PDJ (centre et centre gauche, social-libéral). Depuis 1955, seuls deux Premiers ministres ne sont pas issus du parti ayant le nombre le plus important de députés :Morihiro Hosokawa (de 1993 à 1994, à la tête d'une coalition « anti-PLD, anti-communiste » formée de sept partis, le sien, leNouveau parti du Japon (NPJ) n'étant que le quatrième en termes de représentation politique) et Tomiichi Murayama (de 1994 à 1996, il est porté par une grande coalition entre le PLD, qui reste le plus important en nombre de sièges, sonParti socialiste japonais (PSJ), qui arrive en deuxième place, et le plus petitNouveau partiSakigake (NPS).
Il est responsable devant la Diète et doit conserver la confiance de la Chambre des représentants qui peut le renverser par le vote d'unemotion de censure. Cela ne s’est produit qu'une seule fois depuis 1945, le, entraînant la chute du gouvernement deKiichi Miyazawa et mettant alors fin à 38 ans de gouvernement continu du PLD, au profit d'une coalition hétéroclite entre notamment des dissidents de l'ancien parti majoritaire et plusieurs forces politiques jusqu'alors dans l'opposition. La démission d'un Premier ministre entraîne automatiquement celle de l'ensemble de son Cabinet[8].
Il « assure la présidence »[9] du Cabinet auquel est « dévolu le pouvoir exécutif » (branche exécutive du Gouvernement japonais)[10].
Il nomme et peut révoquer l'ensemble des membres du gouvernement sans contrainte de choix à ceci près que tous doivent être des civils[9], en respect dupacifisme et du rejet dumilitarisme défini dans la Constitution, et qu'une majorité d'entre eux doit être issue de la Diète[11].
Il est également le « représentant » du Cabinet et c'est donc officiellement lui qui « soumet à la Diète les projets de lois » et « exerce contrôle et droit de regard sur les diverses branches de l'administration »[12]. Enfin, toutes les lois et décrets doivent être contresignés par lui[13]. Les membres du Cabinet n'ont ainsi que très peu d'indépendance d'action vis-à-vis du Premier ministre.
Naoto Kan, Premier ministre du Japon du au, le deuxième à être issu duPDJ
En raison de l'importance des factions au sein même du PLD et du consensus au Japon, le Premier ministre n'a que peu de marge de manœuvre politique, devant négocier sans cesse avec les factions de son parti et en tenir compte dans la constitution de son gouvernement. Ainsi, s'il n'y a pratiquement pas d'instabilité parlementaire ni de changement de majorité au Japon, le mandat de Premier ministre est souvent éphémère, non pas écourté par une motion de censure (à l'exception de 1993) ou un changement de majorité (en 2009) mais par le changement de direction au sein du parti majoritaire. De plus, l'importante autonomie laissée à chaque ministère jusqu'à la réforme du gouvernement central de 1999 (appliquée à partir de 2001) et le rôle prépondérant des hauts fonctionnaires dans le processus de décision de chacune de ses administrations ont longtemps réduit le champ d'action du Premier ministre.
Sous le mandat deJun'ichirō Koizumi (2001-2006), qui a entrepris une réforme profonde du PLD et s'est affranchi des factions, le Premier ministre est alors devenu plus puissant. Depuis son départ, le jeu des factions semble être revenu sur le devant de la scène politique. Ainsi, aucun Premier ministre n'est allé au terme de son mandat entre 2006 et 2012, en se maintenant environ un an au pouvoir. Le PDJ, lors de son passage au pouvoir de 2009 à 2012, s'est pour sa part attaché à lutter contre la « bureaucratie » et le poids jugé excessif des hauts fonctionnaires. Durant son deuxième mandat de 2012 à 2020,Shinzō Abe s'est affranchi à son tour du jeu des factions et a réussi à se maintenir plus longtemps au pouvoir et à redonner un poids politique important à la fonction de Premier ministre.
Le bureau et les services du Premier ministre se situent dans leSōri-daijin Kantei(総理大臣官邸?), généralement appeléSōri Kantei(総理官邸?) ouKantei(官邸?). Ce terme désigne d'ailleurs tout à la fois le lieu où sont situés les services du Premier ministre et du secrétaire général du Cabinet, ainsi que, par métonymie, le Cabinet lui-même. LeSōri-daijin Kōtei(総理大臣公邸?), populairement appeléSōri Kōtei(総理公邸?) ou tout simplementKōtei(公邸?), désigne quant à lui la résidence du Premier ministre, voisine duKantei. Le terme deKantei peut également être utilisé pour l'ensemble du complexe immobilier constitué par leKantei lui-même et leKōtei.
Le complexe comprenant leKantei et leKōtei est situé au 2-3-1Nagata-chō dans l'arrondissement deChiyoda et fait face auKokkai-gijidō(国会議事堂?), ou palais de la Diète. LeKantei actuel est un bâtiment moderne inauguré en 2002 tandis que leKōtei actuel fut le premierKantei de 1929 à 2002.
Toutefois, durant l'incident du 26 février 1936, les conjurés du putsch manqué prennent d'assaut leKantei et ravagent leKōtei. Ce dernier est alors rénové pour accueillir des bureaux, tandis que les Premiers ministres s'installent un temps dans une maison en bois de deux étages de style typiquement japonais aménagée en 1937 dans le jardin sud duKantei. Cette demeure est détruite durant les bombardements de Tokyo par les Alliés en 1945. Ce n'est toutefois qu'en 1963 que le premierKōtei est rénové pour reprendre sa fonction originelle de résidence officielle des Premiers ministres à partir de 1968[15].
L'actuelKantei, inauguré en 2002
Le premierKantei étant devenu trop exigu pour les services qu'il avait à héberger, un vaste projet de construction fut lancé dans les années 1990. Le nouveauKantei, plus vaste (s'étendant sur 2,5 ha et cinq niveaux), fut ainsi inauguré en pour des travaux d’un coût approximatif de 65 milliards de yens. En pierre et en verre blindé, il comporte également deux héliports d'urgence et est conçu pour résister aux tremblements de terre. Cette nouvelle bâtisse abrite aujourd'hui les services administratifs, tandis que le vieuxKantei, lui-même rénové, a été transformé en résidence officielle du Premier ministre et sert donc de nouveauKōtei. Enfin, ces deux bâtiments, nouveauKantei et nouveauKōtei, sont entourés par une enceinte commune[16]. Le premierKōtei a quant à lui été démoli.
↑(fr)Titsingh, Isaac. (1834). [Siyun-sai Rin-siyo/Hayashi Gahō (林鵞峰), 1652].Nihon Ōdai Ichiran; ou, Annales des empereurs du Japon, tr. par M. Isaac Titsingh avec l'aide de plusieurs interprètes attachés au comptoir hollandais de Nangasaki; ouvrage re., complété et cor. sur l'original japonais-chinois, accompagné de notes et précédé d'un Aperçu d'histoire mythologique du Japon, par M. J.Klaproth. Paris: Oriental Translation Fund of Great Britain and Ireland, p. 425
↑Modern Japan in archives : 100-year history from the opening of the country to the San Francisco Peace treaty, « Ch. 1 : Initial Steps toward a Constitutional State - 1-4 Grand Council of State (Dajokan) System », édité et mis en ligne par laLibrairie de la Diète