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Postglossateurs

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Le terme depostglossateurs recouvre l’ensemble des juristes qui, dès leXIIIe siècle, ont renouvelé l’étude dudroit, en faisant largement évoluer l’analyse des textes duCorpus Juris Civilis. S’il fallait préférer le qualificatif decommentateurs, qui illustre bien mieux la spécificité de ces juristes, celui de postglossateurs est généralement réservé aux docteurs de l’École d’Orléans (puisque c’est àOrléans qu’ont enseigné la plupart de ces docteurs), pour marquer le caractère transitoire de cette méthode. Le terme de commentateurs s’applique alors exclusivement auxbartolistes.

Les compilations justiniennes retrouvées à la fin duXIe siècle, leur enseignement s’est développé àBologne au siècle suivant à travers la technique de laglose. À l’époque, àOrléans, n’existe encore qu’une simpleécole cathédrale essentiellement destinée à former lesclercs. Seuls lesartes y sont enseignés et ce n’est qu’au début duXIIIe siècle que les études juridiques commencent à y prendre de l’importance. Souhaitant protéger l’enseignement de lathéologie àParis, capitale européenne de cette science, le papeHonorius III rédige en1219 la décrétaleSuper Speculam, par laquelle le pontife romain interdit tout enseignement dudroit romain àParis et dans ses alentours. Dès lors, maîtres et élèves se tournent versOrléans, école la plus proche deParis où ledroit civil (c'est-à-dire ledroit romain des compilations deJustinien) est déjà enseigné. Ainsi, dès1235, une bulle deGrégoire IX déclare que l’interdiction d’enseigner lesleges (ledroit romain) n’est pas valable pourOrléans. L’expansion de l’école est alors très rapide tant par l’intérêt croissant que suscitent les études juridiques que par les qualités exceptionnelles des premiers professeurs. Les premiers maîtres sont tous des clercs formés àBologne telsGuido de Cuneis,Pierre d’Auxerre ouSimon de Paris. Mais c’est surtout la seconde génération d’enseignants (en particulierJacques de Révigny etPierre de Belleperche), eux-mêmes anciens élèves d’Orléans, qui a illustré cetteuniversité. De fait, ces derniers, qui vont éclipser les docteurs bolonais, reçoivent une charte d’Innocent IV vers1250, puis cinq bulles deClément V en1306 organisent réellement lestudium generale, permettant ainsi de parler d’Université. L’ordonnance dePhilippe le Bel de juillet1312 achève l’évolution en reconnaissant définitivement lesprivilèges de l’institution. L’Université d'Orléans est alors à son apogée, du milieu duXIIIe au début duXIVe siècle. C’est en effet dans la seconde moitié duXIIIe siècle que se succèdent àOrléans les plus grands maîtres dudroit civil de l’époque (notammentJacques de Révigny etPierre de Belleperche). Des élèves de toute l’Europe, délaissantBologne, se forment à la nouvelle méthode d’analyse duCorpus juris civilis : rompant avec laglose italienne, elle cherche à développer une approche plus pratique dudroit romain. Cependant, rapidement, la place d’Orléans décline et l’étoile deBologne n’aura pâli que quelques décennies pour connaître une nouvelle splendeur – plus éclatante encore que la précédente – avec les travaux deBartole puis deBalde, son élève.

La rupture méthodologique

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La méthode des premiersjuristes médiévaux à avoir étudié lejus civile (qui les a fait qualifier deglossateurs) peut être rapprochée de celle des grammairiens. Ils glosent le texte, c'est-à-dire l’expliquent mot à mot en s’arrêtant plus longuement sur les termes dont le sens pose problème. Cette méthode reste très littérale et ses limites sont rapidement apparues.

C’est alors àOrléans qu’une nouvelle méthode voit le jour et permet réellement à lascience des civilistes de s’épanouir pendant les siècles à venir. Les maîtres de l’École d’Orléans sont conscients de la distance qui les sépare de la formation desleges qu’ils étudient et, dès lors, recourent à uneinterprétation bien plus libre et par conséquent créatrice. Par ce biais, ils permettent la mise en œuvre dudroit romain au sein des réalités contemporaines. Contrairement aux glossateurs duXIIe siècle, les postglossateurs ne considèrent pas leCorpus comme un « trésor intouchable dont le sens serait figé à jamais »[1]. Leur méthode est bien moins servile par rapport au texte qu’ils ne suivent plus fragment après fragment, mais regroupent de façon plus thématique. Pour cela, ils s’inspirent de la méthodescolastique (même si l’on relève déjà quelques emprunts dans l’œuvre de certains bolonais, notammentPlacentin) mise au point par lethéologienPierre Abélard dans sonSic et Non auXIe siècle et perfectionnée parsaint Thomas d’Aquin. Il s’agit d’une méthode de typedialectique qui cherche à trouver la solution à partir de la conciliation de textes extérieurement contradictoires. Les postglossateurs posent d’abord des principes généraux pour en déduire des conséquences qu’ils illustrent grâce aux textes romains, procédant ainsi à l’inverse des glossateurs en abandonnant la simple exégèse des œuvres deTribonien.

Le rayonnement de l’École d’Orléans

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La participation aux pouvoirs

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Si les pouvoirs sont favorables à la création desuniversités, c’est qu’ils y puisent les savants, et en particulier lesjuristes, dont ils ont un besoin croissant durant cette période d’affirmation de leurs prérogatives, de recul de laféodalité et de conflits entreEmpire,papauté et royaumes européens. LeXIIIe siècle est la période de splendeur de l’École de droit d’Orléans et c’est donc évidemment au sein de celle-ci que leroi recrute principalement. De plus, maîtres et élèves sont tous des clercs et prétendent ainsi accéder aux plus hautes fonctions ecclésiastiques.

Cesjuristes ont pu, pratiquement, mettre en œuvre les enseignements qu’ils avaient développés, en appliquant les solutions dégagées par l’étude du droit deJustinien aux cas concrets qui leur étaient soumis en tant que conseiller duroi ou haut dignitaire ecclésiastique. L’influence est d’autant plus incontestable que deux anciens professeurs d’Orléans ont revêtu la tiare papale, à savoirBertrand de Got (devenuClément V, et qui a donné ses statuts austudium) et Jacques Duèse (devenuJean XXII). De même, l’exemple dePierre de Belleperche : enseignant àOrléans entre1280 et1296 environ,Clericus regis sans doute dès1290, puis conseiller auParlement, il accède à la fonction très recherchée dechancelier et garde du sceau royal. Il est un serviteur actif dePhilippe le Bel pour qui il exécute de nombreuses missions, notamment diplomatiques.

En outre, l’influence qu’exerce auXIIIe siècle l’arrivée auParlement delégistes de formation romaniste est considérable. En effet, nombreux sont lesclerici regis à provenir d’Orléans. Or ce sont eux qui ont introduit ledroit romain et ses principes dans la procédure. De là également, l’infiltration dudroit romain dans les décisions de laCuria regis et partant au sein dudroit positif. Or les civilistes d’Orléans, entrés au service duroi en masse, rendent lajustice dans lespays dedroit coutumier et ce dernier subit par conséquent l’influence des solutions romaines, comme l’illustrent lescoutumiers de l’époque. C’est particulièrement le cas pour deux d’entre eux qui furent composés dans la sphère des maîtres de la prestigieuse École. LesÉtablissements de Saint Louis etLi Livres de Jostice et de Plet, certainement rédigés àOrléans vers le milieu duXIIIe siècle, montrent parfaitement la juxtaposition des textes dedroit romain et des sources dedroit coutumier. Au-delà de lacoutume, par leur position au sein des institutions laïques et ecclésiastiques, les maîtres orléanais ont pu marquer de leur empreinte certains textes « législatifs ». C’est ainsi, pour prendre un exemple très précis, queSimon de Paris est considéré comme l’inspirateur de l’ordonnance de la Chandeleur de1270 sur l’enquête par turbe. Plus généralement, l’influence deslégistes (dont beaucoup proviennent d’Orléans) transparaît dans l’ensemble des actes dePhilippe le Bel.

Entre déclin et transmission

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Le déclin de l’École d’Orléans

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Le prestige d’Orléans pâlit au cours duXIVe siècle. Les professeurs de l’Université ne laissent aucun écrit, à l’exception dePierre Sarlat, auteur d’unTractatus de crimine læsæ majestatis. Leur effacement vaut aussi pour leur insertion dans les sociétés politique et ecclésiastique. Ce n’est qu’au débutXVIe siècle qu’un certain renouveau de l’étude dudroit, au travers des perspectives humanistes (humanisme juridique), se fait jour àOrléans, avec des personnalités commeHugues Fournier,Jean Bourdineau et surtout le célèbrePyrrhus d’Anglebermes ou lescanonistesJean Bruneau etArnoul Ruzé. Ces trois derniers sont ainsi liés, d’une manière ou d’une autre, à la rédaction descoutumes d’Orléans ou à leur commentaire. Durant ces deux siècles, c’est de nouveau àBologne que la science juridique connaît ses lettres de noblesse, mais là encore la trace de l’École d’Orléans reste perceptible.

L’origine du bartolisme

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L’influence des maîtres orléanais sur lemos italicus (auquel on oppose, à partir duXVIe siècle, lemos gallicus) est indéniable. C’est par l’intermédiaire deCinus de Pistoie, dont l’œuvre, et en particulier son commentaire duCode de Justinien, reprend très largement ladoctrine dePierre de Belleperche, que la méthode française traverse lesAlpes.Bartole, l’élève deCinus de Pistoie, perfectionne ensuite sa méthode, méthode qui s’impose alors dans l’étude des corps dedroit civil et canonique jusqu’à la rupturehumaniste duXVIe siècle.

Notes et références

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Notes

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  1. Jean-Marie Carbasse,Manuel d'introduction historique au droit, Paris, 2003, p. 138

Articles connexes

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