Le positivisme scientifique d'Auguste Comte s'en tient aux relations entre lesphénomènes et ne cherche pas à connaître leur nature intrinsèque : il met l'accent sur leslois scientifiques et refuse la recherche descauses premières.
Les idées du positivisme puisent leur source dans certaines formulations deDenis Diderot qui soutient un « matérialisme enchanté » et donc une forme d'empirisme[2],D'Alembert etTurgot, ainsi que de leurs amis et élèvesLagrange etCondorcet.
En devenant « positif », l'esprit renoncerait à la question « pourquoi ? », c'est-à-dire à chercher lescauses premières des choses. Il se limiterait au « comment », c'est-à-dire à la formulation des lois de la nature, exprimées en langagemathématique, en dégageant, par le moyen d'observations et d'expériences répétées, les relations constantes qui unissent les phénomènes, et permettent d'expliquer la réalité des faits[5].
Notons que dans sa biographie consacrée à Auguste Comte,Émile Littré propose une définition concise de la philosophie positive :
« La philosophie positive est l’ensemble du savoir humain, disposé suivant un certain ordre qui permet d’en saisir les connexions et l’unité et d’en tirer les directions générales pour chaque partie comme pour le tout. Elle se distingue de la philosophie théologique et de la philosophie métaphysique en ce qu’elle est d’une même nature que les sciences dont elle procède, tandis que la théologie et la métaphysique sont d’une autre nature et ne peuvent ni guider les sciences ni en être guidées ; les sciences, la théologie et la métaphysique n’ont point entre elles de nature commune. Cette nature commune n’existe qu’entre la philosophie positive et les sciences.
Mais comment définirons-nous le savoir humain ? Nous le définirons par l’étude des forces qui appartiennent à la matière, et des conditions ou lois qui régissent ces forces. Nous ne connaissons que la matière et ses forces ou propriétés ; nous ne connaissons ni matière sans propriétés ou propriétés sans matière. Quand nous avons découvert un fait général dans quelques-unes de ces forces ou propriétés, nous disons que nous sommes en possession d’une loi, et cette loi devient aussitôt pour nous une puissance mentale et une puissance matérielle ; une puissance mentale, car elle se transforme dans l’esprit en instrument de logique ; une puissance matérielle, car elle se transforme dans nos mains en moyens de diriger les forces naturelles[6]. »
— Émile Littré, Auguste Comte et la philosophie positive
Le positivisme« religieux », correspond à une deuxième phase de la pensée d'Auguste Comte, assez différente de la première.
Dans cette période, la pensée de Comte dérive vers unereligion naturelle (religion de l'Humanité) fondée sur une sorte de culte des morts : Comte est le « grand-prêtre » de l'humanité, la société est dirigée par les scientifiques, l'Humanité est unGrand-Être[7]. C'est une théorie qui établit des relations en société sur la base de lois scientifiques et techniques, censées apporter l'ordre, leprogrès, l'amour au sens de l'altruisme (amour généralisé à des groupes humains plus larges que l'union des sexes,cf. :Agapé,ἀγάπη par opposition àéros,Ἔρως). Elle fait abstraction de la recherche sur le sens de la vie, les origines et lesfins de l'Homme, le bonheur.
En 1849 Auguste Comte crée un calendrier positiviste destiné à accompagner la religion positiviste comme instrument« d'art de la Mémoire », et de remplacement des saints catholiques du calendrier traditionnel par de grandes figures de l'Humanité[9].
On y remarque des personnes célèbres (philosophie, science…), requalifiés sous les grades de « dieux, héros et saints » dontMoïse,Socrate,Platon,Pythagore[10].
Le positivisme juridique est une doctrine juridique dans laquelle ledroit se réduit audroit positif tel qu'il est décrit dans les codes. Le principal représentant de ce courant est l'AutrichienHans Kelsen (1881-1973), auteur de la constitution de l'Autriche en1920.
"La théorie du positivisme juridique ne résiste pas à la pratique; elle s’avère, à l’exercice, intenable et artificielle[11]. Prétendre que tout le droit est dans la loi suppose que l’œuvre judiciaire n’est qu’une réplication de celle du législateur. Le juge, bouche de la loi, selon la formule de Montesquieu, se contente de renouveler le commandement législatif sans jamais vraiment l’interpréter[12]. Ce commandement est toujours clair, explicite, intelligible et demande simplement à être découvert. Bien évidemment, rien n’est plus faux au regard des nombreux travaux démontrant la nature souvent créatrice du travail judiciaire[13] et de la consécration, aujourd’hui incontestable, de la jurisprudence comme source de droit. Comme l’affirme le doyen Jean Carbonnier, "le droit est plus grand que les sources formelles du droit"."[14]
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Au sujet du fondement sur les phénomènes et les mesures[3] :
« On pourrait rétorquer qu'aucune expérience ne donne directement accès aux faits qui ne constituent en général qu'une reconstruction de l'esprit. Entre un fait et son observation, il se glisse toujours quelque instrument et quelque raisonnement sans lesquels toute recherche serait impossible. »
Dans cette encyclique,Jean-Paul II constate que la pensée philosophique moderne s'est développée en s'éloignant progressivement de la Révélation chrétienne, au point de s'y opposer explicitement, le mouvement ayant atteint son apogée auXIXe siècle[15].
Jean-Paul II montre que la prise en compte de lamétaphysique est nécessaire, dans le contexte actuel, à laspéculation philosophique, en vue de la recherche de sens, pour tout ce qui concerne les sciences de la vie notamment[16].
L'encyclique critique les développements ultérieurs du positivisme, et plus précisément lescientisme — ce qui n'est pas la même chose[17].
Jules Ferry a été influencé par le positivisme humanitaire de son temps[23]. Il développe l’enseignement populaire à travers les lois sur l'enseignement primaire du et s’efforce d’exclure l’Église catholique du domaine de l’instruction ;
Marcellin Berthelot (1827-1907) connu comme chimiste, fut aussi un homme politique et un militant du positivisme[24]. Il a introduit l'esprit positiviste dans l'enseignement secondaire lorsqu'il était ministre de l'instruction publique (1886-1887).
Émile Littré, philologue et médecin français, auteur duDictionnaire de la langue française ; , il adhéra à laSociété positiviste de Comte et à sa philosophie, mais n’apprécia pas les tournures religieuses du positivisme comtien et la manière dont Comte les mit sous l’inspiration de son amour pour Clotilde de Vaux[25] ;
Émile Zola expose dansLe Roman expérimental sa volonté d'étendre les idées deClaude Bernard au roman, qui selon lui partage avec la médecine le fait d'être encore considéré comme un art alors qu'il faudrait le pratiquer comme une science[réf. nécessaire] ;
L'économiste anglaisJohn Stuart Mill fut séduit par les idées de Comte, à travers une correspondance entamée avec lui en1841 à la suite de la publication du cinquième volume duCours de philosophie positive[28] mais s'en détourna vers1842.
L'économiste et logicien britanniqueStanley Jevons (1835-1882) fut très influencé par le positivisme de Comte qui affirme la nécessité de construire une analyse scientifique et non philosophique des phénomènes sociaux. Il soutient que les économistes doivent formuler des relations mathématiques entre les grandeurs caractéristiques de l'économie et les vérifier par le calcul statistique[29].
Auguste Comte est souvent considéré en France comme l'un des précurseurs de lasociologie. En fait, le terme de sociologie fut créé parSieyès, et l'étude des phénomènes sociaux était antérieure à Comte (voirsociologie). Il n'en reste pas moins vrai que, dans l'évolution de la pensée occidentale des deux derniers siècles, le positivisme de Comte a influencé des sociologues commeÉmile Durkheim[30], ouHerbert Spencer (utilitarisme anglais). Pour expliquer la psychologie de l'Homme,Auguste Comte crée une Triade basée sur les principes d'action de l'Homme :
Léon Gambetta a publiquement affirmé son adhésion au positivisme en décrétant que Comte était « le plus puissant penseur du siècle » et le fondateur « d’une véritable science positive, cette méthode sévèrement tracée, plus sévèrement pratiquée »[31].
Georges Clemenceau a traduit en français l’ouvrageAuguste Comte et le positivisme de John Stuart Mill qu’il admirait et a rencontré grâce à son père en 1865[31] ;
Charles Maurras et plusieurs personnalités de l'Action française ont été influencés par le positivisme. Charles Maurras a eu une « nuit d'extase » après la lecture de laSynthèse subjective d'Auguste Comte[34].Charles Maurras, théoricien dunationalisme intégral et dirigeant de l'Action française, agnostique et partisan de la restauration d'unereligion d'État en France - le catholicisme -, est influencé par la pensée de Comte comme c'est visible à travers sa méthode d'analyse politique nommée l'« empirisme organisateur ».
L'histoire officielle de l'École polytechnique appartient à la collection « la pensée préservée » de l'éditeur Lavauzelle. Cette histoire n'a pas été mise à jour depuis la Première Guerre mondiale. Un volume complet concerneSaint-Simon etAuguste Comte[36].
En 1998, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance, Bruno Gentil fait paraître un éloge d'Auguste Comte dans la revue des Anciens élèves de l'École polytechnique,La jaune et la rouge[37].
En 2002 a lieu un colloque sur Auguste Comte à Cerisy[38].
Le positivisme eut une influence considérable enRépublique tchèque ou enTurquie, notamment dans le mouvement desJeunes-Turcs, à l'origine de la révolution nationaliste turque.Ahmed Riza, président du parlement turc au début duXXe siècle, fut membre du comité positiviste international[39].
EnAmérique latine,Raquel Capurro note que ce sont des médecins qui ont apporté le positivisme à travers les mouvements révolutionnaires qui se sont produits sur ce continent, dans leRio de la Plata (Argentine etUruguay), auBrésil et auMexique[40]. Le positivisme a pris une forme scientifique ou « religieuse » selon les cas.
La devise « Ordre et progrès » figure sur ledrapeau brésilien (Ordem e progresso), elle atteste la forte influence qu'a eue le positivisme enAmérique latine dès la fin duXIXe siècle[41]. En1903, l'Église positiviste du Brésil achète l'immeuble de larue Payenne à Paris, où se trouve la maison deClotilde de Vaux, et transforme l'appartement de madame de Vaux en « résumé culturel de la religion de l'Humanité ». Au premier étage, on peut visiter une chapelle de l'Humanité, reproduction conforme à échelle réduite du plan de temple de l'Humanité qu'avait conçu Comte. Le chef cuisinier et écrivain positivisteAuguste Colombié qui a travaillé au Brésil aura une positiviste brésilienne, Maria Ezequiala de Santa Maria, comme seconde épouse[42].
Outre le Brésil, le positivisme a aussi exercé une puissante influence dans d'autres pays d'Amérique latine, tels que le Mexique, la Colombie et le Guatemala. Le dictateur mexicainPorfirio Díaz s'entoure deCientíficos,groupe d'hommes d'affaires et d’intellectuels inspirés par le positivisme, dont la figure centrale est le ministre des Finances,José Yves Limantour. Ceux-ci contrôlent la quasi-totalité de l'économie, des finances et de l'enseignement. Plusieurs autrescaudillos de l'époque (Rafael Reyes Prieto enColombie et dans une moindre mesureManuel José Estrada Cabrera auGuatemala) s'inspirent aussi du positivisme[43].
Cette doctrine présente quelquefois des variantes d'un pays à un autre. Au Mexique, elle est nettement antilibérale, en réaction contre laReforma[réf. nécessaire]. En Argentine, elle évolue au contraire vers le libéral-social et va même jusqu'à influencer certains courants socialistes. L'Argentine constitue cependant une exception : le positivisme latino-américain s'est généralement bien peu soucié de l'amélioration des conditions de vie des classes populaires. L'historienLeslie Manigat note que le positivisme a été « l'idéologie de la nouvelle bourgeoisie d'affaires, qui ne veut ni du conservatisme des grands propriétaires terriens, ni du socialisme et de la lutte des classes ». Pour le positiviste mexicain Justo Sierra, ce sont en effet les intérêts de la bourgeoisie que le positivisme entend favoriser[43].
Les deux sens (scientifique et religieux) ont en commun de refuser lathéologie et lamétaphysique dans une explication scientifique. Celle-ci doit reposer uniquement :
sur des faits du monde physique et matériel, complétés d'un processus rationnel d'induction ;
sur des conséquences des mathématiques, et en particulier de la logique.
Latéléologie propre à l'éthique d'Aristote est réfutée.
PourAnatole France, le positivisme scientifique, ne répond pas, entre autres, à la question :Comment sait-on qu'une avancée mathématique d'aujourd'hui n'aura pas dans l'avenir une application pratique ?[44].
Raymond Aron, après une étude approfondie des œuvres complètes d'Auguste Comte, a estimé que cette philosophie était dépassée ; laphilosophie de l'histoire de Raymond Aron s'écarte du positivisme[45].
Christian de Perthuis, dans la conclusion de son livreLa Génération future a-t-elle un avenir ?, montre que les certitudes scientifiques introduites par le positivisme n'ont plus de valeur aujourd'hui.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Henri Gouhier,La Philosophie d’Auguste Comte, esquisses, Vrin, 1987
Henri Gouhier,La Jeunesse d’Auguste Comte et la formation du positivisme, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie », 3 vol.
Raquel Capurro,Le positivisme est un culte des morts : Auguste Comte,1998, traduit en français en2001
Collectif, « Actes de la journée d'étude ‘‘Les positivismes : d'Auguste Comte au Cercle de Vienne’’ tenue à Montpellier en février 2011 »,Revue interdisciplinaire d'études juridiques,vol. 67,no 2,,p. 1-164(lire en ligne)
Annie Petit,Le système d'Auguste Comte. De la science à la religion par la philosophie, Paris, Vrin, 2016
Vincent Bourdeau (dir.), Jean-Luc Chappey (dir.) et Julien Vincent (dir.),Les encyclopédismes en France à l'ère des révolutions (1789-1850), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté,, 358 p.(ISBN978-2-84867-839-9,DOI10.4000/books.pufc.18609,lire en ligne)
↑Raquel Capurro,Le positivisme est un culte des morts, Epel, 2001.
↑Élisabeth de Fontenay,Diderot ou le matérialisme enchanté, Paris, Grasset, 1981 — rééd. Grasset, 2001 : lire l'introduction.
↑a etbFrançois Rothen,Aléa : les métamorphoses du hasard : quand l'imprévisible imprègne les lois de l'atome, du monde vivant et du cosmos, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 294 p.(ISBN978-2-88915-288-9 et288915288X,OCLC1091633959)
Andrée Lajoie écrit à la p. 168 : « La part créatrice - créatrice de sens - que le juge prend à la production du droit n’est plus aujourd’hui discutée, malgré les invocations encore fréquentes des praticiens à l’« intention du législateur », longtemps tenu pour le Dieu tout-puissant, qu’il remplaçait d’ailleurs, et dont il avait hérité le contrôle présumé infaillible sur sa création législative. La théorie contemporaine voit plutôt l’interprétation comme une production de sens, que l’herméneutique inscrit d’abord dans une première saisie du texte, suivie d'aller et retour de contrôle où se construit la signification finalement choisie par le juge au terme du processus, jamais définitive, mais appropriée au contexte où elle se déploie »., et Mauro CAPPELLETTI, Le pouvoir des juges, Paris, Économies, 1990, p. 36, où l’auteur précise : « L’œuvre d’interprétation du droit par le juge a toujours comporté, et ceci de façon inévitable, un certain degré de création du droit, mais c’est un fait que ce degré s’est accru de nos jours : il y a là un phénomène typique de notre siècle ».
↑KarimBenyekhlef, Antonia Pereira deSousa, MathieuAmouroux et KarimSeffar,Une possible histoire de la norme: les normativités émergentes de la mondialisation, Les Éditions Thémis,(ISBN978-2-89400-346-6)
↑« Dans le cadre de la recherche scientifique, on en est venu à imposer une mentalité positiviste qui s'est non seulement éloignée de toute référence à la vision chrétienne du monde, mais qui a aussi et surtout laissé de côté toute référence à une conception métaphysique et morale. En conséquence, certains hommes de science, privés de tout repère éthique, risquent de ne plus avoir comme centres d'intérêt la personne et l'ensemble de sa vie. De plus, certains d'entre eux, conscients des potentialités intérieures au progrès technologique, semblent céder, plus qu'à la logique du marché, à la tentation d'un pouvoir démiurgique sur la nature et sur l'être humain lui-même »« EncycliqueFides et ratio, § 46 ».
↑« Un grand défi qui se présente à nous au terme de ce millénaire est celui de savoir accomplir le passage, aussi nécessaire qu'urgent, du phénomène au fondement. Il n'est pas possible de s'arrêter à la seule expérience ; même quand celle-ci exprime et rend manifeste l'intériorité de l'homme et sa spiritualité, il faut que laréflexion spéculative atteigne la substance spirituelle et le fondement sur lesquels elle repose. Une pensée philosophique qui refuserait toute ouverture métaphysique serait donc radicalement inadéquate pour remplir une fonction de médiation dans l'intelligence de la Révélation »« EncycliqueFides et ratio, § 83 ».
↑« Dans cette perspective, les valeurs sont réduites à de simples produits de l'affectivité et la notion d'être est écartée pour faire place à la pure et simple factualité. La science s'apprête donc à dominer tous les aspects de l'existence humaine au moyen du progrès technologique »« EncycliqueFides et ratio, § 88 »
↑Bruno Delmas et Diane Dosso,La France savante, « Positivistes et sociétés positivistes : réseaux et divisions (1830-1944) », Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques,p. 190-203
↑Annie Petit, « Comte revu et corrigé : le cas Littré »,Revue européenne des sciences sociales, 2016,lire en ligne
↑Michel Bourdeau, Jean-François Braunstein et Annie Petit (s./dir.),Auguste Comte aujourd'hui précédé deMichel Houellebecq : préliminaires au positivisme, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle en 2001, Paris, Éditions Kimé, 2003,(ISBN978-2841743155).
↑Discours de A France sur Auguste Comte et Pierre Laffitte au Brésil en 1909
↑Introduction à la philosophie de l’histoire. Essai sur les limites de l’objectivité historique, Gallimard 1938. Nouvelle édition revue et annotée par Sylvie Mesure, Gallimard, Poche, 1991