Durant ladictature de 1926 à 1974, près d'un million et demi dePortugais sont partis travailler en dehors du pays pour fuir la pauvreté de la campagne et les guerres coloniales. Les fortes zones d'émigration portugaise sont leBrésil, lesÉtats-Unis, laFrance[23], leLuxembourg (14,5 % de la population totale du pays)[24], laSuisse[25], l'Argentine, leVenezuela, leCanada[26], ainsi que la principauté d'Andorre (16 % de la population totale du pays)[27]. Avec plus de30 millions de luso-descendants (descendants portugais) dans le monde, ladiaspora portugaise est à l'heure actuelle l'une des principales diasporas européennes et mondiales.
Le tourisme, principalement balnéaire, est une ressource très importante, notamment enAlgarve et dans la région deLisbonne. Le climat subtropical deMadère et ses paysages singuliers en font une destination touristique appréciée. Le Portugal est l'un des pays les plus visités d'Europe avec12,7 millions de touristes en 2019[28]. Il est également un grand pays viticole, réputé notamment pour leporto. Le Portugal est par ailleurs le premier producteur mondial deliège.
Les plus anciennes traces de présence humaine au Portugal datent duPaléolithique, et remontent à plus de 400 000 ans avant notre ère[40]. Elles témoignent de l'existence de populations de chasseurs cueilleurs vivant principalement de cueillette[41]. Entre 200 000 et 28 000 ans, le pays est habité par l'homme de Néandertal, nomade, qui perfectionne l'art de la chasse, et circule dans toute la péninsule. Les sites liés à sa présence au Portugal se concentrent entre l'Estrémadure et l'Alentejo, et au nord duDouro[41]. Néandertal trouve l'un de ses ultimes refuges dans le territoire de l'actuel Portugal[n 4] avant de s'amalgamer àhomo sapiens, qui le supplante vers 40 000 ans avant notre ère[41]. Durant ledernier maximum glaciaire (24 000 à 18 000 av. J.-C.), cette partie de la péninsule Ibérique joue un rôle déterminant de refuge pour les populations humaines[42],[43],[44],[45]. Le développement des premières civilisation retrouvées au Portugal date duPaléolithique supérieur : peintures et gravures rupestres des grottes d'Escoural (Alentejo), de Mazouco[n 5] (Tras-os-Montes) et surtout deVale de Côa, datées entre22 000 et10 000 av. J.-C. La majorité de ces traces se trouvent au nord duTage, et sont le fait de groupes de chasseurs-cueilleurs. Vers10 000 av. J.-C., lesIbères peuplent l'intérieur des terres de la péninsule, qui prend dès lors le nom de « péninsule Ibérique »[46]. L'Asturien (7500-4000 av. J.-C.), cultureépipaléolithique oumésolithique caractérisée par la consommation demollusques, la richesse de son industrie lithique, et l'utilisation d'un pic spécifique, lepico arredondado[47], s'étend depuis laCantabrie jusqu'à l'actuelle province duMinho, au nord du Portugal[48],[49],[50].
Les premiers agriculteurs arrivent dans le sud du Portugal auVIe millénaire av. J.-C.. Des économies agricoles, cohabitant avec des chasseurs-cueilleurs, sont établies le long des zones côtières de l'Estrémadure et de l'ouest de l'Algarve vers 5 500 av. J.-C. De là, l'agriculture s'étend à l'intérieur et au nord, où sa présence est attestée vers 5 100 av. J.-C.[51]. Entre4 000 et 2 000 av. J.-C., le Portugal et laGalice voient se développer uneculture mégalithique originale par rapport au reste de la péninsule, caractérisée par son architecture funéraire et rituelle particulière, ses pierres gravées de symboles, et par la pratique de l'inhumation collective[52]. On trouve dans tout le paysdes milliers de traces et sites monumentaux de cette culture propre à l'ouest péninsulaire, avec une concentration particulière dans l'Alentejo[53]. Parmi les sites les plus connus, on peut citer lecromlech desAlmendres près d'Évora, plus important complexe mégalithique de toute lapéninsule Ibérique, et parmi les plus importants d'Europe, non seulement en raison de sa taille, mais aussi pour son état de conservation. On peut aussi citer les cromlech de Vale Maria do Meio ou de Portela de Mogos, ainsi que ledolmen deZambujeiro. De nombreux éléments et sites de cette culture mégalithique ont continué à être utilisés dans les siècles suivants, servant auxrituels de fertilité ou intégrés auxlieux de cultes des religions postérieures, jusqu'à l'ère chrétienne, par exemple avec lesantas capelas, les « chapellesdolmens »[54],[55].
Carte de l'Eurasie montrant les gisements majeurs et mineurs d'étain en Europe à l'âge du bronze, avec les gisements dans le Nord-ouest de lapéninsule Ibérique[56].
LaCitânia de Briteiros, dans la province duMinho, est le site de l'âge du fer le mieux conservé du Portugal.
Dès l'âge du bronze, puis tout au long de l'âge du fer, des groupesindo-européens s'établissent dans la région, et se mêlent aux populations locales. Cette période, qui s'achève avec l'arrivée deCeltes entre lesVIIIe et Ve siècles[65], aboutit à la formation d'une multitude de peuples. Occupant le centre et l'ouest de la péninsule, et regroupés en petits noyaux de population isolés, ces peuples développent à partir de l'âge du bronze final (IXe siècle av. J.-C.) une civilisation castrale originale, articulée autour d'agglomérations fortifiées, lescastros[66]. Ces agglomérations, édifiées en hauteur, sont composés d'habitations circulaires, et assises sur l'agriculture et l'élevage[66]. Dans ces localités, composées en moyenne de 150 habitations, chaque maison est défendue par une enceinte, comme on peut en voir dans laCitânia de Briteiros[67]. On trouve aussi dans ces regroupements un édifice funéraire. Comme ils maîtrisent le fer, le travail de la terre devient plus efficace, les cueillettes augmentent, améliorant par la même les conditions de vie et la démographie. Cette civilisation des castros est commune à la quasi totalité peuples présents à l'époque dans l'ouest péninsulaire, avec la présence desites archéologiques danstout le Portugal[68].
Après plusieurs siècles de gestation, on voit s'affirmer dans le pays trois grands ensembles ethnoculturels, qui nous sont connus par les sources grecques, romaines, et l'archéologie[69]. LesLusitaniens, autochtones pré-celtiques[70], occupent le centre du territoire actuel du Portugal et les provinces espagnoles duLeón et l'Estrémadure espagnole. Organisés en tribus, fondées sur des sociétés guerrières aristocratiques[71], ils parlent leur propre langue, et s'étendent peu à peu vers lecentre-est de la péninsule[72]. Leurs tactiques de combats, leur équipement et leurs qualités de soldats leur valent d'être considérés par les auteurs grecs tels queStrabon comme des combattants hors-normes, et leur réputation vaut à leur pays de devenir à partir duIVe siècle av. J.-C. un des grands foyers de recrutement dumercenariat en Méditerranée[73]. Considérés comme le principal substrat de peuplement antique du Portugal, ce sont eux qui donnent leur nom à laLusitanie, encore étroitement associé au Portugal, à l'identité et à lalangue portugaises. Au Nord du pays, au-dessus duDouro, commence laGallaecia, le pays desGallaïques, peuple dumassif galicien aux influencesceltiques plus marquées. Enfin, au sud du pays, dans l'Estrémadure portugaise, l'Alentejo et l'Algarve actuels, se déploient lesTurduli, lesCeltici, lesTurdéans et lesConii, peuplesceltibères de l'aire duTartessos, civilisation commerciale brillante tournée vers laMéditerranée, qui développe un alphabet propre, l'écriture du Sud-Ouest[74], et qui se maintient de façon résiduelle jusqu'auIer siècle av. J.-C.[75]
Migrations des tribus pré-romaines dans le territoire de l'actuel Portugal. En rose les Turduli, en marron les Celtici et en bleu les Lusitaniens.
Quoi qu'ils constituent trois ensembles distincts, nous savons par les sources écrites et archéologiques antiques que ces trois grands groupes sont inextricablement liés, avec des échanges commerciaux et socio-culturels constants[76]. N'étant séparées par aucunefrontière naturelle infranchissable, leurs trois aires de répartition sont mouvantes et poreuses. En fonction de la conjoncture, les peuples qui les constituent n'hésitent pas à migrer, établir descolonies, passer des alliances, se placer sous la protection les uns des autres et constituer desconfédérations[76]. Vers leVe siècle par exemple, une branche du peuple Turduli, lesTurduli Oppidani, voyage vers le nord en collaboration avec les Celtici, et finit par coloniser toute la côte de l'actuelle province portugaise de l'Estrémadure, depuis l'estuaire du Tage jusqu'au territoire desBracari[77]. Avant le milieu duIIIe siècle, ces Turduli Oppidani semblent devenir clients des Lusitaniens voisins, et membres de leur confédération, puis conjointement de Carthage à la fin du siècle, avant de repasser sous la suzeraineté des seulsLusitaniens[77]. C'est au titre de ces liens qu'ils subiront le plus gros des premières attaques romaines auIIe siècle av. J.-C.[76]. Outre l'influence que ces trois grands groupes exercent les uns sur les autres, nous savons que leurs cultures sont largement mâtinées d'influencesphéniciennes,grecques etpuniques, liées au échanges commerciaux et au mercenariat dans la Méditerranée[78].
José de Madrazo,La mort de Viriate, chef militaire lusitanien, meneur de la résistance à l'invasion romaine, trahi et assassiné par ses émissaires soudoyés par les Romains.
L'influence deRome, d'abord circonscrite au nord-est de la péninsule, au nord de l'Èbre, est ancienne, mais longtemps ténue dans la région. Ce sont les relations avec lesBarcides puniques, établis ausud-est de l'Espagne, qui priment jusqu'auIIIe siècle av. J.-C.[78]. Ces derniers se sont installés dans la péninsule après la défaite deCarthage lors de lapremière guerre punique pour s'emparer des mines d'or et d'argent du territoire[79]. Très vite, les Puniques ont recours massivement aux mercenaires lusitaniens, qui constituent l'essentiel de leurscaetratii, leurs troupes d'infanterie légère, au sein desauxiliaires hispaniques carthaginois[80]. Présents en grand nombre dans les armées d'Hannibal, ils contribuent activement auxvictoires puniques auIIIe siècle av. J.-C.[69] Le début de la conquête romaine, dans le prolongement de ladeuxième guerre punique, constitue un bouleversement pour les populations de l'ouest péninsulaire. Ces dernières opposent une longue résistance militaire à l'envahisseur, qui ne vient à bout des Lusitaniens en 139 av. J.-C. que par une politique de soudoiement et trahisons[78], permettant l'assassinat du chef lusitanienViriate[80]. Même après leur soumission àRome, les Lusitaniens affirmeront sans cesse leur particularisme et leur esprit de résistance, par exemple de 80 à 72av. J.-C.. lors de l'épisode de larévolte de Sertorius, un magistrat romain qui parvient à soulever le pays et tenir tête à Rome pendant plusieurs années dans le cadre desguerres civiles romaines[81]. Comme les Puniques avant eux, les Romains recrutent de nombreux mercenaires lusitaniens commeauxiliaires hispaniques d'infanterie légère, en complément de leur infanterie lourde[82],[71].
Principales voies de communication terrestres reliant la Lusitanie au reste de l'Ibérie romanisée vers 125.
L'intégration de la Lusitanie à l'Empire romain est déterminante dans la constitution de la culture portugaise ; les usages et la langue lusitaniens sont fortement latinisés. Le peuplement romain proprement dit commence auIer siècle av. J.-C. après la conclusion de la paix entre les Lusitaniens etJules César, en 48av. J.-C., et après la constitution de laprovince romaine de Lusitanie parAuguste en 27av. J.-C.[83] La création de la province deLusitanie donne pour la première fois au pays une unité administrative, politique et juridique, qui sera reprise systématiquement au fil des siècles suivants par les différents maîtres du pays, avec des variations territoriales, et sous-tendra l'émergence de l’État portugais moderne auXIIe siècle[84]. Sous la domination romaine, de nombreusescolonies romaines sont fondées, tandis que de nombreuxcastros sont refondés sur le modèle urbain romain et élevés au rang de cités[78]. L'exploitation minière du pays est renforcée, avec la mise en place d'une véritable industrie minière romaine exportantor,argent,cuivre,plomb,étain,cinabre etcalamine[85]. Pour permettre le mouvement des troupes et faciliter le commerce, les Romains créent un réseau de transport maritime et terrestre dense, associant ports et grandesvoies pavées, souvent calqués sur des ports et des chemins préexistants, qui structure le pays jusqu'à nos jours[78]. Il est spécialement destiné à l'exportation maritime vers la Méditerranée des principales productions du pays : métaux, huile d'olive, vin, conserves de poisson[86].
Dynamisées par ces activités, les villes du pays se développent et s'enrichissent. Située à l'est de laLusitanie, la capitale de la province,Augustas Emerida, constitue un centre administratif et militaire majeur de la péninsule, et un nœud routier terrestre important reliant laLusitanie aux autres provinces de l'Empire. À l'ouest, les cités deBraccara Augusta etConimbriga sont insérées dans un réseau d'échanges nord-sud actif débouchant sur la cité portuaire deFelicitas Julia, correspondant à l'actuelleLisbonne, qui constitue un carrefour commercial majeur entre l'océan Atlantique, laMéditerranée et l'arrière-pays. De l'autre côté duTage, sur les grandes plaines agricoles méridionales, la domination romaine est centrée sur les importantes cités deLiberalitas Iulia etPax Augusta. Enfin, dans le sud du pays, sur laRia formosa, la cité d'Ossónoba, correspondant à l'actuelleFaro, est l'un des ports les plus importants de la province, et fait office commeFelicitas Julia au nord, de grand carrefour entre l'Atlantique, laMéditerranée et l'arrière-pays[86]. Sous le règne deVespasien (69-79), la province acquiert un équilibre qui se traduit par la création demunicipes flaviens dedroit romain (ius Latii)[71]. Cette évolution marque la volonté deRome de rendre hommage à l'attitude de loyauté exemplaire de laLusitanie pendant les luttes de pouvoir de l'année des quatre empereurs qui ont déchiré l'Empire[71]. L'octroi duius Latii constitue surtout une mutation politique de la province au bénéfice des communautés locales autonomes, qui pose les bases de la culture communale qui restera au centre de la vie du pays tout au long de son histoire[71],[78]. Cette autonomie politique et juridique est soutenue par des échanges intérieurs et extérieurs actifs, qui assurent la prospérité des cités deLusitanie dont témoignent encore aujourd'hui d'importants et riches vestiges, par exemple avec leTemple de Diane à Évora, lesruines de Conimbriga ou lesruines de Pisôes, avec un lien commercial fort à laMéditerranée[71].
Ce lien commercial à laMéditerranée favorise une arrivée précoce duchristianisme dans la péninsule. Les premières communautés chrétiennes apparaissent dès leIer siècle. Leur origine remonterait, selon la tradition, auxApôtres eux-mêmes dont un groupe aurait abordé la province romaine d’Hispania dès l’an 40, soutenu par la présence de Marie[87] : la Vierge leur serait apparue sur unpilier de jaspe vert àSaragosse[n 7]. Les premières communautés chrétiennes se sont vraisemblablement organisées dans les villes du sud[88]. Malgré cette évangélisation précoce, et malgré les progrès du christianisme, la religion païenne romaine et le culte impérial restent longtemps dominants[89]. Par l'édit de Caracalla de 212, l'ensemble des habitants de laLusitanie accède à la citoyenneté romaine[90]. La province est réorganisée comme le reste de l'Empire dans le cadre des réformes deDioclétien (284-305). Le découpage administratif et territorial de la Lusitanie est rationalisé, la fiscalité normalisée, la bureaucratie romaine renforcée, les pouvoirs civil et militaires séparés[91]. Les villes sont cerclées de solides murailles, et dotées de garnisons locales pus puissantes[92]. En parallèle, dans la seconde moitié duIIIe siècle, le christianisme acquiert une diffusion véritablement plus large dans le pays[87]. Son institutionnalisation comme religion officielle de l'Empire entre l'édit de Milan de 313 et la fin duIVe siècle l'impose définitivement à l'ensemble de la population[93]. Mais sa pratique est très vite caractérisée en Lusitanie par des particularismes qui amènent une partie des fidèles à adopter auIVe siècle lepriscillianisme, unehérésie d'inspiration gnostique, entremêlant certains aspects du polythéisme païen au christianisme, condamnée par Rome. Le mouvement, bien ancré dans le Nord du pays, est réprimé par le pouvoir impérial et combattu vigoureusement par le clergécatholique nicéen local jusqu'auVIe siècle[89]. La position géographique de laLusitanie, en périphérie occidentale de l'Empire, lui permet d'être longtemps épargnée par les guerres, les raids de pillage et les invasions par lespeuples barbares qui désorganisent les autres provinces de l'Empire, notamment au niveau duDanube, enOrient et sur leRhin[78].
Conquête germanique : les royaumes suève et wisigoth
Le Royaume suève tel qu'établi par le partage de la péninsule en 411 et par lefoedus de 418, au début du règne d'Herméric. Cette zone de domination suève originelle, centrée autour de Porto et Braga, correspond au berceau historique du futur comté de Portugal.
La situation de la Lusitanie romaine est bouleversée au début duVe siècle par la rupture dulimes romain duRhin, en 406, qui entraîne le début desinvasions barbares[78]. En 409, plusieurs peuples germaniques, lesSuèves, lesVandales (Silinges et Hasdingi) et leurs alliés, lesSarmates et lesAlains envahissent lapéninsule Ibérique[94]. Après avoir mis à sac l'Hispanie pendant deux ans, ces peuples décident en 411 de se partager la péninsule[95]. Menés par leur roiHerméric (411-438), les Suèves s'installent au nord-ouest de la péninsule, autour de la cité deBracara Augusta, l'actuelleBraga, dans une région à cheval entre deux provinces romaines, qui embrasse le sud de laGallaecia et le nord de laLusitanie, considérée comme le berceau historique du Portugal[96]. La politique pragmatique d'Herméric, qui bénéficie d'une grande longévité, permet aux Suèves de prendre l'ascendant sur leurs voisins germaniques, et de s'enraciner durablement[78].
Figure en bronze romaine représentant un Suève, reconnaissable à sa tenue et à sa coiffure caractéristiques. Bibliothèque Nationale, Cabinet des Médailles Paris.
En 418, les Suèves parviennent à régulariser leur situation vis-à-vis de Rome en obtenant unfœdus, qui leur donne le statut depeuple fédéré de l'Empire, et légitime leur installation[95]. En échange du droit de s'installer, avec des privilèges religieux, juridiques et des donations de terres, les Suèves doivent assurer la défense de la province au nom deRome, le maintien de l'ordre, et assister l'administration romaine[94]. De 418 à 430, les Suèves étendent leur domination à l'ensemble de laGallaecia, d'où ils chassent lesVandales avec l'aide de l'armée romaine[95]. En parallèle, par la médiation duclergé, ils parviennent à établir des accords avec les populations galaïco-romaines et luso-romaines locales, qui acceptent de se placer sous leur domination[97]. Au fur et à mesure que l’État romain s'affaiblit, la royauté suève gagne en autonomie et s'affirme comme un véritable Royaume indépendant[98]. Le Royaume suève est par exemple le premier royaume duhaut Moyen Âge qui frappe monnaie pour signifier son existence[94]. Pour renforcer leur puissance, ses rois s'allient avec lesBagaudes, des bandes armées de paysans sans terre, d'esclaves, de soldats déserteurs ou de brigands, actives dans l'Empire romain tardif[96]. Pour affirmer leur spécificité par rapport à Rome et accentuer le décrochage de leur Royaume de l'autorité romaine, ils favorisent le clergépriscillianiste contre les évêques nicéens locaux[99].
L'expansion du Royaume suève sous le règne de Rechila (441-448), qui annexe la Lusitanie, et lance des raids sur la Bétique et la Carthaginoise.
Pendant vingt ans, les Suèves dominent la péninsule, lancent des raids sur les provinces romaines voisines, et étendent leur domination à toute laLusitanie[100]. En 448, lorsque le roiRechila (441-448) meurt, il laisse le soin à son filsRéchiaireIer (448-456) de poursuivre le renforcement et l'expansion du royaume[94]. La conversion de ce dernier aucatholicisme nicéen permet à la monarchie suève de se concilier momentanément les populations et le haut clergé local[101]. Tout en renforçant ses assises, le roi reprend à son compte la politique de raids de ses prédécesseurs sur les provinces romaines voisines deVasconie,Taraconaise etBétique[102], pillant les grandes villes, et mettant des milliers de romains en esclavage. Mais après avoir défié l'Empire pendant huit ans, Réchiaire est battu et tué en 456 par lesWisigoths deToulouse, établis dans le sud de laGaule, qui interviennent pour rétablir l'ordre dans la péninsule au nom de Rome[103]. S'ensuit une guerre civile d'une dizaine d'années, qui entraîne une partition en deux du royaume, et une progression de l'arianisme sous l'influence de missionnaires envoyés par les Wisigoths[94]. LeRoyaume suève se réunifie en 464 et se referme sur lui-même pendant plusieurs décennies, connues sous le nom de « période obscure »[104].
Sceau du prince royal Suève Ricimer, patrice des Romains etmagister militum de Rome, qui exerce la réalité du pouvoir dans l'Empire de 456 à 472.
Pendant cette période, l'influence des Suèves continue à s'exercer hors de leur royaume par l'intermédiaire de soldats, de princes et de généraux suèves entrés au service de Rome, qui conquièrent l'État romain de l'intérieur, jusqu'à jouer un rôle historique déterminant[105]. En s'appuyant sur son armée de mercenaires germaniques et sur ses relations politiques, le prince royal suèveRicimer (456-472) parvient à s'élèver aux postes depatrice des Romains et demagister militum, qui lui donnent les plus hautes responsabilités dans l'Empire. Solidement installé dans ses fonctions, Ricimer fait et défait les empereurs au gré des luttes de pouvoir déchirant l'Empire d'Occident en crise, exerçant pendant seize ans la réalité du pouvoir[106],[107]. À sa mort, son neveuGondebaud (472-474) lui succède en reprenant le titre de patrice et la fonction de commandant en chef des armées, mais ce dernier ne parvient pas à maintenir l'empereurGlycérius face àJulius Népos, imposé par l'empereur d'OrientLéon Ier[106]. Son retrait des affaires entraîne une rapide succession de coups d'État et d’empereurs, qui échouent tous à consolider leur pouvoir. La déposition en 476 de l'empereurRomulus Augustule, qui entraîne la fin de l'Empire romain d'Occident, fait des royaumes barbares les seuls dépositaires en Europe occidentale du pouvoir officiel et de la romanité[108].
La péninsule Ibérique en 550, avec le Royaume suève en vert et le Royaume wisigoth en orange.
Le Royaume suève se rouvre au milieu duVIe siècle, pour entrer dans une phase de grand rayonnement culturel, économique et religieux[94]. Ses deux villes principales sont alors sa capitaleBraga, grand centre religieux, etPorto, son port de commerce fortifié[78]. La conversion au catholicisme des roisCararic (550-559,Théodemir (559-570) et de la noblesse suève leur permet de fusionner totalement avec les élites et populations catholiques locales[97]. Mais à ce moment les Suèves ne sont plus seuls dans la péninsule[109]. Après sa défaite contre les Francs à labataille de Vouillé en 507 et la chute de sa première capitaleToulouse en 508, leRoyaume wisigoth s'est rabattu en Hispanie, avecTolède pour capitale[103]. En 585, après plusieurs décennies de tensions et d'affrontements, lesWisigoths parviennent à annexer le Royaume suève[94]. Devenant la sixième province duRoyaume wisigoth, l'ancien Royaume suève prend le statut deDuché, et est confié à une grande famille noble wisigothe[98]. Pour s'assurer qu'elle accepte leur domination, lesWisigoths concèdent une grande indépendance à la noblesse locale[94].
À la chute du Califat en 1031, l'Hispanie musulmane, qui se fragmente, est partagée entre 23 roitelets indépendants : c'est la période desReyes de taïfas —muluk at tawaif en arabe. La plus grande partie de la Lusitanie relève alors de laTaïfa de Badajoz desAftasides, et dans une moindre mesure, au sud, de laTaïfa de Séville desAbbadides, et des première et secondeTaïfas de Silves[118]. Pris dans des jeux d'alliances et des guerres intestines, les gouverneurs de ces taïfas se proclament émirs et lient des relations diplomatiques avec les royaumes chrétiens. D'un point de vie socio-économique et culturel, cette période correspond à un âge d'or musulman en Lusitanie. L'émulation qui se crée entre les différentes taïfas entraîne une mise en valeur soignée du territoire : développement des villes, du commerce, de la navigation, des sciences, de la littérature, et particulièrement de la poésie de courmozarabe[119]. En revanche politiquement et militairement, les musulmans désunis et parfois en rivalité ont plus de difficultés à contenir l'avancée des chrétiens, qui jouent habilement de leurs dissensions. Cette période de fragmentation prend un terme avec l'invasion desAlmoravides, venus duMaghreb al-Aqsa, à partir de1086 à la suite de labataille de Sagrajas, puis celle de leurs rivauxAlmohades à partir de1147 après laDeuxième période de taïfas[120]. DuXIe au XIIIe siècle, les dynasties berbères almoravides et almohades dominent le sud de l'ancienneLusitanie romaine.
D'un point de vue administratif, la Lusitanie musulmane est partagée en deux régions :Al-Tagr Al-Adna, ou la « Marche Inférieure », qui correspond approximativement aux actuelles régionsCentre, deLisbonne et duRibatejo, et leGharb Al-Andalus, qui correspond aux actuelles régions de l'Alentejo et de l'Algarve. Ces deux grandes régions sont elles-mêmes divisées en différents districts nommésKura. À son apogée, leGharb Al-Andalus est constitué de dix kuras[121], dont chacune possède une capitale. Les principales villes de l'époque sontBaja (Beja),al-Shilb (Silves),Al-Kassr (Alcácer do Sal),Shantarîn (Santarém),al-Ushbuna (Lisbonne) etKulūmriyya (Coimbra). L'occupation musulmane se révèle particulièrement structurante au sud du Mondego, et surtout du Tage, dans les territoires directement sous influence andalouse et rechristianisés tardivement (vers 1249).Silves connaît un rayonnement culturel jusqu'auXIIIe siècle etMertola joue un rôle économique majeur par les échanges maritimes fluviaux.
La population musulmane de la province est constituée d'Arabes, deBerbères et d'Ibères convertis de force ou non à l'islam. Issus de prestigieuses familles, les Arabes sont essentiellement originaires duYémen. Bien que minoritaires, ils constituent l'élite des armées et de l'administration musulmane. On les retrouve notamment dans les villes deSéville,Beja,Huelva jusqu'aux côtes d'Alentejo. Peu nombreux, et regroupés en fonction de leur tribu d'origine, ils forment un groupe solidaire jusqu'auIXe siècle[122]. LesBerbères originaires des montagnes d'Afrique du Nord sont, quant à eux, essentiellement des nomades. Ils constituent la majorité des occupants venus de l'extérieur. D'abord installés dans le nord, ils sont chassés par le roi des AsturiesAlphonseIer et viennent s'installer dans le sud duGharb, où ils surpassent rapidement en nombre les Arabes[123]. Enfin, les Ibériques convertis à l'islam et nommésmuwallads forment le groupe musulman majoritaire.
Localisation des œuvresmozarabes à travers la péninsule.
Au départ, la situation deschrétiens dépend de la manière dont leur ville s'est rendue aux conquérants arabo-berbères. Lorsqu'elle a capitulé pacifiquement comme àMérida,Beja ou encoreÉvora, les nobleswisigoths sont autorisés à conserver leurs terres, si bien que certains documents attestent la présence de très riches propriétaires terriens wisigoths jusqu'auXIIe siècle et l'Église, elle aussi, peut conserver ses terres[123]. En revanche si, comme àSéville, la ville s'est révoltée face à l'arrivée musulmane, lesArabes divisent les terrains desnobles et les réattribuent à un grand nombre de personnes comme auxserfs, favorisant ainsi les petites propriétés qui caractérisent par la suite certaines régions du Portugal. Ces derniers, opprimés durant le règne des rois wisigoths, jouissent d'une certaine indépendance dans l'exploitation de ces terres dans la mesure où leurs nouveaux maîtres ne souhaitent pas pratiquer eux-mêmes l'agriculture et donc laissent leurs subordonnés cultiver comme ils le souhaitent. La particularité duGharb est le fait que la noblesse y a toujours été très indépendante, et cela bien avant l'arrivée arabe[120].
Les nouveaux conquérants, qui comptent plusieurs milliers de personnes (environ 16 000)[124], s'installent d'une façon générale au sud duMondego, et surtout duTage, en particulier dans la région de l'Algarve[124]. La période d'Al-Andalus laisse un héritage décisif dans lalangue portugaise[125], mais aussi dans latopographie du Portugal et dans les domaines des arts, de l'urbanisme[126], de la propriété foncière, des sciences[n 8], des techniques[n 9] et de l'agriculture[n 10],[n 11],[126]. Dans ce dernier domaine, les apports essentiels touchent à l'irrigation, notamment dans la connaissance des calculs de pente et de débit d'eau, et à la culture d'espèces nouvelles, et plus spécifiquement, dans le cas portugais : les fruits (notamment les pommes, les poires et les figues enAlgarve), la vigne car la consommation du vin s'est perpétuée chez lesAndalous, les céréales dont le riz dans la vallée duTage et enAlentejo, les légumes comme l'artichaut[78].
Historiquement, laReconquista commence avec labataille de Covadonga, livrée en 718 ou 722, pendant laquelle l'élite wisigothe, réunie autour du roiPélage (718-737), vainc une armée islamique et établit son autorité sur un réduit montagneux dans le nord de la péninsule, appeléroyaume des Asturies. Pendant un siècle et demi, les rois des Asturies renforcent leurs positions et étendent doucement leur territoire. Sous le règne d'Alphonse III le Grand (866-910), profitant des désordres dans l'émirat de Cordoue, les croisés chrétiens des Asturies opèrent une percée rapide vers le sud-ouest. En868,Porto ainsi queBraga sont conquises par le seigneur de guerreVímara Peres (868-873). En récompense, ce dernier est placé à la tête de la région avec le titre decomte de Portugal. Son fief, qui constitue une marche du sud de laGalice, s'affirme rapidement comme un État féodal autonome et dynamique, organisé autour de sa métropole religieuseBraga, et de son portPorto[78]. Son nom, « Portucale », ou « Terra portucalensis » (pays dePortucale), vient du nom latin d'un bourg voisin de Porto, Gale (devenueVila Nova de Gaia), « Portucale ».
Alors que le roi Alphonse III semble au sommet de sa gloire, des luttes de pouvoir avec ses fils amènent à la fragmentation duroyaume des Asturies en trois entités indépendantes, leroyaume de León et sa « marche de Castille » dominés parGarcíaIer (875-914), le royaume de Galice et sa « marche portugaise » contrôlés parOrdoño II (876-924), et le royaume desAsturies, centré surOviedo, aux mains deFruela (c. 877-925). Après deux décennies de luttes fratricides entre ces différents rois et leurs successeurs, le roiRamireII de León (931-951) parvient en 931 à réunifier l'ensemble de ces territoires au sein duroyaume de León, qui prend la suite duroyaume des Asturies dans le mouvement de laReconquista. Chacune des provinces du royaume, lesAsturies, laGalice, le Portugal et laCastille, est dirigée par un comte. Au fil des conquêtes, ces différentes entités, qui s'agrandissent, essayent parfois de s'ériger elles-mêmes en royaumes, qui sont subdivisés à leur tour encomtés ou enduchés, pour refusionner à la faveur d'unions dynastiques ou de crises de succession au sein d'ensembles plus vastes.
Le Portugal participe pleinement de ce mouvement de décomposition et de recomposition[78]. En 878, dix ans après la prise deBraga etPorto, les croisés asturiens menés par Hermenegildo Guterres font la conquête deCoimbra, une des cités les plus riches deLusitanie[127]. Uncomté de Coimbra est institué en tant qu'unité militaire pour défendre les frontières des Asturies, au sud du Portugal[128]. Cette marche militaire retombe momentanément mains des maures d'Almanzor en 987. Après sa reprise en 1064 parFerdinandIer de León, Galice et Castille (1035-1065), sa défense passe à la charge du comté de Portucale[128]. À ce moment, le comté de Coimbra s'étend sur un vaste territoire, qui regroupe également les villes deViseu,Lamego etSanta Maria da Feira. Pour s'assurer d'avoir la main sur la région et unir définitivement lecomté de Coimbra à ses possessions, le comte de PortucaleNuno II Mendes (1050-1071) marie sa fille Loba au comte de Coimbra Sesnando Davides (1064-1071)[128]. Tout en agrandissant son territoire, Nuno II essaye d'acquérir une plus grande autonomie vis-à-vis de la Galice, avec le soutien des élites locales[129]. Ce désir d'émancipation l'amène à affronter le roiGarcia II de Galice (1065-1090)[130]. Le 18 février 1071, lors de labataille de Pedroso[130],[131] près du monastère de São Martinho de Tibães, il est vaincu et tué. C'est la fin de la première dynastie comtale portugaise[78]. La crainte de voir le Portugal prendre son envol conduit le victorieux Garcia II à se faire proclamer roi de Galice et de Portugal[129]. Pour briser tout désir d'émancipation, lecomté de Portugal est ensuite intégré auxcouronnes de Galice et de León jusqu'à ce qu'il soit recréé par le roiAlphonse VI (1065-1109) un quart de siècle plus tard[78].
Ce sont les besoins de laReconquista qui amènent à la recréation ducomté de Portugal. En 1086, lesAlmoravides débarquent dans la péninsule Ibérique à l'appel des royaumes detaïfa en guerre contre le roiAlphonse VI de León et Castille. Leur progression fulgurante leur permet d'ébranler les royaumes chrétiens à labataille de Sagrajas, en 1093[132]. Dans la foulée, ils décident d'intégrer dans leur Empire l'ensemble des taïfas duGharb al-Ândalus. Pour conserver son trône, l'émir de Badajoz menacé s'allie alors avec le roi Alphonse VI de Leon. En échange de sa protection, il lui donne les villes deSintra,Lisbonne etSantarém[127]. Mais les deux alliés sont pris de vitesse. En 1094 les Almoravides s'emparent deBadajoz, exécutent l'émir avec son fils, et conquièrent Lisbonne ainsi que Sintra, tandis qu'Alphonse VI conserveSantarém[133]. Ayant annexé chacun un morceau de laTaïfa de Badajoz, le royaume de León et l'Empire almoravide se retrouvent alors face à face. La situation dans la péninsule Ibérique fait écho à une progression générale de l'islam dans leBassin méditerranéen, qui mobilise très vite tous les États chrétiens de la région[127]. En 1095, par sonappel de Clermont, le papeUrbain II (1088-1099) lance laPremière croisade pour libérer lesLieux saints desFatimides chiites et surtout réagir à la menace que représentent les Turcs récemment convertis à l'islam. Avant lui déjà, laRéforme grégorienne avait appelé à s'unir pour lutter contre toutes les croyances païennes et hérétiques. C'est dans ce contexte de péril militaire, d'appel à l'unité chrétienne et de forte progression de l'islam qu'en 1095,Alphonse VI de Castille et deLeón annexe laGalice et lecomté de Portugal, et réunifie l'ensemble duLeón[134]. Marié àConstance de Bourgogne, il fait appel à sa belle-famillebourguignonne, de laMaison capétienne de Bourgogne, pour l'aider à repousser lesAlmoravides et reconquérir la péninsule[78].
Henri de Bourgogne recevant l'investiture du comté de Portugal de la part d'Alphonse VI de Leon, en 1094. Peinture de Claude Jacquand, dit Claudius, 1841.
Immédiatement,Raymond etHenri de Bourgogne, princes de lafamille royale de France, issus d'une noblesse en quête de terre et de prestige, répondent favorablement à l'appel du roi ibérique[135]. Les deux hommes, qui arrivent avec des groupes de chevaliers, sont les petits-neveux d'Hugues de Cluny, l'une des personnalités les plus influentes de son temps[136]. Leur famille, très puissante, gouverne de nombreuses villes dans leroyaume de France telles que Chalon,Auxerre,Autun,Nevers, Dijon,Mâcon ainsi que Semur-en-Auxois[136]. En remerciement pour leur assistance, et pour consolider ses liens avec les autres monarchies européennes, Alphonse VI décide de nouer une alliance matrimoniale avec eux. À Raymond, l'aîné, il donne en mariage sa fille légitimeUrraque et le comté de Galice, ce qui en fait le futur roi de León et de Galice[137]. À Henri, prince cadet, il donne la main de sa fille bâtarde,Thérèse de León et le Comté de Portugal en1095[78]. Le but du roi de León est alors de déléguer une partie de la défense de son vaste royaume à des princes puissants capables de l'assumer, et d'établir un équilibre entre eux qui le mette en position d'arbitre[138]. C'est aussi d'organiser sa succession[137]. Ce mariage et cette donation marquent la renaissance du comté de Portugal, et la naissance de la seconde dynastie comtale portugaise, laMaison de Bourgogne du Portugal (Casa de Borgonha)[138]. Étant élevé à sa dignité par son union avec la fille de du roi, le nouveau comte administre officiellement son comté avec son épouse, qui est depositaire de la moitié de lasouveraineté[132].
Henri de Bourgogne, comte de Portugal, et son épouse Thérèse de Leon, co-gouvernante du comté, fille bâtarde du roi de Leon Alphonse VI.Genealogia dos Reis de Portugal (1530-1534)
À peine nommé comte de Portugal, Henri installe sa cour près deBraga, dans la ville deGuimarães, considérée depuis comme « berceau » du Portugal. Installé dans ses domaines, celui-ci s'efforce immédiatement d'accroître son autonomie, et de doter son fief d'institutions souveraines conformes aux pratiques politiques locales. Pour gouverner, le comte se dote d'une Curie, organe consultatif, qu'il préside avec son épouse, et qui les conseille sur les sujets les plus divers[139]. Conformément à la tradition en vigueur dans leroyaume de Léon, ce conseil intègre de grands officiers administratifs permanents[140]. Parmi les plus importants, figurent leMaiordomus, sorte de « maire du palais » chargé de l'intendance comtale, l'Armiger (signifer ouvexillifer), qui seconde le comte sur les affaires militaires, et leNotator (ouNotarius), élevé à la dignité deCancelarius, c'est-à-dire de « Chancelier », qui s'occupe de la mise en forme de tous lesactes juridiques etlégislatifs. Outre ces trois grands officiers, on trouve aussi leDapifer, qui se confond parfois avec le majordome. Enfin, le Conseil intègre diversmagnats du comté, désignés comme desconsiliarii, qui sont les conseillers les plus intimes du comte[139].
Lechâteau de Guimarães, siège de la Cour comtale du Portugal, et de sa Curie. À Guimarães, première capitale du Portugal.
Tout en construisant la base d'un appareil d'État indépendant, le comte Henri s'efforce de défendre et d'agrandir son domaine. Au moment où il en prend la tête, le comté de Portugal s'étend depuis lefleuve Minho au Nord jusqu'àSantarém etÉvora au Sud. Autour de lui, des États s'étendent, se décomposent, s'effondrent et renaissent rapidement, des dynasties sont renversées ou établies au gré des combats et desrévolutions de palais par desseigneurs de guerre ou de Grands ministres. Sur sa frontière Nord, le vasteroyaume de León, dont il est vassal, est mis à mal par la progression almoravide. Sur sa frontière Sud, l'Empire almoravide domine militairement. Les Almoravides tiennentLisbonne etSintra depuis 1093-1094, et sont solidement établis sur la ligne du Tage[141]. Mais ils sont contestés politiquement par les Andalous pour leur rigorisme religieux et leurs violences. Si les villes et les obstacles naturels servent de repères, les frontières sont mouvantes et susceptibles de changer très vite au gré des campagnes militaires. Dans ce contexte le Portugal a deux champs d'expansion potentiels. Très vite, Henri se met à échafauder des intrigues avec son cousin Raymond, pour se partager la partie chrétienne de la péninsule : mettre la main sur leroyaume de Tolède, unir et rendre indépendants le Portugal et laGalice, et même se retourner contre leur suzerainAlphonse VI et prendre la tête duroyaume de León[138]. Dans le même temps, il poursuit ses guerres contre les musulmans. En 1102, le comte de Portugal bat lesMaures deLamego à la bataille d'Arouca avec son connétable Egas Moniz, et il annexe la ville et ses dépendances[132]. Pour étendre son champ d'action et ses réseaux, il noue également des alliances antimusulmanes avec les rois d'Aragon, qui sont les grands rivaux desrois de León.
À ce moment, qu'ils soient chrétiens ou musulmans, les Ibériques de Galice et Lusitanie doivent compter avec les Croisés d'Europe du Nord, qui sont forcés de longer la côte ouest de la péninsule pour basculer vers laMéditerranée et se rendre enTerre Sainte. En 1108 et 1109, le roiSigurd Ier de Norvège (1103-1130) quitte son pays avec 60 navires et 5 000 hommes, dans le cadre de ce qui est connu sous le nom de « Croisade norvégienne ». Partis à l'automne 1107, les Norvégiens hivernent un an plus tard sur la côte galicienne avec l'autorisation d'un seigneur local mais, manquant de nourriture, ils pillent son château[142]. Poursuivant leur route vers le Sud, ils remontent laRibeira de Colares(pt), qui n'est pas encore ensablée à l'époque, puis pillent le château de Sintra ou deColares, combattent les musulmans à Lisbonne et pillent ensuiteAlcácer do Sal[142]. Conscients du caractère versatile desCroisés, les Portugais utiliseront toujours leur aide avec une grande méfiance, en les encadrant strictement[78].
Pendant les années qui suivent, le comte Henri multiplie les campagnes militaires, qui lui permettent de gagner en expérience et de se forger une solide réputation de chef de guerre[143]. Parallèlement à son activité militaire, il déploie une politique de renouveau culturel et religieux ambitieuse destinée à asseoir son pouvoir sur ses sujets[144]. Pour cela, il s'appuie sur un groupe dechevaliers, de moines et de clercs d'origine française qui exercent une grande influence dans l'ouest de la péninsule[145],[144]. Placés à des postes stratégiques dans lahiérarchie ecclésiastique, ces cadres promeuvent de nombreuses réformes et introduisent plusieurs institutions venues d'outre-Pyrénées, notamment lescoutumes de Cluny (consuetudines), qui adaptent larègle de saint Benoît aux circonstances[146],[147]. Dans des régions encore très imprégnées durite mozarabe, comme lecomté de Coimbra, ou comme les régions deTomar et Murta, leur action favorise la progression rapide du rite romain[148],[144]. Ce développement de l'influence clunisienne au Portugal fait écho à l'extraordinaire développement que connaît alors l'ordre de Cluny dans tout l'Occident, sous l'autorité d'Hugues de Cluny, le grand-oncle d'Henri[149]. Parmi les moines clunisiens français venus à cette époque, l'un d'eux,Maurice Bourdin est éluévêque de Coimbra en 1099 et, dix ans plus tard,archevêque de Braga[150]. Proche du comte, Bourdin procède à la réorganisation ecclésiastique du comté[150],[151]. En parallèle, comme archevêque deBraga, il sacre l'empereurHenri V du Saint-Empire malgré la défense du Pape[150]. Et il s'oppose, dans un conflit de juridiction, à son ancien protecteurBernard de Sédirac, archevêque deTolède, pour la primautéarchiépiscopale dans la péninsule[150]. En quelques années, par ses choix stratégiques judicieux et par les hommes dont il est entouré, le comte Henri est devenu l'un des princes les plus influents de la péninsule, et il a fait du Portugal un État incontournable de la chrétienté ibérique[150].
À gauche, Hugues de Cluny, grand-oncle du comte de Portugal. Sous l'impulsion des deux hommes, l'ordre de Cluny s'étend au Portugal, et joue un rôle central dans le renouveau intellectuel et religieux desXIe – XIIe siècles.
Cette prise d'influence provoque une vive réaction de la part des vieilles élites et du pouvoir royal léonais durant les dernières années du règne d'Alphonse VI[152]. Entré en conflit ouvert avec Alphonse VI, Henri repart vers 1108 en France recruter desmercenaires afin de le reverser et de prendre le trône de León[153]. Mais la mort d'Alphonse VI en 1109 arrête ce projet. La fille du roi défunt,UrraqueIre (1109-1126), veuve deRaymond de Bourgogne mort en 1107, devient reine du León, avec pour héritier son fils Alphonse Raimúndez, le futurAlphonse VII. Pour renforcer sa position intérieure et extérieure, son père a conditionné son accession au trône par un contrat de mariage avec le roiAlphonseIer d'Aragon (1104-1134), afin que celui-ci lui serve de protecteur. À peine le contrat appliqué, ce dernier place ses hommes aux postes clés du León, et il noue une alliance avec le comte Henri de Portugal. Les deux hommes s'engagent à agir ensemble contre les Almoravides, en s'accordant sur une division à mi-part des territoires conquis[153]. Soudés par ce pacte, le 24 janvier 1110, Henri etAlphonseIer infligent ensemble une défaite à l'émir de Saragosse,Al-Musta'in II, à labataille de Valtierra, près deTudela[154]. Le rapprochement entre le comte de Portugal et le roi d'Aragon touche aussi aux intrigues au sein duroyaume de León[78].
À la mort d'Alphonse VI de Léon, deux partis se sont créés à la cour du royaume de León. D'un côté, un parti aragonais, qui souhaiterait que le roi consortAlphonseIer d'Aragon prenne plus de pouvoir au sein du royaume, et unisse éventuellement les deux couronnes d'Aragon et deLeón. Ce parti est soutenu par les bourgeois des villes, que le roi d'Aragon favorise par ses réformes, ainsi que par le comte de PortugalHenri, allié aux Aragonais, qui souhaiterait affaiblir les vieilles élites nobiliaires du León, pour gagner en autonomie et étendre ses territoires à leur détriment[143]. C'est en quelque sorte le parti des élites émergeantes, et des hommes nouveaux. En face, un parti nationaliste léonais, dominé par la reineUrraqueIre, mère du prince Alphonse Raimúndez, le futurAlphonse VII, qu'elle a eu avec Raymond de Bourgogne. Ce parti est soutenu par les élites terriennes et et les vieilles élites nobiliairesgaliciennes,castillannes etléonaises, conservatrices, qui craignent qu'une union des couronnes de Léon et d'Aragon ne se fasse à leur détriment, et entraîne une perte de leurs propriétés, et de leur influence à la cour[153]. Très vite, les deux partis s'opposent militairement. Le 26 octobre 1110, à labataille de Candespina, les Portugais et les Aragonais battent les troupes léonaises, castillanes et galiciennes partisanes d'Urraque et d'Alphonse Raimúndez[153].
Le château de Soure, sur lequel butte l'offensive almoravide de 1111.
Entretemps, la victoire du Portugal à labataille de Valtierra a décidé les musulmans à réagir. En 1111, les Almoravides lancent une campagne contre le Comté de Portugal pour reprendre des territoires de l'ouest de la péninsule Ibérique dont les chrétiens se sont emparés en 1093-1094. Les troupes du gouverneur deSéville, le général Syr ibn Abi Bakr, marchent vers les terres du comte Henri. Syr ibn Abi Bakr avance versÉvora et la capture[155]. Passant parLisbonne etSintra, il poursuit ensuite versSantarém que ses troupes assiègent, mais la ville est solidement fortifiée. Après des efforts répétés pour passer ses murs, les Almoravides réussissent à prendre la ville d'assaut dans une attaque désespérée, tuant une grande partie de la garnison. Les survivants se rendent et sont faits prisonniers le 25 ou le 26 mai[133],[155],[156]. Après la prise de Santarém, les Almoravides essayent de remonter versCoimbra, mais les forces du comte Henri stoppent leur avancée, et stabilisent la frontière au niveau deSoure et des châteaux deMiranda do Corvo etSanta Eulália, un peu au sud du fleuveMondego[155],[157].
Étant dans une situation critique, et conscients de l'importance du soutien du comte de Portugal à leur adversaire, des nobles partisans d'Urraque et d'Alphonse Raimúndez prennent contact avec Henri et se mettent à négocier une paix séparée. Pour obtenir un retournement d'alliance du Portugal, les Léonais promettent au comte le commandement des armées duLeón, ainsi que les villes deZamora,Astorga, le château deSeia, et de nombreux autres avantages et territoires[153]. Le comte accepte, et se proclame dès lors « comte de Portugal, Zamora etAstorga », comme on peut le voir sur un document signé àSahagún en décembre 1111[153]. Liées par cette alliance, les troupes portugaises et léonaises assiègentAlphonseIer d'Aragon, qui s'est replié dans le château dePenafiel dès qu'il a appris la trahison du comte Henri[153]. Le Portugal et le León semblent en position de force, mais l'alliance luso-léonaise est fragile. Conscient de sa puissance et d'être en position d'arbitre, le dirigeant portugais ne cesse d'accroître ses prétentions, ce qui entraîne un fort mécontentement chez les Leónais. Profitant de l'isolement duroi d'Aragon, et de la pression exercée sur lui, peu après avoir passé son pacte avec Henri de Portugal, la reine Urraque s'est mise en pourparlers avec lui, pour éviter de devoir réellement céder Zamora aux Portugais[153].
Décidé à prendre les Léonais et les Aragonais de vitesse, le comte Henri essaye de prendre le contrôle des territoires qui lui ont été promis, mais il meurt quelques mois plus tard de ses blessures, lors du siège d'Astorga le 22 mai 1112[160], laissant derrière lui son épouse,Thérèse de León, et le jeune princeAlphonse Henriques, son héritier, qui grandit dans des circonstances particulières[161]. La légende du « Manda Deus que se cumpra isto! » veut qu'à l'article de la mort, le comte ait fait appeler son fils, et lui ait fait promettre de ne jamais perdre les terres conquises, d'être vaillant, de respecter ses conseillers, et le plus important, d'être juste et d'avoir toujours Dieu et le peuple de son côté[162],[163]. Conformément à sa demande, son corps est transféré àBraga, où il est inhumé, dans la chapelle principale de lacathédrale qu'il a fondée. Cette inhumation acte symboliquement l'enracinement de ladynastie de Bourgogne au Portugal.
« Moi, la reine Thérèse de Portugal, fille du roi Alphonse » (Titulature officielle apposée par la chancellerie de la comtesse-reine ThérèseIre de Portugal.)
La mort du comte Henri lors du siège d'Astorga ouvre une période nouvelle dans la formation du royaume de Portugal, dominée d'abord par la figure de la comtesseThérèse (1112-1128)[143]. Dans la mesure où elle était co-dépositaire de la souveraineté du comté avec son mari, à la mort de ce dernier, Thérèse décide de se saisir de la couronne comtale et de régner de plein droit sur le Portugal, en son nom propre (iure proprio), et pas au nom de son fils mineur, commerégente[164]. Mais la jeune veuve ne se contente pas de récupérer son comté, et d'en assumer la gouvernance. Alors qu'elle signait « Thérèse, Infante de León », du vivant de son père, après la mort de ses deux tuteurs, elle ordonne à laChancellerie de sa Curie d'apposer une titulature nouvelle, qui l'investit de la possession du Portugal avec la dignité royale par son père :Ego regina Taresia de Portugal regis Ildefonssis filia, littéralement : « Moi, la reine Thérèse de Portugal, fille du roiAlphonse »[164],[n 12]. Autrement dit, par cette titulature, la comtesse affirme que son autorité émane, non de son défunt mari, mais directement de son sang royal, et que ce sang fait d'elle unereine, et du Portugal qu'elle gouverne unroyaumesouverain[164]. Cette proclamation, qui séparede facto le Portugal duLeón, constitue alors une véritable déclaration d'indépendance du pays, et un acte de rébellion ouverte vis-à-vis de sa demi-sœur, la reineUrraque Ire, qui règne sur le León depuis la mort de leur père le roiAlphonse VI (1065-1109)[78].
Le moine clunisien Maurice Bourdin, archevêque de Braga, que la comtesse-reine Thérèse Ire de Portugal soutient activement dans sa lutte contre l'archevêque de Tolède pour la primauté dans la hiérarchie ecclésiastique ibérique.
Consciente du défi que constitue sa prise d'indépendance, la comtesse-reine se lance dans une gouvernance active. Pour se concilier labourgeoisie urbaine, et favoriser le repeuplement et le développement des centres urbains, elle continue à octroyer des fors, comme ceux deSoure ou Talavares. Son but est de disposer d'un réseau dense de villes et d'en faire des foyers de son pouvoir[164]. Consciente de la nécessité de donner à son indépendance politique une solide assise religieuse, elle soutient activement l'archevêque de Braga Maurice Bourdin dans sa lutte pour la primauté archiépiscopale dans la péninsule contre l'archevêque de Tolède. Dans le même temps, par une habile politique diplomatique mêlant privilèges accordés à l'Église au Portugal et présents envoyés à Rome, elle parvient à faire reconnaître son titre royal par le papePascal II[165], par la bulleFratrum Nostrum du 11 juin 1116[166]. Quand l'archevêque de Braga Bourdin devient l'antipape Grégoire VIII en 1118, avec l'appui de l'empereur germaniqueHenri V (1111-1125), Thérèse adopte une neutralité habile, pour ne pas entrer en conflit ouvert avec les Papes légitimesGélase II, puisCalixte II, et conserver la reconnaissance de son indépendance par leSaint-Siège[164]. Cette politique louvoyante est un succès avec Rome, mais elle n'échappe pas au nouvelarchevêque de Braga, Paio Mendes, qui devient paradoxalement dans les années 1120 l'un de ses plus grands opposants, et l'un des principaux artisans de l'ascension de son fils[164],[132].
Murailles de Coimbra, qui devient, de 1117 au début des années 1130, le grand bastion méridional du comté-royaume de Portugal.
Comme son époux avant elle, la nouvelle reine du Portugal est confrontée à deux périls militaires. Au Sud, lesAlmoravides ont repris leurs campagnes et lancent en 1116-1117 de grandes offensives sur la frontière duMondego[157]. En 1117, la reine dirige avec succès la résistance au grandesiège almoravide de Coimbra, qu'elle parvient à briser[167]. Cette victoire lui vaut un immense prestige dans la chrétienté[168]. En récompense pour ses faits d'arme, elle est proclamée par le Pape « Fille d'Alphonse et élue de Dieu » et à nouveau reconnue comme reine dans un document de 1117[169]. La dévastation du territoire deSoure et la destruction des châteaux deMiranda do Corvo etSanta Eulália[Laquelle ?] font alors deCoimbra le grand bastion méridional du comté, et confirment le cours duMondego comme la frontière sud du Portugal[157]. Face aux Portugais,Shantarîn est la plus forte place musulmane de la rive droite duTage, bénéficiant de la protection des massifs calcaires de l’Estrémadure, contrefort le plus occidental de laMeseta, en relation avec le puissant dispositif militaire installé dans toute lakura[157]. Les territoires intermédiaires, en dehors de la domination effective des grandes bases militaires chrétiennes et musulmanes, soit ceux situés entre les massifs et le littoral, soit ceux de l’intérieur, à l’ouest de laMeseta, fonctionnent comme un espace-tampon à géométrie variable, théâtre d’une instabilité permanente, où de constantes expéditions etrazzias empêchent la vie normale des populations et entravent l’exploitation permanente des terres[157]. La puissance des Almoravides pousse les Portugais à adopter une stratégie éminemment défensive au sud jusqu’aux années 1130, vis-à-vis des Almoravides. pour se concentrer sur leur processus d'indépendance vis-à-vis du León au nord et sur les troubles qu'il provoque dans ses affaires intérieures[157].
Le château de Sobroso, en Galice, où la comtesse-reine Thérèse de Portugal et le clan galicien des Traba assiègent la reine Urraque Ire de León-Castille en 1116.
Au nord, encouragée par son amant le comteFernando Pérez de Traba, le magnat le plus puissant de Galice, la comtesse-reine mène une politique ambitieuse visant à affirmer son indépendance face à sa demi-sœurUrraque Ire, qui règne sur le León-Castille. À ce moment, en Galice, le puissant clan des Traba intrigue pour restaurer unroyaume de Galice indépendant, placé sous l'autorité du prince héritier du León, le jeuneAlphonse Raimúndez, seigneur de Galice depuis 1111, au détriment de sa mère la reine Urraque[170]. Les projets des Traba et de la reine Thérèse de Portugal semblent converger en 1116 : ensemble, ils assiègent la reine Urraque au château de Sobroso[170]. Pour désamorcer le risque d'une sécession de la Galice, la reine Urraque décide en 1117 d'associer au trône Léon-Castille son fils, retirant aux Galiciens leur candidat naturel[170]. En réaction, le clan des Traba se tourne vers la reine Thérèse, qui échafaude alors le projet de reconstituer une vaste entité politique indépendante dans l'Ouest péninsulaire, unissant le Portugal et la Galice sous son autorité[168]. Le conflit politique entre la reine Urraque de León-Castille et la comtesse-reine Thérèse, qui réclame la Galice, devient très vite un conflit armé. Les troupes portugaises doivent faire face à la pression des troupes du León, qui parviennent à forcer la frontière et envahir le Portugal en 1121. Battue militairement et assiégée dans le château deLanhoso, Thérèse parvient, à force de négociations, à conserver son comté ainsi que son titre royal par letraité de Lanhoso, en échange d'une soumission formelle à sa demi-sœur[134],[171].
Le château de Lanhoso, dans le Nord du Portugal, où la comtesse-reine Thérèse de Portugal est assiégée par sa demi-sœur Urraque Ire de León-Castille, et d'où elle renouvelle son serment de vassalité, en échange de la conservation de son fief et de son titre de reine.
À la suite de la défaite de Lanhoso, la comtesse-reine décide de renforcer son alliance avec la haute noblesse galicienne afin de mener à terme son processus d'indépendance. Le ralliement des Galiciens à ce projet est facilité par les conflits qui continuent à les opposer à la reineUrraque, puis à sa mort par la montée sur le trône de León en 1126 du jeuneAlphonse VII de León-Castille, qui ne constitue alors plus une option de roi pour restaurer unroyaume de Galice indépendant. Le départ du jeune prince, ex-seigneur deGalice, vers la capitale du León pousse les Galiciens et Thérèse à lier leur destin pour affirmer leur pleine indépendance et renforcer leurs privilèges, en utilisant le Portugal comme base de souveraineté pour leur projet[170].
Projet porté par comtesse-reine Thérèse de Portugal et le clan galicien des Traba de constituer une vaste entité politique indépendante dans l'Ouest péninsulaire réunissant à nouveau le Portugal et la Galice, comme sous le règne de Garcia II de Galice.
Pour sceller son pacte avec les Galiciens, la comtesse-reine de Portugal établit une série d'alliances matrimoniales, et place ses alliés aux postes clés du royaume. Après avoir épousé Fernando Pérez Traba, dont elle aura quatre enfants[n 13], elle marie ses filles avec de grands seigneurs galiciens : Urraca est mariée en 1122 avec Bermude Perez de Traba, un frère de son mari, puissantmagnat deTrastamare, auquel elle attribue les châteaux deSeia etViseu, avec leurs dépendances et revenus[170] ; et Sancha avec Sanche Nunez de Barbosa, un haut noble galicien, qu'elle avait nommé gouverneur dePonte de Lima[172],[173]. Rapidement, les nobles galiciens favorisés par la reine prennent l'ascendant sur la Cour portugaise. Devenu un acteur central du royaume, Fernando Pérez domine la Curie, assumant des fonctions régaliennes essentielles, et co-signant comme principal noble et conseiller tous les documents royaux[174],[175]. En 1121, il est documenté comme « dominante Colimbrie et Portugali », et il renforce ses fonctions dans les années suivantes, agissant comme un véritable consort[170]. En matière religieuse, la reine se détourne de l'archevêque de Braga Paio Mendes, issu de la plus haute noblesse portugaise, pour s'appuyer sur l'archevêque de Saint-Jacques-de-CompostelleDiego Gelmírez, un membre de la noblesse de cour galicienne[176],[177]. Cette prise d'influence des Galiciens provoque un vif mécontentement au sein des élites portugaises.
Très vite, l'opposition à la reine se cristallise autour du prince héritier,Alphonse Henriques[178],[179],[n 14], qui présente un profil idéal. Né à Guimarães en 1109, ce dernier n'a que trois ans quand son père meurt lors du siège d'Astorga[160]. Faute de père pour le former, et sa mère étant aux affaires, Alphonse grandit sous la tutelle d'un ancien compagnon d'armes de son père, Egas Moniz, en se liant aux élites locales et en s'imprégnant de la culture portugaise. Nous savons que le jeune prince subit particulièrement l'influence du nouvelarchevêque deBraga, Paio Mendes, et qu'il se lie étroitement à la noblesse militaire du comté et aux bourgeois deGuimarães[78]. Cet entourage proche, qui le conseillera et le portera tout au long de son règne, lui permet de disposer de soutiens solides au Portugal, et préfigure les trois appuis principaux de la future monarchie portugaise : le haut clergé, et particulièrement l'archevêque de Braga, la noblesse militaire et la bourgeoisie urbaine[78]. Au contact de ces hommes, le jeune prince acquiert une solide formation militaire, mêlant techniques ibériques locales et françaises[180], ainsi qu'une excellente connaissance du pays. Il bénéficie aussi par sa filiation des réseaux bourguignons de son père, et de ses appuis auprès desClunisiens[151]. Le lien de quasi compagnonnage que le jeune prince établit avec ses tuteurs et amis nobles portugais, et le rôle que ces derniers lui donnent dans la crise qui s'ouvre, pose le principe de fonctionnement de la monarchie portugaise, celui de rois qui sont avant tout deschefs de guerre, tenant leur pouvoir de leur association avec leurs élites, et garants des privilèges et de l'indépendance de leur pays[78].
Après avoir été armé chevalier en1122, à l'âge de treize ans, Alphonse entre en conflit avec sa mère pour prendre possession de son comté. Deux partis s'opposent alors à travers eux. D'un côté, un parti galaïco-portugais regroupé autour de Thérèse de León, soutenue par le clan desTraba, une partie de la haute noblesse deGalice, et l'archevêque deSaint-Jacques-de-Compostelle, partisan d'une émancipation du Portugal uni à laGalice et dominé par les puissantes élites galiciennes. De l'autre, un parti nationaliste portugais regroupé autour d'Alphonse, soutenu par la noblesse militaire portugaise, la bourgeoisie urbaine deGuimarães et l'archevêque de Braga, qui ne veulent pas être soumis à la noblesse galicienne, et sont partisans d'une émancipation du seul Portugal. En1128, les deux partis s'affrontent à labataille de São Mamede, où les troupes de Thérèse sont écrasées par celles d'Alphonse. Par sa victoire, ce dernier consacre son autorité sur le comté de Portugal et impose le projet du parti nationaliste portugais[181]. Thérèse doit s'exiler enGalice.
L'Empire almoravide dans la péninsule Ibérique au moment de l'arrivée au pouvoir d'Alphonse Henriques en 1128.
Une fois installé à la tête de son fief, le jeune prince refuse de reconnaître lasuzeraineté de son cousinAlphonse VII de León[78]. Toujours porté par ses élites locales, il prend le titre de « Duc » (Dux) et se lance pendant plus de quarante ans dans des guerres quasiment constantes contre le León[182]. Déterminé à imposer son indépendance, le duc de Portugal multiplie les attaques contre la Galice voisine. Les Portugais conquièrent plusieurs villes galiciennes, notammentTui,Ourense,Toroño ainsi que Límia, lancent régulièrement des razzias et les raids de harcèlement, défiant constamment l'autorité duroi de León[78]. La consolidation de sa situation intérieure et la sécurisation de sa frontière Nord permettent au jeune duc de rompre avec la politique défensive de ses parents au sud et relancer son mouvement deReconquista contre lesAlmoravides[157]. Cette reprise de la guerre contre les musulmans constitue à la fois un acte d'affirmation du Portugal sur lascène chrétienne ibérique, une immense source de prestige international, et un moyen d'accroître rapidement son poids économique, démographique et territorial face à son voisin[78].
Le château de Souro, donné par le duc Alphonse de Portugal avec son vaste territoire aux Templiers en 1128, avec la responsabilité de défendre le flanc sud de Coimbra et Montemor.
Pour consolider ses positions dans la zone frontalière, surtout sur les rives duMondego, et pour valoriser les terres et encadrer la population, le souverain portugais permet et même favorise l’expansion seigneuriale, noble et ecclésiastique, en laissant une grande autonomie à sesseigneurs de guerre et à sesordres militaires[157],[78],[143]. Parmi les acteurs les plus importants de ce mouvement, émergent lesTempliers, à qui il donne en 1128 le vaste territoire deSoure, avec la responsabilité de défendre le flanc sud deCoimbra etMontemor[157]. Pour mener à bien la difficile entreprise de consolidation de la frontière, il confie également des missions de défense et d’exploitation de la terre aux communautés roturières, qui s’organisent dans ce but enmunicipes (Concelhos) dotés dechartes de privilèges (forais), avec desmilices propres[157]. Ces mesures posent la base de l'architecture militaire et territoriale du Portugal pour huit siècles, avec des forces armées constituées d'éléments très divers, et autonomes, chacun en charge d'un pan de la défense du territoire, et tous articulés autour des forces royales, qui constituent le noyau de l'armée portugaise, dominée par la figure du souverain, point de repère commun[143]. Elles contribuent aussi à l'institutionnalisation durable du mouvement communal, remarquablement puissant au Portugal, qui fait des municipalités des acteurs centraux de la gestion du territoire et de la vie politique du pays[183],[78].
Coimbra, siège de la cour portugaise et capitale du Portugal à partir de 1131, qui devient pour plus d'un siècle le centre stratégique des opérations de la Reconquista portugaise.
Dans les décennies suivantes, l'Empire almoravide s’affaiblit, en même temps que le jeune Alphonse Henriques consolide son pouvoir[157]. En 1131, le duc portugais abandonne la région deGuimarães, au nord, s’éloignant de la noblesse seigneuriale duMinho, pour établir sa capitale àCoimbra, ville riche, très marquée par les apports musulmans etmozarabes[157]. Ce déplacement du pouvoir royal pose les bases d’une stratégie d’expansion territoriale vers le sud. Dès son installation à Coimbra, le souverain portugais dote sa nouvelle capitale d’un système de défense qui la protège des attaques musulmanes depuisShantarîn etal-Ushbûna, bénéficiant pour cela de l’appui templier, et avec la collaboration desmunicipes, et procédant à la construction de nouveauxchâteaux[157]. Dans les années suivantes, Alphonse Henriques développe à partir deCoimbra une stratégie de proto-offensive, déployant trois fronts de pénétration dans la zone intermédiaire entrechrétiens etmusulmans[157].
Le puissantchâteau de Leiria, fondé en 1135 parAlphonseIer, le premier roi du Portugal, afin de sécuriser l'Estrémadure portugaise, tout juste conquise sur lesAlmoravides, et de lancer des raids sur les territoires musulmans de l'ouest péninsulaire.
La première ligne de pénétration, celle de la voie romaine qui suit le littoral en direction deLisbonne, est ouverte en 1135, avec la construction du puissantchâteau de Leiria, qui permet de verrouiller l'Estrémadure, à l'ouest, et de déclencher des opérations de pillage régulières sur les populations musulmanes au-delà de laserra de Minde[157]. Le deuxième front est ouvert en 1136, avec l’« expédition (fossado) de Ladeia », réalisée sur la route (dominée par unburj, l’Alvorge da Ladeia), qui, partant deCoimbra, passe parRabaçal et Ancião, en direction d’Alvaiázere, où elle rencontre la voie romaine reliantCoimbra àLisbonne, à travers un étroit corridor naturel entre lesserras de Lousã et Alvaiázere, suivant ensuite versTomar etSantarém[157]. À l’opération militaire succède, l’hiver suivant, le début de lacolonisation de la zone, action connue sous le nom de « presúria de Fernão Cativo », accompagnée par le lancement ou la reconstruction de structures défensives (Germanelo, et peut-êtreAlvorge et Ancião, en 1142)[157]. La troisième ligne d’infiltration court dans le sens de la rivièreZêzere, à travers laserra de Lousã, par lavoie romaine mentionnée précédemment[157]. Elle est documentée par la donation par Alphonse Henriques du domaine dePedrógão en 1135 à Osberto, Mónio Martins et Fernão Martins, par l’octroi de chartes (forais) àMiranda do Corvo en 1136 et àPenela en 1137 et par la lancée, relaté par les chroniques, d’une expédition chrétienne contreTomar, également en 1134[157].
La bataille d'Ourique, du 25 juillet 1139, qui voit la victoire des troupes du comte Alphonse de Portugal sur celles du gouverneuralmoravide de Cordoue Muhammad Az-Zubayr Ibn Umar.
Malgré les difficultés, la stratégie alphonsine rencontre un succès notable, étendant le territoire du comté et le dotant de frontières mieux défendables dans le dangereux (puisqu’ouvert) secteur occidental[157]. Les cités musulmanes du Tage se trouvent désormais plus près des forces chrétiennes, leur conquête devenant le prochain objectif des Portugais. La victoire décisive des Portugais a lieu en 1139 àOurique, où le duc de Portugal écrase les forces almoravides pourtant plus nombreuses. Le déclin almoravide, consécutif à la mort, en 1143, de l’émirAli ibn Yusuf et au déclenchement d’une nouvelle fitna, permet à Alphonse Henriques de fixer définitivement la frontière sur la ligne duTage, en 1147, avec la conquête deShantarîn,al-Ushbûna et d’autres fortifications voisines. La Moyenne vallée du Tage est désormais inscrite définitivement dans l’espace chrétien et portugais, quoique conservant une condition de frontière pour encore presque un siècle[157].
Cette avancée et ces succès portugais soutiennent le processus d'indépendance du pays. Reprenant la stratégie diplomatique de sa mère, le comte s'efforce par une série de dons d'obtenir duSaint-Siège l'autonomie totale de l'Église de Portugal et la reconnaissance papale de son indépendance par rapport au roi de Léon. Suivant une vieille coutume germanique, en1139, après sa victoire éclatant sur lesAlmoravides lors de labataille d'Ourique, le jeune prince estacclamé premier roi de Portugal par ses troupes, sous le nom d'AlphonseIer[184]. Les premiers documents officiels où il s'intitule roi (Rex) datent de l'année suivante, en 1140[185],[186]. Selon la tradition, son couronnement est formalisé par la Curie auxCortes de Lamego[187] quand il reçoit des mains de l'archevêque deBraga la couronne d'or et de pierreries de Portugal comme successeur desrois wisigoths. La reconnaissance de l'indépendance par le souverain castillo-léonais intervient en1143 avec letraité de Zamora[188]. À ce moment,Alphonse VII de León s'est proclamé l'empereur de toute laPéninsule Ibérique, et le fait d'avoir un roi vassal au Portugal est un élément qui valorise son titre[189],[183].
En1146, pour consolider l'indépendance de son pays, Alphonse Ier épouseMathilde de Savoie, et il fait d'importants dons à l'Église et fonde divers couvents. Profitant de l'effondrement de l'Empire almoravide, après avoir relancé leur offensive contre lesMaures, et prisSantarém etLisbonne en1147, les Portugais poussent leur avancée jusqu'enAlentejo avec la prise d'Alcácer do Sal en 1158[190],[191] et d'Évora en 1165[192],[193],[194],[195],[196],[197],[198]. Dans les régions dépeuplées reconquises, le roi installe des colons et invite les ordres religieux militaires comme lesTempliers et lesHospitaliers à s'installer le long des frontières comme défenseurs contre les Maures[199]. Profitant du renouveau impulsé par lesCisterciens, le roi les autorise en 1147 à fonder uneabbaye à Alcobaça, en leur accordant d'immenses étendues de terre à aménager et exploiter. Conçue comme un puissant complexe agricole et proto-industriel monastique, cette abbaye destinée à mettre en valeur la marche forestière de l'Estrémadure fait entrer le Portugal de plein pied dans le mouvement desgrands defrichements duMoyen Âge central, qui permet la conquête de nouvelles surfaces cultivables (ager ethortus), et de mieux nourrir les ppopulations. En entraînant un recul des forêts et des marais, ce mouvement prive également les musulmans de refuges où se cacher, ou de bases arrières, d'où mener d'eventuellesrazzias, et permet à la royauté de mieux contrôler le pays et sa population. Pour assurer sa succession, le 15 août 1170, le roi armechevalier son filsSanche, qui devient son bras droit aussi bien du point de vue militaire qu'administratif, et est étroitement associé au pouvoir[200]. Grâce à son habileté politique et militaire, Alphonse Ier a réussi là où d'autres comtés ont échoué, et a gagné sonindépendance[201]. À la fin de son règne, le Portugal a doublé sa superficie, et s'apprête à entrer dans la dernière phase de sa Reconquista.
La fondation du royaume du Portugal en 1139.
Le royaume du Portugal de 1144 à 1148.
Fin de laReconquista, expulsion des pouvoirs maures et naissance des Cortes générales
Pendant le siècle qui suit, soutenus par lesTempliers, lesHospitaliers, et par les Ordres militaires portugais deSantiago et d'Aviz, les rois portugaisSancheIer (1185-1211),Alphonse II (1211-1223) etSanche II (1223-1248) poursuivent leur Reconquista vers le Sud. Reprenant à son compte la politique de repeuplement et développement du royaume établie par son père, SancheIer fonde diverses villes, commeGuarda en 1199[202], dote sesordres militaires de terres et de châteaux, particulièrement dans les plaines du Nord de l'Alentejo vulnérables aux contre-attaques des musulmans[203], et il repeuple les endroits retirés du royaume avec des émigrants deFlandre ainsi que deBourgogne[204]. Sous son règne, le pays se dote d'une monnaie d'or, le morabitin (morabitino), calquée sur lemaravedi d'or almoravide[205],[206],[207]. Le roi favorise également le développement des arts et de la littérature, notamment de la poésie, faisant du Portugal un des grands foyers culturels de la péninsule, et du portugais la principale langue de composition poétique de toutes les cours ibériques[208]. Alors que la conquête de l'Algarve semble en voie d'être achevée dans les années 1180, l'intervention énergique desAlmohades dans la région en 1190-1191 fait refluer un temps les Portugais vers le nord de l'Alentejo[78].
Ce recul pousse le roiAlphonse II (1211-1223) à suspendre ses guerres d'expansion pour renforcer les moyens et l'autorité de la Couronne. Contrairement à ses prédécesseurs, le roi ne conteste pas les frontières avec leroyaume de León et ne cherche pas à s'étendre vers le sud. En revanche, il mène une politique de concentration du patrimoine royal, éparpillé par dotations diverses sous les règnes précédents, ou rogné par les grands nobles et le clergé[209]. Dès son arrivée au pouvoir en 1211, le roi se lance dans un conflit dur contre ses sœursMafalda,Thérèse et Sancha pour reprendre possession des châteaux stratégiques du centre du pays qui leur ont été donnés en pleine souveraineté par leur père —Montemor-o-Velho,Seia etAlenquer, avec leurs villes, gouvernance et revenus respectifs[210]. Le conflit, qui dure jusqu'en 1216, est résolu grâce à la médiation du papeInnocent III. En échange de leur renonciation à leurs fiefs, les infantes sont amplement dédommagées. La garnison des châteaux est confiée auxTempliers, mais le roi exerce dorénavant lui-même les fonctions souveraines sur les terres disputées[211].
Une fois remis en pleine possession du domaine royal et du monopole de la souveraineté dynastique, le roi s'attaque aux privilèges duclergé et de lanoblesse qui ont été accordés par son père ainsi que son grand-père[212]. En 1220, il institue des « enquêtes » (inquirições) pour vérifier la nature des biens et récupérer tout ce qui a été pris illégalement à la Couronne. Ces enquêtes sont menées par des fonctionnaires royaux pour déterminer le statut juridique des domaines, la base des privilèges et l'immunité des propriétaires[213]. Entre 1216 et 1221, les « confirmations » (confirmações) valident les dons ainsi que les privilèges accordés lors des règnes précédents, après analyse des documents justificatifs ou par faveur royale[214].
Tout en limitant l'indépendance et le pouvoir politiques de l'Église, le roi affiche unereligiosité intense, et il poursuit une politique active de soutien auxordres militaires etreligieux portugais loyaux, qui lui permettent de contrôler et exploiter les terres conquises. L'association avec ces derniers permet une mise en valeur rapide et vigoureuse du territoire, que ce soit dans l'Estrémadure, vaste marche forestière aux terres fertiles, dans le Centre du pays ou dans les plaines agricoles du Nord de l'Alentejo dévastées par les guerres et largement sous-exploitées[219],[220]. Partout, les moines et leurs abbayes pratiquent l'essartage (ou sartage) et ledrainage, ainsi que desdéboisements sur leurs propriétés foncières, ou sur les terres qui leur sont confiées par le roi où les grands féodaux dans le cadre d'accord, dits contrats deparéage. L'accord comprend souvent la construction d'une chapelle ou d'une église, actant la domination chrétienne, et posant le point de depart de noyaux de peuplement pour des communautés agricoles[220].
AuxCisterciens dominants auXIIe siècle, s'ajoutent à partir duXIIIe siècle lesordres mendiantsdominicains etfranciscains, qui donnent un souffle nouveau à l'action d'évangélisation du territoire et au renouveau spirituel et culturel du pays, avec des couvents établis un peu partout. Dans l’Estrémadure par exemple, tout en en intensifiant les travaux sur l'immenseabbaye cistercienne d'Alcobaça, établie en 1147 parAlphonseIer afin de repeupler et exploiter les territoires dépeuplés de la région deLeiria, le roi autorise les Franciscains à s'établir en 1232 dans la ville deLeiria, où ils fondent le couvent de São Francisco sur les bords dufleuve Lis, afin d'accélérer le développement de la cité et de la région, sous la protection de sa forteresse[219].
Le recul face auxAlmohades est aussi l'occasion pourAlphonse II de réfléchir à son modèle de gouvernance et de travailler sur ses institutions. Dans les territoires qu'ils ont conquis, lesAlmohades font preuve d'une intolérance marquée à l'égard deschrétiens et desjuifs, mais aussi desmusulmansandalous, dont ils méprisent les pratiquessoufies. Ce rigorisme leur aliène une partie de leurs soutiens potentiels, et pousse un grand nombre dejuifs et demozarabes à migrer vers le Portugal chrétien, plus tolérant, ou à aider les Portugais dans leur avancée. Ayant conscience de ce phénomène, quand laPapauté étend l'Inquisition catholique à la péninsule au début duXIIIe siècle, dans une logique de persécution des juifs et des musulmans[221], le souverain portugais préfère continuer à pratiquer une politique trèstolérante vis-à-vis de sescommunautés judaïques etmauresques, afin de conserver son avantage sur lesAlmohades et de sauvegarder la paix civile, mais aussi pour des raisons financières et technologiques, afin de conserver ses artisans, fonctionnaires, intellectuels et scientifiques juifs et musulmans. Cette politique, ébauchée des l'époque du comté, est pérennisée et institutionnalisée par une série de mesures légales de protection et tolérance vis-à-vis des minorités. Contrairement à ce qui se passe enCastille, l'Inquisition portugaise ne commence réellement à fonctionner qu'à partir du premier quart duXVIe siècle.
Cet esprit de concertation se manifeste aussi dans les institutions politiques. Pour refonder la légitimité politique de la Couronne, dans les premiers mois de son règne, en 1211,Alphonse II réunit à nouveau à Coimbra la Curie Royale (Cúria régia), organe gouvernemental et consultatif de l'ancien comté, qui n'avait plus été sollicité depuis que l'indépendance du Portugal avait été proclamée en 1143[222]. Pour s'adapter aux dimensions nouvelles du pays, sa structure est réformée, ses rôles politique et délibératifs renforcés, et son architecture complexifiée, pour se constituer en véritableorgane d'État. Une « Chancellerie Royale » (Chanceleria Régia) distincte de la Curie est créée dès 1211 pour s'occuper des questions juridiques et administratives relevant du roi, et placée sous l'autorité d'un « Grand-Chancelier » (Chanceler-Mor)[223],[224] Placé à la tête de son administration, et détenant lesceau royal, ce dernier devient très vite l'un des principaux auxiliaires du souverain, et l'un des personnages les plus influents du royaume[225],[224]. Sous le règne deSanche II (1223-1248), sont créées les charges desuperjudex et d'autres magistrats mineurs, subordonnés au roi et aux grands officiers de la Curie, qui complètent sa structure[222]. Très vite, la Curie est élevée au rang d'organe administratif suprême, compétent sur tous les sujets régaliens : administration de la justice, questions militaires,actes législatifs, octroi deprivilèges, notamment lesfors[222]. Chargée de conseiller le roi à sa demande, elle est associée à la gouvernance royale, avec l'obligation pour ses membres de parapher les édits et décrets royaux pris par le roi en son Conseil[222]. Comme assemblée souveraine, la Curie Royale fait aussi office decour suprême de Justice, habilitée à s'exprimer sur les conflits touchant auxjuridictions seigneuriales indépendantes, ou aux sentences des Juges desConseils municipaux[226].
Mais c'est en matière politique etdélibérative que les changements sont les plus marquants. En plus de ses rôles administratif et judiciaire, la Curie Royale est érigée en organe politique suprême du royaume, constituant, avec le roi qui la préside, le centre de la vie politique du pays. Lorsqu'elle délibère pour trouver des solutions aux problèmes affectant la vie de la nation, la Curie s'adjoint désormais collaboration des figures les plus importantes du pays :évêques,abbés,prieurs des couvents, hauts nobles détenteurs de charges publiques dirigeant des circonscriptions territoriales, qui sont convoqués aux sessions de ses assemblées délibératives. Par principe, les grands nobles administrant les territoires où sont réalisées les sessions participent aussi à ces assemblées. C'est le cas aux sessions de Coimbra de 1211, mais aussi aux Cortes de 1228 et 1229, auxquelles participent les membres de la plus haute noblesse locale (ricos-homens) et leurs vassaux, censés représenter les nobles de tout le pays. Ce format élargi inédit inaugure ce que l'on appelle les « Curies extraordinaires » (cúrias extraordinárias) ou « Curies plénières » (curias plenas) de la monarchie portugaise[222]. Alors qu'interviennent ces changements institutionnels, visant à s'associer toutes les populations des territoires conquis, le front continue à bouger.
Le royaume du Portugal de 1224 à 1230.
Le royaume du Portugal de 1230 à 1240.
Le royaume du Portugal de 1240 à 1249.
La défaite écrasante infligée auxAlmohades par les royaumes chrétiens coalisés de la péninsule Ibérique à labataille de La Navas de Tolosa en 1212, qui provoque l'effondrement rapide de l'Empire almohade, ouvre la voie à la reconquête de l'Alentejo et de l'Algarve, perdus en 1191. Le 18 octobre 1217, la ville d'Alcácer do Sal est reconquise à l'initiative d'un groupe de nobles. Au printemps 1226, les Portugais assiègentElvas pendant que lesLéonais attaquent la ville voisine deBadajoz. En 1234, ils conquièrent Aljustrel etAlvito. Les ordres militaires ont un rôle décisif dans ces conquêtes. L'Église est étroitement associée à la reconquête du territoire.Arronches, prise en 1135, est placée sous la tutelle militaire du monastère deSanta Cruz de Coimbra, tandis que lechâteau de Sesimbra est offert en récompense à l'ordre de Santiago en 1236. En 1238, les Portugais prennent la ville portuaire d'Ayamonte et l'important port fluvial deMértola, qui donne accès à la rive gauche dufleuve Guadiana, puis ils s'emparent deTavira en 1242[227],[228]. Alors que les rois portugais avaient du composer au Nord duTage avec desseigneurs de guerre chrétiens puissants, et avec des pouvoirs locaux bien établis, la descente fulgurante des troupes portugaises dans l'Alentejo ravagé par les guerres permet au roiSanche II (1223-1248) de démultiplier les dimensions du domaine royal en y annexant les terres abandonnées par les anciensrois destaïfas, et de disposer ainsi en propre de terres cultivables et de revenus agricoles considérables[84]. En1249, les souverains portugais achèvent la conquête duGharb al-Ândalus, avec la reconquête de la taïfa deSilves, puis avec laprise de Faro parAlphonseIII (1248-1279)[143]. Les derniers États duGharb al-Ândalus sont annexés au royaume, mais pour des raisons de prestige, l'ancienne province musulmane conserve un statut honorifique à part, et les rois portugais prennent le titre de « roi de Portugal et de l'Algarve »[99],[84]. Le Portugal est le premier royaume de la péninsule à achever saReconquista en tenant ses littoraux du sud, face auMaghreb[99],[84].
L'ancienne alcazaba musulmane dominant Lisbonne, rebaptisée « Château de Saint-Georges », qui devient à partir de 1255 le siège permanent du pouvoir royal portugais.
Avec la fin des guerres et la disparition du danger musulman, la figure du roi perd son caractère de chef de guerre itinérant, et le pouvoir royal entame la conversion de son modèle militaire en modèle civil[99],[84]. La cour et les principales institutions sont transférées deCoimbra versLisbonne, qui offre une plus grande centralité, dispose d'élites dynamiques, ainsi que d'un port océanique, d'infrastructures modernes et de vastes bâtiments administratifs. Alphonse III s'installe avec sa Cour et son administration dans le palais de l'alcazaba musulmane qui domine la ville, qu'il rebaptise « château de Saint-Georges ». À partir de 1255,Lisbonne devient la capitalede facto du royaume[143],[229]. C'est à cette époque qu'intervient une des plus grandes révolutions politiques et institutionnelles de l'histoire du pays. Les dernières campagnes militaires de laReconquista et les mesures de réorganisation qui les suivent ont occasionné des dépenses importantes, qui pèsent sur lebudget. En décembre 1253, l'annonce par la Couronne d'une nouvelledévaluation de la monnaie provoque une réaction de mécontentement de la population. Face à cette réaction, le roiAlphonse III décide de convoquer une session de la Curie extraordinaire àLeiria, en faisant participer pour la première fois des représentants du peuple, aux côtés de ceux de lanoblesse et duclergé, afin de pouvoir discuter avec eux de la situation budgétaire et économique du royaume.
Cette session, élargie aux non-nobles, marque la naissance des « Cortes » comme assemblées souveraines de la nation réunissant les représentants des troisordres, convoquées par le roi. Lors de ces Cortes, qualifiées de « Cortes Générales » (Cortes Gerais), les participants peuvent poser des questions au souverain, l'interpeller sur les sujets les préoccupant, et exiger de lui des engagements pour avoir leur soutien politique, contrairement à ce qui était pratiqué au sein de la Curie, simple assemblée consultative, où n'étaient discutés que les sujets proposés par le monarque[230]. Les Cortes de Leiria entraînent la fin de la Curie Royale, et marquent le début d'un « pacte politique » entre le monarque portugais et leurs sujets[231], fondant lepactisme portugais[232]. À l'issue des Cortes de Leiria,Alphonse III s'engage à ne plus recourir à la dévaluation de la monnaie, en échange du droit de lever un impôt sur le revenu à l'échelle nationale, semblable à lamoneda forera du Leon, lemonetagium(pt). Les Cortes de Leiria ouvrent la voie à l'une des premières limitations constitutionnelles écrites du monde, l'Instrumentum Super Factio Monete, formalisée par les cortes deCoimbra de 1261[233],[234], qui constitue une véritable « constitution fiscale » du royaume[235]. Surtout, elles dotent le Portugal de sa seconde grande institution souveraine. Les Cortes, qui donnent au Portugal une culture proto-parlementaire, occupent un rôle central dans la vie politique du pays jusqu'auXIXe siècle, posant des vétos aux politiques gouvernementales, prenant des mesures constitutionnelles, validant systématiquement les intronisations des souverains, départageant les prétendants et légitimant les rois lors des crises de succession[230]. Le Portugal étant doté de ses deux grandes institutions souveraines, le roi et les Cortes, commence alors la période de mise en ordre du pays et de construction de l’État monarchique portugais[236].
Mise en ordre du royaume et construction de l’État portugais
De 1249 à la fin duXIVe siècle, le Portugal fait l'objet d'une politique de réorganisation, decolonisation intérieure et de mise en valeur soutenue de la part de ses rois. Cette politique est institutionnalisée sous le règne deDenisIer (1279-1325), premier roi libéré des contraintes de la Reconquista, qui constitue un règne charnière dans la construction de l’État portugais. Comme héritier du trône, Denis est très tôt formé par son pèreAlphonse III (1248-1279) pour diriger le Portugal. Premier monarque portugais véritablement lettré, ayant toujours signé de son nom complet[238], il est considéré comme l'un des plus habiles souverains du pays, en plus d'avoir été l'un des plus importantspoètestroubadours portugais desXIIIe et XIVe siècles[239],[240]. Au moment où il arrive au pouvoir, le jeune roi, âgé de dix-huit ans, est à la tête d'un royaume constitué par la juxtaposition d'anciennes souverainetés indépendantes, qui ont conservé chacune leurs propres règles et lois. Le royaume possède unelégislation dense, mais qui manque d'unité. Ce manque d'unité se retrouve également en termes d'autorité politique. Pressés par les besoins de laReconquista, ses prédécesseurs avaient laissé une grande autonomie à la haute noblesse terrienne et aux Conseils municipaux, et ils avaient installé un certain nombre deseigneurs de guerre un peu partout pour défendre et gérer le territoire, avec des pouvoirs considérables[84].
Forteresse de Juromenha, située sur le bord du fleuveGuadiana, à la frontière avec lla Castille, reprise auxMaures parAlphonseIer en1167, et maintenue en activité jusqu'à la période Moderne.
Tout en progressant politiquement sur son front intérieur, le roi affermit la position extérieure du Portugal dans la péninsule. À son arrivée au pouvoir, le pays est en litige avec la Castille à propos des frontières de l'Alentejo, que les Portugais ont conquis par une série de campagnes éclairs, en empiétant sur la zone d'influence de leur voisin[247]. Lorsqu'une crise de succession éclate en 1296 en Castille, entreFerdinand IV de Castille (1295-1312) et son oncleJean de Castille(es), qui s'est proclamé roi, DenisIer y voit tout de suite une opportunité de régler cette question. En échange du retrait de son soutien à l'usurpateur Jean, le roi portugais obtient deFerdinand IV de Castille la reconnaissance de la souveraineté portugaise sur les bourgs deSerpa etMoura, sur les territoires situés au-delà duGuadiana, ainsi que la rectification de la frontière deRibacoa. La frontière définitive entre le Portugal et la Castille est établie par letraité d'Alcañices, le[248]. Cette frontière, appelée la « Raia », constitue la plus ancienne frontière terrestre toujours en vigueur à ce jour[249]. Une fois ce litige résolu, aucune autre guerre n'a lieu durant son règne, donnant l'image d'un roi très pacifique pour son époque[250]. En réalité cette paix durable est le produit d'une stratégie volontariste de sécurité et de prévention[251]. En 1301, le roi établit une alliance formelle avec Ferdinand IV, qui est toujours aux prises avec son oncle, replié dans leLeón. Pour sécuriser sa frontière, il dote d'une garnison et entretient l'ensemble des châteaux repris aux musulmans des villes et villages frontaliers, posant la base de la ceinture de fer qui caractérise l'architecture défensive du pays jusqu'auXIXe siècle[252]. Le seul territoire de Ribacoa, par exemple, intègre les châteauxd'Alfaiates,d'Almeida,Castelo Bom, Castelo Melhor,Castelo Mendo,Castelo Rodrigo, Monforte,Pinhel,Sabugal et Vilar Maior[253]. Parmi les vastes terres constituant le domaine royal dans les régions du nord au sud, une partie importante du territoire méridional est placée sous le contrôle des puissants ordres militaires[254].
Étant donnée l'importance du fait religieux dans la péninsule et l'Europe de l'époque, la construction de l’État monarchique portugais passe alors nécessairement par une définition des liens de la royauté avec l'Église catholique. Au moment où s'achève la Reconquista portugaise, l'Église catholique, portée par laRéforme grégorienne, est au sommet de sa puissance, et constitue un acteur politique et social incontournable. À force de luttes féroces, Rome est parvenue à imposer aux princes européens uneconception théocratique du droit public soutenue par la faction desguelfes en Italie et dans l'Empire, qui a abouti auGrand Interrègne (1250-1273). Dans ce contexte, menant lui-même un processus decentralisation, le roi portugais a parfaitement conscience que l'Église peut constituer un allié de poids pour affirmer son autorité face à sa noblesse. Pour se concilier laPapauté, autonomiser son pays en matière religieuse et asseoir son autorité sur le clergé portugais, plutôt que de laisser la noblesse et le clergé s'entredéchirer comme l'avait faitSanche II, le roi Denis signe un traité avec le papeNicolas III, par lequel il promet de servir et protéger les intérêts de l'Église catholique et deRome au Portugal[255],[256]. Par la signature duConcordat des Quarante Articles avec le papeNicolas IV en 1289, le roi confirme son rôle de tuteur et protecteur des intérêts de l'Église dans son royaume[257]. À ce titre, il est en mesure en 1319 de concéder l'asile auxTempliers, accusés d'hérésie par le roi de FrancePhilippe IV le Bel (1285-1314) et condamnés à l'anéantissement par le papeClément V, en créant pour eux l'ordre du Christ[258],[259]. Sa reconnaissance et son droit à hériter des biens ainsi que des propriétés des Templiers sont négociés avec le papeJean XXII[260]. Conçu comme une continuation directe de l'ordre du Temple, l'ordre du Christ devient rapidement une des principales organisations économiques et militaires du pays, et l'un des principaux instruments de pouvoir de la Couronne, à laquelle chevaliers du Christ sont totalement dévoués[261]. Socialement, cet ordre permet à la Couronne de récupérer, d'encadrer et de se concilier la petite noblesse dechevalerie et lescadets désargentés de la hautenoblesse, qui trouvent dans cette structure prestigieuse une source de revenus et de reconnaissance sociale[143].
Conscient de l'importance de densifier la toile commerciale du pays, et de favoriser le développement d'unebourgeoisie d'affaires, le roi encourage le développement des corporations urbaines et rurales, la fondation de communautés rurales diverses, la tenue de marchés et defoires commerciales, permettant la création de nombreuses villes[134]. Pour favoriser les intérêts des marchands portugais, il crée un fonds appelé la « Bourse de Commerce » (Bolsa de Comércio), première forme documentée d'assurance maritime en Europe, approuvée le 10 mai 1293[262],[263]. Cela permet la formation d'une marine marchande pour le commerce avec laCatalogne, laBretagne, les pays nordiques et l'Angleterre, avec qui il signe un premier traité commercial en1308. Conscient de la nécessité de sécuriser totalement ses littoraux, il dote sa marine de guerre d'une amirauté permanente, et obtient par contrat en 1317 les services du marin et marchand génoisManuel Pessanha comme amiral de sa flotte[264]. Conformément aux termes du contrat, Pessanha et ses successeurs s'engagent à fournir vingt capitainesgénois, considérés comme les meilleurs marins de l'époque, pour commander les galères du roi àLisbonne, et former les capitaines portugais. Outre ces cadres de navigation, le roi fait venir des pays voisins des techniciens en navigation pour améliorer la qualité de ses navires[265], fondant ainsi laMarine royale portugaise[266]. Parce qu'il est coupé d'accès terrestre au reste de l'Europe par la Castille, le Portugal conçoit dès cette époque la l'océan comme un espace de souveraineté et la maîtrise des mers comme un enjeu vital[143].
Pour faciliter le lien entre le peuple et les administrations et renforcer la centralisation systématique du pouvoir royal, DenisIer promulgue un décret en 1290 élevant leportugais au rang de « langue officielle de l'État »[275],[276]. Le portugais remplace désormais lelatin comme langue des tribunaux[277] et « des procédures juridiques ainsi que judiciaires » du royaume[278],[279],[280]. Sous son impulsion,Lisbonne devient un centre de culture et d'apprentissage[281],[282]. La première université du Portugal, « l'Estudo Geral », est fondée par la promulgation du « Scientiae thesaurus mirabilis » àLeiria le 3 mars 1290[283]. Des cours sur lesarts, ledroit civil, ledroit canonique et lamédecine sont donnés et, le 15 février 1309, le roi accorde à l'université une charte, la « Magna Charta Privilegiorum »[284]. L'université est déplacée plusieurs fois entre Lisbonne etCoimbra, pour finalement s'installer pour plus d'un siècle à Lisbonne en 1390 par ordre du roi JeanIer[285]. Le travail administratif soutenu du souverain n'en fait pas pour autant un homme coupé du terrain. Soucieux de son image, et d'établir un lien affectif direct et fort avec ses sujets, le roi voyage dans le pays tout au long de son règne, visitant les bourgs et essayant d'apporter des solutions aux problèmes rencontrés. Conformément à l'idéal du roi chrétien, avec l'aide de son épouse, la reineElisabeth d'Aragon dite sainte Elisabeth (1271-1336), il essaye d'améliorer la vie des pauvres[286],[287] et fonde diverses institutions de charité[288],[289].
Tout au long duXIVe siècle, les successeurs de DenisIer poursuivent le processus de centralisation et de construction de l’État monarchique, en mettant l'accent sur le renforcement de la Justice royale, développée en faveur de la roture, au détriment des justices féodales. En 1327, le roiAlphonse IV créé la fonction des « juges extérieurs » (juízes de fora), étendue à tout le royaume entre 1332 et 1340[290],[291]. Cesmagistrats royaux, envoyés depuis l'extérieur des localités, sont présentés comme garants d'indépendance et d'impartialité face aux abus des seigneurs locaux ou des juges municipaux jusqu'alors élus par les Conseils aux mains des élites urbaines[290],[291]. Déterminé à imposer un monopole royal sur lepouvoir judiciaire, le roi interdit l'intervention des nobles dans la Justice, et il proscrit lavengeance privée, pratiquée par la noblesse, sous peine de mort[290],[291]. Sous le règne suivant, pour accélérer les procédures de la justice royale, son filsPierreIer le Justicier interdit en 1361 la pratique de l'office d'avocat, sous peine de mort, et place les différentes parties directement face aux juges royaux, afin que ces derniers rendent leur sentence rapidement sans interférences extérieures[292]. Cette mesure, qui vise directement les élites économiques ayant les moyens de recourir à desjuristes professionnels, permet de mettre sur un pied d'égalité les différents protagonistes des procès, indépendamment de leurs moyens et de leur statut social[292]. Les protestations des tribunaux lésés dans leurs prérogatives sont sans effet[208]. En parallèle, les peines sont alourdies, et appliquées avec une extrême brutalité, sans distinction d'ordre ou de rang[292].
Des interventions dans la péninsule Ibérique à la crise de 1383-1385
La bataille du Salado, du 30 octobre 1340, entre la coalition musulmane mérinido-nasrides et la coalition chrétienne castillano-portugaise, où l'aide portugaise, cruciale et permet une victoire terrestre décisive. Monastère royal de Santa María de Guadalupe.
Disposant d'un État remarquablement structuré, doté d'importants moyens financiers et militaires, les rois portugais s'investissent activement pendant leXIVe siècle dans les affaires de la péninsule. Après la disparition des dernièrestaïfas maures deLusitanie, le Portugal continue à participer aux guerres de Reconquête de ses voisins, qu'il aide régulièrement[293]. Les troupes et les navires de guerre portugais ont par exemple un rôle décisif lors de labataille du Río Salado, qui sécurise legolfe de Cadix et la mer des Juments en 1340[294],[295]. En parallèle, les rois et les princes portugais n'hésitent pas à s'ingérer dans la vie politique des royaumes voisins, nouant desalliances matrimoniales avec les autres États de la péninsule, et déployant des stratégies diplomatiques complexes ponctuées de guerres, en concurrence avec lesrois de Castille et d'Aragon[84]. Cette politique ibérique est rendue nécessaire par l'évolution de la situation dans la péninsule. Depuis que le Portugal a achevé saReconquista, la Castille et l'Aragon ont augmenté leur poids en constituant à leur profit deux vastes ensembles confédéraux absorbant les royaumes et principautés voisins. À l'est de la péninsule, lacouronne d'Aragon regroupe autour duroyaume d'Aragon lesprincipautés catalanes, leroyaume de Valence et leroyaume de Majorque. Au centre de la péninsule, lacouronne de Castille regroupe autour duroyaume de Castille les royaumes deLeón, deMurcie et deNavarre. Tout en menant cette politique d'absorption politique, la Castille et l'Aragon ont aussi augmenté leur poids en agrandissant leur territoire avec la poursuite de leurReconquista.
De son côte, ayant achevé saReconquista et stabilisé ses frontières précocement, le Portugal a pris de l'avance dans la construction de son État monarchique et le développement de son modèle socio-économique particuliers, bonifiant les apportsarabo-andalous etjuifs, et favorisant les intérêts de la bourgeoisie urbaine et du peuple au détriment des grands féodaux. Ce modèle donne à la monarchie portugaise une assise et des moyens larges. Disposant d'un cadre politique stable, le pays connait une homogénéisation religieuse, culturelle et ethnique. Ce processus, très lent, qui s'étend sur plusieurs siècles, permet la constitution d'une identité politique et culturelle portugaise originale en contexte hispanique, qui intègre au substrat romano-lusitanien de nombreux apports germaniques, arabo-berbères et juifs. Seul grand royaume ibérique à être exclusivement tourné vers l'Atlantique, le Portugal développe en outre des liens commerciaux et politiques plus intenses que ses voisins avec les puissances d'Europe du Nord. Ces éléments font du Portugal une puissance singulière dans la péninsule, qui offre un contre-modèle aux monarchies féodales voisines, et cela se ressent dans sa politique ibérique.
En 1328 et 1329, Lisbonne noue une alliance avec lacouronne d'Aragon et lacouronne de Castille. Très vite, la Castille devient à la fois le principal rival et le principal objet de convoitise du Portugal. Les mariages entre les dynasties royales des deux pays s'enchaînent, chacune espérant absorber l'autre. Parce qu'elles sont susceptibles de conduire à des fusions dynastiques, qui conditionnent des modèles d'États, et des systèmes socio-économiques, ces alliances matrimoniales cristallisent des enjeux politiques qui vont très au-delà des époux engagés, et mobilisent des partis puissants, et parfois des sociétés entières. Ainsi, sous le règne d'Alphonse IV, une série d'incidents matrimoniaux mêlant violences, adultères et enlèvements, sur fond de divergences idéologiques, amènent le Portugal à livrer une guerre à la Castille à partir de 1336. Le conflit, qui dure trois ans, ne s'achève qu'en 1339, grâce à l'intervention duPape et duroi de France, avec la signature du traité de paix de Séville[296]. Pour prendre la Castille à revers, Alphonse IV renouvelle en 1346 son alliance avec leroi d'Aragon, en organisant le mariage de l'infanteÉléonore de Portugal avecPierre IV d'Aragon (1336-1387)[84]. Profitant du développement des échanges maritimes avec l'Europe du Nord, un second accord commercial avec l'Angleterre est établi en 1353[297]. La mort d'Alphonse XI de Castille, et les troubles provoqués par l'arrivée sur le trône de son filsPierreIer de Castille (1350-1366) bouleversent les relations sur la scène politique ibérique[298].
Pour ne pas envenimer la situation, le roiAlphonse IV de Portugal s'efforce de ne pas intervenir directement, et il essaye de désamorcer la rébellion contre sa fille et son petit-fils en mariant son fils, le prince héritierPierre, àConstance de Castille, une noble d'une famille influente du parti conservateur castillan[300]. Mais cette politique prudente de reconciliation n'est pas du goût de tous. Parmi les exilés castillans au Portugal, figurent de nombreux nobles habitués aux intrigues de cour, qui tôt créent leur propre faction au sein de la cour portugaise, et essayent de faire intervenir le pouvoir portugais militairement dans le conflit, et notamment le prince héritier Pierre, pour servir leurs propres intérêts[143]. C'est dans ce contexte que s'inscrit le célèbre épisode des amours du princePierre et d'Inès de Castro, princesse castillane assassinée en 1355 sur ordre du roi d'Alphonse IV de Portugal pour éviter que son fils ne s'engage dans laguerre en Castille, puis vengée, exhumée et proclamée reine à titre posthume par ce dernier après son arrivée au pouvoir, lors d'une macabre cérémonie de couronnement[301]. Alors que son père le roi Alphonse IV avait eu le souci de mener une politique de neutralité et d'apaisement prudente par rapport au conflit qui déchire la Castille, après son arrivée au pouvoir, PierreIer de Portugal prend le parti de soutenir ouvertement son neveuPierreIer de Castille, dans laguerre civile qui l'oppose à son demi-frère[302].
Les premiers signes de crise structurelle apparaissent un peu avant le milieu duXIVe siècle. En 1343, une crise frumentaire secoue le royaume, proportionnellement surpeuplé. Au milieu duXIVe siècle, laGrande peste décime le Portugal, provoquant la mort de 50 % de sa population. Cette crise est l'occasion pour la Couronne portugaise de poursuivre et intensifier ses réformes. Sous le règne deFerdinandIer, laloi des sesmarias(pt) promulguée en 1375 réorganise la propriété foncière, avec des redistributions massives des terres non-exploitées aux paysans s'engageant à les mettre en culture[303],[304]. Elle impose aussi aux vagabonds, aux mendiants, et à tous les désœuvrés dans les villes, de servir dans les labours[305]. Ce processus, qui optimise la production céréalière du pays, renforce à la fois la petite propriété libre, les regroupements enlatifundium et le développement du salariat journalier agricole[306]. En parallèle, le souverain portugais promulgue une série de mesures administratives, d'aide logistique et d'exemptions fiscales pour favoriser laconstruction navale et lecommerce maritime. Ces mesures permettent aux ports portugais de poursuivre leur développement, et àLisbonne de renforcer son rôle de grand carrefour maritime entre la Méditerranée et les mers du Nord. Portés par ces mesures, les marchands portugais s'aventurent sur tous les marchés internationaux, s'installent enFrance, enAngleterre, dans lesPays-Bas, et dans l'ensemble dubassin méditerranéen, tandis que de nombreux marchands génois, anglais et néerlandais s'établissent au Portugal pour faire du négoce. Le développement de ces réseau a des répercussions sur le positionnement international du Portugal, qui renforce encore son lien aux puissances d'Europe du Nord. En 1373, la Couronne portugaise établit notamment un traité d'alliance commerciale et militaire perpétuelle avec l'Angleterre, letraité de Londres, qui pose les bases de l'alliance anglo-portugaise.
L'armée anglo-portugaise défaisant l'avant-garde française de l'armée de Castille pendant les guerres fernandines. Enluminure de laChronique d'Angleterre deJean de Wavrin.
Tout en s'ouvrant sur l'Atlantique nord, le Portugal poursuit ses guerres et ses intrigues sur l'échiquier politique ibérique. En 1369, lapremière guerre civile de Castille s'achève avec la victoire d'Henri de Trastamare, qui devient roi sous le nom d'Henri II de Castille. En apprenant la défaite et la mort de son cousin PierreIer de Castille, assassiné sans laisser d'héritier, FerdinandIer de Portugal revendique la couronne de Castille en tant qu'arrière-petit-fils deSanche IV de Castille[307]. Prenant la tête de ce qui reste du parti réformateur en Castille, le roi portugais est appuyé par des nobles issus de familles puissantes, et il a des soutiens enGalice ainsi qu'enAndalousie[308]. Grâce aux efforts de sa sœur,Marie de Portugal, il noue également une alliance avec Pierre IV d'Aragon[309]. Fort de ces soutiens, le roi portugais se lance de 1369 à 1382 une longue série de trois guerres connues sous le nom deguerres fernandines. Dans le cadre de ces campagnes, il signe en 1372 letraité de Tagilde avec le prince anglaisJean de Gand,duc de Lancastre, par lequel les deux hommes s'accordent sur le partage de laCastille et de l'Aragon. Malgré les soutiens dont il dispose, le roi portugais n'arrive à aucun résultat décisif, et la Castille finit même par menacer le Portugal. Faute de parvenir à réunir les deux couronnes par la force, et n'ayant pas d'héritier mâle, le roi portugais malade propose un compromis au roiJeanIer de Castille (1379-1390), consistant à lui donner la main sa filleBéatrice, alors âgée de dix ans, afin que leur premier enfant à naître, son futur petit-fils, élevé au Portugal, hérite de la Couronne portugaise, et permette par la fusion de deux dynasties d'amener la paix et de rapprocher les deux royaumes. Cette proposition est acceptée par leroi de Castille. Mais ce projet qui fait peser le risque d'une union des deux couronnes dominée par la Castille sous la régence, avec d'importants changements politiques et socio-économiques, suscite une forte opposition au Portugal.
À la mort du roi en 1383, s'ouvre une gravecrise politique qui oppose deux partis. D'un côté, le parti nationaliste, mené par le maître de l'ordre militaire d'Aviz,Jean, issu d'une branche bâtarde de ladynastie royale portugaise, qui veut que le Portugal conserve une dynastie régnante distincte de celle de la Castille, garante de son indépendance et de son modèle politique particulier[310]. Ce parti est soutenu par petit peuple, la bourgeoisie urbaine et la petite noblesse militaire portugais, qui savent qu'ils doivent leurs privilèges et libertés à la protection de la Couronne portugaise[310]. En face, le parti unioniste, mené par le roi JeanIer de Castille et son épouse Béatrice, ainsi que par la reine-mère et la régente du royaumeÉléonore Teles de Menezes (1383-1385), qui veut procéder à l'union des couronnes du Portugal et de Castille. Ce parti est soutenu par la haute noblesse terrienne, qui souhaiterait adopter le modèle politique et social de la Castille qui lui est beaucoup plus favorable, et avoir un roi lointain, qui ne la gênerait pas pour dominer le pays. La rupture entre les deux partis est rapide. À la mort du roi Ferdinand, le, la régence du royaume est confiée à sa veuve, la reineÉléonore Teles de Menezes, jusqu'à la majorité de sa filleBéatrice, conformément autraité de Salvaterra de Magos et au testament du monarque défunt[311],[312],[313]. La régente, détestée du peuple, maintient au pouvoir ses proches, d'origine castillane, ce qui renforce l'opposition des nationalistes, qui exigent que le gouvernement ne comprenne que des membres portugais[314]. Se faisant leur porte parole, lemaître d'Aviz écrit au monarque castillan, qu'il reconnaît roi consort par l'intermédiaire de son épouse, pour lui demander de le nommer régent en leur nom[315],[316],[317]. Mais au lieu de lui déléguer le pouvoir, le roi de Castille adopte lui-même le titre et les armes du roi de Portugal, avec la reconnaissance de l'antipape Clément VII[318]. Le coup d'État du monarque castillan, connu pour être un défenseur de l'aristocratie foncière, provoque la révolte de la population portugaise. Des émeutes qui éclatent dans les grandes villes[319]. Les évènements s'enchaînent alors rapidement.
La peste obligeant les Castillans à lever le siège de Lisbonne. Par Constantino Fernandes, 1901. Museu de Lisboa.
Le 6 décembre 1383,Jean d'Aviz et ses partisans prennent le contrôle de Lisbonne et mettent en fuite la régente. Avec l'aide deNuno Álvares Pereira, un chef militaire reconnu, le maître d'Aviz s’empare des villes deLisbonne,Beja,Portalegre,Estremoz etÉvora. En réaction, le roi JeanIer de Castille envahit le Portugal, occupeSantarém, et assiège Lisbonne pendant quatre mois, sans succès. Le, les deux armées s'affrontent à labataille des Atoleiros (littéralement « bataille des bourbiers »), gagnée par la faction d'Aviz. Battu, Jean de Castille se replie vers Lisbonne et pose à nouveau le siège devant la capitale ; avec sa marine, il bloque le port et prend le contrôle duTage. Son objectif est de faire tomber le centre du pouvoir et de se faire couronner roi dans la cathédrale de Lisbonne. Pour briser le siège, très dur, Jean d'Aviz cherche des soutiens à l'étranger. À ce moment, laguerre de Cent Ans bat son plein entre Français et Anglais[320]. La Castille étant l’alliée traditionnelle des Français, et le Portugal ayant établi un traité d'amitié perpétuelle avec Londres en 1373, il sollicite l’aide anglaise. En, une ambassade est envoyée à la cour du roiRichard II d'Angleterre. Le régentJean de Gand,duc de Lancastre, ancien allié du roi FerdinandIer, accepte d’envoyer des troupes au Portugal, afin de fragiliser la position de Jean de Castille, dont il vise le trône au nom de son épouseConstance de Castille, fille dePierre le Cruel. Le 1484, une escadre commandée par le capitaine Rui Perreira réussit à approvisionner à Lisbonne, au prix de très lourdes pertes : la quasi-totalité des bâtiments portugais sont coulés et Rui Pereira est mort au combat. Quelques semaines après,Almada, place forte de la rive sud du Tage, se rend aux Castillans. La situation s'aggrave pour les habitants de Lisbonne, mais le siège est également difficile pour la Castille, qui connaît des problèmes d’approvisionnement provoqués par les raids d'Álvares Pereira sur ses lignes de ravitaillement. À la fin de l’été, lapeste noire frappe l’armée castillane, forçant JeanIer à se retirer vers la Castille, le. Quelques semaines après, la flotte castillane abandonne le Tage.
La guerre de succession du Portugal de 1383-1385
Le retrait castillan permet aux Portugais de reprendre l'initiative. À la fin de 1384 et au début de 1385, Nuno Álvares Pereira reprend nombre des villes qui avaient proclamé leur soutien à la princesse Béatrice et à Jean de Castille. À Pâques, les troupes anglaises arrivent au Portugal. Bien que peu nombreuses, environ600 hommes, ce sont des soldats aguerris qui ont combattu en France, avec des unités d'archers équipés d'arcslong bow qui ont prouvé leur valeur contre les charges de cavalerie. Fort de ce soutien, Jean d'Aviz convoque lesCortes àCoimbra. Le, il est proclamé roi de Portugal sous le nom de JeanIer. Par un de ses premiers édits, le nouveau roi nomme Álvares Pereiraconnétable de Portugal et protecteur du royaume, avec autorité sur toutes ses forces armées. Le roi et le connétable partent pour le nord pour en finir avec les derniers foyers de résistance. Un corps expéditionnaire castillan, envoyé pour les stopper, est battu àTrancoso en mai.
La bataille d'Aljubarrota, opposant le Portugal à la Castille le 14 août 1385, qui voit la victoire écrasante du parti nationaliste portugais, et qui constitue l'un des événements majeurs de l'histoire portugaise. British Library, Royal 14 E IV f. 204 recto.
La victoire dumaître d'Aviz entraîne une véritable révolution politique et institutionnelle, qui parachève la construction de l’État monarchique portugais. À peine établi dans ses fonctions à Lisbonne, le nouveau roi prive les grands nobles ayant collaboré avec la Castille de leurs domaines et de leurs titres, qu'il redistribue à ses soutiens, issus de la bourgeoisie ou de la petite noblesse militaire, donnant naissance à une nouvelle haute noblesse, étroitement liée au service du roi, et insérée dans les ordres militaires. LeconnétableNuno Álvares Pereira, qui a eu un rôle décisif lors de la bataille d'Aljubarrota, est doté de vastes domaines fonciers, pris sur le domaine de la Couronne. Letraité de Windsor, signé en 1486, confirme et renforce l'aliance anglo-portugaise. Rompant avec la tradition de mariages princiers ibériques, en1387, JeanIer se marie avec la princesse anglaisePhilippa, la fille du duc de LancastreJean de Gand, renforçant par des liens familiaux les termes dutraité anglo-portugais. En 1394, il rachète les biens de la couronne engagés par ses prédécesseurs, limitant ainsi la puissance de son aristocratie[322]. Sous l'influence de la reine Philippa, les hiérarchies des institutions nobiliaires sont remaniées et calquées sur celles de la noblesse anglaise. Solidement établi sur son trône, le roi réunit de moins en moins souvent les Cortes et reprend le processus de centralisation du pouvoir. Le 31 octobre 1411, le Portugal et la Castille signent letraité d'Ayllón, qui reconnaît l'indépendance portugaise[323],[324],[325]. La crise achevée, s'ouvre alors la période desGrandes découvertes.
LeMonument des Découvertes, àLisbonne, représentant des navigateurs portugais érigeant unpadrão, borne de pierre frappée du blason du Portugal posée le long de la Route des Indes, et marquant la suzeraineté du Portugal sur les terres découvertes.
À l'issue de lacrise de 1383-1385, les nouveaux rois de laMaison d'Aviz décident de tourner le dos aux affaires de lapéninsule Ibérique, et de se lancer dans une ambitieuse politique d'exploration maritime et de conquêtes de territoires au-delà des mers[326] : c'est la naissance de l'Empire et le temps desDécouvertes, lancées par le princeHenri le Navigateur (1394-1460), et poursuivies par les roisÉdouardIer,Alphonse V etJeanII, que Camões immortalisera sous le nom de « Sublime Génération(pt) » (Ínclita Geração)[327]. Cette politique d'expansion ultramarine est une façon pour la nouvelle dynastie, issue d'une branche bâtarde, de se légitimer sur la scène politique ibérique, de canaliser les forces d'une noblesse militaire et de service nombreuse, et d'étendre les voies d'approvisionnement et les débouchés commerciaux du Portugal[143]. Elle est aussi un moyen de porter un coup d'arrêt aux ambitions de la Castille auMaghreb et dans l'Atlantique, en y imposant une sphère d'influence portugaise[84].
Le Portugal commence par entreprendre série de conquêtes au Maroc, qui lui permettent de verrouiller ledétroit de Gibraltar, de se tailler un domaine en terres musulmanes et de reprendre le flambeau de laReconquista.Ceuta estconquise en1415[328],Tanger etAssilah en 1471[326]. Ces conquêtes posent les fondations duMaroc portugais, qui devient pour un siècle le principal champ d'action desfidalgos, la haute noblesse militaire du pays[326]. En parallèle, depuisSagres, où il établit un centre de navigation de pointe doté d'ingénieurs, decartographes, decosmographes et de scientifiques, le princeHenri Le Navigateur se lance dans l'exploration de l'Atlantique en vue de trouver une route maritime vers les Indes contournant le continent africain[329]. Cette politique d'exploration est rendue possible grâce aux moyens financiers, techniques et humains de l'ordre du Christ, dont il est le grand maître, et dont lacroix patée est arborée sur les voiles de tous les navires portugais[329].
Pour mener leurs expéditions, les Portugais conçoivent un navire révolutionnaire, lacaravelle, qui associe un faible tirant d'eau, unecoque à fond plat et à hauts bords avec ungréement souple àvoiles latines, lui permettant de pratiquer la navigation océanique et côtière, et de naviguer par vents contraires[330]. Grâce à ce navire, les navigateurs portugais progressent rapidement le long du littoral africain. Lecap Boujdour est doublé en 1434 parGil Eanes[331], l'île d'Arguin est atteinte par Gonçalo de Sintra en 1445[329]. Une forteresse est établie à Arguin dans la foulée, afin de tenir la région, de faire du commerce avec les populations locales, de détourner les flux du réseau caravanier musulman, et d'offrir une escale sécurisée aux navires[329]. Progressivement, tous les archipels de l'Atlantique sont investis, colonisés et deviennent des escales dans ce mouvement d'expansion[326]. En1474,João Vaz Corte-Real etAlvaro Martins Homem auraient découvert leGroenland etTerre-Neuve[332].
Devenu roi,Jean II (1481-1495) centralise le pouvoir et continue de planifier de grandes expéditions[333]. Jean II est le monarque de laRenaissance par excellence : il met fin à certains privilèges, oblige la noblesse à lui prêter serment, se débarrasse des traîtres. Ainsi, leducFerdinand II de Bragance, qui conspire avec les Rois catholiques, est arrêté et exécuté en1483 ; en1484, c'est leduc de Beja et deViseu Diogo qu'il assassine lui-même pour les mêmes raisons. Le pouvoir et le domaine royal s'en trouvent agrandis, au prix de la haine de la grande noblesse. Ce ressentiment est d'autant plus vif que le roi délaisse la politique de conquêtes auMaroc et privilégie désormais la poursuite des découvertes de nouvelles terres et surtout de la Route des Indes.
Le fort Saint-Georges-de-la-Mine (São Jorge da Mina), construit par les Portugais en 1482, sur la côte de l'actuel Ghana, qui constitue un important point d'approvisionnement en or et en esclaves de l'Empire portugais. Inscrit sur la liste dupatrimoine mondial de l'Unesco.
La mission en est confiée àDiogo Cão, qui, en1481, emporte le premierpadrão, une borne de pierre revêtue des symboles du Portugal, qui marque à la fois lasouveraineté portugaise sur les terres découvertes, et sert de repère aux navigateurs sur la Route des Indes[326]. Cão remonte le fleuveCongo, débarque auroyaume de Kongo, auGabon, enAngola et enAfrique du Sud enfin, en1486. Entretemps, une seconde forteresse est installée àSaint-Georges-de-la-Mine dans le golfe de Guinée en 1482, afin d'exploiter l'or de la région et de se fournir en produits tropicaux, enmalaguette, et en esclaves[334]. Le succès de l'établissement est immédiat. Les richesses débarquées àLisbonne sont telles qu'elles entraînent la création de laCasa da Guiné, administration royale chargée de gérer les flottes et les flux commerciaux de l'Empire. Cette administration étend progressivement ses affaires sur l’ensemble de laCôte de l'Or, où elle fera construire lefort Santo Antonio d’Axim en 1503, puis celui d’Accra, et lefort São Sebastião de Shama[335]. D'abord établi comme un comptoir commercial, le fort Saint-Georges-de-la-Mine devient rapidement la tête de pont portugaise de toute l’Afrique de l’Ouest.
Pour accélérer les Découvertes, depuis le règne d'Alphonse V (1438-1481), les coûteuses expéditions ne sont plus uniquement royales mais confiées également à des commerçants privés : en échange de la possibilité d'exploiter les terres découvertes, ces derniers doivent découvrir 500 km de côtes par an[326]. Ces commerçants se financent par les bénéfices tirés des terres conquises et par l'activité deSaint-Georges-de-la-Mine, dans le golfe deGuinée, qui voit converger l'or de la région[334]. Devenu une base navale permanente, cette forteresse permet aux rois portugais d'interdire aux navires étrangers l'accès aux eaux portugaises[326].
Letraité de Tolède () instaure un partage de l'Atlantique avec la Castille, lui abandonnant les découvertes à l'ouest des Canaries et assurant au Portugal le monopole enAfrique. Au large du Maroc,Madère devient un point d'escale essentiel. Le vin, la canne à sucre et l'élevage s'y développent grâce à l'arrivée de migrants et d'esclaves. LeCap-Vert, les îles deSão Tomé et dePrincipe fournissent du sucre et du bétail.Sao Tomé, occupée dès 1472, devient le laboratoire de la plantation sucrière esclavagiste avant son introduction dans le reste des colonies portugaises[336]. Jean II passe une alliance avec le roi du Kongo pour enseigner la religioncatholique[337]. Le commerce avec lesAfricains rapporte aussi de l’ivoire et desfruits tropicaux[334].
C'est ensuiteBartolomeu Dias qui est envoyé en1487. Emporté par une tempête, le 6 janvier 1488, il double le « cap des Tempêtes »[338], qui est rebaptisécap de Bonne Espérance par le roi pour cette occasion. Il atteint l'actuelle côte duNatal en Afrique du Sud et entre dans l'océan Indien, mais faute de vivres et de logistique, unemutinerie l'empêche d'aller plus loin[326].
Les voyages des explorateurs portugais sous les règnes de Jean II et ManuelIer.
Dans le but de préparer le voyage vers les Indes, Jean II envoie en1488 des agents par voie de terre. Ces émissaires, polyglottes, et préparés pour se fondre au sein des populations, sont chargés de recueillir des informations sur la navigation et les courants dans l’océan Indien, sur la configuration politique de l'Orient, et éventuellement de trouver une trace du mythiqueroyaume du prêtre Jean. Les premiers à partir sont Pedro de Montanoio et Pedro de Lisboa, qui mènent l'expédition. Ils sont rapidement suivis dePêro da Covilhã et d'Afonso de Paiva, qui rapportent de précieux renseignements pour le voyage deVasco de Gama[339].
Les espions portugais partent versJérusalem, accèdent augolfe Persique, àAden à l'embouchure de lamer Rouge. Ils se séparent ensuite. Paiva part vers l'Abyssinie à la recherche du prêtre Jean. Covilhã part vers les Indes. Il passe parCalicut, puisSofala,Madagascar, revient auCaire où il apprend la mort de son compagnon. Depuis le Caire, il envoie ses informations au roi et repart pourOrmuz. À l'issue d'un long voyage, qui le fait passer par la mer Rouge, il parvient finalement à la cour dunégus chrétien d'Abyssinie, qu'il identifie auPrêtre Jean, s'y marie et y finit ses jours, richement doté par le souverain abyssin, qui comprend tout de suite l'intérêt d'une alliance avec les Portugais.
Représentation de « caravelle ronde » (caravela redonda), aussi connue sous le nom de « caravelle d'armada » (caravela de armada), modèle de caravelle renforcée et armée pour servir de navire de guerre, d'escorte ou de harcèlement dans le cadre des Armadas des Indes.João Serrão,Livro das Armadas),4e Armada des Indes portugaises (Gama, 1502).
Pendant ce temps au Portugal, prenant en compte les observations deBartolomeu Dias, le roi Jean II poursuit le perfectionnement de ses flottes et de son artillerie navale, en vue de faire aboutir les explorations maritimes lancées par son aïeulHenri Le Navigateur[333]. Le roi fait construire des flottilles de caravelles spéciales plus lourdes et mieux armées, dites « caravelles rondes(en) » (caravelas redondas), ou « caravelles d'armada » (caravelas de armada), aux pièces standardisées interchangeables, aux voilures mixtescarrées etlatines et à l'armature renforcée, aptes à tenir des voyages océaniques au long cours et les tempêtes du cap de Bonne Espérance, et à faire la guerre sur mer. Par leur souplesse, leur vitesse et leur armement, ces nouveaux modèles de caravelles, qui préfigurent certains aspects desgalions, constituent dès leur création des navires de guerre, de harcèlement et d'escorte redoutables dans l'Atlantique.
Pendant ce temps là, les Rois catholiques prennentGrenade et mettent fin à laReconquête espagnole en1492. Cette victoire leur laisse les mains libres pour entreprendre des expéditions.Christophe Colomb embarque en leur nom pour atteindre les Indes par l'ouest. Jean II, à qui il s'était adresse auparavant, avait refusé de financer ce voyage, privilégiant la route découverte parVasco de Gama et estimant, à juste titre, que Colomb se trompait dans ses calculs et ses projections. En1493,Christophe Colomb revient d'Amérique et c'est àLisbonne qu'il débarque en premier. Il annonce au roi que les terres découvertes lui appartiennent en vertu dutraité d'Alcaçovas. Jean II les revendique donc auprès du papeAlexandreVI. Une bulle papale établit alors un partage des nouveaux mondes entre les deux puissances ibériques qui passe à100lieues à l'ouest duCap-Vert. Jean II exige un autre accord : le, Espagnols et Portugais signent letraité de Tordesillas qui fixe la limite entre les zones portugaise et espagnole à370 lieues. Ce nouvel accord permet auBrésil, qui n'a pas encore été officiellement découvert, mais qui est certainement déjà connu de Lisbonne, d'être dans la zone attribuée au Portugal. Alors qu'il est en train de préparer la dernière grande expédition vers les Indes, Jean II, très impopulaire auprès de la noblesse, meurt probablement empoisonné en1495.
Vasco de Gama négociant des chargements d'épices et un éventuel traité d'alliance avec leZamorin de Calicut en 1498, représenté par Veloso Salgado (1864-1945), pour la Sociedade de Geografia de Lisboa, 1898.
C'est le nouveau roiManuelIer (1495-1520) qui tire profit de la politique intelligente de Jean II. À peine arrivé sur le trône en 1495, le nouveau souverain reprend à son compte les préparatifs de l'expédition planifiée par son prédécesseur. Parti de Lisbonne le 8 juillet 1497,Vasco de Gama arrive aux Indes le, ouvrant la voie au commerce très fructueux des épices contrôlé jusque-là par lesVénitiens[342]. Son voyage a été minutieusement préparé. Mais, à son arrivée àCalicut, il est mal accueilli par leZamorin, le souverain du royaume de Calicut, qui est étroitement lié aux commerçants arabes duProche-Orient[343]. Les Portugais identifient immédiatement les adversaires duZamorin sur la côte indienne du Kerala, notamment le rajah deCochin, qui les fournit en épices et en pierres précieuses[342]. En1499, une seconde expédition, commandée parPedro Alvares Cabral est envoyée avec l'objectif de s'imposer, par la force si nécessaire[343]. Le, pendant son trajet vers l'Inde, Cabral aborde auBrésil et en prend officiellement possession[344].
Portrait d'Alphonse de Albuquerque, second gouverneur de l'Estado da India, et principal artisan des conquêtes ayant permis d'établir la domination des Portugais dans l'océan Indien.
Arrivé à Calicut, il reçoit meilleur accueil mais très vite les Portugais doivent affronter la concurrence des Arabes, soutenus par les Vénitiens, desTurcs et desÉgyptiens. C'est la fin des voyages pacifiques, et le début de la « Croisade du Poivre » portugaise[342]. Tirant parti des divisions entre leshindous et lesmusulmans de la région, les Portugais placent lesultanat de Kilwa et leroyaume de Cochin sous protectorat, et ils commencent à construire à partir de 1502 desforteresses-factoreries dans tous les ports orientaux de la Route du Cap : àSofala etKilwa en Afrique de l'Est en 1502 et 1505, àCochin puis àCannanore dans leKerala en 1505 et 1507[341]. En 1505, ces premières forteresses sont dotées d'une administration permanente, et Lisbonne crée un poste de gouverneur etvice-roi des Indes pour organiser l'Empire et maintenir l'ordre dans l’océan Indien :Francisco de Almeida (1505-1509) en est le premier, suivi d'Afonso de Albuquerque (1509-1511). C'est la naissance de l'État portugais des Indes, l'Estado da India[345].
Caraques portugaises des Armadas des Indes, vers 1540. Ces puissants navires de guerre et de transport étaient considérés comme le symbole de la domination des Portugais en Orient.
Placés à la tête de puissantes armadas, ces deux chefs militaires sont chargés parManuelIer de détruire les flottes arabes, de finir de conquérir tous les points stratégiques de l'océan Indien, et d'y établir des forteresses pour verrouiller le commerce oriental[344]. En 1509, à labataille de Diu, Francisco de Almeida détruit l'immense flotte musulmane coalisée, formée par l'Égypte mamelouke, l'Empire ottoman, leroyaume de Calicut etVenise. Cette victoire, qui assure aux Portugais la maîtrise des mers, ouvre la voie aux conquêtes d'Alphonse d'Albuquerque. En prenant l'archipel de Socotra en 1507 et la métropole deMalacca en 1511, le gouverneur portugais s'assure le contrôle des accès à lamer Rouge et à l'Extrême-Orient[341]. Laconquête de Goa en deux temps, entre 1510 et 1515, lui permet d'étendre la domination portugais au centre de l'Inde occidentale, et de disposer d'un port en eaux profondes exceptionnel. Enfin, en conquérantOrmuz en 1515, il met sous tutelle leroyaume d'Ormuz, qui englobe l'Oman, et verrouille le commerce dans legolfe Persique[341].
La Carrière des Indes (Carreira da India), immense route maritime et commerciale reliant Lisbonne à Goa et Cochin, empruntée tous les ans par les Armadas des Indes (Armadas da India).
Ces conquêtes achèvent d'établir le monopole portugais sur les liaisons commerciales maritimes entre l'Europe et l'Orient, avec des conséquences majeures sur l'économie et la géopolitique mondiales[345]. En effet, tous les ans, depuis 1497, lesarmadas(en) de la Carrière des Indes (Carreira da India) quittentLisbonne pour l'Inde, où elles amènent des troupes fraîches et les instructions du roi, et d'où elles ramènent des tonnes d'épices (poivre,cannelle,clous de girofle), de métaux précieux (cuivre,or), dediamants, desoieries,plantes aromatiques,porcelaines, qui sont revendus a prix d'or à Lisbonne ou dans lafactorerie portugaise d'Anvers (feitoria de Flandres), et font la fortune des rois portugais[341]. Par contrecoup, en détournant l'ensemble des flux de commerce de l'océan Indien vers Lisbonne, et en entravant les approvisionnements duProche-Orient et de la Méditerranée, les Portugais provoquent la ruine ducommerce maritime arabe, un effondrement du commerce d'épices deVenise, et la chute duSultanat Mamelouk du Caire en 1517[344]. Surtout, les conquêtes d'Alphonse d'Albuquerque permettent aux Portugais de disposer d'assises territoriales fixes et d'organiser leur présence de façon pérenne en Orient, avec un État portugais des Indes très vite considéré par les Orientaux comme un acteur oriental à part entière, placé à la tête d'une véritable société luso-orientale, ayant ses logiques propres[342]. Cette réalité luso-orientale émerge à la suite des conquêtes, sous l'autorité d'Albuquerque[341].
Zones sous la domination de l'Estado da India sur le sous-continent Indien à son apogée, dans la seconde moitié duXVIe siècle.
Dès la fin des combats, des villes portugaises sont fondées dans les cités conquises, et peuplées de colons vétérans, lescasados, qui constituent lesmilices de l'Empire[346]. Pour assurer leur situation, ces hommes sont mariés avec des femmes indigènes converties[347], et dotés de terres confisquées aux anciens dignitaires musulmans[348]. En échange d'une série deprivilèges politiques, commerciaux etfiscaux, ils ont la mission de défendre les villes dans lesquelles ils vivent et d'assister la Couronne dans ses guerres[348]. Dans chaque ville, les Portugais fondent des institutions locales calquées sur le modèle de la métropole, qui leur permettent de gérer leurs affaires et de fonctionner de façon autonome[343],[349]. Fortes de leur domination des mers, les autorités portugaises lancent des flottes d'exploration depuis leurs possessions[344]. Ces expéditions, organisées dès 1513, leur permettent d'étendre leur emprise surCeylan, lesMoluques etTimor dans les années 1520 et 1530, et de pousser leur avancée et leurs réseaux de commerce jusqu'auSiam, enChine et auJapon dans les années 1540 et 1550[350],[n 15].
Principales ramifications du « Voyage du Japon » (Viagem do Japão), route commerciale maritime reliant Goa à Macao et Nagasaki via Malacca, à laquelle appartient l'axe commercial Macao-Nagasaki du « Grand Navire d'Amacon » (Nau do Trato).
Un commerce florissant se met en place avec le Japon à partir de 1542-1543, ouvrantl'époque du commerce Nanban, centré surNagasaki[351]. En 1557, les Portugais obtiennent le droit de s'établir àMacao, dans le sud de la Chine[352]. Ces positions leur permettent de disposer pendant la seconde moitié duXVIe siècle d'un quasi monopole sur le commerce entre leJapon et laChine, articulé autour de la ligne commerciale du « Grand Navire d'Amacon » (Nau do Trato, ouKurofune en japonais) qui transporte argent, porcelaines, soieries, et génère d'immenses fortunes[353]. Cette ligne est elle-même un tronçon d'une ligne commerciale plus vaste, reliantNagasaki etMacao àGoa viaMalacca, appelée le « Voyage du Japon » (Viagem do Japão), qui assure les liaisons entre l'Inde et la Chine[351].
À partir des villes conquises, des commerçants et de aventuriers partent à l'aventure, ou s'engagent comme mercenaires, et obtiennent des concessions dans les royaumes environnants : auSiam, dans lesroyaumes birmans, dans leBengale, enInde orientale ou dans lavallée du Zambèze[354]. Progressivement, une multitude de colonies royales ou privées sont fondées un peu partout sur le pourtour de l'océan Indien et dans lePacifique, et rattachées au réseau de la vice-royauté[343]. Chacune de ces colonies possède des flottilles lui permettant de faire du commerce ou la guerre, n'hésitant pas à pratiquer la guerrecourse. Placée au cœur de l'océan Indien, et desservie par un arrière-pays riche en bois de teck et en fer,Goa devient la capitale de cet immense empire géré par l'Estado da India[341], et l'une des plus grandes villes d'Orient et du monde[345].
Sur les bords du Tage, à Lisbonne, le Palais de la Ribeira, siège de laCasa da India, organe administratif central chargé de la gestion de l'Empire portugais. L'arsenal de laRibeira das Naus et les entrepôts impériaux se trouvent juste derrière.
C'est la naissance d'un véritable Empire global reposant sur un immense réseau mondial deforteresses et defactoreries, reliées par de puissantes armadas, et géré par uneadministration royale disposant de succursales aux quatre coins du monde. Placée au sommet de cet édifice administratif, laCasa da India établie à Lisbonne contrôle et vérifie les marchandises importées d'Orient, gère les recrutements des hommes, la logistique des armadas, la comptabilité de l'empire, et les relations commerciales avec les États alliés et vassaux[345]. Les richesses venues des colonies (épices, or, pierres précieuses, sucre, etc.) affluent pendant les décennies suivantes, portant le pouvoir royal à son apogée. Porté par ses succès et ses moyens financiers, ManuelIer réforme l'administration avec un nouveau code législatif afin de renforcer encore ce pouvoir, lesordonnances Manuelines de1521. Mais contrairement à son prédécesseur, il sait aussi ménager la noblesse qui, grâce aux revenus tirés de l'Empire, finit par y trouver son compte. En1555, le pays est considéré comme le plus riche d'Europe. C'est également une période de croissance démographique. Le Portugal compte environ 1,5 million d'habitants ; tout un peuple vit alors impliqué dans l'expansion outremer, et chaque année des milliers d'hommes embarquent dans les armadas vers les provinces de l'Empire.
Portée par l'afflux des richesses et par un souffle épique, la périodeQuinhentista, qui s'étend de 1481-1581, et qui correspond au pic de l'expansion portugaise enAfrique de l'Ouest et enOrient, est une période de foisonnement culturel, que beaucoup considèrent comme le siècle d'or portugais. Grâce aux revenus tirés de l'Empire, le roiManuelIer peut mener une politique de mécénat et de constructions ambitieuse, et entretenir une activité artistique soutenue. C'est la période des grands maîtres de la peinture portugaise,Francisco de Holanda,Jorge Afonso,Grão Vasco, lemaître de la Lourinhã ouFrei Carlos, qui produisent les premièresthéories de l'art portugaises et européennes[355], et animent des écoles de peinture prestigieuses installées dans toutes les grandes villes du pays. Partout dans le pays, on voit se multiplier de grandes constructions de laRenaissance portugaise, palais, couvents, églises. Lestyle manuélin, gothique flamboyant propre au pays, se propage sous l'influence de grands architectes, tels que Mateus Fernandes, les frères Diogo et Francisco de Arruda et les FrançaisDiogo Boitaca ou Nicolau de Chanterene. Sont alors produits plusieurs des chefs-d'œuvre de l'architecture portugaise, comme lemonastère des Hyéronymites de Lisbonne, latour de Belém, la façade dumonastère de la Sainte-Croix de Coimbra, les chapelles imparfaites dumonastère de Batalha, ou l'église de Notre Dame du Pópulo(pt). En 1530, pour faire face à l'accroissement de la population deLisbonne et à l'arrivée de nombreuses communautés marchandes, le roi Jean III fait construire le quartier duBairro Alto, qui étend la ville au-delà de ses murailles médiévales (cerca fernandina), en organisant ce nouvel espace sur un planorthogonal.
Reconstruction moderne d'un quadrant, instrument emblématique de la science nautique portugaise, conçu par le mathématicien et cosmographe Pedro Nunes, permettant déterminer avec précision la position astronomique des navires sur le globe terrestre.
Dans le domaine scientifique, la science nautique portugaise est alors une référence mondiale, qui pose les bases de la méthodologie des sciences modernes en ingénierie navale, astronomie, géographie et cartographie. Les travaux du cartographe et mathématicienPedro Nunes, par exemple, bouleversent les représentations du monde, en produisant des concepts et des instruments astronomiques encore utilisés de nos jours. Tout en constituant des documents littéraires de premier ordre, les rapports très détaillés (relações) des explorateurs portugais sur les populations, la faune et la flore des terres découvertes posent les fondements de la tradition portugaise et européenne enethnologie, enzoologie et enbotanique, et font faire un bond aux savoirs en pharmacologie. Sollicitée par les guerres et les longues traversées océaniques, lamédecine fait également d'importants progrès : études des poisons tropicaux et de leurs antidotes, rôles des vitamines contre certaines maladies comme lescorbut, renouvellement des normes d'hygiène en contexte médical, particulièrement dans l'hôpital de Goa ; avec des progrès décisifs dans les techniques de conservation des aliments, essentielles lors des voyages au long cours[356]. À partir de 1498, un vaste réseau d'hôpitaux et d'orphelinats soutenu par lesSaintes Maisons de la Miséricorde (Santa Casa da Misericordia) se développe dans le pays et l'Empire.
L'université de Coimbra, dotée de ses troisièmes statuts parManuelIer en 1503, et installée en 1537 dans le palais de l’Alcaçova, durant le règne deJean III.
La diffusion des savoirs est favorisée par l'imprimerie, introduite dans le pays dans la seconde moitié duXVe siècle. En1537, durant le règne deJean III (1521-1557), l’université (Estudo Geral), établie à Lisbonne depuis 1390, est implantée définitivement dans le palais de l’Alcaçova deCoimbra, qui s'impose comme un grand pôle intellectuel et culturel européen. Pour favoriser l'entrée au Portugal des idées neuves circulant sur le continent, le roi crée des bourses pour que les étudiants portugais puissent étudier hors du pays. En parallèle, pour disposer d'enseignants de renom, il s'efforce de faire revenir les grands intellectuels portugais établis à l'étranger par une politique habile de nominations. L'éruditAndré de Gouveia, jusque-là actif à Paris, est nommé principal duCollège des Arts et des Humanités fondé en 1547. Reprenant la stratégie royale à son compte, ce dernier fait venir à son tour de nombreux professeurs de l'étranger, parmi lesquelsÉlie Vinet (théologie),Pedro Nunes (mathématiques), etDiogo de Teive (droit,grec ancien). En 1548, l'université compte 1 200 étudiants répartis sur sept collèges, dotés d'une riche bibliothèque, qui constitue le noyau de l'actuellebibliothèque Joanina. Parmi eux, se trouvent plusieurs futurs grands noms de la littérature portugaise, commeAntonio Ferreira, ouLuis de Camões. Un peu plus tard, l'université comptera aussi parmi ses étudiants le philosophe portugaisUriel da Costa, qui sera l'une des principales influences deSpinoza[357]. Soutenue par la Couronne, et stimulée par ce bouillonnement intellectuel, la littérature se développe aussi avec les œuvres deGil Vicente,João de Barros,Sá de Miranda,Damião de Góis,Luis de Camões ouFernão Mendes Pinto, qui comptent parmi les classiques de la littérature portugaise et mondiale.
Alors que le Portugal semble à son apogée, et tire d'immenses richesses de son empire, c'est de l'Empire lui-même que vient la crise qui secoue le pays dans le dernier quart du xvıe siècle[358]. En 1576, le jeune roiSébastien Ier (1557-1578) est sollicité par l'ancien sultan détrôné du MarocMuhammad al-Mutawakkil (1574-1576), afin qu'il l'aide à récupérer son trône perdu lors d'une crise de succession[359]. Voyant là l'occasion de placer l'ensemble duMaroc sous protectorat, et contrecarrer la progression ottomane dans la Méditerranée, le roi accepte et lève une immense armée[360]. En 1578, le souverain portugais prend la tête de l'expédition, mais, le, labataille des Trois Rois tourne au carnage, avec des milliers de morts et de nombreux de prisonniers[361]. Une centaine de rescapés rentrent àLisbonne[358].Sébastien Ier y trouve la mort et son corps n'est pas retrouvé[359]. Une partie importante de lanoblesse militaire qui a accompagné le roi est morte au combat ou prisonnière en attente derançon[358]. C'est un désastre militaire, économique et politique : la défaite marque la fin de ladynastie d'Aviz et d'une époque glorieuse, chantée dansLes Lusiades par le poèteLuís de Camões, disparu également à cette époque[359]. Quatre siècles d'une indépendance chèrement acquise sont alors remis en cause[362].
La bataille des Trois Rois, le 4 août 1578, bataille décisive ayant mis fin au projet d'invasion duMaroc du roi portugaisSébastienIer. Musée du Forte de la Ponta da Bandeira, Lagos, Portugal. Par Miguel Leitão de Andrade, dans saMiscelânea (1629).
Outre la crise politique et économique, c'est une crise morale que connaît le pays : une Couronne endettée, des milliers de morts et des prisonniers dont il faut payer la rançon minent le pays. C'est dans cette atmosphère que nait et prospère un mouvementmessianique puissant, évoquant le retour du jeune roi : lesébastianisme. Ce mouvement est nourri par les stances prophétiques du prophète populaireBandarra, écrites dans les années 1530, qui annonçaient le retour d'un Roi perdu, « l'Encoberto » (l'Être occulte), chargé de sauver le Portugal[363]. Très vite, des imposteurs cherchent à se faire passer pour le roi mort pour prendre le pouvoir[364]. Dans la mesure où le roi disparu n'avait pas d'enfants, son oncle, le vieux cardinalHenri, dernier fils de ManuelIer, monte sur le trône le. Il est chargé de se trouver un successeur. Parmi les nombreux prétendants, son neveuPhilippe II de Habsbourg, petit-fils deManuelIer, etroi des Espagnes, est celui qui apparaît comme le mieux à même d'assurer la conservation de l'Empire portugais en renouvelant ses infrastructures maritimes et surtout en soldant la dette portugaise. Cette solution a les faveurs de la noblesse et du clergé. Le peuple est quant à lui divisé. Le petit peuple, « l'arraia miúda », favorise plutôt un prétendant portugais issu d'une lignée bâtarde,dom Antoine, prieur de Crato. Mais contrairement à ce qui s'était passé lors de lacrise de 1383-1385, la grande bourgeoisie, très influente, penche du côté de Philippe pour des raisons économiques. Elle entend profiter des marchés offerts par l'Espagne et ses colonies. Alors que les Cortes de Lisbonne (1579) et d'Almeirim (1580), minées par ces dissentions, n'arrivent pas à trancher, le vieux roi HenriIer (1578-1580) refuse de soutenir dom Antoine, et prépare en secret l'avènement de Philippe.
À la mort d'HenriIer sans descendance le 31 janvier1580, Philippeenvahit le pays et défait les partisans du prieur de Crato, lors de labataille d'Alcántara, le[365]. Celle-ci marque la fin de ladynastie d'Aviz et le début de celle desHabsbourg au Portugal. À l'occasion de la tenue desCortes à Tomar, en 1581, le roiPhilippe II, intronisé sous le nom de PhilippeIer de Portugal, s'engage à respecter l'ensemble des lois et coutumes portugaises. L'exploitation des colonies et l'administration du pays restent du domaine exclusif des Portugais. Dirigé par les Habsbourg, le Portugal est désormais associéin persona regis à laMonarchie catholique espagnole. La cour portugaise est transféréede facto àMadrid, mais le royaume conserve son indépendance juridique, administrative, monétaire et militaire, ainsi que ses institutions politiques et ses Cortes, garantes de son autonomie politique. Tout au long de son règne,PhilippeIer respecte strictement les accords établis. Bilingueportugais par sa mère et grand admirateur de la culture portugaise, le nouveau roi vit pendant les trois années qui suivent son couronnement dans la capitale portugaise[366]. Pour témoigner de son attachement au pays, il envisage même un temps d'établir sa cour àLisbonne, avant de finir par retourner à Madrid pour des questions pratiques, historiques et de centralité géographique[366],[367]. Philippe est alors à la tête d'un des plus vastes empire de l'histoire, dominant l'Atlantique, l'océan Indien et l'Amérique. Lisbonne est la capitale commerciale et le premier port atlantique de cet empire[368]. L'Union ibérique permet au Portugal de retrouver une certaine stabilité, de rétablir ses finances et renouveler ses infrastructures militaires et navales. Mais ses positions se retrouvent menacées par les ennemis des Habsbourg, la France, et surtout l'Angleterre et lesProvinces-Unies, anciennes alliées de la dynastie d'Aviz.
Interpellée par les richesses immenses cumulées par le Portugal et l'Espagne, l'Angleterre investit massivement depuis le règne d'Henri VIII (1509-1547) dans la construction navale, en adaptant ses navires à laguerre de course, afin de parasiter les lignes commerciales espagnoles. Les tensions religieuses liées auxguerres de religions accentuent la rivalité entre l'Espagne fer de lance du catholicisme, et l'Angleterre anglicane. Cette rivalité dégénère en guerre ouverte en 1585 après qu'ElisabethIer (1558-1603), anglicane, évince du trône d'AngleterreMarieIer (1553-1558), catholique, mariée à Philippe II. Si le Portugal avait été relativement épargné par ces attaques grâce à sonalliance anglo-portugaise, l'arrivée de Philippe II sur le trône portugais, qui suspend cette alliance, provoque la multiplication des attaques anglaises contre les navires portugais. En 1588, le conflit entre l'Union ibérique et l'Angleterre aboutit à une immense expédition ibérique mal préparée destinée à envahir l'Angleterre, qui se solde par la défaite de l'Invincible Armada, à l'occasion de laquelle le Portugal perd douze navires. Cette défaite, qui sonne comme un coup de tonnerre, met fin au mythe de l'invincibilité ibérique sur mer, et encourage toutes les puissances européennes à se tourner contre Philippe II.
Bataille entre l'Invincible Armada espagnole et la flotte anglaise, août 1588.
Parmi les puissances ayant intérêt à l'abaissement de l'Espagne, les plus impliquées sont lesProvinces-Unies des Pays-Bas, protestantes. Depuis 1568, lesPays-Bas, autrefois espagnols, sont enrévolte contre le souverain ibérique. En 1588, ce dernier décide de profiter de sa montée sur le trône du Portugal pour exercer des représailles, en fermant le port deLisbonne aux marchands néerlandais[343]. Cette fermeture, qui prive lesPays-Bas de tout accès aux richesses de l'Orient, pousse les Néerlandais, vieux partenaires des Portugais, à se lancer eux-mêmes sur mer, et à concurrencer les Portugais, en profitant des savoirs acquis à leur contact, en fondant laCompagnie néerlandaise des Indes orientales en 1602, puis laCompagnie néerlandaise des Indes occidentales en 1621[343]. Très vite, alors qu'ils se contentaient de mener une guerre de course contre les Ibériques dans l'Atlantique nord, les Anglais et les Français leur emboitent le pas, et se risquent dans l'Atlantique sud et dans l'océan Indien, battant en brèche les monopoles portugais. Le Portugal, alors peuplé d'un million d'habitants, doit alors faire face à une multiplication des ennemis et concurrents, avec des adversaires féroces et déterminés. En Orient, les souverains locaux essayent de profiter de l'arrivée de ces nouveaux acteurs pour se libérer de l'emprise des Portugais. S'ensuivent plusieurs décennies de guerres navales et terrestres constantes, sur trois continents, principalement entre les différentes vice-royautés de l'Empire portugais et les Compagnies commerciales néerlandaises à capitaux privés, laVOC enOrient, et laWGC auBrésil et enAfrique.
Bataille de Goa entre les flottes portugaise et néerlandaise en 1638. Peint par Johannes Vingboons en 1665. Collection bibliothèque nationale autrichienne, Vienne.
Ces guerres, connues sous le nom deguerre néerlando-portugaise, préfigurent par leur étendue, leurs implications et leur intensité les grandsconflits globaux de la période contemporaine. Elles sont surtout, pour les différents belligérants, un vaste champ d'expérimentation technique et militaire, et d'apprentissage géopolitique, qui posent les bases du monde tels que nous le concevons encore aujourd'hui en Europe en termes militaires, géopolitiques et de points clés stratégiques. Après avoir dominé leurs adversaires deux décennies, les Portugais se retrouvent dans une situation particulièrement difficile dans les années 1620 et 1630. À force de multiplier les attaques, et par des jeux d'alliances habiles, les Néerlandais parviennent à établir un protectorat surCochin etCeylan, à progresser enInsulinde et à prendre pied commercialement auJapon. Dans le golfe Persique, les Anglais parviennent à faire tomber Ormuz en 1622 en faisant intervenir la Perse.Goa,Macao,Malacca et leMozambique sont alors sous pression militaire constante[369]. Dans l'Atlantique, les Néerlandais arrivent en 1624 à prendreBahia, auBrésil où ils fondent laNouvelle-Hollande. En parallèle, ils s'attaquent aux places portugaises d'Afrique pour couper les routes ducommerce triangulaire portugais et mettre la main sur leurs sites d'approvisionnement en esclaves. En Angola,Luanda est soumise à un siège permanent. Plus au nord, en Afrique de l'ouest,Arguin tombe en 1633, etSaint-Georges-de-la-Mine en 1637.
Forts jumeaux portugais sécurisant le port et la ville-forteresse de Mascate, en Oman, qui devient le centre opérationnel de l'État portugais des Indes dans le golfe Persique après la chute et la destruction d'Ormuz par le souverain perse séfévide Shah AbbasIer en 1622, soutenu par les Anglais.
Dans ce contexte, le Portugal doit déployer une activité permanente pour essayer de rétablir l'intégrité de l'Empire. Les troupes sont régulièrement réorganisées et renforcées. En 1618, les Portugais dotent par exemple leurs flottes de troupes d'artillerie spécifiques détachées de l'armée de terre, en fondant leur premier régiment d'infanterie navale (Terço da Armada da Coroa de Portugal), à l'origine du corps de fusiliers navals du Portugal et du Brésil[370]. De puissantes armadas construites à un rythme industriel sont envoyées sur tous les fronts pour reprendre le contrôle des espaces menacés par les Anglais et les Néerlandais. Après la chute d'Ormuz en 1622, le capitaineRui Freire de Andrade rétablit la situation en 1625 à Mascate en Oman et récupère pour un temps le contrôle stratégique dudétroit d'Ormuz[371], qui constitue un point de passage essentiel entre leProche-Orient et le reste de l'Asie[n 16]. Voyant que l'État portugais des Indes est trop solidement ancré dans leKonkan et dans la partie occidentale de l'océan Indien, les Néerlandais décident de concentrer leurs efforts sur l'Insulinde, où la présence portugaise est plus éparse et en butte à une résistance musulmane locale. Mais les puissantes armadas envoyées depuis Goa et les escadres stationnant sur place les empêchent de faire sauter le verrou deMalacca, qui résiste à leurs attaques tout au long des années 1620 et 1630[372]. En parallèle à ces campagnes menées en Orient, le Portugal organise une grande expédition militaire et navale luso-espagnole en avril 1625 pour reprendre la ville deSalvador, au Brésil, aux Néerlandais qui ont conquis la ville un an auparavant[373]. Cette expédition inaugure une série d'actions de grandes ampleur dans la région, en soutien à la résistance de la population portugaise réfugiée dans leSud du Brésil ébranle les positions néerlandaises de plus en plus fragiles économiquement et en effectifs, sans parvenir à les briser[374].
Portrait du ducJean de Bragance, porté au pouvoir en décembre 1640 par la révolution des Quarante Conjurés, qui met fin à l'Union ibérique, et ouvre la période de la Restauration, sous le nom deJean IV de Portugal.
La situation est alors d'autant plus difficile pour les Portugais que les relations avec Madrid se tendent. Les premiers accrocs entre Portugais et Castillans surgissent à la fin du règne de PhilippeIer et se poursuivent avec son successeur. Contrairement à son père,Philippe II de Portugal (1598-1621) se désintéresse du pays et de l'administration en général. Il délègue ses pouvoirs à ses favoris et auvice-roi qui cherche à centraliser le pouvoir et à remettre en cause l'autonomie du Portugal. Un nouveau code législatif est introduit en 1603, lesOrdonnances philippines. Si ce code reprend pour l'essentiel les dispositions desOrdonnances manuélines de 1521, qu'il actualise et rationnalise, le fait qu'il soit imposé par un représentant de Madrid est mal perçu par les Portugais. Dans ce contexte, le mouvementsébastianiste gagne en vigueur. Malgré l'interdiction duSaint-Office, les stances prophétiques de Bandarra circulent sous diverses versions manuscrites clandestines, et deviennent un objet littéraire de résistance, cristallisant les aspirations nationalistes de la population, mais aussi des élites portugaises. L'année où sont promulguées les Ordonnances philippines, D. João de Castro, petit-fils homonyme du célèbrevice-roi de l'Inde portugaise, finance lui-même la première édition clandestine imprimée des stances[375]. D'autres ouvrages comme laPérégrination deMendes Pinto, ou LesLusiades deCamões, grande épopée nationaliste, sont également mobilisés et activement diffusés par les opposants aux Habsbourg. Favorisés par ce mouvement, de faux Sébastien continuent à apparaître[363].
Pendant les années qui suivent, Philippe II accroît son impopularité en augmentant les impôts pour mener les guerres de laCastille en Europe, en affichant une certaine tolérance envers lesnouveaux chrétiens et en signant au nom de la Couronne espagnole une trêve avec les Néerlandais, qui en profitent pour conforter leur place dans l'océan Indien. À ce moment, se diffuse dans la société portugaise le sentiment que les avantages tirés de l'Union ibérique ne compensent pas les pertes et préjudices qu'elle provoque. Dans l'imaginaire populaire, l'Espagne devient la cause de tous les maux du pays. Signe que les autorités prennent la contestation au sérieux, un dernier faux Sébastien, un Italien, est exécuté en 1619[363]. La contestation s'accroît encore sous le règne dePhilippe III (1621-1640), quand son favori et Premier ministre lecomte-duc d'Olivares, très centralisateur, bafoue les accords sur l'autonomie du pays, alourdit encore la pression fiscale pour mener des guerres qui ne concernent pas le Portugal, et prétend lever des troupes portugaises au service de laCastille[376]. De grandes révoltes éclatent : la mutinerie des Maçarocas à Porto en 1628 contre l'impôt sur le lin filé, la Révolte du Manelinho de 1637 dans l'Alentejo provoquée par les hausses d'impôts et les conditions de vie difficiles[377]. Profitant du mécontentement et des troubles, un groupe de grands nobles, connu sous le nom des « Quarante Conjurés », échafaude une conspiration visant à renverser la dynastie desHabsbourg, et à rétablir une dynastie royale nationale, issue d'une branche cadette de ladynastie d'Aviz, lesBragance. Après avoir convaincu le ducJeanIV deBragance de s'associer à eux, les conjurés s’emparent du palais royal de Lisbonne le[378]. Le 15 du même mois, Jean devientroi de Portugal sous le nom de Jean IV (1640-1656)[378].
La restauration d'une dynastie régnante nationale au Portugal est suivie d'une longueguerre de vingt-huit ans contre l'Espagne, qui dure jusqu'en1668. Cette guerre est portée au Portugal par un mouvement d'affirmationnationaliste puissant, qui mobilise toutes les strates de la société, sur un fond messianique assumé[376]. Tout au long du conflit, les partisans de Jean IV entretiennent l'idée que le « Roi-Restaurateur » est l'incarnation de l'Être occulte, l'Encoberto, venu guider le Portugal, prophétisé parBandarra[363]. L'effet d'entraînement suscité par ce mouvement permet aux Portugais d'afficher une grande cohésion, et de fortes capacités de mobilisation[376]. Ces atouts sont habilement exploités par le nouveau souverain, qui s'avère être un très bon stratège, et sait s'entourer de cadres administratifs et de chefs militaires très compétents. Pour repousser les attaques espagnoles, dès son arrivée sur le trône,Jean IV (1640-1656) met en place en peu de temps un formidable dispositif militaire appuyé sur trois éléments : des forces armées efficaces et rapides, une logistique et des structures territoriales fixes solides, et la mise en place d'un système d'alliances anti-espagnol, en réactivant l'alliance anglo-portugaise, et en nouant des alliances avec les ennemis de l'Espagne, notamment la Franceen guerre contre l'Espagne depuis 1635, et lesProvinces-Uniesrévoltées contre l'Espagne depuis 1566[379],[380].
Troupes de cavalerie et d'infanterie portugaises pendant la guerre de Restauration de 1640-1668. Panneau d'azulejos, réalisé sur la base de dessins d'ingénieurs militaires.
L'armée de terre portugaise, qui prend son nom actuel d'Exército, est réorganisée et coordonnée en trois niveaux : une première ligne concentrée sur ses trois grandes armées de l'Alentejo, de laBeira, et de Trás-os-Montes, mobiles et capables d'agir de concert ; une deuxième ligne demilices régulières confiée aux fidalgos de province, plus mobile et vigilante sur l'ensemble de son territoire continental, et sur les quatre principaux points d'invasion traditionnels ; une troisième ligne de troupes d'ordonnances (Ordenanças), armée territoriale couvrant tout le territoire portugais, avec tous ses hommes valides en armes mobilisés dans leurs municipalités, recrutée par les sergents-majeurs (sargento-mor), entraînés et conduits par les capitaines-majeurs (capitão-mor) de la haute noblesse militaire locale.
Pour armer ses troupes et assurer la logistique, le Portugal, entièrement désarmé en 1640, se fournit en urgence de tout l'équipement nécessaire, y compris lapoudre, auprès des autres puissances européennes, notamment laSuède. En parallèle, le roi organise la restructuration complète desforteresses frontalières du Portugal et l'adaptation de leurs structuresmanuélines aux exigences de l'artillerie moderne, en se dotant des meilleurs ingénieurs de l'époque. Le but du roi portugais est de doter le Portugal d'une « ceinture de fer » lui permettant de compenser son infériorité démographique par son système de fortifications et la puissance de son artillerie[78].
Portrait de l'ingénieur et architecte militaire jésuiteJoannes Cieremans, colonel des ingénieurs et superintendant des fortifications de l'armée portugaise, qui restructure les lignes de fortifications portugaises entre 1642 et 1646. Musée militaire du fort de Santa Luzia, à Elvas.
Nommé colonel des ingénieurs de l'armée portugaise par le roi, l'ingénieur et architecte militaire jésuiteJoannes Cieremans déploie pendant cinq ans une activité constante pour permettre à la Couronne de tenir ses objectifs. En 1643, il se trouve dans l'Alentejo, ingénieur de la province d'Alentejo, avecPhilipe Guitau etRui Correia Lucas, qui avaient constitué un Conseil pour assurer la défense de cette province, et dirige les travaux sur la puissanteplace-forte d'Elvas(pt)[381]. Considérée comme un chef-d'œuvre d'architecture militaire en Europe, et surnommée la « Reine de la Frontière » (Rainha da Fronteira), cette forteresse devient un pilier du système défensif portugais[381].
Portes de São Vincente de la place-forte d'Elvas, remaniée par Joannes Cieremans, considérée comme un bastion imprenable, pilier du système défensif portugais de l'Alentejo pendant la guerre de Restauration.
Chargé par le Conseil de guerre d'inspecter l'état des fortifications de la capitale,Cieremans supervise partir de 1644 la restructuration des fortifications deLisbonne,Setúbal,Sesimbra et Outão[382]. Revenu dans l'Alentejo avec le titre de superintendant des fortifications, et autorité sur les autres ingénieurs, y compris l'ingénieur en chef du royaumeCharles Lassard, il travaille entre 1644 et 1647 sur les fortifications d'Évora, sur la forteresse d'Estremoz, ainsi que sur les portes et bastions de la deuxième ligne de fortifications de la ville, sur la forteresse d'Olivence, la forteresse deCampo Maior, le château deVide, et il entame les travaux sur la forteresse deJuromenha, suspendus momentanément en raison des coûts élevés et des difficultés techniques, puis repris et achevés parNicolas de Langres.
Cette vaste campagne de travaux, qui transforme le Portugal en réduit bastionné, permet aux Portugais de se concentrer sur leurs contre-offensives, et d'infliger des pertes élevées aux armées espagnoles. Ainsi, dès 1644, les forces portugaises sont en mesure de lancer des incursions en Castille : le généralMatias de Albuquerque conquiert la ville de Montijo en Estrémadure, puis, le 26 mai 1644, remporte l'importantebataille de Montijo. La même année, le comte de Cantanhede, futur marquis de Marialva[383], prend l'importante place forte castillane deValencia de Alcántara, que Lisbonne conservera tout au long de la guerre. Les troupes d'ordonnance portugaises, très avancées pour leur temps, s'avèrent très efficaces et permettent au Portugal d'avoir systématiquement le dessus dans la péninsule Ibérique et dans sonEmpire.
Le général Matias de Albuquerque, comte d'Alegrete, un des meneurs de la révolution de 1640 qui place sur sur le trône Jean IV de Bragance, et qui bat les Espagnols à labataille de Montijo en 1644.
Les Espagnols réagissent par l'emploi de moyens massifs, en envoyant dans la seule Estrémadure jusqu'à plus de 20 000 soldats espagnols en 1650 (à comparer aux 27 000 qui se trouvent au même moment dans lesPays-Bas espagnols). Entre 1649 et 1654, près de 30 % des dépenses militaires espagnoles (plus de six millions deducats) sont affectées à la guerre contre le Portugal, chiffre qui monte encore pendant les grandes campagnes des années 1660, sans parvenir à faire plier les Portugais. En face, le Portugal parvient à financer son effort de guerre par d'importants impôts de guerre consentis par sa population[384], et par des taxes sur lecommerce d'épices avec l'Asie et le commerce desucre en provenance duBrésil, qu'il relance en rétablissant la situation de l'État des Indes à partir de 1641, enexpulsant les Néerlandais d'Angola en 1648, et duBrésil en 1654. L'armée espagnole n'étant pas en mesure de faire la décision, les grandes batailles laissent place à une série d'escarmouches régulières proches de la frontière, d'invasions et pillages des villes frontalières de part et d'autre.
Guerre néerlando-portugaise de 1588-1654, qui oppose hors d'Europe l'Empire portugais, en vert foncé, aux Compagnies commerciales privées des Provinces-Unies (en vert clair). Les zones maritimes et terrestres disputées sont hachurées.
Le contexte international européen, de laguerre de Trente Ans, joue un rôle important, mais souvent indirect, dans le déroulement du conflit. Les années 1640 sont marquées par un relatif isolement du Portugal. Certes, au moment de sa révolte, le pays reçoit des manifestations de soutien des pays européens adversaires de l'Espagne, heureux de voir cette dernière affaiblie etLisbonne libérée de sa tutelle. Le Portugal, qui était jusqu'alors associé à l'Espagne dans ses guerres, en profite pour conclure rapidement la paix en Europe avec laFrance, lesPays-Bas, l'Angleterre et laSuède, pour ne pas cumuler les ennemis. Mais cette paix signée en Europe ne s'applique pas sur les autres théâtres d'opération : enAfrique, enAmérique et enAsie, où les Portugais continuent à affronter, parfois violemment, les Français, les Néerlandais et les Anglais jusqu'à la fin des années 1650.
En Europe, l'alliance française, la seule formellement conclue, est fragile : la France n'appuie Lisbonne que mollement, et dans son propre intérêt, pour contrer leroyaume de Castille. L'Angleterre est empêtrée depuis 1640-1642 dans ses propres problèmes internes, avec saguerre civile entre le Parlement et le roi, et à partir de leCommonwealth de l'Angleterre mis en place parCromwell rejette les propositions d'alliance portugaises pour intensifier la guerre aux Indes, et même sur son littoral. Quant à lapapauté, qui a toujours été l'alliée de la Castille, elle condamne la révolte du Portugal, refuse de recevoir l'ambassadeur du Portugal, et refuse de renouveler les évêques portugais à mesure qu'ils meurent. À la paix de 1668, il ne reste qu'un évêque dans tout le Portugal. Le soulagement apporté de l'extérieur est souvent indirect, notamment par larévolte des Pays-Bas en cours depuis 1566, laguerre franco-espagnole commencée en 1635 et larévolte de la Catalogne initiée en 1640, qui mobilisent une partie des forces espagnoles, et les détournent du Portugal.
L'évolution de la situation politique et militaire dans la péninsule Ibérique de 1638 à 1665.
Les choses changent dans les années 1650, qui sont des années importantes sur les fronts politique et diplomatique, avec la remise en place les vieux systèmes d'alliance. Permise par la chute d'Oliver Cromwell, la réactivation de l'alliance avec l'Angleterre en 1654 améliore temporairement la position diplomatique et financière du Portugal et lui assure un soutien précieux pour repousser un grand raid naval espagnol surLisbonne. En revanche, la signature dutraité de Münster établissant la paix entre l'Espagne et lesProvinces-Unies en 1648, et la signature en 1659 dutraité des Pyrénées, qui met fin à laguerre entre la France et l'Espagne et à larévolte de la Catalogne, laisse l'Espagne libre de concentrer tous ses moyens contre le Portugal.
Bataille de Montes Claros du 17 juin 1665, célèbre victoire militaire du Portugal sur laCastille qui met fin à laguerre de Restauration (1640-1668). Reconstitution basée sur les rapports militaires, gravure italienne duXVIIe siècle.
Les grandes offensives espagnoles qui suivent n'ont pourtant pas plus de succès que les précédentes, et aboutissent toutes à des victoires portugaises éclatantes, à labataille d'Elvas le 14 janvier 1659, à labataille d'Ameixial le 8 juin 1663, à labataille de Castelo Rodrigo le 7 juillet 1664, et à labataille de Montes Claros le 17 juin 1665. Cette série de quatre victoires consacre la supériorité militaire du Portugal, avec des pertes deux à quatre fois supérieures du côté espagnol, et porte un coup rude à l'image d'invincibilité de l'Espagne en Europe. La mort dePhilippe IV d'Espagne en septembre 1665 et la montée sur le trône du jeuneCharles II (1665-1694), âgé de quatre ans, entraînent des troubles politiques à Madrid, avec la révolte de l'oncle du roi, le bâtardJuan José d'Autriche, contre la régenteMarie-Anne d'Autriche. Ces circonstances rendent plus difficile la tenue des opérations espagnoles. Comprenant que la guerre est une impasse et qu'elle ne parviendra pas à faire plier son voisin, l'Espagne se résout à arrêter ses offensives et entrer en négociations. Avec letraité de Lisbonne de 1668, négocié entre les deux parties par l'ambassadeur d'Angleterre Lord Sandwich,Madrid reconnaît définitivement l'indépendance du Portugal[385].
Du fait de son emplacement au cœur de l'Atlantique, de ses dimensions, et de son potentiel, le Portugal se concentre particulièrement sur le Brésil, qui devient l'épicentre de son Empire[386]. L'Union ibérique, qui a rendu caduques pendant soixante ans les limites dutraité de Tordesillas, a permis aux Portugais d'entamer leur progression vers l'intérieur du continent américain[387]. Dès la fin duXVIe siècle, des aventuriers chasseurs d'esclaves appelésBandeirantes partent de la côte, notamment deSão Paulo etRio, et pénètrent l'Amazonie, étendant progressivement l'aire de souveraineté du Portugal[78]. La ville deBelém, fondée en 1621 par lesHabsbourg pour verrouiller l'embouchure du fleuveAmazone, est depuis sa fondation un autre des pôles des expéditions vers l'intérieur. En1637 l'expédition dePedro Teixeira parvient à relier Belém à la ville deQuito, dans les Andes, puis à revenir à Belém en 1639. Au fil de ces expéditions, les Portugais fondent des villes, servant de relais aux explorateurs et commerçants, comme la ville deManaus, fondée en1669 sur les rives duRio Negro, à proximité deson confluent avec l'Amazone. En moins d'un siècle, l'expansion portugaise auBrésil porte les limites de l'Empire aux marges duRio Javari, à plus de 2 500 km de l'estuaire de l'Amazone[388]. Avec plus de8 millions de km2 au milieu duXVIIIe siècle, leBrésil constitue à lui seul l'un des plus vastes empires de la planète[386].
Les autres provinces de l'Empire ne sont pas négligées pour autant. EnAngola, enAfrique orientale et enInde, les Portugais restructurent leurs fortifications et construisent de puissantes fortetesses côtières, commefort Jesus de Mombasa, ou la forteresse de l'île de Mozambique. Pour favoriser son expansion dans lavallée du Zambèze et en Inde du Nord, le Portugal établit un système habile de bauxemphytéotiques, assimilés à des fiefs féodaux modernisés, lesPrazos da Coroa, les « concessions de la Couronne », attribuées à desseigneurs de guerre chargés de leur défense et de leur exploitation, et ayant droit de les agrandir[389]. Ce système, qui délègue l'expansion à des aventuriers privés, lesPrazeiros, et est assis sur un système esclavagiste de masse, permet au Portugal de démultiplier sa zone d'influence dans lavallée du Zambèze, et de poser les fondations continentales duMozambique colonial etactuel[390].
Tout en étant très indépendantes les unes des autres, les différentes provinces de l'Empire sont très complémentaires[387]. Dans l'Atlantique, l'Angola est un pourvoyeur vital d'esclaves pour les plantations euBrésil, deSão Tomé et duCap-Vert[391]. Au Brésil, les plantations desucre et detabac assurent à Lisbonne des revenus colossaux, nécessaires à l'entretien, à la défense et à la logistique de l'Empire. Le commerce du tabac est placé sous monopole d'État en 1674[386]. À la culture du sucre et du tabac, s'ajoute à partir de 1729 celle ducafé, dont la production atteint 1,2 tonne en 1779[392]. Le Brésil fournit en outre le bois et les métaux nécessaires a laconstruction navale[386]. Dans l'océan Indien, lespossessions d'Inde fournissent à la fois desépices indiennes (poivre, gingembre, cannelle), des tissus, desmétaux, et lethé destinés à l'Europe, mais aussi les cotonnades, artefacts, armes et munitions destinés aux établissements de la côte du Mozambique, qui les vendent aux seigneurs de guerre portugais de lavallée du Zambèze, pourvoyeurs d'ivoire et d'or[343]. Enmer de Chine méridionale,Macao sert d'emporium aux marchandises chinoises et d'Extrême-Orient :porcelaines,soieries,thé, tandis queTimor a le même rôle pour les épices d'Insulinde, poivre et clou-de-girofle[343].
Le roi Jean V de Portugal (1706-1750), fondateur au Portugal de l'absolutisme. ParPompeo Batoni, Palais National d'Ajuda.
Alors que les rois de la dynastie restaurée deBragance avaient eu le soin depuis 1640 d'associer les différents éléments de la société à leur gouvernance pour asseoir leur légitimité, le roiJean V (1706-1750) peut, grâce à cette nouvelle expansion de l'Empire et cet afflux de richesses, régner avec un degré d'indépendance, de puissance et de faste inédits depuis leXVIe siècle. D'un point de vue politique, cette situation se traduit par une révolutionabsolutiste qui bouleverse le fonctionnement des institutions et leséquilibres du pouvoir portugais. Solidement établi dans sa légitimité par les victoires de ses prédécesseurs, et n'étant plus tenu à négocier avec sa population par les besoins de l'impôt ou de la guerre, le roi ne convoque jamais lesCortes portugaises, l'équivalent portugais desétats généraux français, et ignore systématiquement les réunions duConseil d'État[394], le plus grand organe consultatif du royaume, composé de nombreux évêques, nobles et bureaucrates.
Diogo de Mendonça Corte Real, favori du roi Jean V, membre du Conseil royal et secrétaire d'État du Royaume jusqu'à sa mort en 1736, sorte de ministre plénipotentiaire, faisant fonction de Premier ministre.
Le roi ne gouverne pas seul pour autant. Aux grandes institutions s'imposant à lui de l'extérieur, qu'il considère incompétentes et pléthoriques, le roi préfère s'entourer d'un cercle restreint de conseillers bien informés pour être conseillé[395], et il tient des audiences hebdomadaires intimes avec les membres destrois ordres[394]. Pour faire appliquer ses décisions et pour administrer son royaume, il s'appuie sur une administration complexe, animée par la figure du secrétaire d'État du Royaume, l'équivalent de Premier ministre, poste attribué systématiquement à ses favoris, notamment Diogo de Mendonça Corte-Real[395],[396], que le roi consulte sur chaque question[395].
Les grandes institutions conservées sont des institutions de gestion importantes, mais sans rôle politique, qui ne risquent pas de s'opposer à lui. Ainsi,Jean V maintient le Conseil des Trois États, un conseil gouvernementale créé par son grand-pèreJean IV (1640-1656) pour gérer les finances, l'entretien des installations militaires, la levée de troupes et la fiscalité liée à la défense[397]. En revanche, il en choisi soigneusement les membres, ne sélectionnant que ceux jugés les plus compétents et les mieux informés[397]. De la même façon, il maintient le Conseil du Trésor, qui gère les finances du Portugal et de son empire, la collecte des impôts, la comptabilité budgétaire de la majorité des organisations du Royaume (à l'exception de l'armée dévolue au Conseil des Trois Ordres), et qui exerce son autorité sur laCasa da Índia, la Monnaie royale ainsi que les douanes sur tout le territoire portugais[398].
Derrière cette pratique personnelle du pouvoir, se posent de vraies questions de philosophie politique. Qualifié par le diplomate Luís da Cunha de « despote » pratiquant un « gouvernement d'absolutiste », le monarque portugais est unabsolutiste par conviction. Profondément croyant, habité par sa fonction, et imprégné des devoirs attachés à la fonction de roi, qu'il conçoit comme un métier, il croit que le pouvoir, le droit, la Justice et l'autorité, expressions de la volonté divine, émanent uniquement de la personne du souverain, incarnation de toutes les souverainetés, à laquelle toutes les autres personnes et juridictions doivent être complètement subordonnées[399]. Il considère également les revenus tirés de l'Empire comme un don divin visant à lui donner les moyens de mener sa politique et renforcer la foicatholique, au Portugal et dans le cadre dupadroado[78].
Cette puissance politique accrue de la monarchie et ce système de croyances se traduisent par une politique d'affirmation internationale. Dans la péninsule Ibérique, le Portugal s'implique activement dans laguerre de Succession d'Espagne[400]. À partir dutraité de Methuen de 1703, le pays devient le principal centre opérationnel de la grande coalition opposée aux Bourbons[401]. En 1704, Lisbonne rapatrie une partie des troupes affectées à lacolonia del Sacramento brésilienne en vue d'opérations de grande ampleur dans la péninsule[402]. En 1706, l'armée portugaise menée par lemarquis des Minas envahit l'Espagne, et conquiert Madrid le 25 juin, et y fait proclamé roi Charles de Habsbourg[403]. Seule l'intervention énergique de la France, et la défaite des coalisés le 25 avril 1707 à labataille d'Almansa, permet de rétablirPhilippe V sur son trône[404]. À l'issue du conflit, qui se prolonge encore six ans, Lisbonne rétablit ses relations avec la France et l'Espagne de Philippe V, mais le Portugal est désormais un allié indissociable de l'Angleterre, par l'alliance anglo-portugaise, et un adversaire déterminé et presque systématique duPacte de Famille bourbonien associant la France et l'Espagne[405].
Signature du traité de Methuen, en 1703, parAlfredo Roque Gameiro dans le livreHistória de Portugal, Popular e Ilustrada.
Les conséquences de ce système économique sont très vite perçues par les élites portugaises. Dès le règne deJean V (1706-1750), le philosophe et diplomate Luís da Cunha alerte la Couronne sur le fait que l'afflux de lainages anglais conduit au déclin de l'industrie lainière portugaise[406]. L'accent mis sur la productionvinicole, tout en apportant la prospérité à certaines régions, laisse le Portugal fortement dépendant de l'Angleterre comme principal acheteur de vin[407], et se fait au détriment d'autres secteurs agricoles[408]. Il détourne en outre le pays de sa voie vers l'industrialisation[409],[410],[411]. Au milieu duXVIIIe siècle, il n'existe presque plus d'industrie textile dans le royaume. La majorité des tissus sont importés d'Angleterre, et le commerce externe se base prioritairement sur l'industrie du vin. La nécessité de revoir le modèle de développement économique du royaume est patente au milieu duXVIIIe siècle. Une nouvelle politique est impulsée sous le règne deJosephIer, qui succède à Jean V. S'ouvre alors une période de grandes réformes, destinées à pérenniser l'affirmation de l'autorité royale et la pratique absolutiste du pouvoir.
Pour inverser la situation économique dans laquelle il trouve le pays, le Premier ministre portugais établit de grandes réformes mercantilistes, connues sous le nom de « réformes pombalines », destinées à rendre le Portugal économiquement autonome au moyen de l'expansion du territoire brésilien, de la rationalisation de l'administration du Brésil ainsi que de réformes fiscales et économiques en métropole et dans l'empire[412],[413]. Pour rationaliser et optimiser les finances, une série de monopoles et de mesures de régulation de l'économie sont établis ou renforcés, notamment sur les secteurs stratégiques du vin, de la pêche, du commerce du tabac et du sucre. Ces mesures ne sont pas sans soulever de contestations. En 1757, une révolte populaire contre la « Compagnie Générale d'Agriculture des Vins du Haut Douro », qui a augmenté le prix du vin dans les tavernes dont elle a le monopole, est réprimée impitoyablement par le marquis. La ville dePorto est occupée par des milliers de soldats, des procès sommaires sont organisés et plusieurs personnes sont pendues[414],[415]. La nécessité d'imposer ces réformes et de développer unsecteur manufacturier puissant au Portugal est rendue encore plus impérative par les dépenses excessives de la couronne portugaise, le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, les dépenses liées aux guerres avec l'Espagne pour les territoiressud-américains ainsi que l'épuisement des mines d'or et de diamants au Brésil[416].
Cette gravure de1755 montre les ruines deLisbonne en flammes et leraz-de-marée submergeant les navires du port.
Le, un tremblement de terre de magnitude de 8,75 sur l'échelle de Richter ravage Lisbonne, provoquant incendies, raz-de-marée et scènes de paniques[417]. On compte environ 60 000 morts et 85 % des habitations sont détruites, dont le palais royal, avec la bibliothèque et ses archives. Alors que la famille royale fuit la capitale en ruines pour se refugier àAjuda, et que nombre de grands prédicateurs comme le jésuiteGabriel Malagrida voient dans ce cataclysme une punition divine contre le Portugal, Pombal décide de tirer parti de la catastrophe et d'en faire l'occasion d'affirmer l'autorité royale et de démontrer ses compétences.
Par une action publique vigoureuse, le Premier ministre s'attache d'abord à ramener l'ordre, assainir la ville, rassurer la population et conserver les habitants sur place, en muselant les mauvais prophètes[418]. En parallèle, il lance une action de soins etsalubrité publique de grande ampleur qu'il résume dans sa célèbre citation : « Enterrer les morts et guérir les vivants. »[419]. Des mesures d'hygiène drastiques sont imposées à la population en urgence, desdistributions alimentaire organisées régulièrement, des moyens prioritaires affectés auxhôpitaux, les morts enterrés rapidement[420]. Grâce à ces mesures, malgré la calamité, Lisbonne ne souffre pas d'épidémies, et la situation est stabilisée rapidement.
Profitant des destructions occasionnées par letremblement de terre et letsunami, le Ministre décide de reconstruire la partie basse de ville où siégeait le pouvoir royal sur un plan rationnel, très novateur pour l'époque, associant rues pavées très larges et tracé urbain à angles droite. L'effort et les moyens déployés sont tels qu'en moins d'un an, la capitale portugaise est partiellement reconstruite et peut reprendre l'ensemble de ses activités économiques et politiques. Le nouveau quartier royal, la célèbreBaixa pombalina, devient un symbole du renouveau de la monarchie et de l'affirmation du pouvoir royal. Ce qui était une catastrophe est devenu l'occasion de manifester une renaissance du pays.
Pendant les cinq années qui suivent, l'action de Pombal pour affirmer la prééminence politique de la Couronne se déploie sur tous les fronts. Profitant d'une tentative d'assassinat perpétrée sur le roi le 3 septembre 1758[421], Pombal lance une série de grands procès destinés à à briser et soumettre lahaute noblesse portugaise. Pour cela, il crée le un « Tribunal d'enquête spécial », dont lui-même et les autres secrétaires d'État sont membres. À l'issue des procès, environ soixante personnes sont condamnées par le tribunal le. Plusieurs grands nobles, dont des membres de la puissantefamille Távora et leduc d'Aveiro sont condamnés à mort, tandis que d'autres nobles sont condamnés à une peine d'emprisonnement à durée indéterminée. La brutalité des exécutions publiques suscite à l'époque la controverse enEurope[422].
Dans la foulée de ces procès, le marquis s'attaque aux ordres religieux, et en particulier au puissant ordre jésuite. Considérant les Jésuites comme unÉtat dans l’État, ayant une emprise excessive sur la Science, l'opinion publique, l'éducation[423],[424], et responsables de désordres dans l'Empire, notamment de laguerre des Guaranis[425], Pombal décide de nommer son frère, Paulo António de Carvalho e Mendonça, inquisiteur en chef, et d'utiliser la puissante Inquisition contre les jésuites. Au fil des procès, l'ordre est décimé au Portugal et dans son Empire. Prenant prétexte de la multiplication des condamnations, Pombal décrète l'expulsion pure et simple de la Compagnie de Jésus du Portugal le. Tenace dans ses haines, en décembre 1760, il dénonce lui-même à l'Inquisition et fait brûler le prédicateur jésuiteGabriel Malagrida en place publique pour hérésie et fausses prophéties[426]. En s'attaquant aux jésuites, Pombal devient un précurseur dans toute l'Europe et ses colonies[427]. Après avoir été bannie du Portugal la Compagnie est expulsée deFrance en 1763, d’Espagne et de ses colonies et duroyaume de Naples en 1767, deParme en 1768, et finalement supprimée universellement par lebref apostoliqueDominus ac Redemptor du pape Clément XIV, le 21 juillet 1773.
Ayant résolu la situation de Lisbonne, rationalisé les revenus de l'Empire, réorganisé les finances du pays, et ayant établi la prééminence politique de la Couronne au Portugal, Pombal s'attaque aux questions géostratégiques extérieures. En, il interdit l'importation d'esclaves vers le Portugal continental et l'Inde pour rediriger les flux vers leBrésil, et stimuler le commerce d'esclaves noirs vers la colonie. Dans la foulée, il organise la fondation de deux compagnies à capitaux privés, auxquelles il participe directement, la Compagnie de Grão-Pará et Maranhão ainsi que la Compagnie générale de Pernambuco et Paraíba, ayant pour activité principale précisément le trafic d'esclaves. La liste des actionnaires des deux compagnies comprend, outre le marquis, de nombreux nobles et ecclésiastiques proches du pouvoir[428],[429]. Portés par ces mesures, les revenus liés au trafic négrier explosent. Entre 1757 et 1777, un total de 25 365 esclaves noirs sont importés auPará et auMaranhão, au Brésil, depuis des ports d'Afrique occidentale[430].
Les innovations géostratégiques touchent aussi au domaine militaire. À l'occasion de l'invasion espagnole de 1762-1763, et de laguerre Fantastique qui s'ensuit, le Portugal a recours à l'aide des Britanniques. Tout en reconnaissant l'importance de l'alliance anglaise, le Pombal décide de s'attaquer à l'influence excessive de ces derniers[431],[415]. Pour rendre le Portugal plus indépendant d'eux militairement, il nommeFrédéric-Guillaume Ernest zu Schaumburg-Lippe, un grand stratège et théoricien militaire allemand, commandant des forces anglo-portugaises, avec la charge d'organiser une grande réforme de l'armée et desplaces fortes portugaises. Sous l'autorité de ce dernier, les forces anglo-portugaises associent deux méthodes de combat innovantes, qui connaîtront un développement important un demi-siècle plus tard en Europe, à partir des guerres napoléoniennes, et plus largement partout dans le monde auxXIXe et XXe siècles : la guerre deguérilla menée avec une grande efficacité par les milices portugaises contre les troupes franco-espagnoles, et lapolitique de la terre brûlée pratiquée par lecomte de Schaumbourg-Lippe qui commande l'armée régulière anglo-portugaise[432]. Par l'association de ces deux tactiques, sans livrer de grande bataille frontale, l'alliance anglo-portugaise parvient à mettre totalement en déroute l'armée franco-espagnole, pourtant cinq fois supérieure en nombre, en lui infligeant des pertes immenses, avec la moitié de ses hommes tués, blessés ou prisonniers. Ce conflit, qui se solde par une victoire décisive de l'Alliance anglo-portugaise, force la France et l'Espagne à signer letraité de Paris en 1763, qui met un terme à laguerre de Sept Ans, consacre la suprématie britannique sur le continent et dans le monde, et entraîne la perte du Canada français.
Allégorie de la proclamation de laRepública Portuguêsa en 1910.
Le, peu après laproclamation de la République, le jeune roiManuel II s'exile enAngleterre. À peine arrivés au pouvoir, les Républicains engagent une série de réformes autoritaires qui bouleversent l'ordre social et économique du pays, et qui ruinent sesfinances publiques. Parmi les mesures les plus controversées, figure la Loi de séparation de l'Église et de l'État de 1911, qui prive l'Église catholique de son statut dereligion officielle, et la dépouille de tous ses droits et prérogatives spéciaux, alors que son rôle culturel et social est central dans la société portugaise. Cette mesure, qui choque l'opinion, laisse un vide institutionnel que le nouveau pouvoir n'a pas les moyens financiers et humains de combler. Elle entraîne une rupture immédiate des relations entre le Portugal et leSaint-Siège, et une condamnation du régime, qui pèsera considérablement sur ce dernier.
Pendant laPremière Guerre mondiale, le nouveau régime envoie uncorps expéditionnaire portugais combattre aux côtés de laTriple-Entente, afin de se positionner sur la scène internationale et de préserver la situation des colonies. Mais faute de moyens, et du fait de l'instabilité interne, ce corps expéditionnaire est en partie abandonné à son sort, alors qu'il fait face à des pertes importantes lors de labataille de La Lys en 1918. Après plusieurs années de réformes controversées et d'instabilité politique marquées par des luttes internes, comme lanuit sanglante de 1921, laPremière République portugaise est renverséele 28 mai 1926, par le coup d'État militaire conduit par le maréchalGomes da Costa, un ancien général de laPremière Guerre mondiale. La République, qui a été incapable demaintenir l'ordre, de mettre fin auxpénuries alimentaires, et qui laisse une situation budgétaire catastrophique, est renversée dans l'indifférence générale, tandis qu'une large partie de la population soutient le coup d'État.
Pièce d'unescudo commémorant la naissance de la République proclamée le 5 octobre, frappée en 1914. L'instabilité monétaire et l'inflation endémique font partie des principaux problèmes auxquels est confrontée la Première République portugaise.
Le régime issu ducoup d'État du 28 mai 1926 se transforme enDictature militaire en suspendant la Constitution de 1911, et en mettant fin au régime parlementaire, considéré comme le principal responsable des désordres. Toutefois, aux yeux des militaires, cette situation est transitoire, et une dictature militaire ne faisant pas un régime, il est nécessaire d'instituer un nouveau régime républicain ayant une assise populaire, doté d'une nouvelle constitution. Après avoir rétabli l'ordre et purgé les anciennes élites républicaines, la transition vers un régime civil est engagée en 1928, avec l'organisation d'élections ausuffrage universel duprésident de la République. La victoire du généralÓscar Carmona offre aux militaires une légitimité nationale pour élaborer un nouveau régime.
Par les élections de 1928, la dictature militaire, en vigueur depuis 1926, laisse officiellement place au régime de la « Dictature nationale » (Ditadura Nacional), un régime présidentiel autoritaire, centralisé, de typebonapartiste. À présent que la vie politique du pays est stabilisée, le nouveau pouvoir sait qu'il doit résoudre rapidement la crise économique grave dans laquelle il a trouvé le Portugal en 1926, sous peine de voir les contestations reprendre.
António de Oliveira Salazar (à gauche), futur ministre des Finances de la Dictature nationale, et Mário de Figueiredo, au Monte Palace Hotel, à Madeira, en avril 1925.
Pour rétablir l'équilibre du budget et redresser l'économie du pays, le pouvoir nomme en 1928António de Oliveira Salazar, un professeur d'économie renommé de l'université de Coimbra[437], au poste de ministre des Finances. Pour pouvoir mener à bien sa mission, ce dernier exige de prendre un rôle central au sein du Conseil des ministres, avec un droit de véto sur les décisions de l'ensemble des ministères, et un contrôle de toutes les administrations. Sous son autorité, le redressement économique du pays est spectaculaire. L'inflation, endémique depuis des décennies, est maîtrisée au prix d'unefixation des prix (tabelas) et d'une forte contraction dumarché intérieur. Laliberté d'entreprise, réelle, mais soigneusement encadrée par l’État, s'inscrit dans une société organisée en corporations, qui rendent des comptes au pouvoir. La grande propriété foncière (latifundium) est favorisée dans leNord et surtout l'Alentejo, qui est largement déboisé pour les besoins de l'agriculture. Ces réformes permettent de démultiplier la production agricole et de mettre rapidement fin auxpénuries. L'assainissement de l'économie, la stabilisation de la monnaie, et la gestion rigoureuse du budget, qui redevient excédentaire, permettent au Portugal d'échapper aux pires effets de la crise mondiale de 1929. Fort de ces bons résultats, Salazar est nomméprésident du Conseil en 1932 par le président de la République, le généralÓscar Carmona.
Le général et président de la RépubliqueÓscar Carmona avec le président du Conseil des ministresAntónio de Oliveira Salazar en 1947, à bord du navire D. Fernando.
Devenu l'éminence grise de la Dictature nationale, et l'homme de confiance de Carmona, Salazar consolide alors le pouvoir autoritaire et introduit en 1933 une nouvelleConstitution qui lui donne les pleins pouvoirs, et fonde l'Estado Novo, « l'État Nouveau ». Ensemble, la Dictature nationale et l’Estado Novo sont reconnus par les historiens comme laDeuxième République portugaise (Segunda República Portuguesa)[438],[78]. Habile homme d'État, Salazar met en place un équilibre de pouvoir avec les généraux du coup d'État de 1926, et définit dans un discours l'orientation du régime : « tout pour la nation, rien contre la nation ». En vertu d'un accord tacite, la présidence de la République est systématiquement occupée par un haut gradé militaire, tandis que lesaffaires courantes sont prises en charge par l'autorité civile, incarnée par le président du Conseil. Tout en maintenant une Assemblée nationale, Salazar y impose unparti unique, l'Union nationale (União nacional).Partis,syndicats etgrèves sont interdits. La société et l'économie, organisées en régime corporatiste, sont placées sous l'autorité d'une administration centralisée toute puissante[439]. L'ordre est assuré par une police politique spéciale, laPVDE[440]. Lacensure médiatique et littéraire est omniprésente et omnipotente[441], le pouvoir judiciaire aux ordres. Alors qu'elle avait étéparticulièrement maltraitée par la Première République(pt), par leconcordat de 1940, l'Église catholique retrouve une place centrale au sein de la société, en tant que « religion traditionnelle de la nation portugaise »[442], en association étroite avec le régime[443], avec un ensemble significatif de bénéfices et privilèges au Portugal et dans son Empire[444] et la charge de l'encadrement moral de la population[445]. Placée dans l'ombre du régime, l'armée a un rôle de gardienne des institutions, et de défense du territoire[439].
Bien qu'il soit souvent qualifié de fascisme par ses opposants, l'Estado Novo, régime à parti unique, se distingue idéologiquement des régimesfasciste etnazi par son lien politique étroit à l'Église catholique, sonruralisme, sa sobriété, sa stabilité institutionnelle et administrative, sa structurecorporatiste, son absence delois raciales, sa géopolitiqueneutre et son strict respect dudroit international. Parmi ses spécificités, on peut aussi mentionner son respect de l'identité portugaise traditionnelle qu'il cherche à préserver, rejetant toute idée d'homme nouveau, chère au fascisme et au nazisme, ainsi que sa faible propension aumilitarisme ou aumodernisme. D'une façon générale, la recherche scientifique et la presse spécialisée s'accordent à qualifier l'Estado Novo de « dictature administrative », et de régime autoritaire, nationaliste, corporatiste et traditionaliste[439],[441],[446]. Tous s'accordent également sur sonanticommunisme viscéral. Incarné par un homme sobre et d'apparence humble, à la communication paternaliste, le régime parvient à établir un large consensus populaire, avec un modèle de société articulé autour desTrois F[447] : « Football, Fado et Fatima »[448],[449].
Bien que très proche historiquement duRoyaume-Uni, le Portugal de l'Estado Novo est officiellement neutre pendant laSeconde Guerre mondiale, et pousse l'Espagne franquiste à adopter la même posture par la conclusion duPacte Ibérique. En1940, alors que le monde est en plein conflit, le gouvernement portugais organise l'Exposition du monde portugais. Tout au long du conflit, le pays maintient un équilibre habile entre les différents belligérants. Tout en continuant à faire des affaires avec les pays de l'Axe, il ne cesse de favoriser la stratégie britannique et américaine, notamment mettant à la disposition desAlliés unebase militaire dans les Açores en août 1943, il offre l'asile à de nombreux juifs venus de France cherchant à fuir les persécutions nazies, et il reçoit des membres de laRésistance gaulliste[456]. Cette neutralité bienveillante vis-à-vis desAlliés permet à l'Estado Novo d'être étroitement associé à la reconstruction du monde occidental à la fin de la guerre, par exemple en faisant partie des membres fondateurs de l'OTAN, de l'OCDE et de l'AELE[457],[458],[459].
Le Portugal et ses provinces ultramarines enAfrique, pendant la guerre coloniale (1961–1974).
Alors que le régime semble stabilisé, c'est de l'Empire que part la principale contestation de l'ordre établi. Présentant le pays comme une nation une et indivisible etpluricontinentale, le régime dictatorial refuse d'enclencher unedécolonisation, comme leRoyaume-Uni, considérant que les colonies n'existeraient pas. En 1951, il renomme celles-ci« provinces ultramarines », calmant ainsi les critiques de la communauté internationale. Il abandonne également la dénomination d'« Empire colonial portugais »[460],[461]. Ce refus de tout retrait des territoires africains et asiatiques entraîne une série deconflits coloniaux. La première colonie à se révolter est l'Angola en1961, suivie par laGuinée-Bissau en1963 et, enfin, par leMozambique en1964. Entretemps, l'Inde a profité des désordres au Mozambique pour annexerGoa,Daman, Diu et les îlesAnjidiv, lors de l'opération Vijay en décembre 1961.
Rompant avec le reste du bloc occidental, laFrance gaulliste apporte son soutien au régime de Salazar et à sa politique africaine du début des guerres coloniales portugaises à la fin des années 1960. À ce moment, la France est également confrontée à un conflit colonialiste, avec laguerre d’Algérie, et aucun des deux pays n’accepte de perdre ce qu’ils considèrent comme étant des parties intégrantes de leurs territoires nationaux. À l’ONU, par la force des choses, le Portugal et la France se soutiennent mutuellement[456]. L’appui français au Portugal est discret, mais concret et militaire. Les services d’espionnage français renseignent laPIDE (police politique portugaise) sur les activités françaises des opposants de l'Estado Novo. De son côté, le Portugal livre sans état d’âme à la France les opposants au président français, le plus souvent des membres de l’extrême-droite, défenseurs de « l’Algérie française », qu’ils soient intellectuels ou militaires[456].
Le25 avril 1974, un coup d'État militaire renverse le gouvernement de l'Estado Novo instauré par Salazar et dirigé parMarcelo Caetano depuis 1968 (Salazar ayant quitté le pouvoir à la suite d'un accident cérébral, dont il meurt deux ans plus tard). La foule manifeste dans lacapitale portugaise pour soutenir les militaires dirigés par le généralAntónio de Spínola. Les jours suivants, les prisonniers politiques sont libérés, la censure de la presse est levée et le secrétaire général du Parti socialiste (PS),Mário Soares[462], rentre de son exil enFrance. En septembre 1974, le général de Spinola démissionne de la présidence de la République pour protester contre une orientation trop à gauche du gouvernement et du MFA (Mouvement des forces armées), très largement pénétré par le PCP (Parti communiste portugais) ; il s'ensuit une compétition très forte entre le PCP et le MFA, d'une part, et le PS et la Droite modérée, d'autre part, pour le contrôle du pouvoir. Le Parti Social-Démocrate allemand, par le biais de laFondation Friedrich-Ebert, apporte une aide financière importante au PS portugais. Le 25 avril 1975, le PS et la Droite modérée remportent les élections pour l'Assemblée constituante, mais le MFA refuse de modifier son orientation politique favorable au PCP. L'Église catholique, sous la direction dupatriarche de Lisbonne, mobilise alors la société civile pour soutenir les adversaires du PCP et du MFA et pour permettre àMário Soares de devenir Premier ministre et de poursuivre la transition démocratique.
Entretemps, en1974 et1975, avec le changement de régime, le Portugal décide de donner leurindépendance à toutes ses colonies. Seules deux régions ultramarines ne sont pas concernées par ce processus, les îles adjacentesMadère et lesAçores, peuplées intégralement depuis leXVe siècle par des colons européens, dans leur presque totalité portugais. Le, les deux premières colonies à s'émanciper du Portugal sont leCap-Vert etGuinée-Bissau[463]. LeMozambique suit le mouvement et devient indépendant le 25 juin 1975, suivi de l'Angola le 11 novembre de la même année. Alors que le Portugal voudrait procéder au transfert immédiat deMacao à la Chine,Pékin rejette ce transfert et appelle à la mise en place de négociations visant à permettre un transfert bien organisé, afin de récupérer le territoire sans heurts. LeTimor-Oriental reste une colonie portugaise jusqu'au 28 novembre 1975, lorsqu'il essaye de proclamer son indépendance. Cependant, neuf jours plus tard, l'Indonésie l'annexe militairement[464]. Ce coup de force amène le Portugal à maintenir son rôle de « puissance administrante » officielle à l'ONU pour pouvoir engager un bras de fer diplomatique et juridique avec Jakarta, et faire accéder son ancienne colonie à l'independance[465]. Ce combat se maintient tout au long des années 1980 et 1990, soutenu par la résistance populaire timoraise, les efforts du Portugal et la pression de l'ONU.
Le processus révolutionnaire en cours aboutit à l'adoption de laConstitution portugaise de 1976, issue d'un compromis entre tous les acteurs de la Révolution, qui fonde laTroisième République portugaise. Cette Constitution de 1976, fortement marquée par la défense deslibertés fondamentales et les idéauxsocialistes qui ont porté la révolution[466],[467], instaure un régime semi-présidentiel proche de laVe République française, mais avec un rôle plus indépendant du gouvernement[468]. Étant à l'origine de larévolution de1974, les Forces armées, qui siègent au Conseil de la révolution, sont chargées de conseiller le président de la République et de garantir le bon fonctionnement des institutions et le respect de l'esprit de la Révolution[469]. Au gré des élections et des lois votées par les élus, le régime évolue et se normalise. Les grandes nationalisations laissent place à une politique demarché libre semblable à celle qui est pratiquée sur le reste du continent. En septembre 1982, le Conseil de la révolution dominé par l'armée est remplace par leConseil d'État lors de la première révision constitutionnelle[470]. Dès lors, lesForces armées sont affectées à leurs missions de défense du territoire et de services publics telles que definies dans le titre X de la partie 3 de la Constitution[468].
Après avoir mené la transition démocratique du pays comme Premier ministre jusqu'en 1985,Mário Soares est élu deux foisprésident de la République, la première fois en1986 et la seconde en1991[471]. En 1986, le Portugal quitte l'AELE pour entrer dans laCommunauté économique européenne, avec l'Espagne[457],[458],[459]. Le, le Portugal et la Chine s'accordent sur laDéclaration conjointe sino-portugaise sur la question de Macao, prevoyant la rétrocession de la ville à la Chine le 20 décembre 1999. Ce projet bilatéral et international établit une série d'engagements et de garanties qui accorde àMacao un haut degré d'autonomie au sein de la Chine, et la conservation de ses caractéristiques uniques, y compris son mode de vie et son système économique capitaliste jusqu'en 2049. Déterminé à accentuer son ancrage européen, le Portugal adhère en 1999 à lazone euro. Le20 décembre de la même année, il rend le territoire deMacao à laChine[472]. En 2002, Lisbonne obtient une importante victoire diplomatique en contribuant de façon décisive à faire aboutir leprocessus d'indépendance du Timor oriental, occupé depuis 1975 par l'Indonésie. Depuis son entrée dans l'Union européenne, le Portugal a présidé leConseil européen trois fois et en2007, la capitale du pays voit la signature dutraité de Lisbonne[473].
Borne frontalière portugaise de la Madalena numéro 56 BIS, marquée du blason du Portugal, marquant la « Raia sèche » du côté gauche du chemin frontalier allant de Libios à Lindoso.
D'un point de vue juridique, le Portugal est le pays ayant les plus anciennes frontières terrestres internationales d'Europe et du monde encore en vigueur[474]. LaRaia, frontière entre le Portugal continental et laCastille (fondue dans l'Espagne actuelle), date de 1297, avec letraité d'Alcanizes, plus ancien traité international définissant des frontières encore en vigueur. Elle est répartie entre la « Raia sèche » (Raia seca), terrestre, articulée autour de bornes frontalières, et la « Raia humide » (Raia húmida), assise sur des cours d'eau. Plus qu'une ligne étroite, cette frontière embrasse en réalité une vastezone frontalière de culture mixte, à part, qui déborde sur les deux pays, et qui les unit plus qu'elle ne les sépare[475],[476],[477].
Cette zone frontalière est caractérisée par des particularismes linguistiques, culturels ou politiques : constitution dedialectes mixtes, survivance delangues archaïques, prévalence de l'économie decontrebande, présence d'entitésféodales autonomes ou indépendantes, phénomènes de solidarité transfrontaliers locaux contre les pouvoirs centraux. Parmi les exemples les plus connus de ces particularismes, on peut citer la survivance dumirandais àMiranda do Douro, le dialecte barranquenho deBarrancos, les exceptions culturelles deBarrancos,Aldeia da Luz ouReguengos de Monsaraz, notamment en matière de tauromachie, ou le statut politique passé duCouto Misto[475],[478].
LaRaia est particulièrement autonome, dynamique et poreuse au niveau de laGalice du fait des liens historiques, familiaux, linguistiques et culturels qui unissentPortugais etGaliciens, et de la géographie très accidentée de région[479],[480]. Elle l'est aussi au niveau de l'Alentejo, face à l'Andalousie et à l'Estrémadure espagnole, zone rattachée administrativement pendant l'Antiquité et le Haut Moyen Âge à laLusitanie, et disputée jusqu'auXIXe siècle entre les deux pays[476]. Les habitants de cet espace à part sont communément qualifiés deRaianos.
Église de Cambedo, l'un des trois « Peuples promiscus » (Povos promiscuos) incrustés à l'intérieur de laRaia, indépendantsde facto jusqu'en 1868, avant d'être annexé par le Portugal.
Dans les siècles suivant l'établissement de laRaia, les accords de démarcation entre les souverains portugais et castillans, puis espagnols, concernent essentiellement l'organisation de communautés locales autonomes ou de petites entités féodales indépendantes dites « transraianas » au statut particulier, situées sur laRaia, notamment leCouto Misto, constitué des villages de Santiago, Rubiás et Meaus[481], et les « Peuples promiscus » (Povos promiscuos),Soutelinho da Raia(gl),Lama de Arcos(gl) etCambedo(gl) (Vilarelho da Raia)[482]. Ils affinent sans le modifier le tracé de laRaia[475].
L'Union des couronnes ibériques (1580-1640) n'a pas d'incidence sur le tracé de la frontière luso-castillane, puisque le Portugal maintient son existence en tant qu’État souverain. En effet, l'union n'est pas politique mais personnelle,in persona regis (en la personne du roi) : les souverains castillans de Habsbourg, affiliés à laMaison royale portugaise d'Avis, règnent au Portugal en tant que rois portugais, sous un nom de règne portugais, avec stricte séparation des administrations, monnaies, armées et empires, et avec le devoir de respecter et protéger l'intégrité du royaume.
Au fil des siècles, quatre petites localités frontalières de laRaia basculent au gré des conflits d'un pays à l'autre, São Félix dos Galegos (en 1327, 1370 et 1476),Salvaterra do Minho (en 1643), Ermesende (en 1640-1668). Ces basculements, entérinés par les deux États, ne remettre pas en cause les dispositions fondamentales dutraité d'Alcanizes, confirmées par letraité de Lisbonne de 1864, avant-dernier accord frontalier établi par le Portugal et l'Espagne, qui démantèle les derniers États féodaux de laRaia, affine et précise le tracé de la frontière, et fixe les bornes frontalière de l'embouchure duMinho auGuadiana. Ce traité est complété en 1926 par l'Accord des Limites, qui reprend ce qui a été fait au nord pour le prolonger au sud en délimitant la frontière depuis le confluent de la Ribeira de Cuncos avec le Guadiana, juste au sud d'Olivence, jusqu'à l'estuaire duGuadiana, à l'extrême sud.
Le pont de Ajuda (ponte da Ajuda), dans le district de la ville d'Olivence, détruit lors de la guerre des Oranges en 1801, symbole du litige frontalier opposant depuis le Portugal et l'Espagne autour du statut de la ville, restauré par le Portugal entre 1994 et 2000.
Seul reste alors en suspens le cas d'Olivence, qui constitue un cas typique de possession mixte sur vieux fond litigieux. Cette ville frontalière portugaise, occupée et administrée par l’État espagnol depuis1801, et violemment castillanisée sous lefranquisme, reste un territoire juridiquement portugais, reconnu comme tel par l'Espagne depuis les traités de Cadix (1810) et deVienne (1817), et soumis à rétrocession, bien que celle-ci soit sans cesse repoussée parMadrid. Une partie des travaux publics dans la région est prise en charge par le Portugal, comme la restauration du pont da Ajuda entre 1994 et 2000. Et un nombre important d'habitants d'Olivença possèdent lanationalité portugaise, à laquelle ils peuvent prétendre au même titre que les Lisboètes, sans que celle-ci puisse leur être légalement refusée[483]. En 2008,Olivence, les villes frontalières portugaises d'Arronches,Campo Maior,Estremoz,Portalegre etElvas d'un côté, et les villes frontalières espagnoles deLa Codosera,Alburquerque etBadajoz de l'autre, sont arrivées à un accord en vue de la création d'uneeurorégion mixte incluant Olivence, afin de trouver une solution innovante au problème. Cette collaboration est facilitée par le fait que toutes ces villes partagent la cultureraiana.
La commune transfrontalière deRio de Onor, dans le conseil de Bragance, vue depuis sa moitié espagnole Rihonor de Castilla.
Depuis quelques décennies, les cultures de laRaia font l'objet d'une attention particulière de la part des autorités portugaises. En 1999, le gouvernement portugais a fait dumirandais, une langue de laRaia, la seconde langue officielle du Portugal, et il a fondé l'Institut de la langue mirandaise (Anstituto de la Lhéngua Mirandesa), créé le1er janvier 2003[484]. En 2021, l'Assemblée de la République portugaise a proclamé officiellement la reconnaissance et la protection de l'identité deBarrancos, et du dialecte barranquenho, un dialecte mixte de laRaia[485]. Depuis l'entrée en vigueur del'accord de Schengen, le 26 mars 1995, hors de quelques moments exceptionnels, les passages de la frontière sont libres de tout contrôle. La constitution d'eurorégions favorise l'institutionnalisation et l'affirmation des identités et organisations transfrontalières très anciennes des populations de laRaia.
Dans le cadre ibérique, l’État portugais est un reliquat historique, dans le sens où il est le dernier État chrétien né de laReconquista, et le seul héritier actuel desEspagnes médiévales, les autres nations et royaumes ibériques ayant été absorbés, démembrés etcastillanisés sous l'autorité deMadrid depuis lesdécrets de Nueva Planta (1707-1716)[486].
Le Portugal est communément considéré comme le plus vieilÉtat-nation d'Europe[487].
Indépendantde facto depuis la fin des années 1120 (bataille de São Mamede), disposant d'un roi reconnu dans ses frontières dès 1139[n 19],l’État portugais, obtient la reconnaissance formelle de son indépendancede jure avec letraité de Zamora le 5 octobre 1143.
Couverture de la première édition desLusiades (1572), chef-d'œuvre littéraire qui raconte et glorifie la naissance et le destin de la nation portugaise.
La langueportugaise, marqueur fondamental de la nationalité, apparaît comme langue littéraire différenciée du latin dès 1198, avec laCantiga da Ribeirinha, écrite par le troubadourPaio Soares de Taveirós(pt). Une quinzaine d'années plus tard, le testament du roiAlphonseII, daté de 1214, est rédigé dans un portugais compréhensible pour un lusophone duXXIe siècle[488]. Ce texte est communément considéré comme le plus ancien document littéraire long en prose rédigé enlangue portugaise. À partir de 1255, le portugais est adopté comme langue de registre (língua de registo) dans la chancellerie royale (Chancelaria Régia), sous le règne du roiAlphonseIII. Enfin, en 1385, avec l'arrivée de ladynastie d'Avis, le portugais devient la seule langue officielle du royaume pour les actes juridiques et administratifs (cinquante ans avant lesnormes de la Chancellerie anglaises[n 20] et plus de150 ans avant l'ordonnance de Villers-Cotterêts). La précocité et l'homogénéité linguistique du Portugal permettent le développement rapide d'unelittérature très riche, qui contribue à l'émergence d'un sentiment national (comme l'attestent les chansonniers médiévaux, oucancioneiros, encore étudiés de nos jours dans les lycées portugais, avec lescantigas de amigo, lescantigas de amor et lescantigas de escárnio e maldizer)[489].
Conséquence de cet état de fait, 53 % du commerce extérieur de l'Union européenne transite par les eaux portugaises, 60 % du commerce extérieur portugais se fait par voie maritime, et 70 % des importations nationales sont acheminées par la même voie (dont la totalité du pétrole et les 2/3 du gaz portugais). Acteur important dans l'océan Atlantique, l’État portugais s'est compromis à assurer les recherches et sauvetages maritimes (search and rescue) sur un espace de responsabilité de presque6 millions de kilomètres carrés (soit plus de63 fois sa surface terrestre)[499]. D'un point de vue militaire, l’État portugais affecte une part importante de sesforces navales et aériennes au service des missions de l'OTAN dans l'Atlantique nord, assurant la protection des voies maritimes et aériennes pour le renforcement de la sécurité européenne. D'un point de vue économique, le pays continue à tirer une part importante de ses richesses de la mer, puisque 11 % de sonPIB, 12 % de ses emplois, 17 % de ses recettes fiscales[500] et 90 % de ses recettes touristiques sont liés aux océans[501].
La vocation océanique traditionnelle du Portugal est l'objet de nombreuses études dans les milieux universitaires, en histoire, en géographie, en géopolitique et en économie[502]. D'après l'historien Virgilio de Carvalho, une des étapes essentielles de la viabilisation de l’État-nation portugais a été son « atlantisation », auxXIVe et XVe siècles. Son prédécesseur, l'historienJaime Cortesão a résumé l'histoire du Portugal dans la formule : « L'histoire portugaise peut se résumer en une série d'efforts pour la mise à profit des possibilités atlantiques du territoire », la réalisation de ces efforts ayant « forgé l'individualité » du Portugal et « influé sur l'histoire de l'humanité »[503].
Le Portugal est le premier grand État européen et le cinquième territoire au monde à abolir lapeine de mort (après leTibet, legrand-duché de Toscane, la république deSaint-Marin et leVenezuela). La peine de mort pour délits politiques est abolie constitutionnellement en 1852, durant le règne deMarie II. La peine de mort pour délits civils est abolie en 1867, sous le règne du roiLouisIer[504]. Maintenue à titre exceptionnel dans l'armée jusqu'en 1911[n 23], son abolition définitive est indiquée dans la nouvelle Constitution de la Première République portugaise (1911), et réitérée dans la Constitution républicaine de 1976[505] : «Em caso algum haverá pena de morte» (en français : «En aucun cas il n'y aura la peine de mort»). La dernière exécution pour délits politiques date de 1834, et de 1846 pour des délits civils (àLagos, dans l'Algarve)[réf. souhaitée]. Selon les registres officiels, la dernière exécution d'une femme au Portugal date du[réf. souhaitée].
L'alliance anglo-portugaise entre le Portugal et l'Angleterre (puis la Grande-Bretagne et le Royaume-Uni) est la plus ancienne alliance militaire au monde encore en vigueur. Conclue en 1373, elle est activéede facto pendant laguerre de succession au Trône de 1383-1385 contre laCastille. Un pacte d'assistance et d'entraide entre le Portugal et l'Angleterre est scellé à l'issue de cette guerre, en mai 1386, avec letraité de Windsor. Invoquée sans cesse depuis cette époque, notamment lors desinvasions françaises du Portugal, cette alliance militaire a encore été réactivée tout au long duXXe siècle.Carte anachronique de l'Empire portugais (1415–1999).
Le Portugal est le premier État européen ayant fondé un empire mondial, avec un ensemble de territoires répartis sur cinq continents.L’empire portugais, qui dure six siècles, est par ailleurs considéré comme le plus long des empires coloniaux européens modernes (1415-1999). Le Portugal est le dernier grand État européen à clore son processus de décolonisation, en Afrique avec les indépendances de l'Angola, duMozambique, de laGuinée-Bissau duCap-Vert et deSao Tomé-et-Principe au milieu des années 1970, et en Asie avec la rétrocession deMacao à la Chine en 1999 et leréférendum d'autodétermination du Timor oriental en 2002.
Le Portugal est le seul État européen dont lacapitale a été située hors d'Europe, avec le transfert de la cour en 1807 àRio de Janeiro et la constitution duRoyaume-Uni du Portugal, du Brésil et de l'Algarve.Rio de Janeiro a été la capitale du Portugalde facto entre 1807 et 1815, etde jure entre 1815 et 1822. Pendant cette période, les principales institutions du royaume, la banque du Portugal, l'état-major portugais, l'ensemble de la haute noblesse et de la famille royale résidaient sur le continent américain. Leroi de Portugal est par ailleurs le seul souverain régnant européen à s'être déplacé personnellement dans sacolonie américaine, et à y avoir régné durablement, légiférant pour le Portugal depuis l'autre côté de l'océan Atlantique (la reineMarieIre et le roiJeanVI).
Le Portugal est le premier État européen à se lancer dans latraite négrière dans l'Atlantique, avec l'arrivée d'un premier lot d'esclaves noirs à Lisbonne dès 1441, amené par le navigateurAntão Gonçalves (esclaves achetés sur la côte de l'Argüim la même année)[réf. souhaitée]. Le Portugal est le premier État européen à dévier massivement les circuits de latraite négrière africaine vers les îles de l'Atlantique puis vers les Amériques. Les Portugais sont le seul peuple européen à pratiquer massivement et systématiquement lachasse aux esclaves dans l'Atlantique (avec lespombeiros enAngola, lesbandeirantes auBrésil, l'achat et la capture d'esclaves dans leGolfe de Guinée), l'océan Indien et le Pacifique (avec lesprazeiros auMozambique, lesFerengis dansgolfe du Bengale et lesFu-lang-chi enChine)[508]. Le Portugal est la principale puissance esclavagiste européenne de la période moderne. Il fonde lesystème des plantations dès leXVe siècle àMadère, transposé le siècle suivant auBrésil, qui devient le plus grand Empire esclavagiste d'Amérique (et le dernier à abolir l'esclavage le 13 mai 1888)[509].
Le Portugal est le premier grand État européen à abolir l'esclavage sur son territoire métropolitain et dans ses possessions de l'océan Indien[510]. Le, sous le règne du roiJosephIer, leMarquis de Pombal abolit l'esclavage dans leroyaume de Portugal et dans lesIndes portugaises (partie asiatique de l'Empire portugais). Le Brésil lui-même n'échappe pas à cette première vague d'abolitionspombalines, lancées sur son sol. En 1755, le marquis de Pombal avaitlibéré les Indiens du Brésil et promulgué des mesures en faveur de leur intégration dans la société coloniale (Diretório dos Índios(pt)), sans toutefois toucher à la condition servile des Noirs ou à latraite négrière (en raison de leur importance capitale pour l'économie brésilienne). Lecongrès de Vienne et l'opposition des Anglais font de l'abolition de la traite et de l'esclavage auBrésil et enAfrique une question à résoudre d'urgence pour Lisbonne. Letrafic et le commerce d'esclaves sont abolis dans tout l'Empire colonial portugais en 1836. Les esclaves de l'État sont libérés par décret en 1854 et ceux de l’Église par décret en 1856. La loi du[511] proclame l'abolition de l'esclavage dans tout l'Empire colonial portugais, jusqu'à son terme définitif de 1878[512].
Lecanyon de Nazaré,canyon sous-marin situé au large de la ville deNazaré, est un milieu reconnu mondialement par les amateurs de surf en raison des immenses vagues déferlant de novembre à février. Ce spot de surf fait environ 5 000 m de profondeur[513].
Lamarine de guerre portugaise est la plus ancienne branche des forces armées du monde encore active[n 24]. Elle est en activitéde facto au moins depuis 1180, sous le règne d'Afonso Henriques, lorsqu'elle remporte une victoire face à une escadre musulmane au large du cap Espichel. D'un point de vue strictement juridique, la fondation de la marine de guerre portugaise (en tant qu'institution) date du début duXIVe siècle. En 1312, le roiDenisIer donne une organisation permanente à laMarine Royale portugaise, dont le GénoisManuel Pessanha est nommé premier amiral en 1317.
Le terme « provinces » (en portugais :províncias) a été utilisé tout au long de l'histoire pour identifier les régions duPortugal continental et ont servi, depuis 1832 comme divisions administratives. Même si ces provinces ne coïncident pas avec les subdivisions juridiques actuelles du Portugal, elles correspondent toujours à des catégories culturellement pertinentes et fortement auto-identifiantes. Ce sont :
Il y a eu un dernière division en 1936 quand 11 provinces furent créés en se basant sur les travaux du géographe Amorim Girão, qui avait identifié 13 régions naturelles. La Beira était divisée en "Beira Alta", "Beira Baixa" et "Beira Litoral", tandis que l'Alentejo était divisé en "Alto Alentejo" et "Baixo Alentejo", maintenant donc les 8 appellations principales originelles.
Depuis1976, lesAçores etMadère sont devenues des régions autonomes, avec unstatut politico-administratif[521] et des agences du gouvernement propres (article6.º, paragraphe 2, de laConstitution de la République portugaise).Actuellement[C'est-à-dire ?], la division administrative se résume par le tableau suivant :
L'ensemble du territoire continental du Portugal et des îles autonomes des Açores et de Madère constituent chacune unerégion NUTS-1 de premier niveau[520]. Le second niveau NUTS-2 est constitué par les7 régions de la métropole, mais ne subdivise pas les anciens districts des Açores qui constituent une seule région NUTS-2 comme aussi Madère : il y a donc9 régions NUTS de niveau 2, de population relativement équilibrée (à l’exception des régions du Nord (Porto) et Grand Lisbonne qui sont 5 à20 fois plus grands que les autres). La troisième division NUTS-3 est composée de 24 sous-régions (les zones métropolitaines de Porto et de Lisbonne et 22 communautés intercommunales), à l'exception des îles autonomes des Açores et de Madère[523].Cette division, élaborée à des fins statistiques, est entrée en vigueur dans tous les pays de l’Union européenne.
Carte des régions et sous-régions du Portugal depuis 2024.
En 2024, les contours des régions et sous-régions sont à nouveau modifiés. Le nombre de sous-régions passe de 25 à 26[524].
Les trois principales composantes du pouvoir sont leprésident de la République et le gouvernement, l'Assemblée de la République, et lajustice. La Constitution accorde la division ou la séparation des pouvoirs entre les branches législative, exécutive, et judiciaire. La République portugaise est unÉtat laïc. Le président de la République, élu pour cinq ans, assume un rôle exécutif, qu'il partage avec le Premier ministre. L'actuel président estMarcelo Rebelo de Sousa, élu en. Le pouvoir législatif est détenu par l'Assemblée de la République (Assembleia da República), parlementunicaméral composé de230 députés élus pour quatre ans (dont quatre représentent les Portugais de l'étranger).
Le gouvernement est dirigé par lePremier ministre, qui, depuis lesélections du, estAntónio Costa, secrétaire-général duPS. Le Premier ministre nommé par le président désigne les membres de son gouvernement, qu'il propose au chef de l'État. L'actuel gouvernement est entré en fonction le. Antonio Costa a conservé son poste de Premier ministre à la suite des élections législatives de début octobre 2019, où son parti, le PS, a obtenu le plus grand nombre de suffrages (36,65 %), permettant au pays de disposer ainsi d'une stabilité parlementaire et gouvernementale.
Le pouvoir judiciaire est divisé en trois ordres: judiciaire, administratif, et financier. Le Tribunal suprême de justice constitue la plus haute juridiction judiciaire du pays, le Tribunal administratif suprême étant la plus haute juridiction administrative. Tous deux statuent encassation[528]. Par ailleurs, leTribunal constitutionnel veille à la conformité deslois avec laConstitution.
Le Portugal est membre de l'UE depuis 1986. Cette appartenance impacte sa structure gouvernementale : Participation aux institutions européennes (Parlement européen, Conseil de l'UE), transposition des directives européennes dans le droit national, coordination des politiques économiques avec les autres États membres
L'âge minimum requis pour voter est fixé à18 ans. Les femmes ont obtenu le droit de vote en1931 par un décret-loi (Decreto-lei 19694 de 5 de Maio de 1931)[529], mais seulement les femmes ayant un diplôme de l'enseignement supérieur; enfin toutes les femmes obtiennent le droit de vote en 1945. Lapeine de mort a été abolie en1867, la dernière exécution eut lieu en1849[530].
Les partis majeurs dans le système politique portugais incluent : Parti socialiste (PS), Parti social-démocrate (PSD), Bloc de gauche (BE), Parti communiste portugais (PCP), CDS – Parti populaire (CDS-PP)
La structure du gouvernement local au Portugal comprend 18 districts administratifs sur le continent, 308 municipalités (concelhos), plus de 3000 paroisses civiles (freguesias). Les maires et les conseils municipaux sont élus directement par les citoyens.
La Cour des comptes (Tribunal de Contas) est l'institution suprême de contrôle des finances publiques au Portugal. Ses principales fonctions sont de contrôler la légalité et la régularité des recettes et des dépenses publiques, évaluer la gestion financière, déterminer les responsabilités financières
Marcelo Rebelo de Sousa, candidatPSD des présidentielles de 24 janvier 2016 est élu au premier tour avec près de 52 % des suffrages exprimés. C'est le qu'il a pris ses fonctions à la suite d'une prestation de serment devant le parlement portugais. Marcelo Rebelo de Sousa succède ainsi au présidentAníbal Cavaco Silva élu en 2006 puis réélu en 2011. Dès son arrivée à la tête de l'État portugais, Rebelo de Sousa se retrouve dans une situation de cohabitation avec un chef du gouvernementsocialiste soutenu par lescommunistes et lagauche radicale à la suite des élections du. Son principal rôle sera donc d'assurer la stabilité du gouvernement socialiste en fonction afin d'éviter toutes éventuelles crises politiques ainsi que le respect des engagements économiques et financiers du pays face à l'Union européenne, laBanque centrale européenne, et leFonds monétaire international.
Le, leParti social-démocrate (PPD/PSD) quatre ans après sonretour au pouvoir semble emporter lesélections législatives mais sa première place n'est due qu'à l'existence de listes communes avec le CDS (les listes communes perdent plus de 12 % des voix par rapport à 2011- 40,1 % contre 52,5 % pour le total des deux partis) et perd donc la majorité absolue. Pour la première fois en quarante ans, un accord est conclu entre leParti socialiste (PS) et deux autres formations se réclamant de la gauche radicale, leBloc de gauche (BE) et laCoalition démocratique unitaire (CDU), majoritaires en nombre de sièges à l'Assemblée de la République. Le24 novembre suivant, malgré les réticences du chef de l'État, le secrétaire général du PS,António Costa, est désigné Premier ministre.
Le chef de file de la droite,Luís Montenegro, devient Premier ministre après les élections de 2024, sans toutefois que sa coalition n'ait pu remporter la majorité des siéges. Le scrutin a surtout été marqué par la percée du parti d'extrême droiteChega, dans un pays où l'extreme droite était marginale depuis la chute de la dictature de l'Estado Novo en 1974[531].
Deux conflits territoriaux opposent encoreactuellement[C'est-à-dire ?] le Portugal et l'Espagne ; en effet, le Portugal ne reconnaît pas la municipalité d'Olivença commeterritoire espagnol[532]. À la suite dutraité de Vienne, l'Espagne a manifesté la volonté de faire rétrocession de ses territoires occupés. La constitution portugaise dans son article 5, alinéa 3, rend impossible que ce territoire soit reconnu comme espagnol[533].
Il existe également un conflit non clarifié au sujet de la zone économique exclusive du Portugal dans les eaux territoriales desîles Selvagens (un petit archipel au nord desîles Canaries), sous autorité portugaise. L'Espagne les réclame au motif qu'elles ne se trouvent pas sur une plaque continentale distincte, en accord avec l'article 121[534] de laConvention des Nations unies sur le droit de la mer.Le statut des îles Salvagens en tant que simples rochers ou au contraire en tant qu'îles est donc au cœur du débat. Ces îles constituent aujourd'hui une réserve naturelle dont les seuls résidents sont deux gardes duParc naturel de Madère. Année après année, les autorités portugaises ont saisi des bateaux de pêche espagnols naviguant dans ces zones pour cause de pêche illégale et plusieurs survols non autorisés des forces aériennes espagnoles ont été dénoncés aux gouvernements concernés.[réf. nécessaire]
D'éphémères mouvements indépendantistes, très minoritaires, ont existé entre 1975 et 1978 auxAçores[535] et àMadère, jusqu'à ce que ces deux archipels obtiennent le statut derégion autonome. Ils sont depuis inexistants.D'autres mouvements réclament la fusion de l'Espagne et du Portugal[réf. nécessaire][Lesquels ?] ou encore celle de laGalice (région espagnole) et du Portugal.
Pour la fusion entre l'Espagne et le Portugal, ce sont surtout les Espagnols qui, plus que les Portugais, sont favorables à une éventuelle union entre les deux pays. Presque la moitié desEspagnols se déclarent favorable au rapprochement des deux nationsalors que lesPortugais sont eux un peu plus d'un quart à y être bienveillant.[réf. nécessaire] Un sondage public effectué en 2006 a révélé que 45,6 % des Espagnols sont pour la fusion ; parmi ceux-ci, 43,4 % défendent le nom d’Espanha pour l’hypothétique entité mais 39,4 % sont pour le nomIbéria. Pour 80 % des partisans de l’union, ils souhaitent que la capitale soitMadrid, contre à peine 3,3 % pourLisbonne[536].
Certains mouvements galiciens minoritaires et ditsréintégrationnistes tels l'AGAL, revendiquent une union entre les peuples du Portugal et de Galice en militant pour ré-introduire legalicien comme dialecte de lalusophonie. D'autant que le Portugal et la Galice ont des langues issues de l'ancien galicien, legalaïco-portugais[537] qui de fait a deux variétés modernes : leportugais et legalicien. Quelques projets transfrontaliers existent entre la Galice et le Nord du Portugal, en particulier dans le cadre de l'euro-région de Galice/Nord-Portugal (Galicia - Norte de Portugal, communidade de trabalho)[538]. Il est envisagé d'autoriser la réception des chaines de télévision portugaises en Galice, parmi les six présentes, cinq sont en langue castillane ouespagnol et une seule engalicien[539],[540]. Le, le secrétaire exécutif de laCPLP a fait une déclaration dans laquelle il garantit que la Galice, n'étant pas un pays, peut toutefois prétendre à être membre associé de la CPLP, grâce à l'accord du gouvernement espagnol, et qu'il en a informé les autorités galiciennes[541].
Les îles desAçores sont localisées sur unrift au milieu de l'océan Atlantique. Quelques-unes de ses îles sont entrées dans une réaction volcanique récemment comme àSão Miguel en1563 etCapelinhos en1957, ce qui a permis un agrandissement de la superficie de l'île deFaial. Avec toutes ces éruptions volcaniques, une nouvelle île pourrait surgir dans un futur proche.[réf. nécessaire]
LePortugal continental possède 1 230 kilomètres de côtes, lesAçores en comptent667 kilomètres, etMadère250 kilomètres (incluant lesîles Desertas,Selvagens et celle dePorto Santo). Une caractéristique importante de la côte portugaise est l'existence de laRia de Aveiro, l'estuaire du fleuveVouga, près de la ville d'Aveiro, avec environ45 kilomètres de longueur et un maximum de11 kilomètres de largeur, qui contient une grande richesse de poissons et d'oiseaux marins.[réf. nécessaire]
Le Portugal est une escale importante pour lesoiseaux migrateurs, sur les sites ducap Saint-Vincent et de laSerra do Monchique, où des milliers d'oiseaux qui volent de l'Europe vers l'Afrique enautomne ou sur la direction opposée peuvent être vus auprintemps[555]. Il est également possible d'observer des phénomènes de remontée, particulièrement sur la côte Ouest, qui fait la richesse de la gastronomie portugaise et de labiodiversité. Les eaux marines portugaises sont en effet parmi les plus riches enbiodiversité au niveau mondial[556].
Le Portugal mène actuellement un programme de réintroduction et protection dulynx ibérique, oulynx pardelle, espèce considérée comme hautement menacée. En 2008, le pays s'est doté d'un centre national d'élevage du lynx ibérique àSilves, dans l'Algarve, région la plus au sud du Portugal. Ce centre prépare les lynx à vivre en liberté, en évitant tout contact humain direct pour favoriser leurréintroduction. Il prepare également les populations de la région à la cohabitation avec le lynx par des aménagements desvoies de circulation, une securiation desélevages, un renforcement des clôtures depoulaillers, et des programmes d'éducation populaire. Le lynx ibérique se distingue par son petit gabarit, par le fait qu'il n'a 28 dents au lieu des 30 pour les autres autres lynx[557]. Grâce aux programmes de protection portugais et espagnols, la population du lynx ibérique est passée de 100 à 2 000 individus dans la nature entre 2000 et 2025[557]. On estime en 2025 que le Portugal abrite 20 % de la population du lynx ibérique.
En juin 2017, des incendies provoquent la mort de soixante-six personnes, ce qui entraine de vives critiques contre les autorités, accusées de négligence. Conséquence de l'austérité et du faible niveau d'investissement public, le démantèlement des services forestiers, la privatisation des moyens aériens de lutte contre les incendies et l'amputation des budgets de la politique forestière ont été poursuivis durant des années, tant par des gouvernements conservateurs que sociaux-démocrates. Entre 2006 et 2016, les effectifs des gardes forestiers ont été réduits de près d'un tiers. Après la tragédie, le gouvernement entreprend de racheter au secteur privé pour sept millions d'euros le réseau Siresp (système de communication entre secours), jugé largement défaillant[558].
Les plantations d'eucalyptus, essence hautement inflammable, sont montrées du doigt. Cet arbre d’origine australienne constitue l’espèce la plus présente au Portugal, indique la Ligue pour la protection de la nature (LPN). Le pays compte la plus grande densité d’eucalyptus du monde. Ces plantations servent notamment de matière première à l’industrie papetière, en particulier The Navigator Company, l'une des plus puissantes entreprises du pays. D'après la présidente de l’Association des victimes de l’incendie de Pedrógão Grande : « En 2002-2004, le gouvernement de José Manuel Barroso a négocié avec l’entreprise afin d’intensifier son développement économique. Dès lors, les pouvoirs locaux ont délivré les autorisations de planter de l’eucalyptus aux micropropriétaires les yeux fermés. La politique forestière étant fondée sur le profit à court terme, l’arbre a très vite proliféré dans les zones rurales les plus défavorisées[558]. »
Lisbonne (qui compte en 2011[559] 547 733 habitants pour la ville, 2 042 477 pour leGrand Lisbonne et 2 821 876 pour larégion métropolitaine de Lisbonne) est la capitale du Portugal depuis leXIVe siècle, car jusqu'en1385 la capitale du Portugal futCoimbra[560].Lisbonne est la plus grande ville du pays, le principal pôle économique, possédant les principaux port maritime et aéroport du pays. C'est aussi la ville la plus riche du Portugal avec unPIB supérieur à la moyenneeuropéenne.[réf. nécessaire]
Leclimat du Portugal est de typeméditerranéen selon laclassification de Köppen. D'après cette classification, le climat est caractérisé essentiellement par des étés chauds et secs et des hivers plus ou moins doux. En hiver, les mois les plus « froids » sontjanvier etfévrier, mais les températures restent douces.
En moyennes, sur la côte océanique portugaise, les températures varient de18 °C à27 °C l'été et de5 °C à16 °C l'hiver influencé directement par l'océan Atlantique. L'intérieur des terres possède des variations thermiques plus fortes, avec des températures qui varient de16 °C à33 °C l'été et de0 °C à12 °C l'hiver. Laneige tombe sur les sommets du pays en hiver. L'aridité est plus marquée dans l'intérieur du pays.
Toujours selon Köppen, le pays connaît deux nuances :
La zone Csa qui s'étend sur la moitié sud du pays. C'est le climat méditerranéen-type, caractérisé par des étés très chauds et secs, et des hivers doux. La neige et les gelées sont rares et l'ensoleillement annuel est souvent supérieur à 2 500 heures ;
La zone Csb s'étend sur la moitié nord du pays. C'est la variante « galicienne » du climat méditerranéen. Les étés demeurent secs (d'où la classification de Köppen), mais sont moins caniculaires qu'au sud, tout en restant assez chauds. La moyenne de juillet est de20 °C à Porto[563], ce qui est assez élevé (comparable à la moyenne vallée du Rhône ou au sud-ouest français). Le cumul des précipitations annuelles y est toutefois plus élevé qu'au sud du pays, surtout sur les reliefs. L'ensoleillement est moindre, mais encore élevé (souvent entre 2 000 et 2 500 heures).
LaConstitution portugaise de 1976, élaborée sous influences socialistes, garantissait les acquis de larévolution des Œillets, comme l'irréversibilité des nationalisations ou la gratuité d'accès aux soins[531]. Le Portugal s'oriente ensuite dès le milieu des années 1980 vers un système économique libéral. Après deux interventions duFMI (1977 et 1983) et l'adhésion à laCommunauté économique européenne (CEE) en 1986, la Constitution a été révisée en 1989 dans le but de libéraliser le système économique, de faciliter les privatisations, de réduire le poids de l'économie planifiée par l'État, d'éliminer la référence constitutionnelle à la réforme agraire et d'ouvrir la porte à la privatisation des services publics[531]. Les gouvernements successifs ont réalisé plusieurs réformes, ont privatisé de nombreuses sociétés contrôlées par l'État et ont libéralisé les espaces-clefs de l'économie, y compris les secteurs des télécommunications et financier. Le pays a développé une économie de typecapitaliste de plus en plus fondée sur les services. Le Portugal fait partie des onze États de l'UE fondateurs de l'euro, en 1999[564].
Le pays fait ainsi disparaître l'ancienne monnaie nationale, l'escudo, avec l'application d'une parité de200,482 escudos pour un euro. Pendant la majeure partie des années 1990, la croissance économique portugaise est supérieure à la moyenne de celle des pays de l'Union européenne.
En partie avec des fonds de l'Union européenne, le pays réalise dans les années 1990 et 2000 d'importants investissements lui permettant de moderniser certains secteurs (télécommunications, infrastructures routières, finance). D'autres cependant, comme l'industrie textile, ont été durement atteints par l'ouverture à la concurrence. L'intégration du Portugal dans lazone euro a généré une affluence de capitaux, mais le nouveau modèle de spécialisation productive, façonné par la libéralisation puis par lacrise de 2008, a essentiellement profité aux secteurs du tourisme et de l'immobilier[531].
Début 2006, le Portugal souffre d'untaux de chômage de 7,7 %, qui atteint 8,7 % chez les femmes et 16,2 % chez les jeunes de moins de25 ans. Néanmoins, deux des régions européennes les moins touchées par le chômage sont portugaises : lesAçores etMadère avec un taux de 2,5 %[565].
Exportations de produits portugais dans le monde (2006).
Les principales exportations portugaises sont letextile, lesvoitures, lescycles, leschaussures, les produits manufacturés, des composants informatiques et électroniques et des matériaux de construction.
Depuis1962, l'usine PSA de Mangualde produit des véhicules. En 2010, 47 369 véhicules y ont été produits et elle a la particularité d'être en production majoritairementmanuelle[566].Renault-Nissan y ont débuté au second trimestre de 2011 la construction de véhicules électriques[567],[568]
Le commerce extérieur du Portugal se concentre essentiellement dans l'Union européenne. Aujourd'hui, 80 % des exportations portugaises sont à destination des pays de l'Union européenne, 5 % pour l'Amérique du Nord, les pays lusophones représentant 4 % des exportations.
Les exportations de biens manufacturés comme le textile, les vêtements, les chaussures, le liège, lesmachines-outils, les équipements de transports, lapâte à papier, les dérivés dupapier et les produits chimiques représentent 70 % des exportations totales.
L'Union européenne et leFonds monétaire international sont venus en aide au Portugal, à hauteur d'un prêt de 78 Milliards d'euros[569]. La crise économique de 2011 a eu pour conséquences :
la diminution du salaire des fonctionnaires de 14,29 % ;
la diminution des pensions de retraite également de 14,29 % ;
un taux de TVA fixé à 23 % ;
une diminution du PIB de 1,5 % en 2011, et une prévision, selon leFMI, de 3,3 % en 2012 ;
36,4 % des jeunes sont sans emploi.
Sous le gouvernement conservateur dePedro Passos Coelho (2011-2015), le Portugal s'engage dans une « politique d'austérité » visant à réduire ledéficit public et redynamiser le secteur privé : réduction du salaire minimum et des pensions de retraites, augmentation les impôts et réduction des aides publiques[570]. Le déficit se maintient néanmoins à 4,4 % du PIB, entrainant des menaces de sanctions de l'Union européenne, tandis que ladette passe de 96,2 % du PIB en 2010 à 128,9 % en 2014[571]. La précarité et la pauvreté augmentent dans le pays[570]. Entre 2006 et 2012, le nombre de salariés percevant le salaire minimum est passé de 133 000 à 400 000, sur une population active d’environ cinq millions de personnes, du fait d'une politique visant à réduire lecoût du travail[571].
Après lesélections législatives de 2015, le nouveau gouvernement conduit parAntonio Costa (Parti socialiste,Parti communiste etBloc de gauche) déclare rompre avec la politique menée par le gouvernement précédent : « La politique d’austérité suivie ces dernières années a eu pour conséquence une augmentation sans précédent du chômage avec des effets sociaux dévastateurs sur les jeunes et les citoyens les moins qualifiés, ainsi que les familles et les milliers de Portugais au chômage. Elle a été aussi associée à une dévalorisation de la dignité du travail et des droits des travailleurs »[570].
Le salaire minimum a été augmenté en 2016 puis de nouveau en 2017, en échange de baisses de cotisations pour les employeurs, de 23 % à 22 %. Les retraites et les allocations familiales ont été augmentées, le droit du travail renforcé, les impôts sur les bas salaires réduits, arrêt des privatisations de services et d'infrastructures publics. Il est aussi prévu de supprimer les coupes dans les revenus des fonctionnaires et de ramener leur temps de travail à35 heures par semaine[570]. Les projections actuelles des instituts tablent sur un chômage portugais à 7 % en 2019, le plus bas depuis 2004. la croissance du PIB est évaluée à 2,5 % pour 2017[570].
Afin de respecter l’orthodoxie budgétaire imposée par les traités européens, les dépenses publiques ont atteint un niveau extrêmement faible (1,97 % du PIB en 2018). Le redressement économique a ainsi servi prioritairement à combler le déficit et la dette. Cette politique de rigueur budgétaire est mise en œuvre par le ministre des FinancesMário Centeno, économiste formé à Harvard et de sensibilité libérale. Plutôt que d’investir dans le secteur public, le gouvernement décide de renflouer les banques privées avec de l'argent public (Novo Banco reçoit 1,9 milliard en 2019). Cette décision a de nouveau provoqué une contestation de la gauche radicale et des communistes, qui ont accusé le ministre de préférer « assainir » les banques privées plutôt que d’effectuer les investissements nécessaires au pays[558]. En 2019, les universités sont proches de la faillite et le système de santé pâtit du manque de moyens matériels et de personnel. Le gestionnaire public des infrastructures ferroviaires considère que 60 % des lignes de train sont dans un état « mauvais » ou « médiocre ». Le logement social ne représente que 2 % du parc immobilier[558]. La pauvreté repart à la hausse en 2020, avec 18,4 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté. La chute de l'activité touristique du fait de la pandémie de Covid-19 et la faiblesse du système de protection sociale en sont les causes[572].
Les entreprises privées sont généralement très endettées. Leurs dettes représentent en 2017 145 % du PIB[573].
Le Portugal est certes fortement dépendant de ses importations en matière d'énergie, en particulier pour lescombustibles fossiles[581], mais il a une vision claire à propos des prévisions de ses besoins énergétiques sur plusieurs décennies, traduite par un modèleMARKAL commun avec l'Espagne[582].
En 2017, le Portugal a consommé 28,1 % d'énergie issue de sources renouvelables contre 28,4 % en 2016, selon des données d'Eurostat publiées en février 2019, soit à 2,9 points de l'objectif national de 31 %. Le Portugal est au deuxième rang des six pays européens dont la consommation d'énergie renouvelable se situe entre 20 et 30 % derrière l'Estonie[583].
Le gouvernement portugais affirmait qu'en 2010 45 % de l'électricité serait produite à partir des sources renouvelables[584].
L'hydroélectricité est la principale source d'énergie renouvelables ; le Portugal estime qu'il n'exploite à l'heure actuelle que 46 % de son potentiel hydroélectrique.[4]
Lebarrage d'Alqueva, dans l'Alentejo (servant à l'irrigation des champs et à produire de l'énergie hydroélectrique) a créé le plus grand lac artificiel d'Europe de l'Ouest et a représenté un des plus grands investissements du pays.
En matière d'énergie éolienne, le Portugal affichait fin 2013 une puissance installée de 4 724 MW[587], une des plus importantes puissance éoliennes par habitant installée au monde.
Le pays compte de nombreuxparcs éoliens, dont le plus grand d'Europe depuis 2008[588].
Parallèlement, la première exploration commerciale du monde desénergies desvagues de lamer est entrée en fonctionnement en, à cinq kilomètres au bord d'Aguçadoura, commune dePóvoa de Varzim[589].
Le tourisme est un secteur très important, comptant pour 16,6 % du PIB en 2017 contre 14,1 en 1995[590]. L'Algarve, dans le sud du pays, est la principale destination avec de nombreux complexes, clubs et hôtels bordant la côte aux environs d'Albufeira et de Faro. Des milliers de vacanciers convergent toute l'année vers cette région du Portugal, principalement entreavril etseptembre. Les Espagnols (49 %) constituent la principale origine des touristes, suivis des Britanniques (14 %).
En juin 2020, le Portugal devient le premier pays d'Europe à recevoir le label mondial sur la sécurité et l’hygièneSafe Travels délivré parWorld Travel & Tourism Council(en)[591],[592].
Les transports ont constitué une priorité dans les années 1990 en parallèle avec l'utilisation croissante des véhicules automobiles et le processus d'industrialisation.
La premièreautoroute portugaise date de 1944 et reliaitLisbonne auStade national du Jamor (l'actuelle). Malgré la construction de nouveaux tronçons dans les années 1960 et 1970, c'est véritablement à la fin des années 1980 que fut commencée la construction d'autoroutes à grande échelle. De nos jours, leréseau d'autoroutes portugaises couvre la presque totalité du territoire, reliant tout le littoral et les principales villes.
Les deux principaux noyaux urbains possèdent des systèmes demétro : lemétro de Lisbonne et leMetro Transportes do Sul pour Lisbonne et lemétro de Porto.
Le transport ferroviaire de passagers et de marchandises s'effectue sur les 2 791 km de lignesactuellement[C'est-à-dire ?] en service, dont 1 430 sont électrifiés et environ 900 permettent des vitesses de circulation supérieures à120km/h. Le réseau ferroviaire est géré par laREFER (Rede Ferroviária Nacional, Réseau ferroviaire national), tandis que les transports de passagers et de marchandises relèvent de la responsabilité desComboios de Portugal (Chemins de fer portugais), devenusComboios de Portugal (CP) en 2004. Il s'agit de deux entreprises publiques. En 2006, la CP a transporté133 millions de passagers et9,75 millions de tonnes de marchandises. La première ligne de chemin de fer a été créée en 1856 et fut construite avec unécartement des rails de 1,674 m, comme en Espagne[593].
Les appels d'offres pour la construction et l'exploitation d'unréseau ferroviaire à grande vitesse, avec les liaisons Lisbonne-Madrid, Lisbonne-Porto et Porto-Vigo, devaient débuter en 2008 pour la première, et en 2009 pour les deux autres. Les travaux devraient commencer en 2013 pour les liaisons Lisbonne-Madrid et Porto-Vigo et en 2015 pour la liaison Lisbonne-Porto. L'investissement prévu pour ces trois liaisons est de 7 790 millions d'euros. Deux autres lignes à grande vitesse sont encore à l’étude :Aveiro-Salamanque etÉvora-Faro[594].
Lisbonne occupe une position géographique qui fait d’elle une escale pour de nombreuses compagnies aériennes étrangères. Un nouvel aéroport, l'aéroport Luís de Camões, a été annoncé en 2024 et devrait remplacer l'actuelaéroport Humberto Delgado de Lisbonne, à l'horizon 2037[595]. Les principaux aéroports sont ceux de Lisbonne, deFaro, dePorto, deFunchal (île de Madère) et dePonta Delgada (archipel des Açores).
Les ports industriels représentent un enjeu majeur pour l’économie. Cependant, leur compétitivité repose sur l’exploitation d’une main-d’œuvre flexible et sur l’amputation du salaire des travailleurs. D'après leSyndicat des dockers et de l’activité logistique : « Au tournant de l’année 2013, le pouvoir a fait voter une loi sur la libéralisation de l’activité portuaire qui visait à fragiliser nos conditions de travail. Cela a provoqué un recours énorme à la sous-traitance. En août 2018, les syndicats ancent un mouvement de grève en solidarité avec les travailleurs du port deSetúbal, à une cinquantaine de kilomètres de Lisbonne, où 90 % des dockers et des logisticiens sont alors recrutés en contrat journalier. Selon eux : « Ces travailleurs précaires n’ont ni congés ni droit à la protection sociale en cas de maladie ou d’accident du travail. Certains peuvent être contractualisés et licenciés deux fois dans une même journée afin d’enchaîner seize heures de travail »[558].
À la suite de la crise économique de 2008, le Portugal accepte certaines exigences duFonds monétaire international, de laBanque centrale européenne et de laCommission européenne, telles que la dérégulation du marché immobilier et le développement de l'offre touristique en échange d'une aide économique. En 2012, le gouvernement conservateur dePedro Passos Coelho modifie la loi sur les locations en faveur des propriétaires, facilitant l’augmentation du loyer à la fin d’un bail et l’expulsion des occupants en cas de rénovation des lieux. Des « visas en or » sont créés en 2012 en faveur des étrangers qui achèteraient des biens immobiliers pour plus de 500 000 euros et un statut de résident non habituel offre un régime fiscal avantageux pour les retraités européens qui viendraient s’installer dans le pays et y acquièrent un logement. Pour les Portugais, ces réformes ont rendu l'accès au logement plus difficile qu'avant[596]. En conséquence, 56 % des Portugais entre 25 et34 ans vivent encore chez leurs parents[597] et le nombre de sans-abri a augmenté de 78 % entre 2018 et 2022[598],[599].
Depuis fin 2018,Lisbonne est la ville européenne qui compte le plus de résidencesAirbnb par habitant. Cette libéralisation du marché locatif a cependant conduit à une augmentation du nombre d'expulsions. Des bâtiments historiques, tels que le palais Santa Helena, ont été vendus à des groupes privés afin d’être transformés en appartements de luxe. D'après la Fédération Internationale de l’Immobilier, « le pays propose de plus en plus de programmes immobiliers de luxe. Il fonde tout sur le golf. Ce qui appelle une clientèle aisée »[600].
Selon les chiffres d’Energias de Portugal (EDP), 75 % des 1,5 million de bâtiments que recense le Portugal, dont plus des deux tiers des habitations, ne répondent pas aux normes minimales en matière d’isolation thermique. En conséquence, 16,4 % des ménages ne sont pas en mesure de se chauffer correctement et 25,2 % souffrent de problèmes préoccupants d’infiltration et d’humidité en raison des problèmes d’isolation chez eux. L'été peut également être particulièrement pénible à supporter pour de nombreuses personnes, leur logement ne pouvant les protéger des fortes chaleurs[572].
LesPortugais sont à l’origine desLusitaniens, un peuple indo-européen distinct des Celtes. LesGallaeci sont très probablement également un peuple indo-européen ayant plus ou moins subi l'influence des Celtibères. Autres influences importantes : lesRomains (lalangue portugaise dérive dulatin), lesWisigoths, lesSuèves et lesArabo-Berbères ; tous ont peuplé ce qui constitue aujourd'hui le territoire portugais. De moindre influence, citons aussi lesGrecs et lesPhéniciens-Carthaginois dans le sud du pays, lesVandales (Sillings etHasdings), lesAlains (tous deux expulsés ou partiellement laissant la place auxWisigoths).
La population portugaise est composée de 16,3 % de personnes ayant entre 0 et14 ans, 66,1 % entre 15 et64 ans et 17,6 % pour les plus de65 ans[604]. L'espérance de vie moyenne est de 78,21 ans, 81,69 ans pour les femmes et 74,95 ans pour les hommes[605]. 93,3 % des Portugais, 95,5 % pour les hommes et 91,3 % pour les femmes, savent lire et écrire[606], le taux d'analphabétisme diminuant au fil des années. Lacroissance démographique se situe dans les 0,305 %. On compte10,45 naissances pour 1 000 habitants et10,62 décès pour 1 000 habitants. La population du pays n'est pas donc renouvelée, letaux de fécondité au Portugal n'étant que de1,49 enfant/femme. Le Portugal est l'un des pays où letaux de mortalité infantile est le plus bas du monde (5 pour mille)[607]. Selon l'ONU, en 2010, 60 % des Portugais résident enmilieu urbain et 40 % résident dans lemilieu rural[608].
Même si le Portugal est unpays développé, l'assainissement de base n'inclut encore pas tout le territoire, il est particulièrement développé dans les régions de l'Alentejo et deLisbonne, ainsi que la vallée duTage où se concentre la plus grande partie de la population bénéficiant d'un accès. À l'heure actuelle, il existe encore un grand nombre d'habitations non reliées à un réseau public d'assainissement (tout-à-l'égout), quelques-unes étant même dépourvues de tout système d'assainissement. L'accès à la santé est garanti pour toute la population, l'accès aux médicaments étant garanti à la quasi-totalité de la population.
Évolution de la population portugaise entre1960–2017 (nombre d'habitants en millions ; sourceONU, 2020).
L’émigration est une constante structurelle de l'histoire du Portugal, essentiellement pour des raisons économiques. DuXVe siècle auXXe siècle, beaucoup d'habitants partent vers lescolonies portugaises, comme leBrésil ou l’Angola, car le pays ne pouvait pas toujours nourrir l'ensemble de sa population. Durant ladictature de Salazar (1933-1974), jusqu’à 100 000 Portugais fuient tous les ans la pauvreté rurale ou le régime politique. Beaucoup viennent enFrance travailler dans les usines. Après larévolution des Œillets et la démocratisation du pays, en 1974, les départs diminuent. Les années de fortesrécessions qui suivent lacrise financière de 2008 et les plans d'austérité conduisent à une accélération de l'émigration ; plus de 80 000 personnes partent chaque année pendant une décennie. En, le Premier ministre appelle lui-même les jeunes à émigrer pour tenter leur chance ailleurs. Alors que les vagues d'émigration précédentes concernaient surtout les classes populaires, les diplômés et les classes moyennes sont aussi contraints de partir[610].
Selon lesNations unies, le Portugal est le pays Europe de l'Ouest qui recense le plus d’émigrés (deux millions de personnes au total) en proportion de sa population résidente. Parmi eux, près de 600 000 vivent en France, 257 000 en Suisse, 165 000 au Royaume-Uni ou encore 93 000 au Luxembourg – soit près de 15 % de la population totale de ce pays[610].
Si les plus anciennes traces d'expression artistique au Portugal datent duPaléolithique, avec les peintures et gravures rupestres des grottes d'Escoural (Alentejo), de Mazouco[n 5] (Tras-os-Montes) et surtout deVale de Côa, datées entre22000 et10000 av. J.-C., c'est entre4000 et2000 av. J.-C. que le Portugal et laGalice voient se développer une culture mégalithique originale par rapport au reste de la péninsule, scientifiquement identifiée, caractérisée par son architecture funéraire et rituelle particulière, et par la pratique de l'inhumation collective. On peut encore trouver dans le pays de nombreuses traces monumentales, la plupart dans l'Alentejo : lecromlech d'Almendres près d'Évora, ceux de Vale Maria do Meio ou de Portela de Mogos, ainsi que ledolmen de Zambujeiro.
Chapelle-dolmen (anta capela) deSanta Maria Madelena, à Alcobertas, dolmen du Néolithique christianisé, typique des phénomènes de continuité ayant forgé la culture portugaise. Municipalité deRio Maior, district deSantarém. Classéimmeuble d'intérêt public depuis 1957.
Lors desinvasions indo-européennes, qui mettent un terme à la période mégalithique, les nouveaux venus, minoritaires[611], se mêlent aux populations locales, et s'approprient une partie de leurs cultures[84]. Plusieurs des sanctuaires mégalithiques du Portugal ont continué à servir de lieux pour des cérémonies rituelles populaires de fertilité au fil des siècles, et certains de leurs vestiges ont été intégrés à des édifices religieux postérieurs, jusqu'à la période chrétienne, avec lesantas capelas disséminées dans tout le pays[84]. Ces phénomènessyncrétiques, fréquents dans l'histoire portugaise, illustrent bien les lignes de continuité qui caractérisent l'histoire culturelle du pays, au-delà des ruptures apparentes. Plus que partables rases, la culture portugaise se construit au fil des siècles par strates successives, en associant innovations intérieures et apports extérieurs, souvent à partir du quotidien pratique des populations[84].
Statue en granit de guerrier lusitanien,Ier siècle av. J.-C., armé de son bouclier rond avec sonomphalos central ("caetra"), sa dague triangulaire, sa "viria" à trois tiges sur le bras droit, satorque à boucle ouverte épaissie aux extrémités, et son "sagum" à décolleté en V et manches courtes fermées par une ceinture. Sa chevelure courte libère les oreilles, la barbe et la moustache dans l'optique des combats. Musée national d'archéologie, Lisbonne.
L'arrivée desCeltes dans la péninsule Ibérique, qui met un terme à une période de gestationprotohistorique de mille ans, achève de poser le substrat de peuplement du pays entre lesVIIIe et IIIe sièclesav. J.-C., et inaugure lesecond âge du fer enLusitanie[84]. S'ouvre alors la période antique de l'histoire du Portugal, dans laquelle la culture actuelle du pays plonge ses racines, étayée par des sources écrites grecques puis romaines, et par des sources écrites et archéologiques locales. Cet héritage antique riche et complexe trouve son fondement dans un triple substratgallaïque au nord du pays,lusitanien au centre, ettartessien au sud[612]. Quoi qu'ils constituent trois groupes politiquement distincts, nous savons par les sources écrites et archéologiques antiques que ces trois peuples de l'ouest péninsulaire sont inextricablement liés dès l'Antiquité, avec des échanges commerciaux et socio-culturels constants. Nous savons également que leurs cultures sont largement mâtinées de cultureceltibère (mélange de culture celtique pré-romaine et ibérique), ainsi que d'influencesphéniciennes,grecques etpuniques, liées aux échanges commerciaux et au mercenariat dans la Méditerranée[84].
Lecastro de São Lourenço, situé à200 mètres d'altitude, sur un éperon granitique, village fortifié typique des peuples gallaïques, lusitaniens et tartessiens de l'ouest péninsulaire pré-romain. Paroisse deVila Chã,municipalité d'Esposende,district de Braga[613].
Ce triple substrat fondateur de la nationalité portugaise est bouleversé et enrichi à partir duIIe siècle av. J.-C. par l'introduction de laculture latine amenée par les Romains, qui conquièrent le pays dans la continuité desguerres puniques. De ce bouleversement, émergent des cultures lusitano-romaine et gallaïco-romaine très spécifiques, plus unifiées, qui adoptent d'innombrables marqueurs de la civilisation romaine :langue latine, organisation urbaine,institutions,religion, infrastructures, et qui refondent et fixent l'organisation tribale locale dans le système descivitas. Toutefois, malgré cette romanisation, laGallaecia et laLusitanie ne cessent de manifester leurs particularismes et leur esprit d'indépendance, par exemple lors de laRévolte de Sertorius, dans des pratiques chrétiennes souvent hétérodoxes distinctes de celles reste de l'Empire, ou dans le développement rapide d'unlatin vulgaire spécifique, ancêtre du portugais, imprégné de la syntaxe et de la phonétique des langues autochtones.
Lepalais national de Sintra, construit à partir du palais duwaliandalou d'al-Ushbuna (Lisbonne), emblématique d'une culture architecturale portugaise originale, constituée par strates successives, en intégrant de nombreux apports extérieurs.
À la période wisigothe, qui préserve et prolonge les apports suèves pendant un siècle, succède la longue période dedomination islamique de lapéninsule Ibérique, de 711 et 1242, qui révolutionne à nouveau la culture de la région. Parce qu'elle a accepté de négocier sa reddition, la Lusitanie est érigée en comté autonome d'Al-Andalus, et conserve une partie de ses élites, dont un certain nombre se convertissent à l'islam. Très vite, l'invasion arabe et berbère transforme le pays par ses apports déterminants dans les domaines culturel, linguistique, scientifique, nautique, militaire, agricole, médical, juridique, philosophique, foncier, manufacturier, urbanistique, architectural, vestimentaire, artistique, littéraire et politique, en abolissant leservage naissant, en consacrant lapetite propriété libre et l'autonomie communale, en imposant son modèle administratif efficient, et en projetant les Lusitaniens dans une économie-monde centrée sur l'Orient, objectif à atteindre des futuresGrandes Découvertes, donnant naissance à l'identité et à la culture portugaises modernes.
Femmes portugaises en habits traditionnels, avec leurs châles brodés[615], portant des bijoux en or typiques enfiligrana portuguesa, associant fils d'or, médailles,corações de Viana et boucles d'oreille ditesbrincos à rainha[616]
De ces nombreux apports et influences de civilisations étrangères, le Portugal conserve de nombreux édifices à l'architecture remarquable, un patrimoine dense en termes d'objets d'arts, d'ameublement, devêtements, dejoaillerie, d'ornements palatiaux, religieux et urbains (céramiques,mosaïques,bois sculptés, etc.), d'instruments de musique et de collections littéraires, auxquels s'ajoutent un patrimoine immatériel mondialement reconnu. Ces éléments sont autant de miroirs des événements qui ont forgé le Portugal et ses habitants.
Les premières manifestations de la culture portugaise sont à chercher auprès des populations elles-mêmes, notamment dans leurs spécificités vestimentaires. En termes de teintes, il faut mentionner la prééminence proverbiale dans l'ensemble du pays de la couleurnoire, attestée depuis l'Antiquité pré-romaine au sein des populations lusitaniennes. Cette prééminence se manifeste toujours vivement dans le milieu estudiantin, avec lestrajes académicos, dans le milieu artistique, notamment chez les chanteurs defado, mais aussi dans les territoires ruraux du pays, et plus largement au sein de toute la population[615]. Cette prééminence culturelle du noir a été activement mise en avant dans des campagnes de publicité internationales d'une marque devin de Porto, Porto Cruz, dans les années 1980 et 1990 avec le slogan : « Le pays où le noir est couleur. »
Pendant toute la période médiévale et moderne, et jusqu'au premier tiers duXXe siècle, la majorité des hommes portent une sorte debonnet phrygien appelébarrete, décliné en modèles et en couleurs selon les régions ou les catégories socio-professionnelles. Ce couvre-chef typique est encore largement utilisé dans le milieu de la corrida portugaise, particulièrement par lesforcados, dans le milieu équestre chez lescampinos duRibatejo et de l'Alentejo, dans certains milieux de la pêche traditionnelle, notamment chez les pêcheurs plus âgés des petits ports de pèche de laRégion Centre, et surtout ou au sein des groupes de danses traditionnelles du pays, appelésranchos.
Outre lebarrete, chaque région possède sa tradition dechapeaux, souvent ornés d'un lacet (cinteiro), de casquettes et de bérets (boinas), essentiels dans un pays au fort ensoleillement. Le béret, très populaire jusqu'aux années 1980, a été adopté massivement auXXe siècle par les agents de terrain armés du pouvoir exécutif. En 2025, les différentes branches desForces armées portugaises et des Forces de l'ordre au Portugal ont toutes leurs bérets spécifiques distinctifs, en modèles et couleurs, qui leur permettent d'être identifiées immédiatement par la population : chez les militaires, béret bleu pour laPolice Aérienne, marron pour les Chasseurs Spéciaux et les soldats de l'Exército, noir pour les troupes decavalerie, rouge vif pour lesCommandos ; au sein des Forces civiles béret noir pour les Gardes Nocturnes, bleu marine pour le Corps d'Intervention et la Force Spéciale des Pompiers (canarinhos), vert pour le Groupe d'Opérations Spéciales, bleu clair pour le Corps de Sécurité Personnelle, noir pour le Corps des Gardiens de Prison, cramoisi pour les Unités de Secours de laCroix-Rouge portugaise.
Lajoaillerie portugaise présente une extraordinaire diversité, avec un haut degré de raffinement, dans le travail du diamant, des divers métaux, et notamment dans le travail de l'or, ressource abondante historiquement dans le pays du fait des immenses gisements de l'Empire portugais, d'abord en Afrique, puis au Brésil[616]. Les bijoux en or sont une partie intégrante des costumes traditionnels ou cérémoniels au Portugal, particulièrement chez les femmes, souvent transmis d'une génération sur l'autre. Et l'on peut encore voir couramment en 2025 lors des processions, ou des noces, les femmes portugaises porter des bijoux en or typiques enfiligrana portuguesa, associant fils d'or, médailles religieuses diverses,corações de Viana portant bonheur aux époux ou boucles d'oreille ditesbrincos à rainha, en forme de larmes[616]. La tradition de joaillerie la plus connue du pays est celle de l'or de Viana (Ouro de Viana), établie dans la région duMinho, autour deViana do Castelo, qui remonterait aux apportsphéniciens de l'Antiquité.
Le palais d'Alvor-Pombal, qui abrite le Musée National d'Art Ancien.
Étudiants en costume universitaire traditionnel lors d'un spectacle de la Semaine Académique.
Constituant une autre forme de mise en scène des croyances et sociabilités collectives, et d'expression culturelle et artistique, les grandes fêtes populaires, accompagnées deprocessions,rites de passages,pèlerinages, chants, danses, costumes et parfois mêmemasques propres, contribuent également à singulariser le Portugal. Chaque ville et chaque village du pays possède son saint patron dédié (padroeiro), et organise de grandes célébrations en son nom au moins une fois par an : Saint Vincent etSaint Antoine pour Lisbonne, Saint Jean et Notre Dame de la Vandoma pour Porto,Saint Théoton pour Coimbra,Saint Sisenand pour Béja,Saint Pierre pour Evora,Saint Augustin pour Leiria, etc. D'autres fêtes sont communes à tout le pays, comme la fête de Saint Sébastien, réalisée en l'honneur du roiSébastien Ier mort en pleine jeunesse au combat, qui marque le passage de l'adolescence à l'âge adulte, les fêtes des Fidèles défunts du début du mois de novembre, avec la tradition du « pain-pour-Dieu(pt) » (pão-por-Deus), ou les fêtes de laSemaine Académique(pt), qui célèbrent pendant une semaine l'ensemble des promotions universitaires du pays, et trouvent leur apogée lors de laQueima das Fitas, avec ses concerts et ses cortèges.
Paravent Nanban, amené du Japon, représentant des navires portugais arrivant pour commercer au Japon, exposé dans le musée d'Art Ancien de Lisbonne. Peinture duXVIe siècle, école Kanō.
Le résultat de cette expansion et de ces flux migratoires est qu'une partie considérable du patrimoine architectural et artistique portugais est éparpillée dans le monde, que le Portugal abrite lui-même des pièces d'art syncrétiques uniques amenées des quatre coins de son Empire (paravents Nanban, salières luso-africaines sculptées en ivoire, etc.), et que l'on compte aujourd'hui plus de130 millions de descendants portugais dans le monde, principalement auxÉtats-Unis, auBrésil, enFrance, auCanada, auRoyaume-Uni, enAustralie et enInde, dont plusieurs millions conservent des liens actifs avec leurs familles ou milieux d'origine au Portugal.
De nombreuses personnalités artistiques, cinématographiques, musicales, sportives et politiques mondialement connues sont issues de cettediaspora, depuis le père de l'hypnoseJosé Custódio de Faria, popularisé parAlexandre Dumas sous le nom d'Abbé Faria, en passant par les peintresMaria Helena Vieira da Silva ouPaula Rego, jusqu'à la chanteuse popNelly Furtado, contribuant à la diffusion d'éléments de culture portugaise dans le monde, et à l'inverse de nombreuses personnalités de la diaspora ont un impact significatif depuis l'extérieur sur la culture portugaise. De nombreux éléments typiques de certains pays, comme latempura japonaise ou leukulélé hawaïen, sont en réalité d'origine portugaise, et ont été introduits dans leurs pays respectifs par des aventuriers ou des émigrés portugais.
Salle de lecture du Cabinet royal portugais de lecture, fondé par des émigrés portugais à Rio de Janeiro.
Pour entretenir et valoriser le patrimoine portugais de l'étranger, et permettre aux Portugais de la diaspora d'acquérir leur culture, l’État portugais et de nombreuses institutions publiques et privées portugaises développent des partenariats et nouent des accords depuis plusieurs décennies avec les différents États concernés à travers le monde :Inde,Brésil,Kenya,Mozambique,Malaisie,Chine,Angola,Oman,États-Unis,France, etc. À titre d'exemple, de sa classification comme monument historique en1958 jusqu'en 1971, leFort Jesus de Mombasa, auKenya, a fait l'objet de plusieurs campagnes d'études et de fouilles archéologiques en vue de sa restauration menées avec le soutien financier et technique de laFondation Calouste Gulbenkian, basée à Lisbonne[622]. Cette puissante forteresse, considérée comme l'archétype des fortifications maritimes portugaises de l'Estado da Índia, et comme un témoin essentiel de l'architecture militaire portugaise duXVIIe siècle, est aussi considérée aujourd'hui comme le plus important monument historique du Kenya. À ce titre, elle a été requalifié commemusée et placée en juin 2011 au Patrimoine Mondial de l'UNESCO[623].
Dans un autre registre, parmi les établissements culturels les plus connus fondés par des Portugais de la diaspora, on peut citer le très prestigieuxCabinet royal portugais de lecture deRio de Janeiro, fondé en 1837 par un groupe de quarante-trois immigrants portugais réfugiés politiques, afin de promouvoir la culture au sein de la communauté portugaise de la capitale de l'empire du Brésil[624]. Cet édifice, qui abrite la plus grande collection de littérature portugaise en dehors du Portugal, présente une façade en stylenéo-manuélin inspirée dumonastère des Hiéronymites de Lisbonne, ainsi qu'un intérieur également en stylenéo-manuélin, constitue un apport et un hommage direct des fondateurs du lieu à la culture portugaise, tout en amenant une plus-value culturelle considérable à leur ville étrangère de résidence.
Si laproduction culturelle, littéraire et artistique du pays est restée très abondante pendant cette période, que ce soit par lescommandes d'État, les concours littéraires primés ou en opposition au régime, l'accès à laculture classique était limité à une élite urbaine bourgeoise établie, fournissant les cadres du régime, selon des termes convenus définis par les autorités ; les débats intellectuels, synonymes de désordres, découragés au maximum ; lapropagande d'État omniprésente. Les écrivains, journalistes et artistes de l'époque étaient soumis à un régime desurveillance et decensure strict, forçant beaucoup d'entre eux à s'exiler. Même des ouvrages classiques, tels queles Lusiades, étaient amputés ou censurés des passages jugés immoraux. Si les peintres et les sculpteurs jouissaient d'une grande liberté esthétique, les avant-gardes n'ayant jamais été inquiétées pour des questions de forme, le fond en revanche faisait l'objet d'une surveillance étroite, et tous les artistes étaient invités à participer à l'exaltation du régime et de la nation.
Une part considérable de la sauvegarde, de l'organisation et de la diffusion du patrimoine culturel portugais était alors menée par laFondation Gulbenkian, un organisme à fonds propres dédié mis en place par le multi-milliardaire philanthrope d'origine arménienneCalouste Gulbenkian, établi à Lisbonne, et naturalisé portugais, qui s'était pris de passion pour le Portugal et son peuple. Parmi les initiatives prises par la Fondation Gulbenkian, figurait le passage de fourgons-bibliothèques mobiles dans les villages du Portugal ne disposant pas de bibliothèques, afin que les jeunes portugais puissent accéder à leur patrimoine littéraire. Depuis sa création, la Fondation Gulbenkian accorde également des bourses d'études sur dossier aux étudiants prometteurs, afin qu'ils puissent mener leurs études ou leurs travaux de recherches au Portugal et à l'étranger.
Si elle a mis fin au régime de censure, la fin du régime salazariste n'a pas entraîné immédiatement la mise en place d'une politique culturelle de masse de grande envergure. Le processus de démocratisation, d'urbanisation et de modernisation du pays engagé par larévolution des Œillets en 1974 s'est d'abord concentré sur des aspects économiques et sociaux, soutenus par le système éducatif. Avec la massification de l'enseignement, l'intensification des échanges internationaux, dutourisme culturel, et l'arrivée dans les années 1990 et 2000 d'une nouvelle génération d'étudiants, de cadres et de chercheurs universitaires plus instruits scolairement, curieux et demandeurs, les autorités portugaises ont engagé progressivement despolitiques publiques plus ambitieuses en matière culturelle, qui sont à présent au centre de leurs préoccupations.
Pour compenser un budget modeste, l'État portugais déploie depuis quelques années des procédés de récupération, d'appréhension et de gestion de son patrimoine culturel originaux. Pour mettre fin à l'éparpillement des œuvres des grands peintres ou sculpteurs portugais, souvent disséminées au fil du temps auprès d'acteurs privés ou dans des pays étrangers, ou pour restaurer des œuvres abîmées, le Portugal fait régulièrement appel à des institutions locales ou desfondations, qui se positionnent en acheteuses, ou prennent en charge les travaux, recourant à deslevées de fond publics dédiées, en expliquant au grand public l'histoire et l'intérêt des œuvres, à travers des campagnes de communication et pédagogiques, menées dans l'ensemble des médias. À l'occasion de ces campagnes, des mises en perspectives historiques et des explications sur le travail des chercheurs, desconservateurs et divers métiers de la culture, permettent de faire des campagnes d'éducation populaire sur la culture portugaise auprès de toutes les générations.
Parallèlement, pour favoriser l'entretien ou laréhabilitation de sesbâtiments historiques, l’État portugais s'efforce de leur attribuer un usage fonctionnel, soit sous gestion publique, commemusées outhéâtres ouverts au public, afin d'en permettre la découverte au fil des visites ou des événements, soit loués sous forme de concessions à des entités privées, que ce soit à des entreprises ou des fondations désirant disposer d'un siège ou de locaux prestigieux, soit à des entreprises d'hôtellerie ou restauration, en général de luxe, en les soumettant à un cahier des charges et un encadrement architectural strict. Une part considérable du centre historique de villes telles queLisbonne,Porto,Faro,Leiria ouCoimbra a été restaurée selon ces modalités ces dernières années, ou est encore en cours de restauration.
À l'instar de tous les aspects de laculture portugaise, l'architecture portugaise est marquée par l'histoire du pays et des peuples qui s'y sont installés, implantant des éléments de leurs cultures architecturales respectives sur le territoire portugais actuel. Parmi eux, lesCeltes, lesRomains, lesGermains, lesArabes et lesBerbères. Elle est également marquée par l'influence des principaux centres artistiques européens, qui ont inspiré les Portugais et les ont amenés à contribuer avec leurs spécificités aux différents styles architecturaux dominant le continent, aussi bienroman,gothique,Renaissance,baroque queclassique. On peut citer comme principales manifestations de l'architecture portugaise, lestyle manuélin, déclinaison nationale dugothique flamboyant, ou gothique tardif, qui introduit la Renaissance, et lestyle pombalin, mélange de baroque tardif et denéoclassicisme qui s'est développé après letremblement de terre de Lisbonne en 1755.
Anta (dolmen) à Cabeção près deMora dans l'Alentejo.
Les manifestations les plus précoces d'activités de bâtisseurs au Portugal datent duNéolithique et sont des sites associés à laculture des mégalithes. L'intérieur du pays comporte un grand nombre dedolmens (appelésantas oudólmens), detumulus (mamoas) et demenhirs. La région de l'Alentejo est particulièrement riche en monuments mégalithiques comme l'Anta Grande do Zambujeiro situé non loin d'Évora. On trouve des pierres levées, soit isolées, soit disposées en cercle (cromlechs). Lecromlech des Almendres, lui aussi près d'Évora, est le site le plus étendu de la péninsule Ibérique, avec près de cent menhirs formant deux ellipses orientées est-ouest.
L'architecture en pierre de taille s'est développée de façon significative avec l'arrivée desRomains auIIe siècle av. J.-C. qui appelèrentHispanie la péninsule Ibérique. Les villages et lieux d'implantation conquis furent souvent modernisés selon les modèles romains, avec l'adoption du schéma urbain latin, la construction deforum, de rues, de théâtres, de temples, de bains, d'aqueducs et d'autres bâtiments publics. Un réseau efficace deroutes pavées et deponts en pierre fut créé, souvent superposé sur le tracé deschemins,gués etponts en bois préexistants, pour mettre en relation les villes et les autres zones colonisées. La plupart des villes romaines sont des villes refondées sur les sites de villages fortifiés préexistants. Il en va ainsi deBraga, refondée sur le territoire du peuple desBracares.
Située entre les fleuvesCávado et Este, sur une zone de transition entre les montagnes et la plaine côtière fertile,Braga (Bracara Augusta) fut érigée en capitale de la province deGallaecia, qui englobait le quart nord de l'actuel Portugal, tandis que le Sud du pays était englobé dans la province deLusitanie, ayantMérida pour capitale. L'ensemble du pays conserve des vestiges de la romanisation qu'il connut à l'époque.Braga possède encore des vestiges de bains publics, une fontaine publique (appelée la fontaine de l'Idole) et un théâtre. Plus au sud dans l'Alentejo,Évora a la particularité de posséder untemple romain très bien conservé, probablement dédié au culte de l'empereurAuguste. Un pont romain traverse la rivière Tâmega àChaves (Aquae Flaviae), au Nord-est du pays. On trouve aussi les vestiges d'un théâtre aux environs d'Alfama àLisbonne (Olissipo).
Les vestiges les mieux conservés de villages romains sont ceux deConimbriga situés près deCoimbra, dans leCentre du pays, sur le fleuveMondego. Les fouilles ont révélé des murs d'enceinte, des bains, un forum, un aqueduc, unamphithéâtre, des logements pour la classe moyenne (insulae) de même que des villas luxueuses (domus) avec une cour centrale décorée de mosaïques. Un autre site de fouilles important de village romain est Miróbriga près deSantiago do Cacém possédant un temple romain bien préservé, des bains, un pont et les vestiges du seulhippodrome romain connu au Portugal.
Pilier sculpté du côté nord de l'église de São Gião.
Après 711, lors de la période de domination de la péninsule ibérique par lesMaures, beaucoup de chrétiens (lesMozarabes) vivaient sur les territoires maures et avaient le droit de pratiquer leur religion et de construire des églises. Le royaume resté chrétien desAsturies (de 711 à 910), situé au nord de la péninsule, sera le point de départ de laReconquista. L'architecture asturienne et l'art mozarabe vont influencer les monuments chrétiens du futur Portugal. Le plus important est sans doute l'église de São Pedro de Lourosa, située près d'Oliveira do Hospital, qui porte gravée l'inscription de 912 comme année de sa construction. Cette église est unebasilique avec trois nefs séparées par desarcs outrepassés, unnarthex en façade et des fenêtres à meneaux et à arc outrepassé d'influence asturienne sur l'aile centrale.
La conquête de la péninsule Ibérique par lesMaures venus duMaghreb en 711 mit fin à la domination wisigothe en Hispanie, renomméeAl-Andalus par les nouveaux arrivants. La présence mauresque va profondément influencer l'art et l'architecture sur le territoire portugais, surtout au sud où la Reconquista ne s'achève qu'en 1249. Cependant au Portugal, contrairement à l'Espagne voisine, peu de bâtiments mauresques sont parvenus intacts jusqu'à nos jours. L'habitat traditionnel dans beaucoup de villes et de villages du Portugal a de simples façades blanches qui donnent à l'ensemble une allure du type des villages d'Afrique du Nord. De nombreux villages et quartiers de ville ont gardé le réseau viaire de la période islamique, comme le quartier de l'Alfama à Lisbonne avec ses rues étroites et ses petites maisons et immeubles, qui sont trace duCoran[625]. Les bâtiments mauresques étaient souvent construits enpisé (taipa) etadobe, et blanchis à lachaux.
Beaucoup demosquées furent construites sur le territoire portugais durant la période de domination musulmane, mais elles ont toutes été transformées en églises ou cathédrales, et les caractéristiques de l'art islamique sont difficilement identifiables maintenant. Ainsi les cathédrales deLisbonne, Silves et Faro, par exemple, ont certainement été construites à l'emplacement d'une grande mosquée après la Reconquista.
Même si le toit a été modifié et quelques ailes supprimées auXVIe siècle, l'espace intérieurlabyrinthique avec saforêt de piliers est clairement affilié aux autres mosquées d'Espagne et du Maghreb qui lui sont contemporaines. Les murs intérieurs portent encore unmihrab, la niche décorée indiquant la direction deLa Mecque[627].
L'architecture gothique tardive du Portugal se caractérise par l'émergence d'un style somptueux appelémanuélin en l'honneur du roiManuelIer, sous le règne duquel ce style atteint son apogée, et qui en construit ou commence la plupart des bâtiments. Le style manuélin combine des aspects du gothique tardif avec des éléments de laRenaissance et de lacivilisation islamique. La décoration montre notamment l'influence des Renaissances espagnole (plateresques,isabellines), italienne et flamande, mais aussi des emprunts nombreux à la tradition islamique, par la traditionandalouse, par l'influence desmudéjares portugais (très présents dans l'artisanat et la construction), et par l'expansion du Portugal auMaroc et enOrient[628].
Nef manuéline de l'église Santa Maria qui jouxte le monastère des Hiéronymites à Lisbonne.
Intérieur de l'église de Marie-Madeleine d'Olivença (administrée par l'Espagne).
Les édifices de style manuélin sont aussi souvent décorés de motifs naturalistes typiques de l'époque desGrandes découvertes, tels les motifs en spirale rappelant les cordes utilisées dans la navigation, et aussi les compositions opulentes faites de motifs animaux et végétaux.
Le premier bâtiment connu de style manuélin est le monastère de Jésus deSetúbal. L'église du monastère fut construite entre1490 et1510 par l'architecteDiogo Boitaca considéré comme l'un des principaux créateurs de ce style. La nef tripartite de cette église conserve la même hauteur sur toute sa largeur, comme une tentative d'unification de l'espace intérieur qui atteindra son apogée dans la nef de l'église santa Maria du monastère des Hiéronymites à Lisbonne, terminée dans les années 1520 par l'architecte João de Castilho. La nef du monastère de Setúbal est supportée par des colonnes torsadées, ce qui est une des caractéristiques du style manuélin et qu'on retrouve d'ailleurs dans la cathédrale de Guarda et les églises paroissiales d'Olivenza, deFreixo de Espada à Cinta et deMontemor-o-Velho entre autres. Les bâtiments manuélins ont aussi habituellement des portails élaborés avec des colonnes torsadées, des niches et des motifs décoratifs empruntant à la Renaissance et au gothique, comme lemonastère des Hiéronymites ou le monastère de Santa Cruz à Coimbra[629].
Praça do Comércio avec l'arc marquant l'entrée dans la rua Augusta à Lisbonne.
Letremblement de terre de Lisbonne de 1755, suivi d'un raz-de-marée et d'un incendie, détruisit en grande partie la ville.JosephIer et son premier ministreSebastião José de Carvalho e Melo, marquis de Pombal, demandèrent à des architectes et des ingénieurs de reconstruire les parties endommagées de Lisbonne, dont le quartier deBaixa[630].
Le style pombalin est une architecture utilitaire et laïque marquée par lepragmatisme. Il suit le style dépouillé des ingénieurs militaires avec ses arrangements réguliers et rationnels, mélangé à des détailsrococo et une approchenéoclassique pour la composition générale. Baixa fut reconstruit par Eugénio dos Santos et Carlos Mardel. Le marquis de Pombal imposa des règles de reconstruction. Des maquettes architecturales servirent de test en simulant autour d'elles un tremblement de terre en faisant juste à côté marcher au pas des troupes, faisant des bâtiments pombalins les premiers exemples de constructions antisismiques. Lapraça do Comércio, la rue Augusta et l'avenida da Liberdade sont les exemples par excellence de ce style. Lapraça do Comércio a une composition régulière et rationnelle en accord avec la reconstruction de Baixa[631].
Le style pombalin se retrouve aussi àVila Real de Santo António, uneville nouvelle dans l'Algarve construite par Reinaldo Manuel dos Santos. Le style est bien visible dans la composition urbaine et surtout dans la place principale.
ÀPorto, sous l'impulsion du gouverneur de la prison João de Almada e Melo, la rue de São João fut reconstruite, de même que la cour des lois Relação, la cour d'appel Gaol et la prison. Les commerçants britanniques introduisirent l'architecture palladienne avec lapraça da Ribeira, la fabrique (1785-1790) et l'hôpital São Antonio (1770).
Du fait de l'expansion maritime du Portugal et de l'émigration massive qui s'est ensuivie, lalittérature portugaise comprend l'ensemble des œuvres écrites par des auteurs de nationalité portugaise et affiliés au Portugal, quel que soit leur lieu de naissance en métropole ou dans l'Empire, leurconfession ou le lieu où a été rédigée leur œuvre. L'histoire de la littérature portugaise peut être divisée en différentes périodes[632],[633] :
La littérature portugaise est l'une des littératures occidentales qui se développent le plus tôt, avec des textes en prose et des chansons. Jusqu'en 1350, lestroubadoursgalaïco-portugais étendent leur influence littéraire à la majeure partie de lapéninsule Ibérique.Gil Vicente est l'un des fondateurs des traditions dramatiques portugaise et espagnole. Au fil de leurexpansion, partout où ils vont, les Portugais emportent avec eux leurlangue et leur patrimoine culturel, qu'ils enrichissent de leurs découvertes. Le résultat de ce phénomène est double. D'une part, la littérature portugaise de lapériode moderne est une littérature d'envergure mondiale. Elle présente une richesse exceptionnelle. D'autre part, une partie importante de la littérature du Portugal sert aujourd'huide facto de base aux littératures des autres pays lusophones.
Incarnation littéraire de la nation conquérante,soldat,poète ethomme de théâtre,Luís de Camões laisse une œuvre considérable qui comprend d'innombrables poésies lyriques et l'une des plus importantes œuvres épiques d'Europe occidentale. Son livre le plus connu,Les Lusiades (Os Lusíadas), publié en 1572, raconte la genèse et l'épopée collective de la nation portugaise, ainsi que la constitution de son Empire. L'importance de ce poète et de son œuvre sont considérables pour le pays et l'ensemble de la sphère lusophone. La fête nationale portugaise est fixée à la date anniversaire de sa mort[635]. La langue portugaise est couramment appelée « Langue de Camões »[636].
La musique traditionnelle portugaise est variée et très riche. Dufolklore avec les danses duvira (région duMinho), dupauliteiros deMiranda (régionMirandaise), ducorridinho de l'Algarve ou encore dubailinho deMadère. Les instruments typiques sont lecavaquinho, lacornemuse, l'accordéon, le violon, lestambours, laguitare portugaise (instrument caractéristique dufado) et toute une variété d'instruments à vent et depercussion. Dans la culture populaire existent encore les groupes philharmoniques qui représentent chaque localité et jouent des styles de musique différents, du populaire au classique.
Le style de musique portugais le plus connu est lefado, dont l'interprète la plus célèbre futAmália Rodrigues[639],[640]. D'autres chanteurs commeAlfredo Duarte Marceneiro, Vicente da Câmara, Nuno da Câmara Pereira, Frei Hermano da Câmara, António Pinto Basto et Hermínia Silva se sont distingués en tant que fadistes. Ces dernières années, le fado a vu apparaître de jeunes chanteurs qui ont connu un grand succès, comme Camané,Mariza, Ana Moura,Mafalda Arnauth etMísia entre autres, ainsi que de jeunes guitaristes comme Bernardo Couto.
Récemment, grâce auxMadredeus et à des chanteurs comme Mariza,Cristina Branco ouDulce Pontes, la musique portugaise a atteint un niveau de reconnaissance international, contribuant à diffuser lalangue portugaise dans le monde entier[641]. Citons égalementPaulo Alexandre et sa chansonVerde Vinho, vendue à 200 000 exemplaires au Portugal, dont paroles et refrain ont fait le tour du monde[642] ainsi queLinda de Suza,Lio etHelena Noguerra qui firent carrière notamment enFrance et enBelgique.
Depuis une dizaine d'années, les sons Afro et Latino, comme lekuduro, lereggaeton, lekizomba et lazumba sont à la mode. En 2010, le chanteur portugaisLucenzo devient numéro un dans plusieurs pays dans le monde avec son titreDanza Kuduro.
Le grand phénomène portugais de l'électro actuelle est le groupeBuraka Som Sistema qui a réussi un mélange dehip-hop, de kuduro et d'electro/dance.
Le Portugal est un pays fortement vinicole, les vins les plus célèbres sont les vins duDouro, de l'Alentejo et du Dão, lesvins verts duMinho, et les liquoreux dePorto,Lourinhã etMadère. Dans les pâtisseries il existe une liste énorme de variétés de recettes traditionnelles, les plus célèbres étant lespastéis de nata (le secret de la recette est toujours bien gardé), lesovos moles d'Aveiro, lespastéis de Tentúgal, lepão-de-ló, et encore beaucoup d'autres.
La cuisine portugaise a également influencé d'autres gastronomies, comme celle duJapon, avec l'introduction de la friture qui a donné plus tard letempura[649].
LeSporting,Porto etBenfica sont les trois plus grands clubs de sport par leur popularité et le nombre de trophées gagnés. Ils ont gagné12 titres européens, ils étaient présents dans beaucoup de finales et ont été les compétiteurs réguliers aux dernières étapes de presque chaque saison.
La « Seleção » a terminé finaliste de l'Euro 2004 à domicile, le Portugal étant le pays hôte dutournoi européen de football cette année-là[650]. L'équipe a perdu cette année-là en finale 0-1 face à la Grèce. L'équipe a également réussi à atteindre la troisième place lors de lacoupe du monde de football 1966 et atteint la quatrième place de lacoupe du monde de football 2006. Le Portugal remporte son premier titre majeur lors del'Euro 2016 face à la France, le pays hôte, grâce à un but de l'attaquant Eder lors des prolongations.
L'équipe du Portugal de futsal est également l'une des meilleures équipes mondiales de cesport. Le Portugal a remporté l’Euro Futsal 2018, en battant en finale l'Espagne. Ricardinho, sacré meilleur joueur du monde à cinq reprises, est le capitaine portugais lors de ce titre.
Le cyclisme portugais a été marqué par plusieurs grands coureurs, à l'image deJoaquim Agostinho qui termina à huit reprises dans les dix meilleurs duTour de France entre 1969 et 1980[651] ouRui Costa, champion du monde en 2013 et triple vainqueur duTour de Suisse en2012,2013 et2014. Chaque année a lieu leTour du Portugal. C'est la plus longue épreuve en nombre d'étapes (11) après les trois Grands Tours.
Enrink hockey, l'équipe du Portugal est la plus titrée au Monde[652]. C'est un sport très populaire et pratiqué dans tout le pays[653]. Ils sont avec l'Italie et l'Espagne les trois uniques pays à posséder un championnat professionnel dans ce sport.
Environ la moitié des mariages au Portugal sont desmariages catholiques. Le divorce est autorisé par le Code civil portugais, par consentement mutuel ou sur demande auprès d'un tribunal par un des conjoints.
Lacommunauté juive reste présente au Portugal malgré le décret du deManuelIer qui obligea la communauté juive à choisir entre la conversion ou l'expulsion du pays[656] et le massacre de 1506[657]. La culture juive s'est développée dans la ville deBelmonte où il y a encore une communauté juive et où un musée juif a été ouvert en 2005. En 2006, il existe au Portugal une communauté d'environ 8 000 Juifs.
Antoine de Padoue. Il naît àLisbonne et très jeune il entre chez les chanoines réguliers de Saint Augustin à Coimbra. Il y est ordonné prêtre. En 1220 la vue des restes de martyrs revenus du Maroc lui fait prendre la décision de s'y rendre mais la maladie le ramène en Europe. En 1221 il passe par Assise puis enseigne à Bologne. En 1229, il est élu provincial de l'Italie du Nord. Il termine sa vie à Padoue où il prêche le carême ; il y meurt d'épuisement à36 ans[659],[660].
Béatrice de Silva. Elle naît àCampo Maior, dans la province de l'Alentejo, fille de Rui Gomes da Silva, maire de la ville frontalière de Campo Maior, et d'Isabel de Menezes, comtesse de Portalegre, laquelle est apparentée aux familles royales de Portugal et de Castille. Elle était aussi la sœur du bienheureux Amadeo de Silva. Béatrice a fondé l'ordre de l'Immaculée Conception : ses membres religieuses cloîtrées sont appelés Moniales Conceptionnistes.
lemirandais, qui est la seconde langue officielle du Portugal. Elle est surtout parlée dans la région deMiranda do Douro (la « Terre de Miranda ») ; cette langue est enseignée comme seconde langue facultative dans les écoles de cette ville et deVimioso.
Latélévision est apparue au Portugal pendant les années1950. À l'initiative du gouvernement portugais, la RTP SARL est créée le. Les émissions expérimentales de la RTP (ultérieurement, connue comme laRTP1) ont commencé en1956, à partir de laFeira popular, àLisbonne. Néanmoins, les émissions ne seront effectives qu'à partir de1957. Devant la nécessité d'organiser la programmation de manière à satisfaire les téléspectateurs, RTP créa en1968 une nouvelle chaîne :RTP2.
À l'heure actuelleRTP1,RTP2, RTP Memoria,SIC etTVI sont les chaînes nationales existantes au Portugal. En effet, à partir de 2016 la chaîne « RTP Memoria » peut être visionnée par toute la population portugaise sans câble. Outre les chaînes nationales, il existe aussi deux chaînes régionales, celle deRTP Açores qui fut créée en1975 etRTP Madeira qui, quant à elle, fut créée en1972. RTP, SIC et TVI possèdent des chaînes internationales et aussi par satellite, les chaînes internationales sontTVIi,RTPi etSICi. Au Portugal il est aussi possible de capter d'autres chaînes par câble et via satellite. Avec les évolutions technologiques, il est désormais possible de voir la télévision à traversinternet et partéléphone[670]. Dans le cas de la TVI, on peut voir la télévision en direct sur TVI PLAYER
Le réseau principal du câble portugais estNOS qui propose de nombreuses chaines thématiques (MTV Portugal, SIC Radical, Sport TV…).
L'Açoriano Oriental est lejournal le plus ancien du Portugal. C'est aussi l'un des dix plus vieux du monde. Il fut fondé le, dans une période qui correspond à un âge d'or du journalisme aux niveaux national et international.
Quatre mois avant l'apparition de cette première publication, fut promulguée la première loi deliberté de la presse au Portugal. Depuis cette loi, plusieurs journaux sont apparus au long des années, dont les plus connus sontO Século, leDiário de Notícias et leJornal de Notícias.
Au Portugal, il existe plusieursrevues, aux sujets variés ; les principaux périodiques portugais sont :
↑.eu, partagé avec les autres pays de l’Union européenne.
↑De 1471 à 1910, les rois de Portugal portent le titre de "Rois de Portugal et des Algarves de ce côté et de l'autre côté de la mer en Afrique" (Rei de Portugal e dos Algarves d’aquém e d’além-mar em África) pour marquer les prétentions et la vocation africaines du pays.
↑Le suffixe "-ippo" que l'on trouve dans les anciens noms de Lisbonne (Olissio) et Leiria (Collipo) est un héritage celte ; VoirLabourdette 2000,p. 16.
↑Depuis cette époque, LaVirgen del Pilar, Vierge du Pilier est la patronne de l’Espagne (et de l’Amérique hispanophone).
↑Dans le domaine de la médecine, des mathématiques, de la trigonometrie, de l'astronomie, de la géographie et de la cartographie.
↑Avec l'importation de nouvelles variétés agricoles et de techniques d'irrigation nouvelles.
↑« A presença árabe-muçulmana na Península Ibérica alargou-se por vários séculos e influenciou a civilização portuguesa, no período decisivo em que se definia o seu ser cultural » (Professor Doutor António Dias Farinha, Directeur de l'Instituto de Estudos Árabes e Islâmicos da Universidade de Lisboa, 1986).
↑La titulature royale de Thérèse de Portugal peut prendre différentes formes, par exemple dans le foral de Talavares, accordé par la comtesse-reine: "D. Tarasia regnante in Portucale, Colimbria, Viseu et Sena [...]", littéralement : « D. Thérèse, qui règne en Portugal, Coimbra, VIseu et Seia (…) ».
↑À la suite de José Mattoso, les auteurs les plus récents ont surmonté le vieux préjugé nationaliste contre ce couple, et ont finalement admis que cette union était un mariage, même si l’église ne l’avait jamais sanctionné.
↑« Henriques » n'est pas un prénom mais un patronyme, dérivé d'un cognomen, construit par sufixation, signifiant « fils d'Henri » :Henrique-s. Ce procédé, destiné à marquer la filiation, et courant à l'époque, est à l'origine de nombreux noms de famille au Portugal : Peres (fils de Pierre), Gonçalves (fils de Gonzalve), Antunes (fils d'Antoine), Álvares (fils d'Albéric), Fernandes (fils de Fernand), etc. Comme tout patronyme, celui-ci ne se traduit pas. La norme encyclopédique est d'ecrire « Alphonse Henriques ».
↑Voyant que l'État portugais des Indes est trop solidement ancré sur le sous-continent Indien et dans la partie occidentale de l'océan Indien, les Néerlandais décident de concentrer leurs efforts sur l'Insulinde, où la présence portugaise est plus éparse, et en butte à une résistance musulmane locale.
↑Dans son discours du 12 octobre 1943, Churchill déclare :« L'annonce que je m'apprête à faire fait suite à la signature d'un Traité entre notre pays et le Portugal en l'an 1373 par sa Majesté le Roi Édouard III, le Roi Ferdinand et la Reine Eléonore de Portugal. […] Cet engagement dure depuis plus de 600 ans et reste sans équivalent dans l'histoire du monde. Permettez-moi de vous faire part de sa dernière applicationChurchill ».
↑Dom Afonso Henriques est proclamé roi de Portugal par ses nobles et ses soldats le à labataille de Ourique.
↑Henri IV est le premier roi d'Angleterre dont la langue maternelle est l'anglais. Et le « droit français », mâtiné de tournures anglaises, ne sera définitivement aboli des Cours de Justice anglaises qu'en 1731. Voir :Le français et les langues historiques de la France, d'Hervé Abalain, éditions Jean-Paul Gisserot,p. 80.
↑Les historiens portugais considèrent que la bourgeoisie urbaine portugaise prend conscience à cette occasion de la puissance politique des masses révoltées. Voir MARQUES, A. H. Oliveira,Breve História de Portugal, Lisboa, Presença, 1998,p. 113-119.
↑Le Portugal obtiendra une extension de sa ZEE au-delà des350 milles si le protocole des Açores est confirmé par les Nations unies.
↑Dans le Code de Justice Militaire. Elle est rétablie pendant la Première Guerre mondiale, en 1916, pour des délits de trahison exclusivement en temps de guerre. Elle est ensuite complètement abolie en 1976 sous le nouveau régime démocratique.
↑En accord avec une bulle papale datant de l'époque de laReconquista.
↑Cela explique le nombre élevé de lusitanismes faisant référence à la flore asiatique dans la langue française. Aujourd'hui encore, d'innombrables termes médicaux viennent de la languetupi, langue pratiquée par les indigènes de l'empire du Brésil, ramenée en Europe par l'intermédiaire des Portugais.
↑Si la langue portugaise est, de très loin, le véhicule central de la littérature portugaise, un certain nombre d'écrivains portugais ont, au fil des siècles, écrit occasionnellement en utilisant d'autres langues, notamment le latin jusqu'auXVIe siècle (Damião de Góis et Uriel da Costa par exemple écrivent encore certains de leurs grands textes en latin), mais aussi le castillan (Gil Vicente, Camões, Sá de Miranda et Rodrigues Lobo étaient parfaitement bilingues, et ont laissé quelques textes en castillan), le français (José Custódio de Faria, Eça de Queiros et Fernando Pessoa ont notamment donné quelques livres, textes et articles en français) ou l'anglais (Fernando Pessoa, parfaitement bilingue anglais, a écrit une petite partie de son œuvre poétique en anglais).
↑On trouve pendant la période de Gharb al-Ândalus quelques poètes musulmans de grande valeur installés définitivement sur le territoire de l'ancienne Lusitanie romaine, notammentAl-Mu'tamid (roi de la taïfa de Seville),Ibn Bassam (à Santarém, alors appelée Xantarim), Ibn'Amar et Ibn Harbun (de Silves).
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↑La carte montre également l'emplacement des lingots d'étain trouvés par la recherche archéologique (points verts), ainsi que d'autres objets en étain dans l'est de la Méditerranée et au Proche-Orient avant 1000av. J.-C. (points jaunes).
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↑Ásia de João de Barros: dos feitos qu'os Portugueses fizeram no descobrimento e conquista dos mares e terras do Oriente, Volume 2, Imprensa nacional-Casa da Moeda, 1988.
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↑Séminaire interdisciplinaireL’empire portugais, entre l’Amérique, l’Afrique et l’Asie : Perspectives coloniales et post-coloniales (XVe – XXIe siècles), organisé par la Délégation en France de la Fondation Calouste Gulbenkian, l'École française d’Extrême-Orient, l'École pratique des hautes études, l'École des hautes études en sciences sociales. Conférence du 26 novembre 2012,Des conquêtes plus lointaines que celles des Grecs et des Romains : aspects politiques et militaires des conquêtes de Goa et de Malacca (1510-1512), présentée par João Paulo Oliveira e Costa, Directeur, Centre d'Histoire d'Outre-mer (CHAM) de l'Université nouvelle de Lisbonne. École française d'Extrême-Orient.
↑Voyage de Pyrard de Laval aux Indes orientales (1601-1611) : contenant sa navigation aux Maldives, Moluques, Brésil, les divers accidents, aventures et dangers qui lui sont arrivés en ce voyage… Suivi de la relation du voyage des Français à Sumatra de François Martin de Vitré (1601-1603), préface de Geneviève Bouchon, notes de Xavier de Castro, éditions Chandeigne, 1999.
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↑Triple substrat largement confirmé et approfondi de nos jours par la recherche et l'enseignement universitaires portugais, avec des départements dédiés.