Leportrait est un genregraphique dont le but est de représenter, de façon ressemblante ou non, un modèle humain. Il s'applique d'abord à la peinture, puis à lasculpture dès l'époque classique. On applique plus rarement le terme à la représentation des animaux bien qu'ils puissent apparaître dans les portraits. Ils n'y ont cependant qu'un statut accessoire, comme dans leportrait équestre. Lorsque le modèle du portrait est le peintre lui-même, on parle alors d'autoportrait[1]. Parmétaphore, on parle également deportrait littéraire[2], musical[3], cinématographique[4], radiophonique[5] ou télévisuel.
Un portrait représente le plus souvent un seul modèle. Les portraits qui représentent plusieurs personnes sont appelés « portraits de groupe », lesquels se subdivisent en plusieurs genres spécifiques dont le portrait de famille.
Au-delà de la volonté de« rendre les absents présents », le portrait témoigne d'un intérêt pour l'individuel et le singulier, à l'opposé, par exemple, de l'allégorie ou de lascène de genre dont le sujet est général. À ce titre, c'est un genre inégalement valorisé selon les époques[6]. L'Antiquité voit apparaître les premiers portraits, par opposition aux représentations génériques ou mythologiques dénuées d'individualité qui existaient déjà auparavant. L'évolution de l'art du portrait a été conditionnée par celle des techniques, du style privilégié ou de son usage.
Dans le mythe deBoutadès rapporté parPline l'Ancien, le portrait est à l'origine de l'art plastique[7]. C'est dans les écrits de Pline que le portrait hérite de sa fonction première de« rendre les absents présents », ainsi que le formuleraAlberti[8]. Il subsiste assez peu de portraits peints de l'Antiquité, à l'exception notable desportraits du Fayoum datant duIIe siècle égyptien.
En Europe, la représentation visant à la ressemblance remonte, pour l'époque moderne, à lapeinture flamande et auxprimitifs italiens duXVe siècle[9]. Auparavant, on trouve principalement deseffigies de profil, comme celles gravées sur les pièces de monnaie. C'est à la Renaissance qu'on exige de l'artiste qui réalise un portrait qu'il reflète la singularité de la personne vivante dans son rapport avec la personne qui le regarde[10]. Les frères de Limbourg et Jan van Eyck représentent ainsi des hommes d'affaires hollandais. Le roi de FranceJean II le Bon est le premier à se faire portraiturer[11]. En 1549, le peintre et essayiste portugaisFrancisco de Holanda écrit ce qui est considéré comme le premier traité sur la peinture de portrait en Europe :Do tirar polo natural[12].
le portrait peint : forme la plus couramment rencontrée dans les arts visuels et la plus diffusée. Les plus anciens vestiges de portrait en peinture datent de l'Antiquité romaine. Les techniques employées sont la détrempe au Moyen Âge et au début de la Renaissance, qui fait place à la peinture à l'huile. La gouache et l'aquarelle sont aussi employées. AuXXe siècle apparaît l'acrylique, qui est employée par les peintres figuratifs américains et se généralise à la fin du siècle. Différents supports sont utilisés, comme le bois, la toile ou même l'ivoire pour les portraits enminiature.
le portrait dessiné : tout aussi ancien que le portrait peint, il se singularise par la grande diversité de ses techniques, qui vont du fusain au crayon, en passant par le lavis d'encre et lepastel, qui constitue une technique intermédiaire entre le dessin et la peinture.
le portrait gravé : plusieurs artistes comme Dürer et Rembrandt pratiquent la gravure appliquée au portrait. On rencontre toutes lestechniques de gravure.
le portrait sculpté : on n'appelle plus en général ces représentations des portraits, mais plutôtstatue, pour les personnages représentés entièrement,statue équestre s'ils sont à cheval,buste, très répandu, pour les représentations du haut du torse et de la tête[16],bas-relief si c'est le cas. La plupart des portraits conservés depuis l'Antiquité sont des sculptures.
lasilhouette : c'est un profil généralement découpé dans une feuille noire, représentant une figure en ombre chinoise. La pratique du portrait en silhouette s'est répandue auXVIIIe siècle.
Au-delà de la représentation de l'apparence d'un être humain, le portrait répond à la volonté de transcrire le caractère d'une personne, sa façon d'être. Le portrait peut révéler également l'image que se fait d'une personne le portraitiste, ou ses sentiments envers elle. Cet aspect peut amener à s'éloigner de l'apparence physique du modèle.
« Au sujet deBerthe Morisot (…) C'est à quoi j'en voulais venir, à sesyeux. Ils étaient presque trop vastes, et si puissamment obscurs queManet dans plusieurs portraits qu'il fit d'elle, pour en fixer toute la force ténébreuse et magnétique, les a peints noirs au lieu de verdâtres qu'ils étaient[17]. »
On peut utiliser pour cela différentes expressions faciales. Les possibilités pour donner sens à un portrait sont assez variées : jeux de lumière, maquillage, coupe de cheveux, lieu du portrait, matériel utilisé (en peinture notamment), flou ou netteté. En dessin, selon les coups de crayon donnés, le portrait peut paraître doux ou agressif.
Il apparaît donc que les problématiques du portrait vont bien au-delà de celle d'une simple ressemblance avec le modèle.Le Désespéré, réalisé par Gustave Courbet, illustre très bien cette pensée[18].
Le portrait peut donc constituer la représentation d'une personnalité en plus d'une représentation physique. Et il peut être le témoignage de la représentation que l'on a (ou que l'on veut donner) d'une personne.
Des peintres ont absolument renié la ressemblance.« Henner estimait qu'un portrait était bon quand il était de la bonne peinture. — Vous m'avez fait un portrait admirable, lui disait une dame, mais il n'est peut-être pas très ressemblant. Et Henner de répliquer, superbe de fureur : — La postérité s'en foutra, matame, te fodre ressemplance[19] ! ».
À la même époque,Madame Cavé discute de l'opportunité d'être précis :« la plupart des portraits vous rendent le service de faire remarquer vos imperfections. C'est agréable! payez donc un peintre pour vous trahir ainsi[20] ». Elle conseille donc :« Cherchez toujours le beau en peignant les figures, et ce qu'elles ont de laid deviendra beaucoup moins visible, ou même disparaîtra (…) J'appelle ressemblant le portrait qui plaît à nos amis, sans que nos ennemis puissent dire : « C'est flatté »[21] ». Constatant la rareté des bons peintres de portrait, selon cette définition, elle compare avec ledaguerréotype.« sur cent, il n'y en a pas un de supportable » et conclut« pour faire un portrait il faut être très savant ou très ignorant (…) Un ignorant voit très peu de choses dans une figure. Il voit l'essentiel, c'est-à-dire, outre l'ensemble des traits, cet air du visage qui fait qu'on ne prend pas un individu pour un autre. (…) les grands talents savent rester naïfs en cherchant la couleur et le dessin : non-seulement leurs portraits sont ressemblants, mais ce sont des œuvres d'art que la postérité gardera[22] ».
La critique d'art peut isoler un cadre dans unepeinture de bataille, dans unepeinture d'histoire ou unescène de genre et parler de portrait pour cette partie, pour indiquer que le personnage qui s'y trouve représente les traits d'une personne connue, comme l'artiste, un général, le commanditaire de l'œuvre ; on parle alors de « portrait contextuel »[23].
les vues deprofil perdu, de dos, ne sont pas généralement considérées comme des portraits, mais on peut trouver l'expressionportrait de dos dans la description d'une partie d'une œuvre, quand le personnage dont il est question est identifié ;
suivant la position de la personne :
debout,
assis,
à cheval.
Les portraits se différencient aussi par le fond, qui, selon les époques et les écoles, peut être uni, à peine traversé d'une vague lumière, ou au contraire détaillé, décrivant un intérieur, un paysage, une nature morte, qui viennent compléter les indications sur la position sociale du sujet que donnent toujours ses vêtements.
Un portrait qui accentue les traits caractéristiques d'une personne est unecaricature. La caricature, plus que tout autre portrait, vise à la ressemblance ; alors que le portrait commandé par la personne qu'il représente vise à rapprocher son image d'un idéal esthétique, en recherchant les angles favorables à ce projet et en atténuant les traits qui pourraient l'en éloigner, la caricature, à l'inverse, exalte le particulier. Le portrait chargé met en évidence le aspects singuliers et, puisque dans le sentiment esthétique occidental, la question des proportions et de la régularité est importante, il amplifie les anomalies[25].
Dans de nombreuses cultures du monde, les activités liées à la mort comprennent des images du défunt, de toutes sortes, d'existence temporaire pour les cérémonies funèbres, ou permanentes sur les sépultures ou au domicile des descendants[26].
Art copte
Peints sur des planchettes intégrées au voile qui entourait le corps du défunt ou sa momie, ces portraits pouvaient rechercher la ressemblance.
Art occidental
Le portrait funéraire, ou portrait mortuaire, découle en Occident de la tradition de vénération du corps du souverain défunt. Grâce à la photographie, cette pratique se démocratisa auXIXe siècle et auXXe siècle[réf. souhaitée].
Sous la République Romaine, l'art du portrait mortuaire se développe chez l'aristocratie qui bénéficie d'un "droit d'image" (ius imaginum). Ce droit leur permet de conserver des effigies de leurs ancêtres les plus prestigieux. Au départ ces effigies, conservées dans l'atrium, se présentent sous la forme de masques de cire moulé à partir du visage du défunt, appelésimago. Par la suite ces effigies prendront la forme de buste, portraits en marbre ou en bronze. Au vu de leur fragilité, l'archéologie n'a pas conservé de traces de ces masques, à l'exception du masque de la jeune Claudia Victoria (10ans) découvert dans sa tombe à Lyon[27].
Extrême-Orient
La Chine et le Japon connaissent le portrait d'ancêtre[réf. souhaitée].
Toute communauté humaine se connaît à travers une série demétaphores dans lesquelles des fonctions sociales se relient à des parties du corps. En particulier, les échelons supérieurs de la hiérarchie politique sont la « tête » ou le « chef », ce qui est la même chose, de l'État. La représentation de la tête de cette tête de l'État vautallégorie de la collectivité ; aussi dans la plupart des pays, le portrait du chef de l'État apparaît dans tous les bâtiments publics. Les portraits officiels sont largement diffusés. Ils permettent aux particuliers d'afficher leur adhésion à la collectivité et à son mode de gouvernement.
La surabondance de tels portraits, notamment leur présence dans les résidences privées, peut être la marque d'unculte de la personnalité, à l’œuvre dans de nombreux régimes monarchiques ou autoritaires. Dans d'autres cas, c'est le portrait du fondateur du régime qui sert d'emblème après sa mort, tandis que les personnes effectivement responsables restent dans un relatif anonymat.
Sous le règne d'Auguste, le portrait officiel est un élément de la politique impériale. Les effigies de l'empereur sont soumises à une stricte codification iconographique réglant jusqu'à la distribution des mèches sur le front. SousCaligula, le portrait est un véritable outil de propagande. C'est pourquoi ladamnatio memoria de l'empereur s'accompagne de la destruction de ses effigies[28]. Si la noblesse et la sévérité de ces portraits s'accompagne sous le règne deVespasien d'un retour au réalisme républicain et d'une recherche de virtuosité sous la dynastie desSévères, la stylisation marque ensuite la statuaire impériale en Orient après la séparation des Empires d'Orient et d'Occident.
Portrait de Maria Clarisse, épouse de Jan van den Wouver, avec son enfant, parAntoine van Dyck.
AuXVIIe siècle et auXVIIIe siècle, les portraits prirent une importance croissante. Dans une société de plus en plus dominée par une bourgeoisie au centre de puissantes cours, la représentation d’individus luxueusement vêtus à côté de symboles de puissance et de richesse temporelle contribuait de manière efficace à l’affirmation de son autorité.Van Eyck etRubens excellèrent dans ce genre.
Les artistes manifestent alors un intérêt grandissant pour la compréhension des sentiments humains. En 1727, le libraire Audran publie les conférences deCharles Le Brun à l'Académie sur les passions, accompagnées de ses dessins[30]. Ces études se destinent à la peinture d'histoire ; le portrait recherche plutôt la dignité et la permanence.Diderot explique que le visage porte la marque des sentiments habituels, qui sont l'objet du portrait[31].Fragonard tente d'échapper au caractère statique en représentant cet auteur la plume à la main, se détournant vers une visite ; cette leçon ne sera pas perdue, et le portrait équestre deNapoléon Bonaparte parJacques-Louis David le met en scène dans une action symbolique de chef d'armée. Ce sont là cependant des exceptions. Le portrait est généralement posé ; il est le plus souvent grandeur nature et la taille du tableau correspond à la partie représentée et au prix payé : visage, buste, mi-corps, corps entier.
Depuis sa création auXVIIe siècle, l'Académie a considéré le portrait comme un genre inférieur. Les impressionnistes tels queMonet,Degas ouRenoir poursuivent cette tradition. Ils ne s'intéressent pas au portrait, mais à la peinture pour elle-même, la lumière, les effets de couleurs. Leurs modèles sont leur famille et leurs amis, mais ce ne sont pas leurs clients. Au début du siècle suivant, les artistes poursuivent dans la même voie, s'affranchissant des contraintes de ressemblance visuelle, au profit d'expérimentations graphiques.Pablo Picasso peint de nombreux portraits, dont plusieurs portraits cubistes où le modèle est à peine reconnaissable. Les artistes, en dehors de cette petite frange très visible, vivent du portrait de commande, et peuvent acquérir dans cette spécialité une grande réputation, commeFantin-Latour ouBlanche.
L'anthropométrie judiciaire fait usage de photographies decadrage parfois similaire à celui du portrait, mais dont le but n'est pas de représenter la personnalité du sujet, mais exclusivement les caractéristiques physiques auxquelles il ne peut échapper.
Le portrait sculpté se désigne, à l'heure actuelle, comme « statue », si le modèle est représenté en pied ou à cheval, ou « buste » si la sculpture se limite à la tête et aux épaules[16]. Après Franz Xaver Messerschmidt et Houdon,Coysevox s'est illustré, auXVIIe siècle; entre autres, comme sculpteur de portraits en buste.
Les sculpteurs ont aussi modelé des portraits en terre et en cire, soit pour être peints à l'effigie du vivant, soit pour être fondus en bronze.
Le portrait en cire dérive peut-être des pratiques funéraires[réf. souhaitée]. Au Moyen Âge des figures de cire étaient laissées dans les églises enoffrandes votives (ex-voto)[33]. Des masques funéraires en cire des monarques et autres personnalités étaient réalisés en France à partir des funérailles de Charles VI (1422 – et jusqu’à celles d’Henri IV en 1610[34]) et au Royaume-Uni.
Des effigies de cire furent aussi utilisées dans le cadre de rites de magie noire[réf. souhaitée].
Alfonso Lombardi (1488-1537) et Antonio Abondio (1538–91), sculpteur et medailleur, firent partie des pionniers du portrait en cire, peint et en relief. Abondio travailla en particulier pour les Habsbourg et les autres cours d’Europe du Nord ; son fils Alessandro prit sa succession.
Cette section ne prétend pas faire un inventaire exhaustif de tous les portraits réalisés au cours de l'histoire de la peinture. Elle se contente de présenter, à titre d'exemple, un choix représentatif de chaque époque à travers quelques tableaux — connus ou moins connus — de peintres célèbres pour leur art du portrait.
Il se dégage en effet plusieurs types de portraits en peinture (exemples extraits du catalogue des collections italiennes dumusée des beaux-arts de Chambéry, France) :
On va surtout le trouver dans le roman, par exemple chez Scarron qui l'utilise dans Le Roman comique, ou chez Madame de La Fayette dans La Princesse de Clèves. Molière l'exploitera aussi, par exemple dans la fameuse galerie de portraits dressée par Célimène dans Le Misanthrope.
Chez les auteurs de mémoires comme le Cardinal de Retz ou Saint Simon, le portrait sert souvent de pause narrative, élogieux voire satirique, il sait faire valoir son auteur. Tous les moralistes que sont ces auteurs mais surtout La Bruyère ou encore La Rochefoucauld vont le développer.
Critères physiques: traits du visage, allure, pose du corps.Critères psychologiques, moraux: sentiments, caractère, pensées des héros.Critères sociaux: appartenance à un milieu défini, vêtements, habitat, langage, métier, fréquentations, idéologies.
En outre le portrait peut prendre des formes très différentes.
Il peut se présenter sous forme argumentative.Il peut être positif ou négatif, faire l'éloge ou le blâme d'un personnage.Il peut être purement narratif et renseigner simplement sur le héros.Il peut témoigner, en donnant le point de vue en focalisation interne d'un personnage.Il peut être purement documentaire et révéler les conditions de vie difficiles ou aisées des protagonistes.Il peut être imaginaire et poétique, par exemple dans l'évocation d'un personnage rêvé, mort, irréel ou encore absent.Il peut aussi être réaliste et contribuer à rendre vraisemblable un type de personnages. Enfin le portrait se doit d'être au service du langage : décrire, c'est savoir manier le détail à la nuance près, avec art.
Disons donc que le portrait a toujours un objectif et une fonction. Il est le reflet, la traduction des intentions de l'auteur ou du personnage qui l'emploient et il est indispensable pour bien comprendre le récit qui l'utilise et dans lequel il est inséré.
GeorgesDidi-Huberman, « Ressemblance mythifiée et ressemblance oubliée chez Vasari : la légende du portrait sur le vif »,Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée,vol. 106,no 2,,p. 383-432(lire en ligne).