Laporte d’Ishtar est une des huit portes de la cité intérieure de la ville deBabylone, dans laMésopotamie antique. Située au nord-est de la ville, elle est traversée par la voie processionnelle qui est l'artère principale de la ville et la plus importante sur le plan cérémoniel. Elle est construite vers[1] (empire néo-babylonien) sur ordre du roiNabuchodonosor II. Cette porte est dédiée à la déesseéponymeIshtar. Elle a été dégagée lors des fouilles de la ville du début duXXe siècle, à la suite desquelles elle a été partiellement reconstruite aumusée de Pergame deBerlin.
La porte d’Ishtar est l’aboutissement de la voie processionnelle au nord de la ville intérieure de Babylone. Son nom cérémoniel estIštar-sakipat-tebiša, ce qui peut être traduit par « Ishtar est victorieuse de ses ennemis » ou « Ishtar renverse ses assaillants ».
Elle est attestée pour la première fois dans la tablette V du texte topographiqueTINTIR = Babilu, daté duXIIe siècle av. J.-C., qui comprend une description de la géographie sacrée de Babylone, et donne les noms cérémoniels de ses principaux édifices. La Porte d'Ishtar n'est pas attestée dans les textes de lapremière dynastie de Babylone (v. 1900-1600 av. J.-C.). À cette époque la ville pourrait couvrir un espace plus réduit que par la suite, auquel cas ses murailles ne s'étendraient pas jusqu'à l'emplacement de la porte, mais ce point est débattu. On ne sait pas exactement quand le tracé définitif de la ville intérieure de Babylone est établi : il serait au moins en place sous ladynastie kassite (v. 1500-1155 av. J.-C.), puisque le mur intérieur de Babylone (Imgur-Enlil) semble attesté à la fin de cette période ; ou alors juste après sous laseconde dynastie d'Isin, en tout cas avant la rédaction deTINTIR qui est écrit au plus tard vers si on suit la proposition d'A. George. Le plan de la ville de Babylone qui ressort de ce texte ne semble pas altéré durant les siècles suivants et est repris lors des reconstructions de l'époque de domination assyrienne (747-626 av. J.-C.) puis celles de l'empire néo-babylonien (626-)[2].
Quoi qu'il en soit les états de la porte d'Ishtar antérieurs à la fin duVIIe siècle av. J.-C. ne sont pas connus par l'archéologie. La porte est reconstruite sous le règne deNabuchodonosor II (604-), en même temps que d'importants travaux d'aménagement modifient le secteur de la ville où elle se trouve, qui comprend deux palais royaux. Ces aménagements s'accompagnant d'une surélévation de ces constructions dont les fondations anciennes semblent avoir été à cette époque très érodées par la nappe phréatique[3]. Plusieurs reconstructions ont lieu sous Nabuchodonosor. Dans un premier temps la porte est reconstruite avec une façade en briques crues non émaillées comprenant des taureaux et dragons. Mais les réaménagements du palais voisin entraînent une modification du tracé des fortifications, qui sont avancées vers l’extérieur et surélevées, ce qui oblige par suite à relever également la voie processionnelle, et donc la porte d'Ishtar. Cette surélévation se fait en prenant appui sur la porte de la phase précédente. C'est à ce moment que l'édifice reçoit son parement en briques àglaçure, qui n'est jamais achevé. On en profite également pour dégager une esplanade d'une trentaine de mètres de long à l'entrée de la ville[4]. De nouveaux aménagements du secteur palatial conduisant à une nouvelle élévation de la voie processionnelle, la porte d'Ishtar doit être aménagée une troisième fois, sous le même modèle que précédemment. C'est son état final[5].
« Quant à « Ishtar renverse ses assaillants ! », les entrées des deux portes, celle d'Imgur-Enlil et celle de Nimit-Enlil, étaient devenues trop basses à cause du remblaiement de la Rue de Babylone (la Voie processionnelle). Je démolis ces portes et je posai à nouveau leurs fondations, en bitume et en briques cuites, jusqu'au niveau de la nappe d'eau. »
— Extrait d'une inscription deNabuchodonosor II, commémorant la reconstruction de la porte d'Ishtar[6].
Sur les murs des portes se trouvent des rangées de taureaux et de dragons, censés assurer une protection symbolique à la porte, invoquant le pouvoirapotropaïque de ces créatures et peut-être aussi celui des dieux auxquels elles sont associées. Le taureau(rīmu) est représenté la tête légèrement baissée, comme s'il voulait charger un ennemi ; il symbolise le dieuAdad, le dieu de l’Orage. Le dragon(mušhuššu) est une créature hybride : une queue et un corps de serpent, les pattes arrière en serres d’aigle ; il est représenté avec la langue apparente, la tête et la queue relevées ; il symboliseMarduk, le dieu tutélaire de Babylone, et également son filsNabû. La voie processionnelle est quant à elle ornée de représentations de lions(nēšu), animal-attribut d'Ishtar, qui ne se retrouve pas sur la porte à son nom. D'après des inscriptions commémoratives de Nabuchodonosor II, on sait que des représentations sur briques glaçurées de taureaux et dragons se trouvaient également sur les autres portes de la ville qui n'ont pas été fouillées, et que des statues en bronze de ces mêmes animaux étaient disposées sur leurs rebords[8].
Sur la porte on peut également noter la présence d’une inscription de Nabuchodonosor II signifiant les détails de la construction, comme sur la voie processionnelle.
Décors de la porte d'Ishtar
Dragons et taureaux sur la porte d'Ishtar. Musée de Pergame.
L'ensemble daté d'environ 2 600 ans, qui a été entièrement reconstitué à partir de briques vernissées originales[9], est conservé aumusée de Pergame deBerlin. La porte d'Ishtar a pu être reconstruite à partir de fragments trouvés sur place par l'archéologue allemandRobert Koldewey qui menait des fouilles dans la métropole mésopotamienne depuis 1899. En 1927, 800 boîtes contenant des centaines de milliers de fragments de briques furent envoyés vers la capitale de laRépublique de Weimar. Le successeur de Koldewey, l'archéologue allemandWalter Andrae, a fait reconstruire une partie de la porte à partir des fragments collectés, correspondant à la porte intérieure.
La porte d'Ishtar reconstituée au musée de Pergame, à Berlin.
La porte d'Ishtar reconstituée au musée de Pergame.
Plans et images des fouilles
Vue générale des ruines depuis le nord.
Ruines de tours orientales de la porte.
Dessin représentant une partie de la porte : les briques glaçurées surmontent les parties anciennes non glaçurées, qui sont enterrées et réemployées comme fondations.
Photographie de la section précédente.
Proposition d'élévation des tours par Koldewey, à partir des ruines restantes.
JoachimMarzahn,La porte d'Ishtar de Babylone, la Voie processionnelle, la fête du Nouvel an à Babylone, Berlin et Mayence, Staatliche Museen zu Berlin et Philipp von Zabern,
↑Di Chiara, Anita, et al., (January 17, 2024)."An archaeomagnetic study of the Ishtar Gate, Babylon", in: PLOS ONE: "The vertical line is placed at 569 BCE, which is where the mean crosses the LAC. This proposed date for the construction of the gate supports the suggestion that the gate complex was built after the successful Babylonian campaign to Judah and Jerusalem in 586 BCE. However [...] the recorded intensity for the time of the gate’s construction (136±2.1 ZAm2) is significantly different than the one recorded for the time of Jerusalem’s destruction layer (148.9±3.9 ZAm2)."